Le plus haut tribunal du pays a accepté, jeudi, d’entendre la contestation de la Loi sur la laïcité de l’État du Québec, ou «loi 21», portée par plusieurs groupes, dont la Commission scolaire English-Montréal, le Conseil national des musulmans canadiens (CNMC) et l’Association canadienne des libertés civiles (ACLC).
Adoptée en 2019, cette loi interdit à certains employés de l’État en position d’autorité (juges, procureurs, policiers, enseignants) de porter des signes religieux ostentatoires dans l’exercice de leurs fonctions.
La contestation porte notamment sur le recours de manière préventive à la clause dérogatoire de la Constitution canadienne, invoquée à l’époque par le gouvernement de François Legault pour se prémunir de poursuites judiciaires.
L’article 33 de la Charte canadienne des droits et libertés, aussi appelé «clause nonobstant» et «clause dérogatoire», permet aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux de contourner temporairement certains droits de la Charte.
Autrement dit, cette clause permet à une législature d’adopter des lois qui peuvent aller à l’encontre de certaines dispositions de la Charte, comme la liberté d’expression, de conscience ou de religion.
La Cour suprême se prononcera sur la Loi sur la laïcité de l’État du Québec. La date exacte n’est pas encore connue.
L’enjeu : Si l’utilisation de cette clause est approuvée par la Cour suprême, ce serait «problématique», explique une source anonyme proche du dossier. Car certains droits garantis par la Constitution pourraient être restreints si les provinces utilisent la clause pour d’autres affaires.
Au fédéral, seul le Bloc Québécois soutient la Loi sur la laïcité de l’État, tandis que Justin Trudeau, Pierre Poilievre et Jagmeet Singh ont toujours affirmé que le fédéral devrait intervenir et se ranger du côté des personnes qui contestent la loi 21, si la Cour suprême acceptait de juger l’affaire.
Le ministre québécois de la Justice, Simon Jolin-Barrette, auteur de la loi, ainsi que son collègue Jean-François Roberge, ont assuré sur X qu’une intervention du gouvernement fédéral équivaudrait à «un manque de respect» et «une attaque envers l’autonomie des États fédérés».
— Simon Jolin-Barrette (@SJB_CAQ) January 23, 2025
Aucune date d’audience n’a été précisée par la Cour suprême, qui n’a pas non plus motivé sa décision d’entendre la cause.
L’indice des prix à la consommation a augmenté de 1,8 % entre décembre 2023 et décembre 2024, en baisse par rapport à 1,9 % en novembre, principalement grâce à un allègement fiscal temporaire du gouvernement fédéral.
L’effet du congé : Selon Statistique Canada, la faible augmentation est due à la baisse des prix des aliments achetés au restaurant et des boissons alcoolisées, qui faisaient partie du congé de TPS.
Le congé, introduit à la mi-décembre, concernait également les vêtements et certains jouets. Sans cette mesure, l’inflation aurait atteint 2,3 %. La hausse des prix des produits d’épicerie a aussi ralenti, passant de 2,6 % en novembre à 1,9 % en décembre.
Les deux anciennes ministres du gouvernement Trudeau, Chrystia Freeland et Karina Gould, se sont officiellement lancées dans la course à la chefferie du Parti libéral du Canada (PLC), dimanche.
Les deux ont assuré qu’elles supprimeraient la taxe carbone, tandis que Mark Carney, l’autre candidat, propose de la remplacer par un autre outil.
Karina Gould a annoncé dimanche sa démission de son poste de leadeure du gouvernement à la Chambre.
Lors d’une annonce jeudi, Karina Gould a annoncé qu’elle souhaitait repenser le Parti libéral, avec le soutien des jeunes notamment.
Lors d’une annonce jeudi matin à Ottawa, devant le siège du PLC, la candidate a commencé à révéler ses plans pour donner un nouveau visage au parti, en appelant notamment les jeunes Canadiens à s’engager pour cela. Elle a appelé à «adapter et renouveler» le parti.
Ce qu’elle a dit : «Je crois qu’on n’a pas répondu assez rapidement quand les prix ont grimpé, on n’a pas répondu à leurs inquiétudes quand les Canadiens nous les partager. Ça nous a pris trop longtemps de dire que les Canadiens galéraient. Ce n’était pas la bonne approche», a-t-elle affirmé, évoquant à demi-mot la politique de Justin Trudeau.
Elle a notamment souligné qu’il était «non négociable» que le prochain chef du PLC soit bilingue, pour le Québec et les francophones du pays.
Si elle devient première ministre, Karina Gould intègrera le projet de loi C-282, sur la gestion de l’offre, dans son Discours du Trône. Cette pièce législative a été un élément de négociation pour le Bloc québécois cet automne.
Elle a également affirmé qu’elle «respectera la juridiction des provinces».
Pour l’instant, les ministres qui ont annoncé leur appui vont en majorité à Mark Carney, qui s’est lancé la semaine précédente.
Ce qu’ils ont dit : Il peut déjà compter sur le soutien de la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, du ministre sortant du Logement, Sean Fraser, du ministre des Relations Couronne-Autochtones, Gary Anandasangaree et du ministre de l’Environnement Steven Guilbeault. Ce dernier se dit d’ailleurs prêt à «remplacer» la taxe carbone.
Le ministre de l’Innovation, François-Philippe Champagne, devrait, lui, offrir son soutien dimanche.
Chrystia Freeland peut quant à elle compter sur les ministres Diane Lebouthillier, Mark Holland et Terry Beech.
Donald Trump mettrait ses menaces à exécution contre le Canada et le Mexique dès le 1er février.
Le soir de son investiture, lundi, le président américain Donald Trump a confirmé qu’il «pensait» mettre en place ses menaces tarifaires de 25 % sur les produits canadiens le 1er février.
Ce qu’ils répondent : En réaction à l’application éventuelle de ces tarifs douaniers, les ministres Mélanie Joly et Dominic LeBlanc ont assuré, peu après l’annonce de Donald Trump, que le gouvernement canadien était prêt à riposter.
De son côté, le chef du Parti conservateur, Pierre Poilievre, a demandé à Justin Trudeau de rappeler le Parlement «dès maintenant», dans le but «d’adopter de nouveaux contrôles aux frontières, de se mettre d’accord sur les représailles commerciales et de préparer un plan de relance de la faible économie canadienne».
Le Collège Boréal, en Ontario, offre en marge de sa formation principale une formation de conduite pour futurs camionneurs. 10 à 15 % des étudiants de la cohorte d’automne 2024 étaient francophones, rapporte le gestionnaire de la Formation en entreprise, Mathieu Houle.
Au Collège Boréal, en Ontario, certaines formations continues sont offertes en français et en anglais.
Le cours est offert dans les deux langues, simultanément, par un professeur, une cohorte à la fois. «Notre professeur parle les deux langues […] et les tests peuvent se faire dans les deux langues, explique M. Houle. Les livres et le matériel sont dans les deux langues.»
D’autres formations continues de ce genre sont offertes dans les deux langues au Collège. Elles ne font pas partie des programmes postsecondaires menant à des diplômes d’études collégiales, qui demeurent en français seulement.
L’établissement répond aussi à des appels d’offres pour offrir des services à l’emploi dans les deux langues officielles.
À lire aussi : Ontario : les universités francophones à la croisée des chemins
Selon le directeur des communications de l’établissement, Marc Despatie, cette offre bilingue pourrait s’étendre si la demande existe. Pour refléter les besoins, le Collège pourrait même ajouter des formations ou services dans d’autres langues que le français et l’anglais. Tout revient à la demande, explique-t-il.
Je pense que parfois on a tendance à se limiter en tant qu’établissement francophone à dire : «On peut juste faire des choses en français.»
Pour lui, cette ouverture à des formations en anglais à l’extérieur des programmes réguliers permet d’assurer une offre active en français. Car si une formation ou un service est proposé par un établissement unilingue anglophone, il est peu probable qu’une offre en français soit alors disponible.
En Saskatchewan, la seule formation offerte dans les deux langues par le Collège Mathieu est celle de soins infirmiers auxiliaires autorisés, dont 60 % du contenu est en français et 40 % en anglais, indique une porte-parole par courriel.
Mais le président-directeur général de l’établissement, Francis Kasongo, n’est pas fermé à l’idée d’étendre l’offre des enseignements en mode bilingue «s’il y a des besoins» : «Nous devons être agiles et flexibles. Le plus important, c’est de faire en sorte que les francophones soient outillés et qualifiés pour affronter le marché du travail.»
À lire aussi : Une nouvelle collection universitaire dédiée aux littératures francophones du Canada
L’Université de l’Ontario français (UOF) opère entièrement en français, garantit son recteur, Normand Labrie. «[Nos étudiants] fonctionnent en français chez nous, mais sont dans une société à majorité de langue anglaise.»
Normand Labrie est recteur de l’UOF depuis mai 2024. Photo : Archives – Le Voyageur
L’objectif étant de former des «professionnels bilingues», M. Labrie n’exclut pas la possibilité d’interagir davantage avec des établissements anglophones à l’avenir.
«Ça peut se faire par des partenariats avec des institutions de langue anglaise où il y a un intérêt commun dans l’offre de programmes, où nos étudiants peuvent à l’avenir suivre des formations conjointes en anglais et les étudiants de nos partenaires chez nous en français. […] Ce n’est pas encore réalisé, mais c’est dans les plans.»
«En Ontario, les gens bilingues gagnent plus cher», rappelle-t-il. Pour l’instant, Normand Labrie ne souhaite pas en dire plus sur la nature des potentiels futurs partenariats. Il n’y aura aucun «compromis» sur la formation en français, assure-t-il.
À lire aussi : Entente entre les universités d’Ottawa et de Sudbury : entre espoirs et inquiétudes
Au Collège communautaire du Nouveau-Brunswick (CCNB), la formation continue en technologies de l’information est offerte en partenariat avec des groupes autochtones. Selon le président-directeur général, Pierre Zundel, elle se fait «souvent» en anglais.
Le CCNB propose aussi des services d’intégration de technologie de pointe pour les entreprises dans les deux langues, «dépendamment des besoins», ajoute le responsable.
À l’Université de Moncton, un porte-parole confirme par courriel qu’en plus des programmes principaux disponibles uniquement en français, certains sont offerts «en anglais ou dans les deux langues pour répondre à des besoins spécifiques du marché». C’est le cas du Programme de formation en Gestion municipale.
Au Collège de l’Île, à l’Île-du-Prince-Édouard, les programmes pour adjoints administratifs, commis comptables et techniciens en comptabilité incluent tous une option bilingue, comme indiqué sur le site Web de l’établissement.
Cette option sert à «répondre aux demandes du marché de l’emploi», explique par courriel la coordinatrice de l’appui aux étudiants et de la formation linguistique au Collège de l’Île, Nathalie Carrier-Costain.
Ce qui peut se faire en anglais au CCNB demeure en marge de la formation régulière, seulement disponible en français, assure Pierre Zundel.
«Il faut dire les vraies choses : on est 7 % de la population, 700 000-800 000 [francophones en Ontario], dit Marc Despaties du Collège Boréal. Si on dit : “On va juste vivre de ce qu’on peut faire en français”, on va peut-être se retrouver dans des situations [difficiles], comme d’autres établissements qui ne sont pas diversifiés.»
Selon lui, il est aussi question de «refléter les besoins de notre communauté ici à Sudbury, qui est quand même aux deux tiers anglophones».
La prévalence des besoins en anglais s’est aussi fait ressentir au CCNB, quand des Ukrainiens déplacés par la guerre sont venus chercher une formation linguistique afin de pouvoir travailler. «[La plupart] visait l’apprentissage de l’anglais plutôt que du français», indique Pierre Zundel.
À lire aussi : Postsecondaire francophone : le «par et pour» est «non négociable» (L’express-ca)
Dans tous les établissements contactés, la formation principale demeure uniquement offerte en français.
«Que ce soit un programme unilingue francophone ou un programme bilingue, la finalité de cela pour nous, c’est que nos étudiants et étudiantes, au terme de leurs études, soient capables d’accéder au marché de l’emploi avec confiance», explique Francis Kasongo.
«C’est dans l’ADN du [CCNB], déclare Pierre Zundel. On n’offre pas de formation régulière en anglais, point. On n’a pas non plus l’intention d’en ajouter.»
En Saskatchewan, Francis Kosongo assure que le Collège Mathieu demeurera un établissement «par et pour les francophones», même s’il élargit un jour son offre bilingue. «Nous ne serons jamais un établissement bilingue», insiste-t-il.
«L’objectif n’est pas de se transformer en institution bilingue, affirme de son côté Normand Labrie. On demeure une institution de langue française par et pour les francophones qui opère en français et qui offre des formations en français, mais aussi qui s’insère dans son milieu [à majorité anglophone].»
François Choquette remettait en cause le travail du Commissariat aux langues officielles (CLO), qui n’aurait pas évalué la portée d’un article de l’ancienne Loi sur les langues officielles dans son enquête sur l’entente Netflix.
La partie VII de la Loi, qui était visée, donnait la responsabilité au ministre de Patrimoine canadien de prendre des mesures positives pour les communautés francophones du pays.
Le plaignant contestait que la ministre de l’époque avait respecté cette obligation lors de l’entente conclue avec Netflix, qui prévoyait que 25 millions de dollars seraient réservés pour le marché francophone. Toutefois, aucune précision n’avait encore été donnée sur la somme réellement investie pour cette communauté jusqu’alors.
François Choquette avait alors déposé une plainte auprès du CLO. Ce dernier a jugé, en 2019, à la suite d’une enquête, que celle-ci n’était pas fondée.
Remettant en question la rigueur de l’enquête du CLO, François Choquette avait déposé une requête auprès de la Cour fédérale pour un contrôle judiciaire, finalement rejetée en septembre 2024.
Un premier rapport préliminaire d’un enquêteur du CLO concluait que la plainte était fondée. Mais ce premier jet n’a jamais été retrouvé et la Cour fédérale a finalement décidé que la plainte n’était pas fondée.
À lire aussi : Affaire Netflix : «Je ne veux plus jamais que ça se reproduise»
Ce qu’il faut savoir :
Une «interprétation peu englobante» de la Loi
Selon François Choquette, le juge a fait preuve d’une «interprétation» de la Loi sur les langues officielles «peu englobante».
Débouté de sa demande, François Choquette assure qu’il va «continuer le combat sur le plan politique pour renforcer les lois et les règlements afin que les géants du Web soutiennent mieux la francophonie canadienne».
Pour l’ex-député fédéral, l’article 43 de l’ancienne loi qui évoquait la responsabilité du ministre du Patrimoine canadien était testé pour la première fois en Cour.
La juge et le Commissariat aux langues officielles en sont venus à la même conclusion : les institutions fédérales comme Patrimoine canadien ont le choix de prendre des mesures pour les communautés.
«C’est comme si on avait évité l’étude de cet article, dit-il. Pour moi, ça me parait encore faux, mais je comprends qu’on a fait tout ce qu’on pouvait.»
À lire : Netflix : le Commissariat aux langues officielles se serait restreint dans son enquête
«Pris avec un véhicule procédural»
Si le juge avait étudié la question de l’épanouissement des minorités sous le même article avec la nouvelle loi, peu de choses auraient changé, croit l’avocat ottavien Gabriel Poliquin, spécialisé en droit public.
Gabriel Poliquin assure que la nouvelle Loi sur les langues officielles n’aurait rien changé aux conclusions de la procédure judiciaire.
«Les institutions fédérales, comme Patrimoine canadien, ont une obligation de prendre des mesures positives, pour faire avancer [le statut des deux langues officielles, NDLR], mais le juge de la Cour fédérale dit que sous l’ancienne loi, il n’y a pas vraiment d’obligation de prendre des mesures particulières à l’endroit des minorités parce que les institutions fédérales ont une large discrétion.»
Toutefois, selon l’avocat, si François Choquette recommençait le processus judiciaire à zéro aujourd’hui – ce qui est permis par l’article 77 de la loi, qui demande au tribunal de se prononcer sur le bienfondé d’une plainte –, il pourrait poser la question différemment, au regard de la nouvelle loi.
«Il était vraiment pris avec un véhicule procédural où la question était beaucoup plus étroite et qui est beaucoup plus difficile à faire valoir.»
L’autre jour, en testant une application de reconnaissance vocale, j’ai été prise de court. «Désolé, je n’ai pas compris. Pouvez-vous répéter?», insistait l’intelligence artificielle (IA), incapable d’interpréter mon accent mi-belge mi-chiac. Cela m’a fait sourire, parce que mon compte ChatGPT est configuré avec l’accent des journalistes de Radio-Canada pour me répondre.
Mais cela m’a aussi un peu effrayée : si moi, avec mes intonations somme toute assez banales, je passe déjà sous le radar des machines, qu’en est-il de ceux et celles dont les accents, les dialectes ou même les langues minoritaires n’ont jamais été pris en compte? Que deviennent les voix qu’on ne reconnait pas, qu’on ne transcrit pas, qu’on oublie dans les bases de données?
À lire : Le mirage de l’intelligence artificielle (Chronique)
Reconnaissance faciale : l’IA qui voit flou
Prenons un exemple emblématique : la reconnaissance faciale. Cette technologie a souvent montré des failles majeures, notamment dans l’identification des minorités.
Une étude de 2018 menée par le MIT et l’Université Stanford a révélé des disparités alarmantes. Des systèmes avaient un taux d’erreur de 34,7 % pour les femmes noires, contre moins de 1 % pour les hommes blancs. Un écart qui trouve sa source dans des bases de données biaisées, parce qu’elles sont saturées d’images d’hommes blancs.
Bien que des progrès aient été faits depuis lors, les biais n’ont pas totalement disparu, ce qui entraine des conséquences parfois dramatiques. Selon une enquête du Washington Post, au moins huit personnes, principalement des personnes noires, ont été arrêtées à tort à cause d’erreurs d’identification générées par des systèmes d’IA ces dernières années aux États-Unis.
Christopher Gatlin, par exemple, a été faussement accusé dans le Missouri en 2021 après qu’un logiciel l’a identifié à partir d’une image floue. Sans lien avec le crime ni passé violent, il a croupi 16 mois en prison avant que les accusations ne soient abandonnées.
Un autre cas choquant est celui de Porcha Woodruff, une femme enceinte de huit mois, arrêtée à Detroit en 2023 pour piraterie routière, une agression qu’elle n’avait pas commise. Identifiée à tort par un système de reconnaissance faciale, elle a été placée en détention bien que ses contractions se soient déclenchées.
La Journée de la protection des données est l’occasion de prendre conscience que les données recueillies par l’IA peuvent avoir des conséquences graves.
Ces exemples ne sont pas de simples incidents isolés. Ils reflètent une réalité inquiétante : la confiance aveugle dans des technologies biaisées peut non seulement reproduire, mais aussi amplifier les discriminations systémiques, mettant des vies innocentes en danger.
À lire : Intégrer l’IA à l’université est une responsabilité partagée
Des CV effacés par un algorithme
En 2018, Amazon a dû abandonner son outil de recrutement automatisé après une révélation troublante : l’algorithme rejetait systématiquement les candidatures de femmes pour des postes techniques.
Pourquoi? Parce que l’outil avait été formé sur dix ans de données internes où les hommes dominaient largement ce type de postes. En s’appuyant sur ces exemples biaisés, l’algorithme avait appris à associer la réussite à un genre spécifique et à discriminer les candidatures féminines.
Dans le secteur bancaire, les algorithmes d’évaluation du crédit posent également problème. Une enquête menée par The Markup en 2021 a révélé que les demandes de prêt hypothécaire faites par des personnes noires ou hispaniques étaient plus souvent refusées que celles de personnes blanches ayant un profil financier similaire.
Le domaine médical n’y échappe pas non plus. Un algorithme utilisé pour prédire les besoins en soins intensifs avait tendance à sous-estimer les risques des populations noires.
En 2019, une étude a montré que cet algorithme, largement utilisé aux États-Unis, privilégiait les personnes blanches en raison de son critère d’analyse principal : les couts médicaux antérieurs. Les personnes noires, ayant pendant longtemps moins accès aux soins, voyaient ainsi leurs besoins sous-évalués, ce qui limitait leur accès à des traitements cruciaux.
On le voit bien : loin d’être neutres, les systèmes d’intelligence artificielle reproduisent les inégalités inscrites dans les données qui les nourrissent. Au lieu de corriger les discriminations, ces outils peuvent les renforcer sous couvert d’une fausse neutralité technologique.
À lire : L’intelligence artificielle, les nouvelles et vous (Éditorial)
La technologie, une question de choix
À l’occasion de la Journée internationale de la protection des données, il est essentiel de rappeler que protéger nos données, c’est aussi protéger nos droits. Nous ne pouvons pas laisser les technologies – et surtout les personnes qui les créent – façonner notre avenir sans un regard critique et une action déterminée.
L’intelligence artificielle reflète nos choix et nos biais. Mal encadrée, elle peut renforcer les discriminations et mettre en danger les plus vulnérables. Mais des solutions concrètes existent : diversifier les équipes qui conçoivent ces outils, auditer les algorithmes comme on audite les comptes d’une entreprise et écouter les voix des personnes les plus touchées.
Des avancées sont déjà en cours. Par exemple, des villes comme San Francisco, Portland et Boston ont interdit l’utilisation de la reconnaissance faciale par la police pour prévenir les abus.
Ces initiatives montrent que le changement est possible lorsque des citoyens et citoyennes, des spécialistes et des responsables politiques unissent leurs forces pour exiger justice et transparence.
L’IA n’est et ne sera jamais plus que ce que nous en faisons. Outil d’oppression ou levier de progrès : à nous de choisir.
Originaire de Belgique, Julie Gillet est titulaire d’une maitrise en journalisme. Militante éprise de justice sociale, voici près de quinze ans qu’elle travaille dans le secteur communautaire francophone et s’intéresse aux questions d’égalité entre les genres. Elle tire la force de son engagement dans la convergence des luttes féministes, environnementales et antiracistes. Elle vit aujourd’hui à Moncton, au Nouveau-Brunswick.
Irving Lewis explique que l’ACUFC a déterminé plusieurs pistes pour améliorer la rétention des personnes formées à l’étranger, comme le mentorat ou une collaboration accrue entre les conseils scolaires et les universités pour favoriser la formation continue.
«Pour les enseignants issus de l’immigration, l’environnement de vie et de travail canadien peut être un choc. Ils atterrissent dans un système scolaire dont ils ne maitrisent pas les codes», explique le directeur du continuum de l’éducation à l’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne (ACUFC), Irving Lewis.
Le 22 janvier, l’ACUFC consacre son Forum d’action 2025 à la rétention du personnel enseignant immigrant formé à l’étranger.
Dans le cadre du projet Objectif 2036, lancé en 2020, l’organisme a mené de nombreuses recherches pour comprendre la pénurie d’enseignants et d’enseignantes tout en cernant les pistes d’action pour mieux retenir et intégrer les nouvelles recrues.
D’après plusieurs études, une personne sur cinq en enseignement au Canada quitte en effet la profession au cours des cinq premières années de pratique. Si les chiffres exacts ne sont pas connus pour celles et ceux qui viennent de l’étranger, de nombreux défis peuvent les conduire à abandonner le métier.
À lire aussi : Rentrée 2024 : les enseignants francophones manquent à l’appel
Les nouveaux enseignants et nouvelles enseignantes peuvent être confrontés à des «difficultés d’adaptation culturelle et sociale», selon le directeur général de l’Association canadienne des professeurs de langue seconde (ACPLS), Francis Potié.
Pour Francis Potié, les membres du personnel enseignant issus de l’immigration peuvent être aux prises avec des «difficultés d’adaptation culturelle et sociale» à leurs débuts.
«Les trois premières années de pratique, c’est toujours une période de survie. Et c’est dupliqué à la puissance quatre pour les immigrants», confirme la professeure en éducation au Campus Saint-Jean de l’Université de l’Alberta, Marianne Jacquet. Certains doivent «non seulement construire leur identité professionnelle, mais aussi s’adapter à de nouvelles valeurs».
Les relations avec les directions d’école, entre collègues, les liens avec les élèves et les parents, le rapport à la langue française, «tout est à réapprendre», souligne-t-elle.
«Ils peuvent être désemparés et se décourager, car ils n’ont pas l’expérience à laquelle ils s’attendaient», appuie la directrice générale de la Fédération nationale des conseils scolaires francophones (FNCSF), Valérie Morand.
Francis Potié évoque également des différences sur le plan pédagogique : «Ça peut être une pente d’apprentissage importante, car dans certains pays les méthodes sont plus magistrales, centrées sur l’enseignant, alors qu’au Canada, on est plus centrés sur l’élève.»
Pour enseigner au Canada, une personne formée à l’étranger doit obtenir l’aval de l’ordre des enseignants de la province ou du territoire où elle réside.
Cette reconnaissance des acquis professionnels et des diplômes étrangers s’apparente à un véritable parcours du combattant, selon Valérie Morand de la FNCSF : «C’est un processus long, compliqué et couteux, avec aucune garantie d’obtenir une approbation à la fin.»
Résultat, des personnes comptant plus de 20 ans d’expérience en enseignement dans leur pays d’origine se retrouvent à nouveau sur les bancs des universités canadiennes.
Pour soutenir plus adéquatement les personnes immigrées et faciliter leur insertion professionnelle dans le milieu de l’enseignement, les organismes multiplient les initiatives partout au pays.
Depuis quatre ans, la FNCSF offre des formations sur le sujet aux directions d’école ainsi qu’aux conseillers et conseillères pédagogiques. La fédération leur communique les ressources existantes et les stratégies exemplaires connues d’intégration. Jusqu’à présent, 700 personnes en ont bénéficié.
L’ACPLS a de son côté lancé une initiative d’un an et demi afin d’élaborer des ressources écrites ainsi que de créer des formations et des boites à outils en ligne. Là aussi, l’idée est d’aider les directions d’école à mieux appuyer leur personnel issu de l’immigration.
L’association souhaite également encourager la création de communautés de pratique «avec des activités de réseautage à même de lutter contre l’isolement», détaille Francis Potié.
Le Centre franco-ontarien de ressources pédagogiques accompagne, lui, les personnes formées à l’étranger pendant le processus de reconnaissance des diplômes par l’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario.
L’organisme les familiarise avec la profession au Canada et les prépare aux entretiens. Quelque 300 personnes ont ainsi obtenu le feu vert de l’ordre et trouvé du travail de façon durable.
En Alberta, le Campus Saint-Jean a notamment mis en place un cours obligatoire pour les personnes formées à l’étranger qui suivent le baccalauréat en éducation. Dès le début de leur formation, ces étudiants et étudiantes sont envoyés dans les salles de classe en observation.
«On intègre cette dimension sur le terrain le plus tôt possible pour les familiariser avec la réalité scolaire. À plus long, cela permet aussi de favoriser leur insertion socioprofessionnelle», explique Marianne Jacquet.
À lire aussi : Plus d’appui nécessaire pour l’intégration des enseignants d’Afrique subsaharienne
Plus largement, le Campus collabore étroitement avec les conseils scolaires francophones albertains, dont les comités de sélection du personnel enseignant comprennent désormais des personnes d’origine étrangère.
Les personnes immigrantes qui enseignent en Alberta se sont, elles, regroupées au sein d’un collectif afin d’apporter un soutien à leurs pairs récemment recrutés, confrontés à des défis similaires.
L’un des objectifs du Forum d’action de l’ACUFC consiste à mettre en commun toutes ces démarches isolées grâce à la mise en place d’un mécanisme pancanadien de concertation et de collaboration. Les différentes personnes du milieu interrogées voient la création d’un tel mécanisme d’un bon œil.
Valérie Morand accueille favorablement la création d’un mécanisme pancanadien pour mettre en commun les ressources dédiées au perfectionnement professionnel des personnes immigrantes en enseignement.
«Bien que l’éducation soit de compétence provinciale, nous avons des enjeux partagés à travers le pays. Nous rencontrons des barrières semblables et avons des solutions plutôt similaires», considère Valérie Morand.
Elle rappelle néanmoins qu’une réflexion comparable existe déjà au sein de la table de concertation nationale tripartite, composée de représentants et de représentantes de divers ordres de gouvernement et d’une douzaine de partenaires en éducation.
«Ce nouvel outil pourrait ajouter une pierre à l’édifice. Mais pour que ça fonctionne, il doit être assorti de ressources et d’une réelle volonté politique», souligne-t-elle.
«De par l’organisation du Canada, avec différentes juridictions et l’autonomie des conseils scolaires et des universités, ça va être un défi pour le créer», renchérit François Potié.
Une rencontre de suivi aura lieu le lendemain du Forum afin de jeter les bases plus précises du mécanisme national.
En décembre dernier, le gouvernement fédéral a annoncé la création du tout premier Conseil des vétéranes du Canada. Ce groupe formulera des recommandations au ministère des Anciens Combattants sur les enjeux qui touchent ces femmes, longtemps passées inaperçues.
«Les femmes ont des besoins différents, c’est clair, mais il faut y répondre. On est en 2024, bon Dieu», lâche Luc Desilets.
Le Conseil vise à déterminer les obstacles systémiques, à promouvoir l’équité et à améliorer les politiques, pratiques et recherches concernant la santé, les avantages et les droits des vétéranes.
Cette annonce suit la publication d’un rapport d’étude du Comité permanent des anciens combattants intitulé Plus jamais invisibles. Les expériences des vétéranes canadiennes.
«C’est un monde à part, qui n’évolue pas rapidement», concède le député bloquiste et vice-président du Comité, Luc Desilets.
L’étude a débouché sur 42 recommandations. «C’est le plus grand nombre de recommandations qu’on a jamais faites ici, poursuit l’élu. Mais c’est symptomatique, je pense, des besoins qu’elles ont. Les femmes vétéranes, comme les femmes dans l’armée, ont des besoins différents des hommes.»
Le Conseil aura du pain sur la planche. «On part de très loin», déplore Luc Desilets. Le député a d’ailleurs fait adopter le terme «vétérane» au Parlement, afin de remplacer l’expression «femmes vétérans» qui était jusque-là utilisée.
Au Québec, cela fait environ un an que l’élu milite pour rendre accessible le mot «vétérane» sur les plaques d’immatriculation, une question qui ne se pose pas dans le monde anglophone.
Pour l’instant, les plaques d’immatriculation en français peuvent seulement afficher le mot «vétéran».
«[Les plaques en français] sont identifiées avec le mot “vétéran”. Une femme qui va faire son épicerie se fait dire occasionnellement “vous féliciterez votre conjoint pour son service”. C’est blessant pour elle», raconte-t-il.
L’étude du comité parlementaire a permis de rassembler des témoignages percutants sur la condition des femmes dans l’armée. Par exemple, si les uniformes et équipements ont été récemment modifiés pour s’adapter au corps féminin, il reste encore du travail à faire.
«L’équipement adapté est de plus en plus [disponible], mais pas suffisamment, note Luc Desilets. Ça va jusqu’au point où des militaires ont demandé à des médecins l’ablation des seins pour pouvoir porter le kit militaire sans souffrir.»
Le rapport du comité montre aussi que la vie après l’armée est particulièrement difficile pour les femmes. Comparativement à leurs collègues masculins, elles peinent davantage à trouver un emploi et leurs revenus sont moindres.
Quant à l’accès aux services pour vétérans tels que les demandes d’indemnisation, Luc Desilets a appris que les délais pour les femmes étaient souvent supérieurs. Toutefois, «on est en train d’atteindre un équilibre», nuance le bloquiste.
Parmi les raisons expliquant les délais, le député a entendu que les évaluations nécessaires prenaient plus de temps en cas de traumatismes sexuels, car elles nécessitent l’intervention d’un gynécologue spécialisé.
À lire aussi : Reconnaitre la détresse psychologique chez les anciens combattants
«Les gens ont souvent du mal à croire que je suis est une vétérane, que je suis allée en Afghanistan, que j’étais présente sur le terrain et qu’un engin explosif artisanal a détoné près de moi. Ils ont l’air de croire que je mens ou que je raconte l’histoire de quelqu’un d’autre.»
Selon la sénatrice Rebecca Patterson, malgré les problèmes persistants, «beaucoup a changé» pour les femmes dans l’armée.
Cet extrait du rapport est celui du témoignage de la capitaine à la retraite Hélène Le Scelleur. Il illustre un enjeu particulier auquel sont confrontées les vétéranes : le manque de reconnaissance, que ce soit pour la valeur du travail effectué, les séquelles, les raisons de départ ou autre chose.
Selon la sénatrice Rebecca Patterson, elle-même vétérane et témoin dans le rapport, plusieurs vétéranes ont occupé des rôles moins reconnus. «Notre définition de ce qui est le combat était très traditionnelle. Seule la personne qui tirait sur la gâchette était vraiment un soldat, un marin ou un aviateur», dit-elle en entrevue avec Francopresse.
Les infirmières, les cuisinières et les femmes à la logistique font partie de ces militaires perçues comme moins importantes, moins héroïques.
Ces femmes ont par la suite de la difficulté à aller chercher du soutien, explique la sénatrice : «Quand ces personnes deviennent des vétéranes, elles ne se voient pas vraiment comme des vétéranes. [Elles vont se dire :] “Comment pourrais-je avoir un syndrome posttraumatique? Je n’étais pas au front en Afghanistan, j’étais médecin dans une base opérationnelle avancée. J’ai des traumatismes de combat, mais ça ne compte pas vraiment. Je ne mérite donc pas de services pour les vétérans”.»
Parce que les vétéranes «ne se voient pas elles-mêmes», «on ne sait même pas combien ont besoin d’aide», constate Rebecca Patterson.
«On a des centaines et des centaines de monuments et d’œuvres d’art pour les vétérans au Canada», observe Luc Desilets, dont la demande pour l’édification d’une œuvre d’art dédiée aux vétéranes à Ottawa a été approuvée.
«Ça peut paraitre basique, mais c’est de la reconnaissance. Les femmes, globalement dans la vie, mais encore plus chez les militaires, sont dans l’ombre du travail des vétérans et des militaires.»
À lire aussi : Inconduite sexuelle, abus de pouvoir et secret : voici ce dont j’ai été témoin dans l’armée canadienne (The Conversation)
Aujourd’hui directrice d’une école à l’Île-du-Prince-Édouard, Julie Gagnon a passé 13 ans comme assistante médicale au sein des Forces armées canadiennes (FAC). Mère monoparentale, elle a quitté les FAC pour s’occuper de sa fille.
À son époque, les femmes dans l’armée se faisaient plutôt rares. «Dans mon temps, les G.I. Joe – tant qu’il n’y a pas eu le G.I. Jane –, les bonhommes militaires, c’était tous des hommes, dit-elle. Quand je suis entrée, c’était comme pour prouver que oui, les femmes ont une place.»
Elle constate désormais une augmentation du nombre de femmes engagées, notamment de cadettes : «C’est comme une porte d’entrée. Après ça, elles peuvent aller dans la réserve ou dans les Forces armées canadiennes. J’ai vu une évolution.»
Néanmoins, selon elle, l’armée reste davantage un «monde d’hommes». «On associe encore beaucoup plus l’armée aux hommes qu’aux femmes, malgré qu’il y a des femmes qui sont rendues dans des hauts niveaux.»
Le portrait de la plus haute sphère des FAC a changé, remarque Rebecca Patterson. «[La plupart] des militaires sont des hommes, c’est normal qu’ils soient en position de leadeurship. Mais ils ont fait de la place pour les femmes, afin qu’elles puissent occuper des rôles plus séniors […], où on a une voix et où on est réellement vues et entendues.»
Mais avant de nous plonger dans Le vol de l’ange, Cherche rouquine, coupe garçonne et L’Obomsawin, parlons un peu de l’auteur.
Daniel Poliquin est originaire d’Ottawa, où il a fait carrière en tant que traducteur et interprète au Parlement canadien. Même avec cet emploi, il a eu le temps de se consacrer à l’écriture. Il a écrit 10 romans et a signé la traduction de nombreuses œuvres d’essayistes et romanciers canadiens-anglais connus.
Il a reçu de nombreux prix ainsi qu’un doctorat honorifique de l’Université Carleton et un autre de l’Université d’Ottawa. Il est chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres de la République française, chevalier de l’Ordre de la Pléiade et officier de l’Ordre du Canada.
Son œuvre a fait l’objet de plusieurs dizaines d’études, de commentaires d’universitaires et de chroniques.
• • •
Le vol de l’ange, paru aux Éditions Boréal en 2014, a mérité le prix France-Acadie en 2017 et a été défendu par l’écrivain et juriste Blaise Ndala lors du Combat national des livres 2022 de Radio-Canada.
Ce roman se déroule en Acadie, où l’auteur s’est installé en 2009. Il raconte l’histoire d’un enfant qui, à la suite d’un encan paroissial, se retrouve engagé dans une famille. La paroisse paye cette famille pour accueillir l’enfant.
On dit «encan» parce que c’est la famille qui mise le montant le plus bas qui accueille l’enfant. Cette pratique était aussi utilisée pour placer des ainés sans moyens de subsistance dans des familles de la paroisse.
Nous rencontrons le personnage-narrateur alors qu’il est âgé et qu’il doit faire l’objet de son troisième encan. Il raconte sa vie, une vie dorée selon lui, durant laquelle il n’a subi aucuns sévices dans sa jeunesse et qui lui a permis de jouir d’une grande liberté à l’âge adulte.
Daniel Poliquin est un merveilleux conteur. Par la bouche de son narrateur, il raconte la vie des villages, des familles, des personnages qu’il a croisés. En parlant d’une histoire d’amour entre deux de ses personnages, Poliquin note : «On aurait dit que leur histoire avait été écrite par un romancier bienveillant.»
C’est exactement ce que l’on ressent en lisant Le vol de l’ange.
À lire aussi : Blaise Ndala : un auteur, trois livres (Chronique)
• • •
Ce romancier bienveillant est d’ailleurs de retour dans Cherche rouquine, coupe garçonne, paru chez Boréal en 2017.
Dès le premier chapitre, nous assistons à la pendaison de William Blewett pour le meurtre de deux Américains en Gaspésie. Or, la plupart des témoins de cette pendaison sont convaincus de l’innocence de Blewett.
Surtout le jeune prêtre, Jean-Jacques Bouffard, chargé d’assister le condamné. Il sera tellement secoué par cet évènement qu’il quittera la prêtrise.
L’affaire Blewett, c’est la trame qui soutient tout le récit.
Lui-même originaire de la Gaspésie, Jean-Jacques Bouffard retournera vivre dans la maison de son enfance après le décès de ses parents. Il épousera une fille du coin, une espèce d’enfant gâtée qui lui pourrira l’existence jusqu’à ce qu’elle le quitte. Elle aura cependant eu le temps de lui donner une enfant, la rouquine du titre. C’est elle la narratrice du roman.
Le livre est truffé de personnages truculents, et Daniel Poliquin nous les présente avec toute la verve narrative qui le caractérise.
Il y a d’abord, Odette, jeune fille d’Ottawa qui quitte sa famille dysfonctionnelle pour s’installer à Montréal dès qu’elle atteint la majorité. Elle passera d’un emploi et d’un amant à l’autre avant de devenir la maitresse de Blewett. C’est d’ailleurs dans son appartement à elle qu’il sera arrêté.
Il y a aussi le chef de police qui a procédé à l’arrestation de Blewett, mais qui n’a jamais cru à la culpabilité de ce dernier. Et à ces personnages s’ajoute le défilé d’amoureux et d’amoureuses de la rouquine.
Et dans tout ça, une grande question demeure : Blewett était-il coupable?
À lire aussi : L’Acadie en trois livres (Chronique)
• • •
Reculons au début de sa carrière. Le roman L’Obomsawin, publié chez Prise de parole en 1987, est un des premiers de Daniel Poliquin. C’est l’histoire d’un vieux peintre Métis, l’Obomsawin, qui subit un procès parce qu’il est accusé d’avoir incendié sa maison dans la ville déchue de Sioux Junction dans le Nord de l’Ontario. Mais le roman raconte surtout l’histoire de ce lieu emblématique de plusieurs localités du Nouvel-Ontario.
Avec des œuvres autochtones exposées dans plusieurs grandes villes du monde, Thomas Obomsawin a déjà connu la gloire, tout comme Sioux Junction a déjà été une ville florissante.
Ses deux fondateurs, un prêtre québécois défroqué et un anglophone ancien officier de la Police montée du Nord-Ouest, ont su faire prospérer la communauté. À une époque, l’un des fondateurs possédait le moulin à scie et l’autre la mine, qui attiraient des travailleurs de partout avec leur famille.
Maintenant, Sioux Junction ne compte plus que quelques habitants, ce qui crée des situations assez cocasses. Ainsi, l’un des derniers résidents, Jo Constant, «fait tout ce que l’autorité fait normalement». Il est maire, chef de police, juge de paix, hôtelier et seul épicier de la ville. C’est lui qui a arrêté l’Obomsawin et qui l’a logé dans son hôtel.
Mais le procès de l’artiste connu chambardera la ville en attirant – en plus d’un vrai juge et des avocats – toute une flopée de journalistes, d’artistes et d’autres personnalités médiatiques. Quant à l’Obomsawin, il n’a soumis aucun plaidoyer et semble indifférent à son sort.
Comme dans tous ses romans, Daniel Poliquin utilise son talent de conteur pour nous présenter ses personnages et la vie locale. Et, dans ce livre, il le fait avec un petit sourire en coin qui nous charme.
À lire aussi : Trois polars pour voyager dans le temps (Chronique)
Réjean Grenier a travaillé dans les médias pendant 47 ans, comme journaliste, rédacteur principal à Radio-Canada/CBC, éditeur et propriétaire d’un journal et d’un magazine, et éditorialiste. Il a présenté une chronique littéraire sur les ondes de Radio-Canada pendant cinq saisons. Il est un avide lecteur depuis l’âge de 12 ans. Il a grandi dans un petit village du Nord de l’Ontario où il n’y avait pas de librairie, mais il a rapidement appris où commander des livres. Son type d’ouvrage préféré est le roman puisqu’«on ne trouve la vérité que dans l’imaginaire».
Deux thèmes étaient sur la table lors de la réunion du Conseil de la fédération, mercredi : renforcer les liens avec États-Unis et consolider le pouvoir de pression canadien sur l’économie américaine face aux menaces économiques du président désigné Donald Trump.
Tous les premiers ministres ont joué la carte de l’unité, Doug Ford à leur tête, l’actuel président du Conseil et premier ministre de l’Ontario.
Ce dernier a assuré, aux côtés du premier ministre canadien Justin Trudeau, que le Canada n’allait pas appliquer de tarifs douaniers sur les produits en provenance des États-Unis avant que Donald Trump ne mette ses menaces à exécution.
Aucun plan détaillé n’a été révélé, excepté une volonté de rassurer les Canadiens face aux menaces tarifaires et d’annexion économique de Donald Trump faites au cours des dernières semaines.
À lire aussi : Feuilleton de la Colline : démission de Justin Trudeau et menaces internationales
Interrogé sur son avenir, Justin Trudeau a assuré qu’il restait «concentré» sur les enjeux avec les États-Unis.
Toutefois, l’absence de la première ministre de l’Alberta, Danielle Smith, à la table a attiré l’attention.
La première ministre de la province productrice de pétrole n’a pas approuvé le communiqué conjoint publié après la réunion, qui stipule que le Canada est uni dans une réponse qu’Ottawa livrera «étape par étape», a expliqué Justin Trudeau, si Donald Trump met ses menaces à exécution.
Interrogé sur le désaccord de l’Alberta, le premier ministre a répondu, en conférence de presse : «On est tous unis sur le fait qu’il faut répondre de façon robuste. […] Par rapport au communiqué, il faudrait que vous demandiez à Mme Smith pourquoi elle n’a pas voulu le signer. Nous sommes tous d’accord et je ne sais pas quel sera l’élément avec lequel elle serait en désaccord.»
Le secteur de l’automobile est le premier visé par le président Trump, pas le pétrole albertain, a assuré Justin Trudeau. «Vous n’entendez pas Doug Ford dire que, peu importe ce qui arrive, nous devons protéger [notre économie provinciale, NDLR] aux dépens des autres secteurs», a ajouté le premier ministre dans une flèche à Mme Smith.
Doug Ford a précisé : «Je respecte la première ministre Smith. Je respecte qu’elle ait des préoccupations sur la protection de son énergie. C’est son choix. Mais aucune province ou territoire ne sera exempt de ça. Rappelez-vous une chose, “Unis nous résistons, divisés nous tombons”.»
«J’espère qu’il y a du pride canadien dans le fait que vous pouvez avoir des libéraux et des conservateurs et des démocrates et des leadeurs non partisans qui se rassemblent pour se battre pour vos emplois et votre façon de vivre», a de son côté déclaré le premier ministre du Manitoba, Wab Kinew.
Justin Trudeau a également affirmé qu’un plan pour soutenir économiquement les secteurs touchés était en développement.
Le ministre François-Philippe Champagne a renoncé à se lancer dans la course à la chefferie libérale. Il avait demandé que le bilinguisme fasse partie intégrante de la course.
Il va de soi que le ou la prochaine chef du Parti libéral du Canada doit pouvoir s’exprimer autant en français qu’en anglais, les deux langues officielles du Canada.
— François-Philippe Champagne (FPC) 🇨🇦 (@FP_Champagne) January 11, 2025
Il est tout aussi important d’avoir un débat en français.
Le 9 mars, faites entendre votre voix! pic.twitter.com/3gABj8vLg1
Christy Clark se retire de la course à la chefferie libérale.
Toujours dans la liste des désistements, Christy Clark a déclaré sur son site Web, en anglais uniquement : «J’ai travaillé dur pour améliorer mon français, mais je ne suis pas encore au niveau où il faut être.»
L’ancienne première ministre de la Colombie-Britannique a menti lors d’une entrevue à CBC (en anglais uniquement), où elle disait ne jamais avoir été membre du Parti conservateur. Les preuves du contraire ont vite été débusquées. Elle a ensuite dit s’être «mal exprimée».
Une candidature officielle
Mark Carney a quant à lui déclaré sa candidature à Edmonton, en Alberta, jeudi, dans un discours en anglais et en français, qu’il a majoritairement lu.
Ce n’était plus un secret depuis des jours que Mark Carney lancerait sa candidature jeudi.
«Notre temps est tout sauf ordinaire, a-t-il lancé, dans les deux langues. Trop de gens sont laissés de côté, trop de jeunes, trop de personnes n’ont pas accès aux médecins.»
Tout en se positionnant comme un adversaire de Donald Trump, l’ancien gouverneur de la Banque du Canada en a profité pour critiquer le chef du Parti conservateur .
«Je vous donne une grosse différence entre Pierre Poilievre et moi : tandis que je me concentre sur l’importance de bâtir l’économie, il cherche le soutien de Donald Trump et Elon Musk.»
Son ton s’est voulu rassurant sur l’économie, lui qui dit «bien connaitre les marchés» : «Quand ils sont bien gérés, ils livrent les emplois et la croissance mieux que quiconque. Mais les marchés sont indifférents envers la souffrance humaine. S’ils sont mal gérés, ils vont livrer une richesse énorme à quelques chanceux.»
«On va gagner», a-t-il conclu, en anglais.
Vendredi, l’ancienne ministre des Finances, Chrystia Freeland, a aussi annoncé sur X qu’elle lancera sa campagne dimanche.
Lancement officiel dimanche. pic.twitter.com/kcImzuArg4
— Chrystia Freeland (@cafreeland) January 17, 2025
Karina Gould est aussi pressentie comme candidate, mais n’a pas encore officialisé sa campagne.
En conférence de presse mercredi, les ministres d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), Marc Miller, et de la Sécurité publique, David McGuinty, ont annoncé qu’Ottawa renforce actuellement la sécurité frontalière.
L’enjeu : Des mesures ont été prises pour réduire les entrées illégales et la fraude, améliorer l’échange d’informations et augmenter les renvois de demandeurs d’asile non admissibles.
Un budget de 1,3 milliard de dollars vise à augmenter la surveillance, avec l’utilisation de drones, de tours et de nouvelles technologies.
Des ressources supplémentaires sont déployées pour répondre aux besoins futurs. Des efforts coordonnés avec les provinces et territoires soutiennent ces initiatives.
Lors d’une conférence de presse en Colombie-Britannique, jeudi, le chef du Parti conservateur du Canada a déclaré qu’il abolira l’augmentation du taux sur les gains en capitaux.
La cible : La mesure annoncée par les libéraux lors du budget vise les gains en capital annuels dépassant 250 000 $ issus de la vente d’actifs, comme des actions, des parts d’entreprise, des terres agricoles, des logements locatifs ou des chalets.
Selon le gouvernement fédéral, ce changement rapporterait plus de 19 milliards de dollars sur cinq ans dans les coffres publics.
«Cette taxe libérale anti-emploi était une mauvaise idée avant la menace tarifaire du président Trump, elle est aujourd’hui une pure folie», a critiqué Pierre Poilievre, sur X.
Je dirigerai un gouvernement fédéral qui se mêle de ses affaires, respecte l'autonomie des provinces et rétablit la promesse du Canada qui unit les Canadiens d'un océan à l'autre. pic.twitter.com/QiwJnGtSQD
— Pierre Poilievre (@PierrePoilievre) January 15, 2025
Au retour des parlementaires, une motion de l’opposition pourrait permettre de reprendre les débats laissés en suspens. Mais comme tous les partis d’opposition semblent prêts à faire tomber le gouvernement, une élection pourrait être déclenchée très rapidement.
Qu’est-ce que c’est? : Le Programme de contestation judiciaire (PCJ) permet aux Canadiens d’obtenir un soutien financier devant les tribunaux pour présenter «des causes d’importance nationale liées à certains droits constitutionnels et quasi constitutionnels en matière de langues officielles et de droits de la personne».
Après de nombreuses controverses, notamment entre Québec et Ottawa, le programme a été réintroduit en 2017 et mis en œuvre en 2019.
En quoi est-ce important pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire (CLOSM)? : La Loi sur le ministère du Patrimoine canadien contient déjà un article qui permet au ministère d’accorder un soutien financier à un organisme chargé de le distribuer, dans le cadre «de causes types d’importance nationale qui visent à clarifier et à faire valoir des droits constitutionnels en matière de droits de la personne». Le projet de loi C-316 aurait précisé et protégé le PCJ et son financement.
Selon François Côté, avocat chez Droits collectifs Québec, en entrevue avec Francopresse en 2024 : «[Ce programme] a été aboli, rétabli, réaboli et rétabli depuis les années 1990 à plusieurs occasions. Certains pourraient dire que [C-316] est une manière d’éviter que [le PCJ] ne soit laissé au seul vent politique du prochain gouvernement au pouvoir.»
Plusieurs controverses ont entouré le Programme, notamment lorsque la Commission scolaire English-Montréal avait obtenu un financement en vertu du PJC, pour soutenir ses procédures de contestation de la Loi 21 au Québec.
À lire aussi : Recherche de stabilité pour le Programme de contestation judiciaire
Qu’est-ce que c’est? : Les deux projets de loi ont le même but : modifier la Loi sur les compétences linguistiques pour rendre le bilinguisme obligatoire aux postes de gouverneur général du Canada et de lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick.
C’est le sénateur québécois Claude Carignan qui a déposé les deux pièces législatives en 2021.
En quoi est-ce important pour les CLOSM? : Ces textes garantissent le droit de communiquer avec le gouvernement et de recevoir des services dans l’une ou l’autre des deux langues officielles du Canada, au niveau du représentant de la Couronne.
Mary Simon est la première femme autochtone à occuper le poste de gouverneure générale du Canada. Sa nomination par Justin Trudeau, le 6 juillet 2021, ne garantissait justement pas le fait que les citoyens pouvaient s’adresser à elle en français, car elle ne maitrisait pas cette langue à son entrée en poste.
À lire aussi : Mary Simon, gouverneure générale : «Une nomination presque parfaite»
Même polémique du côté du Nouveau-Brunswick, avec la nomination, toujours par Justin Trudeau, de la lieutenante-gouverneure anglophone Brenda Murphy, en 2019.
Dans ce dernier cas, la Cour d’appel fédérale s’est toutefois prononcée en faveur de l’unilinguisme anglophone, en 2024, parce que la Constitution canadienne n’exige pas le bilinguisme pour ce poste.
À lire aussi : La Cour d’appel du N.-B. valide l’unilinguisme de la lieutenante-gouverneure (Acadie nouvelle)
Qu’est-ce que c’est? : Le projet de loi vise à contraindre le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) de consulter le gouvernement du Québec et ceux des autres provinces dès lors qu’une décision les touche.
En quoi est-ce important pour les CLOSM? : Il s’agit de garantir la consultation des communautés francophones au pays avant de prendre des décisions qui les affectent.
La Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) a toutefois demandé de modifier ce projet de loi pour que les organismes des communautés francophones et acadiennes «soient les premiers interlocuteurs du CRTC pour rendre compte des réalités des marchés francophones ailleurs qu’au Québec», à la place des gouvernements provinciaux, expliquait la présidente Liane Roy lors d’un comité parlementaire en juin 2024.
L’argument principal pour cet amendement tient à «la sensibilité que peuvent avoir ces gouvernements par rapport à la francophonie [qui] est à géométrie variable», alertait Liane Roy.
L’amendement avait été déposé par le Nouveau Parti démocratique (NPD) en comité, un peu plus tard dans l’année, mais faute de temps, il n’a jamais pu être adopté.
Qu’est-ce que c’est? : C’est le seul projet de loi déposé par le ministre de l’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, Marc Miller, au printemps 2024. Il propose d’étendre la citoyenneté canadienne aux enfants nés à l’étranger de parents qui ont déjà la citoyenneté.
En quoi est-ce important pour les CLOSM? : L’immigration francophone étant en hausse au pays, ce projet de loi permettrait aux francophones de faire en sorte que leurs enfants nés à l’étranger soient Canadiens, à condition que les parents aient obtenu la nationalité canadienne.
De même pour les enfants nés hors des frontières du pays et adoptés par un parent canadien au-delà de la première génération.