
L’un des portraits les plus connus de Louis XVII, à l’âge de 7 ans.
Pour bien comprendre cette histoire, il faut remonter à la Révolution française. Peu après le début de celle-ci, en octobre 1789, la famille royale quitte de force le château de Versailles pour s’installer dans celui des Tuileries, à Paris.
Trois ans plus tard, en 1792, la monarchie est abolie : la famille royale est incarcérée dans la veille tour du Temple, d’où Marie-Antoinette, Louis XVI et sa sœur Élisabeth («Madame Élisabeth») ne sortiront que pour être guillotinés.
Mais il reste, dans cette «prison du Temple», deux enfants du couple royal encore vivants (deux étaient morts en bas âge avant la Révolution), dont Marie-Thérèse, l’ainée de la famille, qu’on surnommait «Madame Royale».
Divulgâchage : elle sortira vivante de tout ce chaos et épousera plus tard son propre cousin, le duc d’Angoulême, fils du roi Charles X, frère de Louis XVI. Ah! Les histoires de familles!
Le petit roi…
L’autre enfant est celui qui est à l’origine notre intrigue. Louis-Charles est devenu dauphin à la mort de son frère ainé, Louis-Joseph Xavier François, survenue un peu plus d’un mois avant la prise de la Bastille, en pleins États généraux.

Originaire d’Edmundston, au Nouveau-Brunswick, Carl Nadeau a passé sa vie adulte à Fort Wayne, dans l’État de l’Indiana.
Le dauphin n’a que 7 ans lorsqu’il est enfermé avec sa famille. Après l’exécution de ses parents, les royalistes le reconnaissent comme Louis XVII.
Mais le prince est un enfant à la santé fragile. Les conditions de vie au Temple sont horribles, et son état ne fera que se détériorer ; il meurt, à son tour, en janvier 1795.
Mais est-il vraiment mort?
En fait, il faut plutôt se demander qui est l’enfant mort au Temple.
Car très vite, des rumeurs se mettent à circuler voulant que Louis XVII ait été exfiltré de son donjon et qu’il ait été remplacé par un enfant malade, qui aurait été sourd-muet. Des théories de toutes sortes seront énoncées, des centaines de livres seront écrits sur ce qui deviendra l’une des plus grandes énigmes de France.
De nombreux «Louis XVII» se manifestent. Les historiens en ont recensé plus d’une centaine. Le plus célèbre d’entre eux est Karl Wilhelm Naundorff, un horloger prussien.
Et Naundorff devint Bourbon
Vivant à Berlin, ce prétendu descendant déclare publiquement être en fait Louis XVII.

Jusque sur son son lit de mort, Karl Wilhelm Naundorff soutiendra qu’il était Louis XVII.
En 1833, il arrive (ou revient, selon les points de vue) en France pour faire reconnaitre son identité. Il convainc beaucoup de gens, tellement que cela dérange.
Deux ans plus tard, il est expulsé en Grande-Bretagne, puis il s’installe aux Pays-Bas où il meurt en 1845.
Par la suite, sa famille obtient des autorités des Pays-Bas l’autorisation de porter le patronyme «de Bourbon». Ses descendants à ce jour continuent de rêver à la couronne de France. Mais comme toute bonne famille, elle se divise en deux clans.
La branche aujourd’hui «française» remonte à l’un des fils de Naundorff, Charles-Edmond. L’autre branche, dite «canadienne», descend d’un autre fils, Adelberth. On la nomme «canadienne» puisque ses membres vivent en Ontario depuis 1952.
Né en 1933 aux Pays-Bas, Charles-Louis de Bourbon est venu s’installer au Canada. Il a fait carrière dans l’industrie du vêtement, puis dans l’immobilier et a continué, jusqu’à sa mort en 1922, de prétendre activement à la couronne de France, allant jusqu’à écrire deux livres : Louis XVII a survécu à la prison du Temple et I Exist.
Charles-Louis de Bourbon et son lointain cousin, Charles-Louis Edmond, de la branche française, ont chacun contesté le titre royal jusqu’à leur mort.
Mais où en est cette affaire aujourd’hui? Il semble que Hugues de Bourbon, représentant actuel de la branche française, libraire de son état, ne veuille plus jouer à cette joute royale, ce qui laisse la porte toute grande ouverte à l’Ontarien Michel-Henri (Henri VII pour ses partisans) pour devenir l’unique prétendant de la famille Naundorff.
Des tests d’ADN et des contrexpertises ont tour à tour laissé entrevoir, ou non, que l’enfant du Temple était Louis XVII.
Un prétendant néobrunswickois
Un autre Canadien a aspiré à la couronne de France, mais sans que ces prétentions aient des échos dans la mère patrie.

Un jeune Carl Nadeau, de son vivant prétendant néobrunswickois d’une descendance de Louis XVII.
Carl Nadeau, originaire d’Edmundston, au Nouveau-Brunswick, a été professeur de littérature anglaise à l’Université St. Francis, à Fort Wayne, en Indiana, où il est mort en 2011. Toute sa vie d’adulte, il a cherché à démontrer qu’il était le descendant de Louis XVII.
Sa théorie veut que le prince, une fois évadé de la prison du Temple, soit caché à Londres. Devenu adulte, Louis XVII part pour le Canada afin de fuir ceux qui voudraient sa perte (notamment Napoléon et les frères de Louis XVI).
Il aboutit au Madawaska, au Nouveau-Brunswick, où il prend un nom courant, celui de Nadeau, pour se fondre dans la masse. Il y meurt sans être découvert, mais son secret se transmet de père en fils jusqu’à Carl Nadeau.
Après la mort de ce dernier, des experts mettront un terme à cette belle histoire, en montrant que l’ADN de la famille de Carl Nadeau est identique à celui des autres Nadeau d’Amérique.
Ça se bouscule au portillon du trône
Un mot enfin sur les prétendants plus sérieux au trône de Louis XIV… plus sérieux, car leur ascendance royale ne fait aucun de doute. Encore là, deux clans s’affrontent.

Pierre tombale de Karl Wilhelm Naundorff, à Delft, aux Pays-Bas.
D’un côté, les «Orléanistes», partisans de la branche cadette des Bourbon, plus précisément de la lignée de Philippe d’Orléans, frère de Louis XIV, et dont un membre, Louis-Philippe 1er, a été le dernier roi français. Le prétendant actuel est Jean d’Orléans.
De l’autre côté, les «Légitimistes», qui misent sur Louis de Bourbon, descendant de la branche espagnole de la célèbre famille royale française.
Né en Espagne (sa résidence principale est à Madrid) Louis de Bourbon est : 1) l’arrière-petit-fils du roi espagnol Alphonse XII ; 2) petit-cousin du roi actuel d’Espagne, Philippe VI ; 3) descendant de Louis XIV ; 4) ouf!; 5) ah oui, il est aussi arrière-petit-fils du dictateur Franco, dont il a souvent défendu l’héritage!
Toutes ces tribulations ne mèneront sans doute à rien puisque la France ne semble nullement désireuse de restaurer la monarchie. Mais cela nous permet de nous rappeler qu’il y avait, autrefois, un petit roi…