«Dans une campagne électorale, ce qui est important, c’est que les gens soient informés», amorce la chercheure au Groupe de recherche en communication politique (GRCP) de l’Université Laval, Mireille Lalancette.
Mireille Lalancette rappelle que la baisse du niveau d’information des électeurs n’est pas seulement due au blocage de Meta, mais aussi, par exemple, à la graduelle disparition des journaux papier.
Or, le blocage des médias canadiens sur les plateformes de Meta accentue les risques de désinformation : «Beaucoup de gens sont moins informés, ont des informations qui n’en sont pas. Ils vont être informés par des influenceurs, par des annonces, par des gens qui ne sont pas assujettis à une éthique journalistique.»
Étant donné que la plupart des Canadiens préfèrent ouvrir les réseaux sociaux qu’un journal ou qu’un site Web d’information, le risque de n’être exposé qu’aux propos de personnalités politiques et de leadeurs d’opinion est encore plus grand depuis le blocage.
Et quand la seule information dont disposent les gens est fausse ou politisée, «ça soulève des questions importantes sur l’avenir de la démocratie et de la manière dont on peut prendre des décisions importantes, comme celle d’aller voter», dit Mireille Lalancette. «Ça peut faire une grosse différence sur les élections en général.»
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Selon le président de Réseau.Presse (l’éditeur de Francopresse) et directeur général du Courrier de la Nouvelle-Écosse, Nicolas Jean, la «manipulation de l’opinion» au travers d’informations trompeuses reste «le risque principal».
«Il y a encore des gens, à ma grande surprise, qui découvrent qu’on n’est plus sur Facebook depuis un an», témoigne Nicolas Jean.
«On sait à quel point ces plateformes, dont Facebook, sont utilisées dans nos communautés. Si je prends le cas de la Nouvelle-Écosse, des communautés rurales que l’on desserre, c’est une plateforme extrêmement utilisée, rapporte-t-il. Tout passe par Facebook.»
Malgré la hausse de trafic sur le site Internet du Courrier de la Nouvelle-Écosse depuis le blocage de Meta, sans la présence de ses contenus sur les réseaux sociaux, le média perd une partie de son pouvoir d’information.
«Je pense qu’on a un rôle important à jouer en période électorale, évidemment. On pense aux médias comme contrepouvoir. […] Que ce soient des élections municipales ou fédérales, il y a aussi un rôle éducationnel auprès des populations», commente-t-il.
Par exemple, pour expliquer les enjeux électoraux, les décisions «qui pourraient affecter la vie dans ces communautés en situation minoritaire» ou «le positionnement des conservateurs sur l’éducation en français [et] sur la place des médias dans ces communautés-là», il estime que son journal s’avère crucial.
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Selon le chercheur en communication politique à l’Université Laval, Bader Ben Mansour, le contenu journalistique permet de diluer les chambres d’écho sur les réseaux sociaux en offrant du contenu neutre et des points de vue variés.
Les chambres d’écho désignent des environnements médiatiques où les individus sont principalement exposés à des opinions similaires aux leurs, ce qui renforce leurs idées et croyances, tandis que les perspectives opposées sont minimisées ou ignorées.
Ce phénomène, souvent observé sur les réseaux sociaux, serait notamment favorisé par le phénomène des bulles de filtres et par la tendance des gens à privilégier spontanément les informations qui confortent leurs croyances, rapporte l’Office québécois de la langue française (OQLF).
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En ayant uniquement accès à du contenu généré par des organisations politiques et des internautes citoyens, on se retrouve souvent devant des «opinions qui nous confortent», observe-t-il : «L’information qui va être proposée dans notre fil d’actualité [sera] plus du contenu partisan que du contenu journalistique.»
«Le politicien, ça va être bien pour eux. Pour la démocratie, ça va être un gros problème», estime Elie Serge Banyongen, au sujet de l’absence des médias d’information sur des réseaux sociaux.
Pourtant, le contenu journalistique favorise parfois «un certain débat dans les commentaires», note le chercheur. «Ça permet de voir des avis différents, divergents, sur certaines positions de partis politiques par exemple.»
«C’est très difficile de percer des phénomènes comme les chambres d’écho, accorde le professeur en d’études politiques à l’Université d’Ottawa, Elie Serge Banyongen. [Les médias] peuvent apporter un contrediscours, une approche rationnelle à l’information et aux faits.»
Selon lui, l’environnement médiatique actuel «a effacé la distinction capitale entre les faits, les sentiments et les opinions».
L’équilibre qu’apportent les médias sur les réseaux sociaux est d’autant plus important à la lumière de l’évolution de la communication politique. Le professeur rappelle la prépondérance actuelle de l’«infotainment», des «soundbites» et des jeux de mots qui alimentent la communication de politiciens.
«Mais derrière le jeu de mots, il y a des conséquences», prévient-il.
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«Pour les politiciens, c’est très bien, parce qu’il n’y a plus de filtre», souligne Elie Serge Banyongen.
Les réseaux sociaux permettent aux candidats politiques de «directement parler aux individus». Mais l’absence des médias sur ces mêmes plateformes empêche des éléments importants : «la vérification, l’approche rationnelle, la lecture et l’analyse des informations», regrette-t-il.
Les utilisateurs qui ont le réflexe d’ouvrir les journaux papier ou de visiter leurs sites ne forment qu’un «très petit» pourcentage, relève Bader Ben Mansour.
«Pour le débat public, le fait qu’on n’ait plus de contenu journalistique, ça va laisser davantage place à la désinformation, à la polarisation et à la mésinformation», craint Bader Ben Mansour.
Le spécialiste affirme que le blocage de Meta a tout de même des répercussions négatives sur les politiciens, car ces derniers ont toujours besoin des médias traditionnels.
Sur les réseaux sociaux, auparavant, le contenu journalistique offrait une grande visibilité aux messages des organisations politiques, analyse-t-il. «Il est plus crédible également parce qu’il a été écrit [avec] une déontologie journalistique.»
«Pour les politiciens qui croient en la démocratie, ça ne les arrange pas du tout, estime Mireille Lalancette. Les politiciens respectent les médias, veulent que les citoyens soient informés, que la démocratie fonctionne.»
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Le blocage de Meta est encore récent, la recherche scientifique sur ses impacts n’est donc pas complète. En attendant, Mireille Lalancette espère que la situation «va prendre une autre tournure».
Elle fait remarquer que les médias et leurs lectorats ont trouvé des moyens de contourner le blocage, comme en ajoutant des lettres à retirer au début des hyperliens qui mènent vers les articles de presse. D’autres partagent, sur les plateformes de Meta, une publication existante sur la plateforme X dans laquelle l’article est accessible.
«Mais je m’imagine que X et Facebook ne sont pas dupes, dit Mireille Lalancette. Ils ne vont pas laisser faire ça longtemps.»
Né à Montréal en 1915, Marcel Ouimet a 2 ans lorsque sa famille déménage à Ottawa, où il grandira, étudiera et fera ses premières armes en journalisme. Son père, Paul G. Ouimet, était responsable de la traduction à la Chambre des Communes.
C’était l’époque du Règlement 17 adopté par le gouvernement de l’Ontario pour limiter l’usage du français dans les écoles de la province. Le pays était par ailleurs plongé dans le débat sur la conscription, alors que la Première Guerre mondiale faisait toujours rage.
Lorsqu’il termine ses études en sciences politiques à l’Université d’Ottawa, en 1934, Marcel Ouimet décroche aussitôt un premier boulot au journal franco-ontarien Le Droit d’Ottawa. Peu de temps après, il obtient une bourse pour étudier les sciences sociales et politiques à Paris pendant deux ans.
À son retour au Canada, en 1939, il reprend la plume au Droit, mais sa jeune carrière prend un tournant déterminant.
Pendant son séjour en France, Le Droit avait fait l’acquisition de la station de radio CKCH de Hull, maintenant Gatineau, au Québec, qui était une station affiliée à Radio-Canada, fondée quelques années auparavant.
Marcel Ouimet en 1946 lors d’un enregistrement pour l’émission À ceux qui reviennent, sur Radio-Canada.
Le journal avait fait aménager dans ses bureaux une cabine d’où ses journalistes, dont Marcel Ouimet – et, incidemment Jules Léger, futur gouverneur général du Canada –, présentaient quotidiennement des bulletins de nouvelles.
Marcel Ouimet est alors recruté par Radio-Canada comme annonceur en prévision de la visite royale du roi George VI et de la reine Élisabeth (parents d’Élisabeth II).
À l’époque, le diffuseur public de langue française n’a pas de service de nouvelles. Les informations qu’il livre en ondes sont préparées par la Presse canadienne et traduites.
Quand la guerre éclate en Europe en septembre 1939, Radio-Canada décide de se doter de son propre réseau de nouvelles et il en confie la tâche au jeune Marcel Ouimet. À 25 ans, celui-ci devient, en janvier 1941, le chef de la première salle de rédaction de Radio-Canada.
La société publique envoie quelques correspondants de guerre pour couvrir le conflit, mais ceux-ci sont essentiellement confinés à Londres, d’où ils décrivent la guerre.
En 1943, Marcel Ouimet part pour l’Europe avec deux autres journalistes, Benoit Lafleur et Paul Barette. Ils accompagnent les troupes canadiennes et britanniques sur le terrain. Mais Marcel Ouimet se démarquera rapidement, d’abord en Italie où les Alliés mènent une première campagne.
Le journaliste Ouimet préparera des reportages touchants sur la présence des soldats canadiens qui vivent une première période de Noël loin des leurs.
Il est ensuite rapatrié à Londres où on se prépare pour une opération encore plus importante, celle qui marquera la Seconde Guerre mondiale : le débarquement de Normandie.
Marcel Ouimet est aux premières loges en ce 6 juin 1944. Il est de la deuxième vague d’assaut qui prend pied sur les plages de Bernières-sur-Mer, deux heures après que les premiers soldats alliés eurent débarqué.
Extrait d’un reportage de Marcel Ouimet lors du jour J :
Tout semble irréel. Sur le front, officiers de l’armée et de la marine, soldats et marins suivent le progrès de l’opération. Nous nous rapprochons constamment de la côte. C’est à ce moment que les petites embarcations de débarquement nous dépassent. Elles transportent les troupes d’assaut massées, l’arme au bras, coiffées de leur casque d’acier, ne portant que le strict nécessaire, leur masque à gaz et des rations pour 24 heures, leur gamelle, leurs pansements de premiers secours. […] Une fumée grise et noire commence à envelopper le village et quelques maisons sont en feu au moment où les premiers soldats se précipitent sur la plage. De loin, nous pouvons les voir monter à l’assaut au milieu des tirs de mitrailleuses, au milieu des mortiers et des obus que tirent certaines batteries allemandes qui n’ont pas encore été réduites au silence.
Plusieurs jeunes soldats tomberont au combat et, comme le racontait Marcel Ouimet, ils feront «leur dernier sommeil sur ce sol riche que des Français ont quitté pour aller fonder la Nouvelle-France».
Au cours des semaines et des mois suivants, Marcel Ouimet sera sur place lors de la libération de Paris et témoignera de «la joie du peuple, une véritable explosion». Il continue d’accompagner les troupes jusqu’aux Pays-Bas, où on apprend la prise de Berlin et le suicide d’Adolf Hitler.
Accompagnant le Régiment de la Chaudière, l’intrépide correspondant parcourt quelques villes allemandes dévastées pour se rendre jusqu’à la capitale du Troisième Reich.
Il pénètre même dans les ruines du bunker du führer, l’un des seuls journalistes alliés à avoir eu ce privilège. Il y récupère quelques décorations qu’Hitler distribuait à ces officiers méritants et les envoie à son parton, le directeur général de Radio-Canada, Augustin Frigon.
L’extérieur du bunker d’Adolf Hitler détruit lors de la prise de Berlin. Marcel Ouimet a pu y pénétrer.
Pendant cette période, un autre jeune journaliste canadien-français est témoin de l’offensive et de la victoire des Alliés en Europe, soit René Lévesque, futur premier ministre du Québec, qui est pour sa part correspondant pour l’armée américaine.
Marcel Ouimet revient en France, assez longtemps pour couvrir le procès du maréchal Pétain, celui qui avait décidé de pactiser avec le dictateur allemand et de lui soumettre sans combat la partie nord de la France.
Au cours de ses 18 mois en service en Europe, Marcel Ouimet a produit près de 200 reportages sur le front, majoritairement en français.
Pendant l’après-guerre, Marcel Ouimet grimpe rapidement les échelons de l’administration de Radio-Canada. Dès son retour, il est nommé à un poste de direction et devient quelques années plus tard vice-président puis directeur général du réseau français.
C’est sous sa gouverne que Radio-Canada étend ses ailes et ses antennes à l’extérieur du Québec, avec une première station à Moncton, en 1954.
Ses années de correspondant de guerre auront marqué la profession de journalisme, selon Marc Laurendeau, qui a réalisé une série radiophonique sur les correspondants et envoyés spéciaux de Radio-Canada.
Pour lui, Marcel Ouimet était de la trempe des grands journalistes. «Il était l’équivalent d’un [Ernest] Hemingway, correspondant de guerre aussi. […]. C’est un pionnier du journalisme international. C’est un modèle pour plusieurs générations de journalistes, pour ses reportages en particulier sur le débarquement en Normandie, qui sont d’une grande, grande, grande sensibilité.»
Matt Boudreau est l’une des voix de plus en plus familières de l’Acadie. Membre de la formation Baie, musicien pour plusieurs artistes, l’auteur-compositeur-interprète, natif de Petit-Rocher comme Denis Richard, nous proposait à la fin septembre son 4e disque solo : Yellow Mellow.
Pochette de l’album Yellow Mellow.
Toujours avec ce son pop-rock qui démarque le musicien, l’album nous captive par une fraicheur hors du commun. Les arrangements sont des moments magiques, qui nous séduisent chaque seconde. Le tout compose un mélange fluide de claviers et de guitares qui donne ce son si particulier, propre à l’artiste, dont le timbre de voix reste enveloppant, texte après texte.
Tout au long de l’album, l’Acadien nous parle d’amour, d’évasion et de prendre le temps de vivre. On découvre de vrais petits bijoux. Dès Supernova la séduction opère. Sur les plages Chérie, Tes dents sont belles et Cerf-volant les chœurs de Maude Sonier ajoutent un peu de tendresse.
Parlant de tendresse, Matt Boudreau termine l’album avec une prestation guitare-voix sur la belle petite chanson Lou.
L’auteur-compositeur-interprète Brian St-Pierre nous présentait à la fin septembre un 7e opus solo, Malgré tout, où l’on retrouve encore toute la magie de l’artiste. Il y a une trentaine d’années, le Franco-Ontarien épatait la galerie avec ses compositions pour le groupe Vice-Versa.
Pochette de l’album Malgré tout.
Du pop rock accrocheur à la ballade folk profonde, nous sommes à nouveau séduits par la puissance des mélodies. Chaque texte est accompagné d’un univers musical juste, qui interpelle sur des sujets aussi bien légers que profonds.
Avec toi je vole et Je te vois sont deux superbes textes sur la source de son inspiration. Te souviens-tu de moi et Coule le temps abordent la question du temps et des souvenirs.
Les yeux pleins d’eau est l’une des deux pièces maitresses du disque. Il s’agit d’une ballade aux sonorités des années 1950, qui rend un superbe hommage à une personne chère.
Il y a enfin la pièce-titre Malgré tout, un puissant arrangement piano-voix, supporté par un quatuor à corde qui saura vous soutirer une larme.
Malgré les années, malgré la pop moderne, l’artiste franco-ontarien sort du lot et nous offre de magnifiques mélodies, accompagnées de textes remplis de vérité. Cette voix réconfortante demeure une inspiration pour toute la communauté francophone de l’Ontario.
Vincent Bishop, natif de Vancouver mais franco-ontarien d’adoption, nous proposait, en 2022, un premier album francophone au tempo endiablé : L’amour serait bienvenu, un bouquet de mélodies accrocheuses aux rythmes folkloriques.
Se basant sur des structures de musiques folkloriques et chansons à répondre, Vincent Bishop propose des trames accrocheuses bien construites, accompagnées d’excellents textes, livrés avec une énergie contagieuse.
Pochette de l’album L’amour serait bienvenu.
Les thèmes de prédilection de l’auteur sont l’amour, les relations humaines et le courage. Il laisse souvent transparaitre une charmante touche d’humour.
Tout au long de son 3e opus, Vincent Bishop nous offre plusieurs vers d’oreille irrésistibles. Le premier en tête de liste est Dans l’air pur et clair. L’une des versions de cet extrait est presque à capella, avec seulement une petite trame de percussion.
Dansons la corona est un petit velours humoristique qui nous fait du bien, tout comme La vision 20/20. Je dois dire bravo à Vincent Bishop pour une autre version tellement rafraichissante de Mille après mille.
La pièce maitresse de l’album est selon moi Plus que tout. Elle se démarque non seulement par son style musical, mais aussi par la profondeur du texte et de la mélodie.
Il s’agit donc d’un opus francophone rafraichissant fort réussi, livré avec une énergie contagieuse. Vincent Bishop se permet quelques à-côtés qui viennent démontrer une facette plus profonde de l’auteur-compositeur-interprète.
«Nous avons initié ce matin un recours déposé à la Cour fédérale à Montréal pour que la Cour suprême du Canada […] traduise les jugements qu’elle a rendus antérieurement à l’adoption de la Loi sur les langues officielles», a lancé le juriste et président de DCQ, Daniel Turp, en conférence de presse le 1er novembre.
C’est un peu surréaliste de devoir faire ça, mais à Droits collectifs Québec, on est préoccupés par le respect des droits politiques et linguistiques des francophones du Québec et du Canada dans son ensemble.
Le bureau de la registraire de la Cour suprême du Canada (BRCSC) est composé d’employés du gouvernement fédéral qui travaillent exclusivement pour la Cour suprême. C’est donc le BRCSC spécifiquement qui est visé par la poursuite, et non la Cour suprême ou les juges.
«Il y a un problème sérieux parce qu’il y a un tribunal, pas n’importe lequel, le tribunal suprême, qui refuse de respecter l’État de droit», alerte Daniel Turp.
Les décisions rendues par la Cour suprême avant 1970 sont disponibles en ligne depuis quelques années, mais pas dans les deux langues officielles. DCQ a été la deuxième entité à porter plainte. On estime qu’environ 6000 de ces décisions sont en anglais seulement.
Comme pour la première plainte, le commissaire aux langues officielles (CLO), Raymond Théberge, a conclu en septembre dernier que le plus haut tribunal du pays ne respecte pas la Loi sur les langues officielles.
«Je conclus que toutes les décisions que la Cour suprême publie sur son site Web devraient être dans les deux langues officielles puisque cette offre en ligne constitue une communication au public faite par une institution fédérale», avait-il écrit dans son rapport final, dont Francopresse avait obtenu une copie.
Ordonnance, lettre d’excuses et de l’argent
DCQ a donc déposé vendredi un avis de demande et un affidavit devant la Cour fédérale.
L’organisme cherche quatre conclusions particulières : avant tout une ordonnance de la Cour fédérale pour obliger la Cour suprême à traduire ses anciennes décisions, puis un jugement déclaratoire, une lettre d’excuses officielles destinée à l’ensemble des francophones du Canada et des dommages et intérêts à hauteur d’un million de dollars.
De gauche à droite, Alyson Mercure (étudiante stagiaire à DCQ), François Côté, Daniel Turp, Etienne-Alexis Boucher.
Ce million servirait d’abord à couvrir les frais judiciaires de la cause. La balance serait remise à des «des organismes de défense de la langue française et des droits des francophones», s’est engagé le directeur général de DCQ, Etienne-Alexis Boucher, en conférence de presse.
Son collègue, l’avocat François Côté, assure que même si la liste des organismes n’est pas encore dressée, des organismes francophones en situation minoritaire seront considérés.
«D’ailleurs, on espère que la FAJEF [Fédération des associations de juristes d’expression française de common law, NDRL], qui est intervenue médiatiquement, s’inscrira dans le débat à titre d’intervenante.»
«Donc la FAJEF est une évidence, poursuit-il. Il y en a d’autres […] qu’on regarde, comme la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada par exemple.»
En entrevue avec Francopresse, le président de la FAJEF, Justin Kingston, dit explorer la possibilité d’être intervenant dans le cadre de cette poursuite.
Dans un affidavit, Etienne-Alexis Boucher se dit «profondément déconsidéré et humilié dans ma dignité humaine, linguistique et citoyenne».
Unir les francophones pour la lutte
«Il y a là une opportunité unique pour les francophones du Québec et les francophones du Canada de commencer à rebâtir une forme de communauté politique qui a été très affectée depuis 1969, depuis l’adoption de la Loi sur les langues officielles qui a fini par diviser les francophones québécois des francophones du reste du Canada», a pour sa part déclaré Etienne-Alexis Boucher.
C’est, selon lui, le moment pour «que les francophones, peu importe où ils se situent, qu’ils soient au Manitoba, au Canada, en Acadie ou encore en Colombie-Britannique, s’unissent pour lancer un message très fort à l’effet que jamais plus les francophones du Canada et du Québec accepteront que leurs droits soient brimés, cela même par le plus haut tribunal du pays».
Dans un communiqué de presse, DCQ détaille sa motivation : «Plus jamais ne sera toléré le fait de voir les francophones du Québec et du Canada être considérés comme des citoyennes et des citoyens de seconde zone, des citoyennes et des citoyens dont les droits peuvent être bafoués sans aucune conséquence.»
«Droits collectifs Québec lance un appel à la mobilisation de la nation québécoise et des communautés francophones et acadienne», lit-on aussi.
En entrevue avec Francopresse, Etienne-Alexandre Boucher détaille la volonté de créer ce pont : «Ce dossier-là les concerne, au moins autant que les Québécoises et les Québécois. C’est une évidence. […] Et quelque part, les communautés francophones et acadiennes hors Québec sont des alliés naturels pour les Québécoises et les Québécois.»
«C’est concret»
Daniel Turp martèle que cette affaire, «c’est très concret». Il donne l’exemple d’un jugement de la Cour suprême impliquant un ancien premier ministre du Québec, Maurice Duplessis, dans les années 1950.
«Cette décision-là, depuis 1959, a été citée 1317 fois par les tribunaux. Juste en 2024, elle a été citée 30 fois.»
Pourtant, la décision n’est disponible qu’en anglais sur le site de la Cour suprême, comme l’a constaté le juriste quelques minutes avant la conférence de presse.
En tant que professeur émérite de droit, M. Turp peut témoigner de l’importance d’avoir ces décisions dans les deux langues officielles : «Pendant 40 ans, je voulais faire lire des jugements aux étudiants […], mais ils n’ont jamais pu lire la version française.»
Une question de moyens
Le juge en chef de la Cour suprême, Richard Wagner, a évoqué par le passé un manque de ressources pour traduire les anciennes décisions.
En conférence de presse, Etienne-Alexis Boucher argüe que la capacité de travail du milieu de la traduction «est présente pour relever ce défi-là».
«Nous n’avons pas la confiance aveugle nécessaire pour tout simplement se dire “le CLO a rendu un rapport et nous allons espérer que la Cour suprême suive les recommandations”», regrette François Côté.
«Je suis persuadé que le gouvernement fédéral serait très ouvert à réserver des enveloppes spéciales dédiées au BRCSC [Bureau de la registraire de la Cour supérieure du Canada] pour permettre à cette dernière de respecter l’État de droit», ajoute-t-il.
François Côté renchérit que le BRCSC dispose déjà d’un budget annuel significatif ainsi qu’une possibilité de crédit supplémentaire.
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En entrevue avec Francopresse, M. Boucher ajoute qu’en cas de victoire, il serait inconcevable que le gouvernement fédéral ne s’engage pas pour régler la question.
«La jurisprudence est très claire sur la question : l’allocation des ressources ou le manque de ressources n’est absolument pas une justification valable pour brimer les droits fondamentaux.»
Il rappelle que la Cour suprême elle-même a déjà jugé en ce sens dans le cadre d’autres affaires judiciaires.
«Le Collectif postera une date sur son site web bientôt, maintenant que nous avons la législation», a précisé en entrevue avec Francopresse Cathy Edwards, l’administratrice du CCJ et directrice générale de la Canadian Association of Community Television Users and Stations.
Le 28 octobre, le CRTC a annoncé qu’il accordait à Google l’exemption à la Loi sur les nouvelles en ligne. Pour avoir droit à l’exemption de négocier avec chaque média, le géant du Web remettra la somme de 100 millions de dollars qui sera redistribuée aux médias admissibles et qui ont fait la demande.
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La Loi sur les nouvelles en ligne adoptée en 2023 exige que les grandes entreprises du numérique, telles que Google, négocient avec les médias canadiens pour les indemniser pour l’utilisation de leur contenu sur leurs plateformes. Un dispositif d’exemption de négocier est prévu dans cette loi.
En juin, Google avait demandé une exemption pour éviter de négocier avec chaque entité médiatique afin de distribuer 100 millions de dollars par année, indexé à l’inflation. L’exemption est accordée pour 5 ans.
Cathy Edwards assure que la distribution sera égale entre tous les médias canadiens.
Cathy Edwards le rappelle d’emblée : «C’est impossible que le Collectif distribue l’argent avant ou à un taux différent pour les petits médias, comparativement aux grands médias.» Les médias de plus petite taille éligibles ne recevront pas d’argent plus rapidement, même s’ils sont plus «fragiles» financièrement.
Toutefois, les entreprises devraient recevoir deux chèques à l’intérieur de «six ou huit mois», car la compensation qui est envoyée en 2025 est établie à partir des chiffres d’emploi de 2023.
«Les chiffres basés sur 2024 devraient possiblement arriver plus tôt. Les gens ne devraient pas attendre un an pour le prochain chèque», précise Cathy Edwards.
Cette dernière explique que le Collectif prépare le terrain depuis des mois – avant que le CRTC n’accorde l’exemption à Google – pour que les médias qui souhaitent recevoir de l’argent, s’ils répondent aux critères, puissent faire la demande avant le 1er novembre.
Les 100 millions, c’est comme une tarte divisée en fonction de critères, comme tous les employés à temps plein engagés par toutes les entreprises de nouvelles au Canada. Il est impossible de savoir qui obtient combien jusqu’à ce que toutes soient évaluées en même temps.
De son côté, le porte-parole du bureau de la ministre de Patrimoine canadien, Charles Thibault-Béland, assure que «les difficultés financières rencontrées par les salles de rédaction sont navrantes et nous avons une pensée particulière pour les employés du milieu journalistique qui vivent des moments d’incertitude».
Le Crédit d’impôt pour la main-d’œuvre journalistique canadienne pour renforcer la résilience des salles de rédaction est toujours en place pour alléger leur fardeau, rappelle-t-il.
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Le ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et des Langues officielles, Randy Boissonnault, a annoncé la distribution d’une partie des 16,8 millions de dollars prévus dans le Plan d’action pour les langues officielles 2023-2028 pour les médias en situation minoritaire.
Le gouvernement fédéral déboursera 12,6 millions de dollars, dans le cadre du Plan d’action pour les langues officielles 2023–2028, pour les médias communautaires en situation minoritaire : 7,6 millions visent à financer des projets structurels et 5 millions devraient permettre de rémunérer 125 stages partout au pays.
L’enjeu : Sur la totalité des 16,8 millions de dollars dédiés aux médias en situation minoritaire dans le Plan d’action, 1,6 million pour les médias communautaires en situation minoritaire n’ont pas encore été alloués.
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Mardi, lors d’une séance du Comité permanent des langues officielles, libéraux et conservateurs ont multiplié questions et points d’ordre sur une motion du député libéral Angelo Iacono. Les deux témoins de Statistique Canada qui devaient être entendus ce jour-là n’ont eu que quelques minutes pour s’exprimer sur le continuum d’éducation dans la langue de la minorité.
Le cœur du débat : La motion portait sur les propos et le comportement de deux députés conservateurs, Larry Brock de Brantford–Brant en Ontario, et Rachael Thomas, de Lethbridge, en Alberta.
Les deux ont dénigré la langue française en Chambre. Larry Brock a notamment provoqué la colère du ministre des Services publics et de l’Approvisionnement, Jean-Yves Duclos.
«La question est en anglais», avait lancé Larry Brock au ministre, qui venait de répondre à sa question en français. Ce dernier a demandé des excuses. Larry Brock l’a fait seulement sur le réseau X, le 24 octobre.
Je tiens à m'excuser auprès du ministre Duclos et de tous mes collègues pour les propos que j'ai tenus lors de la période des questions aujourd'hui.
— Larry Brock (@LarryBrockMP) October 24, 2024
Chaque membre du Parlement a le droit de s'exprimer dans la langue officielle de son choix et mon commentaire était inapproprié,…
Les conservateurs du Comité ont voté contre la motion qui demandait les excuses du député, ainsi que la reconnaissance du français et la dénonciation de «l’inaction du chef conservateur face aux propos anti-francophones répétitifs de ses députés», selon le texte de la motion.
La motion a été soutenue par le Bloc québécois et le Nouveau Parti démocratique (NPD).
Les débats ont repris jeudi. Les conservateurs ont déposé deux amendements à la motion du député Iacono, sans succès. Leur objectif était de faire accepter les excuses du député Larry Brock et de retirer la partie concernant «l’inaction» de Pierre Poilievre.
Ce qu’ils disent : «On reconnait que le député n’aurait pas dû tenir ces propos, ça a créé un doute. C’est inacceptable», a admis Joël Godin, député porte-parole conservateur en matière de langues officielles.
La députée de Sarnia–Lambton, Marilyn Gladu, s’est quant à elle outrée du blâme des libéraux : «On met tous les conservateurs dans le même panier. Certains, comme moi et [Marc] Dalton, on fait la promotion du français.»
Kimberly Murray a rendu mardi son rapport final pour appeler le gouvernement canadien a lancé une enquête publique sur les enfants autochtones disparus et les sépultures anonymes.
L’interlocutrice spéciale indépendante pour les lieux de sépulture non marqués autochtones, Kimberly Murray, a appelé mardi le gouvernement fédéral à mettre sur pied une commission d’enquête sur les enfants autochtones disparus et les sépultures anonymes.
Pourquoi c’est important : Dans son rapport final présenté à Gatineau, Kimberly Murray est arrivée à trois conclusions :
L’interlocutrice spéciale insiste sur la nécessité d’établir un cadre de réparation dirigé par les Autochtones en respectant les obligations légales et éthiques du Canada. Elle a formulé 42 recommandations pour y parvenir.
Ce qu’elle dit : Mardi, Kimberly Murray a critiqué également la culture d’impunité, affirmant que «seul un petit nombre de personnes qui ont commis des crimes contre des enfants autochtones dans un pensionnat pour Autochtones ont été poursuivies».
Selon elle, il faut passer d’une «culture d’amnistie» à une «culture de responsabilité», en intégrant des lois autochtones et des principes de justice. Elle appelle les Canadiens à s’engager activement dans ce processus de réconciliation, en écoutant les témoignages des survivants et en combattant le négationnisme qui a longtemps entouré ces questions.
Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a annoncé en point de presse mardi que l’ultimatum du 29 octobre – lancé cinq semaines plus tôt aux libéraux pour faire adopter deux projets de loi – était arrivé à échéance. «Le gouvernement n’a pas respecté cette date butoir», a-t-il constaté.
En coulisse : Le leadeur parlementaire du Bloc québécois, Alain Therrien, a envoyé une lettre aux autres partis d’opposition pour indiquer que le Bloc est prêt à discuter de la possibilité de renverser le gouvernement libéral dès que l’occasion se présentera.
Pas si vite : Mercredi, toutefois, le chef du Nouveau Parti démocratique Jagmeet Singh, a assuré qu’il ne «jouera pas le jeu» du Bloc québécois.
En Chambre, Alain Therrien a assuré que, de ce fait, le gouvernement libéral et le NPD formaient de nouveau un couple.
Le Bloc québécois pourrait appuyer les conservateurs si ces derniers proposent une motion portant uniquement sur la confiance du gouvernement, mais ils ont besoin du NPD pour arriver à leur fin. Car, pour faire tomber le gouvernement, les trois partis d’opposition doivent s’allier sur une motion de censure pour s’assurer d’obtenir la majorité des voix de la Chambre.
Le ministre fédéral de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, Marc Miller, est revenu lundi sur son Plan sur des niveaux d’immigration 2024–2028, dévoilé la semaine dernière, dans lequel le gouvernement libéral marque un tournant majeur en diminuant ses cibles d’attribution de résidences permanentes.
«Le consensus a changé», a justifié Marc Miller en entrevue avec Radio-Canada.
Le ministre du Logement et ancien ministre de l’Immigration, Sean Fraser, a assuré que les programmes temporaires, la pression d’immigration extérieure et la mauvaise gestion des étudiants étrangers par certaines provinces ont poussé le gouvernement à baisser ses cibles d’immigration permanente.
Ce qu’ils disent : «On a fait confiance un peu trop longtemps aux universités et aux collèges, et même aux provinces. C’est eux qui ont fait du cash là-dessus à court terme», a affirmé le ministre, pointant du doigt les permis temporaires, de travail et d’étude.
Le ministre du Logement, de l’Infrastructure et des Collectivités, Sean Fraser, a ajouté que les engagements du Canada envers l’Ukraine et l’Afghanistan pour accueillir des réfugiés ont provoqué «une grande augmentation de la pression» dans les demandes d’immigration.
En outre, selon le ministre Fraser, certains gouvernements provinciaux n’ont «pas bien géré, en particulier le programme des étudiants internationaux».
«Certaines communautés ont reçu plus de gens que ce qu’elles avaient la capacité de réussir à intégrer ou d’absorber. Donc nous travaillons maintenant pour construire cette infrastructure.»
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Lundi, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a approuvé la demande d’exemption de Google à la Loi sur les nouvelles en ligne.
L’enjeu : Le montant de 100 millions de dollars sera distribué à partir de janvier 2025 par le Collectif canadien de journalisme (CCJ), selon Cathy Edwards, directrice générale de Canadian Association of Community Television Users and Stations et membre du CCJ, en entrevue avec Francopresse.
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Mercredi, alors que des députés libéraux demandaient un scrutin secret sur le leadeurship de leur chef, Justin Trudeau, les députés en sont sortis silencieux, selon plusieurs sources internes au parti.
Pourquoi les médias en parlent : Si une majorité parmi les 153 élus libéraux votait en faveur du départ de Justin Trudeau, même si ce vote n’est pas contraignant, la pression serait plus forte sur le chef pour qu’il démissionne. Une course à la chefferie et des élections fédérales devraient alors être lancées.
«De profonds bouleversements dans le secteur des médias […] menacent notre capacité à informer, à instruire et à refléter fidèlement la diversité des expériences francophones au Canada», décrit le préambule de la Déclaration de Whitehorse.
Les médias en milieu minoritaire sont «la voix de nos communautés, souvent la seule à pouvoir refléter avec précision et objectivité les enjeux, les succès, et les aspirations propres aux populations francophones minoritaires et acadiennes», dit Nicolas Jean.
Avec ce document, l’association Réseau.Presse, l’éditeur de Francopresse, veut sensibiliser les divers paliers de gouvernements et les instances économiques et sociales aux réalités et aux besoins de la presse écrite en situation minoritaire, explique son président, Nicolas Jean. «Les difficultés, il y en a plein», laisse-t-il tomber.
Ici, la Déclaration de Whitehorse se veut un appel à la prise de conscience collective; là, elle veut faire naitre un sentiment d’urgence.
«Ça fait 10, 15, 20 ans qu’on change les modèles d’affaires et qu’on n’arrête pas de trouver des solutions innovantes pour aller chercher des revenus autonomes, plaide Nicolas Jean. Croyez-moi, sinon on ne pourrait pas survivre.»
Si on perd un média en situation minoritaire, on perd une énorme partie de la mémoire collective. On perd aussi un levier démocratique au niveau local. [Les médias] joue[nt] un rôle fédérateur au sein des communautés
Réseau.Presse avance une solution : la pérennisation et la stabilité du financement.
«On a certaines sources de financement, indique-t-il, mais on parle toujours de pansements», précisant qu’elles ne font que répondre aux besoins urgents.
Anne Robineau rappelle que la Loi sur les langues officielles demande des actions concrètes de la part du gouvernement fédéral pour l’épanouissement des communautés de langues officielles.
Des politiques publiques plus robustes
Sans détour, Réseau.Presse demande la mise en place de politiques et de programmes de financement récurrents adaptés.
La directrice adjointe de l’Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques, Anne Robineau, est favorable à l’adoption de politiques visant les médias en milieu minoritaire : «Ça fait partie de tout cet appareil pour défendre les minorités, pour favoriser leur épanouissement, comme on dit dans la [Loi sur les langues officielles], aussi.»
Elle donne l’exemple des plateformes numériques : les mesures en place n’arrivent pas à favoriser la découvrabilité des contenus des médias de langue française. «C’est vraiment le nerf de la guerre.»
De la publicité
Le directeur général du quotidien Le Droit, François Carrier, met quant à lui l’accent sur l’importance de politiques d’investissement publicitaire.
Il évoque le cas du Québec, qui demande que 4 % des placements publicitaires des agences gouvernementales et du gouvernement soient dirigés vers les médias communautaires. Selon lui, cette mesure aurait permis l’essor de plusieurs d’entre eux : «C’est tout un écosystème qui a permis d’avoir des journalistes sur place dans plusieurs régions.»
Il suggère qu’une mesure fédérale semblable vise les communautés de langue officielle en situation minoritaire : «Lorsqu’on investit dans une publicité, que ce soit à L’Aurore boréale, dans La Voix acadienne ou au Franco, on investit dans cette communauté franco-albertaine, franco-yukonaise ou [acadienne].»
La publicité, c’est aussi de l’information, en particulier les messages d’intérêt public, plaide-t-il. «Il faut que, peu importe où tu restes au pays, tu puisses avoir accès à ces messages-là.»
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Réseau.Presse s’est engagé dans diverses campagnes de positionnement pour réitérer le rôle social et professionnel de ses membres.
En 2017, l’organisme a publié une Charte de la presse écrite de langue française en situation minoritaire au Canada, à l’intention des instances publiques et communautaires.
En 2021, il a préparé un Guide de déontologie à l’intention de ses journaux membres, afin de mieux assoir la confiance envers les médias écrits en situation minoritaire.
Faire du bruit
Nicolas Jean confirme que la première action prévue concernant de la Déclaration de Whitehorse, c’est sa diffusion : «On a tous intérêt à communiquer cette déclaration, ne serait-ce que pour démarrer le dialogue, que ce soit les partenaires, les organisations communautaires, les municipalités. L’idée c’est de faire du bruit.»
François Carrier abonde dans ce sens et espère voir des mesures au niveau du réseau de journaux membres : «On construit quelque chose.» Ça prend une suite, conclut-il, un plan pour sensibiliser les gouvernements, mais aussi le public.
Dans sa Déclaration de Whitehorse, Réseau.Presse souligne que des mesures fédérales sont déjà en place, comme l’Initiative de journalisme local (IJL), les crédits d’impôt pour la main-d’œuvre journalistique canadienne et une enveloppe de 12,6 millions de dollars, annoncée le 28 octobre, pour appuyer le financement de stages et de projets d’ici 2028.
Des pistes pour l’avenir
Mais au-delà des sources de financement, la directrice du Centre d’études sur les médias de l’Université Laval, Colette Brin, plaide pour l’innovation.
Début octobre, lors du congrès de Réseau.Presse, elle s’est adressée aux représentantes et aux représentants des journaux, avant qu’ils et elles mettent la touche finale à la Déclaration.
Pour faire face à la crise, la professeure a proposé de diversifier les types de contenus, en intégrant des balados, des formats vidéos et en mettant en avant du journalisme explicatif et de solutions, afin d’attirer le lectorat.
«La seule chose qu’on peut changer, c’est l’avenir, philosophe François Carrier. Des modèles existent.».
«J’ai hâte de voir la suite», conclut Anne Robineau.
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«Je m’étais fait dire que je paierais les frais de scolarité québécois. Quand j’ai appris que ce n’était pas le cas, j’ai vraiment été frustré, c’est beaucoup plus couteux que prévu», regrette l’étudiant franco-ontarien, Jérôme Bilodeau.
Le Franco-Ontarien Jérôme Bilodeau est inscrit dans un programme partagé entre l’Université de Hearst en Ontario et l’UQAT au Québec. Il pensait payer les mêmes droits de scolarité que les résidents québécois, mais en raison de changements dans les règles budgétaires du Québec, ce n’est pas le cas.
Le jeune homme est inscrit en deuxième année du baccalauréat en administration des affaires à l’Université de Hearst, dans le nord de l’Ontario. Il est le premier à bénéficier de l’entente signée en début d’année entre son établissement et l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT).
En vertu de cet accord, Jérôme Bilodeau peut suivre le programme de Certificat d’accès à la profession comptable offert par l’UQAT. Autrement dit, il suit chaque année un semestre à distance à l’UQAT, soit quatre cours.
«Ce sont des vidéos que j’écoute. J’ai choisi cette option, car ça me permet de rester à Hearst chez mes parents et de sauver de l’argent», détaille-t-il.
Mais, en aout dernier, revirement de situation, Jérôme Bilodeau apprend qu’il doit finalement payer les droits de scolarité exigés par l’UQAT aux personnes non-résidentes du Québec. Il est donc obligé de débourser 4 400 $ pour un semestre, contre les 1 900 $ qu’il avait planifiés à l’origine.
Selon les termes de l’entente entre les deux établissements universitaires, Jérôme Bilodeau aurait dû payer des droits de scolarité équivalents à ceux de la communauté étudiante québécoise, conformément à l’article 29.6 de la Charte de la langue française.
La rectrice de l’Université de Hearst, Aurélie Lacassagne, dénonce les changements intervenus dans la règlementation du Québec à propos des droits de scolarité payés par les étudiants issus des communautés francophones en situation minoritaire.
Cette disposition, en vigueur depuis l’automne 2023, permet aux personnes francophones des autres provinces canadiennes de payer les mêmes droits de scolarité que les Québécois si le programme qu’elles suivent en français est offert uniquement au Québec.
«Il était prévu au départ que les programmes de formation à distance soient éligibles aux frais de scolarité du Québec, mais, finalement, ce n’est pas le cas. Le statuquo est maintenu pour ce type de programme selon les documents du gouvernement du Québec», se défend l’UQAT dans sa réponse par courriel.
«Ce n’est pas facile de leur côté [du côté de l’UQAT], ça leur tombe aussi dessus. Ils ne sont pas maitres de ce qui se décide à Québec», considère la rectrice de l’Université de Hearst, Aurélie Lacassagne.
En juin dernier, le ministère de l’Enseignement supérieur québécois a effectivement apporté une série de modifications au guide administratif sur les Droits de scolarité de la population étudiante canadienne poursuivant des études en français au Québec pour réserver les avantages à celles et ceux qui partent vivre au Québec pour y étudier.
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Depuis cet automne, les étudiants canadiens-français qui suivent des formations en ligne données par des établissements du Québec, mais qui ne résident pas dans cette province, ne peuvent plus profiter de droits de scolarité préférentiels, sauf en contexte d’échange.
«L’idée était d’offrir un milieu de vie en français, c’est peut-être pour cela qu’il y a eu ces changements», avance le président-directeur général de l’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne (ACUFC), Martin Normand.
Aurélie Lacassagne dénonce, elle, une situation «ubuesque», presque grotesque : «Au départ, notre entente avec l’UQAT s’est fait grâce à un financement du Secrétariat du Québec aux relations canadiennes. Le gouvernement québécois ne peut pas se dire à la fois défenseur des francophones en situation minoritaire et, par la bande, faire ça. Ça ne règlera pas leurs problèmes budgétaires.»
Elle souhaite envoyer une lettre aux ministres concernés pour «les mettre devant leurs responsabilités».
Ailleurs au Québec, l’Université de Sherbrooke précise par courriel à Francopresse que, parmi les 57 étudiants qui peuvent profiter du même tarif que les Québécois, plusieurs «sont encore en train de fournir des preuves de résidence au Québec».
De son côté, l’Université de Montréal indique, aussi par écrit, accueillir très peu d’étudiants canadiens provenant d’autres provinces.
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Pour lever le flou sur ces questions, Martin Normand appelle le ministère québécois de l’Enseignement supérieur à «communiquer plus clairement sur les paramètres de la mesure, qui est éligible ou pas».
«Il y a beaucoup de mouvement autour des frais de scolarité, ce n’est pas bien compris par les étudiants et leur famille», estime Martin Normand de l’ACUFC.
«Il y a beaucoup de mouvements autour des frais de scolarité, ce n’est pas bien compris par les étudiants et leur famille», souligne le président-directeur général.
Par exemple, les programmes d’études offerts à temps partiel sont admissibles, mais pas ceux de troisième cycle menant à un doctorat. Autant de subtilités que le grand public ne maitrise pas forcément.
Le ministère québécois de l’Enseignement supérieur n’a pas donné suite à notre demande d’entrevue.
Dans le nord de l’Ontario, Jérôme Bilodeau a pu bénéficier de bourses de l’UQAT et de l’Université de Hearst pour compenser les couts supplémentaires qu’il doit maintenant payer.
«Je suis satisfait, mais ils l’attribuent seulement à moi. Dans les années à venir, les prochains élèves n’y auront pas accès et devront payer des montants plus élevés», déplore-t-il.
Aurélie Lacassagne s’interroge sur la pérennité du programme conjoint avec l’UQAT : «S’ils ne reviennent pas sur leur décision, ça met beaucoup de pression financière sur les étudiants, la formation sera moins alléchante et risque d’être plombée.»
Rappelons que cette élection partielle avait été provoquée par le départ de Carolyn Bennett en décembre 2023. Ministre du gouvernement Trudeau depuis l’élection de 2015, députée de la circonscription depuis 1997, elle avait perdu son portefeuille lors du remaniement ministériel d’aout 2023 après avoir annoncé qu’elle ne se représenterait pas aux prochaines élections.
Carolyn Bennett n’a jamais eu de grandes difficultés à se faire élire dans sa circonscription, obtenant plus de 50 % des voix à chaque élection, sauf en 2021 où elle a récolté… 49 % des voix.
Au lendemain de la surprenante victoire du candidat conservateur dans Toronto–St. Paul’s cet été, plusieurs députés, surtout de la région de Toronto, ont demandé à Justin Trudeau de convoquer une réunion d’urgence.
On venait tout juste d’ajourner les travaux de la Chambre des communes pour l’été et tous les députés s’en retournaient dans leur circonscription pour plusieurs semaines.
Pour bon nombre de députés libéraux, il était néanmoins important d’analyser cette défaite, voire de préparer une nouvelle stratégie pour convaincre les électeurs d’appuyer le Parti libéral.
Une lettre signée par neuf députés sera même envoyée à Justin Trudeau demandant une telle rencontre. Mais le premier ministre jugera plus utile de discuter de la défaite dans Toronto–St. Paul’s avec ses ministres plutôt qu’avec ses députés.
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Les résultats dans Toronto–St. Paul’s étaient-ils vraiment une surprise?
Depuis des mois, les sondages indiquaient, les uns après les autres, que le gouvernement libéral était en chute libre dans les intentions de vote. Mais on ne pensait pas vraiment, du moins chez les libéraux, que cette baisse pourrait toucher des circonscriptions facilement gagnées par les candidats libéraux dans le passé.
Les résultats de l’élection partielle de Toronto–St. Paul’s en ont donc surpris plusieurs : les comtés jugés impossibles à perdre pour les libéraux, notamment dans les milieux urbains, ne le sont plus.
Ce n’est pas la première fois que les libéraux sont surpris. Ils l’ont été lors de l’élection générale de 2019, lorsqu’ils n’ont pas réussi à conserver leur majorité au Parlement. Ils avaient alors fortement sous-estimé la capacité du Bloc à séduire les Québécois.
Ils ont encore été surpris avec les résultats électoraux de 2021, malgré leur gestion de la crise sanitaire qu’avait approuvée une majorité de Canadiens. Mais les électeurs leur ont reproché d’avoir déclenché hâtivement des élections dont personne ne voulait.
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Devant autant d’étonnement de leur part, on peut se demander si les instances du Parti libéral saisissent bien ce qui se passe sur le terrain.
Pour tout parti politique, il existe une tension inévitable entre le premier ministre et les députés.
Dans notre système politique, les gouvernements sont formés sur la base du nombre de députés qu’un parti peut faire élire. Ce sont aussi les députés qui font fonctionner nos institutions démocratiques, qui adoptent les projets de loi, qui posent des questions à la Chambre et qui représentent les intérêts de leur électorat.
Dans les faits cependant, le réel pouvoir se concentre autour du chef de parti. C’est la personnalité de ce chef, ses idées, ses ressources qui mènent ou non à la victoire aux élections.
On le comprend vite, chacun a besoin de l’autre : le premier ministre a besoin de l’appui de ses députés et surtout de leur connaissance du terrain alors que les députés tirent avantage des ressources et de la notoriété de leur chef.
On peut se demander si Justin Trudeau a bien compris l’aide que peuvent lui apporter ses députés.
Et si Justin Trudeau avait accepté de rencontrer ses députés à la fin juin, tout juste après la défaite dans Toronto–St. Paul’s?
S’il avait rencontré son caucus plus tôt, les choses se seraient fort probablement passées autrement. Il n’y aurait pas eu d’appel formel à sa démission quelques mois plus tard, car Justin Trudeau aurait pu rassurer ses députés à propos de la stratégie envisagée par ses conseillers pour remonter dans les sondages.
Le chef libéral aurait pu aussi unir davantage ses troupes en démontrant qu’il partage le même objectif qu’eux, c’est-à-dire gagner les prochaines élections fédérales.
Et il n’aurait certainement pas donné des munitions au chef conservateur Pierre Poilievre, qui clame maintenant haut et fort que les gens ne font plus confiance à Justin Trudeau, même chez ses propres députés.
En examinant comment le premier ministre a géré la défaite dans Toronto–St. Paul’s – qui, au passage, laissait présager la défaite dans LaSalle–Émard–Verdun, au Québec, quelques semaines plus tard –, on ne peut s’empêcher de penser que Justin Trudeau est l’artisan de son propre malheur.
Il aurait dû manifester une plus grande écoute envers les préoccupations légitimes de ses députés.
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La semaine dernière, plusieurs sources indiquaient l’existence d’une lettre signée par 24 députés libéraux qui demandait que le premier ministre prenne quelques jours pour réfléchir sérieusement à son avenir au sein du parti. Des discussions franches ont aussi eu lieu lors de la réunion du caucus.
En moins de 24 heures, le premier ministre a répondu qu’il entendait rester à la tête de son parti.
Plusieurs députés seront très certainement déçus de cette réponse. Pas forcément parce qu’ils espéraient qu’il démissionne, mais parce que le premier ministre n’a même pas daigné prendre les quelques jours qu’on lui offrait pour réfléchir à son avenir et à celui de son parti.
Encore une fois, le premier ministre n’a pas jugé bon de tenir compte des préoccupations de ces députés. Il pourrait éventuellement le regretter, car le temps qu’il doit passer à gérer les crises internes de son parti l’éloigne d’autres dossiers qui sont tous aussi importants et urgents.
Le gouvernement fédéral a annoncé le 28 octobre comment allait être distribuée la somme de 12,6 millions de dollars. Il s’agit d’une part des 16,8 millions alloués aux médias communautaires du pays dans le cadre du Plan d’action pour les langues officielles 2023-2028.
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Une partie, 7,6 millions, ira à «89 nouveaux projets au cours des quatre prochaines années» pour les médias desservant la population en situation minoritaire du pays.
À cette somme s’ajoutent 5 millions pour rémunérer 125 stages au sein de 98 médias communautaires du pays.
Selon Linda Lauzon, la représentante autorisée du Consortium des médias communautaires de langues officielles en situation minoritaire, chargé de redistribuer les sommes, la nouvelle est bonne, mais il manque un montant dans le calcul.
Les 12,6 millions s’ajoutent aux 2,6 millions – provenant aussi du Plan d’action – qui ont été dépensés l’année dernière, soit un total de 15,2 millions.
Donc sur les 16,8 millions de dollars annoncés au printemps 2023 pour le Plan d’action 2023-2028, il manque encore 1,6 million.
«Du point de vue du Consortium, toute somme d’argent investie vers les médias communautaires est toujours positive», assure le président de Réseau.Presse, Nicolas Jean. Réseau.Presse fait partie du Consortium et est l’éditeur de Francopresse.
Mais une distribution d’argent ne résout pas forcément tous les problèmes de survie des médias communautaires.
La manière dont l’annonce a été présentée sous-entendait que ça allait permettre de recruter des journalistes [les 5 millions de dollars pour rémunérer 125 stages, NDLR]. Or, pas vraiment.
En effet, si le programme de stage dans les médias communautaires permet de recruter de jeunes stagiaires, «ce sont en général des personnes qui sortent des études, qui n’ont pas nécessairement beaucoup d’expérience professionnelle», explique le président. «Ça prend en charge 75 % d’une rémunération à un taux horaire de 20 $ maximum. Donc, tu ne peux pas nécessairement recruter de la main-d’œuvre très qualifiée.»
Même si l’argent permet de former des jeunes qui recherchent une première expérience de travail et de les former, ce ne sont pas tous les médias communautaires qui ont les ressources humaines pour le faire.
«Vu le nombre de médias qui composent le Consortium, on ne peut pas tous prétendre à cela. Il n’y a pas un stage par année, par média. Donc il y a une certaine limitation à ce niveau-là», estime Nicolas Jean.
Et si l’annonce vise aussi 89 projets pour renforcer les médias communautaires du pays en situation minoritaire, «ce n’est pas nécessairement de l’argent garanti sur lequel chaque média va pouvoir compter». «C’est de l’argent très conditionnel», associé à des projets pouvant durer jusqu’à deux ans.