Près de 2000 personnes se sont rassemblées pour assister au couronnement de Mark Carney. Chrystia Freeland termine deuxième, quand même loin derrière, avec 8 % des votes. Karina Gould obtient 3,2 % des voix et Frank Baylis 3 %.
L’ancien banquier devrait être assermenté comme premier ministre mercredi 12 mars. Des élections pourraient être déclenchées d’ici la semaine prochaine, selon plusieurs sources libérales consultées par Francopresse.
Résultat des votes
Mark Carney a pris le temps de remercier Justin Trudeau pour quelques-unes de ses réalisations, comme avoir diminué la pauvreté des enfants et fait avancer la réconciliation avec les Premières Nations.
Il a assuré aux libéraux que son gouvernement mettra en action un plan pour bâtir une économie plus forte, des relations commerciales entre les provinces et pour protéger les frontières du pays. «Ça demandera de grands changements», a-t-il prévenu.
Il a déjà annoncé vouloir supprimer la taxe carbone et de «construire un Canada plus fort» dans un contexte de «division».
Le nouveau chef a remercié ses trois adversaires, qui ont amené «une belle énergie» à la campagne, a-t-il souligné.
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Justin Trudeau a reçu un accueil chaleureux pour son dernier discours en tant que chef du Parti libéral.
Le couronnement de Mark Carney marque la fin de l’ère de Justin Trudeau.
Avant l’annonce du gagnant, Justin Trudeau a livré un discours d’adieu aux partisans libéraux. Introduit avec émotion par sa fille, Ella Grace Trudeau, le désormais ancien chef du PLC a rappelé aux libéraux du pays que «le futur est désormais entre vos mains».
Puis, en ciblant les conservateurs indirectement : «C’est quand on essaie de mettre les libéraux sur la touche que nous, les libéraux, on montre nos vraies couleurs!»
Contre Trump et Poilievre
Lena Metlege Diab, députée francophile de Halifax Ouest et qui soutenait Chrystia Freeland, assurait avant l’annonce des résultats : «Qu’importe le nom du gagnant, nous sommes des libéraux. Nous devons nous serrer les coudes.»
«Aux États-Unis, la santé est une grosse business. Au Canada, c’est un droit», a dit Mark Carney pendant son discours.
Pour elle, la ministre Chrystia Freeland avait l’expérience, notamment face à Donald Trump qui, selon elle, reste la principale menace actuelle pour le Canada. «Pierre Poilievre n’est pas l’homme pour cette situation», a-t-elle assuré.
Une idée mise en valeur par le nouveau chef dans son premier discours : «Pierre Poilievre laissera notre planète bruler. Ce n’est pas du leadeurship, mais de l’idéologie qui trahit les valeurs canadiennes. Contrairement à lui, j’ai travaillé dans le secteur privé […] cette connaissance est particulièrement utile maintenant, au moment où […] on construit de nouvelles relations», a déclaré l’ancien gouverneur de la Banque du Canada.
À gauche, Elaine Tracey. À droite, Rosemary Flood.
Elaine Tracey, une militante ontarienne, a voté pour Mark Carney. Elle n’a pas aimé la façon dont Chrystia Freeland a quitté le cabinet de Justin Trudeau et estime que le leadeurship libéral a besoin d’un nouveau visage. Elle a confiance dans l’expertise économique du nouveau chef.
«Je pense toujours que Trudeau pourrait faire la job, je le soutiens toujours. Mais je suis contente de voir Carney dans la course.»
Une autre militante ontarienne, Rosemary Flood, était venue soutenir Chrystia Freeland. D’après elle, l’ex-ministre était la bonne personne pour faire face à Pierre Poilievre, à Donald Trump et à Vladimir Poutine.
«Tous les candidats sont excellents, mais elle a de l’expérience comme ministre et elle a de l’expérience à l’international. […] Elle a un leadeurship horizontal et non vertical. Elle va consulter et elle pense à la base libérale, comme nous.»
Jean Chrétien a invité le prochain chef à recruter les premiers ministres des provinces et les dirigeants d’autres pays pour tenir tête à Donald Trump.
Dans son discours, le nouveau chef libéral a affirmé que si le Canada devient le 51e État américain, «il n’y aura jamais de droits à la langue française». «La joie de vivre, la culture et la langue française font partie de notre identité. Il faut les protéger, les promouvoir. On ne les échangera jamais contre n’importe quel accord commercial.»
En entrevue avec Francopresse, la députée libérale franco-ontarienne Marie-France Lalonde a confirmé son appui envers Mark Carney. «C’est la personne dont je crois que le Canada a besoin pour les semaines, les mois et les années à venir, dit-elle. En politique, des fois, c’est tout à propos du timing, du bon moment.»
Mark Carney n’a pas d’expérience à propos des dossiers des langues officielles, mais cela n’effraie par la députée, qui estime que le nouveau chef est «entouré d’excellents députés, membres du caucus et autres gens qui l’entourent dans son équipe».
Il comprend très bien l’enjeu du déclin du français, non seulement au Canada, mais aussi au Québec.
Rappelant qu’Ottawa vient de dépasser sa cible d’immigration francophone dans les communautés de langue minoritaire, elle ajoute que Mark Carney est au fait des enjeux concernant l’immigration francophone hors Québec.
«Il va falloir qu’il améliore son parler, c’est sûr […], mais quand je lui parle, il me parle en français et on se comprend très bien.»
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Son collègue, le député libéral franco-ontarien Marc Serré, a lui aussi soutenu l’ancien banquier. En plus de l’expérience économique et de sa capacité à gérer la relation tumultueuse avec les États-Unis, il saura ramener le PLC au centre, estime-t-il.
Marc Serré soutient Mark Carney.
Dans le Nord de l’Ontario, où se trouve sa circonscription de Nickel Belt, les enjeux de foresterie, de minéraux critiques et de l’emploi sont cruciaux. Mark Carney, avec son expérience en économie, le rassure.
«Je pense qu’on a besoin de quelqu’un comme Mark Carney, qui a de l’expérience au niveau international avec l’Angleterre, évidemment la Banque du Canada, et aussi au niveau des Nations Unies, au niveau du changement climatique, mais relié à l’emploi, lié aux investissements verts, aller chercher des argents», explique le député.
La question de l’investissement sera particulièrement importante pour les communautés francophones en situation minoritaire, relève-t-il. C’est la prochaine étape maintenant que la Loi sur les langues officielles a été modernisée : investir.
Pour le postsecondaire francophone, il faut selon lui «des investissements au niveau de la recherche, du personnel, de la programmation».
«Les francophones n’ont pas le choix de cours. Alors, il y a un besoin d’une concertation avec les institutions. […] Ensuite, quels sont les défis, les lacunes, [où] le fédéral devrait-il aider? Sans oublier le rôle des provinces.»
Marc Serré serait content de voir Frank Baylis, Chrystia Freeland et Karina Gould dans le cabinet ministériel de Mark Carney.
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Ariane Millette a grandi en tant que personne malentendante dans l’Est ontarien, un milieu où la majorité des échanges se faisaient en anglais. Comment a-t-elle vécu cette expérience? «Difficilement», répond-elle simplement.
Ariane Millette a écrit un roman pour expliquer le quotidien des personnes sourdes.
«Tout le monde parlait anglais autour de moi à Ottawa. Sauf ma famille. Même à l’école, durant les pauses, mes amis étaient bien plus à l’aise en anglais. Ils pouvaient facilement changer d’une langue à l’autre. Pas moi», raconte-t-elle par écrit.
Dépendante de sa mère pour les services en français, elle a mis des années avant de gagner de la confiance en elle et de réussir à interagir avec des anglophones.
Ce n’est pas l’écoute ou les cours qui l’ont aidée à devenir bilingue, mais bien la lecture. «Je me suis décidée à lire en anglais parce que je n’étais pas tentée d’attendre après la traduction française d’une série», confie-t-elle. Une immersion linguistique contrainte, mais nécessaire pour évoluer dans un environnement largement anglophone.
Si l’apprentissage de l’anglais était un défi, l’accès aux services dans sa langue maternelle en était un autre.
Rares étaient les activités sportives auxquelles mes parents m’inscrivaient qui avaient un entraineur parlant français.
Dépendre des indices visuels devenait alors sa stratégie d’adaptation.
À lire : Repenser une société juste pour les personnes handicapées ou malades (chronique)
Même dans la communauté sourde, être francophone apporte son lot d’obstacles supplémentaires.
En Ontario, la majorité des malentendants utilisent l’American Sign Language (ASL), car elle est liée à l’anglais, langue majoritaire de la province. «Il est donc beaucoup plus difficile de recevoir des services en LSQ [langue des signes québécoise, NDLR] ou de trouver des interprètes FR-LSQ», commente Ariane Millette.
Une réalité que le directeur général de l’Association des Sourds du Canada, Richard Belzile, confirme.
Dans un contexte minoritaire, le défi devient la pénurie d’interprètes en LSQ. Les employeurs ou les institutions qui disposent de budgets conséquents, comme les universités ou les hôpitaux, peuvent se permettre d’embaucher des interprètes, mais dans de nombreuses régions, l’offre est quasi inexistante.
Au-delà du manque de services, le problème réside aussi dans la formation des interprètes en milieu minoritaire.
«Que ce soit pour réussir économiquement, socialement ou même dans sa vie familiale, la communication est essentielle», souligne Richard Belzile.
«Former un interprète en LSQ prend des années», explique Richard Belzile. «Il faut être bilingue français-anglais, comprendre la culture sourde et celle des entendants, et savoir adapter le message pour le rendre accessible. Or, les budgets étant souvent limités, cela crée une barrière énorme pour les personnes sourdes qui souhaitent des services en français.»
Il cite l’exemple d’un malentendant francophone vivant dans une région où l’ASL domine. «La seule option, souvent, est d’apprendre la langue des signes de la majorité, l’ASL. Ce n’est pas impossible, mais cela demande un effort supplémentaire considérable.»
Le principal défi des personnes sourdes et malentendantes reste donc l’accès à la communication. «Que ce soit pour réussir économiquement, socialement ou même dans sa vie familiale, la communication est essentielle», souligne-t-il.
Or, si la Charte canadienne des droits et libertés interdit la discrimination fondée sur le handicap, certaines limites sont permises. Le directeur évoque le concept juridique de «préjudice injustifié», qui sert à déterminer quelles adaptations sont essentielles et lesquelles peuvent être ignorées si elles engendrent un cout ou une contrainte excessive pour une entreprise.
«Cela signifie qu’un petit commerce, par exemple, n’est pas tenu d’engager un interprète en LSQ ou ASL pour accueillir un client sourd», illustre-t-il.
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Carine Jacques Lafrance, directrice générale du Regroupement des parents et amis des enfants sourds et malentendants franco-ontariens (RESO), souligne que l’accès aux ressources éducatives en LSQ pour les enfants sourds francophones est insuffisant.
Selon Carine Jacques Lafrance, il est crucial de donner aux enfants sourds et malentendants les moyens d’accéder à une langue, dès le plus jeune âge, pour garantir leur épanouissement futur.
«Combien de services de garde en Ontario ont des éducateurs capables de communiquer en LSQ? Très, très peu», déplore-t-elle.
La surdité touche environ 700 à 1000 enfants francophones en Ontario, dont une centaine avec une surdité sévère ou profonde, rapporte-t-elle. Or, pour assurer un développement linguistique et cognitif équilibré, il est crucial que ces enfants aient accès à une langue visuelle dès le plus jeune âge.
«S’ils ne sont pas exposés à une langue visuelle avant l’âge de 6 ans, ils risquent une privation langagière qui aura des conséquences sur leur développement cognitif, social et affectif», alerte-t-elle.
Elle insiste sur la nécessité de former des professionnels capables de répondre aux besoins des enfants sourds et malentendants en milieu minoritaire.
Un roman pour sensibiliser
Ariane Millette est aussi autrice. Son roman, Déchiffrer la tempête, paru aux éditions Hurtubise en octobre 2024, plonge le lecteur dans la réalité des personnes malentendantes.
À travers ce récit, elle souhaite permettre aux lecteurs d’avoir une idée de ce que vivent les personnes sourdes et malentendantes. «Mon roman donne un aperçu littéralement visuel de la déformation de la parole qu’entend une personne malentendante, et ce, dès le prologue», indique-t-elle.
«J’entends par cela non seulement les barrières communicatives, mais aussi le parcours d’acceptation de sa différence, l’impact social sur l’individu et sur son entourage, les visites chez l’audiologiste et l’audioprothésiste», précise-t-elle.
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La Française Jeanne Mance arrive à Ville-Marie (Montréal) en 1642 pour y établir une mission avec l’intention d’évangéliser et de sédentariser les Autochtones. Elle fonde un dispensaire qui devient un hôpital de huit lits, l’Hôtel-Dieu, en 1645. Pour soutenir les activités de l’hôpital, elle recrute en France des religieuses de Saint-Joseph.
Le Musée Pointe-à-Callière, à Montréal, est aménagé tout près du dispensaire ouvert par Jeanne Mance et possède une collection dédiée à celle-ci, dont une statue de cire.
Après le décès de Jeanne Mance (qui est laïque) en 1673, ces sœurs hospitalières poursuivent le travail. Elles fondèrent, plus tard, des hôpitaux en Ontario (Kingston, Windsor et Chatham) et au Nouveau-Brunswick (Tracadie, Campbellton et Saint-Basile).
Peu d’informations sont disponibles sur ses relations avec les Autochtones, outre le fait qu’elle ouvrait son dispensaire à «tous». Une lettre authentifiée en 2024 prouve cependant qu’elle était à Ville-Marie en pleines guerres franco-iroquoises, lorsque la Confédération cherchait à chasser la colonie française. Cette lettre implore Paul de Chomedey de Maisonneuve d’envoyer des soldats pour les repousser. Ce qui fut fait.
Jeanne Mance a fondé l’Hôtel-Dieu, mais a joué un rôle plus essentiel dans l’établissement de la colonie. Elle était de facto l’intendante, veillant à la gestion des finances et au recrutement de colons. Cependant, elle n’a pas été reconnue comme cofondatrice de Ville-Marie avant 2012 par la Ville de Montréal. Elle a aussi été intronisée au Temple de la renommée médicale canadienne en 2020.
Figure de la première période d’esclavage des personnes noires au Canada, Marie Marguerite Rose a passé 19 ans en servitude chez une élite coloniale de Louisbourg, à l’ile Royale (aujourd’hui le Cap-Breton).
Depuis une vingtaine d’années, Charlene Chassé incarne Marie Marguerite Rose au Lieu historique national de la Forteresse-de-Louisbourg.
Affranchie en 1755, elle épouse un Mi’kmaq et ouvre une taverne et une pension. Elle se hisse ainsi au rang de commerçante. Elle fait partie des trois seules femmes esclaves qui seront affranchies à l’ile Royale.
Capturée en Afrique de l’Ouest, aujourd’hui la Guinée, Marie Marguerite Rose arrive à l’ile Royale en 1736, à 19 ans environ. Elle y est vendue à un officier à Louisbourg; elle est renommée et baptisée. Dans la résidence de la famille Loppinot, elle est la principale domestique et elle veille à la cuisine et à l’entretien ménager.
Entre 1713 et 1758, au moins 268 personnes auraient été esclaves à Louisbourg. Selon l’historien Ken Donovan, l’ile Royale en comptait 125 en 1757, ce qui représentait 3 % de la population. Sous le Régime français, 1 375 personnes noires auraient été esclaves.
Marie Marguerite Rose a été reconnue comme personnage historique national du Canada en 2008 puisqu’elle aurait été une des premières femmes d’affaires noires au Canada.
Dorimène Desjardins s’implique activement dans la mise sur pied des caisses populaires. Son mari Alphonse, inspiré par un débat à la Chambre des Communes où il travaille comme sténographe, s’intéresse au crédit coopératif et imagine – avec elle – un pacte social.
Dorimène, Alphonse et leur fille Albertine devant le Parlement à Ottawa en 1913.
En 1900, 132 personnes signent ce pacte. Une caisse d’épargne et de crédit voit ainsi le jour dans le domicile de la famille Desjardins, à Lévis, au Québec.
Dorimène Desjardins travaille concrètement à la fondation des caisses. À une époque où les femmes n’avaient pas le droit d’ouvrir un compte bancaire sans le consentement de leur mari, elle gère les activités quotidiennes de la caisse et prend part à l’orientation et à l’expansion du mouvement.
Avant 1920, elle participe à la fondation de 187 caisses d’économie au Québec, 24 en Ontario et 9 aux États-Unis. Le mouvement coopératif prend racine, partout au pays. L’historienne Maude-Emmanuelle Lambert écrit que plusieurs de ces comptoirs sont établis dans des foyers et tenus par des femmes.
Le décès de son mari, en 1920, révèle l’important rôle de Dorimène Desjardins. «Elle aura été assurément l’une des femmes les plus au courant de la question économique considérée au point de vue social», peut-on lire dans L’Action catholique à son décès, en 1932.
Sa contribution, peu documentée, est reconnue de son vivant. Tombée ensuite dans l’ombre, Dorimène Desjardins est depuis passée à l’histoire comme cofondatrice du mouvement.
À lire : Le Mouvement Desjardins en Ontario : 100 ans d’histoire (L’Express.ca)
La Franco-Manitobaine Gabrielle Roy écrit son premier roman à Montréal, Bonheur d’occasion. Inspirée par des promenades à pied dans un quartier défavorisé, la romancière décrit dans son livre la misère de la ville, une première. Son œuvre obtient un succès populaire et critique instantané.
Gabrielle Roy, en 1946.
Gabrielle Roy est née en 1909 à Saint-Boniface, au Manitoba. Enseignante de jour, elle consacre ses temps libres au théâtre, au Cercle Molière. Cette passion la mène à Paris et à Londres, où elle étudie l’art dramatique. Elle s’installe à Montréal au tournant des années 1940 et y travaille comme journaliste.
Bonheur d’occasion vaut maints prix à Gabrielle Roy. Elle sera la première personne à recevoir la médaille de l’Académie des lettres du Québec. Elle devient ensuite la première Canadienne à remporter le prestigieux Prix Femina, un prix littéraire établi en 1904. Le Prix littéraire du Gouverneur général sera décerné à la version anglaise du roman, intitulé The Tin Flute.
On dit que Bonheur d’occasion a contribué à renouveler le roman au Québec et au Canada en y introduisant le réalisme urbain. N’empêche, le Manitoba constitue pour Gabrielle Roy «un réservoir de souvenirs et d’images ineffaçables», écrit le spécialiste François Ricard.
Gabrielle Roy demeure une figure dominante de la littérature contemporaine et est reconnue comme une grande auteure sur la condition humaine.
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Jeanne Sauvé est la première femme désignée présidente de la Chambre des Communes, en 1980. Devant la Chambre, elle se montre ferme – elle doit veiller au maintien de l’ordre et du décorum – et impartiale. Mais dans les coulisses, elle revoit des pratiques inefficaces et allège la bureaucratie.
Jeanne Sauvé, gouverneur général, et son mari Maurice Sauvé, à Ottawa, en 1984.
Jeanne Sauvé est née en Saskatchewan en 1922 et a grandi à Ottawa. De retour au Canada après un séjour en Europe, elle mène une carrière de journaliste et de commentatrice politique pendant 20 ans.
Elle fait le saut en politique fédérale en 1972 en se faisant élire dans une circonscription du Grand Montréal. Elle devient la première femme francophone à entrer dans le Cabinet du gouvernement fédéral, notamment à titre de ministre de l’Environnement et aussi des Communications.
En 1984, elle est assermentée comme gouverneur général du Canada et devient la première femme à représenter la couronne britannique au Canada. C’est aussi à Jeanne Sauvé que l’on doit la première garderie sur la colline du Parlement.
Soulignons qu’en 1980, la présidence de la Chambre n’est pas choisie par la Chambre, comme c’est le cas depuis 1986. C’est plutôt le premier ministre qui propose une nomination à la Chambre.
Le 6 mars 2025, Parcs Canada a désigné Jeanne Sauvé comme une personne d’importance historique nationale.
Pour lire les articles complets : https://francopresse.ca/
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Troubles physiques résultant d’agressions sexuelles, «douleurs physiques de longue durée», difficultés liées à la reproduction et aux menstruations : «Les problèmes spécifiques aux femmes sont invisibles», déclare une vétérane nommée Christine Wood dans un rapport d’étude du Comité permanent des anciens combattants.
«Il existe un énorme manque de connaissances sur la manière de soutenir les femmes, tant en matière de performance que de médecine et de soins de santé», appuie la chercheuse Chris Edwards, qui étudie les considérations sexospécifiques relatives à la performance et aux blessures chez les militaires et intervenants d’urgence, en entrevue avec Francopresse.
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Malgré les lacunes qui persistent en santé féminine, Chris Edwards, qui a témoigné devant le Comité, remarque une évolution au sein des Forces armées canadiennes (FAC).
«L’“unisexe” est un mythe créé par la maitrise des couts, explique Rebecca Patterson. Dans le contexte militaire, si l’équipement te fait mal, tu es plus à risque d’être blessée.»
«Depuis le comité en fait, il y a eu une poussée d’efforts, observe-t-elle. Les [FAC] ont récemment fait leur premier entrainement avec un avatar féminin.» Avant cette année, les soins de santé étaient seulement pratiqués sur l’avatar d’un corps masculin.
«Si quelqu’un n’a pas été formé à retirer un soutien-gorge pour vérifier des blessures à la poitrine… dans ces moments [de haut stress], c’est la mémoire musculaire qui prend contrôle, explique Chris Edwards. Il faut donc répéter et répéter lors des entrainements. Comme ça, quand ça arrive pour de vrai, on le fait sans même y penser.»
Un autre exemple concerne les changements corporels liés à la périménopause et à la ménopause, pour lesquels il existe désormais des «guides très clairs». «C’est très important que nous regardions le sexe biologique quand on considère la santé», dit-elle.
«Du travail se fait», reconnait de son côté la vétérane et sénatrice Rebecca Patterson, notamment au niveau de l’accès aux culottes et produits menstruels. «Des appareils urinaires pour permettre aux femmes d’uriner debout lorsqu’elles sont sur le terrain ont aussi fait leur apparition dans les dernières années», ajoute-t-elle.
Le comité parlementaire a rapporté les témoignages de vétéranes ayant subi une ablation des seins afin de pouvoir porter l’uniforme militaire, conçu pour un corps typiquement masculin, confortablement.
La directrice de la branche «Santé des femmes et de la diversité» des FAC, Helen Wright, confie en entrevue avec Francopresse qu’elle et les collègues qu’elle a consultés n’avaient jamais entendu parler d’ablation des seins avant le rapport du comité.
Helen Wright estime que l’équité permet de considérer les spécificités des femmes. C’est le principe qui guide la branche qu’elle dirige, «Santé des femmes et de la diversité», au sein des FAC.
Selon elle, la décision d’effectuer cette modification corporelle résulte d’une réflexion plus «large» et «compliquée» qu’un uniforme mal adapté.
Pourtant, Le Droit rapportait il y a quelques semaines que certaines femmes qui travaillent actuellement au sein des FAC songent, encore aujourd’hui, à réduire la taille de leurs seins à cause de l’uniforme.
Helen Wright assure que de la recherche est présentement menée sur le remodelage d’uniformes, de la protection balistique, de sacs à dos spéciaux et sur la santé des femmes en général. Du personnel spécialisé en santé féminine a aussi été intégré aux FAC.
«Il demeure encore du travail à faire […] Mais je dirais qu’à partir du moment où on est assis devant un médecin ou autre professionnel de la santé, on reçoit le même niveau de qualité dans les soins, que l’on s’identifie comme une femme, un homme ou à une diversité de genre», assure Helen Wright.
À son avis, le problème n’est pas dans la qualité des soins, mais dans la manière dont le système est conçu. Par exemple, le dépistage du cancer du col de l’utérus peut s’avérer difficile quand on fait de longs séjours à l’étranger, car les rendez-vous de dépistage peuvent devoir attendre, illustre Helen Wright.
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«La neutralité de genre exclut les femmes», a statué Rebecca Patterson devant le comité parlementaire. Pendant longtemps, cette neutralité résultait de la prédominance masculine au sein des FAC.
C’est ce qui faisait en sorte, par exemple, que les uniformes n’étaient pas adaptés au corps typiquement féminin, explique-t-elle en entrevue avec Francopresse. «Les femelles et les femmes ont des différences biologiques et sociales qui doivent être prises en compte.»
Aujourd’hui, la neutralité de genre a une tout autre signification.
Maya Eichler est professeure agrégée d’études politiques et d’études féminines. Elle est également directrice du Centre pour l’innovation sociale et l’engagement communautaire dans les affaires militaires à l’Université Mount Saint Vincent.
La chercheuse Maya Eichler a étudié le genre au sein des FAC. L’approche de neutralité de genre était au départ une manière d’éviter les politiques discriminatoires, explique-t-elle. «C’était plus comme une cécité au genre.»
Les enjeux spécifiques aux femmes étant ainsi ignorés, les choses ont changé, notamment par le financement de recherches sur la santé des femmes. Ce qui est encore plus nouveau, dit-elle, c’est l’ajout des questions de diversité de genre.
«Dans un sens, ça vient d’une bonne place parce qu’ils tentent d’être inclusifs, mais je crois aussi que c’est potentiellement problématique parce que c’est peut-être en train de réduire la visibilité des expériences distinctes des femmes.»
«Souvent, ils vont mettre les femmes, 2SLGBTQI+ et la diversité de genre, bref, tous ceux qui ne sont pas des hommes, dans un même panier. Je vois là une nouvelle façon par laquelle les femmes sont potentiellement invisibilisées, poursuit Maya Eichler. Il faut trouver un équilibre.»
Des vétéranes ont exprimé à Helen Wright une préoccupation similaire quant au titre de la branche «Santé des femmes et de la diversité» : «Certaines ne sont pas très contentes que l’on ait ajouté “diversité”, parce qu’elles pensent que ça retire de l’attention aux femmes.»
À son avis, il n’y a pas de risque d’invisibiliser les femmes, parce qu’il y a justement une emphase sur la diversité des besoins, y compris ceux des femmes. «Ce qu’est une femme au sein des FAC englobe en fait un large éventail d’individus. On ne peut pas séparer les autres éléments de l’identité de quelqu’un pour dire que c’est juste une femme.»
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Steven MacKinnon a annoncé des financements additionnels pour 14 organismes à travers le pays, dont 13 francophones en situation minoritaire, pour aider à favoriser des marchés du travail bilingues.
Lundi, la députée francophone d’Ottawa–Vanier, Mona Fortier, a dévoilé que le gouvernement fédéral avait dépassé le seuil de 6 % d’immigrants francophones qu’il s’était fixé pour 2024, atteignant 7,21 %.
Marché du travail francophone
L’élue a également annoncé plusieurs financements pour la francophonie, prévus pour la plupart dans le Plan d’action pour les langues officielles 2023-2028.
Le programme «Nouvel élan», financé à hauteur de 836 000 $ sur deux ans, soutient le recrutement de talents francophones qualifiés, en mettant en relation des employeurs et candidats à Paris en France, Douala au Cameroun et en ligne.
Une enveloppe de 909 000 $ sur quatre ans doit répondre à la pénurie de main-d’œuvre dans le Nord de l’Ontario. L’Ontario accueillera 90 réfugiés et travailleurs qualifiés francophones ainsi que leurs familles.. Ce montant cible aussi les secteurs prioritaires dans les communautés francophones rurales.
Le président-directeur général du RDÉE Canada, Yan Plante, a affirmé vouloir voir plus de données liées à la francophonie économique, en plus du recensement.
Mercredi, le gouvernement du Canada a ajouté 20,5 millions de dollars sur cinq ans (2023-2028) au Fonds d’habilitation pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire (FH-CLOSM), en plus du financement des 74,5 millions déjà prévus.
L’annonce a été faite par le ministre fédéral de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et du Travail, Steven MacKinnon.
Ce fonds soutient 14 organismes à travers le pays pour renforcer le développement économique. Treize d’entre eux sont dédiés aux francophones hors Québec et un aux anglophones du Québec.
Yan Plante, le président-directeur général du Réseau de développement économique et d’employabilité (RDÉE) Canada a confirmé en entrevue avec Francopresse que son organisme avait des «attentes» sur les données des francophones et l’emploi, en plus du recensement des ayants droit.
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Appui à la petite enfance francophone
Une étude faite par la Commission nationale des parents francophones (CNPF), avec 592 000 $ sur trois ans, vise par ailleurs à faciliter la reconnaissance des diplômes étrangers en petite enfance.
Cette enveloppe fait partie des 47,7 millions de dollars alloués à la CNPF pour mettre sur pied le Réseau d’intervenants en petite enfance, qui coordonnera la mise en place d’initiatives spécifiques pour les communautés francophones en situation minoritaire partout au Canada.
L’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne (ACUFC) reçoit quant à elle 16,3 millions de dollars afin d’élargir et poursuivre le développement de programmes de formation initiale, continue et spécialisée de la petite enfance.
La députée Mona Fortier a souligné le recrutement de 100 éducateurs francophones formés à l’étranger en petite enfance par l’Association francophone à l’éducation des services à l’enfance en Ontario (AFÉSEO). L’appui fédéral s’élève à 525 000 $ sur quatre ans.
Des fonds pour la vie communautaire en français
Mercredi, le député d’Ottawa–Centre, Yasir Naqvi, a débloqué les 8,5 millions de dollars prévu dans le Plan d’action pour les langues officielles pour cinq organismes qui appuient l’enseignement et les études en français.
Enfin, Mona Fortier a annoncé le même jour que le programme Nouveaux Horizons pour les ainés reçoit un montant maximal de 342 805 $ pour financer 16 projets communautaires dans la région d’Ottawa–Vanier. Un appui qui aidera les ainés à vieillir avec une meilleure sécurité financière.
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les mercredis et samedis
À la veille de l’application des 25 % de taxes américaines désirées par Donald Trump sur les biens canadiens, Justin Trudeau a affiché un ton plus dur.
Mercredi, lors d’un appel entre Justin Trudeau et Donald Trump – que le premier ministre canadien a qualifié de «coloré» – et en pleine semaine d’application des tarifs douaniers américains de 25 % sur les biens canadiens, les premiers ministres des provinces et territoires et le fédéral ont décidé de lever tout obstacle interprovincial, en signe d’unité face aux États-Unis.
Jeudi, Donald Trump a signé un décret pour finalement exempter jusqu’au 2 avril les biens canadiens et mexicains inclus dans l’Accord Canada-États-Unis-Mexique. Ce qui se profile : Les premiers ministres ont ainsi décidé de réduire les barrières au commerce et à la mobilité de la main-d’œuvre afin de faciliter la libre circulation des biens, des services et des travailleurs au Canada. Le Québec conservera des mesures adaptées à ses spécificités linguistiques.
Pierre Poilievre s’est quant à lui porté à la «défense» des Canadiens, mardi, dans un message destiné à Donald Trump.
Ils ont aussi insisté sur la reconnaissance mutuelle des compétences professionnelles entre provinces et territoires, avec l’objectif de réduire à 30 jours maximum le délai de validation des titres de compétences. Un plan pancanadien devrait voir le jour le 1er juin prochain.
Ils ont aussi encouragé la consommation de biens canadiens en réduisant les différences règlementaires entre provinces.
Jeudi, Justin Trudeau a rappelé que cette guerre commerciale était «injustifiée». Plus tôt dans la semaine, il avait déclaré que la décision du président Trump sur les tarifs était «stupide».
Le même ton dur a été employé par Pierre Poilievre mardi. «Le président Trump a trahi le meilleur ami des États-Unis», a fustigé le chef conservateur.
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Justin Trudeau a annoncé jeudi un prolongement de cinq ans, de 2026 à 2031, du programme fédéral de garderies, avec des ententes totalisant près de 37 milliards de dollars signées pour l’instant avec 11 provinces et territoires.
Enjeu : L’objectif est de créer plus de places à 10 $ par jour et d’augmenter le financement de base de 3 % par an dès 2027-2028 pour couvrir les couts d’exploitation.
L’ancien député libéral d’Halifax Andy Fillmore a été élu maire de la ville l’automne dernier.
L’Ontario a confirmé sa participation, mais des négociations sont encore en cours avec l’Alberta et la Saskatchewan.
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Une élection partielle fédérale se tiendra le 14 avril prochain dans la circonscription d’Halifax, en Nouvelle-Écosse. L’annonce a été faite par Justin Trudeau, dans la foulée de la démission du député Andy Fillmore, élu maire d’Halifax à l’automne dernier.
Si des élections fédérales sont déclenchées avant le 14 avril, l’élection partielle sera toutefois annulée, a précisé Élections Canada plus tôt cette semaine.
«Pendant un accouchement, le niveau de stress est déjà super haut. Alors quand ça n’est pas dans sa langue, c’est super difficile. On ne peut pas nécessairement dire ce que l’on veut et ce que l’on ressent […] On espère se faire comprendre», confie la Franco-Canadienne, Adeline Dubreuil-Mahé, qui habite aujourd’hui dans la région d’Halifax.
Vanessa April-Gauthier est une doula postnatale bilingue dans la région d’Halifax.
La mère de famille, arrivée au Canada il y a 18 ans, a donné la vie à son premier enfant en Colombie-Britannique. Son accouchement a duré 36 heures, et les médecins ont dû pratiquer une césarienne en urgence.
Adeline Dubreuil-Mahé n’a pas oublié l’anxiété ressentie par rapport aux termes médicaux inconnus, son «air ahuri» devant le personnel médical purement anglophone, les questions continuelles qu’elle posait sur les produits qu’il lui injectait.
«On n’a pas toujours la force de penser vite dans une langue qui n’est pas la sienne. J’ai réussi tant bien que mal à comprendre, car je m’étais préparée. J’avais lu des livres en anglais pour m’éduquer», témoigne-t-elle.
«Quand on accouche, on n’est pas nécessairement en contrôle de son cœur et de son cerveau. Si en plus ce n’est pas dans sa langue, on se sent encore plus vulnérable et sous pression», abonde dans le même sens la doula postnatale à Halifax, Vanessa April-Gauthier.
Le second bébé d’Adeline Dubreuil-Mahé est né à Halifax trois ans et demi plus tard, en pleine pandémie de COVID-19.
On ne nous a jamais proposé de services en français, car ils n’ont pas de staff bilingue. Ce n’est pas normal. Il y a un très grand manque.
Durant le premier trimestre de grossesse, des saignements l’obligent à se rendre aux urgences. Elle doit attendre sept heures à l’hôpital, «seule et complètement terrorisée», avant de voir un médecin : «Il a essayé de me rassurer avec quelques mots de français, mais c’était largement insuffisant.»
La sagefemme Elizabeth LeBlanc, originaire du Nouveau-Brunswick, a également «perdu» son anglais durant son deuxième accouchement en Ontario.
«La plupart des fournisseurs de soins sont surchargés et ont de moins en moins de temps à passer avec les patientes», regrette la sagefemme Elizabeth LeBlanc.
«Pour moi, c’est une langue apprise. Je n’étais plus capable d’exprimer mes besoins, mes émotions. Heureusement que mon mari était là pour me traduire», raconte l’Acadienne.
«Ça m’a vraiment marqué. J’ai réalisé l’importance d’avoir des soins dans sa langue maternelle. C’est tellement bénéfique pour la qualité des soins», poursuit-elle.
Des services de traduction sont disponibles dans la plupart des hôpitaux, mais les gens préfèrent souvent faire appel à des proches, rapporte la professeure au Département de médecine familiale de l’Université d’Ottawa et chercheuse à l’Institut du savoir Montfort à Ottawa, Marie-Hélène Chomienne.
Elle ne recommande cependant pas cette pratique : «La patiente ne voudra pas forcément tout dire à un ami. Si un résultat d’échographie est inquiétant, c’est très délicat de le dire d’abord à un tiers qui va ensuite le traduire. Il n’aura pas toujours les bons mots.»
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Installée à l’Île-du-Prince-Édouard depuis juillet dernier après avoir exercé comme sagefemme plusieurs années en Ontario, Elizabeth LeBlanc est devenue pour sa part une «militante». Elle met un point d’honneur à proposer des services en français de façon proactive.
Quand il y a des complications pendant une naissance, on n’a souvent pas le temps d’expliquer et de traduire ce qui se passe. Chaque seconde compte. Ça peut être source de traumatisme.
«On en est rendu au point où les francophones doivent demander des soins en français. Ce n’est pas proposé, ce n’est pas normal», dénonce Adeline Dubreuil-Mahé en Nouvelle-Écosse.
«Il peut y avoir des bris de communication quand le professionnel de santé ne parle pas la même langue maternelle, même si la patiente est bilingue. Les conséquences peuvent être très graves», confirme Marie-Hélène Chomienne.
«Les femmes peuvent se sentir mal à l’aise et mises de côté. Les médecins ont tendance à ne pas tout leur expliquer en détail, car elles sont francophones», ajoute-t-elle.
À ses yeux, la «concordance de la langue» est d’autant plus importante pour détecter des problèmes de santé mentale, comme la dépression postpartum.
Elizabeth LeBlanc insiste à cet égard sur l’importance de partager en amont le plus d’informations possible sur les urgences et les ennuis pouvant survenir pendant et après une naissance.
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De nombreuses femmes enceintes n’ont néanmoins pas la chance d’être suivies par une sagefemme durant leur grossesse.
«Nous ne sommes pas assez nombreux et, en français, c’est pire. Il y a des listes d’attente partout, que ce soit ici à l’île[-du-Prince-Édouard] ou dans le reste du Canada», affirme Elizabeth LeBlanc.
La situation s’est fortement aggravée depuis la fermeture, en 2021, du programme de formation de sagefemmes de l’Université Laurentienne, en Ontario. Il s’agissait du seul et unique cursus en français à l’extérieur du Québec.
«L’accouchement est parfois le moment le plus douloureux de ta vie. Ce n’est pas un moment où tu as la force de parler dans une langue qui n’est pas la tienne», affirme la sagefemme Kim Cloutier Holtz.
Selon Kim Cloutier Holtz, sagefemme depuis quinze ans dans la région du Témiscamingue dans le Nord de l’Ontario, les universités d’Ottawa et de Lakehead montreraient de l’intérêt pour relancer le programme.
«Mais ça ne va pas se faire du jour au lendemain. Ça prendra quatre à cinq ans avant d’avoir la première vague de gradués capables d’exercer», prévient Kim Cloutier Holtz.
En attendant, la Franco-Ontarienne est seule pour servir une population de quelque 16 000 personnes. Elle accompagne environ 40 futures mamans chaque année et doit refuser de nombreuses clientes. «Je pourrais embaucher deux autres sagefemmes pour répondre à la demande», relève-t-elle.
Forte de son expérience, Adeline Dubreuil-Mahé a, elle, décidé de se reconvertir comme doula postpartum. Avec l’envie de soutenir les jeunes mamans dans la période qui suit la naissance.
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Rachel Bendayan : Je sais que c’est très attendu, par mes conversations avec les parties prenantes. J’ai pu rencontrer la ministre [Ginette] Petitpas-Taylor pour en parler. On travaille de concert là-dessus évidemment.
C’est le Conseil du Trésor qui est responsable, mais je suis le dossier de très près, étant donné que j’ai les deux autres règlements qui sont également attendus.
On veut s’assurer que tous nos règlements, les trois, soient vraiment à la hauteur. Évidemment, il y a énormément d’exigences en matière de consultations et pour bien les faire, ça prend du temps, mais nous serons prêts pour les déposer en temps et lieu en Chambre.
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Je pense qu’il faut commencer par trouver un nouveau chef et ensuite on verra. Effectivement, moi, mes instructions – et je pense que c’est le cas également pour la ministre Petitpas Taylor – c’est d’être prête [à aller en élections] si jamais.
On a eu notre première rencontre [avec les provinces et territoires, NDLR] le 20 février et c’était une très belle rencontre. Je vois une volonté incroyable de faire avancer le fait français partout à travers le pays.
Pour ce qui est des ententes bilatérales, la Colombie-Britannique a signé. J’ai vraiment hâte de voir la réaction de la communauté francophone dans la province parce que je sais qu’il y a des parents sur des listes d’attente pour envoyer leurs enfants dans des écoles bilingues ou de français et c’est très important de continuer à promouvoir et à encourager cette volonté de notre population pour l’éducation en français.
D’autres annonces sont prévues dans les prochains jours et semaines et, vraiment, la réaction de mes homologues à date était très positive.
Bien au contraire, quant à moi, elle a toute sa place. Renforcer notre identité est exactement de ce dont on parle en ce moment, renforcer notre identité canadienne, ce qui nous rend si spécial en tant que pays. C’est assurer nos valeurs et, pour moi, c’est très d’actualité.
C’est important de s’en rappeler dans ces moments où notre souveraineté est menacée. On se pose la question : «Qu’est-ce qu’on pourrait perdre?»
Et on peut perdre énormément. Nous avons nos propres forces, nos propres richesses en tant que Canadiens et de ce que je vois et ce que j’entends sur le terrain, c’est que les Canadiens veulent aller au front pour les défendre.
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De un, moi je ne l’entends pas ici au Québec. De deux, je dirais que notre gouvernement a sorti un plan afin de financer Radio-Canada. Je ne vois pas comment les gens qui ont à cœur nos deux langues officielles peuvent même considérer de voter pour un parti qui veut fermer [CBC].
Nous avons davantage besoin de nos institutions publiques comme [CBC/Radio-Canada] pour non seulement s’assurer de la diffusion dans nos deux langues des informations, mais aussi comme enjeu de sécurité nationale et de souveraineté canadienne.
Je n’aime pas trop me fier aux sondages, mais on sent quand même un vent de changement. Puis c’est clairement ce que j’entends sur le terrain.
Les propos ont été réorganisés pour des raisons de longueur et de clarté.
Pendant 160 ans, le gouvernement canadien et plusieurs églises chrétiennes ont mené un projet d’assimilation culturelle et linguistique à l’endroit des peuples autochtones. Ils ont forcé environ 150 000 enfants à vivre, étudier et travailler en anglais ou en français.
Des conditions similaires existaient dans les externats (ou écoles de jour), où régnaient les mêmes enseignements racistes et dégradants et les mêmes interdictions de parler les langues autochtones.
Hors du Québec, là où des francophones géraient les écoles ou enseignaient aux enfants en anglais, les adultes pouvaient parler français et continuer de vivre en français. Une énorme masse de documents atteste que les catholiques francophones travaillaient la plupart du temps en français.
Les enfants les entendaient donc se parler en français et pouvaient apprendre quelques mots de la langue… surtout ceux qui les dénigraient (on m’a ainsi souvent parlé de l’impact négatif du mot «sauvage»).
Au-delà des pensionnats, les autorités politiques, religieuses et sociales ont également mené une attaque en règle contre les langues et les cultures autochtones.
Les économies autochtones ont été décimées, notamment par l’occupation et l’exploitation des terres par les Européens, par la mise en place du système de laissez-passer et par la pratique systématique de destruction des efforts de développement économique au niveau communautaire. Sans oublier les épidémies.
Pour avoir la possibilité de participer à la société dominante, là où il n’y avait pas de pensionnats ou d’externats, les enfants autochtones devaient aller à l’école hors des réserves. Il leur était donc impossible de recevoir une éducation dans leur langue qui serait reconnue par la société dominante. Cette possibilité est en fait très récente.
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Ceci dit, le terme «assimilation» ne suffit pas pour parler de ces politiques d’éducation. Il serait trop facile de mettre côte à côte les politiques à l’endroit des peuples autochtones et celles à l’endroit des communautés issues de l’immigration européenne – canadienne-française, françaises, belges, certes, mais également d’Europe centrale et de l’Est, visées par la même politique d’éducation en anglais.
Il est question ici de génocide. La Commission de vérité et réconciliation du Canada a parlé de «génocide culturel» pour nommer la logique des pensionnats et leurs conséquences sur les peuples autochtones.
Toutefois, nous devons voir les pensionnats comme une seule institution aux côtés des autres : les externats, les écoles mixtes, le système de laissez-passer, la Loi sur les Indiens, l’interdiction des pratiques spirituelles et culturelles, la destruction des économies, l’emprisonnement et la criminalisation, les déplacements forcés…
Dans les pensionnats autochtones anglophones, pendant que les jeunes ne pouvaient pas utiliser leur langue, les francophones qui leur enseignaient pouvaient parler français.
L’assimilation linguistique est ainsi l’une des composantes du génocide des peuples autochtones qui continue aujourd’hui, bien au-delà de la culture. Les langues autochtones ne sont pas «en danger», elles ne «disparaissent» pas : elles ont été longtemps attaquées directement, suivant l’objectif de les faire disparaitre avec les peuples autochtones.
Aujourd’hui, le manque d’un appui sérieux à leur développement limite les moyens pour contrer leur destruction et solidifier leur transmission.
Un déséquilibre important existe entre l’appui au français en situation minoritaire, et l’appui aux langues autochtones. Si les sommes d’argent peuvent paraitre comparables, il faut se rappeler que le soutien à l’éducation en français s’ajoute aux budgets provinciaux, tandis que le gouvernement fédéral finance entièrement les écoles dans les réserves.
Plus grave encore, ces écoles sont sous-financées et plusieurs ont besoin de rénovations importantes, et les gouvernements dépensent moins pour les enfants autochtones que pour les enfants qui vivent hors des réserves.
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Nous avons certes appris à reconnaitre «la présence et l’apport millénaire des peuples autochtones sur le continent nord-américain». Après tout, les langues autochtones font partie du patrimoine culturel immatériel de l’humanité, mais surtout des peuples autochtones eux-mêmes. Par la manière dont elles nomment, décrivent et présentent l’environnement non humain, elles permettent de sortir des relations coloniales avec les territoires occupés par le Canada.
Toutefois, entre une reconnaissance, un rappel symbolique et un appui, voire une véritable solidarité, assez de pas ont été faits : il est plutôt temps de se mettre en marche et de commencer le travail.
Un véritable soutien aux langues autochtones commence évidemment par la création de relations, de liens plus serrés et de solidarités entre les groupes minorisés au niveau linguistique.
Ce soutien doit servir les objectifs déjà décidés et partagés par les peuples autochtones, et avoir lieu dans le respect de leur souveraineté en tant que peuples.
Après tout, de nombreuses initiatives existent déjà : rassemblements de gardiens et gardiennes des langues, forums en milieu urbain, sommets internationaux, écoles d’immersion et maints projets de revitalisation au niveau des communautés, dont les programmes de mentorat ainsi que la Décennie internationale des langues autochtones.
Ainsi, la création de politiques linguistiques communautaires qui incluent explicitement une solidarité avec les peuples autochtones du territoire de chaque communauté francophone permettrait de contribuer à la défense des droits des peuples autochtones, qui incluent les droits linguistiques. Aussi d’envisager ce que pourraient signifier des réparations de la part des francophones.
Bref, nous devons repenser les langues officielles. Celles-ci ont été, et demeurent, des langues de colonisation. Les penser en isolement des langues autochtones, c’est continuer les aspects linguistiques du colonialisme.
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Jérôme Melançon est professeur titulaire en philosophie à l’Université de Regina. Ses recherches portent généralement sur les questions liées à la coexistence, et notamment sur les pensionnats pour enfants autochtones, le colonialisme au Canada et la réconciliation, ainsi que sur l’action et la participation politiques. Il est l’auteur et le directeur de nombreux travaux sur le philosophe Maurice Merleau-Ponty, dont La politique dans l’adversité. Merleau-Ponty aux marges de la philosophie (MétisPresses, 2018).
Au lendemain du dévoilement du dépassement de la cible en immigration francophone, la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) se dit «satisfaite» en entrevue, par la voix de sa présidente, Liane Roy.
En 2003, Stéphane Dion, ancien ministre responsable des Langues officielles au début des années 2000, avait établi la cible d’immigrants francophones en dehors du Québec à 4,4 % pour 2008. Celle-ci avait été atteinte puis dépassée pour la première fois par le gouvernement fédéral en 2023.
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Changement de volonté
Pour Liane Roy, le dépassement récent de la cible s’explique à la fois par un changement dans la volonté politique du gouvernement, un changement de culture gouvernementale, ainsi qu’une meilleure prise en compte des revendications de la FCFA à ce sujet.
Liane Roy se dit confiante quant à l’atteinte de la cible de 10 % d’ici deux ans, mais la FCFA pousse encore pour atteindre un objectif de 12 %, ce qui permettrait de rétablir le poids démographique des francophones hors Québec.
«Ils ont compris qu’il faut mettre des mesures en place. Et qu’on ne peut pas faire du recrutement francophone dans nos régions comme on en fait pour l’immigration en général», ajoute la présidente.
Liane Roy salue ici les Programmes pilotes annoncés par le gouvernement fédéral en 2024, qui disposent d’une «lentille francophone» selon la FCFA, ainsi que l’annonce toute récente de 909 000 $ sur quatre ans pour répondre au besoin de main-d’œuvre dans le Nord de l’Ontario, en liant des réfugiés et des travailleurs qualifiés avec des employeurs locaux.
Si elle reconnait que le travail se poursuit «sur une bonne voie», la FCFA pousse encore pour que le Canada atteigne 12 % d’immigrants francophones en dehors du Québec afin de rétablir le poids démographique des francophones de 1971, qui était de 6,1%.
«C’est inscrit dans la Loi [sur les langues officielles, NDLR] maintenant», rappelle Liane Roy.
Marc Miller a annoncé une série de mesures en faveur de l’immigration francophone hors Québec depuis l’atteinte de la toute première cible de 4,4 %, en janvier 2024.
«Le problème, c’est la rétention»
Pourtant, le ministre fédéral d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), Marc Miller, avait affirmé en novembre à Francopresse qu’une cible de 10 % serait «trop demander» à son ministère, justifiant que l’immigration n’est pas l’unique solution pour rétablir le poids démographique des francophones hors Québec.
«Atteindre les 10% d’immigration francophone n’est pas un problème en soi,. En revanche, le problème, c’est la rétention, c’est de s’assurer que les immigrants [francophones] ont des emplois, des ressources. On veut qu’ils soient bien soutenus, affirme la directrice des communications du bureau du ministre Miller, Aïssa Diop, en entrevue avec Francopresse.
IRCC veut s’assurer que les francophones qui s’installent au Canada aient des ressources pour ensuite augmenter les cibles «au fur et à mesure», souligne encore Aïssa Diop.
Du côté des conservateurs, le député québécois chef de file en matière de Langues officielles, Joël Godin, assure que «c’est un pas», mais «pas la solution magique pour faire en sorte de stopper le déclin français au Canada».
«Si on réduit les cibles [générales en immigration], mais qu’on augmente le pourcentage de francophones hors Québec, celui-ci va diminuer. C’est probablement de la poudre aux yeux pour mettre la table pour une prochaine campagne électorale.»
Les cibles en immigration francophones
Dans son Plan des niveaux d’immigration 2025-2027, le gouvernement fédéral a relevé les cibles en immigration francophone tout en réduisant celles de l’immigration totale.
Les cibles en admissions de résidents permanents d’expression française ont été fixées à 8,5 % en 2025; 9,5 % en 2026 et 10 % en 2027.
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Services en français : «On ne peut pas les financer tous»
Au pays, plus de 250 points de service d’établissement offrent des services en français – parfois partiellement – pour les nouveaux arrivants dans les régions à majorité anglophone.
Les communications du ministre rappellent qu’au pays, «IRCC prévoit d’investir environ 1,2 milliard de dollars pour répondre aux besoins des nouveaux arrivants en matière d’établissement hors Québec».
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Ce financement vise toutefois les services francophones et anglophones. Le chiffre dédié aux francophones hors Québec uniquement n’a pas été communiqué à Francopresse avant de publier cet article.
Par ailleurs, malgré l’assurance d’IRCC concernant sa volonté de fournir des ressources pour accueillir et retenir les immigrants francophones, certains points de services francophones ont essuyé des refus de financement de la part du ministère.
«On a beaucoup de demandes de la part des services d’établissement, répond le bureau du ministre. Il faut qu’on soit honnêtes avec les gens pour dire qu’on va financer des services d’établissement, mais on ne peut pas les financer tous. C’est une question de l’offre présente dans la région.»
L’attachée de presse du ministre Miller assure que, si dans une même région, il y a deux points qui offrent le même type de services en français, il faut faire un choix entre les deux.
De son côté, Liane Roy répond prudemment que l’essentiel est «d’avoir les services adéquats».