le Samedi 13 septembre 2025

«Si tout le monde part, qui va rester pour s’occuper du pays et faire changer les choses?», s’inquiète Vanessa Aboudi, doctorante à l’Université de Yaoundé au Cameroun et analyste à l’Institut politique Nkafu.

Depuis moins de cinq ans, l’immigration des Camerounais vers le Canada s’est emballée. Le Cameroun est devenu le premier pays de citoyenneté des résidents permanents francophones hors Québec.

Vanessa Aboudi évoque des expressions à la mode comme «Tout Camerounais est un Canadien qui s’ignore» ou «Camerounadien», témoins de l’engouement pour le pays à la feuille d’érable. Elle raconte les listes d’attente interminables pour passer le test d’évaluation de français à Yaoundé, la capitale.

Avec un taux de chômage réel estimé à plus de 75 %, un salaire moyen d’un peu plus de 600 dollars par mois et une inflation de près de 4 %, «la population camerounaise n’arrive plus à joindre les deux bouts», rapporte-t-elle.

Enseignants, infirmiers, médecins et ingénieurs voient dans le visa canadien «une chance de s’en sortir».

«Une chance de s’en sortir»

Les communautés francophones en milieu minoritaire attirent également de plus en plus de ressortissants originaires des pays du Maghreb.

«Le Canada ne peut pas endosser toute la responsabilité, la faute incombe d’abord au gouvernement algérien qui laisse filer ses ressortissants», considère le professeur Rouadjia Ahmed.

Photo : Courtoisie

«L’émigration est devenue une culture chez la plupart des Algériens. Ça touche toutes les couches de la société, y compris les cadres supérieurs», confirme le professeur d’histoire et de sociologie politique à l’université de Msila en Algérie, Rouadjia Ahmed.

Le phénomène prend aussi de l’ampleur en Tunisie voisine, endettée à hauteur de 80 % de son PIB et qui connait un taux de chômage de 16,2 %.

«L’étranger ne fait plus peur. Les Tunisiens sont prêts à se sacrifier pour l’avenir de leurs enfants», indique Adel Ben Youssef, professeur d’économie à l’Université Côte d’Azur, en France.

Entre 2015 et 2020, d’après les chiffres de l’Institut national de la statistique tunisienne, environ 39 000 ingénieurs ont choisi de s’expatrier. «Il y a un vrai sentiment de désespérance», alerte le professeur d’économie à l’Université de Sfax en Tunisie, Kaies Samet.

Au Sénégal, faute de places suffisantes dans le système sanitaire public, les jeunes médecins se tournent, eux aussi, vers l’étranger, selon le doyen de la Faculté de médecine, de pharmacie et d’odontostomatologie de Dakar, Bara Ndiaye.

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Pénurie de médecins et d’enseignants

Cette fuite des cerveaux contribue à gripper l’économie des pays d’origine des nouveaux arrivants. Que ce soit au Cameroun, en Algérie ou en Tunisie, les acteurs interrogés constatent des pénuries de personnel qualifié dans de nombreux secteurs.

Les politiques migratoires canadiennes provoquent des problèmes structurels chez nous, ça freine notre développement

— Vanessa Aboudi, à Yaoundé

Vanessa Aboudi note une «baisse notable du niveau d’éducation», avec des classes qui ne peuvent pas achever leur année scolaire, faute d’enseignants.

En Algérie, le manque de médecins se fait sentir. «L’État investit beaucoup d’argent et de ressources dans leur formation, puis les laisser partir, c’est un manque à gagner énorme», regrette Rouadjia Ahmed.

De son côté, Adel Ben Youssef estime que la croissance tunisienne plafonne en dessous de 1 % notamment à cause de la pénurie de profils compétents.

«C’est un fléau qui va continuer même si la situation économique et sociale s’améliore, car l’écart global de technologie et de développement ne cesse de s’accroitre entre les pays industrialisés et ceux en développement», poursuit Kaies Samet.

L’économiste n’hésite pas à parler de «cercle vicieux» : «Plus les gens partent, plus le pays s’appauvrit et plus il s’appauvrit, plus les gens veulent partir.»

«La France n’est pas un pays très uni depuis quelque temps, les clivages politiques sont très forts. Les jeunes ne se sentent pas très représentés, ils ont la sensation qu’il y a un manque d’opportunités et ça les fait aller ailleurs», estime la chercheuse Cecilia Garcia-Peñalosa.

Photo : Charlène Pareau

La France perd aussi ses forces vives

Un nombre croissant de jeunes talents français choisissent d’émigrer au Canada. Selon la directrice de recherche du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) à l’École d’économie d’Aix-Marseille, Cecilia Garcia-Peñalosa, ce sont majoritairement des scientifiques, des ingénieurs et des entrepreneurs issus des grandes écoles.

À ses yeux, cette expatriation peut fragiliser le modèle français et peser sur le système de protection sociale français : «À l’âge où, normalement, ils devront contribuer à équilibrer les comptes sociaux et à rembourser le cout de leur formation, ces individus hautement qualifiés le feront dans d’autres pays développés.»

Cette mobilité peut néanmoins avoir des retombées positives pour la France. Des études montrent en effet que «l’émigration des talents renforce les liens commerciaux et favorise les exportations et la croissance». Une augmentation de 10 % du nombre d’immigrants entre deux pays stimule le commerce bilatéral de 1 %, rapporte Cecilia Garcia-Peñalosa.

Politique migratoire «utilitariste»

Dans ce mouvement de fond, «la préférence pour le Canada n’a jamais baissé, car le pays, avec ses politiques d’accueil très attractives, bénéficie d’une image plus sympathique que d’autres», observe Adel Ben Youssef.

À Ottawa, le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, Marc Miller, assume : «C’est clair que ça m’interpelle. Évidemment, ça a un impact quand on va chercher des gens qui ont une spécialité dans ces pays, où ils seraient une source de richesse dans ces mêmes pays, mais en fin de compte, c’est le choix de ces gens-là.»

Pour la professeure de droit à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), Ndeye Dieynaba Ndiaye, l’objectif des politiques migratoires canadiennes reste «utilitariste» : «C’est écrit noir sur blanc dans la législation.»

L’article 3 (1) a) de la Loi fédérale sur l’immigration et la protection des réfugiés mentionne que l’objet de la présente loi est «de permettre au Canada de retirer de l’immigration le maximum d’avantages sociaux, culturels et économiques».

Toutes les politiques qui en découlent confortent cet objectif et n’incluent pas la dimension de l’impact sur les pays de départ, elles sont élaborées en fonction des besoins du Canada

— Ndeye Dieynaba Ndiaye, professeur de droit à l'UQAM

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Transferts d’argent, une «bouée de sauvetage»

L’immigration massive comporte quelques retombées positives. En 2019, les immigrants originaires des pays pauvres ont envoyé trois fois plus d’argent que l’ensemble de l’aide publique au développement dépensée par les nations riches dans le monde. 

Dans un rapport sur le sujet, la Banque mondiale qualifie cet argent de «bouée de sauvetage essentielle». 

«À court terme, ça a permis de stabiliser le déficit budgétaire, mais ce n’est pas suffisant pour relever l’économie, ce ne sont pas des investissements dans la création d’entreprises, dans des activités génératrices de revenus», affirme Adel Ben Youssef en Tunisie, où les transferts ont notablement augmenté depuis la pandémie de COVID-19.

Au Cameroun, Vanessa Aboudi reconnait que ces flux financiers aident les proches restés au pays. Elle se montre cependant prudente quant à leur impact réel et rappelle le cout exorbitant des procédures d’immigration canadienne : «Les familles investissent énormément d’argent et contractent des prêts qu’elles doivent rembourser.»

«Il faut arrêter le sens unique»

Le Tunisien Adel Ben Youssef s’inquiète de la problématique des enfants d’immigrants, «qui, une fois partis, sont définitivement perdus.»

Photo : Courtoisie

Pour freiner l’hémorragie des talents, les chercheurs incitent leur gouvernement respectif à se positionner. Vanessa Aboudi et Adel Ben Youssef insistent tous deux sur l’importance de se doter de politiques d’incitation au retour et de reconnaitre la «circularité» des politiques migratoires.

«Il faut arrêter le sens unique, les gens veulent être capables de partir quelques mois ou quelques années puis de revenir plus librement», affirme Adel Ben Youssef, estimant que ce serait «gagnant-gagnant».

Le Cameroun, par exemple, n’autorise pas la double nationalité et complexifie ainsi les envies de retour de ses ressortissants devenus citoyens canadiens.

À Montréal, Ndeye Dieynaba Ndiaye appelle à travailler sur les causes des migrations, en incluant dans la réflexion les pays d’origine, avec l’aide des diasporas. «Aujourd’hui, les politiques migratoires canadiennes sont conçues par des non immigrants pour des non immigrants. Nous avons besoin d’assises qui réunissent tous les acteurs.»

«Le Canada ne peut pas endosser toute la responsabilité, appuie Rouadjia Ahmed en Algérie. Les autorités doivent se retrousser les manches pour s’attaquer au profond malaise de notre société.»

Le Québec a, lui, décidé d’arrêter de recruter des infirmières en Afrique, en réponse à des pressions internationales. Il y a urgence, car aujourd’hui de moins en moins d’immigrants retournent s’installer dans leur pays d’origine.

Au Sénégal, Bara Ndiaye rappelle que le parcours est loin d’être facile une fois l’Atlantique franchi, mentionnant, entre autres, une reconnaissance des diplômes «pas évidente». Un sujet sur lequel le Canada travaille pour être encore plus attractif.

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Le Métis a été le premier journal de langue française au Manitoba. Il subsistera jusqu’en 1926. 

Photo : Internet Archive

Le 27 mai 1871 à Saint-Boniface, au Manitoba, Le Métis devient le premier journal francophone de la province.

Comme le chemin de fer n’a pas encore atteint la région, le propriétaire du journal, l’avocat Joseph Royal, a dû faire transporter l’équipement acheté au Minnesota par charrette à bœuf jusqu’à la rivière Rouge, puis par bateau. Quand on parle de pionniers…

Le Métis aura une durée de vie étonnante pour l’époque, subsistant jusqu’en 1926 alors que lui succède La Liberté, toujours en publication.

Cette longévité ne sera pas caractéristique de plusieurs premiers journaux francophones du pays, qui seront pratiquement mort-nés.

Des jours parfois éphémères

En 1858 parait Le Courrier de la Nouvelle-Calédonie, dans ce qui était alors la colonie de l’ile de Vancouver. Se définissant comme un «journal politique et communautaire», il rend l’âme près d’un mois plus tard, après une dizaine de parutions.

Il faudra attendre au XXe siècle pour que cette publication ait des successeurs : La Colombie, en 1945, Le Soleil de Vancouver (rebaptisé Le Soleil de la Colombie-Britannique), puis La Source, journal bilingue en circulation depuis 1999.

La Semaine nationale des journaux sera célébrée du 6 au 12 octobre. Une occasion de souligner le rôle encore important que jouent les médias d’information dans le bon fonctionnement et l’épanouissement des communautés francophones en situation minoritaire.

Le Progrès, fondé en 1858 à Ottawa, sera le premier journal de langue française en Ontario. Il entend servir les Canadiens français de la capitale et se veut être le «défenseur de leurs droits». Il ne les défendra cependant que six mois…

Trois autres journaux francophones distribués en Ontario l’avaient précédé, mais ils étaient tous publiés à Détroit. Il s’agit de la Gazette française (1825), L’ami de la jeunesse (1843) et Le Citoyen (1850), qui desservait tous trois la région de Windsor. Eux aussi ne survivent que quelques semaines ou quelques mois.

D’ailleurs, un nombre ahurissant de journaux français ou bilingues sont publiés aux États-Unis entre 1838 et 1911 (environ 200), dont une bonne partie en Nouvelle-Angleterre, qui a connu une vague d’émigration canadienne-française massive entre 1860 et 1900.

Encore une fois, la durée de vie de la très grande majorité de ces journaux ne dépasse pas quelques mois.

Après Le Progrès, le robinet d’encre s’ouvre également en Ontario. Entre 1870 et 1900, pas moins de 34 autres publications voient le jour dans cette province, très majoritairement à Ottawa et à Windsor.

La Gazette, devenue La Gazette de France, premier journal de l’Hexagone en 1631. Ici une édition de 1786. 

Photo : Wikimedia Commons, domaine public

Parlant de Gazette

La Gazette sera un titre de journal très populaire, en français comme en anglais. Le mot «gazette» s’est d’ailleurs longtemps employé comme synonyme de journal (au Canada francophone, plus souvent prononcé «gâzette»), même si ce sens est aujourd’hui vieilli.

Avant de traverser l’Atlantique, le nom de gazette désignait déjà le premier journal en France, publié en 1631 par Théophraste Renaudot (le prix Renaudot, c’est lui), «grâce» aux bonnes grâces d’un certain cardinal Richelieu.

En Nouvelle-France, il n’y avait étonnamment pas de journaux. La monarchie française interdisait l’imprimerie dans sa colonie, voulant éviter le brassage d’idées. Quelle idée!

Ainsi, en 1764, un an après que la Nouvelle-France soit devenue une possession britannique, est fondée La Gazette de Québec/The Quebec Gazette, une publication bilingue.

Mais un journal l’avait devancé dans la colonie voisine : la Nouvelle-Écosse (l’ancienne Acadie). Publié pour la première fois en 1752, la Halifax Gazette mérite la distinction d’être le premier journal dans ce qui deviendra le Canada.

Quant au premier journal uniquement de langue française en Amérique du Nord, l’honneur revient à la Gazette du commerce littéraire, fondé à Montréal en 1778. Disons que, côté titre, l’imagination n’était pas fertile.

Pas de gazette acadienne

En Acadie, il n’y aura pas de Gazette, mais plutôt des noms associés au territoire ou à la culture.

L’Acadie a eu son premier journal en 1867, fondé à Shediac, au Nouveau-Brunswick. Premier numéro du Moniteur Acadien

Photo : Wikimedia Commons, domaine public

Le premier-né est Le Moniteur Acadien fondé en 1867 à Shediac, près de Moncton, au Nouveau-Brunswick. Il s’agit d’une initiative d’un Québécois («Canadien», disait-on à l’époque), Israël Landry. Sa mission : «Venir en aide à notre pauvre peuple acadien en lui fournissant une feuille qui lui apprendra ce qu’il est, ce qu’il a été et ce qu’il est appelé à devenir.»

Valentin Landry fonde en 1887 le mythique journal L’Évangéline, qui cessera de paraitre en 1982. 

Photo : Wikimedia Commons domaine public

Le journal vivra jusqu’en 1926. Beaucoup plus tard, en 1984, un nouveau journal nait à Shediac et prend quelques années plus tard le nom de Moniteur acadien de son lointain prédécesseur.

Néanmoins, c’est un autre journal, L’Évangéline, qui deviendra le véritable journal du peuple acadien. Fondé en 1887 en Nouvelle-Écosse, il déménage à Moncton en 1905. Il devient définitivement un quotidien en 1949 et s’affirme comme un journal de combat pour la «cause» acadienne. Il ferme en 1982.

Deux ans plus tard, l’Acadie Nouvelle prendra la relève et deviendra un quotidien à son tour en 1989, non sans une bataille épique avec un autre journal, Le Matin, qui se présentait aussi comme le successeur de L’Évangéline.

À lire aussi : 1982 : La fermeture de «L’Évangéline» ébranle l’Acadie

Les journaux d’aujourd’hui

L’abbé Charles Charlebois, un oblat, principal cofondateur du Droit, en 1913. 

Photo : Courtoisie Archives Le Droit

L’Ontario français aura également son quotidien militant avec la parution du Droit, dès 1913, fondé par un père oblat en réaction à l’adoption du règlement 17 par le gouvernement provincial qui interdisait le français dans les écoles. Le journal sera l’un des rares de l’époque à subsister jusqu’à aujourd’hui.

Plusieurs autres journaux toujours en circulation s’ajoutent au fil des ans en Ontario, notamment Le Voyageur de Sudbury, L’Express de Toronto, L’Orléanais et La Tribune de Nipissing Ouest, Agricom, Le Goût de vivre, Le Nord et Le Régional. Et il y en a d’autres.

De même, dans l’Ouest du Canada, des journaux francophones naitront, comme L’Eau vive en Saskatchewan et Le Franco en Alberta, suivant les traces de journaux pionniers comme Le Patriote de l’Ouest et La Survivance.

Ailleurs, dans les provinces de l’Atlantique, Le Petit Courrier du Sud-Ouest de la Nouvelle-Écosse est fondé en 1937 et deviendra Le Courrier de la Nouvelle-Écosse qu’on connait aujourd’hui.

Les francophones de l’Île-du-Prince-Édouard comptent sur La Voix acadienne depuis 1975 et ceux et celles de Terre-Neuve sur Le Gaboteur depuis 1984. Au Nouveau-Brunswick, plusieurs autres naitront et mourront. Le Saint-Jeannois, fondé en 2002, est bien ancré dans la ville portuaire.

Les journaux francophones dans les territoires apparaissent à la même époque : L’Aurore boréale au Yukon (1983), L’Aquilon aux Territoires du Nord-Ouest (1986) et Le Nunavoix au Nunavut (2002).

Tous ces vaillants médias de la presse écrite naviguent parfois difficilement, alors que les défis de la transformation de l’univers médiatique se multiplient.

Bercer aux sons du monde

L’auteur-compositeur-interprète franco-ontarien Didier Lozano propose Merci, un rendez-vous musical aux sonorités de musique du monde.

Pochette de l’album Merci.

Photo : Page Facebook Didier Lozano

En plus de signer toutes les compositions et de jouer de la guitare et du clavier, l’artiste s’est entouré de Sergio Checho Cuadros, un maitre de la quena, une flute traditionnelle des Andes. Le tout dessine un univers riche et mystérieux. Chaque pièce offre un cachet particulier, qui nous transporte dans un au-delà paisible.

Dans cette offre d’une dizaine de titres, Didier Lozano nous livre quelques moments magiques. Il y a entre autres un jazz contemporain, Merci Manon, qui nous captive grâce à sa trame de guitare plus moderne.

Les mêmes attributs sont valables pour Merci mon ami. Merci Montréal, ma chanson préférée de l’album, est un crescendo qui illustre bien le réveil de la métropole et de ses résidents. Autre pièce digne de mention, Merci Pascal Rauzet, un air brésilien qui rend hommage à une source d’inspiration importante du musicien.

En ces temps modernes où tout va plus vite, Didier Lozano présente une alternative pour nous évader de ce rythme fou de la société. L’auteur-compositeur-interprète nous livre une inspiration remplie de gratitude, un univers paisible, afin d’éliminer le stress de la vie moderne.

Merci Montréal
Album : Merci

Couleurs musicales 

Le guitariste originaire d’Edmundston au Nouveau-Brunswick, RenzRossi (René Rossignol), nous offre le fruit d’une expérience de création entre lui et l’artiste visuel Luc A. Charrette. S’inspirant des tableaux de ce dernier, le musicien a sorti au mois de septembre son tout dernier EP, Tableaux, où il invite l’auditeur dans un univers de jazz moderne des plus riche et captivant.

Pochette de l’album Tableaux. 

Photo : renzrossi.bandcamp.com

RenzRossi s’est entouré des meilleurs musiciens accompagnateurs du Nouveau-Brunswick. François Émond, Jesse Mea, Steven Haché et Glen Deveau contribuent à la fluidité proposée par le guitariste.

La pièce qui démontre bien le résultat est Rue Victoria St. Sur cette plage, chaque musicien y va d’une partition solo, qui rend le produit final irrésistible. Une autre pièce maitresse est Aimer. Ce jazz moderne nous donne la sensation de nous retrouver à un brunch du dimanche dans notre café jazz préféré.

Chaque pièce de Tableaux est une émotion musicale qu’a ressentie RenzRossi face à une œuvre de Luc A. Charrette. Le tout devient un moment de grâce entre le guitariste et l’auditeur. 

L’album en édition vinyle comprend une impression de chaque tableau de Luc A. Charrette.

Aurevoir
Album : Tableaux

Oasis brésilienne

Avec son 4e opus, Inesperado, l’autrice-compositrice-interprète, Janie Renée, nous proposait en 2022 une bulle d’Amérique du Sud. L’artiste de l’Est ontarien a conçu un véritable album à saveur brésilienne.

Avec juste assez de retenue, tant au niveau des musiques que de la voix, Janie Renée livre des moments de nostalgie et d’innocence qui nous envahissent. Les arrangements sont extrêmement puissants et nous transportent aisément dans les ruelles de São Paulo, Rio de Janeiro ou encore Brasilia.

Pochette de l’album Inesperado. 

Photo : janierenee.com

Que ce soit grâce à la clarinette ou à la guitare sept cordes, les onze chansons nous rappellent constamment les saveurs chaudes du Brésil. Vocalement, Janie Renée est au sommet de son art, offrant des prestations solides aux multiples nuances.

Elle nous partage deux superbes duos avec un maitre du style, en la personne de Paulo Ramos. Je t’aime en majuscules et Au bout de nos horizons sont le fruit d’un merveilleux mariage vocal entre la compositrice et Paulo Ramos.

Le chef-d’œuvre de l’album est La Muse, une très belle allégorie artistique décrivant l’amour envers l’être cher. Tout en douceur, on y retrouve une belle trame de guitare qui accompagne une Janie Renée toute en sensualité.

Pour ceux qui recherchent une oasis musicale hors du commun, Inesperado est ce qui se fait de mieux. Des orchestrations feutrées tout en retenue et une voix aux multiples facettes envahissent notre univers le temps de quelques chansons au rythme chaud.

La Muse
Album : Inesperado

Marc Lalonde, dit Lalonde des ondes, est chroniqueur musical depuis plus de 25 ans au sein de la francophonie musicale canadienne et animateur de l’émission radiophonique Can-Rock. Il se fait un malin plaisir de partager cette richesse dans 16 stations de radio à travers le pays chaque semaine.

Plus sur la francophonie

Ottawa a annoncé un investissement de près de 2,5 millions de dollars sur cinq ans pour accroitre l’accès aux services de santé en français au Yukon.

Patrimoine canadien octroie 1,5 million $ et Santé Canada 746 317 $, auxquels s’ajoutent 250 000 $ de la part du gouvernement du Yukon.

Ce projet vise à améliorer l’accès aux services de santé en français dans le territoire, en s’appuyant notamment sur la technologie. Il devrait permettre de collecter des données afin de déterminer la langue de service préférée des patients, pour améliorer l’embauche et l’affectation de personnel bilingue.

Des outils numériques seront également mis à la disposition des professionnels de la santé pour répondre aux besoins des francophones du Yukon.

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Adoption de la motion bloquiste et Journée de la vérité et de la réconciliation

La leadeure du gouvernement en Chambre, Karina Gould, a assuré que le comportement du Bloc québécois était «inapproprié» en déposant une motion sur la hausse de la pension de la Sécurité de la vieillesse du fait de la demande financière qu’elle engagerait. 

Photo : Inès Lombardo – Francopresse

Mercredi, la motion du Bloc québécois sur la Sécurité de la vieillesse pour les ainés de 65 à 74 ans a reçu l’aval du Parti conservateur, du Nouveau Parti démocratique (NPD) et des deux députés verts, mais pas de la majorité des libéraux.

La motion a été adoptée avec 181 votes pour et 143 votes contre. Chez les libéraux, quatre députés de l’Atlantique, dont l’Acadien René Arseneault, ont voté pour.

Avec cette motion, la Chambre demande au gouvernement d’entreprendre des démarches pour accorder la recommandation royale au projet de loi C-319 sur l’augmentation de la pension de la Sécurité de la vieillesse.

La sanction royale est essentielle pour faire avancer le texte, car il s’agit d’un projet de loi d’un parti de l’opposition qui entrainerait des dépenses du gouvernement. L’ajustement de la pension proposé par le Bloc engagerait environ 16 milliards de dollars de dépenses sur cinq ans.

Une pension couteuse

Le projet de loi C-319 plaide pour une bonification de 10 % de la pension sur la Sécurité de la vieillesse pour les ainés de 65 à 74 ans. Seuls ceux qui ont 75 ans et plus ont eu droit à une augmentation en 2022.

Les ministres libéraux ont voté contre la motion, car ils jugent notamment que l’emploi d’une motion pour obliger le gouvernement à avancer sur un projet de loi de l’opposition aussi couteux créerait un «terrible précédent» dans les règles de procédure de la Chambre.

Ils craignent en outre que l’accès à cette pension concerne aussi des personnes qui en ont moins besoin.

À l’issue du vote, le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, s’est dit satisfait en conférence de presse, assurant qu’il gardait l’ultimatum lancé au gouvernement une semaine plus tôt.

Il a par ailleurs assuré qu’il y aurait «zéro compromis» sur la Sécurité de la vieillesse et qu’il ne ferait pas de concessions.

Si le gouvernement n’accorde pas la recommandation royale aux deux projets de loi portés par le Bloc d’ici le 29 octobre, ce dernier «entreprendra des négociations» avec les autres partis pour le faire tomber, avait prévenu Yves-François Blanchet le 25 septembre.

Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a assuré qu’il ouvrirait les négociations avec les autres partis pour faire tomber le gouvernement après le 29 octobre si les libéraux résistent à faire passer le projet de loi de son parti sur la Sécurité de la vieillesse. 

Photo : Inès Lombardo – Francopresse 

Le 30 septembre, jour de relâche au Parlement, a été l’occasion de rendre hommage aux victimes des pensionnats autochtones, qui ont opéré entre 1830 et le début des années 1990, à l’occasion 4e de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation.

La gouverneure générale du Canada, Mary Simon, a participé à la cérémonie du Feu sacré à sa résidence de Rideau Hall le matin, puis à une commémoration pour les enfants et les familles brisées par les pensionnats autochtones mis en place par les colons.

Des survivants étaient présents pour témoigner des horreurs vécues par les enfants des pensionnats, qui ont subi des violences physiques, psychologiques et sexuelles. Des milliers d’entre eux sont morts à la suite de ces sévices.

À Ottawa et partout au pays, le chandail orange a été arboré comme un symbole en ce jour d’hommage national.

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Des survivants et des familles de victimes de pensionnats autochtones en chandail orange, lors de la découverte des tombes sans nom d’enfants près d’anciens pensionnats, en 2021. 

Photo : Inès Lombardo – Francopresse

Médecins de famille, petites et moyennes entreprise et taxe carbone

Pour atteindre cet objectif, le sénateur Stan Kutcher, la sénatrice Ratna Omidvar et le sénateur Mohamed-Iqbal Ravalia ont formulé deux recommandations dans un rapport publié mardi, avec l’appui d’experts.

Ils recommandent au gouvernement de s’engager à augmenter le nombre de postes de résidents pour les diplômés internationaux en médecine (DIM).

Le gouvernement devrait aussi élargir l’évaluation de la capacité à exercer pour déboucher sur un programme national solide.

Les sénateurs rappellent également que 6,5 millions de Canadiens n’ont pas accès à un médecin de famille. Ce chiffre «pourrait atteindre 10 millions d’ici dix ans», prévient le rapport.

«L’un des principaux facteurs de cette crise est notre incapacité à utiliser pleinement les compétences des médecins formés à l’étranger qui vivent déjà au Canada», assurent encore les trois sénateurs, dans un communiqué de presse.

La ministre des Finances, Chrystia Freeland, a annoncé la mise en œuvre de trois mesures prévues dans le budget 2022 pour les petites et moyennes entreprises canadiennes.

La vice-première ministre et ministre des Finances, Chrystia Freeland, a annoncé des mesures de réduction de couts pour les petites et moyennes entreprises canadiennes. 

Photo : Mélanie Tremblay – Francopresse

Une partie des produits issus de la redevance sur les combustibles sera reversée à environ 600 000 entreprises avant la fin de 2024.

Cela permettra aux petites entreprises qui se trouvent dans des provinces et territoires où la redevance fédérale sur les combustibles s’applique d’obtenir un nouveau crédit d’impôt.

Le gouvernement a également mis en place un Code de conduite destiné à l’industrie canadienne des cartes de crédit et de débit pour protéger un million d’entreprises qui font des transactions avec ces cartes auprès de leurs clients.

Enfin, certains frais de transaction par carte de crédit seront réduits pour les petites entreprises dès le 19 octobre.

Le premier ministre sortant du Nouveau-Brunswick et candidat à sa réélection a indiqué qu’il poursuivrait Ottawa sur la taxe carbone instaurée par le gouvernement Trudeau s’il était réélu, pour «éliminer cette taxe injuste», a-t-il assuré en point presse mardi.

Si Pierre Poilievre devient premier ministre, Blaine Higgs précise qu’il n’intentera toutefois pas d’action en justice, notamment si le fédéral modifie sa tarification sur le carbone.

L’Alberta, l’Ontario et la Saskatchewan avaient déjà intenté une telle action contre le gouvernement Trudeau, mais avaient échoué. La Cour suprême avait justifié sa décision en assurant que la taxe carbone était constitutionnelle et n’empiétait pas sur les compétences des provinces.

Au sein des ministères et organismes fédéraux, environ 90 % des documents sont traduits de l’anglais vers le français, indique Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC) dans une réponse écrite à Francopresse. 

Si une traduction est mal faite ou omise, ce sont la langue de Molière et ses locuteurs qui en subissent les conséquences.

«Être bilingue m’a ajouté un certain fardeau de travail, que j’étais très heureux d’assumer, d’ailleurs», confie David Lachance*, fonctionnaire depuis 2002. Celui-ci raconte que les francophones et ceux qui, comme lui, ont un niveau de français élevé se retrouvent parfois à traduire ou à réviser des documents.

Ce film, il l’a vu cent fois. Ce qu’il n’a jamais vu, c’est une personne francophone ou bilingue recevoir une compensation financière ou être reconnu pour le travail supplémentaire effectué.

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Traductions insatisfaisantes

Si les fonctionnaires qui parlent français se retrouvent à faire de la traduction et de la révision c’est parce que, selon lui, depuis 1995, les ministères fédéraux ne sont plus obligés d’avoir recours au Bureau de la traduction (BT) et peuvent se tourner vers le secteur privé pour effectuer leurs demandes.

Ça a vastement réduit la qualité de la langue et de la traduction des documents. Je n’ai jamais vu une traduction externe aussi bonne que celle faite à l’interne. [Les traducteurs à l’interne] connaissaient mieux la matière.

— David Lachance

Il explique que des fonctionnaires francophones sont alors appelés à corriger les traductions insatisfaisantes ou à les faire eux-mêmes lorsque les délais à l’externe sont trop longs.

La SPAC mentionne toutefois que les fonctionnaires qui ne sont pas traducteurs, terminologues ou interprètes ne devraient pas être appelés à faire de la traduction.

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Nathan Prier se méfie des logiciels de traduction. Censés améliorer l’efficacité, ceux-ci peuvent affecter la qualité du français et obliger un plus grand travail de révision, estime-t-il. 

Photo : Courtoisie

Une menace à la qualité

«On entend toujours des exemples [comme ça]», confirme le président de l’Association canadienne des employés professionnels (ACEP), Nathan Prier, en entrevue.

Il a lui-même été sollicité pour traduire des documents légaux lorsqu’il était économiste au sein de la fonction publique.

En ce qui concerne la qualité, Nathan Prier partage le même constat que David Lachance : les pigistes externes n’arrivent généralement pas à la cheville des traducteurs du BT.

«Il faudrait revenir au modèle de prestation de services obligatoires du BT d’avant 1995, afin que [le BT] redevienne l’unique autorité contractante pour les services de traduction et d’interprétation et qu’il soit de nouveau entièrement responsable du contrôle, de la qualité et de l’uniformité», dit Nathan Prier.

«Si on est sérieux de vouloir défendre la qualité de traduction et la qualité des deux langues officielles, et non seulement l’anglais, […], on a vraiment besoin de protéger ces jobs

Les fonctionnaires comme David Lachance ne sont pas les seuls à subir les conséquences de cette situation. Les traducteurs du BT encaissent aussi.

Une question d’argent

«La qualité inégale des pigistes fait en sorte qu’il revient à nos membres de réparer les gaffes de l’externe. Cela finit par couter cher au Bureau et force nos membres à sauver la face de l’institution en effectuant des révisions pour lesquelles ils ne sont souvent pas rémunérés à leur juste valeur», avait exprimé l’ACEP devant le Comité permanent des langues officielles en 2016.

Un «bingo du fonctionnaire francophone» a été commenté plus de 150 fois sur le site Web Reddit. La tâche de traduction y figure.

Photo : Capture d’écran

L’Association avait aussi affirmé qu’aucun traducteur n’avait été embauché entre 2011 et 2016, entrainant une perte du tiers des postes au BT.

Dans son rapport, le Comité observe que lorsque les ministères ont recours au secteur privé, c’est souvent pour une question de prix.

En 2021, le professeur émérite en traduction de l’Université d’Ottawa, Jean Delisle, avait écrit dans un mémoire que «depuis une dizaine d’années, il y a une volonté très nette de réduire le plus possible les dépenses liées à la traduction. On évoque même une réduction de l’effectif du Bureau de l’ordre de 60 %».

Dans son courriel à Francopresse, SPAC assure que le nombre de traducteurs internes et la proportion de sous-traitance à des traducteurs externes sont restés plutôt stables au cours des huit dernières années.

Mais, comme le fait remarquer Nathan Prier, la taille de la fonction publique a «beaucoup» augmenté. Il reste à déterminer si les effectifs du BT parviendront à suivre la croissance des demandes.

SPAC estime que le Bureau de la traduction répond lui-même à environ 75 % de la demande de services de traduction au sein de l’administration publique centrale. Près de la moitié de ces traductions sont refilées à des sous-traitants (graphique ci-dessous).

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La loi à la rescousse?

«Si tout le monde était bilingue comme moi au sein de la fonction publique, je pense que le fardeau sur les francophones serait minime, veut croire David Lachance. Il faudrait qu’on accentue la capacité de tous les fonctionnaires à bien comprendre les deux langues.»

«Il semble qu’il y ait une culture au sein de la fonction publique où on privilégie une langue par rapport à l’autre et que très souvent le français est vu comme une langue de traduction», estime Raymond Théberge.

Photo : Courtoisie

Questionné par Francopresse sur les tâches supplémentaires parfois demandées aux francophones, le commissaire aux langues officielles, Raymond Théberge, affirme trouver la situation «préoccupante».

«C’est une situation qui perdure depuis un bon nombre d’années […]. Je me souviens quand j’étais jeune fonctionnaire dans un autre milieu, on [m’en parlait]. Ce qui est important, c’est de créer la capacité bilingue au sein des institutions fédérales.»

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Selon le commissaire, créer cette capacité passe par le respect de l’article 91 de la Loi sur les langues officielles, qui renvoie aux exigences linguistiques requises pour les postes. Ainsi, les fonctionnaires francophones seraient moins appelés à faire du travail supplémentaire.

«Si on fait un bon travail au niveau de l’évaluation des exigences linguistiques, on va créer au sein de l’unité, au sein du ministère, peu importe, la capacité bilingue nécessaire», affirme-t-il.

Cet article de la Loi a fait l’objet d’une étude du commissaire en 2020. Il effectuera un suivi des résultats dans les prochaines semaines.

*Le nom a été modifié pour des raisons de sécurité et de confidentialité.

La motion a été présentée par la ministre de l’Enseignement supérieur du Québec, Pascale Déry, et quatre membres de l’Assemblée nationale. Elle affirme le principe de la laïcité de l’État et la compétence provinciale exclusive en matière d’éducation supérieure pour justifier cette demande.

La représentante spéciale a récemment envoyé une lettre aux directions des établissements d’enseignement supérieur du Canada dans laquelle elle leur suggérait d’embaucher davantage de professeur·es arabes, palestinien·nes ou musulman·es pour enseigner.

Leur absence se fait notamment sentir au niveau de la diversité des points de vue sur les questions liées au pluralisme religieux. 

Selon Amira Elghawaby, la présence de ces professeur·es permettrait aux universités d’aborder la relation du Canada à l’occupation de la Palestine par Israël sous des angles qui demeurent négligés. Les demandes de boycottage d’Israël, qui ont un soutien limité mais réel du milieu universitaire, pourraient aussi faire l’objet d’un examen plus approfondi.

Une autre motion contre la représentante spéciale, déposée le même jour à l’Assemblée nationale, demandait carrément l’abolition du poste de la représentante spéciale du Canada chargée de la lutte contre l’islamophobie. 

Cette motion n’a cependant pas pu passer au vote parce que le parti Québec solidaire s’y est opposé parce que la Coalition Avenir Québec au pouvoir et le Parti Québécois ont refusé un amendement réclamant que le Québec se dote de son propre plan pour lutter contre l’islamophobie.

À lire : La loi 21 et l’Islamophobie 

Un simple prétexte

La seconde motion laisse toutefois voir la véritable cible de la première : non pas Amira Elghawaby ni ses propos, mais bien la lutte contre l’islamophobie elle-même.

Dès 2019, le premier ministre québécois, François Legault, affirmait qu’«il n’y a pas d’islamophobie au Québec». Il avait toutefois dû donner l’impression de se reprendre dès le lendemain, tout en maintenant «qu’il n’y a pas de courant islamophobe au Québec».

Par ailleurs, dès la nomination d’Amira Elghawaby au poste de représentante spéciale en janvier 2023, le gouvernement québécois avait demandé sa démission. C’était alors l’affirmation d’un sentiment antimusulman au Québec, lié à l’adoption de la Loi 21 et aux résultats d’un sondage d’opinion, qui avait choqué certains parlementaires de l’Assemblée nationale. 

Leur riposte avait consisté à accuser Amira Elghawaby d’avoir des sentiments antiquébécois, mettant sur le même pied la simple critique d’une loi avec une peur et une haine pourtant présentes au Canada en général et d’une manière spécifique au Québec. Il y a déjà eu nombre de débats publics et parlementaires, ainsi que l’adoption de lois, sur le sujet.

Il est donc difficile de croire que la demande est une véritable réaction aux propos récents d’Amira Elghawaby. N’oublions pas que le gouvernement fédéral finance plusieurs services universitaires, des programmes de bourses d’études, des programmes de subventions de recherche ainsi que des postes par l’entremise des Chaires de recherche du Canada

Plusieurs de ces services sont accompagnés de directives visant à promouvoir l’équité, la diversité et l’inclusion dans la sélection des candidat·es et à l’embauche. Ces éléments pourraient tout aussi bien être la cible des élu·es du Québec.

Au-delà des lieux communs

Les critiques à l’endroit d’Amira Elghawaby se composent en fait de condamnations et de simples affirmations générales sans référence à des réalités concrètes. 

Par exemple, en 2023, 200 personnalités avaient demandé que son poste soit aboli. L’un de leurs motifs visait l’emploi du terme «islamophobie», qu’elles jugeaient – à tort – être un terme militant. 

Leur lettre présentait plusieurs des lieux communs des discours refusant la lutte contre l’islamophobie. Au contraire de leurs affirmations, dans les discours publics, toute critique de l’Islam n’est pas considérée comme étant islamophobe. 

Nul ne demande que les préceptes de l’Islam soient respectés par les non-musulmans et nul ne demande que toute offense à l’Islam devienne un crime. Par ailleurs, les intégristes musulmans ne sont pas les principaux porte-paroles de l’État canadien sur la question de l’islamophobie. 

La lettre affirmait faussement que la Loi 21 ne viserait pas les femmes musulmanes. Certes, la loi elle-même se présente comme générale, comme doit l’être toute loi. 

Toutefois, son histoire, les circonstances de son adoption, ainsi que les personnes visées ou touchées par son application montrent que, si la loi s’applique bien à toute personne dans une situation d’autorité employée par l’État provincial, elle affecte d’abord et avant tout les femmes musulmanes et ne touche aucunement la grande majorité du reste de la population.

Le besoin de lutter contre l’islamophobie

De tels faux débats et de telles accusations et demandes permettent tout simplement d’empêtrer les processus et d’empêcher les critiques ou la transformation des lois et des institutions. Ils dominent les échanges publics et masquent la réalité en empêchant de la nommer.

Le terme «islamophobie» renvoie pourtant à une réalité concrète. 

Selon la sociologue Jasmin Zine de l’Université Wilfrid-Laurier, en Ontario, l’islamophobie est «une peur et une haine de l’Islam et des personnes musulmanes (et de celles perçues comme musulmanes) qui se traduisent en des actions individuelles et formes idéologiques et systémiques d’oppression qui soutiennent la logique et les motifs de relation de pouvoir spécifiques*.» 

Il ne s’agit donc pas simplement d’une forme de discrimination ni de racisme, bien que des personnes perçues comme arabes soient souvent aussi perçues comme musulmanes et traitées comme telles. 

L’islamophobie touche avant tout aux attitudes à l’égard de la religion. La lutte contre le racisme n’inclut donc pas automatiquement la lutte contre l’islamophobie.

Pour comprendre et agir sur ces actions et sur l’oppression systémique, nous avons besoin d’Amira Elghawaby, de son poste, et de la parole de personnes musulmanes. 

Surtout, nous devons écouter les femmes musulmanes, qui ont diverses façons de vivre leur religion. Ce n’est qu’à partir de leur expérience et de leurs connaissances que nous pourrons mener une lutte contre l’islamophobie.

 

* Traduction libre de la définition incluse dans le livre de Jasmin Zine, Under Siege: Islamophobia and the 9/11 Generation, Montréal, McGill-Queen’s University Press, 2022, page 14.

Jérôme Melançon est professeur en études francophones et interculturelles ainsi qu’en philosophie à l’Université de Regina. Ses recherches portent notamment sur la réconciliation, l’autochtonisation des universités et les relations entre peuples autochtones et non autochtones, sur les communautés francophones en situation minoritaire et plus largement sur les problèmes liés à la coexistence. Il est l’auteur et le directeur de nombreux travaux sur le philosophe Maurice Merleau-Ponty, dont La politique dans l’adversité. Merleau-Ponty aux marges de la philosophie (MétisPresses, 2018).

L’annonce est tombée le 18 septembre : le nombre de permis délivrés aux étudiants étrangers – toutes langues confondues – va passer de 485 000 en 2024 à 437 000 en 2025. Il s’agit d’une baisse de 10 %.

En janvier, le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté Canada (IRCC), Marc Miller, avait annoncé une première baisse (d’environ 35 % par rapport à 2023) des visas délivrés aux étudiants étrangers.

Le ministre Miller, responsable de l’immigration fédérale, n’a pas directement répondu à la question de savoir si les nouvelles mesures concernant les étudiants étrangers affecteront l’immigration francophone. 

Photo : Inès Lombardo – Francopresse 

Si le ministre avait assuré cet été un chemin plus facile vers la résidence permanente pour les étudiants étrangers francophones – en les excluant de cette mesure –, les institutions postsecondaires restent inquiètes des effets de ces annonces sur l’atteinte de la cible en immigration francophone en régions minoritaires.

Le gouvernement fédéral a établi en 2024 une cible de 6 % en immigration francophone.

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L’immigration francophone au cœur des inquiétudes

Dans un communiqué, l’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne (ACUFC) dénonce la mesure au nom de ses 21 membres : «Il serait déplorable […] que les nouvelles réformes rendent hors d’atteinte l’objectif fixé dans la Politique en matière d’immigration francophone dévoilée plus tôt cette année.»

L’ACUFC avait déjà porté plainte contre IRCC au Commissariat aux langues officielles (CLO) au sujet de la réduction des étudiants étrangers annoncée en janvier.

Dans le même souffle, l’organisme s’inquiète des conséquences sur le nouveau Programme pilote pour les étudiants dans les communautés francophones en situation minoritaire, qui facilite l’accès à la résidence permanente, lancé en aout.

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Interrogé par Francopresse sur la légitimité des inquiétudes des institutions postsecondaires en milieu minoritaire, le ministre Marc Miller répond :

Il faut s’assurer que les institutions qui sont fragilisées, notamment les institutions francophones en situation minoritaire, aient cette priorité [de visas].

— Marc Miller, ministre de l'Immigration

Le service de communication d’IRCC, également sollicité par Francopresse, n’a pas fourni plus de détails que le ministre.

Sa collègue Mona Fortier, députée francophone en situation minoritaire d’Ottawa–Vanier, a de son côté assuré «ne pas avoir la réponse» de l’impact de ces mesures sur les communautés de langue officielle en situation minoritaire (CLOSM).

La professeure Luisa Veronis fait valoir que le gouvernement libéral veut «calmer le jeu» en restreignant le nombre de permis d’étude délivrés aux étudiants étrangers. 

Photo : Courtoisie UOttawa

Pour la professeure agrégée de géographie et titulaire de la Chaire de recherche sur l’immigration et les communautés franco-ontariennes à l’Université d’Ottawa, Luisa Veronis, les dernières mesures annoncées restent «générales» et ne «tiennent pas compte des particularités des communautés francophones».

«En ce qui concerne […] l’immigration francophone, ces mesures auront un impact, croit-elle. Et nulle part elles ne mentionnent des exceptions, si ça va s’appliquer à la fois aux institutions francophones et anglophones.»

La chercheuse soutient que l’immigration francophone est entremêlée à plusieurs variables dans ces annonces.

«Il y a le besoin des communautés francophones, qui est [calculé] par rapport à leur démographie. Il y a les provinces qui ne financent pas assez les institutions d’éducation. Après, on a le ministère fédéral qui s’occupe de l’immigration.»

C’est plein d’acteurs avec plein d’intérêts différents. Certains ont des intérêts communs où les étudiants étrangers peuvent répondre à plusieurs besoins, des besoins financiers des universités et d’immigration francophone.

— Luisa Veronis, professeure

«Un recrutement ciblé»

Le gouvernement libéral veut cibler les personnes qui viennent réellement étudier de celles qui utilisent la voie des études pour venir s’installer au Canada, a expliqué le ministre Miller en mêlée de presse. Il s’agit de la «double intention» à laquelle le fédéral souhaite mettre un frein.

Cette volonté politique est toutefois doublée d’une autre, celle de faciliter la voie vers la résidence permanente aux étudiants francophones en milieu minoritaire. C’est aussi ce que souhaitent les communautés francophones en dehors du Québec, d’où leur incompréhension au sujet de la dernière annonce.

Il faut faire comme toutes les autres universités, s’assurer que c’est ce genre d’étudiant qui va venir ici, pas nécessairement [ceux] réclamant l’asile.

— Marc Miller, ministre de l'Immigration

Par rapport aux CLOSM, il assure que «plusieurs mesures au sein de notre gouvernement» sont prêtes à être déployées, essentiellement «un appui aux communautés francophones avec des institutions francophones».

Le ministère ne précise cependant pas la nature ni la distribution de cet appui allégué.

La professeure Luisa Veronis voit surtout dans ces nouvelles annonces «des démarches politiques» : «Toutes ces mesures sont en fait prises pour un peu calmer les Canadiens qui sont préoccupés au sujet du logement, du système de santé, puis tous les autres problèmes que nous avons dans le pays. Le gouvernement Trudeau […] a utilisé l’immigration pour cacher un peu ou pour subvenir à ces problèmes.»

«Depuis 2016, les littératures autochtones sont vraiment traduites de façon plus systématique, à raison de 25, 30 titres par année», remarque la professeure adjointe au Département de traduction et des langues de l’Université de Moncton, Arianne Des Rochers.

Un phénomène qui coïncide selon elle avec la publication du rapport de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, en décembre 2015. «À partir de ces années-là, le grand public, les éditeurs, tout le monde s’intéressent beaucoup plus à ces enjeux et il y a une soif de littérature autochtone.»

La traduction joue un rôle crucial dans l’accès à ces œuvres en francophonie minoritaire, «parce qu’on n’a pas beaucoup d’auteurs autochtones de langue française», témoigne-t-elle.

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Un boum des traductions

«Les littératures autochtones sont traduites vers le français au Canada à partir de 1970», explique Arianne Des Rochers. Elles se font ensuite plus rares, avant un regain dans les années 2010.

«On remarque un bond considérable en 2017 (12 traductions) et en 2018 (18 traductions), puis, à partir de 2019, le nombre monte en flèche : 30 traductions en 2019, 29 en 2020, 33 en 2021, 31 en 2022», détaille la spécialiste, qui a consacré une recherche sur le sujet.

Sur les 236 titres recensés par la chercheuse, 184 (78 %) ont été publiés entre 2016 et 2023, et seulement 8 avant 2000 (3,4 %).

Découvrir l’autre minorité

500 ans de résistance autochtone, de Gord Hill, retrace en bande dessinée l’histoire de la résistance des peuples autochtones des Amériques face à la colonisation européenne, mettant en lumière leurs luttes continues pour préserver leurs terres, leurs cultures et leurs droits. 

Photo : Julien Cayouette

Aux Éditions Prise de parole, en Ontario, les œuvres autochtones font depuis longtemps partie du catalogue. Ils ont ouvert la porte il y a 20 ans, avec la traduction du roman Kiss of the Fur Queen de Tomson Highway.

La tendance s’est ensuite affirmée. «À partir de 2017, 2018, on s’est mis à publier plus d’auteurs des premiers peuples», se souvient le codirecteur général, Stéphane Cormier, notamment des ouvrages de membres des nations anishinaabe et crie.

«Il y avait plein d’œuvres écrites en anglais qui n’étaient pas connues du lectorat francophone. Donc on s’est dit qu’on lui donnerait accès parce qu’il y a un très beau répertoire», poursuit-il.

La maison franco-ontarienne a depuis traduit différents genres : des romans, des livres pour enfants, mais aussi des bandes dessinées, comme 500 ans de résistance autochtone, de Gord Hill.

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Des «alliés»

«Même si on est une maison d’édition allochtone, on essaie d’être des bons alliés de la littérature autochtone, puis d’aider à faire connaitre toutes sortes de réalités à travers les traductions d’œuvres», déclare Stéphane Cormier.

L’éditeur souligne aussi l’importance de s’entourer de collaborateurs et collaboratrices autochtones ou de spécialistes, afin de s’assurer d’avoir des traductions qui respectent la culture de ces communautés.

Selon lui, l’intérêt croissant pour cette littérature découle d’une meilleure connaissance des Premières Nations, des Métis et des Inuit dans la société.

Arianne Des Rochers rappelle que la traduction de ces textes reste complexe, car elle nécessite de tenir compte du rapport des auteurs autochtones à l’anglais, «une langue coloniale qui leur a été imposée». 

Photo : Annie France Noël

Des thèmes variés

Le paysage littéraire autochtone s’est considérablement diversifié ces dernières années, avec de nouveaux thèmes comme la vie en milieu urbain ou les enjeux queers.

Ces textes ne se limitent plus aux récits traditionnels liés aux territoires, mais explorent des réalités contemporaines, comme les intersections entre identité autochtone et sexualité, souligne Arianne Des Rochers.

«Les littératures autochtones en ce moment sont vraiment axées sur le présent et l’avenir. C’est pour réitérer que le colonialisme a toujours cours, que ce n’est pas juste une question dans le passé, que c’est quelque chose qui se poursuit.»

On trouve aussi des œuvres «totalement d’imagination» ou encore des récits humoristiques, qui n’évoquent pas forcément des enjeux autochtones, ajoute Stéphane Cormier.

En Saskatchewan, les Éditions de la nouvelle plume explorent des projets d’ouvrages à destination des jeunes, notamment dans le cadre scolaire, pour mieux faire connaitre la réalité des Autochtones de l’Ouest et du Nord canadien.

En Saskatchewan, Laurier Gareau explore des textes autochtones à destination des établissements scolaires francophones, mais aussi des écoles d’immersion. 

Photo : Courtoisie

«C’est relativement nouveau et ça se fait aujourd’hui parce que, dans le contexte de réconciliation et les programmes d’enseignement qui visent à toucher cette question, ça devient nécessaire pour nous de produire du matériel des Premières Nations», commente le président de la maison d’édition, Laurier Gareau.

Les Éditions de la nouvelle plume ont pour l’instant publié deux livres d’auteurs autochtones : Corneille apporte la lumière, une légende inuite, de Brandy Hanna, et le roman graphique Trois plumes, de Richard Van Camp.

On essaie aussi d’intégrer du matériel qui toucherait les communautés métisses francophones de l’Ouest canadien.

— Laurier Gareau

Laurier Gareau est lui aussi dramaturge et a, entre autres, écrit une pièce de théâtre, La Nation provisoire, sur la bataille de Batoche, en 1885. Un évènement majeur de la Résistance du Nord-Ouest contre le gouvernement canadien, mené principalement par les Métis et leurs alliés des Premières Nations.

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Une œuvre trilingue

À l’Île-du-Prince-Édouard, l’enseignante Julie Gagnon a cosigné le livre jeunesse La petite robe rouge avec l’autrice et poétesse mi’kmaw Julie Pellissier-Lush, publié par Bouton d’or Acadie.

Le texte évoque la question des femmes et jeunes filles autochtones disparues et assassinées, symbolisée par la robe rouge.

Lors d’une commémoration pour ces femmes, la francophone a été émue et a décidé d’imaginer une œuvre pour sensibiliser ses élèves à cette réalité.

Quel est le meilleur outil pour commencer une discussion? Et bien, c’est un livre.

— Julie Gagnon

«Mais cette histoire-là ne m’appartient pas», s’est dit Julie Gagnon, qui a alors proposé à Julie Pellissier-Lush de coécrire l’album avec elle. Le processus de création, qui a duré deux ans, a abouti à un livre trilingue – en français, en anglais et en mi’kmaw.

Au-delà de sa fonction pédagogique, Julie Gagnon espère que cet ouvrage sensibilisera le plus grand nombre de personnes, les jeunes comme les moins jeunes. L’occasion aussi de rappeler les liens qui unissent les francophones et les Mi’kmaq.

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Solidarité partagée

De fait, bien que différentes, les communautés francophones et autochtones partagent aussi «un lien», relève Arianne Des Rochers. La traduction croissante de titres autochtones vers le français témoigne d’après elle «d’une sorte de solidarité partagée en raison de la situation minoritaire».

Pour Stéphane Cormier, la littérature permet d’établir un dialogue «pour mieux se connaitre». 

Photo : Myriam Caron Belzile

«Les maisons d’édition francophones en situation minoritaire sont certainement peut-être un peu plus outillées pour publier, éditer et traduire les littératures autochtones de l’anglais vers le français, ne serait-ce que par rapport aux postures vis-à-vis de la langue, de la normativité linguistique, de l’oppression linguistique.»

Aux yeux de Stéphanie Cormier, l’essor actuel de la littérature autochtone joue un rôle important dans le dialogue entre les peuples et les cultures : «La parole littéraire est un excellent outil de réappropriation.»

Il estime que les maisons d’édition en milieu minoritaire comme Prise de parole ont un rôle à jouer dans ce dialogue.

«On est deux minorités»

«On est deux minorités ici à l’Île-du-Prince-Édouard, alors on a quelque chose en commun», témoigne de son côté Julie Gagnon. Elle fait référence à l’assimilation, qui a empêché les Acadiens et les Mi’kmaq de parler leur langue.

Elle évoque aussi les traumatismes partagés, comme la déportation et l’arrachement de jeunes autochtones à leur famille.

On est deux communautés résilientes, puis c’est ça qui fait qu’on se comprend bien.

— Julie Gagnon

L’enseignante espère que La petite robe rouge résonnera bien au-delà des frontières de l’Acadie et du Canada. «Ce livre-là, c’est un point de départ. C’est comme une roche que tu lances dans un lac et là, ça commence à faire des cercles», qui formeront ensuite peut-être des vagues.

Le 7 septembre 2004 débutait à Ottawa les audiences publiques de la Commission d’enquête sur le Programme de commandites et les activités publicitaires, mieux connue sous le nom (heureusement abrégé) de Commission Gomery.

L’enquête publique, sous la présidence de John Gomery, juge à la Cour supérieure du Québec, avait été instaurée afin de faire la lumière sur ce qu’on a appelé le «scandale des commandites».

Dans son rapport, le juge Gomery décrivait le résultat de son enquête comme «une chronique déprimante des multiples carences constatées dans la planification déficiente d’un programme gouvernemental», révélant «une histoire de cupidité, de vénalité, d’inconduite au sein du gouvernement et d’agences de publicité», qui a entrainé un gaspillage de fonds «aux dépens des contribuables canadiens dont la colère et l’outrage sont légitimes».

Un bien triste constat pour un État de droit.

La fin justifie les moyens?

La genèse du Programme des commandites remonte au lendemain du deuxième référendum sur la souveraineté du Québec, tenu le 30 octobre 1995, lors duquel le «non» l’avait emporté de justesse.

Le premier ministre Jean Chrétien a été blâmé par la Commission Gomery, mais n’a pas fait face à des accusations. 

Photo : Jason Paris, Wikimedia Commons, Attribution 2,0 générique

À Ottawa, on craint qu’un autre référendum ne s’organise dans un avenir rapproché. Pour essayer de faire contrepoids à la montée nationaliste, le gouvernement fédéral libéral de Jean Chrétien s’active à trouver un moyen de promouvoir au Québec l’appartenance au Canada.

La solution mise de l’avant prend la forme du Programme de commandites, qui est mis en place au printemps 1996.

Ce programme devait officiellement servir surtout à «commanditer» des évènements culturels, sportifs et communautaires au Québec, c’est-à-dire à y faire paraitre de la publicité pour promouvoir le fédéralisme.

Les fonds pour payer ces contrats de commandite étaient versés par l’intermédiaire d’agences de publicité et de markéting privées. Beaucoup de fonds.

Il aura fallu un peu plus de trois ans et demi pour que le scandale éclate au grand jour. Le 31 décembre 1999, deux journalistes du Globe and Mail, Daniel LeBlanc et Campbell Clark, dévoilent les malversations du programme.

Au cours des trois mois suivants, ces journalistes publient des dizaines d’articles sur ce dossier. On y apprend par exemple qu’une des agences bénéficiaires, Groupaction, avait reçu trois contrats totalisant plus de 550 000 dollars pour produire trois rapports distincts. Or, les rapports remis aux journalistes étaient identiques.

Après d’autres révélations provenant de la couverture médiatique du dossier, le gouvernement fédéral, en mars 2002, demande à la vérificatrice générale, Sheila Fraser, d’enquêter sur les contrats octroyés à Groupaction.

Deux mois seulement suffisent à la vérificatrice générale pour remettre son rapport. Sheila Fraser a décelé de sérieux problèmes dans toutes les étapes de la gestion du Programme des commandites.

Le 1er novembre 2005, le premier de deux rapports de la Commission Gomery étalait toute l’ampleur du scandale des commandites.

La situation est grave au point où elle transmet le tout à la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Elle décide également d’entreprendre une enquête plus large et plus exhaustive sur cette affaire.

En novembre 2003, la vérificatrice générale produit son rapport annuel, consacré en bonne partie au Programme de commandites, et ce n’est pas glorieux. Elle qualifie de «troublant» ce qu’elle a constaté.

Sheila Fraser soulève un «non-respect généralisé» des règles dans l’octroi des contrats. Quant aux règles pour la sélection des agences, la gestion des contrats et autres, elles ont été, selon elle, «ignorées ou violées», incluant par des fonctionnaires.

Le programme a drainé 250 millions de dollars des coffres de l’État, dont 100 millions en honoraires et commissions versées aux agences.

Mais le rapport ne sera rendu public qu’en février 2004, car le premier ministre Jean Chrétien avait prorogé le Parlement le 12 novembre, alors qu’il s’apprêtait à laisser sa place à Paul Martin. Celui-ci est élu chef le 15 du même mois par environ 90 % des délégués libéraux réunis au congrès de direction du Parti libéral. Sheila Copps était la seule autre candidate en lice.

Assermenté le 12 décembre 2003, le nouveau premier ministre Paul Martin convoque son cabinet. La première décision du nouveau gouvernement sera d’abolir le Programme des commandites.

Entretemps, en septembre 2003, les premières accusations découlant de l’enquête de la GRC sur le Programme des commandites étaient tombées. En fin de compte, plusieurs individus écoperont de peine de prison, dont Jean Brault, président de l’agence Groupaction, mais aussi Paul Coffin, président de Coffin Communication, Charles Guité, le fonctionnaire responsable du programme, et plusieurs autres.

Une commission, un rapport, une chute

Le 19 février 2004, Paul Martin annonçait la création de la Commission Gomery. Durant neuf mois, de septembre 2004 à juin 2005, fonctionnaires, dirigeants d’agences de publicité et politiciens comparaitront lors des audiences télévisées qui parfois prendront des airs de roman-feuilleton.

Qui ne se souvient pas du témoignage de Jean Chrétien? C’était la première fois depuis John A. Macdonald (scandale du Pacifique) qu’un premier ministre canadien comparaissait lors d’une enquête publique.

Les audiences de la Commission Gomery ont révélé des malversations importantes concernant le Programme de commandites. 

Photo : Dimitrios Papadopoulos / QuebecPress.com / Domaine public

Pour répliquer au juge Gomery qui, lors d’une interview, avait qualifié de «petite politique de village» le fait que des balles de golf avaient été «commanditées» et portait un drapeau canadien, Jean Chrétien, fidèle à son style, avait sorti une balle de golf «commanditée» par la firme d’avocats Ogilvy Renaud, où travaillait l’ancien premier ministre conservateur Brian Mulroney et… la fille du juge Gomery.

Mais le magistrat aura le dernier mot. Le scandale est encore pire que l’on pensait.

Dans son premier rapport rendu public en novembre 2005, la Commission d’enquête dévoile au grand jour un stratagème de retour d’ascenseur : les agences qui recevaient des fonds publics pour organiser les contrats de commandite détournaient une partie des sommes dans les coffres du Parti libéral du Canada.

Le rapport révèle que plusieurs hauts responsables de l’aile québécoise de la formation politique avaient bénéficié de ces pots-de-vin.

L’ex-premier ministre Jean Chrétien lui-même, ainsi que son ancien chef de cabinet, Jean Pelletier, sont blâmés pour leur implication dans la sélection des agences et des évènements commandités. Mais ils ne feront pas face à des accusations.

Quant à Paul Martin, le juge Gomery l’exonère de tout blâme. Mais le mal politique est fait.

Paul Martin avait déclenché des élections plus tôt dans l’année et avait réussi à faire élire un gouvernement minoritaire. À la suite du rapport Gomery, les partis d’opposition font tomber le gouvernement moins d’un mois plus tard.

En janvier 2006, les conservateurs de Stephen Harper sont élus. Les libéraux sont chassés du pouvoir pendant près de 15 ans…