Le présent texte est le premier de deux articles. À lire aussi : Capter et stocker le carbone : une solution ou une illusion?
Les technologies de captage et de stockage du dioxyde de carbone (CO2) sont de plus en plus présentées comme l’une des solutions à mettre en œuvre pour faire face au changement climatique.
L’Agence internationale de l’énergie (AIE) considère ces procédés comme un outil important pour atteindre la neutralité carbone en 2050, tandis que le gouvernement canadien les soutient.
Ces technologies s’accompagnent cependant de beaucoup d’inconvénients : un cout élevé, une mise en œuvre complexe et une importante consommation d’énergie.
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Qu’est-ce que le captage et le stockage du CO2?
Sur le papier, la technologie est simple : il s’agit de piéger ce gaz à effet de serre produit par la combustion de ressources fossiles avant qu’il ne soit émis dans l’atmosphère, puis de le stocker dans le sous-sol sur des temps très longs.
Cette technique peut servir à réduire les émissions des centrales à charbon et à gaz, des raffineries, de la sidérurgie et de la cimenterie, de la chimie et de la pétrochimie. Mais dans le détail, ses différentes étapes – le captage, le transport et le stockage – sont complexes.
Différents procédés permettent de récupérer le CO2. La méthode la plus utilisée consiste à laver les fumées émises par la combustion des ressources fossiles grâce à un solvant (généralement des dérivés de l’ammoniac) qui capte le gaz.
En moyenne, 90 % du CO2 des fumées sont récupérés. Mais cette procédure nécessite des installations qui «sont incroyablement couteuses et [qui] consomment des quantités importantes d’énergie», affirme la directrice associée et responsable des dossiers climatiques de l’organisme canadien Environmental Defence, Julia Levin.
Une technologie couteuse
D’après un rapport de 2023 de l’Université d’Oxford, une décarbonation basée sur le retrait et le stockage du CO2 couterait au moins 30 000 milliards de dollars américains de plus qu’un scénario fondé sur les énergies renouvelables.
Une fois le CO2 récupéré et comprimé, il est acheminé par canalisation, bateau, train ou camion, parfois sur plusieurs centaines de kilomètres, vers un lieu de stockage.
Le CO2 est alors injecté dans le sous-sol, généralement entre 1000 mètres et 2000 mètres de profondeur, dans des zones géologiques adaptées à un stockage à long terme : d’anciens réservoirs d’hydrocarbures, des aquifères salins ou des veines de charbon.
Le CO2 doit être stocké au moins plusieurs centaines d’années, et le site doit être sûr et hermétique, de manière à éviter toute remontée de gaz.
«Comme une éponge»
Une autre voie réside dans la capture directe dans l’air. Plusieurs entreprises développent cette technologie, comme le groupe canadien Carbon Engineering, situé en Colombie-Britannique, ou la jeune pousse québécoise Skyrenu.
Cette dernière, fondée par une équipe de chercheurs de l’Université de Sherbrooke, a créé une installation ressemblant à cinq conteneurs empilés les uns sur les autres. Chacune de ces machines a une capacité de séquestration de 1000 tonnes de CO2 par an.
«C’est un peu comme une éponge dans laquelle on fait passer de grands volumes d’air avec des ventilateurs et cette éponge-là est spécialement conçue pour retenir le CO2», explique le professeur à la Faculté de génie de l’Université de Sherbrooke, partie prenante du projet, Martin Brouillette.
«Et quand l’éponge est saturée de CO2, on la chauffe avec de la vapeur pour relâcher le CO2, qu’on peut récupérer à haute pureté», poursuit-il. Ce projet de captation est désormais exploité par l’entreprise québécoise Deep Sky et sera installé en Alberta en début d’année prochaine.
Skyrenu a également inventé une technique qui permet de transformer le CO2 en une roche inerte pouvant être enfouie dans le sol.
«La difficulté, c’est de capter le gaz dans l’air, où il est 200 à 300 fois moins concentré que dans les fumées d’installations industrielles», relève Julia Levin. Capturer une tonne de CO2 exige ainsi de filtrer l’équivalent de 800 piscines olympiques.
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Où en sont ces technologies au Canada?
Les premières installations de captage remontent aux années 1970 aux États-Unis. Depuis, la filière s’est développée, bien que très lentement.
Ces dernières années, il y a eu une vague de propositions de captage du CO2 au Canada. Mais peu d’entre elles ont obtenu des investissements définitifs. «Même après un feu vert financier, la quasi-totalité des propositions n’aboutit jamais», précise Julia Levin.
Une étude de 2021 a révélé que plus de 80 % des projets tentés aux États-Unis se sont soldés par un échec.
Au Canada, cinq installations – deux en Saskatchewan et trois en Alberta – sont en exploitation à l’échelle industrielle. Elles sont toutes liées aux hydrocarbures, soit à des centrales thermiques ou à gaz soit à des exploitations de sables bitumineux.
En Alberta, les entreprises du secteur des sables bitumineux se sont également regroupées pour proposer un projet de 16,5 milliards de dollars canadiens dans le nord de la province qui, selon elles, les aiderait à réduire à zéro les émissions liées à la production d’ici 2050.
La Colombie-Britannique, l’Ontario et le Québec accueillent par ailleurs des projets en démonstration. Au total, il y en a 23 au Canada.
En mai dernier, la compagnie d’électricité Capital Power a toutefois annoncé qu’elle mettait fin pour des raisons économiques à son projet de capture du CO2 adossé à sa centrale au charbon Genesee, en Alberta.
D’autres installations en activité ont du mal à atteindre les objectifs fixés. Depuis 2015, le projet Quest de Shell, toujours en Alberta, a stocké neuf-millions de tonnes de CO2, mais son taux de captage de 77 % reste inférieur aux 90 % annoncés initialement.
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