À l’école, Joe Tamko a appris «quelques lignes» sur la colonisation. «Si mes parents n’avaient pas été là pour m’expliquer, je n’aurais pas été en mesure d’être fier de qui je suis et d’où je viens», confie-t-il.
Aujourd’hui établi à Toronto, il constate que malgré l’abondance d’information, le récit demeure eurocentriste et que cette information a une importante incidence sur les jeunes afrodescendants et la manière dont ils se perçoivent.
Pour lui, le CICA fait partie de la solution. Pour cette raison, il a choisi de se joindre à son conseil d’administration.
Connaitre son histoire
Sandra Adjou a fondé le CICA en 2018. Depuis, l’organisme présente régulièrement des ateliers publics pour stimuler la fierté identitaire chez les jeunes afrodescendants et faire connaitre les cultures. Et le constat revient : les jeunes connaissent très peu leurs racines.
En 2020, une idée a muri : créer des bandes dessinées qui s’articulent autour de personnages afrodescendants (qui seront Keïta, Agodjier, Montou et Mfumu) pour raconter l’histoire de l’Afrique d’avant le XVIIe siècle, avec ses grands empires et ses royaumes. Le projet est devenu réalité en juin 2023.
Aujourd’hui, les ouvrages L’Afrique avant l’esclavage et la colonisation et Nos héros afro-descendants servent de tremplin à une douzaine d’ateliers qui sont présentés cet automne dans des écoles de Toronto – mais qui seront un jour offerts d’un océan à l’autre, espère Sandra Adjou.
Des bandes dessinées qui répondent à un besoin
Une première bande dessinée narre l’histoire de deux royaumes et d’un empire avant l’esclavage et la colonisation : le royaume Kongo, l’empire du Mali et le royaume du Danhomê. La deuxième présente des personnages comme la princesse Yennega (un modèle d’inspiration extraordinaire, de courage, de leadeurship, selon Sandra Adjou), James Douglas ou Luiza Mahin.
Amadou Ba, historien et auteur établi dans le Nord ontarien, a été approché pour écrire les récits. Accepter le mandat allait de soi pour lui.
Dans son travail d’auteur, il a remarqué que le besoin pour ce genre de récit est de plus en plus criant : «[Les gens] veulent savoir ce qui s’est passé de bien, quelles sont les grandes figures historiques.»
Bref, «le contexte est favorable, les moyens de communication sont favorables, la visibilité est là, donc ce qui donne plus de possibilités», estime l’auteur.
«Il y a tellement de batailles»
Sandra Adjou, Torontoise d’origine béninoise, tient à un discours de construction identitaire positif «parce que tu as besoin de t’identifier en tant que jeune». «Les jeunes apprennent par l’exemple. Donc, tu apprends quelqu’un qui a un bon parcours, tu es motivé à avoir un bon parcours», remarque-t-elle.
La demande est généralisée, a observé Amadou Ba – dans la diaspora, chez l’Autre, même chez les Africains de l’intérieur.
Dans les ateliers, le message est aussi transmis aux enfants d’origine autre qu’afrodescendante. Ce contact et cette connaissance de l’histoire de l’Autre contribueront à renverser les préjugés et les barrières, espère Sandra Adjou.
«Tu vois, parce que quand tu veux chercher un logement et qu’on ne t’appelle pas, qu’on ne t’appelle pas à cause de ton nom… il y a des familles qui vivent ces réalités-là.»
«On ne prétend pas pouvoir tout changer, mais on veut s’axer sur cette jeunesse-là», ajoute-t-elle.
Une ouverture
Le livre Nos héros afro-descendants porte la mention «tome 1». C’est dire que Sandra Adjou espère poursuivre le travail au-delà de ces deux bandes dessinées et des ateliers.
«Il serait intéressant de raconter comment tous ces royaumes ont commencé. On parle de l’organisation politique, économique, sociale. On parle du déclin aussi. On parle de grands personnages qui ont existé et qui ont fait la différence», résume-t-elle.
Et Joe Tamko pourra présenter ces histoires à sa petite fille, pour qu’elle connaisse aussi, dès l’enfance, ses racines.