L’auteur et poète acadien du Nouveau-Brunswick, Paul Bossé, considère que l’intelligence artificielle «risque d’appauvrir notre propre intelligence». Celui-ci craint que les individus demandent à cette technologie d’écrire à leur place.
«Déjà que les gens ont de la difficulté à écrire, surtout en français […] et puis l’écriture c’est pas juste le fait d’écrire, c’est le fait de réfléchir, c’est de penser, c’est de construire.»
Pour la présidente de l’Association des auteures et auteurs de l’Ontario français (AAOF), Marie-Josée Martin, les modèles de langage restent un enjeu très important pour les créateurs et les créatrices. «Il faut le regarder froidement. Il ne s’agit pas de diaboliser l’intelligence artificielle ni de l’idéaliser, les deux attitudes se [rencontrent].»
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Manque de transparence et d’éthique
En dehors de son métier d’écrivaine, Marie-Josée Martin est traductrice et elle voit d’ores et déjà l’intelligence artificielle comme une concurrente dans ce domaine. Elle encourage la sensibilisation et la règlementation de cette technologie.
Selon elle, le manque de transparence et d’éthique des textes produits par l’IA, entre autres, est problématique. «L’intelligence artificielle a été entrainée avec des textes qui ont été créés par des auteurs et des autrices sans qu’on le sache et qu’on soit dument rémunéré pour ce travail-là.»
L’autrice franco-ontarienne n’est pas la seule à critiquer cet aspect, Paul Bossé souhaite aussi voir plus de structure et de morale dans ce domaine qui ressemble «un peu au Far West».
En tant qu’écrivain, poète et cinéaste, Paul Bossé travaille quotidiennement avec des archives. Aujourd’hui, des personnes sont capables de créer de fausses images avec l’intelligence artificielle générative. «J’ai très peur du moment où les archives ne seront plus fiables du tout», s’attriste-t-il.
Les limites de l’intelligence artificielle
Pour Marie-Josée Martin, même si l’intelligence artificielle est capable d’écrire, «il ne faut pas s’attendre à ce que les machines fassent de la littérature. La créativité demeure pour l’instant vraiment une qualité humaine».
L’écrivaine rappelle que le développement de la créativité n’arrive pas du jour au lendemain.
L’autre bémol avec l’intelligence artificielle revient à son caractère parfois «sexiste, hétéronormatif, raciste», remarque-t-elle.
De plus, elle souligne que cette «machine technologique» n’est pas apparue toute seule : elle a été créée par des humains. Elle est donc remplie de préjugés et de réponses qui dépendent de ces programmeurs et des données utilisées pour l’entrainer, affirme Marie-Josée Martin.
Dans ce cas, la littérature humaine est capable non seulement d’être créative, mais aussi de proposer des ouvrages inclusifs et plus sensibles, ajoute-t-elle.
Cela dit, à la vitesse à laquelle l’intelligence artificielle se développe, Paul Bossé s’inquiète.
Face aux menaces engendrées par cette technologie, Marie-Josée Martin espère «qu’on aura la sagesse de l’utiliser à bon escient plutôt que de nous réduire, nous les êtres humains».
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Utiliser avec modération
Néanmoins, l’intelligence artificielle peut aussi aider les nouveaux écrivains qui ne savent pas comment aborder la construction d’un texte, illustre Marie-Josée Martin.
Le bulletin Participe Présent numéro 89 de l’AAOF, dirigé par Marie-Josée Martin, évoque «les atouts de l’IA dans les arts littéraires», dont la capacité de détecter les incohérences des personnages et trouver différents mots pour éviter les répétitions.
Pour Paul Bossé, même si certaines personnes utilisent cette technologie pour s’appuyer, la rapidité d’exécution d’un tel appareil peut rapidement le transformer en un outil pratique pour un usage très récurrent, même pour les tâches les plus simples.
De plus, cette «aide-là peut rapidement se transformer en plagiat, puis juste recopier et refaire ce qui a été déjà fait avec quelques différences», s’inquiète l’auteur.
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