Le premier Congrès mondial acadien a eu lieu il y a 30 ans, dans le Sud-Est du Nouveau-Brunswick. C’était la première fois que les descendants du Grand Dérangement dispersés de par le monde se réunissaient en un même lieu.
L’évènement avait deux grands objectifs : permettre des retrouvailles, notamment par l’entremise des réunions de famille et des spectacles, ainsi que lancer des réflexions sur l’Acadie d’aujourd’hui et de demain.
Si le volet des retrouvailles et le côté festif se sont avérés de grands succès depuis les débuts, le segment «sérieux», celui des discussions, a connu des hauts et des bas.
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Des états généraux
«C’est sûr que depuis 1994, on se questionne beaucoup sur la bonne formule», admet Clint Bruce, professeur et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en études acadiennes et transnationales à l’Université Sainte-Anne à Pointe-de-l’Église, en Nouvelle-Écosse.
L’universitaire a participé à l’organisation du volet conférence du congrès précédent, en 2019, qui avait selon lui «certaines réussites, mais aussi certaines limites qu’on a voulu dépasser avec les États généraux», nom donné aux conférences et discussions du congrès de 2024.
Le défi reste cependant le même : définir des stratégies et des orientations politiques pour une entité – l’Acadie – qui n’a pas de frontières ni de gouvernance politique commune.
Repenser l’Acadie
Cette année, la Société Nationale de l’Acadie (SNA), organisme chargé d’assurer la pérennité du Congrès mondial acadien et d’encadrer le choix des régions hôtes, a mis des efforts pour redynamiser le brassage d’idées.
Les discussions ont porté cette année sur plusieurs thèmes, comme l’identité, la langue, la diplomatie internationale, l’insécurité linguistique ou encore l’immigration.
Lors des États généraux, des députés fédéraux et sénateurs acadiens de différentes allégeances politiques ont présenté leur projet de former – peut-être cet automne – une association acadienne de parlementaires fédéraux.
Selon le sénateur indépendant du Nouveau-Brunswick, René Cormier, cette association sera un instrument auquel «les Acadiens peuvent s’adresser pour faire avancer les enjeux acadiens, un espace de dialogue sur le plan politique».
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Le congrès, ça donne quoi?
En plus de s’intéresser au volet conférence du CMA, Clint Bruce mène une étude sur les incidences – locales et générales – de l’édition de 2024. Une équipe de 17 chercheurs et chercheuses s’attardera à déterminer les «espoirs et enjeux» découlant de cet évènement.
Le président du comité organisateur du Congrès de 2024, Allister Surette, ancien recteur de l’Université Sainte-Anne, estime que les retombées s’observent déjà.
«Je connais des jeunes qui ont commencé à jouer la musique ici. Juste l’ouverture officielle [du présent congrès]¸ ça les a ouverts les yeux», dit-il, aux personnes qui ont vu par exemple un chanteur du coin, comme P’tit Belliveau, sur une grande scène.
Allister Surette, qui assurait aussi la présidence du Congrès de 2004 qui a eu lieu dans toute la Nouvelle-Écosse, affirme que l’incidence de ces rassemblements est indéniable. «Je suis certain qu’on n’aurait pas eu la Loi sur les services en français en Nouvelle-Écosse si on n’avait pas eu le Congrès mondial acadien [en 2004]. Donc le Congrès a été utilisé comme une plateforme pour engager les gouvernements, engager nos communautés.»
Le militant acadien Jean-Marie Nadeau, qui avait lancé l’idée et le concept du Congrès en 1988, souligne que cet évènement a aussi un effet rassembleur pour les communautés des régions hôtes. «Ça a permis de réduire les guerres de clocher.»
Selon lui, le Congrès a, dès le début, fouetté le dynamisme des artistes, en devenant une sorte «d’Olympiques» culturels. «Ça devient une date de référence.»
Le retour aux sources
L’un des buts de départ du CMA était de renouer les liens entre l’Acadie d’origine et la diaspora. En plus des délégations toujours importantes de la Louisiane, plusieurs descendants des déportés en France sont également de la partie.
C’est le cas notamment d’un groupe venant de Belle-Île-en-Mer, une petite ile bretonne qui a accueilli, fin 1765 et 1766, près de 80 familles acadiennes expulsées en 1755 et ayant abouti en Angleterre où elles ont passé plusieurs années avant d’être transportées en France.
Maryvonne Le Gac, présidente de l’association Belle-Île en Acadie, n’en est pas à son premier CMA. Mais comme il a lieu cette année en Nouvelle-Écosse, il s’agit pour les membres du groupe d’un vrai pèlerinage, un retour à la terre d’où viennent leurs ancêtres. «C’est pour nous, je dirais, ce congrès où, sentimentalement, on est plus proche de la communauté.»
Anciens Acadiens, nouveaux Acadiens
L’un des défis du territoire d’aujourd’hui de l’Acadie est d’accueillir et d’intégrer des immigrants de langue française de plus en plus nombreux. Le sujet a d’ailleurs été abordé lors des États généraux du Congrès.
Cette réalité existe maintenant dans toutes les régions acadiennes des Maritimes, mais particulièrement à Moncton, au Nouveau-Brunswick, où plusieurs jeunes provenant de divers pays viennent faire leurs études – et dans de nombreux cas – s’y installent pour de bon.
L’Haïtien Rotchild Choisy vit à Moncton depuis six ans. Il vient de terminer un baccalauréat en arts visuels de l’Université de Moncton. Il est venu raconter son expérience au CMA lors d’un panel sur la question de l’immigration.
Il fait partie des nombreux nouveaux venus en Acadie qui ont réussi à se faire une place dans leur terre d’accueil. «Je me considère quand même Acadien, oui. J’ai une pratique de réflexion sociale qui à la fois penche sur mon expérience en Haïti, mais aussi mon expérience en tant que personne qui vit en Acadie, au Nouveau-Brunswick.»
Il est convaincu que l’arrivée de nouvelles cultures est un atout pour la survie de la communauté acadienne. «Mais je trouve que, comme, ça va juste la renforcer en fait.»
Et que pense-t-il du Congrès? «C’est un concept intéressant. C’est une façon pour les Acadiens de se rencontrer et de se dire : OK, on a une présence physique.»