Alexandra Bolduc, directrice du Salon du livre de Vancouver en Colombie-Britannique, et Liette Paulin, directrice générale du Salon du livre de Dieppe au Nouveau-Brunswick, partagent leur vision et leurs défis. Elles parlent de leur amour de la littérature et de leur rôle de passeuses de culture.
Francopresse : Quel rôle jouent les salons du livre dans les communautés francophones en situation minoritaire?
Liette Paulin : Dans un contexte où il y a peu, voire pas du tout de librairies francophones, les salons constituent la principale porte d’entrée vers la littérature en français. Le public peut avoir accès aux ouvrages, les voir, les toucher, parler également avec les écrivains et écrivaines. Ce sont tout simplement des indicateurs de la vitalité de la culture franco-canadienne.

Liette Paulin explique que le Salon du livre de Dieppe accorde une grande place aux scolaires dans sa programmation, avec plus de 200 activités organisées dans les écoles et les bibliothèques.
Alexandra Bolduc : Ce sont comme des librairies ambulantes. Ils participent à la création d’un bassin littéraire dynamique, d’une culture francophone par-delà des frontières provinciales. C’est fondamental pour préserver la langue et donner une légitimité à notre culture.
Ce sont également des évènements rassembleurs qui permettent de faire connaitre et rayonner les auteurs et leurs œuvres d’un bout à l’autre du pays. Chaque année, on s’attèle à faire venir des auteurs et des maisons d’édition de toute la francophonie canadienne, de l’Ouest, mais aussi de l’Ontario et de l’Acadie. Les écrivains peuvent ainsi se retrouver, partager leurs réflexions et développer un sentiment d’appartenance commune.
Quel public fréquente les allées de vos salons?
Alexandra Bolduc : Notre public est très divers, mais le salon attire de nombreuses familles. Le volet jeunesse est d’ailleurs très important pour nous, c’est au cœur de notre mandat. La graine de la lecture et de la littérature doit se planter dès le plus jeune âge.
À cet égard, il est essentiel que les références des enfants soient des livres de leur milieu, écrits par des auteurs locaux. Ainsi, ils pourront développer un imaginaire local francophone.
Nous avons également de nombreuses écoles qui viennent nous rendre visite et nous essayons d’embaucher des auteurs pour qu’ils animent des activités pour les jeunes.
Liette Paulin : Nous accordons également une grande place au niveau scolaire. Nous offrons plus de 200 activités et animations dans les écoles et les bibliothèques. De nombreux auteurs vont dans les salles de classe pour donner aux jeunes le gout de la lecture.
Très souvent, on revoit ces élèves dans les allées du salon : ils s’assoient par terre et commencent à lire avant même d’avoir acheté l’ouvrage. C’est tout ce qu’on veut voir. Quel que soit ce qu’ils lisent, c’est bénéfique pour leur alphabétisation.
Les défis sont plus grands avec les adolescents de 12 à 17 ans. C’est souvent à cet âge-là qu’on les perd, car leur vie à l’extérieur des murs de l’école est en anglais et les écrans occupent beaucoup de leur temps. On doit se mobiliser avec les éditeurs et les organismes communautaires pour les récupérer.
Êtes-vous confrontées à des difficultés financières?
Liette Paulin : C’est un défi de conserver un nombre d’animations constant et de bien rémunérer nos auteurs, car les financements n’augmentent pas aussi vite que les couts. Depuis la pandémie, les couts de transport ont particulièrement explosé. Résultat, certains distributeurs et maisons d’édition ne viennent plus. Par chance, nous avons plus de 50 bénévoles qui nous aident pour l’organisation.

Alexandra Bolduc est entourée de Vanessa Léger (autrice) et Louis Anctil (éditeur des Éditions du Pacifique Nord-Ouest). Selon la directrice du Salon du livre de Vancouver, les salons répondent à un besoin essentiel de culture des communautés francophones en situation minoritaire.
Alexandra Bolduc : Les salons du livre sont souvent remis en question à cause de leur cout élevé. Oui ça coute cher, mais ça ne devrait pas rentrer en ligne de compte. Ces manifestations répondent à un besoin essentiel de culture au sein de nos communautés.
À Vancouver, nous avons un petit budget, nous sommes constamment à la recherche de fonds fédéraux et provinciaux. Hormis trois salariés, c’est une équipe de bénévoles qui porte l’organisation à bout de bras. En tant que jeune évènement, ce n’est pas évident de s’insérer dans l’industrie du livre, on doit démontrer notre valeur. Heureusement, le Regroupement des Éditeurs franco-canadiens (REFC) nous aide depuis le début.
Les salons du livre de l’Ouest ont besoin du soutien de tout le monde, des éditeurs, mais aussi des distributeurs pour acheminer les ouvrages jusqu’ici. Si l’on veut que la culture perdure, il faut créer des ponts.
Je reste confiante. En cinq ans, nous avons gagné des assises solides et nous sommes bien implantés dans le paysage. Nous sommes devenus un évènement attendu autant par le public que par les auteurs.
Les propos ont été réorganisés pour des raisons de longueur et de cohérence.