«Les femmes francophones en situation minoritaire sont les grandes oubliées, leurs difficultés à accéder à des services dans leur langue maternelle ne sont pas prises en compte», regrette la criminologue à l’Université de Moncton et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en violence sexuelle, prévention et intervention, Madeline Lamboley.
Pour Valerie Roy-Lang, en matière de violences fondées sur le sexe, «les sanctions ne sont pas assez sévères» : «Ça laisse sous-entendre que ce n’est pas un crime grave et ça n’encourage pas les victimes à porter plainte.»
D’après le dernier rapport d’étape, moins de 3 % des mesures du Plan d’action national pour mettre fin à la violence fondée sur le sexe ont concerné les femmes issues de minorités linguistiques.
«C’est choquant, ça démontre le manque d’intérêt des politiques à aider les communautés francophones», dénonce la directrice générale du Réseau des services pour victimes de violence du Nouveau-Brunswick, Valerie Roy-Lang.
Pour la présidente de l’Alliance des femmes de la francophonie canadienne (AFFC), Nour Enayeh, Ottawa ne respecte pas ses obligations en vertu de la Loi sur les langues officielles : «Le gouvernement fédéral se doit d’offrir à toutes les femmes au pays un accès adéquat et équitable à des services dans leur langue.»
Dans un communiqué publié en décembre, l’AFFC estime que les femmes francophones et acadiennes sont «laissées pour compte».
La violence fondée sur le sexe est commise contre des personnes en raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leur genre ou de leur identité de genre. Elle peut prendre la forme de violence physique, sexuelle, psychologique, émotionnelle ou financière, et elle peut être facilitée par la technologie. Elle sévit dans les foyers, les espaces publics, les lieux de travail et en ligne.
Le Plan d’action national pour mettre fin à la violence fondée sur le sexe, adopté en 2022 par le gouvernement fédéral et d’une durée de 10 ans, repose sur cinq piliers, dont le soutien aux survivantes, la prévention, un système judiciaire réactif et les approches dirigées par les Autochtones.
Sur le terrain, l’insuffisance des ressources en français est criante, particulièrement dans l’Ouest. En Alberta, selon la Coalition des femmes de l’Alberta, sur 50 maisons d’hébergement dans la province, seulement trois proposent des services d’interprétariat et aucune ne dispose de personnel bilingue.
À Winnipeg, la directrice du refuge Chez Rachel, Sonia Grmela, souligne l’isolement linguistique et géographique des Franco-Manitobaines dans les régions rurales de la province.
Au Manitoba, un seul organisme francophone, basé à Winnipeg, soutient les femmes et les enfants victimes de violence domestique. Chez Rachel existe depuis 30 ans et peut accueillir cinq familles pendant un maximum d’un an et demi. Deux conseillères offrent des programmes de guérison.
«On aide les femmes à accéder à des services qui devraient être bilingues, mais ne le sont pas. C’est toujours une question de chance, on peut tomber par hasard sur une personne qui parle français», déplore la directrice générale de Chez Rachel, Sonia Grmela.
La responsable mène ainsi une étude de faisabilité afin d’ouvrir un second refuge en zone rurale, où la pénurie est «encore plus sévère».
Ces deux provinces de l’Ouest disposent néanmoins d’associations de juristes d’expression française à même de donner des conseils juridiques aux survivantes.
Au Nouveau-Brunswick, le Réseau des services pour victimes de violence dessert, lui, cinq régions francophones avec notamment cinq maisons de transitions et quatre logements de deuxième étape.
En revanche, dans les zones anglophones de la province, en particulier autour de Fredericton et de Saint-Jean, le soutien en français est quasi inexistant, remarque Madeline Lamboley.
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S’exprimer dans sa langue maternelle reste pourtant vital pour des survivantes, «dans une situation de choc, déjà stressante et traumatisante», souligne la chercheuse. «C’est dangereux, car elles risquent de ne pas sortir du cycle de violences par peur de se retrouver face à des interlocuteurs anglophones qui les comprennent mal.»
En Alberta, Mariama Gueye explique que la Coalition des femmes organise dans les écoles et les communautés des ateliers de prévention, mais aussi sur les droits des victimes.
«Il y a des risques d’incompréhensions qui peuvent avoir des conséquences très graves. Si la plainte est mal comprise par la police et les faits sont faussés, ça peut affecter l’issue du procès en cour», ajoute Sonia Grmela.
La Coalition des femmes de l’Alberta constate plus que jamais cet isolement linguistique, surtout chez les nouvelles arrivantes. «Elles se sentent prisonnières, car elles ne savent pas vers qui se tourner. Elles se disent : “Est-ce que ça vaut la peine d’appeler à l’aide? Personne ne m’entendra”», alerte la présidente de l’organisme, Malaïka Ogandaga.
«Il faut faire un travail psychologique intense pour les convaincre qu’elles ont le droit d’être servies en français, qu’elles sont des individus qui ont de la valeur même si elles ne maitrisent pas l’anglais», ajoute à ses côtés la directrice générale, Mariama Gueye.
Les services francophones souffrent en plus d’un déficit chronique de financement et l’adoption du Plan d’action national n’a pas changé la donne. «On a toujours l’impression que nos défis ne sont pas une priorité. On a déjà songé à offrir un espace d’hébergement provisoire, mais l’argent n’est pas là», relève Malaïka Ogandaga.
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La Coalition des femmes de l’Alberta dispose de quatre employées pour couvrir un territoire grand comme la France, la Belgique, les Pays-Bas et la Suisse réunis.
Nour Enayeh de l’AFFC regrette que le Plan d’action national ne prenne pas en compte la réalité des femmes francophones en situation minoritaire.
En 2023, Ottawa a pourtant signé avec les provinces et les territoires des accords de financements bilatéraux afin d’assurer la mise en œuvre du plan.
Valerie Roy-Lang considère que l’entente avec le Nouveau-Brunswick a permis «d’aider au jour le jour, de maintenir l’existant, mais n’a pas donné accès à des lits supplémentaires».
«Ce n’est pas suffisant pour répondre aux besoins des victimes. Les maisons de transition doivent faire appel à des dons communautaires, car elles sont toujours dans le rouge à la fin de l’année», indique-t-elle.
La directrice pointe par ailleurs le manque de campagnes de prévention en français à l’extérieur du Québec : «Les services sont dirigés vers les situations de crise. Il faut mettre plus d’emphase sur la sensibilisation aux relations saines, aux violences émotionnelles et verbales, auprès des élèves, des employeurs, des professionnels de santé.»
On fait des choses ponctuelles, il y a plein de projets-pilotes, mais pas d’investissement récurrent. Un atelier une fois par an à l’école, c’est insuffisant. Pour que ça marche, il faut répéter le message.
À Ottawa, l’AFFC espère rencontrer prochainement la ministre fédérale des Femmes et de l’Égalité des genres et de la Jeunesse pour «réouvrir la conversation». «On ne peut pas laisser les femmes à la merci du bon vouloir des provinces. Ottawa doit prendre le leadeurship», insiste Nour Enayeh.
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Jusqu’à la semaine dernière, Pierre Poilievre aurait peut-être pu espérer reproduire l’exploit de l’ancien premier ministre conservateur Brian Mulroney, qui avait remporté 50,0 % des suffrages lors de l’élection fédérale de 1984. Du jamais vu depuis l’élection de John Diefenbaker en 1958 (celui-ci avait alors obtenu 53,7 % des votes).
Mais les choses viennent de prendre une nouvelle tournure. Non pas un, mais deux évènements majeurs se sont produits : la démission de Justin Trudeau, puis les déclarations fracassantes de Donald Trump se disant prêt à recourir à la «force économique» pour faire plier le Canada en matière d’échanges commerciaux.
Certes, la victoire conservatrice est encore très probable, mais le raz-de-marée bleu pourrait déferler moins fort qu’initialement prédit par les sondages. Les conservateurs vont devoir redoubler d’ardeur.
Il est indéniable que la démission de Justin Trudeau vient changer la donne pour les conservateurs. Jusqu’à présent, leurs attaques ciblaient presque exclusivement la personnalité et les politiques du premier ministre actuel, et cela semblait donner d’excellents résultats.
En quittant la scène politique, Justin Trudeau force donc le Parti conservateur à revoir sa stratégie. C’est d’ailleurs ce qu’espéraient les libéraux qui réclamaient le départ de M. Trudeau.
Le départ annoncé de Justin Trudeau force déjà les conservateurs à réorienter leur message.
Toutefois, les conservateurs étaient prêts. On a d’ailleurs pu constater que leurs messages ont rapidement été ajustés : ce n’est plus Justin Trudeau qu’ils ciblent, mais bien ses ministres (les Chrystia Freeland, François-Philippe Champagne et autres) ou ses proches conseillers (Mark Carney). Les candidats pressentis sont ainsi coupables par association.
Cette stratégie est de bonne guerre. Un gouvernement sortant, peu importe qui le dirige, doit être capable de défendre son bilan. Et les partis d’opposition sont en droit d’attaquer ce bilan.
Par contre, on sent que les conservateurs ont été pris par surprise par les déclarations de Donald Trump, et c’est là l’élément central de ce qui a changé. Pourtant, ils auraient dû y être préparés.
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Un aspirant premier ministre doit avoir comme principale préoccupation la défense des intérêts du pays.
C’est ici que Pierre Poilievre a malheureusement échoué. On l’a peu entendu si ce n’est que pour se rallier finalement aux propos des autres chefs politiques, Justin Trudeau en tête, qui ont unanimement dénoncé la suggestion du prochain président américain. Non, le Canada ne sera pas le 51e État américain.
En fait, ce que l’on peut reprocher à Pierre Poilievre, c’est à la fois sa lenteur d’action et sa propension à réagir plutôt qu’à agir comme meneur.
En ce qui concerne la lenteur, Pierre Poilievre agit exactement comme l’a fait Justin Trudeau lors de situations de crise majeure. Pourtant, Justin Trudeau n’est certainement pas l’exemple à suivre.
Notre premier ministre a toujours eu beaucoup de difficultés à prendre rapidement des décisions, ce qui nous a régulièrement menés à des drames politiques inutiles ou tout près de catastrophes nationales.
Pensez à l’affaire SNC-Lavalin, au blocage des chemins de fer par des communautés autochtones en appui aux revendications des Wet’suwet’en, à l’instauration de l’État d’urgence face au convoi des camionneurs, à la controverse liée à l’organisme caritatif UNIS (WE Charity), à la grève dans les ports de la côte ouest, etc.
Un premier ministre doit être capable d’agir dans le feu de l’action et savoir prendre des décisions difficiles qui servent les intérêts du pays. Pierre Poilievre pourra-t-il faire mieux? Il ne l’a pas encore montré alors qu’il aurait dû le faire.
S’il a finalement fait les mêmes déclarations que ses adversaires politiques («Le Canada ne sera jamais le 51e État. Point à la ligne», «Je me battrai pour le Canada», «Nous mettrons le Canada d’abord»), Pierre Poilievre n’a cependant présenté aucun plan pour la suite des choses.
Donald Trump a multiplié les menaces contre le Canada depuis l’annonce de la démission de Justin Trudeau. L’imposition possible de tarifs douaniers de 25 % occupe tout l’espace en ce moment.
En fait, il est étonnant que l’on ait plus entendu des chefs de gouvernements provinciaux ou d’anciens politiciens que le chef conservateur – et que le premier ministre – proposer des stratégies de négociation pour tenir tête aux Américains.
Pensez à Doug Ford de l’Ontario, que l’on surnomme maintenant «Capitaine Canada», ou à Danielle Smith de l’Alberta, qui a rencontré Donald Trump à Mar-a-Lago les 11 et 12 janvier en plus de réussir à se faire inviter à la cérémonie d’assermentation à Washington le 20 janvier, ou encore à Jean Chrétien qui vient de signer une lettre ouverte combattive dans les médias.
Pourtant, les déclarations de Donald Trump auraient dû inciter Pierre Poilievre à présenter davantage sa stratégie. Selon le président américain élu, si Pierre Poilievre est élu premier ministre, ça ne changera rien à son désir d’imposer des sanctions au Canada.
Pierre Poilievre a ainsi raté une belle occasion de dire à la population canadienne que oui, cela changerait les choses et expliquer pourquoi.
Depuis des mois, Pierre Poilievre demande que des élections soient déclenchées sur le thème de la taxe carbone. Toute sa stratégie de communication ciblait ce thème, à commencer par son slogan, qu’il martèle sur toutes les tribunes («Axe the Tax», soit «abolissons la taxe carbone»).
On le voyait encore au début de janvier alors qu’il commentait l’état des relations canado-américaines. Malheureusement, ce ne sera plus l’enjeu électoral, mais cette réalité, il ne semble pas encore vouloir l’accepter.
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Un nouveau portail, Projet Santé Mentale Étudiants (SME), rassemble désormais des ressources d’aide pour prévenir et contrôler les détresses psychologiques des étudiants étrangers francophones inscrits dans les universités canadiennes. Les personnes intéressées peuvent aussi remplir un questionnaire d’évaluation.
Selon le professeur Idrissa Beogo, les étudiants étrangers francophones ne maitrisent souvent pas l’anglais, ce qui «limite leurs interactions sociales» et contribue à leur isolement.
Actuellement disponible sur le site Web de l’Université Laval, la plateforme devrait, à terme, être accessible via les sites de l’Université d’Ottawa et du Campus Saint-Jean, en Alberta.
Quelque 12 balados doivent être également réalisés afin de donner la parole à des étudiants, des professeurs et des professionnels de la santé mentale. L’occasion pour eux de partager leurs vécus et les stratégies qu’ils ont utilisées pour s’en sortir.
Ces nouvelles ressources s’inscrivent dans le cadre d’un projet de recherche sur la santé mentale des étudiants étrangers francophones dans des universités de l’Ontario, de l’Alberta et du Québec.
L’objectif des chercheurs est de pallier le manque de prise en charge adaptée. Car, quelles que soient leurs difficultés, les jeunes en souffrance ont rarement accès aux ressources existantes.
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«Ils ont de la misère à rentrer dans le système, ils ne peuvent pas toujours bénéficier des soins de santé publics, relève le professeur adjoint à l’École des sciences infirmières de l’Université d’Ottawa et coauteur du projet de recherche, Idrissa Beogo. Et ils ont peur, peur de l’inconnu, peur d’être victimes de racisme.»
Le doctorant à l’Université Laval, Claude Dakuyo, explique que la santé mentale reste un tabou dans de nombreux pays africains.
Selon le doctorant en psychoéducation à l’Université Laval au Québec et coordinateur du projet de recherche, Claude Dakuyo, les maladies mentales demeurent également «un tabou» persistant : «Les étudiants internationaux, originaires d’Afrique, ne sont pas très à l’aise à l’idée de parler de santé mentale. Il y a encore beaucoup de préjugés et de clichés autour de ces questions.»
«Plusieurs étudiants m’ont dit qu’ils souffraient en silence, car ils n’étaient pas habitués à en parler, encore moins à un psychologue», ajoute-t-il.
Face à la difficulté de certains jeunes à exprimer leur malêtre, il considère que les ressources offertes dans les universités canadiennes ne sont pas toujours adaptées. Il y a pourtant urgence devant l’ampleur des besoins, en particulier depuis la pandémie de COVID-19.
«Aujourd’hui, ils rentrent chez eux avec une santé mentale meurtrie. Les universités ne prennent pas le temps de les accompagner», confirme Idrissa Beogo.
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«Ils sont loin de chez eux, de leur culture d’origine, de leur cercle social et familial, ça les rend plus vulnérables», poursuit le professeur à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université Laval, coauteur du projet, Jean Ramdé.
Le psychologue Jean Ramdé explique que les étudiants étrangers sont plus vulnérables, car ils sont loin de chez eux et de leur culture d’origine.
Ce dernier parle d’«acculturation» : «Ils doivent s’adapter à un nouvel environnement, acquérir une nouvelle culture, apprivoiser un nouveau système d’enseignement. C’est loin d’être évident et ça affecte leur santé mentale.»
Aux yeux du psychologue, le «discours accusateur» des derniers mois a par ailleurs pesé sur une jeunesse étudiante déjà fragilisée : «Les étudiants étrangers ont été pointés du doigt pour tous les problèmes que vivent les Canadiens, le manque de logement notamment, ça n’aide pas.»
À cela s’ajoute pour beaucoup d’entre eux la précarité financière, qui les oblige à travailler durant leurs études et à vivre dans des logements exigus.
«Ils ont la pression de réussir, car leurs proches restés au pays ont souvent consenti de lourds investissements financiers pour qu’ils puissent venir au Canada et payer les frais de scolarité très élevés», observe Jean Ramdé.
Dans les communautés francophones en situation minoritaire, la maitrise de l’anglais constitue une «autre couche de défi», remarque Idrissa Beogo. «Les étudiants parlent peu l’anglais, ça limite leurs interactions sociales à l’extérieur de l’université. C’est source d’isolement et ça peut être un obstacle à leur réussite.»
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Noëlla Arsenault raconte que quelques jours avant son entretien avec Francopresse, sa petite-fille l’a appelée pour lui dire que son enseignante avait parlé d’elle, dans son cours d’histoire. «Madame [l’enseignante] pleurait», lui a dit sa petite-fille. «Elle était fière que vous ayez fait ça.»
Elle estime avoir rempli son devoir, mais Noëlla Arsenault a aussi rencontré de la résistance. «Toutes les semaines, on était sur la télévision, on était à la radio, c’était une grosse affaire. Les anglophones n’en voulaient pas. Les francophones de chez nous n’en voulaient pas.»
La poursuite que Noëlla Arsenault a intentée au milieu des années 1990 contre le gouvernement de l’Île-du-Prince-Édouard a secoué la communauté, mais aujourd’hui, de nouvelles générations peuvent fréquenter une école de langue française. Sa petite-nièce, par exemple. «Ça, ça me fait chaud au cœur», dit-elle.
Dans les années 1990, il n’y a que des écoles anglaises à Summerside, où Noëlla Arsenault a élevé ses quatre enfants.
Depuis le début des années 1980, les parents de cette ville prince-édouardienne demandent à répétition une école de langue française dans leur communauté, sans succès.
Le conseil scolaire régional (de langue anglaise) les dirige plutôt vers l’école d’immersion française de leur collectivité ou vers l’école de langue française d’Abram-Village — ce qui impose aux enfants un trajet d’une heure en autobus scolaire.
L’avocat Robert McConnell fera valoir, en Cour suprême, que «62% de tous les enfants ayants droit fréquentent les écoles de langue anglaise». Et parce que ces élèves fréquentent l’école en anglais, leurs enfants – les petits-enfants de Noëlla Arsenault par exemple – perdront le droit de fréquenter l’école en français.
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En 1994, un groupe de parents réitère la demande d’ouvrir une école élémentaire de langue française à Summerside. Une variable a changé : quatre ans plus tôt, la Commission scolaire de langue française de l’Île-du-Prince-Édouard avait été créée. Celle-ci accepte la demande, et 34 élèves s’inscrivent à cette école à naitre.
Pour le juriste Mark Power, l’arrêt Arsenault-Cameron est une pierre à l’édifice des droits linguistiques. «Ça a aidé d’autres jugements importants. Ça a aidé dans Doucet-Boudreau en 2003, dans Rose-des-Vents en 2015 et dans CSFCB en 2020, pour ne nommer que trois exemples.»
Le ministre de l’Éducation de la province s’interjette et rejette cependant la proposition, préférant maintenir le transport scolaire.
Noëlla Arsenault-Cameron, Madeleine Costa-Petitpas et la Fédération des parents de l’Île-du-Prince-Édouard sollicitent les services de l’avocat Robert McConnell. Il n’hésite pas à s’engager dans l’affaire. «C’est une cause que je prends à cœur; c’est personnel», témoigne-t-il dans un échange de courriels avec Francopresse.
En appel, la Cour provinciale donne raison au ministre, qui estime que l’enseignement dispensé dans une école de langue française à Summerside serait inférieur sur le plan pédagogique à celui qui est dispensé aux enfants de la majorité linguistique officielle.
La question est portée en Cour suprême du Canada en juin 1998 et, le 13 janvier suivant, les juges de la Cour suprême confirment que le ministère de l’Éducation n’a pas droit de regard sur les sites où le conseil scolaire peut offrir des programmes éducatifs.
Dans leur décision, les juges Michel Bastarache et Jack Major évoquent le caractère réparateur de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, le besoin d’établissements locaux et la notion d’égalité.
Mon rôle s’apparentait à celui d’un chauffeur de limousine. J’avais bien préparé la cause et je l’avais emmenée à la Cour suprême afin que le juge Bastarache puisse établir son héritage juridique en ce qui concerne les droits linguistiques des francophones. En d’autres mots, je n’avais personne à convaincre.
Dès septembre 2000, la Commission scolaire de langue française de l’Île-du-Prince-Édouard ouvre une école à Summerside, une à DeBlois et une à Rustico, rapporte La Voix acadienne. Une autre suit à Souris, en 2003.
Déjà, en 1982, la Charte accorde aux minorités de langue officielle le droit d’être éduquées dans leur langue là où le nombre le justifie. Cette nouvelle obligation constitutionnelle se double d’une vocation réparatrice.
L’arrêt Mahé de 1990 affirme l’importance de la pleine gestion scolaire et de la création de milieux homogènes, «parce que les écoles ont non seulement une vocation éducative, mais une vocation de pérenniser la langue et la culture», rappelle le professeur de droit de l’Université d’Ottawa, François Larocque. L’arrêt a propulsé la création de conseils scolaires de langue française.
L’arrêt Arsenault-Cameron, lui, est venu rappeler aux gouvernements la légitimité des recommandations formulées par les conseils scolaires.
L’avocat spécialiste en droits linguistiques Mark Power se réfère presque quotidiennement à l’arrêt Arsenault-Cameron, en particulier aux paragraphes sur le rôle du ministre : «Le ministre […] ne pouvait pas non plus substituer sa décision à celle de la Commission simplement parce qu’il ne pensait pas qu’elle avait pris une bonne décision.»
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À la Commission scolaire francophone de l’Île-du-Prince-Édouard, le nombre d’élèves a plus que doublé depuis 2000. Ghislain Bernard, un ancien de l’École Évangéline, dirige aujourd’hui la Commission scolaire. Il rapporte que «les effectifs sont passés de 588 en 2000 à 1256 aujourd’hui.»
L’affaire Arsenault-Cameron a eu une incidence directe sur le choix de carrière de François Larocque, alors stagiaire à la Cour d’appel de l’Ontario et aujourd’hui professeur de droit à l’Université d’Ottawa. «Ça m’a habité, ça m’a suivi. J’ai décidé peu après de me concentrer dans les droits linguistiques.»
Partout au pays, «on se rend compte que l’éducation dans la langue de la minorité, ça veut dire plus d’écoles, plus d’infrastructures, plus de profs, plus de ressources», commente l’avocat Pierre Foucher, qui a représenté la Commission scolaire de langue française de l’Île-du-Prince-Édouard devant la Cour suprême.
Il poursuit : avec des ressources limitées, c’est souvent un casse-tête pour les gouvernements de répondre aux besoins croissants de la minorité. D’ailleurs, cinq ans après la décision de 2020 concernant le financement des écoles en Colombie-Britannique, «on est encore empêtrés dans les détails de la mise en œuvre», illustre-t-il.
«On est rendu à gérer la croissance du système scolaire francophone hors Québec», conclut celui qui est devenu professeur de droit à l’Université d’Ottawa.
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Les affaires Mahé et Arsenault-Cameron ont permis de préciser le concept d’expérience éducative comparable, résume Mark Power. Il le sera davantage à la suite des appels opposant le ministère de l’Éducation de la Colombie-Britannique à l’Association des parents de l’école Rose-des-vents, en 2015, et au Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique, en 2020.
La Cour suprême établit alors qu’une province ne peut pas évoquer des raisons économiques pour refuser de construire de nouvelles écoles.
Malheureusement, on a des gouvernements qui continuent à tenter d’esquiver leurs obligations.
Si un gouvernement ne respecte pas les droits linguistiques, fait-il valoir, «le droit peut s’éteindre pour les générations futures.»
C’est précisément ce risque d’extinction intergénérationnelle qui a poussé Noëlla Arsenault-Cameron à agir, en 1995.
À l’Île-duPrince-Édouard, lorsque les anglophones ont appris que plus de 6 millions de dollars seraient investis pour construire l’École-sur-Mer de Summerside, «une quasi-révolte a éclaté», écrit le juge Michel Bastarache dans ses mémoires (Ce que je voudrais dire à mes enfants, Presses de l’Université d’Ottawa, 2019, p. 282).
Érigée en 2002, l’École-sur-Mer de Summerside est l’une des écoles nées de la cause. Elle comptait 265 élèves en septembre 2023.
Même au sein de la communauté francophone, il y a eu des dissensions.
Mais si c’était à refaire, Noëlla Arsenault plongerait à nouveau. Cette fois, elle protègerait sa famille. «Personne ne savait ce que ça allait faire. Alors on n’avait aucune manière de se préparer pour tout ce qui s’est passé.»
Ses enfants ont été harcelés. Ils ont beaucoup souffert. «Encore des fois, ils me racontent des choses… Aïe, aïe, aïe», se désole-t-elle.
Son combat a jeté un éclairage sur les valeurs qu’ont voulu lui transmettre ses grands-parents et arrière-grands-parents, défenseurs de la vie et de l’éducation en français dans l’Île.
«Encore aujourd’hui, ça me fait chaud au cœur quand je rencontre des jeunes et qu’ils me disent qu’ils ont été à l’École-sur-Mer», témoigne-t-elle. Elle dit fièrement n’avoir fait que son devoir : «Un centre scolaire c’est primordial pour une communauté qui veut s’épanouir.»
Si vous aviez déjà la tête dans votre sapin de Noël le 16 décembre, vous avez peut-être manqué la démission pourtant fracassante de la ministre des Finances, Chrystia Freeland. Sa lettre, qui ne cachait pas qu’elle avait perdu confiance en son chef, a provoqué une tourmente qui a mené à la démission de Justin Trudeau, le 6 janvier.
Après cette nouvelle retentissante, le premier ministre a annulé toutes les entrevues de fin d’année à son horaire. Seul Mark Critch de l’émission humoristique de la CBC This Hour Has 22 Minutes a eu le temps d’en enregistrer une avant la lettre fatidique.
De son côté, le chef du Parti conservateur, Pierre Poilievre, a donné trois entrevues : avec le Winnipeg Jewish Review, La Presse et le commentateur controversé Jordan Peterson. Cette dernière entrevue est de loin la plus longue, mais aussi celle qui en dit le plus sur la stratégie de communication conservatrice.
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Jordan Peterson s’élève contre le Marxisme et le postmodernisme, mais sa compréhension des deux concepts est très «grossière», avance un rédacteur du Historical Materialism, Harrison Fluss.
Jordan Peterson est un psychologue ontarien qui a perdu son permis d’exercice. Le Collège des psychologues de l’Ontario a jugé qu’il «avait fait des commentaires dégradants, dénigrants et non professionnels» à travers des messages sur Internet qui visaient entre autres la transition de genre et les changements climatiques. Il fraie dans les mêmes eaux que Joe Rogan, animateur du balado le plus écouté de la planète, sans cependant atteindre le même niveau de popularité que ce dernier.
Les deux animateurs abordent des sujets relativement diversifiés, parlent à des experts, mais ne se gênent pas pour ouvrir leur micro à des gens qui ont des points de vue divergents, parfois un peu détachés de la réalité.
Leur public a aussi beaucoup de similitudes. Peterson était d’ailleurs l’invité de Rogan en juillet dernier.
Or, quelle entrevue a le plus marqué les esprits lors de la campagne électorale américaine? Donald Trump au micro de Joe Rogan.
Il n’est pas question ici de comparer les deux hommes politiques. Pierre Poilievre n’est pas une version canadienne de Donald Trump. Le parallèle entre les deux animateurs montre plutôt que l’équipe conservatrice s’inspire du plan de communication républicain.
Quand Justin Trudeau a remporté l’élection fédérale de 2015, il avait l’appui d’une grande partie des jeunes. Il avait trouvé la façon de leur parler. Après presque 10 ans au pouvoir, il a perdu de son attrait auprès de cette tranche de la population ou ne sait plus comment la séduire.
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Les conservateurs ont rapidement repris le flambeau. Ils ont maintenant la recette secrète… en partie copiée sur le pupitre du voisin.
Des observateurs de la politique des États-Unis rapportent que le camp démocrate a vécu la même chose que les libéraux fédéraux canadiens, ce qui a entrainé leur défaite lors des élections de novembre 2024.
Les démocrates étaient déconnectés de l’électorat et ne parlaient pas aux jeunes, surtout aux jeunes hommes. Donald Trump a fait des entrevues à des balados qui s’adressent principalement aux jeunes hommes. Y compris celui de Joe Rogan.
Jordan Peterson parle principalement aux jeunes hommes qui sentent que la société s’est retournée contre eux.
Pour sauver les meubles, les libéraux ont besoin de bien plus qu’un nouveau chef. Ils ont besoin de réviser entièrement leur message et leur plan de communication.
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«On s’est rendu compte, dans les dernières années, que les surfaces sont beaucoup plus sombres. Comme résultat, on voit des taux élevés de fonte des surfaces des glaciers», rapporte Brian Menounos, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur l’évolution des glaciers.
«L’an dernier, on a observé une fonte des glaces comme jamais avant. C’était sans précédent, extrême», dit-il.
Selon de récentes projections de l’Organisation des Nations Unies, on peut s’attendre à perdre 50 % des glaciers dans le monde d’ici 2100 (à l’exception du Groenland et de l’Antarctique), même si le réchauffement climatique est limité à 1,5 ° Celsius.
Pour comprendre l’impact de l’assombrissement sur la fonte des glaciers, l’autrice albertaine Lynn Martel propose l’analogie suivante : «Quand c’est sombre, le Soleil tape plus fort, et ça fond. C’est la différence entre un teeshirt noir ou un teeshirt blanc l’été, c’est plus frais avec un teeshirt blanc.»
«L’année 2023 a été spectaculairement catastrophique», confirme le chercheur en sciences physiques à Ressources naturelles Canada, Mark Ednie, qui surveille des glaciers de l’Ouest canadien depuis des années.
Mark Ednie, entouré de moraines, dans le parc Nahanni (Territoires du Nord-Ouest) dont le glacier est visible sur la gauche.
Le glacier albertain Peyto le préoccupe particulièrement. Celui-ci a perdu entre 6 à 7 mètres d’épaisseur de glace à son extrémité en une année, signale le chercheur dans une étude à paraitre prochainement. «Ça fond même au haut du glacier, dit-il. On n’a jamais vraiment vu ça auparavant.»
Au parc national Nahanni, dans les Territoires du Nord-Ouest, la pointe du glacier a perdu de 4 à 4,5 mètres de glace. Le glacier Saskatchewan et le glacier Athabasca, dans les Rocheuses, ont tous les deux perdu entre 6 et 7 mètres.
«Ça ne devrait pas fondre autant», s’inquiète Mark Ednie.
Le fait qu’il ait moins neigé lors de l’hiver 2023-2024 n’aide pas, ajoute le spécialiste. La neige qui trônait auparavant sur le haut de certains glaciers a désormais fondu.
«Ça m’a ouvert les yeux, je n’ai jamais vu ça avant. Par exemple, quand je volais au-dessus du champ de glace Columbia, j’ai vu des crevasses où je n’en n’ai jamais vu avant, juste parce qu’il n’y a plus de neige pour les remplir.»
La réponse simple est oui. Toutefois, les glaciers sont en situation de déséquilibre : ils perdent plus de masse qu’ils en gagnent chaque année. Le scientifique Brian Menounos compare un glacier à un compte bancaire.
«Si on commence avec 10 000 $, et qu’on paie des factures annuellement, on enlève toujours de l’argent. Mais on a aussi un salaire. Si on est financièrement responsable, la balance reviendra à 10 000 $. Mais ce qui arrive dans le cas des glaciers, c’est qu’on retire plus d’eau qu’on en ajoute. La balance est négative.»
«La saison des incendies de forêt au Canada en 2023 a été la plus destructrice jamais enregistrée», lit-on sur le site Internet du gouvernement canadien.
«Nous savons que l’activité des feux de forêt augmente dans un climat chaud, simplement parce que la matière brule plus facilement», explique Brian Menounos.
Des «impuretés», apportées par les feux de forêt, viennent se poser sur la surface des glaciers, créant une couverture plus sombre. C’est un problème, car une surface plus claire permet de refléter l’énergie des rayons de soleil, diminuant ainsi la fonte.
«Il y a aussi l’effet de la fumée qui provient des feux, poursuit le scientifique. Pendant le jour, la fumée réduit l’énergie de la lumière du soleil. Il y a donc une sensation de fraicheur. Mais la nuit, ça change. La fumée agit comme un nuage en réémettant l’énergie.»
Cette réémission de l’énergie contribue, selon plusieurs recherches, à l’accélération de la perte de masse des glaciers.
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Lynn Martel, une autrice albertaine qui escalade et campe sur des glaciers depuis des années, dit avoir remarqué de grands changements entre 2022 et 2024 : «À chaque autonome, ils sont plus petits que l’année précédente.»
«C’est pénible à voir, confie-t-elle. Quand on connait la région, on le voit [à l’œil nu]. Ce sont surtout les randonneurs, les grimpeurs, les alpinistes et les skieurs, et souvent des plus anciens. Les plus nouveaux ont moins de points de comparaison.»
Pour ces aventuriers, les conditions sont de plus en plus dures. «Les Bugaboos [chaine de montagne en Colombie-Britannique NDRL] sont une destination réputée pour les grimpeurs. C’est spectaculaire. Il y a une route pour les monter, mais c’est devenu de plus en plus dangereux parce qu’il y a de moins en moins de glace qui tient les roches ensemble. C’est devenu une grande allée de bowling», raconte-t-elle.
Lynn Martel a grimpé le mont Fay, en Alberta, il y a environ 15 ans. Aujourd’hui, impossible de gravir, selon elle. «Il ne reste plus de neige sur la glace, donc c’est juste de la glace nue. Une glace d’un bleu très foncé et couverte de roches.»
«C’est un endroit parmi d’autres que des gens sur Facebook prennent en photo pour dire que ce n’est plus grimpable», ajoute l’autrice de Stories of Ice, un livre portant sur les glaciers de l’Ouest canadien.
Entre 2000 et 2019, environ le quart de l’eau de glacier et de calottes glaciaires perdue dans le monde provenait du Canada, constate Brian Menounos. Le Canada reste «un joueur clé en ce qui concerne la quantité d’eau fraiche contenue dans nos glaciers, calottes glaciaires et champs de glace».
Selon Lynn Martel, qui habite à proximité de glaciers, ces derniers sont aussi une valeur culturelle.
Dans une étude publiée en 2020, des chercheurs estiment que la fonte des glaciers entrainera éventuellement des pénuries d’eau potable pour un habitant sur quatre en Alberta.
Menounos cite d’autres exemples d’effets secondaires de la fonte de ces géants blancs : élévation du niveau de la mer, glissements de terrain et effets sur les écosystèmes qui dépendent de leur eau lors des saisons sèches.
Le gouvernement du Canada surveille certains glaciers depuis 1965, un mandat que n’ont pas les provinces, indique Brian Menounos.
En entrevue avec Francopresse en 2022, il plaidait pour une plus grande collaboration entre chercheurs, gouvernements provinciaux et fédéral. Malgré quelques évolutions depuis, c’est un plaidoyer qu’il répète aujourd’hui.
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La règle non inscrite du bilinguisme des chefs des partis fédéraux a été mise de côté jeudi par le député de Nepean, Chandra Arya, qui a été le premier à confirmer qu’il tenterait sa chance.
Il a assuré que pour les Québécois, ce n’est pas «la langue qui compte, mais ce qui leur est livré», excluant à la fois le fait français au Québec et dans les communautés francophones existantes partout au pays.
Il a fait cette déclaration à l’émission Power and Politics de la CBC. L’animateur, David Cowan, a insisté : «Si vous souhaitez être premier ministre, vous devez savoir que la langue française est importante».
«Faites-moi confiance, ce qui compte le plus pour les gens, c’est de savoir comment leurs enfants et petits-enfants vont s’épanouir dans ce pays», a riposté le député.
«Il s’est disqualifié»
Pour la professeure agrégée de science politique au Collège militaire royal de Kingston, Stéphanie Chouinard, Chandra Arya «s’est totalement disqualifié avec ces propos».
Pour Stéphanie Chouinard, les propos de Chandra Arya «sont ahurissants».
Elle affirme que ça «démontre une méconnaissance et une incompréhension gênantes de la réalité politique du Canada, en particulier pour un député de la région de la capitale nationale».
Si le bilinguisme du poste de chef ne figure pas dans les règles officielles des partis, on peut prouver l’importance qu’un chef parle les deux langues officielles du Canada dans une telle course par «un simple calcul mathématique», précise Stéphanie Chouinard.
«Il y a 78 circonscriptions au Québec et à peu près 25 autres à l’extérieur du Québec où les francophones forment une proportion importante de l’électorat. Si on prétend être en mesure de remporter une élection en mettant de côté, dès le départ, à peu près une centaine de circonscriptions, si on prétend être en mesure de gagner des élections en s’imposant ce handicap-là, c’est une démonstration d’une confiance en soi qui dépasse l’entendement», analyse la professeure.
«Une «question de respect et de valeurs»
En réaction aux paroles de son collègue, la ministre des Langues officielles, Rachel Bendayan, a réagi auprès de Francopresse : «Nos deux langues officielles sont intégrales à notre identité canadienne. La prochaine personne à mener le Parti libéral doit pouvoir parler le français et l’anglais. C’est une question de respect et de valeurs.»
Elle n’a toutefois pas réagi publiquement, contrairement au ministre Jean-Yves Duclos, sur X, qui a suivi les mots d’ordre de «respects et valeurs» qui ont visiblement circulé dans les rangs libéraux :
Le français et l’anglais font parties intégrantes de l’identité canadienne. Le prochain chef du Parti libéral devra impérativement être bilingue. C’est une question de respect et de valeurs. C’est aussi essentiel pour maximiser nos chances de gagner les prochaines élections.
— Jean-Yves Duclos (@jyduclos) January 10, 2025
Les déboires des candidats unilingues
L’histoire a rappelé que mettre le français de côté nuit aux candidats. En 2017, Kevin O’Leary, ancien candidat à la chefferie conservatrice, faisait lui aussi fi des Canadiens francophones en affirmant que le chef d’un parti national n’avait pas besoin de parler français, vu que la majorité des Québécois parlent les deux langues.
Il a dû se rallier à Maxime Bernier, faute de soutien au Québec.
Plus récemment, lors de la course à la chefferie conservatrice en 2022, l’unilinguisme en anglais a porté préjudice aux candidats Scott Aitchison, Roman Baber et Leslyn Lewis.
L’ingérence étrangère : un risque à ne pas ignorer
Pour la professeure, les propos du candidat Arya sur l’ingérence étrangère sont un autre «autosabotage» dans la course.
Le député a en effet assuré qu’il ne voyait «pas le problème» d’avoir rencontré le premier ministre indien, Narendra Modi, au moment où son chef, Justin Trudeau, accusait les services de renseignements indiens d’être impliqués dans le meurtre d’un leadeur sikh, en Colombie-Britannique, en juin 2023. Un avis que ne partage pas Stéphanie Chouinard.
Très attendu sur cette question d’ingérence étrangère, le Parti libéral a finalement circonscrit le vote aux Canadiens et aux résidents permanents pour répondre aux inquiétudes.
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Le poids des circonscriptions, garde-fou à l’ingérence étrangère
L’Article 46 de la constitution du Parti libéral indique que chaque vote est compté «selon une pondération égale pour chaque circonscription du Canada».
En d’autres termes, comme l’a aussi affirmé la journaliste politique Chantale Hébert au micro de Radio-Canada, cette pondération, qui donne un poids égal à chaque circonscription, limite grandement les possibilités d’ingérence.
Pour cela, il faudrait «une organisation qui est capable de s’emparer de cartes de membres ou de droits de vote dans des [circonscriptions] à l’échelle du Canada. Le Nunavut pèse aussi lourd que la circonscription de Mississauga centre, en banlieue de Toronto. Connaissez-vous beaucoup d’organisations qui ont les reins assez solides pour piloter sur une semaine et demie la vente de milliers de cartes de membres dans 338 circonscriptions?»
Les prochaines étapes
Le Canada connaitra le nom de la personne qui succèdera à Justin Trudeau, à la tête du Parti libéral, le 9 mars, jour du vote.
C’est ce qu’a fait savoir le Parti libéral le 10 janvier, en rendant publiques plusieurs des règles qui encadreront la course à la chefferie.
Toute personne qui souhaite être candidat à la chefferie libérale doit payer des frais d’inscription de 350 000 $ et confirmer sa participation avant le 27 janvier.
Autre détail : un plafond de dépenses pour les campagnes sera mis en place dans les prochains jours.
Les personnes qui peuvent voter pour le ou la prochaine cheffe sont des Canadiens, des personnes qui ont le «statut d’Indien en vertu de la Loi sur les Indiens» ou des résidents permanents et qui ont au moins 14 ans.
Ces personnes ne doivent pas être membres d’un autre parti politique et «ne pas avoir déclaré publiquement, tout en étant membre du parti libéral, avoir l’intention de briguer un siège de député à la Chambre des communes autrement qu’à titre de candidat du parti».
Poussé par des voix de plus en plus dissonantes au sein de son parti et partout au pays, le premier ministre, Justin Trudeau, a annoncé sa démission lundi.
L’enjeu : Il a aussi prorogé le Parlement jusqu’au 24 mars : les travaux s’arrêtent et les projets de loi meurent au feuilleton, mais les ministres en poste maintiennent les affaires courantes. Les députés restent aussi en place.
Une course à la chefferie libérale, ainsi que les règles qui l’accompagnent, devrait avoir lieu très rapidement.
Les partis d’opposition ont critiqué la prorogation, alors que le président américain désigné, Donald Trump, qui menace le Canada de tarifs douaniers à hauteur de 25 %, entre en exercice le 20 janvier.
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Lors de la réunion du caucus libéral mercredi, les députés ont discuté des critères essentiels pour être candidat ou candidate à la chefferie du parti. Steven MacKinnon, Jean-Yves Duclos et Yasir Naqvi ont notamment souligné l’importance du bilinguisme.
Pour Steven MacKinnon, être bilingue est même un «facteur primordial», a assuré le ministre du Travail aux journalistes mercredi. «J’essaie de déterminer si moi je peux remplir toutes ces conditions-là.»
Qui se lancera? : Pour l’heure, François-Philippe Champagne, Mélanie Joly Steven McKinnon et Chandra Arya font partie des quelques députés libéraux qui ont indiqué aux médias cette semaine qu’ils souhaitaient ou réfléchissaient à se présenter à la course à la chefferie.
Interrogé à l’émission Power and politics de CBC jeudi soir, Chandra Arya a assuré que pour les Québécois, ce n’est pas «la langue qui compte, mais ce qui leur est livré», excluant à la fois le fait français au Québec et ailleurs au pays.L’animateur s’est fait insistant : «Si vous souhaitez être premier ministre, vous devez savoir que la langue française est importante». Le principal concerné a riposté :
«Faites-moi confiance, ce qui compte le plus pour les gens, c’est de savoir comment leurs enfants et petits-enfants vont s’épanouir dans ce pays.»
L’ex-première ministre de la Colombie-Britannique, Christy Clark, s’est aussi dite intéressée selon Radio-Canada.
Chrystia Freeland n’a encore rien annoncé officiellement tandis que les ministres Dominic LeBlanc et Guddie Hutchings ont fermé la porte à cette option.
Les noms de la leadeure du gouvernement à la Chambre, Karina Gould, de l’ancien gouverneur de la Banque du Canada et deMark Carney circulent également.
Un sondage de Sparks Advocacy effectué entre le 21 et le 23 décembre, soit quelques jours après la démission de Chrystia Freeland, place cette dernière en 1re place pour diriger le parti, avec 23 % des voix sur les 2500 personnes interrogées. M. Carney et Mme Joly arrivent respectivement en 2e et 3e position.
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Le 3 janvier, Google a versé 100 millions de dollars au Collectif Canadien de Journalisme afin que ce dernier les redistribue aux médias canadiens admissibles.
Le Collectif Canadien de Journalisme devrait commencer le versement des fonds dès la fin janvier.
Qui est touché? : Cette somme est versée par Google contre une exemption de cinq ans pour éviter au géant du Web de négocier avec chaque média canadien pour le partage de leurs nouvelles, comme le demande la Loi sur les nouvelles en ligne.
Le Collectif déterminera comment l’argent sera redistribué et s’il inclura les médias qui ne répondent pas aux critères d’admissibilité de la loi, ce qui touche plusieurs médias de langue officielle en situation minoritaire.
Google et Meta avaient très mal réagi lors de l’adoption de la Loi sur les nouvelles en ligne, qui les oblige à dédommager les médias canadiens qui partagent les nouvelles sur leur plateforme. Si Google a négocié et payé 100 millions de dollars, Meta a préféré bloquer les médias et les nouvelles canadiennes sur ses plateformes.
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Donald Trump se montre encore plus menaçant envers le Canada depuis la démission de Justin Trudeau.
Donald Trump a multiplié les menaces contre le Canada depuis l’annonce de la démission de Justin Trudeau, lundi. Il a également indiqué qu’il voulait absorber le Groenland et prendre le contrôle du canal de Panama.
Le sujet : Quelques heures après l’annonce du premier ministre canadien, Donald Trump a assuré qu’il y aurait plein davantage si le Canada devenait le «51e état» des États-Unis.
Il a récidivé le lendemain, assurant qu’il utiliserait la «force économique» contre le Canada, ce dernier étant «subventionné» selon lui par les États-Unis pour sa protection.
«Jamais, au grand jamais, le Canada ne fera partie des États-Unis», a répondu Justin Trudeau, mardi, sur X. Plusieurs autres chefs fédéraux et provinciaux ont répondu la même chose.
Jamais, au grand jamais, le Canada fera partie des États-Unis.
— Justin Trudeau (@JustinTrudeau) January 7, 2025
Les travailleurs et les communautés de nos deux pays bénéficient qu’on soit l'un pour l'autre le plus grand partenaire commercial et en matière de sécurité.
«Les commentaires du président élu Trump démontrent une incompréhension totale de ce qui fait du Canada un pays fort», a de son côté dénoncé la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, toujours sur la plateforme X.
Les commentaires du président élu Trump démontrent une incompréhension totale de ce qui fait du Canada un pays fort.
— Mélanie Joly (@melaniejoly) January 7, 2025
Notre économie est forte.
Notre peuple est fort.
Nous ne reculerons jamais face aux menaces.
Selon Radio-Canada, Ottawa dresserait actuellement une liste de produits américains à taxer si Donald Trump concrétise le tarif douanier de 25 % sur les produits canadiens importés aux États-Unis.
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Pierre Poilievre a présenté plusieurs alternatives économiques aux menaces économiques de Donald Trump, pour que «les deux pays s’y retrouvent», s’il devient premier ministre.
Dans une conférence de presse aux allures de lancement officiel de campagne électorale jeudi soir dans un hôtel d’Ottawa, Pierre Poilievre a redemandé à Justin Trudeau de déclencher une élection et appelé les Américains à la coopération économique. Une réponse aux menaces continues de Donald Trump cette semaine.
Ce qu’il demande : Pierre Poilievre a assuré qu’il fallait «parler [à nos] alliés naturels», en faisant référence aux États-Unis. Pour cela, il faut, selon lui, viser «les chefs syndicaux», les «entreprises technologiques et le domaine de la construction qui achètent le bois d’œuvre canadien, car «ce sont des forces qu’on peut [leur] offrir».
Pour lui, la liste de produits américains qu’Ottawa compte taxer pour répondre aux tarifs douaniers de Donald Trump – qui contient du jus d’orange, des produits en acier et des accessoires en céramique pour les salles de bain – ne «sert pas à grand-chose».
«On devrait rapidement construire des infrastructures d’énergie pour l’exporter aux étrangers outre-mer », a-t-il fait valoir. «On fait un gros cadeau en exportant notre gaz et notre pétrole aux États-Unis à très bas prix».
«Il faut mettre le Canada d’abord. Pour cela, il faut bâtir des infrastructures pour nous permettre d’être plus autosuffisants et moins dépendants des Américains.»
Comme leur chef, Pierre Poilievre, l’a fait la veille, les députés conservateurs Luc Berthold et Andrew Scheer ont demandé la tenue d’une élection fédérale mardi, en conférence de presse.
Le Québécois Luc Berthold a déploré que la motion de censure qui devait être présentée au Comité permanent des comptes publics mardi, et qui aurait pu faire tomber le gouvernement, ne puisse pas être déposée en raison de la prorogation demandée par Justin Trudeau la veille. Celle-ci a pour effet de faire mourir au feuilleton les travaux à la Chambre et des comités.
«On ne peut pas déclencher des élections. Trudeau a trouvé une porte de sortie et ce sont les Canadiens qui vont en payer le prix», a déclaré Luc Berthold.
Le député a aussi ajouté qu’une prorogation, au lieu d’élections fédérales, nuit au Canada. Le Parti libéral sera en pleine course à la chefferie du au lieu d’avoir un «premier ministre fort» en place pour contrer les menaces de Donald Trump.
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Dans un communiqué publié après la démission de Justin Trudeau, le 6 janvier, la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) a dit voir en lui un premier ministre qui «passera à l’histoire comme celui qui a mené la modernisation la plus substantielle de la Loi sur les langues officielles en une génération».
La professeure agrégée de science politique au Collège militaire royal de Kingston, Stéphanie Chouinard, apporte une nuance.
Ce n’est pas évidemment le fait d’une seule personne de voir un changement de culture institutionnelle, mais il reste que les exemples viennent d’en haut et que si les langues officielles avaient été réellement une priorité pour le premier ministre, je pense qu’on aurait vu des changements plus substantiels au sein de l’État fédéral.
Voici neuf ans de langues officielles sous Justin Trudeau.
Après six ans d’attente, 50 ans après l’adoption de la première du genre au Canada, la modernisation de la Loi sur les langues officielles (LLO) s’est concrétisée en 2023.
De longs débats ont porté sur la place des anglophones du Québec, le français du PDG d’Air Canada, les sanctions administratives, le partage de la responsabilité des langues officielles entre plusieurs ministères et le poids de l’immigration francophone au Canada.
La professeure Stéphanie Chouinard constate «depuis la dernière demi-décennie, une fragilisation du système postsecondaire francophone en situation minoritaire», du fait de certaines décisions prises par le gouvernement Trudeau.
La modernisation ne s’est pas faite sans accrocs, notamment sur la question de la place des langues autochtones dans les langues officielles. Les derniers débats au Sénat ont exposé les divergences de points de vue entre les francophones et les Autochtones.
Pour Stéphanie Chouinard, même s’il faut «saluer» Justin Trudeau pour cette réforme, cette question semblait aussi, à certains égards, servir de point de négociation pour sécuriser le vote des francophones, notamment lors des élections fédérales de 2019 et 2021.
Des promesses étaient faites, mais on n’était pas certains que ça allait aboutir».
Le processus règlementaire sur la partie VII de la Loi n’était toujours pas terminé au moment de la démission du chef du Parti libéral. «C’est une tâche au tableau», commente la professeure.
Consultez le dossier : Modernisation de la Loi sur les langues officielles
Dans son communiqué du 6 janvier, la FCFA a salué les deux plans d’action pour les langues officielles, «qui ont permis aux francophones d’aller chercher des gains importants en termes d’investissements».
Celui de 2018 avait offert une première hausse de l’enveloppe totale depuis le tout premier plan, élaboré en 2003 par un ministre libéral d’alors, Stéphane Dion. Il ajoutait 500 millions de dollars sur cinq ans.
Liane Roy voit d’un bon œil les actions posées par le gouvernement Trudeau depuis dix ans, tout en précisant qu’il n’est pas «parfait».
Le document n’avait toutefois pas accédé à la demande de la FCFA de financer des organismes francophones en milieu minoritaire de plus de 575 millions de dollars sur cinq ans.
Toutefois, dans son budget, le gouvernement a plutôt réservé un nouveau financement de 400 millions de dollars sur cinq ans pour les minorités linguistiques, ainsi que 88,4 millions de dollars par an ensuite.
Chaque année, des organismes attendent dans l’incertitude, ne sachant pas si des fonds fédéraux leur seront assurés au début de chaque exercice financier.
En 2023, le plan d’action annonce un investissement historique de 1,4 milliard de dollars au total.
Un bémol toutefois : deux ans plus tôt, Justin Trudeau faisait campagne sur la promesse de financer les établissements postsecondaires francophones à hauteur de 80 millions de dollars par an de manière permanente. Mais ce financement ne s’est jamais concrétisé.
Le ministre Marc Miller avait fait polémique après avoir refusé de reconnaitre le déclin du français au Québec, à l’automne 2023.
Justin Trudeau peut aussi se targuer d’avoir atteint la cible d’immigration francophone de 4,4 %, fixée en 2003 mais atteinte 20 ans plus tard, en 2022.
Le ministre d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, Marc Miller, a d’ailleurs annoncé une nouvelle cible de 6 %. Celle-ci demeure toutefois en dessous des revendications de la FCFA, qui aimerait voir le double.
Les francophones ont aussi été les seuls épargnés par la baisse drastique des seuils d’immigration permanente annoncée par le gouvernement Trudeau à l’automne 2024.
La Loi sur les langues officielles comprend un «retour du poids démographique de l’ensemble des membres des minorités francophones» au niveau du recensement de 1971, le plus haut niveau atteint, soit 6,1 % de la population à l’extérieur du Québec.
Le recensement de 2021 a confirmé la diminution du poids démographique des francophones en situation minoritaire. Statistique Canada constate un recul de 0,3 point de pourcentage comparativement à 2016.
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Mais comme le rappelle la professeure Chouinard, Marc Miller a décidé l’hiver dernier de plafonner les visas des étudiants étrangers «en faisant fi de sa propre nouvelle loi sur les langues officielles, c’est-à-dire sans consulter les communautés francophones en situation minoritaire».
«Les réflexes d’application de la nouvelle loi ne sont toujours pas là, que ce soit au ministère de l’Immigration ou ailleurs», estime la politologue.
L’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne (ACUFC) a déposé une plainte auprès du Commissariat aux langues officielles pour cette raison. Le ministre est revenu sur sa décision quelques mois plus tard, uniquement pour quelques étudiants francophones et sous certaines conditions.
Pour Stéphanie Chouinard, le gouvernement, à ce moment-là, n’a pas pris en compte «l’effet potentiellement dévastateur» et «l’impact démesuré» que cette mesure aurait sur ces institutions, comparé aux établissements de la majorité.
Autre ombre au tableau : des retards liés aux dossiers d’immigrants francophones africains et les méthodes utilisées pour les traiter ont forcé le ministère de l’Immigration à admettre qu’il y avait du racisme au sein de ses services.
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En février 2024, la Chambre des communes a adopté un amendement au projet de loi C-35 pour garantir le financement à long terme des garderies francophones en situation minoritaire.
Une victoire davantage attribuée à la FCFA, qui a témoigné plusieurs fois en comité parlementaire pour attester du besoin vital de ce financement.
Mais sur le terrain, la lutte n’est pas terminée. Plusieurs témoins francophones en comité cet automne ont continué de rapporter un manque criant de places pour les tout-petits dans les services de garde en français.
Dans ce même combat, une autre bataille reste à mener : les clauses linguistiques ne font toujours pas partie – ou juste partiellement – des ententes entre le gouvernement fédéral et les provinces et territoires pour les garderies.
Sans ces clauses, les places et la construction de service de garde francophones, notamment dans les régions les plus reculées du Canada, ne sont pas garanties. Sur cette question, le gouvernement fédéral a renvoyé la balle aux gouvernements provinciaux et territoriaux.
L’Initiative de journalisme local (IJL), lancée en 2019, a permis à plusieurs médias, incluant des journaux et des radios de langue minoritaire, de produire davantage de nouvelles.
Les autres tentatives d’aide pour les médias n’ont pas un bilan aussi positif. Plusieurs conditions aux mesures mises en place empêchent les petits médias d’en profiter.
Ceci inclut la Loi sur les nouvelles en ligne, qui ne contient «aucune reconnaissance ni caractère particulier […] aux journaux et aux radios qui desservent les populations de langues officielles en situation minoritaire», soulignait le Consortium des médias communautaires de langues officielles en situation minoritaire pendant l’étude du projet de loi.
Le Consortium estime que 96 % des médias de langue minoritaire ne répondent pas aux critères d’admissibilité, sauf peut-être dans le cas d’une exemption, comme celle demandée par Google.
La réponse à cette question se fait encore attendre, alors que Google a remis 100 millions de dollars pour se conformer à son entente d’exemption à la Loi. Le Collectif Canadien de Journalisme, choisi par Google pour le distribuer, devra éclaircir la question.
Le blocage des médias canadiens par Meta (Facebook et Instagram), survenu en 2023 en réponse à la Loi sur les nouvelles en ligne, a été très mal vécu par l’ensemble de la communauté journalistique du pays. Les Canadiens et les Canadiennes ne peuvent toujours pas partager les nouvelles sur les plateformes de Meta.
L’ancien député du Nouveau Parti démocratique, François Choquette, a porté plainte auprès du Commissariat aux langues officielles (CLO), à la suite de l’entente conclue entre le gouvernement de Justin Trudeau et Netflix en 2017.
Sa motivation : malgré un investissement de 500 millions de dollars, dont 25 millions pour le marché francophone, le montant exact destiné aux communautés francophones est resté flou. François Choquette assurait que la partie VII de la Loi sur les langues officielles n’était pas respectée.
Le député a donc saisi la Cour fédérale après que le CLO a conclu que sa requête n’était pas fondée.
«C’est un combat pour le respect de la francophonie», affirme-t-il. La décision de justice est toujours attendue.