le Samedi 13 septembre 2025

L’immigration n’est pas l’unique solution pour rétablir le poids démographique des communautés francophones en situation minoritaire (CFSM), a admis le ministre fédéral de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, Marc Miller, devant le Comité permanent des langues officielles du Sénat, le 5 novembre.

Cette déclaration rejoint celle de deux chercheurs qui, quelques jours auparavant, signaient deux textes dans La Conversation : «L’immigration seule ne rétablira pas le poids démographique des francophones hors Québec» et «Hors Québec, le français a reculé partout au Canada depuis 1971. Quelles stratégies adopter?»

Selon eux, uniquement compter sur l’immigration pour rétablir le poids démographique relève d’une «approche simpliste».

À lire aussi : Marc Miller : «La cible de 10 % d’immigrants francophones, c’est beaucoup demander à mon ministère»

Un calcul défavorable

«Il faut penser le poids démographique en fonction des communautés qu’on est en train de construire», selon Éric Forgues.

Photo : Courtoisie

«On voudrait rétablir le poids au niveau de 1971. On commence à intervenir dans le domaine de l’immigration au début des années 2000, donc 30 ans après. Avant, il n’y avait pas vraiment de stratégie en immigration francophone», explique l’un des deux chercheurs, le professeur de sociologie de l’Université de Moncton, Éric Forgues.

«Il y a un retard, poursuit-il. Dans son rapport, le commissaire [aux langues officielles] chiffre le retard à environ 6000 immigrants francophones par année» qu’il aurait fallu admettre.

Ce retard engendre de lourdes conséquences. Le poids démographique des CFSM est passé de 6,0 % en 1971 à 3,3 % en 2021, selon Statistique Canada.

En 2003, le gouvernement a fixé une cible d’immigration francophone à l’extérieur du Québec de 4,4 %. Il aura fallu 20 ans pour atteindre cette cible. Elle est désormais fixée à 6 % pour 2024, à 8,5 % pour 2025, à 9,5 % pour 2026 et à 10 % pour 2027.

Or, ces objectifs ne permettent pas de suivre l’augmentation de l’immigration anglophone et allophone.

«Il faut s’assurer qu’on calcule tout ça de la bonne manière, parce que le recul du poids démographique [francophone] peut aussi être lié à l’augmentation plus rapide de la population d’expression anglaise», explique la présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA), Liane Roy.

«C’est pour ça qu’on a toujours dit qu’on voulait jusqu’à 10, 12, jusqu’à 20 % d’immigration francophone», insiste-t-elle.

À lire aussi : Le commissaire aux langues officielles cible l’éducation et l’immigration

«Vision incomplète de l’immigration»

Le poids démographique des CFSM dépasse les chiffres, selon Éric Forgues, met en garde contre une «logique strictement statistique» de l’immigration.

«Je pense toujours à ces questions en fonction du “faire société” […]. Il faut réfléchir à comment on bâtit des sociétés, des communautés. Si on perd de vue que la priorité est la vitalité des communautés, on risque de tomber dans une vision incomplète de l’immigration», prévient-il.

Pour lui, il doit y avoir une intégration des nouveaux arrivants francophones aux CFSM.

Le poids démographique des CFSM est souvent mesuré en fonction de la connaissance du français, fait remarquer le sociologue. Mais ce qui l’intéresse, «c’est de voir jusqu’à quel point ces gens-là qu’on dénombre participent à la vie en français, dans les communautés francophones, participent au “faire société” en français».

À lire aussi : Immigration francophone : bien s’outiller pour un meilleur accueil

Josée Guignard Noël rappelle que les services anglophones sont parfois plus attrayants que ceux offerts en français, expliquant le choix de faire sa vie en anglais.

Photo : Courtoisie

Cette intégration ne repose pas uniquement sur les épaules des personnes immigrantes. Il faut que les institutions nécessaires soient présentes et attrayantes, prévient-il.

«On parle de désir d’intégration, mais il faut donner le choix à ces personnes-là», avance l’agente de recherche à l’Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques et coautrice des textes parus dans La Conversation, Josée Guignard Noël. 

Au Canada, il arrive que des personnes immigrantes francophones, comptées dans la cible d’immigration francophone, se tournent éventuellement vers le monde anglophone.

La chercheuse prend l’exemple du choix que font les parents, qu’ils soient nouveaux arrivants ou non, lorsque vient le temps d’inscrire leurs enfants à l’école. Plusieurs facteurs jouent dans leur décision.

«Il y a la distance, il y a le fait que parfois les écoles françaises n’offrent pas les activités ou ne sont pas équivalentes aux écoles anglaises» qui peuvent expliquer le choix de certains parents.

Un enjeu de rétention, aussi

Selon un récent rapport du Conference Board du Canada, le Canada perd à long terme 35 % de ses immigrants francophones. Ce problème de rétention est particulièrement fort en Ontario.

Renforcer les services

Le désir de s’intégrer est «influencé par tout un environnement», qui est composé de services et d’organismes «plus ou moins bien développés selon les communautés, selon les provinces», explique Éric Forgues.

Liane Roy donne raison aux auteurs des textes parus dans La Conversation, qui «rejoignent beaucoup le discours de la FCFA».

Photo : Courtoisie

Selon Liane Roy, pour rétablir le poids démographique, les services d’accueil sont aussi importants que l’augmentation de l’immigration.

«Pour nous, ce qui compte, c’est vraiment de créer des conditions du vivre ensemble en français», ajoute-t-elle. Mais ces conditions nécessitent des services et des activités pour lesquels il faut des «entités fortes» en mesure de les offrir. 

Un champ de bataille clé de la FCFA est celui de la petite enfance. La présidente explique que sans des services francophones dans ce domaine, «c’est très difficile de revenir pour les écoles en français par la suite».

À lire aussi : Petite enfance, grande pénurie de services en français

Il faut aussi revitaliser les communautés

En plus de l’immigration francophone, Éric Forgues propose de se pencher sur la revitalisation des communautés francophones devenues très «anglicisées». «On travaille beaucoup avec les convaincus», plutôt que de viser les francophones anglicisés, remarque-t-il.

Chezzetcook, en Nouvelle-Écosse, en est un bel exemple, dit-il. Dans un livre de 1991, le chercheur Ronald Labelle disait craindre la disparition du français dans cette communauté (p.86)

«Ce qui est arrivé, en fait, c’est une petite revitalisation linguistique. Une école a été construite, il y a eu un musée qui racontait la petite histoire de la communauté acadienne», rapporte Éric Forgues.

Les Acadiens de Chezzetcook ont ainsi redécouvert leur culture, leur histoire et leur langue et ont commencé à envoyer leurs enfants à l’école francophone, poursuit Éric Forgues.

«Il faudrait essayer de repérer ces zones-là, où il y a un potentiel, une histoire, une mémoire francophone, acadienne, mais où il y a eu une forte anglicisation. […] Ça se fait du côté des communautés autochtones. On n’en parle pas beaucoup du côté des communautés francophones, mais il y aurait peut-être un beau chantier à faire.»

«Le premier ministre et le député Randy Boissonnault ont convenu que M. Boissonnault se retirerait du Conseil des ministres à compter de maintenant. M. Boissonnault se concentrera à faire la lumière sur les allégations à son encontre», a déclaré le premier ministre Justin Trudeau, par écrit.

La ministre des Anciens Combattants, Ginette Petitpas Taylor, reprend temporairement son ancien portefeuille, en attendant une nouvelle nomination. 

Photo : Inès Lombardo – Francopresse

Le message du bureau du premier ministre est court et concis. Après trois jours d’attaques et de demandes de démissions provenant du Nouveau Parti démocratique (NPD) et des conservateurs, le député d’Edmonton–Centre a dû démissionner de son rôle de ministre.

La veille, le 19 novembre, une motion a été votée en Chambre pour contraindre Randy Boissonnault à témoigner sur les accusations portées contre lui au Comité permanent des affaires autochtones et du Nord.

C’est l’ancienne ministre des Langues officielles, Ginette Petitpas Taylor, actuellement ministre des Anciens Combattants et ministre associée de la Défense nationale, qui va reprendre temporairement les portefeuilles de son collègue, qui redevient simple député.

À lire aussi : Le rôle du ministre des Langues officielles dans l’immigration francophone

Trois controverses

La démission de Randy Boissonnault fait suite à plusieurs controverses. Celle qui fait le plus scandale concerne le fait qu’il se serait servi de ses prétendues racines autochtones lorsque son entreprise de fournitures médicales Global Health Imports, dont il était copropriétaire, a voulu obtenir des contrats gouvernementaux. 

L’entreprise aurait ainsi pu avoir accès aux  5 % de fonds réservés pour des entreprises autochtones.

En 2018, lors d’un comité parlementaire, l’ex-ministre s’est décrit comme un «Cri adopté sans statut de l’Alberta». Cette dernière a toutefois été remise en question depuis.

La semaine avant sa démission, il avait également assuré en conférence de presse «qu’aucun contrat n’avait été accordé» à son entreprise sous cette condition. «J’ai été adopté par une famille autochtone. Je n’ai jamais revendiqué le statut d’Autochtone.»

Je n’ai pas été aussi clair que ce que j’aurais pu être. Je m’en excuse

— Randy Boissonnault

Randy Boissonnault avait tenté de s’expliquer sur X le 8 novembre.

Image : X/Randy Boissonnault

Conflits d’intérêts

Autre controverse : l’ex-ministre est également englué dans une histoire de conflits d’intérêts et d’éthique. Il aurait poursuivi des activités commerciales avec la même entreprise alors qu’il était ministre, ce qui est interdit par la loi.

En comité cet été, son ancien partenaire d’affaires, Stephen Anderson, avait tenté d’expliquer au Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique que s’il y avait neuf références à un certain «Randy» dans des messages découverts sur ce sujet, c’était dû à son autocorrecteur.

Stephen Anderson avait aussi admis avoir menti quelques semaines plus tôt, quand il avait assuré qu’il y avait un autre «Randy» au sein de l’entreprise pour justifier la présence du prénom du ministre dans les messages.

Un troisième scandale a achevé le passage de Randy Boissonnault au Cabinet Trudeau : le National Post a révélé que son entreprise partageait la même boite postale qu’une femme arrêtée pour deux affaires de drogues.

C’est le député ​​néodémocrate Blake Desjarlais, d’origine métisse, qui a commencé par  demandé sa démission. Il a été suivi en Chambre par les conservateurs, qui ont jonglé avec ces trois affaires pour demander son départ.

Avec les informations de Marianne Dépelteau, Marine Ernoult et Inès Lombardo.

Le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP), qui représente 55 000 membres, a déclenché une grève nationale le 15 novembre. L’employeur a imposé un lockout plus tard le même jour.

Le STTP demande, entre autres, des hausses salariales correspondant au taux d’inflation, de meilleures conditions de travail, plus de jours de congé payés pour des raisons médicales et personnelles ainsi que la fin du recours à la sous-traitance.

À lire aussi : 41 % des francophones sont en situation financière précaire

Des pertes importantes

La société d’État perd de l’argent depuis plusieurs années. Selon son rapport financier de 2023, Postes Canada a enregistré une perte avant impôt de 748 millions de dollars en 2023, comparativement à 548 millions en 2022.

Le volume de courrier est passé de 5,5 milliards de lettres en 2006 à 2,2 en 2023, alors que le nombre de foyers était plutôt en augmentation.

La livraison de colis n’est pas une planche de salut. Postes Canada fait face à la concurrence d’entreprises privées. Si bien que ses parts de marché sont passées de 62 % avant la pandémie à 29 % en 2023.

Des communautés dépendantes

«Nos communautés sont dépendantes de plusieurs services offerts par Postes Canada, alors il est clair que cette grève a des répercussions au sein de nos communautés», commente par écrit la Fédération franco-ténoise (FFT), dans les Territoires du Nord-Ouest.

La ville de Moosonee, située sur la côte de la Baie James, dans le nord de l’Ontario, dépend de Postes Canada pour la réception de son courrier et de ses colis. 

Photo : Pixabay

«[…] nous comprenons les revendications des employés grévistes et espérons que des solutions seront trouvées rapidement afin que les choses puissent revenir à la normale au plus tôt.»

Dans la ville de Moosonee, située sur la côte de la Baie James dans le nord de l’Ontario, la grève inquiète les habitants. «Postes Canada est un lien vital avec le reste du pays, c’est le seul moyen dont nous disposons pour recevoir notre courrier et nos colis», souligne le conseiller municipal Savion Nakogee.

La société d’État est en effet la seule compagnie à desservir cette communauté de plus de 1500 habitants, accessible uniquement en train ou en avion. «Postes Canada nous permet d’obtenir des services et des biens de base, car nous n’avons pas de Walmart ou de Canadian Tire ici», affirme l’élu.

En l’absence de services postaux, les habitants seront obligés d’aller faire leurs achats à l’extérieur de la ville et «de débourser plusieurs centaines de dollars pour prendre le train ou l’avion», assure-t-il.

Le bureau de poste en région rurale : un «centre communautaire»

En avril 2024, le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires a examiné des questions liées au service postal dans les collectivités rurales et éloignées du Canada.

«Le bureau de poste rural est un centre communautaire, ce n’est pas seulement un endroit où les gens prennent leur courrier : c’est aussi un endroit où ils se rassemblent pour parler», avait alors rappelé la présidente nationale du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, Jan Simpson.

«Dans de nombreuses régions du pays, personne ne connait mieux sa collectivité que les travailleurs des postes.»

Le président national de l’Association canadienne des maîtres de poste et adjoints, Dwayne Jones, avait pour sa part souligné le rôle crucial du service postal dans la livraison de médicaments, de fournitures médicales ou encore de denrées alimentaires dans ces communautés.

«Dans les régions rurales du Canada, les options pour envoyer et recevoir les produits de première nécessité sont beaucoup plus limitées.»

La grève bouleverse également les activités de certains organismes communautaires en ville, comme La Boussole, à Vancouver, en Colombie-Britannique. Elle pénalise notamment les bénéficiaires en attente de documents importants liés aux services sociaux, «qui peuvent changer de façon significative leur situation précaire», alerte la directrice des opérations, Nathalie Astruc.

La banque alimentaire de l’association n’est cependant pas directement affectée, car les fournisseurs sont locaux et ne dépendent pas de Postes Canada.

À lire aussi : Le nouveau bureau de poste d’Iqaluit connait des ratés (Le Nunavoix)

La distribution des journaux perturbée

Certains journaux communautaires s’inquiètent aussi des conséquences de la grève sur la distribution de leurs éditions.

«Ça va avoir un impact sur les personnes qui sont abonnées au format papier de notre journal. Mais notre journal restera disponible dans la plupart des points de distribution habituels, dans les écoles et dans les bibliothèques», nuance la directrice et rédactrice en chef de l’Aurore boréale, Maryne Dumaine, au Yukon.

Au Yukon, Maryne Dumaine assure que le journal l’Aurore boréale restera disponible dans la plupart des points de distribution habituels, dans les écoles et dans les bibliothèques. 

Photo : Christian Kuntz

En Nouvelle-Écosse, les conséquences de la grève se font déjà ressentir. «On est pas mal dans le trouble, car sans Postes Canada, on n’est pas en mesure de distribuer notre journal comme d’habitude», confie de son côté le rédacteur en chef du Courrier de la Nouvelle-Écosse, Jean-Philippe Giroux.

L’édition de la semaine dernière est prête, mais attend chez l’imprimeur la reprise des services de poste. «Si d’ici jeudi la grève se poursuit, on va fort probablement mettre de côté le montage du journal papier du 29 novembre et mettre notre énergie dans des infolettres», complète-t-il.

Son équipe avait aussi travaillé sur une revue d’affaires, Avant garde, dont la première édition devait être distribuée ce mois-ci. Cela devra attendre.

«On va réévaluer au jour le jour et bien évidemment, nous n’avons pas d’alternative. C’est embêtant pour nos lecteurs, mais aussi du point de vue client, car nous allons perdre des revenus publicitaires si la situation perdure, reconnait le directeur du Courrier de la Nouvelle-Écosse, Nicolas Jean. On croise les doigts pour que la situation trouve une résolution dès que possible.»

À lire aussi : Santé mentale des journalistes locaux : la pression de tout faire

Pas d’arbitrage en vue?

Francis Drouin, député de la circonscription rurale de Glengarry–Prescott–Russell, en Ontario, se veut quant à lui confiant. Il croit que Postes Canada et le syndicat parviendront à une entente. «Je les encourage à retourner à la table.»

Il admet toutefois que «certains délais» pourraient se faire ressentir. «Mais quand une grève perdure, c’est là que les impacts sont beaucoup plus grands.»

En Nouvelle-Écosse, Jean-Philippe Giroux n’est plus en mesure de distribuer son journal comme d’habitude. 

Photo : Julien Cayouette – Francopresse

«La plupart des gens ont fait la conversion en ligne pour recevoir leur courrier même si, je dois l’admettre, la connexion Internet peut être mauvaise ici», concède le député.

L’élu estime que le retour forcé au travail – comme cela a été le cas la semaine dernière dans les ports de Montréal et Vancouver après l’arbitrage du ministre fédéral du Travail, Steven MacKinnon – ne devrait pas être dans les cartons.

«Pour Postes Canada, l’enjeu est important, mais pas au point où est-ce que l’économie serait complètement en danger s’il y a quelques arrêts.»

D’après lui, l’autre différence entre les deux grèves repose sur le fait que l’arbitrage a été nécessaire pour les ports, car «on savait que les deux parties ne s’entendraient pas». Francis Drouin ne voit pas les mêmes signaux d’impasse dans le cas de ce conflit de travail.

Le retour de Trump au pouvoir s’impose comme une nouvelle pierre à l’édifice d’un discours populiste sans filtre qui brouille toujours plus les lignes entre le débat d’idées et la division des sociétés.

Cette victoire, bien qu’annoncée par certaines personnes, porte un poids symbolique énorme. Elle confirme que des millions de gens adhèrent encore à cette vision d’un monde où le populisme et la peur dominent.

Et si ce choix appartient aux États-Unis, ses conséquences, elles, ne s’arrêtent pas à leurs frontières.

Un pas en avant, deux pas en arrière

Trump, avec son style abrasif et son mépris pour le politiquement correct, incarne une libération des paroles rétrogrades envers les femmes, les minorités et les communautés 2SLGBTQIA+. La question, maintenant, est de savoir à quel point cette «décomplexion» influence les discours au Canada.

Regardons les provinces : au Nouveau-Brunswick la population a rejeté le premier ministre conservateur Blaine Higgs et ses attaques contre les droits 2SLGBTQIA+, lors des dernières élections provinciales.

Pendant ce temps, en Alberta, la première ministre Danielle Smith semble emprunter une voie conservatrice plus assumée, sorte d’écho canadien aux idées trumpiennes.

Ces contradictions reflètent un pays divisé, où chaque province semble réagir différemment aux vagues populistes venant du Sud. Un pays qui, à force de marcher sur une corde raide entre progressisme et conservatisme, risque de perdre l’équilibre sous l’influence des vents venus d’ailleurs.

À lire : Les minorités canadiennes et l’élection de Donald Trump

Des droits reproductifs préservés?

Comparons. Aux États-Unis, le coup de massue de la révocation de Roe c. Wade a laissé des cicatrices vives, remettant brutalement en question le droit à l’avortement.

Ici, au Canada, le silence sur cette question pourrait presque sembler rassurant. Même en Alberta, où les conservateurs dominent, aucun recul tangible sur l’accès à l’avortement n’a été noté.

Mais la tranquillité est-elle synonyme de sécurité? Avec la montée en puissance de candidat·es pro-vie au sein du Parti conservateur du Canada, faut-il s’attendre à ce que les étincelles américaines enflamment un jour notre paysage? Si la justice canadienne reste un rempart, elle ne protège pas les discours qui pourraient changer l’opinion publique.

Ainsi, si le Canada semble, pour l’instant, épargné par les bouleversements observés aux États-Unis. Il serait naïf de croire que nous sommes à l’abri. Les discours évoluent, les mentalités aussi.

Et dans un monde où les idées traversent les frontières plus rapidement que jamais, il est essentiel de rester vigilant·es et de défendre activement les droits acquis, sans jamais les considérer comme définitivement acquis.

Des groupes viennent manifester périodiquement à Ottawa pour demander plus de protection pour le droit à l’avortement au Canada. 

Photo : Inès Lombardo – Francopresse

À lire : Le droit à l’avortement n’est «jamais acquis» au Canada

Une menace silencieuse

En parallèle à ces bouleversements politiques, un autre phénomène inquiétant prend de l’ampleur : la montée des discours masculinistes. Ces idées, souvent véhiculées en ligne, valorisent une vision toxique de la masculinité et rejettent l’égalité des genres, transformant le débat public en champ de bataille idéologique.

La semaine dernière, l’influenceur d’extrême droite Nick Fuentes a enflammé les réseaux sociaux en détournant le slogan féministe «My Body, My Choice» pour déclarer : «Your body, my choice. Forever.»

Ce message, perçu comme une attaque directe contre l’autonomie corporelle des femmes, illustre la manière dont ces mouvements cherchent à détourner des acquis progressistes pour imposer une domination symbolique.

Aux États-Unis, ce slogan devient une arme de propagande masculiniste, alimentée par un climat culturel où la réélection de Trump semble donner une légitimité supplémentaire à ces idées rétrogrades.

Amplifiés par les réseaux sociaux, ces discours séduisent certains groupes au Canada, menaçant de fragiliser les avancées féministes. Si nous laissons ces idées proliférer sans les confronter, c’est non seulement l’égalité des genres qui est en jeu, mais aussi les fondements mêmes d’une société basée sur le respect et la justice.

À lire : 2022 : l’heure du bilan féministe

Un miroir américain

Le Canada, avec ses systèmes politiques et juridiques distincts, résiste peut-être bien aux influences idéologiques venues du Sud. Cependant, les discours de Trump trouvent des échos, parfois subtils, dans nos débats nationaux.

Alors, que faire face à cette ombre qui s’étend? Résister aux influences américaines demande plus qu’une indignation passagère. Il faut reconnaitre nos propres failles, nos propres contradictions.

Le Canada se vante d’être une société ouverte, mais il ne peut ignorer ses divisions internes, ses tensions politiques et l’impact de discours populistes qui s’y insinuent.

La réélection de Trump est un rappel brutal : les idéologies ne respectent pas les frontières. Si nous voulons défendre les valeurs progressistes que nous proclamons, il nous faut plus que des mots. Il nous faut des actions concrètes pour protéger les droits acquis et repousser les discours de haine, chez nous comme ailleurs.

Originaire de Belgique, Julie Gillet est titulaire d’une maitrise en journalisme. Militante éprise de justice sociale, voici près de quinze ans qu’elle travaille dans le secteur communautaire francophone et s’intéresse aux questions d’égalité entre les genres. Elle tire la force de son engagement dans la convergence des luttes féministes, environnementales et antiracistes. Elle vit aujourd’hui à Moncton, au Nouveau-Brunswick.

Situation financière et familiale, genre, origine ethnique, intégration à sa communauté et plus encore… Lorsqu’il est question de santé mentale, beaucoup de circonstances influencent les expériences de chacun. Une variable reste souvent oubliée dans les études canadiennes : la langue.

En 2017, la Commission de la Santé mentale du Canada (CSMC) estimait que près de 1,2 million d’enfants et adolescents au Canada souffraient de troubles de santé mentale, un chiffre qui atteignait 7,5 millions à l’âge de 25 ans, soit environ un Canadien sur cinq.

Selon de nouvelles données de Statistiques Canada, le problème semble s’être détérioré ces dernières années à la suite, entre autres, de la pandémie. Ainsi, parmi les jeunes qui estimaient que leur santé mentale était «bonne» ou dans un meilleur état en 2019, 20 % n’étaient plus de cet avis en 2023.

Antoine Désilet rappelle qu’il faut des données pour agir efficacement en santé. 

Photo : Courtoisie

Des données fragmentées

«Il y a une croissance importante de problèmes de santé mentale pour la population générale. On peut donc supposer que si c’est vrai, ça l’est tout autant pour les francophones… Mais nous n’avons pas de donnée pour prouver ça. Il y a un grave manque», explique le directeur général de la Société Santé en français (SSF), Antoine Désilets. «On ne peut pas améliorer ce qu’on ne peut pas mesurer.»

Un constat partagé par des chercheurs lors de la présentation d’un bilan de la recherche sur la santé des communautés en situation minoritaire, le 3 octobre dernier, à l’Université d’Ottawa.

«Les données que nous avons nous indiquent des tendances. Mais, pour être capable de faire une analyse plus approfondie de l’état de santé mentale des jeunes francophones, il faudrait qu’on ait des enquêtes sur les jeunes dans toutes les provinces», précise Louise Bouchard, professeure émérite et titulaire de la chaire de recherche de l’Université d’Ottawa et de l’Institut du Savoir Monfort sur la santé des francophones de l’Ontario.

À lire aussi : Les francophones en milieu minoritaire, orphelins de données

Un état des lieux incertain

Or,​​ Statistique Canada s’est récemment attelé au défi d’établir un portrait plus complet de la santé mentale et l’accès au soin des jeunes Canadiens et Canadiennes lors d’une grande enquête, publiée en 2022. Mais dans leur formulaire de près de 700 questions, l’agence n’a collecté aucune donnée linguistique.

Contactée par Francopresse, l’agence fédérale a calculé des données sur mesure à partir d’un sous-échantillon de l’Enquête canadienne sur la santé des enfants et des jeunes de 2023. Selon ces résultats, les jeunes francophones hors Québec auraient aussi vu leur santé mentale se détériorer. Entre 2019 et 2023, ils seraient 12 % plus nombreux à estimer leur santé mentale comme passable ou mauvaise.

Louise Bouchard, lors de la conférence sur l’état des lieux de 10 ans de recherche sur la santé des communautés francophones minoritaires. 

Photo : Clémence Labasse – Francopresse

Mais, selon ces estimations, ce groupe aurait tout de même une meilleure santé mentale autodéclarée que le reste de la population. Les chiffres doivent donc être considérés avec prudence : «Habituellement, les enquêtes de santé plus générales sur la santé ne sont pas développées pour des estimations de qualité pour des sous-populations très spécifiques», explique la directrice adjointe du Centre de données sur la santé de la population de Statistique Canada, Isabelle Lévesque.

«C’est un défi quand on n’a pas assez d’échantillons. Il y a des choses qu’on ne peut pas produire.»

Ce constat va, par exemple, à l’encontre des conclusions d’une étude de 2021, qui relevait que les élèves  en situation largement minoritaire au Nouveau-Brunswick étaient plus en proie aux symptômes de l’anxiété ou de la dépression que leurs pairs anglophones ou francophones majoritaires dans la province.

À lire : Santé mentale : les filles au centre d’un rapport fédéral

L’identité francophone, une lame à double tranchant

La recherche prouve qu’un fort sentiment d’appartenance à sa communauté ethnolinguistique a un impact positif sur le sentiment de satisfaction de la vie et sur le bienêtre. Cependant, en contexte minoritaire, cette appartenance peut se retourner contre l’individu et devenir une source de marginalisation.

«Se sentir infériorisé, se sentir oublié ou insécure dans sa langue, c’est quelque chose qui va expliquer, ou qui peut amplifier les troubles mentaux des individus, souligne Louise Bouchard. En santé des populations, on sait que ce sentiment d’infériorité va se refléter par de mauvais indicateurs de santé et être lié à plus de comportements à risque et des dépendances.»

Une assistante de recherche ayant recueilli les témoignages de jeunes Franco-Albertains sur leurs expériences de vie et leurs santés mentales relate : «Il y a beaucoup de confusion et beaucoup de colère [par rapport à l’identité en tant que minorité francophone]. […O]n veut s’intégrer à un groupe, avoir des amis, mais si on est rejeté parce qu’on parle français, ça devient difficile. Beaucoup avaient honte de parler français à l’extérieur de leur groupe, même si le campus [de Saint-Jean] est francophone.»

De plus, la sensation de perte d’identité et la peur pour l’avenir de la communauté peuvent aussi peser lourd sur l’esprit des jeunes. «La plupart se sentent noyés parce qu’ils sont submergés par l’anglais. On donne de la place à d’autres langues, mais pas à la leur. Si on ne fait pas plus, c’est une langue qui va mourir», déplore l’assistante de recherche, qui n’est pas identifiée dans le compte rendu.

À lire : Des soins en santé mentale culturellement adaptés au Nunavut

Une conférence à l’Université d’Ottawa sur la santé des francophones en milieu minoritaire est revenue sur les 20 dernières années en recherche le 3 octobre. 

Photo : Clémence Labasse – Francopresse

L’accès au soin, un enjeu

Une autre source de vulnérabilité pour les jeunes en situation minoritaire réside dans leur accès à des soins de qualité dans leur langue.

La SSF estime que les deux tiers des francophones à l’extérieur du Québec n’ont pas un accès adéquat à des services de santé dans leur langue. «On parle ici de tous services confondus, or on sait qu’en santé mentale, il y a des pénuries un peu plus importantes», commente Antoine Désilets.

Ce constat est particulièrement troublant. Si les jeunes sont un groupe très touché par les problèmes psychologiques, c’est aussi le tranchant de la population qui, en général, a le moins recours à de l’aide professionnelle.

«La santé mentale est un secteur où la communication est un moyen de traitement et une stratégie de rétablissement. Ce n’est pas juste de prendre des médicaments. […] La communication est essentielle et les francophones sont défavorisés», insiste Antoine Désilets.

Une situation qui peut conduire à des erreurs de diagnostic plus fréquentes, à un manque de compréhension entre le patient et l’expert et à un taux d’insatisfaction plus grand par rapport aux services de santé mentale pour les minorités linguistiques.

À lire : Assurer la confidentialité des services en santé mentale

Raconter l’histoire de William Stephenson n’est pas chose facile. Non seulement parce que l’homme était un espion – un métier où le mensonge, le flou et la duperie se mêlent –, mais aussi parce que plusieurs des biographies les plus populaires à son sujet avancent des affirmations qui ont été contredites, mises en doute ou réfutées. Mission impossible?

Allons-y avec ce que l’on sait.

Première Guerre mondiale

Photo de passeport de l’espion canadien William Stephenson, en 1942. Sa discrétion lui a valu le surnom de «Canadien tranquille». 

Photo : Wikimedia Commons, domaine public.

Ce singulier personnage nait en 1897 à Winnipeg, au Manitoba. Signe prémonitoire de la vie d’espion qui l’attend, Stephenson change de nom alors qu’il est tout jeune enfant.

Né William Samuel Clouston Stanger, fils de William et Sarah Stanger, il perd son père à l’âge de 4 ans. Sa mère, se sentant incapable de s’occuper de lui, le donne en adoption à un couple du nom de Stephenson.

Selon certaines sources, le jeune William n’atteindra pas le secondaire; il abandonne l’école et enchaine les petits boulots, comme celui de livreur de télégrammes.

Puis survient la Première Guerre mondiale. En 1916, William part pour l’Angleterre et devient pilote de l’armée britannique. Il a du talent et se distingue en multipliant les exploits.

À l’hiver 2018, son avion est cependant touché et s’écrase derrière les lignes allemandes. Mais, pour Stephenson, mourir peut attendre. Fait prisonnier, il ne sera relâché qu’en décembre de la même année, soit après la fin du conflit.

William Stephenson reçoit une première distinction, la Croix du service distingué dans l’aviation (Distinguish Flying Cross) de l’Aviation royale britannique.

Après la guerre, il rentre chez lui, au Manitoba, où il mettra sur pied une entreprise d’ouvre-boites qui ne fera pas long feu. Stephenson quitte alors le Canada pour les États-Unis, peut-être pour fuir ses créanciers.

À lire aussi : Marcel Ouimet, un pionnier correspondant de guerre

Bons baisers d’Angleterre

Quelques années plus tard, il réapparait à Londres, où sa vie prendra un virage inattendu. Le pilote de guerre devient un homme d’affaires très prospère. Avec un partenaire, il met au point et fait breveter, en 1924, un dispositif pouvant transmettre des photographies sans fil aux journaux.

Ce succès lui rapporte des redevances de 100 000 livres par année. Stephenson ne s’assoit pas sur ses lauriers pour autant. Il se lance dans de multiples autres entreprises, dans l’acier, la fabrication de postes de radio et même les studios de cinéma.

William Stephenson est millionnaire avant d’atteindre ses 30 ans.

Statue de William Stephenson en costume d’aviateur militaire érigé près d’un boulevard à Winnipeg, son lieu de naissance. 

Photo : Wikimedia Commons, partage dans les mêmes conditions, 4,0 international

Entretemps, il a épousé Mary French Simmons, issue d’une famille aisée du Tennessee œuvrant dans le secteur du tabac. Le couple fréquente les milieux de la haute société londonienne. C’est ainsi que William rencontre un député qui deviendra l’une des plus grandes figures politiques du XXe siècle : Winston Churchill.

Parce qu’il a un pied dans l’industrie de l’acier, William Stephenson a vent des quantités anormales de ce métal qui prennent la direction de l’Allemagne, devenue nazie.

En effet, Hitler s’affaire à réarmer l’Allemagne en cachant d’énormes dépenses militaires, le tout en violation des conditions du Traité de Versailles, qui a mis fin à la Première Guerre mondiale.

Stephenson transmet cette information privilégiée à Churchill et gagne ainsi la confiance du politicien.

Une fois la guerre déclenchée, Churchill, devenu premier ministre, lui confie la direction d’un nouveau bureau britannique à New York : la British Security Coordination (BSC).

Au service secret de Sa Majesté

Officiellement, ce bureau est un simple service de vérification des passeports. Dans les faits, ce sera une vaste opération de contrespionnage et de propagande.

En 1999, Postes Canada a mis en circulation un timbre avec le visage de William Stephenson. 

Photo : Société canadienne des postes, 1999. Reproduit avec permission

À cette époque, les États-Unis ne sont pas encore en guerre, mais le gouvernement britannique veut tout faire pour convaincre l’Oncle Sam de s’engager.

Le bureau est situé dans le célèbre centre Rockefeller, en plein cœur de Manhattan. Son adresse télégraphique est INTREPID, qui deviendra l’un des surnoms de l’espion canadien.

La BSC, avec à sa tête William Stephenson, s’occupera de transmettre des informations secrètes entre le président américain Franklin Roosevelt et le premier ministre britannique Churchill, et vice-versa.

Les agents de la BSC mèneront des activités de propagande auprès de l’opinion publique afin qu’elle incite Washington à entrer en guerre et à venir en aide au Royaume-Uni et à l’Europe.

De plus, la BSC sera impliquée dans une gigantesque opération de surveillance et de censure du courrier acheminé des États-Unis vers l’Europe. Tout le courrier et les télégrammes sont détournés aux Bermudes, territoire du Royaume-Uni, où une armada de 1200 employés britanniques d’une filiale de la BSC scrute les communications à destination de l’Europe et même du Proche-Orient.

Cette démarche, jugée maintenant illégale, a cependant permis de découvrir et d’arrêter des espions opérant aux États-Unis.

Stephenson et son organisation érigeront aussi une installation près d’Oshawa, en Ontario – le Camp X –, où seront formés des agents de pays alliés qui auront pour mission d’infiltrer les pays d’Europe occupés par l’Allemagne nazie.

D’Intrepid à 007

Plusieurs personnes ont affirmé que le créateur du personnage de James Bond, Ian Fleming, s’était inspiré du Canadien William Stephenson. L’auteur des romans d’espionnage ne l’a jamais confirmé.

Cependant, on sait que Fleming a côtoyé Stephenson et qu’il l’admirait. L’auteur a signé la préface d’une des biographies de Stephenson, le qualifiant de héros et de «l’un des grands agents secrets de la Seconde Guerre mondiale».

Une autre biographie a donné à Stephenson le surnom de «Canadien tranquille» (The Quiet Canadian).

Qui sait si le personnage de James Bond, aujourd’hui incarné par Daniel Craig (sur la photo), aurait été inspiré de William Stephenson? 

Photo : Wikimedia Commons, attribution 2,0 générique

Cependant, des historiens et experts ont mis en doute le rôle joué par William Stephenson comme espion et comme dirigeant des opérations britanniques aux États-Unis pendant le conflit. Certains ont même avancé qu’il avait exagéré ses exploits auprès de ses biographes, qui vont consacrer sa légende.

Toutefois, les dirigeants de l’époque, avant même que les biographies soient écrites, ont cru bon de rendre hommage au Canadien. En 1945, il a été fait chevalier par la Grande-Bretagne sous la recommandation de Churchill lui-même, qui affirmait que Stephenson était «cher à son cœur».

L’année suivante, c’est au tour des États-Unis de lui rendre hommage en lui remettant la Médaille du mérite, la plus haute distinction civile du pays à l’époque. Stephenson devenait ainsi le premier non-Américain à recevoir cet honneur.

Plus tard, en 1979, il sera fait compagnon de l’Ordre du Canada. Postes Canada émettra un timbre à son effigie en 1999.

Quelques années après la guerre, William Stephenson et son épouse vivront des jours tranquilles aux Bermudes, où l’espion mourra en 1989 à l’âge avancé de 92 ans, dix ans après sa femme Mary. Il a sans doute emporté quelques secrets dans sa tombe…

«Plus on est jeune, plus on aime les vidéos courtes, mais c’est quand même une tendance qu’on voit dans la population», remarque Colette Brin. 

Photo : Julien Cayouette – Francopresse

«Je pense que [YouTube est] une plateforme prometteuse pour tout le monde parce que c’est la plateforme qui rejoint tous les groupes d’âge», note la professeure titulaire et directrice du Centre d’études sur les médias de l’Université Laval, Colette Brin, citant la dernière enquête canadienne du Digital News Report (DNR).

Selon les données extraites par la professeure, YouTube reste le seul réseau social – classé comme tel par les auteurs de la recherche – qui rejoint à parts égales les moins de 35 ans et les plus de 35 ans.

La montée en popularité des vidéos s’observe depuis plusieurs années, entrainée par des outils technologiques qui facilitent leur production et leur publication, poursuit Colette Brin.

À lire aussi : Élections fédérales : incertitude sur le financement des médias francophones

Ressources limitées

Même si les moyens de production sont maintenant plus simples, réaliser des vidéos nécessite plus de temps et de ressources qu’écrire des articles. Des médias francophones en milieu minoritaire aimeraient y plonger, mais développer cette capacité reste un projet en soi.

«Nous avons notre page YouTube, Le Moniteur Acadien TV, qui est présentement inactive [depuis environ 1 an]. Si nous trouvons le talent pour le faire, nous le ferons», assure le directeur général du journal Le Moniteur acadien, Jason Ouellette.

«La vidéo demande un peu plus d’efforts et d’équipement spécialisé qui demandent un minimum d’expertise que nous n’avons pas dans notre équipe.»

En Ontario, le journal Le Voyageur aimerait aussi ajouter cet outil à son arsenal. «Ça demande un investissement. C’est dans nos projets, mais on essaie de développer d’autres projets qui vont nous permettre d’avoir les moyens d’acquérir la ressource humaine et le matériel pour faire de la vidéo», mentionne son rédacteur en chef, Mehdi Mehenni.

Combler la rareté

Les médias francophones qui peuvent se lancer dans la vidéo le font souvent dans le cadre de projets spéciaux, avec des fonds dédiés.

«Le monde apprécie beaucoup le fait qu’on va dans les communautés et qu’on fait des reportages vidéos», témoigne Jean-Philippe Giroux. 

Photo : Julien Cayouette – Francopresse

À son arrivée en Nouvelle-Écosse, le rédacteur en chef du Courrier de la Nouvelle-Écosse, Jean-Philippe Giroux, a constaté que l’accent acadien était très peu présent sur Internet. Encore moins celui des jeunes. Des consultations dans les communautés francophones de la province ont aussi révélé que les Acadiens se trouvaient peu représentés dans la sphère médiatique.

«On s’entend qu’un journal, c’est de l’écrit, souligne-t-il. On a la responsabilité d’écrire dans un français standard. La vidéo est une façon de répondre à leurs besoins et de représenter ces parlers-là; représenter ce qui est particulier de la Nouvelle-Écosse.»

Un projet de reportages vidéos est ainsi né et la chaine YouTube du journal compte aujourd’hui près de 115 capsules. La longévité de la production n’est cependant pas assurée, car les vidéos restent difficiles à financer et à monétiser.

Le blocage de Meta a également privé le journal de plateformes où leurs contenus étaient populaires.

À lire : Les journaux francophones après un an de blocage de Meta

Rejoindre les jeunes

Au Yukon, le journal l’Aurore boréale met sur pied un projet de vidéo en collaboration avec des jeunes afin d’augmenter sa présence sur les réseaux sociaux qu’ils fréquentent.

Le journal va mettre sur pied une équipe de jeunes qui produira des contenus numériques en prenant «ce qu’ils voudront dans le journal». «Ça peut être des photos, un article, l’horoscope… Ils choisiront ce qu’ils veulent mettre de l’avant et l’idée c’est qu’ils le fassent à leur façon, sur un Reels, des Stories, des choses qui seraient interactives et intéressantes pour les jeunes», explique la directrice, Maryne Dumaine.

«C’est un projet à la fois de développement de lectorat, mais aussi de professionnalisation des jeunes en journalisme numérique.»

Pour la deuxième année de ce que Maryne Dumaine appelle le Laboratoire de l’Aurore boréale (LAB), l’inverse sera fait : des contenus produits en ligne par et pour les jeunes seront intégrés au journal papier dans des formats créatifs, à nouveau par des jeunes, pour «que le reste de la communauté voie comment les jeunes s’informent et comment les jeunes ont interagi avec le journal», dit-elle.

Colette Brin encourage ce type d’expérimentation. Avec des salles de rédaction de plus en plus jeunes, qui connaissent les codes de la vidéo, les médias écrits en milieu minoritaire pourraient occuper davantage cet espace, selon elle.

C’est un créneau où on peut essayer d’investir, selon les moyens qu’on a. Il y a moyen de faire des choses assez originales avec assez peu de moyens.

— Colette Brin

Être multiplateforme

Pour la professeure, l’essor de la vidéo est davantage lié à la popularité des contenus numériques qu’au déclin de la lecture d’articles. «De courts textes en ligne, même des textes assez longs, les jeunes peuvent les lire sur leur téléphone.»

La version imprimée de l’Aurore boréale est encore très populaire au Yukon, indique Maryne Dumaine. 

Photo : Christian Kuntz

Jason Ouellette, aussi directeur général de Radio Beauséjour, est conscient que le contenu multiplateforme est «l’avenir de l’information».

Un avis partiellement partagé par Maryne Dumaine : «Je pense que c’est complémentaire. La vidéo peut devenir un excellent soutien, mais ne sera jamais un remplacement de l’information, en tout cas pour notre communauté francophone yukonaise.»

Il faudrait que les revenus soient au rendez-vous pour les vidéos, nuance de son côté Jean-Philippe Giroux.

Oui à la vidéo, mais pas au détriment de l’écrit, insiste Mehdi Mehenni. «Il y a des choses que la vidéo ne peut pas rapporter. Il y a les coulisses, la description de l’atmosphère, les sentiments des gens. Il y a certaines choses que la caméra ne peut pas capter dans un évènement» et qui peuvent quand même être présentées à l’écrit.

«Je pense aussi que c’est la mission d’un journal de sensibiliser les jeunes pour qu’ils n’abandonnent pas l’écriture et la lecture», ajoute-t-il.

CANADA

La gouverneure générale Mary Simon, le premier ministre Justin Trudeau et la ministre des Anciens Combattants Ginette Petitpas Taylor ont rendu hommage lundi aux femmes et aux hommes tombés au combat sous l’uniforme canadien durant des conflits armés.

Justin Trudeau lundi, devant le Monument commémoratif de la guerre, à Ottawa, à l’occasion de la commémoration du jour du Souvenir. 

Photo : Inès Lombardo – Francopresse

La cérémonie s’est tenue à quelques pas du Parlement, à Ottawa, devant le Monument commémoratif de guerre du Canada. Des vétérans ont pris part à la commémoration, aux côtés du premier ministre, en déposant des fleurs.

Ce qu’ils ont dit : «Nous nous souvenons des personnes qui se sont engagées à servir, quel qu’en soit le prix : de la Première Guerre mondiale à la Seconde Guerre mondiale, en passant par la guerre de Corée, les opérations modernes dans le golfe Persique ou les missions de maintien de la paix au Congo. Les femmes et les hommes des Forces armées canadiennes ont assuré notre sécurité ici et à l’étranger», a déclaré, par voie de communiqué, la ministre des Anciens Combattants et ministre associée de la Défense nationale, Ginette Petitpas Taylor.

À lire aussi : La participation des Autochtones à la Première Guerre mondiale : une question de respect et d’égalité

Ottawa a demandé au Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) d’ordonner la reprise des activités et d’imposer un arbitrage exécutoire dans les ports de Montréal, de Québec et de Vancouver, touchés par des conflits de travail.

Ce qu’ils disent : Le gouvernement justifie son intervention par les lourdes conséquences économiques de ces arrêts de travail.

«Il y a une limite à l’autodestruction économique que les Canadiens sont prêts à accepter», a déclaré le ministre fédéral du Travail, Steven MacKinnon, mardi, lors d’une conférence de presse.

Les syndicats, notamment le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), dénoncent cette décision, affirmant que le gouvernement fédéral viole le droit constitutionnel à la négociation collective. Ils critiquent l’intervention rapide d’Ottawa sans négociations sérieuses de la part des employeurs.

L’été dernier, le gouvernement avait aussi forcé le retour au travail des cheminots en grève, en utilisant aussi l’article 107 du Code canadien du travail.

John Aldag était le député libéral de Cloverdale–Langley City, en Colombie-Britannique, jusqu’en mai 2024. 

Photo : John Aldag X

Dimanche, le premier ministre Justin Trudeau a annoncé la tenue d’une élection partielle dans la circonscription de Cloverdale–Langley City, en Colombie-Britannique.

Pourquoi c’est important : Le député John Aldag a représenté cette circonscription pour le Parti libéral de 2015 à 2019, puis de 2021 à mai dernier. Il a  remis sa démission le 27 mai pour se lancer en politique provinciale sous les couleurs du Nouveau parti démocratique (NPD) de la Colombie-Britannique.

L’élection se déroulera le 16 décembre et constituera un nouveau test pour le gouvernement fédéral, après la perte des bastions libéraux de Toronto–St. Paul’s en Ontario et de LaSalle–Émard–Verdun au Québec.

INTERNATIONAL

Le ministre de l’Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault, a annoncé, lors de la COP29, un programme d’aide de plus de 2 milliards de dollars. 

Photo : Global Environment Facility – Flickr (CC BY-NC-SA 2.0)

Le ministre fédéral de l’Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault, a entamé la 29e Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP29), à Bakou, en Azerbaïdjan, en lançant une nouvelle plateforme de financement appelée GAIA.

Celle-ci mobilisera des investissements axés sur la lutte aux changements climatiques à destination des pays en développement et émergents.

Le but : Avec un montant de 1,48 million de dollars américains (plus de 2 millions de dollars canadiens), 25 % de la plateforme sera consacrée aux pays les moins avancés en matière de climat et aux petits États insulaires en développement.

Un autre 70 % sera consacré à l’adaptation aux changements climatiques.

«La Cour suprême donne raison» à Droits collectifs Québec (DCQ), «mais de la pire manière possible», estime l’organisme dans un communiqué de presse ,envoyé le 11 novembre.

Le 8 novembre, la Cour suprême a annoncé qu’elle retirait ses décisions non traduites de son site Web. Elle a assuré par voie de communiqué qu’à l’occasion du 150e anniversaire de la Cour, en 2025, le Bureau du registraire de la Cour suprême (BRCSC) entreprendra la traduction de celles «qui sont les plus importantes d’un point de vue historique ou jurisprudentiel».

Aucune échéance n’a été fixée.

Dix jours auparavant, DCQ a entamé une poursuite contre le BRCSC pour la non-traduction des décisions qui datent d’avant 1970. Il y en aurait environ 6000.

En septembre, un deuxième rapport d’enquête, rédigé par le commissaire aux langues officielles (CLO), Raymond Théberge, déterminait que le tribunal avait enfreint la Loi sur les langues officielles (LLO). Il avait recommandé la traduction de toutes les anciennes décisions.

À lire aussi : La Cour suprême poursuivie pour la non-traduction de ses anciennes décisions

Une question de communication

L’affichage en ligne des décisions constitue une communication au public faite par une institution fédérale, estime le commissaire aux langues officielles. Selon la LLO, une telle communication doit se faire dans les deux langues officielles.

Ainsi, en retirant les décisions non traduites de son site, il n’y a plus de communication au public et la Cour suprême n’a plus l’obligation de les traduire.

La poursuite suit son cours

En entrevue avec Francopresse, le directeur général de DCQ, Etienne-Alexis Boucher, se dit «sidéré» par la décision de la Cour, qui «préfère restreindre l’accès à l’information, à la justice, pour l’ensemble des Canadiens et des Canadiennes, plutôt que de respecter les droits linguistiques des francophones».

«La Cour suprême ne s’en tirera pas comme ça», assure Etienne-Alexis Boucher. 

Photo : Mouvement national des Québécois et des Québécoises

«Le geste posé par la Cour suprême est, au final, une façon de contourner la Loi et plutôt son esprit, parce que si elle respecte la lettre, [elle ne respecte] certainement pas son esprit», dénonce-t-il.

La poursuite du BRCSC par DCQ en Cour fédérale suit pour l’instant son cours, confirme M. Boucher. «Ce geste-là ne répond que très partiellement aux questions litigieuses que nous avons soulevées.»

«Ça ne répond aucunement aux recommandations du [CLO].»

Les décisions en question étant retirées du site de la Cour suprême, il est possible que la Cour fédérale juge la plainte de DCQ irrecevable. M. Boucher le reconnait, mais estime que la poursuite demeure «légitime puisque de nombreuses questions ne sont pas répondues à ce jour».

«C’est une étape un peu étrange pour essayer de répondre à la demande qui est faite devant la Cour fédérale», dit le président de la Fédération des associations de juristes d’expression française (FAJEF), Justin Kingston.

«Il faut traduire toutes les décisions», dit-il. La FAJEF examine actuellement les options lui permettant de soutenir DCQ dans sa procédure, comme témoigner ou agir à titre d’intervenant.

«Toutes les décisions sont importantes»

«La Cour met fin dans l’immédiat, dans le court terme, à son manquement à l’égard de la Loi sur les langues officielles», estime le professeur de droit de l’Université d’Ottawa, François Larocque.

Selon François Larocque, la nouvelle Loi sur les langues officielles devrait inciter le gouvernement à agir dans ce dossier. 

Photo : Valérie Charbonneau

Là où il trouve que le BRCSC «s’éloigne des recommandations du CLO», c’est dans le choix de traduire certaines décisions seulement.

«Toutes les décisions de la Cour suprême sont importantes, insiste le juriste. Elles font toutes jurisprudence, dans un système comme le nôtre […] qui est axé sur les précédents.»

Les anciennes décisions qui seront traduites «n’auront toutefois pas un caractère officiel, étant donné qu’elles ne peuvent pas être approuvées par les juges qui les ont rendues, ceux-ci étant tous décédés», avertit la Cour suprême dans son communiqué du 8 novembre.

«C’est un beau grand respect pour les francophones que de nous annoncer déjà que les traductions n’auront pas de valeur officielle», lance avec sarcasme le juriste et président de DCQ, Daniel Turp.

Selon lui, l’«attitude» de la Cour suprême trahit un manque de valorisation du français.

«On persiste, on signe, on a des bons arguments pour que cette cause puisse continuer en Cour fédérale», dit Daniel Turp. 

Photo : Wikimedia Commons

En pratique, le fait qu’une décision ne soit pas officielle permet d’invalider son interprétation. Par exemple, un défendant qui a traduit lui-même une décision de l’anglais et qui interprète la version librement traduite en français pourrait voir cette interprétation invalidée.

«La version anglaise est plus importante, c’est elle qui va compter et qui va l’emporter à la fin», illustre M. Turp.

Les décisions retirées sont disponibles sur le site CanLII, mais comme le fait remarquer M. Turp, il s’agit d’une entité privée.

À lire aussi : Langues officielles : la Cour suprême à nouveau priée de traduire ses anciennes décisions

Le quasi-silence du gouvernement

Le 4 juin dernier, le Bloc québécois a envoyé une lettre au ministre fédéral de la Justice, Arif Virani, dans laquelle il demande au gouvernement de fournir les ressources nécessaires et de prendre en charge les couts liés à la traduction des anciennes décisions.

Aucune réponse n’a encore été fournie.

Justin Kingston estime que la traduction de quelques anciennes décisions est «un pas dans la bonne direction», mais que ça demeure insuffisant. 

Photo : Courtoisie

«Je pense que le gouvernement devrait agir, devrait prendre des mesures positives comme la Partie VII de la Loi l’exige, pour faciliter l’accès à la justice en français», dit François Larocque.

DCQ et la FAJEF demandent aussi au gouvernement d’augmenter le budget alloué à la Cour suprême pour la traduction.

À lire aussi : Manque de ressources pour traduire les décisions de la Cour suprême : «Pas une excuse valable»

Le 5 novembre, le ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et des Langues officielles, Randy Boissonneault, a indiqué à La Presse canadienne qu’il ne peut pas commenter un dossier qui fait l’objet d’un procès devant les tribunaux.

Son secrétaire parlementaire, Marc Serré, a affirmé à La Presse que le gouvernement devrait recommander à la Cour suprême de faire la traduction, quitte à ce que ça prenne quelques années.

Ces commentaires ont été émis avant que les décisions ne soient retirées.

«Le contenu présenté dans le site Web de la Cour suprême est maintenant bilingue, conformément aux exigences de la Loi sur les langues officielles», a constaté le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, dans une réponse écrite. Ce ministère est responsable de la mise en œuvre de la LLO.

«Comme l’enjeu de fond fait l’objet d’un recours en justice, le SCT ne peut pas commenter davantage sur le sujet.»

Le BRCSC a indiqué par courriel qu’il ne commentera pas davantage.

De son côté, le CLO a assuré par courriel qu’il suit de près l’évolution du dossier.