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Les minorités canadiennes et l’élection de Donald Trump

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L’élection de Donald Trump pourrait affecter l’économie francophone canadienne, notamment en Ontario. Elle suscite aussi des inquiétudes au sein des communautés 2SLGBTQIA+ et immigrantes et chez les femmes.  — Photo : Armin – Unsplash
L’élection de Donald Trump pourrait affecter l’économie francophone canadienne, notamment en Ontario. Elle suscite aussi des inquiétudes au sein des communautés 2SLGBTQIA+ et immigrantes et chez les femmes.
Photo : Armin – Unsplash
FRANCOPRESSE – Le retour de Donald Trump à la présidence des États-Unis aura des conséquences pour le Canada et pour certaines de ses minorités. À quoi peut-on s’attendre pour l’économie, les communautés haïtiennes et 2SLGBTQIA+, ainsi que pour le droit à l’avortement? Tour d’horizon au lendemain de l’élection.
Les minorités canadiennes et l’élection de Donald Trump
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Avec les informations de Julien Cayouette, Marianne Dépelteau, Marine Ernoult et Camille Langlade

Sur le plan économique, le chef républicain Donald Trump a menacé, durant la campagne électorale, d’appliquer des tarifs douaniers généralisés, sans promettre de passe droit pour son plus grand partenaire commercial, le Canada.

Les Américains sont de nature protectionniste, peu importe le parti au pouvoir, fait remarquer Yan Plante, président-directeur général du Réseau de développement économique et d’employabilité (RDÉE Canada).

S’il est encore trop tôt pour savoir si l’économie de la francophonie canadienne sera touchée par le retour au pouvoir de Donald Trump, Yan Plante est tout même d’avis que le résultat du vote au Wisconsin, État du nord des États-Unis, constitue une possible menace au système canadien de gestion de l’offre qui régit le marché du lait chez nous.

Donald Trump «est prévisible dans le sens qu’il est imprévisible. Donc on sait qu’il peut se lever un matin et changer complètement d’idée, donc il faut être prêt à ça», prévient Yan Plante.

Photo : Courtoisie

Après tout, le Wisconsin – terre laitière des États-Unis – a été remporté par le Parti républicain. Or, les nombreux producteurs laitiers qui s’y trouvent aimeraient bien avoir accès au marché canadien.

Si le président américain choisit de céder à leurs pressions pour les remercier de leur appui, les fermes laitières du Canada, y compris celles qui appartiennent à des francophones, pourraient en souffrir.

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Pragmatisme économique

Mais le président ne prend pas des décisions en vase clos. Les relations du Canada avec les gouvernements de chaque état et avec les entreprises ont un rôle à jouer. Pour cette raison, le travail d’«Équipe Canada», qui maintient ces relations, est important, rappelle Yan Plante.

Ce dernier est convaincu que le Canada peut garder une très bonne relation économique avec les États-Unis si les sentiments personnels sont mis de côté. «Il y a juste l’intérêt supérieur du Canada qui devrait compter.»

«On sait que [Donald] Trump préfère de loin les relations bilatérales versus les relations multilatérales», souligne-t-il avant d’expliquer que Donald Trump considère avoir le gros bout du bâton dans une négociation à deux et un pouvoir dilué dans une négociation à plusieurs.

«Ce qui peut être un avantage dans des relations comme ça, c’est que si notre premier ministre, peu importe qui est cette personne, et le président des États-Unis, peu importe qui est cette personne, développent d’excellents liens interpersonnels, on peut arriver à des choses auxquelles on ne se serait pas attendu à la base.»

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«Ce qu’on cherche, c’est simplement le respect; de reconnaitre l’humanité dans chaque personne de la communauté LGBT et de pouvoir avoir accès à des services qui répondent à nos besoins comme n’importe quelle autre personne», défend Arnaud Baudry (centre).

Photo : Courtoisie

Désinformation autour des enjeux 2SLGBTQIA+…

Pour la communauté 2SLGBTQIA+, les résultats de l’élection ne sont pas une bonne nouvelle selon Arnaud Baudry, directeur général de l’association FrancoQueer en Ontario, «parce que le mouvement anti-LGBT aux États-Unis est appuyé par Trump et par beaucoup d’élus [républicains]».

Mais surtout, Arnaud Baudry dénonce une mauvaise compréhension des enjeux liés à la communauté 2SLGBTQIA+, accentuée par la désinformation et la mésinformation. Une situation qui prévaut d’ailleurs des deux côtés de la frontière nationale.

«On entend des messages venant de politiciens au Canada qui reprennent les mêmes types d’informations erronées ou les mêmes types de mythes et de croyances pour faire peur à la population», avance-t-il.

D’après lui, la situation aux États-Unis pourrait avoir des répercussions négatives pour la communauté au Canada et alimenter un climat de méfiance autour de ses revendications.

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… mais aussi espoir de résistance

«C’est une question délicate et très préoccupante pour nous», lâche d’emblée le directeur général du Comité FrancoQueer de l’Ouest, en Alberta, Martin Bouchard. Selon lui, cette élection représente bien plus qu’un changement de leadeurship.

La personnalité polarisante de Trump et sa légitimation de discours de haine envers plusieurs communautés, dont la nôtre, alimentent un climat toxique qui menace les avancées pour les droits des personnes 2SLGBTQIA+, des femmes et d’autres groupes marginalisés.

— Martin Bouchard

«Dans la communauté 2SLGBTQIA+ et parmi nos alliés, il y a une résilience forte qui, nous l’espérons, se manifestera de plus en plus», veut croire Martin Bouchard.

Photo : Courtoisie

«Au Canada, même si l’influence est moindre, nous pouvons constater que certains leadeurs, comme Pierre Poilievre et Danielle Smith, en Alberta, s’inspirent de ce style politique, ce qui reste inquiétant pour nous», poursuit-il.

Malgré un sentiment teinté d’impuissance, il veut croire que la résilience de la communauté 2SLGBTQIA+ et ses alliés mènera à «la naissance de groupes de résistance plus unis et mieux organisés pour faire front commun contre ce type de discours et de politique».

«Peut-être faut-il encore laisser la chance aux coureurs de nous surprendre – des surprises, parfois, peuvent venir même des personnalités les plus polarisantes», glisse-t-il.

La communauté haïtienne visée

«Ce ne sont pas les résultats qu’on attendait. On pensait que madame Kamala Harris allait gagner», confie de son côté Amikley Fontaine, président et fondateur de la Fondation Sylvenie Lindor, dédiée aux jeunes personnes noires franco-torontoises.

Amikley Fontaine attribue des «idées autoritaires» au président Trump et espère que celui-ci écoutera ses conseillers. «Je lui souhaite le meilleur, parce que les États-Unis sont le premier partenaire du Canada en matière d’échanges.»

Photo : Courtoisie

Parmi les éléments du programme du président élu qui inquiète Amikley Fontaine se trouve l’immigration.

Il craint que le nouveau président «envisage une masse de déportations, notamment pour les ressortissants de la Colombie, du Venezuela et d’Haïti. L’inquiétude qu’on a au Canada, c’est que dans les jours à suivre, on pourrait assister à l’arrivée massive des ressortissants de ces pays qui sont aux États-Unis».

«Durant la campagne, Trump a été très très très hostile par rapport aux Haïtiens, notamment avec la question des chats et d’autres animaux. Je crois que le Canada doit se tenir prêt», insiste-t-il.

L’Entente sur les tiers pays surs est claire : sauf exception, un demandeur d’asile ayant vu sa demande rejetée aux États-Unis ne peut pas faire une demande au Canada, et vice-versa. La personne doit faire sa demande auprès du premier «pays sûr» dans lequel il arrive.

Amikley Fontaine implore le gouvernement libéral canadien de faire preuve d’ouverture. «Ici, au Canada, on a besoin des immigrants francophones», rappelle-t-il en mentionnant le manque de travailleurs et de travailleuses au sein des communautés francophones.

«Donc, peut-être qu’on pourrait utiliser ces immigrants qui sont déjà sur place aux États-Unis à travers un programme spécial.» Il assure que la Fondation Sylvenie Lindor serait prête à aider à l’accueil de migrants, le cas échéant.

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Avortement

«C’est une journée très triste aujourd’hui. Le droit à l’avortement des femmes américaines s’érode tranquillement. On a peur que cette intolérance monte au Canada», affirme la porte-parole de la Coalition pour le droit à l’avortement au Canada, Patricia LaRue.

Les nominations de juges de Donald Trump à la Cour suprême des États-Unis, lors de son premier mandat, ont mené à une restriction du droit à l’avortement dans plusieurs états.

Le mardi 5 novembre, en plus de voter pour élire leur président et les membres du Congrès, les électeurs du Nebraska, de la Floride et du Dakota du Sud ont rejeté des mesures proavortement dans le cadre de référendums locaux. Dans sept autres États, les électeurs ont en revanche voté pour le droit à l’avortement.

Au Canada, «beaucoup de gens travaillent au niveau politique pour limiter le droit à l’avortement», et «énormément de projets de loi sont déposés en ce sens», affirme Patricia LaRue.

Je crains que le regain des antichoix aux États-Unis se transfère de ce côté-ci de la frontière. Les opposants canadiens à l’avortement vont pousser pour mettre plus de barrières.

— Patricia LaRue

La porte-parole s’inquiète aussi de la venue d’Américaines dans les cliniques canadiennes si de plus en plus d’États américains imposent des restrictions. «C’est profondément injuste pour elles, et notre système de santé n’a pas forcément la capacité de les accueillir», prévient-elle.

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Type: Actualités

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