«[La question], ce n’est pas juste de travailler en français, c’est d’apprendre le français», a lancé la présidente du Conseil du Trésor, Anita Anand, devant les sénateurs du Comité permanent des langues officielles, lundi.
«Il faut changer cette culture d’être unilingue. Je sais la réalité, c’est difficile d’apprendre le français dans les ruralités. C’est possible, je l’ai appris dans un domaine rural en Nouvelle-Écosse», a-t-elle ajouté, en réaction au commentaire du sénateur néoécossais Réjean Aucoin sur les limites des services en français à la population.
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Des règlements «avant mars 2025»
Le témoignage de la ministre portait sur le rapport annuel 2022-2023, qui dresse un portrait de la fonction publique canadienne avant la modernisation de la Loi sur les langues officielles.
Plusieurs sénateurs, à l’instar de l’Acadien du Nouveau-Brunswick René Cormier, ont partagé leurs inquiétudes à propos de l’attente des règlements de la nouvelle loi. Deux semaines plus tôt, le Commissaire aux langues officielles, Raymond Théberge, avait lui aussi laissé entendre que le temps pressait.
Si la ministre Anand n’a pas voulu fournir d’échéancier précis devant le comité, elle a assuré que les règlements sortiraient «avant mars 2025».
Les trois règlements attendus pour l’application de la nouvelle Loi sur les langues officielles
- les sanctions pécuniaires en cas d’infraction à la loi par des entreprises privées sous juridiction fédérale;
- la désignation des régions désignées comme fortement francophones;
- le plus attendu des trois, sur la partie VII, qui devra règlementer l’égalité de statut des deux langues officielles et des communautés de langue officielle.
«On a eu beaucoup de consultations déjà, pas seulement avec les provinces et territoires, mais avec les autres parties prenantes», assure Anita Anand, rappelant au passage avoir passé du temps à Halifax l’été dernier pour entendre les avis sur les règlements.
En attendant l’application de la loi
Devant la préoccupation persistante des sénateurs, Anita Anand s’est évertuée à souligner les progrès réalisés par le gouvernement fédéral.
Anita Anand a tenté d’apaiser les sénateurs, indiquant que son ministère avait lancé le «tout premier cadre» sur la formation dans la deuxième langue officielle et augmenté le niveau de compréhension orale.
«Le [Secrétariat du Conseil du Trésor] a commencé à préparer le terrain», a renchéri Carsten Quell, directeur général du Centre d’excellence en langues officielles aux ressources humaines du Conseil du Trésor.
Des employés sont sous supervision dans la langue de leur choix dans les régions bilingues et le niveau de l’offre de formation a augmenté d’une case.
Toutefois, en juin 2025 – quand tout employé pourra être supervisé dans la langue de son choix dans une région désignée bilingue, que son poste soit désigné bilingue ou non – le niveau de bilinguisme requis pour les postes des employés qui sont en formation pour apprendre une langue seconde ne sera pas augmenté jusqu’à ce que le poste se libère.
Autrement dit, l’exigence du bilinguisme ne sera pas revue à la hausse avant qu’une autre personne n’occupe ce poste.
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Qui s’occupe d’appliquer la Loi sur les langues officielles?
Le commissaire aux langues officielles a pour rôle de faire respecter l’esprit et la lettre de la Loi sur les langues officielles, modernisée en juin 2023.
Le Secrétariat du Conseil du Trésor est chargé de la mise en œuvre et de la coordination de la Loi au sein des institutions fédérales. Il doit aussi déposer les règlements de la partie VII de la Loi, liée à l’épanouissement des minorités de langue officielle et à la promotion des langues officielles au Canada.
C’est toutefois le ministère du Patrimoine canadien qui est responsable de la partie VII de la Loi.
Le ministre de la Justice conseille le gouvernement sur les questions juridiques et les litiges en matière de droits linguistiques.
Sanctions si discriminations?
En cas de non-respect de la loi, que ce soit dans les entreprises privées sous juridiction fédérale – comme Air Canada, dont le patron avait déclenché une polémique sur le français – ou au sein de la fonction publique fédérale, la ministre s’est montrée évasive quant aux sanctions possibles.
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«Nous savons que la nouvelle exigence va présenter des possibilités et aussi des défis», a affirmé la ministre Anand, en référence à la mesure qui laissera le choix à l’employé de parler ou d’être supervisé dans la langue officielle de son choix, dans la fonction publique.
Elle a été tout aussi évasive pour les entreprises sous juridiction fédérale. Les dirigeants devront être bilingues, assure la ministre, qui précise toutefois qu’il ne s’agit «pas d’une question de loi», mais d’une «question de culture dans l’organisation».
«Je ne suis pas certaine que les entreprises privées sous compétence fédérale pensent comme vous», lui a répondu la sénatrice québécoise Marie-Françoise Mégie.
Langues autochtones
La ministre Anand a soutenu qu’en parallèle des consultations liées aux règlements sur les langues officielles, d’autres étaient en cours pour les langues autochtones.
«On évalue comment relever les défis des employés autochtones confrontés aux exigences des langues officielles. Mais [ces consultations] ne sont pas la raison pour laquelle nous allons arrêter notre travail.»
Elle a promis aux sénateurs de revenir une fois les règlements adoptés.