le Vendredi 18 juillet 2025

«On habite dans un pays où on pense qu’on a toute la richesse de l’eau autour de nous, sauf qu’on ne la gère pas bien», estime Soula Chronopoulos, la présidente d’AquaAction, une organisation dédiée à la santé de l’eau douce en Amérique du Nord.

Industries, agriculture, logements, transport, énergie : «Dans notre économie, tout se passe par l’eau», poursuit-elle. Mais l’offre ne suit pas toujours la demande. «La population grandit au Canada, on construit et on n’a pas assez d’eau pour approvisionner ces bâtiments.»

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Une consommation industrielle accrue

Selon un rapport de Statistique Canada publié en juillet 2024, les industries continuent d’être les principaux consommateurs d’eau au pays.

En 2021, un peu plus des deux tiers (69,5 %) de toute l’eau utilisée par les industries au Canada ont servi à la production, au transport et à la distribution d’électricité. Viennent ensuite les cultures agricoles (6,2 %) et l’élevage (4,8 %).

La consommation d’eau dans le secteur agricole a augmenté de 30,9 % entre 2019 et 2021, une période qui coïncide avec de faibles niveaux de précipitations, notamment dans les Prairies.

Sensibiliser, «une bataille difficile»

En Saskatchewan, Al Birchard, agriculteur bio, accorde une place importante à la préservation et la restauration des milieux humides.

En Saskatchewan, de nombreuses régions, notamment les réserves des Premières Nations, ne bénéficient pas d’un approvisionnement adéquat en eau potable, dénonce Al Birchard. 

Photo : Courtoisie

«Ils contribuent grandement à l’atténuation des inondations et des sècheresses […] et présentent de nombreuses caractéristiques écologiques dont beaucoup de gens, parmi les agriculteurs et le grand public, ne sont pas conscients», rapporte le représentant régional de l’Union Nationale des Fermiers (UNF).

«Nous examinons de près le projet d’irrigation de plusieurs milliards de dollars», ajoute-t-il en faisant référence aux travaux titanesques autour du lac Diefenbaker annoncés en 2020 par le premier ministre de la Saskatchewan, Scott Moe, mais qui sont loin de faire l’unanimité.

Un projet qui, d’après Al Birchard, coutera bien plus que les 4 milliards de dollars prévus et ne bénéficiera qu’à seulement 1 % des agriculteurs de la province.

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L’agriculteur regrette que les administrations provinciales ou municipales n’accordent pas assez d’attention à la conservation de l’eau. «Elles s’intéressent davantage à l’eau en tant que ressource, ce qui signifie qu’il faut l’utiliser d’une manière ou d’une autre.»

«Si l’UNF a une politique en matière d’irrigation et de préservation des milieux humides, ce n’est pas le point de vue le plus répandu. […] C’est donc une bataille difficile que de sensibiliser le grand public et les ordres de gouvernement.»

La Saskatchewan ne dispose pas à ses yeux d’une politique de gestion de l’eau complète et appropriée. «Les politiques qu’ils envisagent et qu’ils mettent en œuvre n’impliquent pas toujours des évaluations environnementales», regrette-t-il.

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Une gestion «très divisée»

Pour le responsable des politiques canadiennes à l’Alliance des villes des Grands Lacs et du Saint-Laurent, Maxime Hayet, les industries et les municipalités doivent travailler «comme partenaires et pas seulement comme adversaires», afin de réduire leur consommation en eau.

Maxime Hayet estime que les industries et les municipalités doivent collaborer pour diminuer leur consommation d’eau. 

Photo : Courtoisie

«Cette ressource va devenir de plus en plus rare et donc chère, donc il faut qu’on se prépare à ça», alerte-t-il.

Inclure les communautés autochtones à la table des négociations demeure aussi essentiel, insiste le directeur de l’Association internationale de recherche sur les Grands Lacs, Jérôme Marty, elles qui «ont été souvent mises de côté». «On ne peut pas avoir une bonne gestion des ressources aquatiques aujourd’hui sans l’implication des Premières Nations.»

«Le problème de la gestion de l’eau au Canada, c’est qu’elle est très divisée, au niveau municipal, provincial et fédéral», ajoute-t-il. Une division qui selon lui peut entrainer des complications.

Il prend l’exemple des Grands Lacs. «Dans ce cas, on a des lois qui peuvent être différentes d’un côté ou de l’autre des frontières, et entre les provinces et les États. Il n’y a pas une règle qui s’applique partout pour gérer le système et c’est de cela qu’on aurait probablement besoin.»

«On n’a pas de lois qui règlementent le relargage des nutriments dans l’environnement, à la place, on a des guides de bonnes pratiques», illustre-t-il.

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Différences régionales et culturelles

«Il y a des différences régionales. Une approche unique pour relever les défis liés à l’eau douce au Canada ne fonctionnerait pas», contredit le directeur par intérim des partenariats autochtones, des relations externes et des communications à Environnement et Changement climatique Canada, Remi Gosselin.

Pour Jérôme Marty, il est impératif d’inclure les Premières Nations à la table des négociations liées à l’eau. 

Photo : Stephany Hildebrand

«Il y a aussi des différences culturelles et sociétales», renchérit-il, en faisant notamment référence aux peuples autochtones, «qui ont un lien profond avec l’eau, qui est aussi au cœur de leur vie culturelle, spirituelle et sociale».

Précisément, selon lui, toutes ces divergences et ces besoins particuliers mettent en évidence la nécessité d’un effort national pour gérer la ressource de manière coordonnée. «Les activités liées à l’eau douce relèvent de plus de 20 ministères et agences fédérales.»

Il cite la création à cet effet de l’Agence de l’eau du Canada, qui finance plusieurs initiatives visant, entre autres, à restaurer les milieux aquatiques et à améliorer la qualité de l’eau douce dans des milieux sensibles.

«On essaie de commencer à établir des relations avec le secteur industriel, ajoute Remi Gosselin. Les conversations sont vraiment à la tendre enfance. On n’est pas nécessairement rendus à l’étape des solutions, mais c’est sûr qu’on considère ça comme étant un groupe qui fait partie de nos intervenants clés. Donc, on travaille à bâtir cette relation-là.»

Une agence fédérale pour l’eau

Le gouvernement fédéral a entrepris en 2020 la création d’une Agence de l’eau du Canada pour encadrer la gouvernance de l’eau douce au pays. Elle devrait permettre de gérer la ressource en travaillant en partenariat avec les peuples autochtones, les provinces, les territoires et les parties prenantes.

Ottawa a annoncé un investissement de 85,1 millions de dollars sur cinq ans, à compter de 2023-2024, et de 21 millions de dollars par année par la suite pour appuyer la création de cette agence.

L’un des objectifs de cette dernière est de «mettre ensemble toutes les bases de données qui existent sur la qualité d’eau et la quantité d’eau à travers tout le pays», explique le directeur de l’Association internationale de recherche sur les Grands Lacs, Jérôme Marty.

«Et ça, c’est quelque chose qui va être utile pour prendre des meilleures décisions», veut-il croire.

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Des gouvernements qui n’en font pas assez?

Si Soula Chronopoulos salue la volonté du gouvernement fédéral et d’une partie des provinces et territoires de s’attaquer au problème de la gestion de l’eau et d’investir pour y remédier, elle déplore toutefois un manque d’engagement de la part des décideurs politiques.

Pour Soula Chronopoulos, le gouvernement du Canada doit innover, sensibiliser et agir rapidement pour protéger et bien gérer l’eau douce au pays, notamment au moyen d’initiatives technologiques et de politiques publiques. 

Photo : Courtoisie

«L’eau n’est pas aussi sexy que le carbone», lâche-t-elle, en faisant allusion à certains discours politiques.

Pourtant, «il s’agit d’une menace pour l’agriculture et d’un problème de santé», rappelle la présidente d’AquaAction.

«Ce n’est pas seulement un problème climatique et environnemental. Cela va plus loin. Nous ne vivons que trois jours sans eau […] J’espère que le fédéral à un moment donné finira par le voir comme ça.»

«Le Canada pourrait et devrait être leadeur dans ce secteur […] De combien de Jasper [ville albertaine ravagée par un incendie à l’été 2024, NDLR] de plus avons-nous besoin pour comprendre qu’il nous faut faire quelque chose? De combien de Jasper avons-nous besoin avant d’agir?»

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«Il y a des guerres qui commencent autour de l’eau»

Selon elle, il est primordial de prendre conscience de tous ces enjeux liés à l’eau, aussi bien dans la sphère publique, médiatique, que politique.

«Nous avons besoin de mettre ça dans les médias. Les médias ne parlent pas de ça; des personnes qui n’ont pas accès à de l’eau potable ou de bonne qualité. On ne parle pas des polluants ou des microplastiques dans notre eau que nous buvons actuellement.»

«Il y a déjà des guerres qui commencent autour de l’eau ou le manque d’eau.» Si le Canada n’est pas encore concerné, il reste une «cible», prévient-elle.

C’est la «nouvelle quête du Graal», a amorcé le médiateur de la discussion et gestionnaire de projet à la Fédération culturelle canadienne-française (FCCF), Sven Buridans : la découvrabilité.

Comment améliorer la visibilité et l’accessibilité des contenus francophones dans un paysage médiatique dominé par l’anglais? Des acteurs et actrices du milieu se sont retrouvés autour d’une table ronde à Montréal, le vendredi 8 novembre, pour essayer de répondre à cette épineuse question.

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«Découvrabilité» : un terme à la mode

«C’est le potentiel pour un contenu, disponible en ligne, d’être aisément découvert par des internautes dans le cyberespace, notamment par ceux qui ne cherchaient pas précisément le contenu en question», définit l’Office québécois de la langue française (OQLF), qui avait d’ailleurs désigné le mot parmi ses termes de l’année 2023.

Autrement dit, il s’agit de la capacité d’un contenu, ici audiovisuel, à émerger et être facilement repéré – et repérable – dans l’immensité de l’océan numérique, notamment grâce à l’utilisation de mots-clés, d’algorithmes de recherche ou de stratégies markéting.

De gauche à droite : Martin Bilodeau, Jérôme Hellio, Jason Todd, Carol Ann Pilon, Bruno Boëz, Marianne Lamber et Sven Buridans, à l’occasion du festival de films francophones Cinemania, qui se tient jusqu’au 17 novembre, à Montréal. 

Photo : Camille Langlade – Francopresse

Faire connaitre les plateformes déjà existantes

Première difficulté, la production francophone en dehors du Québec reste «relativement mal perçue» de l’autre côté de l’Atlantique, notamment en France, a souligné le directeur général du Regroupement des artistes cinéastes de la francophonie canadienne (RACCORD), Bruno Boëz.

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Même si les contenus francophones se retrouvent sur les plateformes, «ils sont avalés dans un catalogue de films où il est difficile, selon les plateformes, de se retrouver par rapport à un cinéma francophone, québécois ou canadien anglophone.»

Certains outils existent déjà pour faciliter l’accès de ces œuvres au public. Le Fonds des médias du Canada (FMC) et Téléfilm Canada proposent par exemple NOUS | MADE, qui répertorie les œuvres canadiennes; aussi bien cinématographiques, télévisuelles ou les jeux vidéos.

Mediafilm propose aussi une grande sélection de films et la plateforme Tënk Canada braque son projecteur sur le cinéma documentaire.

«Clarifier l’offre»

Néanmoins, ces outils ne sont pas toujours bien connus du grand public et des professionnels, ont reconnu les intervenants et intervenantes du panel.

Pour y remédier, le Front des réalisateurs indépendants du Canada (FRIC) recommandait dans un rapport la création d’un portail national pour regrouper «tous ces services gratuits de déployabilité et de streaming, afin de clarifier l’offre de contenu canadien», a expliqué Bruno Boëz.

À Tënk Canada, l’effort se concentre d’abord sur la visibilité de la plateforme, avant celle de ses contenus.

J’aurais beau mettre le chef-d’œuvre de l’année, mais si personne ne connait Tënk, personne ne le verra

— Jason Todd, codirecteur et directeur artistique par intérim de Tënk

«Popper sur Google, c’est le nerf de la guerre», avoue de son côté le directeur général de Médiafilm, Martin Bilodeau. «Notre vie est devenue très opérationnelle. On passe beaucoup de temps à nourrir cet ogre qu’est le numérique.» Un travail de fond qui, d’après lui, n’est pas toujours visible en surface.

Il souligne toutefois que contrairement à Netflix et son catalogue, ces plateformes de contenus francophones sont curatives, c’est-à-dire qu’elles proposent des œuvres «de qualité».

Carol Ann Pilon espère que le projet de loi C-27, concernant la protection de la vie privée des consommateurs et l’intelligence artificielle, protègera les droits d’auteur. 

Photo : Courtoisie

Mettre en place une stratégie dès le tournage

Pour la directrice générale de l’Alliance des producteurs francophones du Canada (APFC), Carol Ann Pilon, la découvrabilité va au-delà de la technique et du référencement : «Ça se passe aussi beaucoup via les médias sociaux.»

Elle a remarqué que les personnes qui suivent les membres des équipes des films représentent un grand potentiel pour faire rayonner les productions.

«Il faut impliquer les équipes de markéting dès le début du projet», renchérit la directrice des coproductions et des acquisitions chez TFO, Marianne Lambert.

«La promotion doit commencer sur le plateau», confirme le directeur des contenus de TV5 Québec Canada, Jérôme Hellio. «Ce qui ne marche pas, c’est faire comme on faisait avant et l’appliquer sur les réseaux sociaux.»

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Un nouveau modèle de collaboration

La vieille pratique où les producteurs cèdent leurs droits aux diffuseurs et n’ont plus de contrôle sur leur contenu est obsolète : «Ça a changé», lance Sven Buridans. Néanmoins, les visions à court et moyen terme des joueurs peuvent parfois différer, souligne Carol Ann Pilon. Il reste alors à trouver un bon équilibre.

TV5 Québec Canada a modifié son algorithme pour «créer la surprise» et proposer aux usagers de sa plateforme des contenus qu’ils n’auraient pas forcément découverts par eux-mêmes, explique Jérôme Hellio. 

Photo : Philippe Casgrain

Dans cette ère de «coo-pétition», les diffuseurs et les producteurs doivent «se mettre ensemble pour sortir du lot parce qu’on est trop petits pour diviser nos affaires», appuie Jérôme Hellio.

Marianne Lambert a par ailleurs soulevé le récent mouvement de collaboration entre les diffuseurs francophones au pays, mentionnant que les contenus de la chaine franco-ontarienne TFO sont désormais disponibles sur la plateforme d’ICI TOU.TV.

Le modèle traditionnel où chaque maillon de l’industrie représente une phase de la production est révolu, a conclu Sven Buridan, se référant à un rapport de l’UNESCO de 2018, «Re|penser les politiques culturelles».

«La nouvelle chaine créative devrait être comme un réseau, au sein duquel les maillons […] ne sont plus des étapes, mais des nœuds qui interagissent en temps réel.» Avec de nouveaux problèmes à démêler.

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Le rapport est sans équivoque : le Bloc et les libéraux se sont entendus sur le rapport qui demande au gouvernement de cesser de «recourir aux permis de travail fermés dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires».

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Qu’est-ce qu’un permis de travail fermé?

Il s’agit d’un «permis de travail lié à un employeur donné», qui permet à des employeurs canadiens de recruter des immigrants temporaires pour combler les besoins de main-d’œuvre. La particularité est que le travailleur étranger ne peut pas changer d’employeur pendant la durée de son permis. 

Depuis 2014, seules les personnes admissibles au Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) et au Programme de la mobilité internationale (PMI) peuvent en bénéficier.

Ce type de permis peut mener à des abus. Des cas d’abus – particulièrement dans les secteurs agricoles, agroalimentaires et de la construction – et d’exploitation, avec des conditions de travail et de vie dégradantes et humiliantes, hors du cadre légal, ont été rapportés.

Alexis Brunelle-Duceppe assure que cesser la délivrance des permis fermés est une demande de longue date du Bloc québécois.

Photo : Courtoisie bureau d’Alexis Brunelle-Duceppe

Remplacer par d’autres permis et formes de protection

Parmi les solutions envisagées pour le remplacer figurent : un accès facilité à la résidence permanente via des «“programmes particuliers” à exigences réduites», la syndicalisation et la séparation des travailleurs étrangers temporaires concernés des autres bassins de candidats à la résidence permanente.

Des permis de travail sectoriels et régionaux constituent aussi une solution «intéressante», estime le porte-parole du Bloc québécois en matière d’immigration, Alexis Brunelle-Duceppe.

«En abolissant les permis de travail fermés, ça vient régler ce qui avait été décrié par le rapporteur spécial de l’ONU, qui disait que le système de permis fermé est un terreau fertile pour l’esclavage moderne. Donc, en faisant ça, on vient redonner un rapport de force aux employés vis-à-vis des employeurs.»

Le député de Saguenay-Lac-Saint-Jean voit une «bonne proposition» dans les permis régionaux, «puisque la pénurie de main-d’œuvre n’est pas la même au lac Saint-Jean qu’elle ne l’est à Toronto».

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Jenny Kwan souhaite remplacer les permis fermés par des permis ouverts, pour que les travailleurs étrangers puissent plus facilement changer d’emploi en cas d’abus par l’employeur. 

Photo : Inès Lombardo – Francopresse

Le NPD demande des permis de travail ouverts

Toutefois, le Nouveau Parti démocratique (NPD) vient contrecarrer l’argument du Bloc, en se reposant sur le témoignage du Centre des travailleurs et travailleuses immigrants (IWC-CTI) en comité, sur les permis sectoriels, déjà utilisés pour les travailleurs étrangers dans le secteur agricole.

«Les travailleurs peuvent demander l’autorisation de passer à une autre exploitation agricole sans avoir besoin d’un nouveau permis de travail, mais ils doivent obtenir l’approbation de leur employeur actuel, du nouvel employeur proposé et de l’agent de liaison responsable du pays. Cependant, pour de nombreux travailleurs victimes de violence, il est tout simplement impossible de changer d’employeur»

En conférence de presse jeudi, la porte-parole en matière d’Immigration pour le NPD, Jenny Kwan, a plaidé pour que les permis fermés soient remplacés par des permis ouverts, afin d’éviter les abus.

Un permis de travail ouvert?

Ce type de permis est délivré aux immigrants temporaires. À l’inverse des permis fermés, ils permettent au travailleur de changer d’employeur.

Contrairement à son collègue du Bloc québécois, Alexis Brunelle-Duceppe, Jenny Kwan croit que cela ne déstabilisera aucunement le marché du travail canadien, si les conditions de travail offertes sont bonnes.

«Des témoignages au Comité ont dit que si l’employeur assurait de fournir aux travailleurs le respect, les salaires dans un environnement compétitif, ils pourront non seulement retenir les travailleurs, mais aussi les attirer», dit-elle.

Après la victoire de Donald Trump, Jenny Kwan a confié avoir «très peur» pour les immigrants.

«De mon point de vue, ce que nous allons voir est des violations des droits de la personne atroces et de désespoir. Nous avons déjà vu comment l’administration Trump a mis les enfants en prison, séparés de leurs parents. Le Canada doit être le béton d’espoir pour la communauté, pour la communauté mondiale». 

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Les conservateurs remettent en question «l’esclavage moderne»

Dans un rapport dissident à celui du Comité, le Parti conservateur du Canada (PCC) demande de son côté le maintien des permis fermés, avec un «programme autonome» de travailleurs étrangers temporaires dans les secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire.

«Un système de permis de travail ouvert ne répond pas à l’objectif», considère le Parti conservateur, qui reprend dans le rapport les mots d’une témoin du comité, Gabriela Ramo.

Pour cette dernière, avec ce type de permis, «[v]ous pouvez faire venir quelqu’un et penser qu’il va travailler dans les fermes, mais il pourrait travailler dans n’importe quel autre secteur».

Les conservateurs en tirent la conclusion que les permis de travail fermés «offrent prévisibilité et fiabilité à un secteur où ces qualités sont rares».

Par ailleurs, s’ils «condamnent fermement l’exploitation et l’abus des travailleurs vulnérables» en exprimant leur «soutien total» à la prévention de ces abus, ils ont remis en cause l’accusation du rapporteur spécial de l’ONU sur les formes contemporaines d’esclavages, selon eux «sans fondement».

Ce dernier argument repose sur le fait que le rapporteur n’aurait «pas fait l’effort de visiter personnellement une exploitation agricole au cours de sa visite de 14 jours au Canada».

FRANCOPHONIE

Le ministre Marc Miller a comparu devant le Comité permanent des Langues officielles du Sénat lundi. 

Photo : Inès Lombardo – Francopresse

Le ministre d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), Marc Miller, a répondu à des questions des sénateurs liées aux étudiants étrangers et à l’immigration francophone au pays. Son collègue, le ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et des Langues officielles, Randy Boissonnault, a quant à lui répondu aux questions sur les soins de santé en français.

Pourquoi c’est important : Quelques semaines après son annonce sur l’abaissement du nombre d’immigrants au Canada – nuancée par une hausse des cibles de résidents permanents francophones, le ministre a souligné à grands traits le rôle des provinces dans l’immigration francophone, qui doit passer selon lui par l’intégration et non pas seulement par l’augmentation des cibles d’immigrants.

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Responsabilité partagée en santé : Le ministre Randy Boissonnault a lui aussi parlé des différents niveaux d’engagement des provinces dans les soins de santé. Il a par exemple salué le travail de la Saskatchewan, où le ministère responsable doit, dans un délai de 20 jours, déterminer si les compétences des immigrants travaillant dans le domaine de l’éducation sont reconnues, et enquêter dans le cas contraire.

CANADA

La rapporteuse spéciale de l’Organisation des Nations Unies (ONU) sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, Francesca Albanese, était sur la Colline mardi pour demander au Canada d’effectuer un audit de ses affaires en cours avec Israël. Elle a aussi demandé d’y mettre fin immédiatement, en raison du «génocide en cours en Palestine», a-t-elle expliqué.

La rapporteuse spéciale de l’ONU pour les territoires palestiniens occupés depuis 1967, Francesca Albanese, a pointé du doigt le «manque de transparence» du Canada dans son soutien armé à Israël. 

Photo : Inès Lombardo – Francopresse

Pourquoi c’est important : Selon la rapporteuse spéciale, le gouvernement canadien viole les lois internationales, notamment en envoyant des armes à Israël. Elle demande notamment l’annulation immédiate de ces transferts, la transparence sur les affaires du Canada avec Israël et la révision de l’Accord de libre-échange entre les deux pays.

Le lendemain, la Coalition pour la responsabilité du Canada à Gaza est intervenue sur le même sujet. Elle a souligné le manquement du Canada à accueillir des réfugiés, membres de famille de Canadiens-Palestiniens. La Coalition a déposé une requête judiciaire contre le ministre fédéral de la Justice et procureur général du Canada, Arif Virani.

Même si la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, l’a démenti, Francopresse a confirmé que le gouvernement canadien a également choisi d’annuler une rencontre pourtant prévue avec la rapporteuse spéciale. En outre, elle devait être entendue au Comité permanent des affaires étrangères et du développement international sur la question du génocide, mais ce dernier a finalement annulé son invitation après une motion à huis clos.

Ce qu’elle dit : «Le Canada a des obligations très claires à la lumière des lois internationales envers le peuple palestinien», a rappelé Francesca Albanese.

La rapporteuse spéciale a rappelé que sur les 45 000 morts de Palestiniens connus depuis le 7 octobre 2023, 70 % étaient des femmes et des enfants. «Sur les 17 000 enfants, 700 morts étaient des bébés», a-t-elle ajouté, déplorant ce qu’elle qualifie d’«atrocités» de l’État d’Israël.

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Le ministre de l’Environnement, Steven Guilbeault, a présenté lundi un projet de règlement visant à imposer un plafond d’émissions de gaz à effet de serre (GES) au secteur pétrolier et gazier, qui devrait rentrer en vigueur en 2030.

Pourquoi c’est important : Le règlement obligerait le secteur des énergies fossiles à réduire de 35 % ses GES par rapport à 2019. Il prévoit un système de plafonnement et d’échange et devrait, selon le gouvernement, encourager les entreprises à adopter des technologies plus propres sans limiter la production.

Ce qu’ils disent : Le Parti conservateur du Canada (PCC) a critiqué ce plan de règlement, assurant que le gouvernement de Justin Trudeau veut «mettre en place un soi-disant “plafond d’émissions” qui tuera les emplois canadiens, augmentera le cout de l’énergie et enverra des milliards de dollars à des dictateurs à l’étranger».

Steven Guilbeault a de son côté soutenu que l’élection des conservateurs pourrait freiner la réduction des émissions du secteur pétrolier et gazier.

L’ancien sénateur autochtone manitobain Murray Sinclair est décédé lundi à l’âge de 73 ans.

Un rôle crucial : «Évidemment il a fait énormément de choses dans sa vie, mais pour moi son leadeurship au sein de la Commission de vérité et de réconciliation, son travail non seulement pour partager ce rapport, rédiger ce rapport, mais ensuite s’engager à tous les jours aux actions qui devaient être menées par les différents ordres de gouvernement pour accomplir ce voyage de réconciliation sur lequel nous nous trouvons était extraordinaire», a commenté le premier ministre Justin Trudeau, en conférence de presse lundi.

Murray Sinclair a été le premier juge autochtone du Manitoba et le deuxième au Canada en 1988. Il a présidé les travaux de la Commission de vérité et réconciliation du Canada de 2009 à 2015.

La porte-parole du Bloc Québécois en matière de Travail, d’Emploi et de Développement de la main-d’œuvre, Louise Chabot, a déposé mardi en Chambre une réforme de l’assurance-emploi.

Ce que ça changerait : Le taux de prestations sur la rémunération assurable augmenterait de 55 à 60 %, et le nombre de semaines de prestations spéciales en cas de maladie passerait de 26 à 50.

Par ailleurs, des prestations régulières de l’assurance-emploi seraient versées aux personnes forcées de quitter leur emploi en raison de violences conjugales ou de responsabilités familiales et à celles qui retournent aux études.

INTERNATIONAL

Largement réélu avec au moins 295 grands électeurs (au moment de la publication) contre 226 en faveur de sa rivale démocrate, Kamala Harris, Donald Trump redeviendra président des États-Unis.

«Nous devons accepter» les résultats, a déclaré Kamala Harris, qui aurait appelé le prochain occupant du Bureau ovale pour le féliciter. Elle a également appelé ses partisans à «continuer à se battre» : «C’est le temps de retrousser nos manches.»

Au Canada, le premier ministre Trudeau a félicité Donald Trump au téléphone. En point de presse, il a déclaré : «Ça a été une victoire décisive et j’ai hâte de travailler avec lui pour livrer pour les Canadiens et pour les Américains. On va recommencer à s’engager à fond avec l’équipe de Donald pour s’assurer qu’on est en train de bâtir un monde meilleur pour les Canadiens, pour les Américains, et pour tout le monde à travers la planète.»

De son côté, Pierre Poilievre a lui aussi félicité le locataire de la Maison-Blanche en tapant sur son adversaire au Canada : «Les États-Unis ont déjà pris un demi-billion de dollars d’investissements et d’emplois au Canada pendant les neuf années du gouvernement Trudeau, et les Canadiens n’ont plus les moyens de se loger et de se nourrir.»

Le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Jagmeet Singh, a de son côté été l’un des seuls responsables politiques canadiens à laisser transparaitre sa réticence : «Il est temps de défendre avec force notre économie, nos emplois, nos frontières, notre environnement et nos gens», a-t-il assuré sur le réseau X.

Quant au chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, il s’est montré courtois, sans toutefois féliciter directement le nouveau président : «Il est d’usage d’aborder le mandat d’un nouveau chef d’État avec des félicitations optimistes. Le président élu des États-Unis a su lire le cœur de nombreux citoyens et leur offrir les mots qui les lui auront ralliés», a-t-il écrit, lui aussi sur X.

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Le premier ministre sortant, Scott Moe, a été réélu à la tête de la Saskatchewan le 28 octobre, mais a perdu huit sièges au profit du NPD. 

Photo : Office of EPA Administrator – Wikimedia Commons

«Pour Scott Moe, le gouvernement fédéral est intrusif pour la Saskatchewan», avance Frédéric Boily, professeur de science politique au Campus Saint-Jean de l’Université de l’Alberta.

Il prend l’exemple du premier ministre de la province, qui a souligné par le passé que la Saskatchewan contrôle ses ressources naturelles. «C’était déjà évident, mais on a tenu à le rappeler.»

«L’idée est que le Parti saskatchewanais est là pour défendre les intérêts de la Saskatchewan contre un gouvernement fédéral qui met en place des politiques environnementales qui sont au détriment des intérêts économiques de Saskatchewan. On s’oppose au gouvernement libéral. Tant que ce dernier reste à Ottawa et qu’ils sont dans une position de faiblesse comme maintenant, on reste donc dans une relation glaciale», soutient le politologue.

«Ne pas se montrer trop proche du gouvernement à Ottawa»

La raison de ce désamour entre les deux paliers de gouvernements ne résulte pas d’une inimitié personnelle de Scott Moe envers Justin Trudeau. «C’est surtout que la Saskatchewan est une économie rurale, qui repose sur le gaz naturel», explique le professeur adjoint à la Faculté des études politiques de l’Université de la Saskatchewan, Daniel Westlake.

«Donc la taxe sur le carbone aurait un impact négatif particulièrement fort sur un endroit comme la Saskatchewan. Et ça crée ce genre de lutte entre la province et le gouvernement fédéral.»

Cette opposition au gouvernement fédéral et à Justin Trudeau est aussi «une façon de se doter d’un capital politique à l’interne, contre les néodémocrates, ce qui joue en faveur du Parti saskatchewanais, notamment du côté des régions rurales», délaissées par Ottawa, estime l’universitaire.

Selon le professeur Frédéric Boily, le gouvernement libéral, en particulier, ne tient pas compte des intérêts de l’économie saskatchewanaise. 

Photo : Courtoisie

Selon Frédéric Boily, cet antagonisme met aussi sur la défensive les néodémocrates qui «doivent eux aussi trouver une façon de composer avec ça».

Dans tous les cas, au niveau provincial, «on ne peut pas se montrer trop proche du gouvernement à Ottawa», analyse-t-il.

Carla Beck, la cheffe du Nouveau Parti démocratique (NPD) de la Saskatchewan, a  également fait attention à ne pas être identifiée à Jagmeet Singh «parce que par la suite, ça peut leur être reproché», affirme encore le professeur.

Lors du dernier débat télévisé, le premier ministre sortant, Scott Moe, a insinué que Jagmeet Singh [le chef du Nouveau Parti démocratique fédéral, NDLR] avait soutenu Justin Trudeau. Ce sous-entendu visait à associer son adversaire à Jagmeet Singh, et par raccourci, à Justin Trudeau. Carla Beck s’est défendue en rappelant qu’il s’agissait d’une campagne provinciale, et non fédérale.

Pierre Poilievre : le prochain challenge de Scott Moe

L’autre défi pour Scott Moe sera de traiter avec un Pierre Poilievre plus populaire que lui, si le chef du Parti conservateur du Canada remporte les prochaines élections fédérales.

Daniel Westlake, professeur en Saskatchewan, assure que si Pierre Poilievre remporte les prochaines élections fédérales, Scott Moe aura affaire à un premier ministre plus populaire que lui dans sa propre province.

Photo : Courtoisie Université de la Saskatchewan

La même dynamique s’applique à Danielle Smith, la première ministre de l’Alberta. «Ça crée un défi intéressant pour ces deux premiers ministres, car ces dernières années, leur façon de se vendre à leurs électeurs reposait sur leur bataille contre le gouvernement fédéral», observe Daniel Westlake.

«Une fois Poilievre élu, si tel est le cas, ils ne vont plus pouvoir faire ça. Ils vont devoir trouver d’autres problèmes et d’autres façons de montrer qu’ils se battent pour les intérêts de leur province.»

Avec les informations de Julien Cayouette, Marianne Dépelteau, Marine Ernoult et Camille Langlade

Sur le plan économique, le chef républicain Donald Trump a menacé, durant la campagne électorale, d’appliquer des tarifs douaniers généralisés, sans promettre de passe droit pour son plus grand partenaire commercial, le Canada.

Les Américains sont de nature protectionniste, peu importe le parti au pouvoir, fait remarquer Yan Plante, président-directeur général du Réseau de développement économique et d’employabilité (RDÉE Canada).

S’il est encore trop tôt pour savoir si l’économie de la francophonie canadienne sera touchée par le retour au pouvoir de Donald Trump, Yan Plante est tout même d’avis que le résultat du vote au Wisconsin, État du nord des États-Unis, constitue une possible menace au système canadien de gestion de l’offre qui régit le marché du lait chez nous.

Donald Trump «est prévisible dans le sens qu’il est imprévisible. Donc on sait qu’il peut se lever un matin et changer complètement d’idée, donc il faut être prêt à ça», prévient Yan Plante.

Photo : Courtoisie

Après tout, le Wisconsin – terre laitière des États-Unis – a été remporté par le Parti républicain. Or, les nombreux producteurs laitiers qui s’y trouvent aimeraient bien avoir accès au marché canadien.

Si le président américain choisit de céder à leurs pressions pour les remercier de leur appui, les fermes laitières du Canada, y compris celles qui appartiennent à des francophones, pourraient en souffrir.

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Pragmatisme économique

Mais le président ne prend pas des décisions en vase clos. Les relations du Canada avec les gouvernements de chaque état et avec les entreprises ont un rôle à jouer. Pour cette raison, le travail d’«Équipe Canada», qui maintient ces relations, est important, rappelle Yan Plante.

Ce dernier est convaincu que le Canada peut garder une très bonne relation économique avec les États-Unis si les sentiments personnels sont mis de côté. «Il y a juste l’intérêt supérieur du Canada qui devrait compter.»

«On sait que [Donald] Trump préfère de loin les relations bilatérales versus les relations multilatérales», souligne-t-il avant d’expliquer que Donald Trump considère avoir le gros bout du bâton dans une négociation à deux et un pouvoir dilué dans une négociation à plusieurs.

«Ce qui peut être un avantage dans des relations comme ça, c’est que si notre premier ministre, peu importe qui est cette personne, et le président des États-Unis, peu importe qui est cette personne, développent d’excellents liens interpersonnels, on peut arriver à des choses auxquelles on ne se serait pas attendu à la base.»

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«Ce qu’on cherche, c’est simplement le respect; de reconnaitre l’humanité dans chaque personne de la communauté LGBT et de pouvoir avoir accès à des services qui répondent à nos besoins comme n’importe quelle autre personne», défend Arnaud Baudry (centre).

Photo : Courtoisie

Désinformation autour des enjeux 2SLGBTQIA+…

Pour la communauté 2SLGBTQIA+, les résultats de l’élection ne sont pas une bonne nouvelle selon Arnaud Baudry, directeur général de l’association FrancoQueer en Ontario, «parce que le mouvement anti-LGBT aux États-Unis est appuyé par Trump et par beaucoup d’élus [républicains]».

Mais surtout, Arnaud Baudry dénonce une mauvaise compréhension des enjeux liés à la communauté 2SLGBTQIA+, accentuée par la désinformation et la mésinformation. Une situation qui prévaut d’ailleurs des deux côtés de la frontière nationale.

«On entend des messages venant de politiciens au Canada qui reprennent les mêmes types d’informations erronées ou les mêmes types de mythes et de croyances pour faire peur à la population», avance-t-il.

D’après lui, la situation aux États-Unis pourrait avoir des répercussions négatives pour la communauté au Canada et alimenter un climat de méfiance autour de ses revendications.

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… mais aussi espoir de résistance

«C’est une question délicate et très préoccupante pour nous», lâche d’emblée le directeur général du Comité FrancoQueer de l’Ouest, en Alberta, Martin Bouchard. Selon lui, cette élection représente bien plus qu’un changement de leadeurship.

La personnalité polarisante de Trump et sa légitimation de discours de haine envers plusieurs communautés, dont la nôtre, alimentent un climat toxique qui menace les avancées pour les droits des personnes 2SLGBTQIA+, des femmes et d’autres groupes marginalisés.

— Martin Bouchard

«Dans la communauté 2SLGBTQIA+ et parmi nos alliés, il y a une résilience forte qui, nous l’espérons, se manifestera de plus en plus», veut croire Martin Bouchard.

Photo : Courtoisie

«Au Canada, même si l’influence est moindre, nous pouvons constater que certains leadeurs, comme Pierre Poilievre et Danielle Smith, en Alberta, s’inspirent de ce style politique, ce qui reste inquiétant pour nous», poursuit-il.

Malgré un sentiment teinté d’impuissance, il veut croire que la résilience de la communauté 2SLGBTQIA+ et ses alliés mènera à «la naissance de groupes de résistance plus unis et mieux organisés pour faire front commun contre ce type de discours et de politique».

«Peut-être faut-il encore laisser la chance aux coureurs de nous surprendre – des surprises, parfois, peuvent venir même des personnalités les plus polarisantes», glisse-t-il.

La communauté haïtienne visée

«Ce ne sont pas les résultats qu’on attendait. On pensait que madame Kamala Harris allait gagner», confie de son côté Amikley Fontaine, président et fondateur de la Fondation Sylvenie Lindor, dédiée aux jeunes personnes noires franco-torontoises.

Amikley Fontaine attribue des «idées autoritaires» au président Trump et espère que celui-ci écoutera ses conseillers. «Je lui souhaite le meilleur, parce que les États-Unis sont le premier partenaire du Canada en matière d’échanges.»

Photo : Courtoisie

Parmi les éléments du programme du président élu qui inquiète Amikley Fontaine se trouve l’immigration.

Il craint que le nouveau président «envisage une masse de déportations, notamment pour les ressortissants de la Colombie, du Venezuela et d’Haïti. L’inquiétude qu’on a au Canada, c’est que dans les jours à suivre, on pourrait assister à l’arrivée massive des ressortissants de ces pays qui sont aux États-Unis».

«Durant la campagne, Trump a été très très très hostile par rapport aux Haïtiens, notamment avec la question des chats et d’autres animaux. Je crois que le Canada doit se tenir prêt», insiste-t-il.

L’Entente sur les tiers pays surs est claire : sauf exception, un demandeur d’asile ayant vu sa demande rejetée aux États-Unis ne peut pas faire une demande au Canada, et vice-versa. La personne doit faire sa demande auprès du premier «pays sûr» dans lequel il arrive.

Amikley Fontaine implore le gouvernement libéral canadien de faire preuve d’ouverture. «Ici, au Canada, on a besoin des immigrants francophones», rappelle-t-il en mentionnant le manque de travailleurs et de travailleuses au sein des communautés francophones.

«Donc, peut-être qu’on pourrait utiliser ces immigrants qui sont déjà sur place aux États-Unis à travers un programme spécial.» Il assure que la Fondation Sylvenie Lindor serait prête à aider à l’accueil de migrants, le cas échéant.

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Avortement

«C’est une journée très triste aujourd’hui. Le droit à l’avortement des femmes américaines s’érode tranquillement. On a peur que cette intolérance monte au Canada», affirme la porte-parole de la Coalition pour le droit à l’avortement au Canada, Patricia LaRue.

Les nominations de juges de Donald Trump à la Cour suprême des États-Unis, lors de son premier mandat, ont mené à une restriction du droit à l’avortement dans plusieurs états.

Le mardi 5 novembre, en plus de voter pour élire leur président et les membres du Congrès, les électeurs du Nebraska, de la Floride et du Dakota du Sud ont rejeté des mesures proavortement dans le cadre de référendums locaux. Dans sept autres États, les électeurs ont en revanche voté pour le droit à l’avortement.

Au Canada, «beaucoup de gens travaillent au niveau politique pour limiter le droit à l’avortement», et «énormément de projets de loi sont déposés en ce sens», affirme Patricia LaRue.

Je crains que le regain des antichoix aux États-Unis se transfère de ce côté-ci de la frontière. Les opposants canadiens à l’avortement vont pousser pour mettre plus de barrières.

— Patricia LaRue

La porte-parole s’inquiète aussi de la venue d’Américaines dans les cliniques canadiennes si de plus en plus d’États américains imposent des restrictions. «C’est profondément injuste pour elles, et notre système de santé n’a pas forcément la capacité de les accueillir», prévient-elle.

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Pour la coréalisatrice et coproductrice de la série, Ania Jamila, Hôtel Beyrouth est avant tout une histoire d’immigration canadienne. 

Photo : Sahkosh Productions/TFO

Inspirée de faits réels, la fiction Hôtel Beyrouth suit les premiers pas de la famille Haddad à Ottawa. Réalisée par les Franco-Ontariennes Ania Jamila et Josiane Blanc, la série met à l’honneur les deux enfants de la famille : Zeina, une adolescente vive et sensible en quête d’identité, et Fady, un jeune garçon curieux et plein d’énergie, qui n’en rate jamais une.

Alors que les Haddad s’efforcent de trouver leurs repères dans cette nouvelle vie canadienne, leur résidence devient rapidement un point de passage pour les immigrants libanais.

Entre Beyrouth et Ottawa, keftas et pâté chinois, musique traditionnelle libanaise et pop nord-américaine, Hôtel Beyrouth dresse le portrait d’une immigration riche en contrastes et en émotions.

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Francopresse : La série se déroule à la fin des années 1980. Est-ce que les défis auxquels font face les nouveaux arrivants pour s’intégrer dans la société canadienne ont aujourd’hui changé?

Ania Jamila : Je ne pense pas que l’immigration change tant que ça, à part le côté bureaucratique de la chose […] parce que les lois ne sont pas les mêmes.

Mais après, une histoire d’immigration, ça reste toujours, surtout après la guerre, une expérience déchirante, pour les enfants et pour les parents. On doit quand même trouver une maison, un chez soi. Il faut quand même trouver des écoles, se tailler une place.

Il y a quand même un choc culturel. On a des accents, on n’a plus la même nourriture, on essaie de se fondre, mais on n’est pas encore prêts à être fondus.

— Ania Jamila

Malheureusement, j’ai plus une image d’histoire qui se répète constamment. La guerre qui se répète, même dans le même pays… les traumatismes. Mais le sujet, je tiens à le mentionner, ce n’est pas la guerre, c’est vraiment une histoire d’immigration.

C’est une histoire canadienne, de Néo-Canadiens qui arrivent au Canada et qui vont devoir faire leur place, s’adapter et souvent se poser la question : «Quand est-ce qu’on retourne, quand est-ce qu’on retourne?» Et au final, la plupart ne retournent pas.

«Je voulais vraiment qu’on les voie comme des membres de notre famille, qui nous ressemblent avec leur loufoquerie, avec leur blague, avec leur contradiction, avec leur faiblesse, avec leur humour», confie Ania Jamila.

Photo : Sahkosh Productions/TFO

Il s’agit aussi d’une famille qui parle français et qui vient s’installer dans une province anglophone. À quels défis particuliers sont confrontés les immigrants francophones?

Ania Jamila : La langue d’origine reste la langue affective. Quand on exprime ses émotions, souvent c’est plus facile de le faire dans la langue maternelle. Donc, ça crée quand même déjà au départ une petite cassure.

Quand on est à Ottawa ou en Ontario ou en milieu minoritaire, le flux d’informations qu’on reçoit est majoritairement en anglais. Donc, il faut vraiment comme séparer son cerveau en trois.

On a la langue d’origine qui est la langue affective, on a le français qui est la langue qu’on étudie à l’école, et ensuite on a l’anglais qui est tout le reste : le divertissement, les infos, les médias sociaux, etc.

Le français est comme squeezé entre les deux, et c’est une langue qui doit survivre en fait, c’est comme une survivante, qui a évidemment des accents.

À qui s’adresse la série?

Ania Jamila : Quand on racontait l’histoire, ça résonnait avec plein de personnes, même au sein de notre équipe. Moi, j’ai vécu quelque chose de très similaire, le trauma en moins. Mais le déracinement, il est là.

L’école, la maison, les parents qui n’arrivent pas à trouver de travail, qui ne savent pas s’ils vont rester, la famille qui reste derrière, le fait qu’on s’entraide entre nous, qu’on a toujours accueilli des gens dormir à la maison. Cette espèce de porte tournante, ça, c’est quelque chose qui fait écho.

C’est une histoire canadienne, une histoire néocanadienne; ce n’est pas une histoire libanaise. On met à l’écran une communauté libanaise qu’on met à l’honneur et puis qu’on célèbre avec toute sa splendeur et toute sa richesse et toute son unicité.

Mais en fin de compte, c’est cette histoire super précise et super particulière, tirée d’une histoire vraie, qui devient universelle au Canada.

Fady (9 ans) et sa sœur Zeina (14 ans) vont devoir s’adapter à leur nouveau chez-soi. 

Photo : Sahkosh Productions/TFO

La série a une résonance toute particulière aujourd’hui, compte tenu des évènements au Liban, mais aussi dans d’autres pays comme Haïti, où des personnes fuient la guerre en quête de refuge, notamment au Canada.

Ania Jamila : En fait, je pense que ça nous donne la chair de poule tout le temps que ce ne soit pas une histoire du passé. […] C’est vraiment une histoire du présent, même si elle se passe dans les années 80. On a quand même traité le sujet de façon sérieuse, mais on a décidé d’en faire une comédie.

Je ne voulais pas qu’on voie ces personnes comme des victimes. Parce que ce sont des personnes qui sont hautes en couleur, qui ont beaucoup de personnalité, de rêves, de répartie, etc.

Je voulais aussi qu’on les voie comme des gens qui feraient partie de notre vie. Parce que souvent, quand on est dans le pathos, dans l’ultrapathos [on se dit que] «ça arrive aux autres, c’est pas à nous». Et je voulais vraiment qu’on les voie comme des membres de notre famille, qui nous ressemblent avec leur loufoquerie, avec leur blague, avec leur contradiction, avec leur faiblesse, avec leur humour.

Je me disais, ils sont beaucoup plus humains comme ça. On va plus les voir comme des gens qui font partie de notre communauté que comme des étrangers.

— Ania Jamila

Et puis aussi, aujourd’hui, ça prend une autre dimension pour la communauté libanaise qui a besoin de souffler, qui a besoin de rire un peu, alors qu’on a envie de pleurer.

Les propos ont été réorganisés pour des raisons de longueur et de clarté.

Hôtel Beyrouth est disponible depuis le 24 octobre sur la plateforme TFO et diffusée tous les jeudis à 20 h sur la chaine.

«Ce texte permet de s’assurer que les francophones en situation minoritaires restent dans la mire des grandes institutions et il nous permet aussi de pouvoir aider les organismes comme l’ONF [Office national du film du Canada NDRL] ou Téléfilm Canada à atteindre leurs mandats de soutien aux artistes», a déclaré la présidente de la Fédération culturelle canadienne-française (FCCF), Nancy Juneau, lors de la signature officielle pour le renouvèlement de l’entente, le 31 octobre, au Centre national des Arts, à Ottawa.

Le Conseil des arts du Canada, la Société Radio-Canada, le Centre national des Arts, l’Office national du film du Canada, Téléfilm Canada, ainsi que le gouvernement fédéral font partie des signataires de l’Entente. 

Photo : Clémence Labasse – Francopresse

Les organismes signataires, qui comprennent également le Conseil des arts du Canada, s’engagent à mettre en valeur la culture et les arts francophones partout au pays, à accroitre la visibilité des communautés artistiques minoritaires et à lever les obstacles qui entravent leur accès aux programmes de soutien et de financements.

«On a besoin des [partenaires rassemblés aujourd’hui] pour se faire découvrir en tant que francophones et francophiles, pour célébrer nos racines, mais aussi notre avenir», a souligné le ministre fédéral de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et des Langues officielles, Randy Boissonnault.

Pour le rapeur franco-ontarien Yao, présent pour l’annonce, les bienfaits de cette entente sont tangibles. «Nous avons besoin que les gros joueurs comme le gouvernement, mais aussi Radio-Canada, le Centre national des Arts et les autres soient engagés pour nous permettre de mieux rayonner.»

«On voit l’impact de l’entente quand on constate qu’on nous donne de plus en plus la place dans la programmation ou la couverture des évènements culturels, on se fait interviewer, on est écoutés, soutenus.»

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La présidente de la FCCF, Nancy Juneau, se réjouit de la nouvelle entente pour 2024-2028. 

Photo : Clémence Labasse – Francopresse

Un nouveau cadre législatif

L’entente a été renouvelée dans le cadre du Plan d’action pour les langues officielles 2023-2028, qui prévoit 4,1 milliards de dollars pour appuyer le développement des communautés de langues officielles minoritaires.

Elle s’inscrit également dans le sillon du nouveau cadre législatif de la Loi sur les langues officielles, modernisée en 2023, qui définit les arts et la culture comme des piliers fondamentaux à l’épanouissement des communautés francophones au pays. Des piliers que le gouvernement a maintenant le devoir d’appuyer par des mesures positives concrètes.

La FCCF espère que ce contexte permettra, entre autres, d’établir prochainement un meilleur portrait du travail déjà effectué dans le domaine. «Nous nous sommes entendus sur l’importance des données pour documenter les progrès qu’on a réalisés ces 20 dernières années et mieux comprendre les besoins», précise Nancy Juneau.

Aucun financement n’est rattaché directement à la nouvelle mouture. «Le financement arrive aux organismes par d’autres entremises. […] En ce qui concerne les organismes d’Art et Culture, ce financement vient directement de Patrimoine Canada et il y a toujours des enveloppes auxquelles les organismes peuvent avoir accès via des demandes ponctuelles à mon bureau», a expliqué le ministre.

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Encore des défis d’accessibilité

Les intervenants réunis le 31 octobre ont tous relevé les difficultés auxquelles le milieu est confronté à l’ère du numérique. Internet est désormais la première destination du grand public pour la consommation de contenus culturels, dont on estime que «seuls 5 % sont en français».

Découvrir un artiste francophone de l’Ouest, du Québec ou du Nouveau-Brunswick, ce n’est pas évident. Aller sur Spotify, aller sur les géants du Web, trouver du contenu francophone, ce n’est pas évident

— Randy Boissonnault

Des membres de la FCCF d’un bout à l’autre du pays étaient réunis pour célébrer le renouvèlement de l’Entente. 

Photo : Clémence Labasse – Francopresse

La FCCF soulève par ailleurs que certains partenaires ne sont toujours pas autour de la table, comme les acteurs du domaine des affaires. «Le secteur des arts comporte un volet d’industrie qui opère comme n’importe quelle autre industrie, mais pour qui les programmes de financement et développement économiques ne sont pas vraiment adaptés», a indiqué Nancy Juneau.

Les provinces sont également, pour le moment, absentes de l’Entente de collaboration. À noter cependant qu’en aout 2024, la directrice générale de la FCCF, Marie-Christine Morin, a été pour la première fois conviée à la conférence des ministres provinciaux responsables de la francophonie à Halifax, afin d’expliquer l’importance de l’investissement et de la promotion des arts en français au Canada.

«Les ministres ont nommé un appétit pour un possible projet national dans le domaine. C’est un chantier très récent, en discussion, mais c’est excitant», relate la directrice de la stratégie et des relations gouvernementales de la FCCF, Marion Henrie-Cadieux.

En revanche, les programmes de soutien aux minorités francophones ne sont pas immuables face aux aléas de la politique. 

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* La recherche de la présente chronique a été menée en collaboration avec Rawn Melançon et Randee Melançon.

Nous en sommes peut-être à un moment charnière de l’élargissement du public de la K-pop. La chanson APT  de Bruno Mars et de la chanteuse australo-coréenne Rosé (membre du groupe Blackpink) bat des records d’écoute et se retrouve au sommet des palmarès. 

Cette collaboration est loin d’être la première. Récemment, DJ Marshmallow et DJ Khaled ont chacun coproduit des chansons avec le groupe Seventeen. D’autres artistes de la K-pop ont également enregistré des chansons avec Lady Gaga, Jennifer Lopez, Selena Gomez, Usher, John Legend, les Jonas Brothers et même les New Kids on the Block. 

De telles collaborations sont mutuellement bénéfiques puisqu’elles permettent à ces artistes américains, par exemple, de percer dans le marché coréen, où la K-pop règne, tout en faisant découvrir les artistes coréen·nes à leur public.

Les disquaires canadiens suivent la vague et offrent une section de plus en plus importante de K-pop – les disques étant accompagnés de livrets, affiches, cartes et autres articles de collection. Sans parler des magasins entièrement dévoués à la K-pop, notamment à Edmonton, Toronto ou Montréal.

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Un exemple : Seventeen

Le succès international de la musique sud-coréenne ne dépend toutefois pas des collaborations.

Le groupe sud-coréen Seventeen en 2018. 

Photo : TenAsia – CC 3.0

En 2023, FML du groupe Seventeen a été l’album le plus vendu au monde et a battu le record de la chanteuse anglaise Adele pour le plus grand nombre de ventes en une journée. 

Ces succès ne sont pas attribuables à des enregistrements en anglais : la formation parsème ses chansons d’anglais, mais chante et rappe surtout en coréen, malgré la présence de deux membres anglophones en son sein.

Le cas de Seventeen illustre les difficultés que rencontrent les artistes de la K-pop. Formé en 2013, le groupe se stabilise avec 13 membres et lance son premier album en 2015. Contemporain du groupe BTS à la popularité inégalée (certains des membres des deux groupes étant amis), Seventeen voit ses succès augmenter petit à petit. 

Le groupe a trouvé son succès actuel après l’annonce du départ des membres de BTS pour le service militaire obligatoire, service qui avait mené à des débats publics en Corée du Sud et qui est déjà terminé pour deux des membres. 

C’est désormais le tour des neuf membres de Seventeen qui ne sont pas coréens ou qui ne sont pas exemptés pour des raisons médicales de rejoindre l’armée.

Le groupe assure lui-même sa production. La plupart de ses chansons sont écrites par le membre Woozi et son partenaire d’écriture Bumzu. 

Connu pour la qualité de ses chansons, son éthique de travail, ses chorégraphies exigeantes et précises, son émission de télévision loufoque hebdomadaire Going Seventeen et sa bienveillance à l’égard des nouveaux groupes de K-pop, Seventeen est aussi devenu ambassadeur de l’UNESCO pour la jeunesse.

Pour s’initier à la K-pop

La liste d’écoute K-Pop Idols sur CBC Listen

La liste d’écoute NRJ K-pop

La chaine K-Ville Entertainment sur YouTube

La liste d’écoute K-Pop On! sur Spotify

Des embuches pas toujours objectives

Ces succès ne protègent toutefois pas le groupe. Il fait face au racisme antiasiatique (qui sévit aussi au Canada) qui a été dénoncé par BTS à quelques occasions, dont à la Maison-Blanche, et par le chanteur Eric Nam dans le magazine américain Time.

Le groupe sud-coréen BTS s’est rendu à la Maison-Blanche pour dénoncer le racisme anti-asiatique en 2022. 

Photo : The White House

Les manifestations de ce racisme sont nombreuses et variées.

Dans une remarque qui résume bien l’absence de respect pour la musique coréenne, un animateur de Radio-Canada a pu suggérer, sans pour autant vérifier le travail de traduction des admirateurs et admiratrices francophones comme anglophones de Seventeen, que les paroles des chansons de ce groupe pourraient n’être «que des conneries». 

Dans le contexte d’une chaine radio nationale qui doit parler à l’ensemble de la population canadienne, où l’on peut par ailleurs entendre de la musique du monde (mais rarement de la Corée), une telle attitude est difficile à comprendre.

Elle n’est toutefois aucunement rare et on la retrouve également dans la déformation des propos et dans la manière de présenter le groupe. Ça a notamment été le cas lorsque l’auteur-compositeur et producteur de Seventeen, Woozi, a mentionné avoir expérimenté avec l’intelligence artificielle par curiosité, mais rejeté son apport à la musique. 

La pièce Maestro et la vidéo qui l’accompagne montrent d’ailleurs une opposition franche au phénomène de l’intelligence artificielle et une réflexion murie et poussée à son sujet. 

La BBC, et la CBC à sa suite, ont néanmoins choisi de mésinterpréter ces propos pour donner dans les stéréotypes qui lient les personnes asio-descendantes à la robotique et l’inauthenticité. Si l’intelligence artificielle est bien utilisée dans l’industrie de la musique coréenne, elle l’est tout autant dans la musique en France ou au Canada

D’autres groupes sont victimes du même traitement. La formation sud-coréenne Stray Kids, qui gagne en popularité aux États-Unis, a été l’objet de multiples remarques racistes sur le tapis rouge du dernier Met Gala, où elle avait été invitée par le designer Tommy Hilfiger.

D’autres préjugés rendent difficile l’accès à la K-pop. Notons la tendance à rejeter ce qui est jugé comme particulièrement populaire chez les filles et les jeunes femmes ou encore à catégoriser des groupes comme étant des «boy groups» ou «girl groups».

Cette propension au dénigrement ou à la catégorisation va bon train malgré le peu de ressemblances entre, d’une part, la musique et les prestations de la K-pop et, d’autre part, ce que les industries du disque occidentales désignent sous cette appellation.

Repenser la K-pop dans notre contexte

Il faut surtout éviter de voir la K-pop comme un tout homogène. La K-pop désigne un courant musical, d’abord en rupture avec la musique «trot» qui dominait les ondes coréennes, mais qui inclut un grand nombre de styles musicaux. Son essor mondial est dû à une politique culturelle ambitieuse, qui a créé la «hallyu» ou «vague coréenne».

Maintenant que la musique coréenne est présente sur les ondes partout en Asie (et bien au-delà) et que des artistes de partout en Asie se rendent en Corée pour avoir la possibilité d’y faire carrière, il devient plus facile pour la musique du reste du continent asiatique de se faire connaitre. 

Le groupe japonais Babymetal a ainsi pu se faire une renommée parmi les adeptes de métal, tandis que le chanteur et acteur thaïlandais Jeff Satur s’est fait connaitre grâce à la chanson originale de la série télévisée KinnPorsche.

À se cantonner à la musique produite au Canada, aux États-Unis, en France et en Grande-Bretagne, on risque de manquer ce qui se fait actuellement de plus intéressant!

Jérôme Melançon est professeur en études francophones et interculturelles ainsi qu’en philosophie à l’Université de Regina. Ses recherches portent notamment sur la réconciliation, l’autochtonisation des universités et les relations entre peuples autochtones et non autochtones, sur les communautés francophones en situation minoritaire et plus largement sur les problèmes liés à la coexistence. Il est l’auteur et le directeur de nombreux travaux sur le philosophe Maurice Merleau-Ponty, dont La politique dans l’adversité. Merleau-Ponty aux marges de la philosophie (MétisPresses, 2018).

S’il pense que la cible de 6 % d’immigrants francophones pour 2024 sera «largement atteinte, à moins d’un revirement majeur», le ministre fédéral de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, Marc Miller, assure que l’immigration est «indispensable», mais qu’elle n’est pas la «solution à tout».

«C’est la clé de la revitalisation des communautés» francophones à l’extérieur du Québec, a-t-il tout de même assuré au président du Comité, le sénateur acadien René Cormier.

Le ministre témoignait sur deux sujets liés à la francophonie minoritaire : l’immigration et les conséquences du plafonnement des permis pour des étudiants internationaux pour les établissements postsecondaires.

Le gouvernement fédéral a récemment annoncé des cibles progressives afin d’atteindre 10 % d’immigration francophone à l’extérieur du Québec en 2027.

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«Une cible de 10 %, c’est beaucoup demander à mon ministère»

Mais une cible de 10 %, «c’est beaucoup demander à mon ministère, mais aussi aux communautés, qui ne sont pas nécessairement habituées à voir de nouveaux arrivants, surtout dans un petit village, où il y a deux maisons de libres. Ça peut poser des problèmes d’intégration et de migration vers les grands centres, où il y a plus de logements», a-t-il déclaré en entrevue avec Francopresse, en marge du Comité.

Il faut regarder ce qui est réalisable. En politique, la pire chose est d’entretenir le faux espoir. Je voulais donner un coup de barre à mon ministère pour augmenter le nombre d’immigrants francophones.

— Marc Miller, devant les sénateurs

Pour Marc Miller, l’une des solutions autre que l’immigration pour contrer la baisse du poids démographique des francophone repose surtout sur une bonne intégration des immigrants déjà présents avec l’assurance d’obtenir des services en français, l’accès à l’éducation et aux soins de santé, «dans les régions historiquement bilingues comme le Nouveau-Brunswick, ou celles qui ont une forte proportion de francophones», a-t-il confié à Francopresse.

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L’accompagnement par les provinces comme solution

Selon lui, l’accès à ces services ne peut se faire sans un engagement des provinces en la matière.

À la question de la sénatrice franco-ontarienne Lucie Moncion, qui a demandé quel était l’engagement des provinces en immigration francophone, le ministre a répondu que celui-ci était «souvent mitigé» : «Ça dépend de la mouture politique. Au Nouveau-Brunswick, j’ai plus d’espoir aujourd’hui que je ne l’avais il y a deux semaines. La collaboration dépend de la province en question.»

Ça incombe au gouvernement de l’Ontario de s’assurer que les Franco-Ontariens puissent avoir des services de qualité en français. Ça prend une réflexion de société.

— Marc Miller, en entrevue avec Francopresse

Marc Miller plaide aussi pour un processus «d’accompagnement» des immigrants comme solution, en parallèle des cibles d’immigration francophone. Sans cet accompagnement, il n’y a pas de rétention possible, estime-t-il : «C’est très important, sinon on manque notre coup.»

Et l’accompagnement commence «par les maires ou les organisations qui les entourent», maintient le ministre : «Il faut un engagement politique de tous les partis, peu importe à quel palier, pour un bon accompagnement.»

«Malgré moi transformé en ministre fédéral de l’Éducation»

Le ministre a également souligné «le manque flagrant de responsabilité des provinces» quant à la gestion du nombre de permis d’étude délivrés aux étudiants étrangers, plafonné en début d’année par le gouvernement fédéral.

En comité, le ministre Miller a accusé «beaucoup d’institutions» postsecondaires d’avoir privilégié «la quantité sur la qualité» pour faire plus d’argent.

Il a répondu avec vigueur sur la question des étudiants étrangers.

La modernisation de la Loi sur les langues officielles ne donnait pas nécessairement un passe-droit à toutes les institutions francophones d’aller se payer n’importe qui, n’importe comment avec les vannes ouvertes, simplement par prétexte qu’ils ont à cœur le fait français.

— Marc Miller

«Il fallait agir et limiter le volume pour miser sur la qualité. Je tends la main à ces institutions pour qu’on assume notre responsabilité de bien accueillir ces jeunes adultes dans des communautés qui leur sont nouvelles, quitte à pouvoir les accompagner dans la résidence permanente par la suite.»

Comme conséquence, selon le ministre, il y a des étudiants «fragilisés» qui demandent l’asile au Canada. «Ce n’était pas l’idée. Les gens n’ont pas la perspective de devenir des résidents permanents ou des citoyens.»

«Je n’ai jamais demandé aux institutions francophones, anglophones ou autres de facturer quatre fois le prix qu’un étudiant [canadien] pourrait payer dans les universités. Il y a eu un manque de responsabilité flagrant à certains égards. Le gouvernement fédéral se devait d’agir», a-t-il encore insisté.

Le ministre a annoncé cet été le lancement du Programme pilote pour les étudiants dans les communautés francophones en situation minoritaire (PPECFSM), qui soustraira des étudiants internationaux francophones du plafond imposé pour le nombre d’étudiants étrangers, non francophones.

Il s’agit d’une autre manière, selon lui, d’augmenter le nombre d’immigrants francophones, en privilégiant l’accès à la résidence permanente pour ces étudiants. «Car ils ont un début d’intégration au pays», a-t-il justifié.

En entrevue avec Francopresse après le comité, Marc Miller déplore : «Je me suis transformé malgré moi en ministre de l’Éducation fédéral. Je ne voulais pas ce rôle, mais j’ai dû l’assumer.»