le Mardi 11 novembre 2025

Noëlla Arsenault raconte que quelques jours avant son entretien avec Francopresse, sa petite-fille l’a appelée pour lui dire que son enseignante avait parlé d’elle, dans son cours d’histoire. «Madame [l’enseignante] pleurait», lui a dit sa petite-fille. «Elle était fière que vous ayez fait ça.»

Elle estime avoir rempli son devoir, mais Noëlla Arsenault a aussi rencontré de la résistance. «Toutes les semaines, on était sur la télévision, on était à la radio, c’était une grosse affaire. Les anglophones n’en voulaient pas. Les francophones de chez nous n’en voulaient pas.» 

Photo : Noëlla Arsenault

La poursuite que Noëlla Arsenault a intentée au milieu des années 1990 contre le gouvernement de l’Île-du-Prince-Édouard a secoué la communauté, mais aujourd’hui, de nouvelles générations peuvent fréquenter une école de langue française. Sa petite-nièce, par exemple. «Ça, ça me fait chaud au cœur», dit-elle.

Dans les années 1990, il n’y a que des écoles anglaises à Summerside, où Noëlla Arsenault a élevé ses quatre enfants.

Depuis le début des années 1980, les parents de cette ville prince-édouardienne demandent à répétition une école de langue française dans leur communauté, sans succès.

Le conseil scolaire régional (de langue anglaise) les dirige plutôt vers l’école d’immersion française de leur collectivité ou vers l’école de langue française d’Abram-Village — ce qui impose aux enfants un trajet d’une heure en autobus scolaire.

L’avocat Robert McConnell fera valoir, en Cour suprême, que «62% de tous les enfants ayants droit fréquentent les écoles de langue anglaise». Et parce que ces élèves fréquentent l’école en anglais, leurs enfants – les petits-enfants de Noëlla Arsenault par exemple – perdront le droit de fréquenter l’école en français.

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La cause

En 1994, un groupe de parents réitère la demande d’ouvrir une école élémentaire de langue française à Summerside. Une variable a changé : quatre ans plus tôt, la Commission scolaire de langue française de l’Île-du-Prince-Édouard avait été créée. Celle-ci accepte la demande, et 34 élèves s’inscrivent à cette école à naitre.

Pour le juriste Mark Power, l’arrêt Arsenault-Cameron est une pierre à l’édifice des droits linguistiques. «Ça a aidé d’autres jugements importants. Ça a aidé dans Doucet-Boudreau en 2003, dans Rose-des-Vents en 2015 et dans CSFCB en 2020, pour ne nommer que trois exemples.» 

Photo : Kaoverii Photos

Le ministre de l’Éducation de la province s’interjette et rejette cependant la proposition, préférant maintenir le transport scolaire.

Noëlla Arsenault-Cameron, Madeleine Costa-Petitpas et la Fédération des parents de l’Île-du-Prince-Édouard sollicitent les services de l’avocat Robert McConnell. Il n’hésite pas à s’engager dans l’affaire. «C’est une cause que je prends à cœur; c’est personnel», témoigne-t-il dans un échange de courriels avec Francopresse.

En appel, la Cour provinciale donne raison au ministre, qui estime que l’enseignement dispensé dans une école de langue française à Summerside serait inférieur sur le plan pédagogique à celui qui est dispensé aux enfants de la majorité linguistique officielle.

La question est portée en Cour suprême du Canada en juin 1998 et, le 13 janvier suivant, les juges de la Cour suprême confirment que le ministère de l’Éducation n’a pas droit de regard sur les sites où le conseil scolaire peut offrir des programmes éducatifs.

Dans leur décision, les juges Michel Bastarache et Jack Major évoquent le caractère réparateur de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, le besoin d’établissements locaux et la notion d’égalité.

Mon rôle s’apparentait à celui d’un chauffeur de limousine. J’avais bien préparé la cause et je l’avais emmenée à la Cour suprême afin que le juge Bastarache puisse établir son héritage juridique en ce qui concerne les droits linguistiques des francophones. En d’autres mots, je n’avais personne à convaincre.

— Robert McConnell

Dès septembre 2000, la Commission scolaire de langue française de l’Île-du-Prince-Édouard ouvre une école à Summerside, une à DeBlois et une à Rustico, rapporte La Voix acadienne. Une autre suit à Souris, en 2003.

Une pierre à l’édifice

Déjà, en 1982, la Charte accorde aux minorités de langue officielle le droit d’être éduquées dans leur langue là où le nombre le justifie. Cette nouvelle obligation constitutionnelle se double d’une vocation réparatrice.

L’arrêt Mahé de 1990 affirme l’importance de la pleine gestion scolaire et de la création de milieux homogènes, «parce que les écoles ont non seulement une vocation éducative, mais une vocation de pérenniser la langue et la culture», rappelle le professeur de droit de l’Université d’Ottawa, François Larocque. L’arrêt a propulsé la création de conseils scolaires de langue française.

L’arrêt Arsenault-Cameron, lui, est venu rappeler aux gouvernements la légitimité des recommandations formulées par les conseils scolaires.

L’avocat spécialiste en droits linguistiques Mark Power se réfère presque quotidiennement à l’arrêt Arsenault-Cameron, en particulier aux paragraphes sur le rôle du ministre : «Le ministre […] ne pouvait pas non plus substituer sa décision à celle de la Commission simplement parce qu’il ne pensait pas qu’elle avait pris une bonne décision.»

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Un système en pleine croissance

À la Commission scolaire francophone de l’Île-du-Prince-Édouard, le nombre d’élèves a plus que doublé depuis 2000. Ghislain Bernard, un ancien de l’École Évangéline, dirige aujourd’hui la Commission scolaire. Il rapporte que «les effectifs sont passés de 588 en 2000 à 1256 aujourd’hui.»

L’affaire Arsenault-Cameron a eu une incidence directe sur le choix de carrière de François Larocque, alors stagiaire à la Cour d’appel de l’Ontario et aujourd’hui professeur de droit à l’Université d’Ottawa. «Ça m’a habité, ça m’a suivi. J’ai décidé peu après de me concentrer dans les droits linguistiques.» 

Photo : Courtoisie

Partout au pays, «on se rend compte que l’éducation dans la langue de la minorité, ça veut dire plus d’écoles, plus d’infrastructures, plus de profs, plus de ressources», commente l’avocat Pierre Foucher, qui a représenté la Commission scolaire de langue française de l’Île-du-Prince-Édouard devant la Cour suprême.

Il poursuit : avec des ressources limitées, c’est souvent un casse-tête pour les gouvernements de répondre aux besoins croissants de la minorité. D’ailleurs, cinq ans après la décision de 2020 concernant le financement des écoles en Colombie-Britannique, «on est encore empêtrés dans les détails de la mise en œuvre», illustre-t-il.

«On est rendu à gérer la croissance du système scolaire francophone hors Québec», conclut celui qui est devenu professeur de droit à l’Université d’Ottawa.

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Une expérience comparable ou des coins ronds?

Les affaires Mahé et Arsenault-Cameron ont permis de préciser le concept d’expérience éducative comparable, résume Mark Power. Il le sera davantage à la suite des appels opposant le ministère de l’Éducation de la Colombie-Britannique à l’Association des parents de l’école Rose-des-vents, en 2015, et au Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique, en 2020.

La Cour suprême établit alors qu’une province ne peut pas évoquer des raisons économiques pour refuser de construire de nouvelles écoles.

Malheureusement, on a des gouvernements qui continuent à tenter d’esquiver leurs obligations.

— François Larocque

Si un gouvernement ne respecte pas les droits linguistiques, fait-il valoir, «le droit peut s’éteindre pour les générations futures.»

C’est précisément ce risque d’extinction intergénérationnelle qui a poussé Noëlla Arsenault-Cameron à agir, en 1995.

Et si c’était à refaire?

À l’Île-duPrince-Édouard, lorsque les anglophones ont appris que plus de 6 millions de dollars seraient investis pour construire l’École-sur-Mer de Summerside, «une quasi-révolte a éclaté», écrit le juge Michel Bastarache dans ses mémoires (Ce que je voudrais dire à mes enfants, Presses de l’Université d’Ottawa, 2019, p. 282).

Érigée en 2002, l’École-sur-Mer de Summerside est l’une des écoles nées de la cause. Elle comptait 265 élèves en septembre 2023. 

Photo : Marcia Enman – La Voix acadienne

Même au sein de la communauté francophone, il y a eu des dissensions.

Mais si c’était à refaire, Noëlla Arsenault plongerait à nouveau. Cette fois, elle protègerait sa famille. «Personne ne savait ce que ça allait faire. Alors on n’avait aucune manière de se préparer pour tout ce qui s’est passé.»

Ses enfants ont été harcelés. Ils ont beaucoup souffert. «Encore des fois, ils me racontent des choses… Aïe, aïe, aïe», se désole-t-elle.

Son combat a jeté un éclairage sur les valeurs qu’ont voulu lui transmettre ses grands-parents et arrière-grands-parents, défenseurs de la vie et de l’éducation en français dans l’Île.

«Encore aujourd’hui, ça me fait chaud au cœur quand je rencontre des jeunes et qu’ils me disent qu’ils ont été à l’École-sur-Mer», témoigne-t-elle. Elle dit fièrement n’avoir fait que son devoir : «Un centre scolaire c’est primordial pour une communauté qui veut s’épanouir.»

Si vous aviez déjà la tête dans votre sapin de Noël le 16 décembre, vous avez peut-être manqué la démission pourtant fracassante de la ministre des Finances, Chrystia Freeland. Sa lettre, qui ne cachait pas qu’elle avait perdu confiance en son chef, a provoqué une tourmente qui a mené à la démission de Justin Trudeau, le 6 janvier.

Après cette nouvelle retentissante, le premier ministre a annulé toutes les entrevues de fin d’année à son horaire. Seul Mark Critch de l’émission humoristique de la CBC This Hour Has 22 Minutes a eu le temps d’en enregistrer une avant la lettre fatidique.

De son côté, le chef du Parti conservateur, Pierre Poilievre, a donné trois entrevues : avec le Winnipeg Jewish Review, La Presse et le commentateur controversé Jordan Peterson. Cette dernière entrevue est de loin la plus longue, mais aussi celle qui en dit le plus sur la stratégie de communication conservatrice.

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Jordan Peterson s’élève contre le Marxisme et le postmodernisme, mais sa compréhension des deux concepts est très «grossière», avance un rédacteur du Historical Materialism, Harrison Fluss. 

Photo : Adam Jacobs – CCA2.0

Parallèles

Jordan Peterson est un psychologue ontarien qui a perdu son permis d’exercice. Le Collège des psychologues de l’Ontario a jugé qu’il «avait fait des commentaires dégradants, dénigrants et non professionnels» à travers des messages sur Internet qui visaient entre autres la transition de genre et les changements climatiques. Il fraie dans les mêmes eaux que Joe Rogan, animateur du balado le plus écouté de la planète, sans cependant atteindre le même niveau de popularité que ce dernier.

Les deux animateurs abordent des sujets relativement diversifiés, parlent à des experts, mais ne se gênent pas pour ouvrir leur micro à des gens qui ont des points de vue divergents, parfois un peu détachés de la réalité.

Leur public a aussi beaucoup de similitudes. Peterson était d’ailleurs l’invité de Rogan en juillet dernier.

Or, quelle entrevue a le plus marqué les esprits lors de la campagne électorale américaine? Donald Trump au micro de Joe Rogan.

Il n’est pas question ici de comparer les deux hommes politiques. Pierre Poilievre n’est pas une version canadienne de Donald Trump. Le parallèle entre les deux animateurs montre plutôt que l’équipe conservatrice s’inspire du plan de communication républicain.

Courtiser le vote des jeunes

Quand Justin Trudeau a remporté l’élection fédérale de 2015, il avait l’appui d’une grande partie des jeunes. Il avait trouvé la façon de leur parler. Après presque 10 ans au pouvoir, il a perdu de son attrait auprès de cette tranche de la population ou ne sait plus comment la séduire.

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Les conservateurs ont rapidement repris le flambeau. Ils ont maintenant la recette secrète… en partie copiée sur le pupitre du voisin.

Des observateurs de la politique des États-Unis rapportent que le camp démocrate a vécu la même chose que les libéraux fédéraux canadiens, ce qui a entrainé leur défaite lors des élections de novembre 2024.

Les démocrates étaient déconnectés de l’électorat et ne parlaient pas aux jeunes, surtout aux jeunes hommes. Donald Trump a fait des entrevues à des balados qui s’adressent principalement aux jeunes hommes. Y compris celui de Joe Rogan.

Jordan Peterson parle principalement aux jeunes hommes qui sentent que la société s’est retournée contre eux.

Pour sauver les meubles, les libéraux ont besoin de bien plus qu’un nouveau chef. Ils ont besoin de réviser entièrement leur message et leur plan de communication.

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«On s’est rendu compte, dans les dernières années, que les surfaces sont beaucoup plus sombres. Comme résultat, on voit des taux élevés de fonte des surfaces des glaciers», rapporte Brian Menounos, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur l’évolution des glaciers.

«L’an dernier, on a observé une fonte des glaces comme jamais avant. C’était sans précédent, extrême», dit-il.

Selon de récentes projections de l’Organisation des Nations Unies, on peut s’attendre à perdre 50 % des glaciers dans le monde d’ici 2100 (à l’exception du Groenland et de l’Antarctique), même si le réchauffement climatique est limité à 1,5 ° Celsius.

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Un manteau noir au soleil

Pour comprendre l’impact de l’assombrissement sur la fonte des glaciers, l’autrice albertaine Lynn Martel propose l’analogie suivante : «Quand c’est sombre, le Soleil tape plus fort, et ça fond. C’est la différence entre un teeshirt noir ou un teeshirt blanc l’été, c’est plus frais avec un teeshirt blanc.»

Des mètres de glace perdue

«L’année 2023 a été spectaculairement catastrophique», confirme le chercheur en sciences physiques à Ressources naturelles Canada, Mark Ednie, qui surveille des glaciers de l’Ouest canadien depuis des années.

Mark Ednie, entouré de moraines, dans le parc Nahanni (Territoires du Nord-Ouest) dont le glacier est visible sur la gauche. 

Photo : Mark Ednie

Le glacier albertain Peyto le préoccupe particulièrement. Celui-ci a perdu entre 6 à 7 mètres d’épaisseur de glace à son extrémité en une année, signale le chercheur dans une étude à paraitre prochainement. «Ça fond même au haut du glacier, dit-il. On n’a jamais vraiment vu ça auparavant.»

Au parc national Nahanni, dans les Territoires du Nord-Ouest, la pointe du glacier a perdu de 4 à 4,5 mètres de glace. Le glacier Saskatchewan et le glacier Athabasca, dans les Rocheuses, ont tous les deux perdu entre 6 et 7 mètres.

«Ça ne devrait pas fondre autant», s’inquiète Mark Ednie.

Le glacier Peyto, en Alberta, en aout 2011. 

Photo : Lynn Martel

Le glacier Peyto, le 1er septembre 2023. 

Photo : Lynn Martel

Le glacier Saskatchewan, en Alberta, le 15 juillet 2023. 

Photo : Lynn Martel

Le fait qu’il ait moins neigé lors de l’hiver 2023-2024 n’aide pas, ajoute le spécialiste. La neige qui trônait auparavant sur le haut de certains glaciers a désormais fondu.

«Ça m’a ouvert les yeux, je n’ai jamais vu ça avant. Par exemple, quand je volais au-dessus du champ de glace Columbia, j’ai vu des crevasses où je n’en n’ai jamais vu avant, juste parce qu’il n’y a plus de neige pour les remplir.»

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Mais les glaciers, c’est censé fondre, non?

La réponse simple est oui. Toutefois, les glaciers sont en situation de déséquilibre : ils perdent plus de masse qu’ils en gagnent chaque année. Le scientifique Brian Menounos compare un glacier à un compte bancaire.

«Si on commence avec 10 000 $, et qu’on paie des factures annuellement, on enlève toujours de l’argent. Mais on a aussi un salaire. Si on est financièrement responsable, la balance reviendra à 10 000 $. Mais ce qui arrive dans le cas des glaciers, c’est qu’on retire plus d’eau qu’on en ajoute. La balance est négative.»

Les forêts brulent, les glaciers fondent

«La saison des incendies de forêt au Canada en 2023 a été la plus destructrice jamais enregistrée», lit-on sur le site Internet du gouvernement canadien.

«Nous savons que l’activité des feux de forêt augmente dans un climat chaud, simplement parce que la matière brule plus facilement», explique Brian Menounos.

Des «impuretés», apportées par les feux de forêt, viennent se poser sur la surface des glaciers, créant une couverture plus sombre. C’est un problème, car une surface plus claire permet de refléter l’énergie des rayons de soleil, diminuant ainsi la fonte.

«Il y a aussi l’effet de la fumée qui provient des feux, poursuit le scientifique. Pendant le jour, la fumée réduit l’énergie de la lumière du soleil. Il y a donc une sensation de fraicheur. Mais la nuit, ça change. La fumée agit comme un nuage en réémettant l’énergie.»

Cette réémission de l’énergie contribue, selon plusieurs recherches, à l’accélération de la perte de masse des glaciers.

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«Pénible à voir»

Lynn Martel, une autrice albertaine qui escalade et campe sur des glaciers depuis des années, dit avoir remarqué de grands changements entre 2022 et 2024 : «À chaque autonome, ils sont plus petits que l’année précédente.»

«C’est pénible à voir, confie-t-elle. Quand on connait la région, on le voit [à l’œil nu]. Ce sont surtout les randonneurs, les grimpeurs, les alpinistes et les skieurs, et souvent des plus anciens. Les plus nouveaux ont moins de points de comparaison.»

Pour ces aventuriers, les conditions sont de plus en plus dures. «Les Bugaboos [chaine de montagne en Colombie-Britannique NDRL] sont une destination réputée pour les grimpeurs. C’est spectaculaire. Il y a une route pour les monter, mais c’est devenu de plus en plus dangereux parce qu’il y a de moins en moins de glace qui tient les roches ensemble. C’est devenu une grande allée de bowling», raconte-t-elle.

Le glacier Bugaboo, en Colombie-Britannique, le 28 juillet 2017. Photo : Lynn Martel

Photo : Lynn Martel

Le glacier Bugaboo, en Colombie-Britannique, le 2 aout 2023. Photo : Lynn Martel

Photo : Lynn Martel

Lynn Martel a grimpé le mont Fay, en Alberta, il y a environ 15 ans. Aujourd’hui, impossible de gravir, selon elle. «Il ne reste plus de neige sur la glace, donc c’est juste de la glace nue. Une glace d’un bleu très foncé et couverte de roches.»

«C’est un endroit parmi d’autres que des gens sur Facebook prennent en photo pour dire que ce n’est plus grimpable», ajoute l’autrice de Stories of Ice, un livre portant sur les glaciers de l’Ouest canadien.

Des grimpeurs explorent les crevasses du glacier Athabasca, situé dans les Rocheuses canadiennes, en 1940. 

Photo : Harry Rowed – Courtoisie de son fils, Scott Rowed

La biochimiste Margaret Stock, qui avait 19 ans à l’époque, grimpe le glacier Athabasca en septembre 1940. Elle était accompagnée du guide suisse Ernie Niederer, du skieur Peter Vajda et d’un dénommé Harry. 

Photo : Harry Rowed – Courtoisie de son fils, Scott Rowed

À cheval, sur le glacier Athabasca, en 1940. 

Photo : Harry Rowed – Courtoisie de son fils, Scott Rowed

De réelles conséquences

Entre 2000 et 2019, environ le quart de l’eau de glacier et de calottes glaciaires perdue dans le monde provenait du Canada, constate Brian Menounos. Le Canada reste «un joueur clé en ce qui concerne la quantité d’eau fraiche contenue dans nos glaciers, calottes glaciaires et champs de glace».

Selon Lynn Martel, qui habite à proximité de glaciers, ces derniers sont aussi une valeur culturelle. 

Photo : Courtoisie

Dans une étude publiée en 2020, des chercheurs estiment que la fonte des glaciers entrainera éventuellement des pénuries d’eau potable pour un habitant sur quatre en Alberta.

Menounos cite d’autres exemples d’effets secondaires de la fonte de ces géants blancs : élévation du niveau de la mer, glissements de terrain et effets sur les écosystèmes qui dépendent de leur eau lors des saisons sèches.

Le gouvernement du Canada surveille certains glaciers depuis 1965, un mandat que n’ont pas les provinces, indique Brian Menounos.

En entrevue avec Francopresse en 2022, il plaidait pour une plus grande collaboration entre chercheurs, gouvernements provinciaux et fédéral. Malgré quelques évolutions depuis, c’est un plaidoyer qu’il répète aujourd’hui.

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Le glacier Robson, situé à la frontière entre l’Alberta et la Colombie-Britannique, en 1992. 

Photo : Scott Rowed

Des grimpeurs sur le glacier Robson, en 1983. 

Photo : Scott Rowed

Le glacier Bow, en Alberta, le 14 aout 2024. 

Photo : Lynn Martel

La règle non inscrite du bilinguisme des chefs des partis fédéraux a été mise de côté jeudi par le député de Nepean, Chandra Arya, qui a été le premier à confirmer qu’il tenterait sa chance.

Il a assuré que pour les Québécois, ce n’est pas «la langue qui compte, mais ce qui leur est livré», excluant à la fois le fait français au Québec et dans les communautés francophones existantes partout au pays. 

Il a fait cette déclaration à l’émission Power and Politics de la CBC. L’animateur, David Cowan, a insisté : «Si vous souhaitez être premier ministre, vous devez savoir que la langue française est importante». 

«Faites-moi confiance, ce qui compte le plus pour les gens, c’est de savoir comment leurs enfants et petits-enfants vont s’épanouir dans ce pays», a riposté le député. 

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«Il s’est disqualifié»

Pour la professeure agrégée de science politique au Collège militaire royal de Kingston, Stéphanie Chouinard, Chandra Arya «s’est totalement disqualifié avec ces propos». 

Pour Stéphanie Chouinard, les propos de Chandra Arya «sont ahurissants». 

Photo : Courtoisie

Elle affirme que ça «démontre une méconnaissance et une incompréhension gênantes de la réalité politique du Canada, en particulier pour un député de la région de la capitale nationale». 

Si le bilinguisme du poste de chef ne figure pas dans les règles officielles des partis, on peut prouver l’importance qu’un chef parle les deux langues officielles du Canada dans une telle course par «un simple calcul mathématique», précise Stéphanie Chouinard.

«Il y a 78 circonscriptions au Québec et à peu près 25 autres à l’extérieur du Québec où les francophones forment une proportion importante de l’électorat. Si on prétend être en mesure de remporter une élection en mettant de côté, dès le départ, à peu près une centaine de circonscriptions, si on prétend être en mesure de gagner des élections en s’imposant ce handicap-là, c’est une démonstration d’une confiance en soi qui dépasse l’entendement», analyse la professeure.

«Une «question de respect et de valeurs»

En réaction aux paroles de son collègue, la ministre des Langues officielles, Rachel Bendayan, a réagi auprès de Francopresse : «Nos deux langues officielles sont intégrales à notre identité canadienne. La prochaine personne à mener le Parti libéral doit pouvoir parler le français et l’anglais. C’est une question de respect et de valeurs.»

Elle n’a toutefois pas réagi publiquement, contrairement au ministre Jean-Yves Duclos, sur X, qui a suivi les mots d’ordre de «respects et valeurs» qui ont visiblement circulé dans les rangs libéraux :

Les déboires des candidats unilingues 

L’histoire a rappelé que mettre le français de côté nuit aux candidats. En 2017, Kevin O’Leary, ancien candidat à la chefferie conservatrice, faisait lui aussi fi des Canadiens francophones en affirmant que le chef d’un parti national n’avait pas besoin de parler français, vu que la majorité des Québécois parlent les deux langues. 

Il a dû se rallier à Maxime Bernier, faute de soutien au Québec. 

Plus récemment, lors de la course à la chefferie conservatrice en 2022, l’unilinguisme en anglais a porté préjudice aux candidats Scott Aitchison, Roman Baber et Leslyn Lewis. 

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L’ingérence étrangère : un risque à ne pas ignorer

Pour la professeure, les propos du candidat Arya sur l’ingérence étrangère sont un autre «autosabotage» dans la course. 

Le député a en effet assuré qu’il ne voyait «pas le problème» d’avoir rencontré le premier ministre indien, Narendra Modi, au moment où son chef, Justin Trudeau, accusait les services de renseignements indiens d’être impliqués dans le meurtre d’un leadeur sikh, en Colombie-Britannique, en juin 2023. Un avis que ne partage pas Stéphanie Chouinard.

Très attendu sur cette question d’ingérence étrangère, le Parti libéral a finalement circonscrit le vote aux Canadiens et aux résidents permanents pour répondre aux inquiétudes.

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Le poids des circonscriptions, garde-fou à l’ingérence étrangère 

L’Article 46 de la constitution du Parti libéral indique que chaque vote est compté «selon une pondération égale pour chaque circonscription du Canada». 

En d’autres termes, comme l’a aussi affirmé la journaliste politique Chantale Hébert au micro de Radio-Canada, cette pondération, qui donne un poids égal à chaque circonscription, limite grandement les possibilités d’ingérence. 

Pour cela, il faudrait «une organisation qui est capable de s’emparer de cartes de membres ou de droits de vote dans des [circonscriptions] à l’échelle du Canada. Le Nunavut pèse aussi lourd que la circonscription de Mississauga centre, en banlieue de Toronto. Connaissez-vous beaucoup d’organisations qui ont les reins assez solides pour piloter sur une semaine et demie la vente de milliers de cartes de membres dans 338 circonscriptions?»

Les prochaines étapes

Le Canada connaitra le nom de la personne qui succèdera à Justin Trudeau, à la tête du Parti libéral, le 9 mars, jour du vote.  

C’est ce qu’a fait savoir le Parti libéral le 10 janvier, en rendant publiques plusieurs des règles qui encadreront la course à la chefferie.  

Toute personne qui souhaite être candidat à la chefferie libérale doit payer des frais d’inscription de 350 000 $ et confirmer sa participation avant le 27 janvier. 

Autre détail : un plafond de dépenses pour les campagnes sera mis en place dans les prochains jours. 

Les personnes qui peuvent voter pour le ou la prochaine cheffe sont des Canadiens, des personnes qui ont le «statut d’Indien en vertu de la Loi sur les Indiens» ou des résidents permanents et qui ont au moins 14 ans.

Ces personnes ne doivent pas être membres d’un autre parti politique et «ne pas avoir déclaré publiquement, tout en étant membre du parti libéral, avoir l’intention de briguer un siège de député à la Chambre des communes autrement qu’à titre de candidat du parti». 

Poussé par des voix de plus en plus dissonantes au sein de son parti et partout au pays, le premier ministre, Justin Trudeau, a annoncé sa démission lundi.

L’enjeu : Il a aussi prorogé le Parlement jusqu’au 24 mars : les travaux s’arrêtent et les projets de loi meurent au feuilleton, mais les ministres en poste maintiennent les affaires courantes. Les députés restent aussi en place.

Une course à la chefferie libérale, ainsi que les règles qui l’accompagnent, devrait avoir lieu très rapidement.

Les partis d’opposition ont critiqué la prorogation, alors que le président américain désigné, Donald Trump, qui menace le Canada de tarifs douaniers à hauteur de 25 %, entre en exercice le 20 janvier.

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FRANCOPHONIE

Lors de la réunion du caucus libéral mercredi, les députés ont discuté des critères essentiels pour être candidat ou candidate à la chefferie du parti. Steven MacKinnon, Jean-Yves Duclos et Yasir Naqvi ont notamment souligné l’importance du bilinguisme.

Pour Steven MacKinnon, être bilingue est même un «facteur primordial», a assuré le ministre du Travail aux journalistes mercredi. «J’essaie de déterminer si moi je peux remplir toutes ces conditions-là.»

Qui se lancera? : Pour l’heure, François-Philippe Champagne, Mélanie Joly Steven McKinnon et Chandra Arya font partie des quelques députés libéraux qui ont indiqué aux médias cette semaine qu’ils souhaitaient ou réfléchissaient à se présenter à la course à la chefferie.

Interrogé à l’émission Power and politics de CBC jeudi soir, Chandra Arya a assuré que pour les Québécois, ce n’est pas «la langue qui compte, mais ce qui leur est livré», excluant à la fois le fait français au Québec et ailleurs au pays.L’animateur s’est fait insistant : «Si vous souhaitez être premier ministre, vous devez savoir que la langue française est importante». Le principal concerné a riposté :

«Faites-moi confiance, ce qui compte le plus pour les gens, c’est de savoir comment leurs enfants et petits-enfants vont s’épanouir dans ce pays.»

L’ex-première ministre de la Colombie-Britannique, Christy Clark, s’est aussi dite intéressée selon Radio-Canada.

Chrystia Freeland n’a encore rien annoncé officiellement tandis que les ministres Dominic LeBlanc et Guddie Hutchings ont fermé la porte à cette option.

Les noms de la leadeure du gouvernement à la Chambre, Karina Gould, de l’ancien gouverneur de la Banque du Canada et deMark Carney circulent également. 

Un sondage de Sparks Advocacy effectué entre le 21 et le 23 décembre, soit quelques jours après la démission de Chrystia Freeland, place cette dernière en 1re place pour diriger le parti, avec 23 % des voix sur les 2500 personnes interrogées. M. Carney et Mme Joly arrivent respectivement en 2e et 3e position.

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L’actuel ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et du Travail, Steven MacKinnon, fait partie des personnes qui souhaitent être candidates à la chefferie libérale. 

Photo : Marianne Dépelteau – Francopresse

La ministre Mélanie Joly serait également candidate. P

hoto : Marianne Dépelteau – Francopresse

Le Québécois François-Philippe Champagne fait lui aussi partie des potentiels candidats en réflexion. 

Photo : Inès Lombardo – Francopresse

CANADA

Le 3 janvier, Google a versé 100 millions de dollars au Collectif Canadien de Journalisme afin que ce dernier les redistribue aux médias canadiens admissibles.

Le Collectif Canadien de Journalisme devrait commencer le versement des fonds dès la fin janvier. 

Photo : Alban – Unsplash

Qui est touché? : Cette somme est versée par Google contre une exemption de cinq ans pour éviter au géant du Web de négocier avec chaque média canadien pour le partage de leurs nouvelles, comme le demande la Loi sur les nouvelles en ligne.

Le Collectif déterminera comment l’argent sera redistribué et s’il inclura les médias qui ne répondent pas aux critères d’admissibilité de la loi, ce qui touche plusieurs médias de langue officielle en situation minoritaire.

Google et Meta avaient très mal réagi lors de l’adoption de la Loi sur les nouvelles en ligne, qui les oblige à dédommager les médias canadiens qui partagent les nouvelles sur leur plateforme. Si Google a négocié et payé 100 millions de dollars, Meta a préféré bloquer les médias et les nouvelles canadiennes sur ses plateformes.

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Donald Trump se montre encore plus menaçant envers le Canada depuis la démission de Justin Trudeau. 

Photo : Courtoisie Office of U.S.

Donald Trump a multiplié les menaces contre le Canada depuis l’annonce de la démission de Justin Trudeau, lundi. Il a également indiqué qu’il voulait absorber le Groenland et prendre le contrôle du canal de Panama.

Le sujet : Quelques heures après l’annonce du premier ministre canadien, Donald Trump a assuré qu’il y aurait plein davantage si le Canada devenait le «51e état» des États-Unis.

Il a récidivé le lendemain, assurant qu’il utiliserait la «force économique» contre le Canada, ce dernier étant «subventionné» selon lui par les États-Unis pour sa protection.

«Jamais, au grand jamais, le Canada ne fera partie des États-Unis», a répondu Justin Trudeau, mardi, sur X. Plusieurs autres chefs fédéraux et provinciaux ont répondu la même chose.

«Les commentaires du président élu Trump démontrent une incompréhension totale de ce qui fait du Canada un pays fort», a de son côté dénoncé la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, toujours sur la plateforme X.

Selon Radio-Canada, Ottawa dresserait actuellement une liste de produits américains à taxer si Donald Trump concrétise le tarif douanier de 25 % sur les produits canadiens importés aux États-Unis.

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Pierre Poilievre a présenté plusieurs alternatives économiques aux menaces économiques de Donald Trump, pour que «les deux pays s’y retrouvent», s’il devient premier ministre. 

Photo : Inès Lombardo – Francopresse

Dans une conférence de presse aux allures de lancement officiel de campagne électorale jeudi soir dans un hôtel d’Ottawa, Pierre Poilievre a redemandé à Justin Trudeau de déclencher une élection et appelé les Américains à la coopération économique. Une réponse aux menaces continues de Donald Trump cette semaine. 

Ce qu’il demande : Pierre Poilievre a assuré qu’il fallait «parler [à nos] alliés naturels», en faisant référence aux États-Unis. Pour cela, il faut, selon lui, viser «les chefs syndicaux», les «entreprises technologiques et le domaine de la construction qui achètent le bois d’œuvre canadien, car «ce sont des forces qu’on peut [leur] offrir». 

Pour lui, la liste de produits américains qu’Ottawa compte taxer pour répondre aux tarifs douaniers de Donald Trump – qui contient du jus d’orange, des produits en acier et des accessoires en céramique pour les salles de bain –  ne «sert pas à grand-chose». 

«On devrait rapidement construire des infrastructures d’énergie pour l’exporter aux étrangers outre-mer », a-t-il fait valoir. «On fait un gros cadeau en exportant notre gaz et notre pétrole aux États-Unis à très bas prix».

«Il faut mettre le Canada d’abord. Pour cela, il faut bâtir des infrastructures pour nous permettre d’être plus autosuffisants et moins dépendants des Américains.»

Comme leur chef, Pierre Poilievre, l’a fait la veille, les députés conservateurs Luc Berthold et Andrew Scheer ont demandé la tenue d’une élection fédérale mardi, en conférence de presse.

Le Québécois Luc Berthold a déploré que la motion de censure qui devait être présentée au Comité permanent des comptes publics mardi, et qui aurait pu faire tomber le gouvernement, ne puisse pas être déposée en raison de la prorogation demandée par Justin Trudeau la veille. Celle-ci a pour effet de faire mourir au feuilleton les travaux à la Chambre et des comités.

«On ne peut pas déclencher des élections. Trudeau a trouvé une porte de sortie et ce sont les Canadiens qui vont en payer le prix», a déclaré Luc Berthold.

Le député a aussi ajouté qu’une prorogation, au lieu d’élections fédérales, nuit au Canada. Le Parti libéral sera en pleine course à la chefferie du au lieu d’avoir un «premier ministre fort» en place pour contrer les menaces de Donald Trump.

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Dans un communiqué publié après la démission de Justin Trudeau, le 6 janvier, la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) a dit voir en lui un premier ministre qui «passera à l’histoire comme celui qui a mené la modernisation la plus substantielle de la Loi sur les langues officielles en une génération».

La professeure agrégée de science politique au Collège militaire royal de Kingston, Stéphanie Chouinard, apporte une nuance.

Ce n’est pas évidemment le fait d’une seule personne de voir un changement de culture institutionnelle, mais il reste que les exemples viennent d’en haut et que si les langues officielles avaient été réellement une priorité pour le premier ministre, je pense qu’on aurait vu des changements plus substantiels au sein de l’État fédéral.

— Stéphanie Chouinard

Voici neuf ans de langues officielles sous Justin Trudeau.

Après six ans d’attente, 50 ans après l’adoption de la première du genre au Canada, la modernisation de la Loi sur les langues officielles (LLO) s’est concrétisée en 2023.

De longs débats ont porté sur la place des anglophones du Québec, le français du PDG d’Air Canada, les sanctions administratives, le partage de la responsabilité des langues officielles entre plusieurs ministères et le poids de l’immigration francophone au Canada.

La professeure Stéphanie Chouinard constate «depuis la dernière demi-décennie, une fragilisation du système postsecondaire francophone en situation minoritaire», du fait de certaines décisions prises par le gouvernement Trudeau. 

Photo : Courtoisie

La modernisation ne s’est pas faite sans accrocs, notamment sur la question de la place des langues autochtones dans les langues officielles. Les derniers débats au Sénat ont exposé les divergences de points de vue entre les francophones et les Autochtones.

Pour Stéphanie Chouinard, même s’il faut «saluer» Justin Trudeau pour cette réforme, cette question semblait aussi, à certains égards, servir de point de négociation pour sécuriser le vote des francophones, notamment lors des élections fédérales de 2019 et 2021.

Des promesses étaient faites, mais on n’était pas certains que ça allait aboutir».

Le processus règlementaire sur la partie VII de la Loi n’était toujours pas terminé au moment de la démission du chef du Parti libéral. «C’est une tâche au tableau», commente la professeure.

Consultez le dossier : Modernisation de la Loi sur les langues officielles

Dans son communiqué du 6 janvier, la FCFA a salué les deux plans d’action pour les langues officielles, «qui ont permis aux francophones d’aller chercher des gains importants en termes d’investissements».

Celui de 2018 avait offert une première hausse de l’enveloppe totale depuis le tout premier plan, élaboré en 2003 par un ministre libéral d’alors, Stéphane Dion. Il ajoutait 500 millions de dollars sur cinq ans.

Liane Roy voit d’un bon œil les actions posées par le gouvernement Trudeau depuis dix ans, tout en précisant qu’il n’est pas «parfait». 

Photo : Inès Lombardo – Francopresse

Le document n’avait toutefois pas accédé à la demande de la FCFA de financer des organismes francophones en milieu minoritaire de plus de 575 millions de dollars sur cinq ans.

Toutefois, dans son budget, le gouvernement a plutôt réservé un nouveau financement de 400 millions de dollars sur cinq ans pour les minorités linguistiques, ainsi que 88,4 millions de dollars par an ensuite.

Chaque année, des organismes attendent dans l’incertitude, ne sachant pas si des fonds fédéraux leur seront assurés au début de chaque exercice financier.

En 2023, le plan d’action annonce un investissement historique de 1,4 milliard de dollars au total.

Un bémol toutefois : deux ans plus tôt, Justin Trudeau faisait campagne sur la promesse de financer les établissements postsecondaires francophones à hauteur de 80 millions de dollars par an de manière permanente. Mais ce financement ne s’est jamais concrétisé.

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Le ministre Marc Miller avait fait polémique après avoir refusé de reconnaitre le déclin du français au Québec, à l’automne 2023. 

Photo : Inès Lombardo – Francopresse

Justin Trudeau peut aussi se targuer d’avoir atteint la cible d’immigration francophone de 4,4 %, fixée en 2003 mais atteinte 20 ans plus tard, en 2022.

Le ministre d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, Marc Miller, a d’ailleurs annoncé une nouvelle cible de 6 %. Celle-ci demeure toutefois en dessous des revendications de la FCFA, qui aimerait voir le double.

Les francophones ont aussi été les seuls épargnés par la baisse drastique des seuils d’immigration permanente annoncée par le gouvernement Trudeau à l’automne 2024.

La Loi sur les langues officielles comprend un «retour du poids démographique de l’ensemble des membres des minorités francophones» au niveau du recensement de 1971, le plus haut niveau atteint, soit 6,1 % de la population à l’extérieur du Québec.

Le recensement de 2021 a confirmé la diminution du poids démographique des francophones en situation minoritaire. Statistique Canada constate un recul de 0,3 point de pourcentage comparativement à 2016.

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Mais comme le rappelle la professeure Chouinard, Marc Miller a décidé l’hiver dernier de plafonner les visas des étudiants étrangers «en faisant fi de sa propre nouvelle loi sur les langues officielles, c’est-à-dire sans consulter les communautés francophones en situation minoritaire».

«Les réflexes d’application de la nouvelle loi ne sont toujours pas là, que ce soit au ministère de l’Immigration ou ailleurs», estime la politologue.

L’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne (ACUFC) a déposé une plainte auprès du Commissariat aux langues officielles pour cette raison. Le ministre est revenu sur sa décision quelques mois plus tard, uniquement pour quelques étudiants francophones et sous certaines conditions.

Pour Stéphanie Chouinard, le gouvernement, à ce moment-là, n’a pas pris en compte «l’effet potentiellement dévastateur» et «l’impact démesuré» que cette mesure aurait sur ces institutions, comparé aux établissements de la majorité.

Autre ombre au tableau : des retards liés aux dossiers d’immigrants francophones africains et les méthodes utilisées pour les traiter ont forcé le ministère de l’Immigration à admettre qu’il y avait du racisme au sein de ses services.

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En février 2024, la Chambre des communes a adopté un amendement au projet de loi C-35 pour garantir le financement à long terme des garderies francophones en situation minoritaire.

Une victoire davantage attribuée à la FCFA, qui a témoigné plusieurs fois en comité parlementaire pour attester du besoin vital de ce financement.

Mais sur le terrain, la lutte n’est pas terminée. Plusieurs témoins francophones en comité cet automne ont continué de rapporter un manque criant de places pour les tout-petits dans les services de garde en français.

Dans ce même combat, une autre bataille reste à mener : les clauses linguistiques ne font toujours pas partie – ou juste partiellement – des ententes entre le gouvernement fédéral et les provinces et territoires pour les garderies.

Sans ces clauses, les places et la construction de service de garde francophones, notamment dans les régions les plus reculées du Canada, ne sont pas garanties. Sur cette question, le gouvernement fédéral a renvoyé la balle aux gouvernements provinciaux et territoriaux.

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L’Initiative de journalisme local (IJL), lancée en 2019, a permis à plusieurs médias, incluant des journaux et des radios de langue minoritaire, de produire davantage de nouvelles.

Les autres tentatives d’aide pour les médias n’ont pas un bilan aussi positif. Plusieurs conditions aux mesures mises en place empêchent les petits médias d’en profiter.

Ceci inclut la Loi sur les nouvelles en ligne, qui ne contient «aucune reconnaissance ni caractère particulier […] aux journaux et aux radios qui desservent les populations de langues officielles en situation minoritaire», soulignait le Consortium des médias communautaires de langues officielles en situation minoritaire pendant l’étude du projet de loi.

Le Consortium estime que 96 % des médias de langue minoritaire ne répondent pas aux critères d’admissibilité, sauf peut-être dans le cas d’une exemption, comme celle demandée par Google.

La réponse à cette question se fait encore attendre, alors que Google a remis 100 millions de dollars pour se conformer à son entente d’exemption à la Loi. Le Collectif Canadien de Journalisme, choisi par Google pour le distribuer, devra éclaircir la question.

Le blocage des médias canadiens par Meta (Facebook et Instagram), survenu en 2023 en réponse à la Loi sur les nouvelles en ligne, a été très mal vécu par l’ensemble de la communauté journalistique du pays. Les Canadiens et les Canadiennes ne peuvent toujours pas partager les nouvelles sur les plateformes de Meta.

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L’ancien député du Nouveau Parti démocratique, François Choquette, a porté plainte auprès du Commissariat aux langues officielles (CLO), à la suite de l’entente conclue entre le gouvernement de Justin Trudeau et Netflix en 2017.

Sa motivation : malgré un investissement de 500 millions de dollars, dont 25 millions pour le marché francophone, le montant exact destiné aux communautés francophones est resté flou. François Choquette assurait que la partie VII de la Loi sur les langues officielles n’était pas respectée.

Le député a donc saisi la Cour fédérale après que le CLO a conclu que sa requête n’était pas fondée.

«C’est un combat pour le respect de la francophonie», affirme-t-il. La décision de justice est toujours attendue.

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«Je vois tellement de différences entre ma génération quand j’étais plus jeune, en élémentaire, secondaire, et les générations qui s’en viennent après. C’est vraiment une jeunesse forte et fière», remarque Connor Lafortune, étudiant de la Première Nation de Dokis à la maitrise en relations autochtones à l’Université Laurentienne de Sudbury, en Ontario.

«Les gens sont beaucoup plus éduqués qu’il y a 10 ans», estime Connor Lafortune. 

Photo : Sam Barry

Chez ses cadets, il observe une fierté sans scrupule : «Le seul mot auquel je peux penser, c’est unapologetically. C’est d’être fier sans avoir honte de ce qu’ils sont, de partager, de poser des questions.»

Pour expliquer cette évolution, il cite une éducation «accessible au grand public», qui passe notamment par l’Internet, des balados, des livres, des bandes dessinées et des films «plus ouverts» sur les questions autochtones qu’avant.

À la maison, poursuit-il, «l’éducation et la guérison intergénérationnelle continuent» : «Il y a vraiment des grosses conversations ouvertes entre familles pour parler de l’histoire, pour parler du futur de nos communautés. C’est vraiment ça qui cause une jeunesse aussi forte.»

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«Repenser et redéfinir»

Paru en novembre dernier, le livre Les jeunesses autochtones au Québec : décolonisation, fierté et engagement propose de «repenser les jeunesses dans leur dynamisme et leur diversité», plutôt que de les penser uniquement en termes de défis.

Natasha Blanchet-Cohen suggère de voir le verre à moitié plein et non à moitié vide lorsque l’on parle des jeunes Autochtones.

Photo : Rachel Crisp

«Guérir, être connectés, fiers et soutenus, trouver l’équilibre, prendre leur place et faire entendre leurs voix sont au centre des revendications et des multiples engagements des jeunes Autochtones», lit-on dans l’introduction.

«Il y a plusieurs exemples où les jeunes se réapproprient, redéfinissent la façon qu’ils sont représentés, qu’ils s’expriment, qu’ils veulent communiquer et voient leur vision de l’avenir», note une des directrices de l’ouvrage, Natasha Blanchet-Cohen, en entrevue avec Francopresse.

Selon elle, on parle souvent des problèmes et pas assez des «initiatives incroyables» que mènent de jeunes Autochtones. «Si on mettait plus la lumière où il y a un leadeurship, une autonomisation, ça aurait un impact sur la société», estime la titulaire du volet autochtone de la Chaire-réseau de recherche sur la jeunesse du Québec et professeure à l’Université Concordia, à Montréal.

Écoutés au Sénat

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a justement souhaité entendre de jeunes leadeurs autochtones. En octobre dernier, huit jeunes ont témoigné pour raconter les barrières qui se dressent devant eux et le racisme persistant auquel ils font face. Ils ont aussi montré de quoi ils sont capables.

Parmi eux se trouvait Reanna Merasty, une artiste, écrivaine et militante Nihithaw de la Première Nation de Barren Lands, au Manitoba. À 30 ans, elle fait partie du conseil d’administration de l’Institut royal d’architecture du Canada et de celui de l’Université du Manitoba. Elle a aussi écrit un livre et défend l’inclusion des Autochtones en architecture.

Faithe McGuire est quant à elle documentariste à l’établissement métis de Paddle Prairie. Elle produit des films sur la signification d’être Métis.

Breane Mahlitz, de l’Alberta, est conseillère politique en matière de santé au Ralliement national des Métis.

Le lancement du livre Les jeunesses autochtones au Québec : décolonisation, fierté et engagement a eu lieu en novembre dernier. 

Photo : Ashley Merveille Lovinsky

«Repenser et redéfinir» sont des termes qui reviennent souvent dans le livre qu’a dirigé Natasha Blanchet-Cohen.

Tu peux avoir une approche déficitaire, où tu mets de l’avant tous les problèmes, ou une approche qui est basée sur les forces. Ce n’est pas dire que tout est beau, tout est rose et tout est parfait.

— Natasha Blanchet-Cohen

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Un racisme persistant

«La transmission de nos histoires se fait plutôt bien, estime Paskwamostosis Lightning, un étudiant universitaire de la Première Nation de Maskwacis, en entrevue avec Francopresse. L’éducation culturelle des personnes non-autochtones commence à mieux passer. Ils connaissent de plus en plus nos histoires et légendes.»

Les réseaux sociaux sont devenus un outil précieux pour éduquer à large échelle, selon Paskwamostosis Lightning. «On voit de jeunes autochtones sur TikTok ou Instagram qui partagent des connaissances autochtones, et ça reçoit tellement de likes et de partages des choses comme ça.» 

Photo : Anna Uliana

Selon lui, de façon générale, les Autochtones et les non-Autochtones commencent à mieux s’entendre. «Je pense que les non-Autochtones ont appris à ne pas faire de commentaires racistes et à aller trop loin.»

Mais certaines choses restent pareilles. «Il y a encore beaucoup de racisme envers les jeunes autochtones, regrette-t-il. Les gens pensent que t’es stupide. […] Pas beaucoup de gens croient en la jeunesse autochtone, aux étudiants autochtones.»

Les gens ne font pas toujours confiance aux jeunes autochtones, notamment par peur que ceux-ci abandonnent l’école ou ne remboursent pas leurs prêts, rapporte l’étudiant. «[Encore aujourd’hui], les gens nous perçoivent comme des pique-assiettes [freeloaders]. C’est bizarre.»

D’après lui, des effets à long terme des pensionnats autochtones ont cristallisé l’idée selon laquelle les Autochtones ne sont pas «équivalents».

«Il y a un changement, récemment, reconnait l’étudiant. Plus de gens veulent de jeunes autochtones, de jeunes personnes racisées dans leurs évènements. Mais c’était difficile, dans mon enfance.»

Accéder au pouvoir pour changer les choses

Dans le processus de réconciliation, il faut «des actions concrètes», revendique de son côté Connor Lafortune. «C’est de réaliser que chaque communauté devrait avoir de l’eau potable, réaliser [l’importance de] l’accès aux services sociaux, et réaliser que nos communautés devraient se faire entendre.»

Paskwamostosis Lightning croit qu’il y aura davantage de leadeurs politiques autochtones dans les générations à venir, notamment grâce à l’élargissement de l’accès au postsecondaire.

Selon Statistique Canada, en 2021, 5 % des étudiants nouvellement inscrits à un programme d’études postsecondaires donné étaient autochtones. Ce chiffre est proportionnel au poids démographique des Autochtones dans la population canadienne pour la même année.

Malgré cela, la proportion de jeunes Autochtones qui accèdent aux études supérieures demeure nettement plus faible que celle des non-Autochtones.

Il y a un «désir des jeunes d’avoir une plus grande place, d’être à la table, d’être dans une posture plus décisionnelle», confirme Natasha Blanchet-Cohen. «On ne sait pas comment sera l’avenir, mais les jeunes [veulent] faire partie de la création de cet avenir.»

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Ce que nous nommons «intelligence artificielle» (ou IA) est en fait une nébuleuse de technologies informatiques. Les grands modèles de langage (GML, ou LLM en anglais), dont ChatGPT est sans doute le plus connu, semblent permettre à une espèce de robot de répondre à nos questions à partir de connaissances trouvées un peu partout sur Internet.

On parle ainsi à tort et à travers d’«apprentissage», de «génération de connaissances», d’«intelligence» et d’«hallucination» ainsi que de création originale. Tout est mis en œuvre pour donner des apparences de processus cognitifs à ces logiciels.

Toutefois, les algorithmes qui sous-tendent cette production assistée par machine ne ressemblent à ces phénomènes humains que par analogie.

La réalité est tout autre.

Les GML sont «entrainés» à partir d’énormes banques de textes, comme leur nom le suggère. Ils divisent les requêtes selon les mots et les signes de ponctuation, puis ils compilent la réponse la plus probable en trouvant, un à un, les mots qui sont le plus souvent utilisés ensemble – sans égard à la signification.

Les GML n’ont donc aucun critère de vérité et ne peuvent qu’agencer d’une nouvelle manière ce qui a déjà été écrit. Ils ne peuvent pas chercher de sources, trouver de l’information selon sa pertinence, ni l’interpréter. Ils alignent des mots qui tendent à aller ensemble, c’est tout.

Cela signifie également que le racisme, le sexisme, la transphobie, le capacitisme et toutes les formes de suprémacisme qui règnent dans la plus grande partie des créations textuelles humaines se trouvent répétés et souvent amplifiés par l’IA.

Cette production de texte par probabilité statistique explique les résultats souvent décevants de l’IA : des bibliographies où le nom d’un auteur·rice renvoie à des articles et des livres qui n’existent pas, mais dont les titres sont plausibles; du texte truffé de formulations vagues et dépourvu quasi complètement de contenu concret.

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À qui profite l’IA?

Dans nos ordinateurs, nos logiciels de traitement de texte, nos outils de recherche en ligne et nos téléphones, l’IA nous est constamment imposée. Puisque le nombre de personnes qui l’adoptent fréquemment demeure limité et ne répond pas aux attentes du marché, les entreprises comme Meta, Microsoft, ou OpenAI tentent de la rendre inévitable.

La bulle de l’IA pourrait être sur le point d’éclater : les divers modèles exigent des investissements énormes, mais n’amènent pas encore de profits. Les revenus augmentent certes, mais plus lentement que les dépenses pour le développement et l’offre de service.

Et les dangers financiers de l’adoption de l’IA dans un contexte entrepreneurial, universitaire ou gouvernemental sont par ailleurs importants.

Pour toutes ces raisons, l’IA nous est imposée de plus en plus souvent, même à notre insu. Elle crée ses propres besoins, mais n’arrive pas à répondre aux véritables besoins actuels de l’humanité. La logique économique demande de recouvrer à tout prix les investissements.

Nous recevons ainsi une avalanche de messages et de discours qui nous détournent de la réalité et cherchent à nous rassurer sur les incidences de l’IA, à nous la faire voir comme une forme d’intelligence, mais aussi à nous faire croire que son adoption est inévitable, une étape de la marche libératrice du progrès. La répétition l’emporte sur les raisons.

À lire : L’IA ou la prochaine «merdification» (Éditorial)

Les entreprises technologiques sont de plus en plus nombreuses à imposer des outils inspirés des IA génératives dans leurs produits, ne donnant pas toujours de choix quant à leur utilisation. 

Photo : Mikael Blomkvist – Pexels

L’apprentissage nécessaire… et impossible

Nous entendons sans cesse que l’IA est là pour rester et que nous y opposer serait futile. Une tendance importante consiste dès lors à croire (ou à se faire croire) qu’il suffit d’apprendre à nous en servir.

Dès que les discussions tournent autour de cette question, nous supposons que nous pouvons nous servir de l’IA pour atteindre nos buts sans les transformer.

Nous supposons que nous pouvons même en faire un usage éthique, alors que les corpus des GML sont bâtis sur la violation du droit d’auteur et que leur utilisation des ressources en énergie et en eau pour leur fonctionnement n’est pas écoresponsable.

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Or, le problème essentiel du recours à l’IA est qu’avant d’être en mesure d’évaluer les résultats qu’elle produit, nous devons d’abord être capables de les comprendre et de les produire nous-mêmes.

L’utilisation de l’IA pour remplacer l’écoute, l’enseignement, la lecture, la discussion et les autres méthodes classiques d’apprentissage nous empêche de développer les compétences essentielles à la pensée critique et aux multiples formes de la littératie, qui permettent ensuite d’évaluer l’exactitude de l’IA.

Il en va de même pour l’écriture : les logiciels de révision – comme Antidote, Grammarly ou ceux inclus dans Microsoft Word et Google Docs – ne fonctionnent que si la personne qui s’en sert est en mesure d’accepter ou non les suggestions, puisque ces outils ne font que ramener l’écriture à une norme abstraite. Ils aplanissent l’écriture et enlèvent tout ce qui relève du style… qui n’est pas commun statistiquement.

Il faut donc apprendre à écrire avant de les utiliser; apprendre à traduire avant d’utiliser la traduction automatisée. Sans cet apprentissage, nous écrivons comme des machines, nous répétons par cœur ce que nous mémorisons sans comprendre. Nous répétons donc les mots et les formulations des autres.

Aller directement à l’IA, sans le processus d’essai et d’erreur central à l’apprentissage, c’est se voir comme une courroie pour l’information et non comme une personne ayant besoin d’apprendre pour atteindre ses buts et améliorer sa situation.

Tandis que certains types d’IA peuvent être fort utiles dans certains contextes, les technologies génératives demeurent pour l’instant des investissements en quête d’usagers et de nouveaux investissements.

Ne pas les utiliser, c’est refuser la destruction environnementale qu’ils amènent et ce qu’ils font de nous.

Jérôme Melançon est professeur titulaire en philosophie à l’Université de Regina. Ses recherches portent généralement sur les questions liées à la coexistence, et notamment sur les pensionnats pour enfants autochtones, le colonialisme au Canada et la réconciliation, ainsi que sur l’action et la participation politiques. Il est l’auteur et le directeur de nombreux travaux sur le philosophe Maurice Merleau-Ponty, dont La politique dans l’adversité. Merleau-Ponty aux marges de la philosophie (MétisPresses, 2018).

Au Sénat, il se joint à l’Acadien néoécossais Réjean Aucoin. La Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse se réjouit de la nomination d’Allister Surette, annoncée le 19 décembre.

«Originaire de la région d’Argyle, M. Surette est une figure bien connue de l’Acadie, grâce à son engagement dans la politique, l’éducation et la communauté», a-t-elle indiqué par communiqué.

Allister Surette a été député et ministre libéral provincial de la Nouvelle-Écosse de 1993 à 1998. Ensuite, jusqu’en 2003, il a été président-directeur général du Collège de l’Acadie. De 2011 à juin 2024, il a été recteur et vice-chancelier de l’Université Sainte-Anne, l’unique université francophone en Nouvelle-Écosse.

Par ailleurs, Allister Surette a été président du Congrès mondial acadien qui a eu lieu dans cette province en aout 2024.

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Francopresse a discuté avec le nouveau sénateur de sa nomination et de ses aspirations.

Francopresse : Comment vous sentez-vous depuis le 19 décembre?

Allister Surette : Je suis très honoré. Je vois ça un peu comme une continuation de tout mon travail et de mes efforts des 25-30 dernières années, non seulement comme recteur, comme député et ministre, mais aussi tout le bénévolat que j’ai fait au niveau de la province, des provinces atlantiques et du Canada, que ce soit présider le conseil d’administration de l’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne ou de la Fondation canadienne pour le dialogue des cultures.

J’étais beaucoup aussi dans le domaine du développement économique, à part du domaine postsecondaire. J’ai, par exemple, été au conseil d’administration et président du Conseil de développement économique de la Nouvelle-Écosse. Dans le domaine de la pêche, qui est très important en Nouvelle-Écosse, j’ai agi comme médiateur à différentes reprises.

Quelles seront vos priorités en tant que sénateur?

C’est difficile à dire. Pour le moment, ce qui m’intéresse, c’est surtout les communautés acadiennes et francophones du Canada et de mettre à profit mon expérience, que ce soit dans le développement économique, le développement de nos communautés ou le domaine de la pêche.

C’est toujours un défi, la prospérité de nos régions. Donc c’est sûr que le développement économique, ça ne s’arrêtera jamais parce que les choses changent assez rapidement et l’économie de nos jours nous crée des défis, surtout dans les régions acadiennes rurales.

Le postsecondaire est lié à ça. On peut faire de la recherche, appuyer le secteur de la pêche, le secteur agricole. Avec la recherche, on peut s’assurer qu’on fait du progrès dans le domaine économique.

L’Association acadienne des parlementaires du Canada, multipartite, a été lancée officiellement en novembre 2024. 

Photo : Inès Lombardo – Francopresse

Vous connaissez bien le milieu du postsecondaire francophone en situation minoritaire. Comment traduirez-vous cette expérience dans votre nouveau rôle de sénateur?

Je pense que ça joue aussi dans le développement des communautés acadiennes et francophones, comme le secteur de l’éducation en général. Le secteur du postsecondaire francophone a des rôles clés dans le développement culturel, social, économique, éducationnel de nos régions en situation minoritaire. Je connais très bien le dossier et j’espère que je peux profiter de ça pour apporter de bonnes discussions au Sénat.

La sénatrice Lucie Moncion a demandé une stratégie nationale sur le postsecondaire francophone. Faites-vous la même demande?

Absolument, oui. Je connais bien la sénatrice; on a travaillé de près pendant les dernières années dans des dossiers similaires. Peu importe le domaine, on peut toujours améliorer les choses. Dans ce cas-ci, si on attire l’attention sur le dossier postsecondaire francophone, ça peut juste être un appui à nos communautés.

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Votre passé comme député et ministre libéral en Nouvelle-Écosse pourrait susciter les critiques de la part de ceux et celles qui accusent Justin Trudeau de nommer d’anciens libéraux afin de l’appuyer au Sénat. Comment comptez-vous vous assurer de faire un travail indépendant? 

J’apprécie beaucoup d’être nommé comme indépendant. Ça fait quand même depuis 1998 que je ne suis plus directement engagé dans la politique partisane. Dans mes rôles de président du Collège communautaire, vice-recteur et recteur de l’Université pendant 25 ans, je m’assurais de travailler pour le mieux de nos communautés et au postsecondaire.

J’ai travaillé avec des gouvernements néodémocrates, [progressistes-]conservateurs et libéraux. Je n’ai pas été très partisan par rapport à ça. Ça se peut que je m’aligne un peu plus [aux libéraux] par rapport à mes valeurs. Mais du côté partisan, ça fait des années que je n’ai pas travaillé à ce niveau-là.

Comptez-vous joindre un groupe de sénateurs?

Ça, ce n’est pas certain. Je vais prendre mon temps comme non-affilié, regarder ce qu’il se passe, regarder les différents groupes et, après ça, je prendrai une décision.

Allez-vous vous joindre à l’Association acadienne des parlementaires du Canada?

Fort probable! C’est sûr que ça m’intéresse. Si j’ai l’occasion, c’est sûr que je vais m’engager.

Je suis très content, je crois que c’est la première fois dans l’histoire du Sénat qu’on a deux Acadiens de la province de la Nouvelle-Écosse. Réjean Aucoin, avec qui j’ai étroitement travaillé et collaboré depuis plusieurs années, vient d’un bout de la province, du côté du Cap-Breton.

Moi, je viens du côté opposé de la province, dans le sud-ouest. On aura des intérêts similaires, mais on apporte quand même différentes perspectives.

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Vous arrivez au Sénat au moment où on attend la règlementation de la nouvelle Loi sur les langues officielles. Comment voyez-vous les choses? Certains de vos collègues au Sénat ont exprimé de l’impatience. La partagez-vous?

C’est sûr qu’on a toujours des défis par rapport à cela, et connaitre exactement le timing est difficile. C’est un autre dossier sur lequel j’ai travaillé de près durant les consultations pour la nouvelle Loi.

Avec mes différents chapeaux, surtout à la Fédération canadienne pour le dialogue des cultures, on a travaillé avec des communautés acadiennes et francophones. J’ai suivi ça de près. Le plus rapidement qu’on peut avancer les règlements, le mieux ça serait pour tout le monde.

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Les propos ont été réorganisés pour des raisons de longueur et de clarté.