Selon le recensement de 2021, il y avait 6 275 journalistes au Canada en 2020. En comparaison, le pays comptait 83 420 professionnels et professionnelles en publicité, en markéting et en relations publiques. Soit un ratio de 13 spécialistes en communication pour 1 journaliste.
Il est normal qu’il y ait plus de gens qui travaillent en communication qu’en journalisme. La catégorie inclut une bien plus grande variété d’emplois et représente un plus grand éventail d’entreprises et d’agences.
Cependant, pendant que les médias d’information perdent des joueurs, les relations publiques grossissent à vue d’œil. Depuis le recensement de 2016, le nombre de journalistes a diminué de quelques centaines, alors que les effectifs en publicité, en markéting et en relations publiques ont bondi de près de 30 000 personnes.
Selon une étude de l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS), le ratio était de 2 pour 1 en 1990 au Québec.
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Le déséquilibre s’accentue très rapidement, non seulement dans le nombre d’employés, mais aussi dans la nature du travail.
Comme le rappellent les chercheurs de l’IRIS : «Alors que les [journalistes] cherchent à rapporter les faits de la manière la plus objective et la plus équilibrée possible, les [relationnistes] diffusent de l’information formatée par des intérêts politiques ou économiques.»
Une équipe en communication peut avoir besoin de quelques heures pour développer un message.
Les journalistes, qu’ils soient seuls ou en équipe, auront besoin de bien plus de temps – et parfois plus d’un article – pour déterminer si le message est valide, s’il n’omet pas une partie de la réalité.
Ce déséquilibre a un nom : la loi de Brandolini, ou asymétrie du baratin. Celle-ci s’applique surtout aux fausses nouvelles, mais le principe fonctionne pour les demi-vérités : beaucoup plus de temps et d’énergie sont nécessaires pour corriger une mauvaise information que pour la produire.
Si 83 000 agents de communication produisent chacun une minute d’informations biaisées, combien de temps auront besoin 6 000 journalistes pour présenter tous les faits? Après cet exercice, qui a le plus de contrôle sur l’information?
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Il faut garder ce concept en tête quand on parcourt les réseaux sociaux. Surtout en campagne électorale. Derrière chaque parti politique, derrière chaque message, il y a une équipe de communication qui a pour mandat de vendre des idées et des slogans.
Pour cette raison, le travail journalistique pendant cette période est doublement important. Les annonces vont extrêmement vite, elles fusent de tous les côtés et elles sont présentées dans leur plus bel emballage.
Les journalistes les déballent, les démontent et décrivent la partie du message qui ne cadre pas entièrement avec la réalité, ou le morceau de casse-tête qui manque.
Pour un électeur, suivre une campagne électorale uniquement à partir des médias sociaux d’un parti politique ou de leurs communications officielles ouvre une porte vers un univers parallèle.
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Malheureusement, au Canada, il faut faire un plus grand effort pour garder les deux pieds dans la réalité et accéder à du contenu non biaisé, puisque les médias sont absents de Facebook et Instagram. Sans oublier Twitter qui fait un X sur la vérité.
Pour l’élection fédérale de 2025, les journalistes ne sont pas admis à bord de l’avion de campagne du Parti conservateur du Canada. Les conférences de presse et les évènements seront accessibles aux journalistes, mais les médias nationaux auront plus de difficulté à être sur le terrain pour poser des questions.
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Les médias régionaux – incluant les journaux francophones en milieu minoritaire – joueront donc un rôle de premier plan dans la couverture électorale et dans le «déballage» des promesses. Ils seront mieux placés pour comparer les messages bien écrits de tous les partis politiques aux réalités sur le terrain.
Gardez donc un œil sur leurs pages.
En ligne et dans la culture populaire, l’effet Dunning-Kruger est utilisé pour expliquer pourquoi les personnes qui ont peu de connaissances dans un domaine donné se croient plus compétentes qu’elles ne le sont vraiment, parfois même plus que les spécialistes du domaine en question.
Après avoir vu quelques vidéos au fil des ans, le sujet était déjà en partie maitrisé. Cet éditorial devait présenter cet effet afin que vous y soyez sensibles et que vous puissiez éviter d’en être victimes.
Sauf que cette définition de l’effet Dunning-Kruger est erronée.
Tout ce que l’étude des sociologues David Dunning et Justin Kruger a pu montrer en 1999, c’est que le commun des mortels se croit aussi bon sinon meilleur que la moyenne des gens. Inversement, les personnes plus compétentes sous-estiment leurs habiletés.
Les chercheurs ont demandé à des étudiants et étudiantes de répondre à des tests écrits, puis de donner d’abord leur avis sur leur propre niveau de réussite et ensuite sur leur niveau de réussite par rapport aux autres.
Les données de l’étude semblaient montrer que plus le résultat obtenu était mauvais, plus l’écart entre la perception de la réussite et la réalité était grand.
En plus d’avoir été mal interprétés par certaines personnes, les résultats de cette première étude dans le domaine sont contestés.
Même si elle a pu être reproduite par d’autres équipes de recherche, elle a mené à des résultats différents quand le niveau de difficulté des tests variait.
Aussi, selon d’autres scientifiques, les résultats s’expliqueraient au moins en partie par un effet statistique.
À lire : Notre cerveau primitif : pourquoi croit-on toujours avoir raison? (éditorial)
Sans recherche supplémentaire, ou avec une recherche limitée à des vidéos sur YouTube présentant une version inexacte des conclusions de Dunning et Kruger, le présent texte aurait perpétué une mauvaise information.
Heureusement, puisque même un éditorial, ou tout bon texte d’opinion, doit reposer sur des faits vérifiables, il fallait creuser le sujet.
Après la consultation de sources de plus en plus variées sur l’étude et les résultats, il est devenu évident que la véritable définition de l’effet Dunning-Kruger n’était pas la même que celle qui est la plus couramment diffusée.
Seul un approfondissement du sujet a permis aussi d’apprendre qu’il ne bénéficie pas d’une reconnaissance unanime dans le milieu scientifique et qu’il est remis en question par d’autres recherches.
Cette conclusion vaut pour tout sujet d’actualité. Pour bien comprendre une nouvelle, il est préférable de ne pas lire la version d’une seule source. Il faut consulter des médias variés et des médias aux points de vue différents.
Cela ne veut pas dire qu’il faut visiter des sites de nouvelles spécialisées dans la désinformation, mais plutôt qu’il faut lire sur un même sujet un texte écrit par un média de droite, un média de gauche et un média reconnu comme étant plus neutre pour arriver à faire plus facilement la part des choses. À se former une opinion plus éclairée.
David Dunning le dit lui-même : pour sortir de l’effet, il faut toujours chercher à en apprendre plus, à demander l’avis d’autres personnes et à remettre en question ce que l’on sait.
Que l’effet soit réel ou non, ce sont de bons conseils.
À lire : Une «tempête parfaite» pour la désinformation électorale
Malgré ses promesses en campagne électorale, le premier ministre a souvent été absent de l’action, des débats et des annonces touchant la minorité francophone.
Pour un chef accusé – par les anciens ministres Marc Garneau et Bill Morneau – de concentrer le pouvoir décisionnel au sein du cabinet du premier ministre, Justin Trudeau semble pourtant avoir laissé toute la place à sa ministre Ginette Petitpas Taylor lors de la refonte de la Loi sur les langues officielles.
À d’autres occasions, le gouvernement de Justin Trudeau a cependant oublié que les communautés francophones en situation minoritaire doivent être protégées.
À lire : Francophonie et langues officielles : l’héritage de Justin Trudeau en question
Le postsecondaire francophone, un des grands oubliés
L’un des plus récents exemples d’oubli remonte à janvier 2024, quand le ministre d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, Marc Miller, a annoncé une réduction du nombre de permis d’études délivrés aux personnes étrangères.
Les établissements postsecondaires francophones ont alors tiré la sonnette d’alarme, parce que la diminution des revenus apportés par ces étudiants et étudiantes allait lourdement diminuer leurs revenus.
Dans les semaines suivantes, il a été impossible de savoir comment la mesure affecterait les établissements postsecondaires francophones; jusqu’à l’annonce d’un nouveau programme pour eux.
En 2021, Justin Trudeau faisait campagne avec la promesse de financer les établissements postsecondaires francophones à hauteur de 80 millions de dollars par an de manière permanente. Un financement qui ne s’est jamais concrétisé dans le Plan d’action pour les langues officielles.
Important, mais pas toujours…
Quand Justin Trudeau n’était pas absent des débats, il semblait tout simplement oublier les besoins des communautés francophones en situation minoritaire.
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les mercredis et samedis
En 2019, il a nommé une lieutenante-gouverneure unilingue anglophone dans la seule province officiellement bilingue du Canada.
Lors de son entrée en fonction comme gouverneure générale du Canada, Mary Simon avait promis d’apprendre le français.
En 2021, Justin Trudeau a persisté et signé avec l’installation d’une gouverneure générale qui ne parle pas français, Mary Simon. Certes, elle est autochtone et sa nomination représente un geste louable pour se rapprocher des Premières Nations, mais la population francophone du pays s’est sentie, encore une fois, oubliée.
D’ailleurs, la prorogation du Parlement au début de l’année a rejeté dans les limbes deux projets de loi qui auraient modifié la Loi sur les compétences linguistiques et rendu obligatoire le bilinguisme pour les postes de gouverneur général du Canada et de lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick.
Autre exemple d’oubli, au début de la pandémie de COVID-19, le premier ministre a défendu la décision contestée de Santé Canada d’autoriser l’étiquetage unilingue en anglais afin d’accélérer la production de certains produits désinfectants, antiseptiques et d’entretien.
Dans ce dernier cas, le commissaire aux langues officielles a cependant conclu que la mesure avait été «raisonnable».
À lire : Quatre projets de loi en lien avec la francophonie victimes de la prorogation
Comment ne pas montrer l’exemple
Tous ces exemples d’oublis n’ont pas la même portée grave que d’autres préjudices passés subis par les francophones en situation minoritaire. Ils ne se comparent pas au Règlement 17 ou aux difficultés d’obtenir des écoles de langue française. Ils n’ont pas fait reculer les droits des francophones.
Ils démontrent cependant un manque de leadeurship qui envoie un très mauvais message à la fonction publique et à la population, tant francophone qu’anglophone.
Le commissaire aux langues officielles indiquait d’ailleurs dans son rapport annuel de 2024 que des institutions fédérales «ne semblent ni adhérer à la vision d’une fonction publique bilingue ni appuyer la création de milieux de travail dans lesquels les fonctionnaires se sentent habilités à travailler dans la langue officielle de leur choix».
Un très vieux problème qui disparaitra seulement lorsque la personne à la tête du gouvernement canadien offrira plus qu’un bilinguisme d’apparence, plus que des discours dans les deux langues officielles.
Elle montrera que le français est aussi important que l’anglais. Elle rappellera que les francophones ont aussi aidé à construire le pays. Elle n’oubliera pas que les communautés minoritaires ont des enjeux spécifiques.
Justin Trudeau en avait peut-être l’intention, mais il n’a pas été cette personne.
À lire : Fonction publique : «Il faut changer cette culture d’être unilingue»
Si vous aviez déjà la tête dans votre sapin de Noël le 16 décembre, vous avez peut-être manqué la démission pourtant fracassante de la ministre des Finances, Chrystia Freeland. Sa lettre, qui ne cachait pas qu’elle avait perdu confiance en son chef, a provoqué une tourmente qui a mené à la démission de Justin Trudeau, le 6 janvier.
Après cette nouvelle retentissante, le premier ministre a annulé toutes les entrevues de fin d’année à son horaire. Seul Mark Critch de l’émission humoristique de la CBC This Hour Has 22 Minutes a eu le temps d’en enregistrer une avant la lettre fatidique.
De son côté, le chef du Parti conservateur, Pierre Poilievre, a donné trois entrevues : avec le Winnipeg Jewish Review, La Presse et le commentateur controversé Jordan Peterson. Cette dernière entrevue est de loin la plus longue, mais aussi celle qui en dit le plus sur la stratégie de communication conservatrice.
À lire : Économie : un déficit de 62 milliards et silence sur les langues officielles
Jordan Peterson s’élève contre le Marxisme et le postmodernisme, mais sa compréhension des deux concepts est très «grossière», avance un rédacteur du Historical Materialism, Harrison Fluss.
Jordan Peterson est un psychologue ontarien qui a perdu son permis d’exercice. Le Collège des psychologues de l’Ontario a jugé qu’il «avait fait des commentaires dégradants, dénigrants et non professionnels» à travers des messages sur Internet qui visaient entre autres la transition de genre et les changements climatiques. Il fraie dans les mêmes eaux que Joe Rogan, animateur du balado le plus écouté de la planète, sans cependant atteindre le même niveau de popularité que ce dernier.
Les deux animateurs abordent des sujets relativement diversifiés, parlent à des experts, mais ne se gênent pas pour ouvrir leur micro à des gens qui ont des points de vue divergents, parfois un peu détachés de la réalité.
Leur public a aussi beaucoup de similitudes. Peterson était d’ailleurs l’invité de Rogan en juillet dernier.
Or, quelle entrevue a le plus marqué les esprits lors de la campagne électorale américaine? Donald Trump au micro de Joe Rogan.
Il n’est pas question ici de comparer les deux hommes politiques. Pierre Poilievre n’est pas une version canadienne de Donald Trump. Le parallèle entre les deux animateurs montre plutôt que l’équipe conservatrice s’inspire du plan de communication républicain.
Quand Justin Trudeau a remporté l’élection fédérale de 2015, il avait l’appui d’une grande partie des jeunes. Il avait trouvé la façon de leur parler. Après presque 10 ans au pouvoir, il a perdu de son attrait auprès de cette tranche de la population ou ne sait plus comment la séduire.
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Les conservateurs ont rapidement repris le flambeau. Ils ont maintenant la recette secrète… en partie copiée sur le pupitre du voisin.
Des observateurs de la politique des États-Unis rapportent que le camp démocrate a vécu la même chose que les libéraux fédéraux canadiens, ce qui a entrainé leur défaite lors des élections de novembre 2024.
Les démocrates étaient déconnectés de l’électorat et ne parlaient pas aux jeunes, surtout aux jeunes hommes. Donald Trump a fait des entrevues à des balados qui s’adressent principalement aux jeunes hommes. Y compris celui de Joe Rogan.
Jordan Peterson parle principalement aux jeunes hommes qui sentent que la société s’est retournée contre eux.
Pour sauver les meubles, les libéraux ont besoin de bien plus qu’un nouveau chef. Ils ont besoin de réviser entièrement leur message et leur plan de communication.
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L’environnement a toujours été dans la liste des priorités de Francopresse. Ce qui a mené à la rédaction d’articles et de dossiers autour de ce thème.
Pour notre récent dossier sur l’écoanxiété, nous avons réfléchi à notre propre rôle dans la diffusion de l’information sur les changements climatiques. Notre couverture était-elle trop négative? Contribuait-elle à l’écoanxiété? Avait-elle des angles morts?
Nos questions nous ont menés à Covering Climate Now (CCNow), un collectif international de journalistes créé aux États-Unis en 2019 pour améliorer la couverture de la crise climatique.
Cet été, Francopresse est devenue l’un de leurs partenaires canadiens, rejoignant nos collègues de L’Aurore boréale comme seuls médias francophones de l’extérieur du Québec membres du collectif.
À lire : Écoanxiété : le rôle crucial des médias face à la crise
Prédire l’avenir avec précision est une tâche impossible. Mais les premières prédictions des scientifiques par rapport à l’accumulation des gaz à effet de serre dans l’atmosphère – faites il y a déjà quelques décennies – se réalisent devant nos yeux, et ce, de plus en plus souvent. Impossible de les ignorer.
Selon le cofondateur et directeur exécutif de CCNow, Mark Hertsgaard, les médias doivent parler du climat de la même manière qu’ils ont couvert la pandémie de COVID-19 : comme une urgence mondiale.
La francophonie canadienne restera, bien entendu, la raison d’être de Francopresse. Mais cette francophonie est, elle aussi, touchée par l’augmentation de l’intensité des incendies de forêt, les tempêtes, les inondations et la montée du niveau des océans.
Sans oublier que ces catastrophes ont des conséquences sur le territoire, l’économie, la santé mentale et physique des francophones comme des autres.
CCNow encourage aussi à mettre de l’avant les bonnes nouvelles. L’augmentation de la production électrique avec des énergies renouvelables est justement une de ces bonnes nouvelles qui donne un peu d’espoir.
Covering Climate Now offre des ressources pour que les journalistes qui s’intéressent aux questions climatiques aient un point de départ à leurs réflexions et leurs recherches.
C’est aussi un réseau d’échanges. Tous les journalistes membres peuvent participer au groupe de discussion où des idées de sujets et des sources sont mises en commun. Où il est possible de poser des questions et d’échanger avec d’autres journalistes, entre autres.
Ne parlait-on pas de «réchauffement climatique» il y a quelques années? Comment en est-on venus à parler de «changements climatiques»?
Les climatosceptiques avancent que ce changement dans le lexique est une preuve que le réchauffement des températures n’existe pas. Qu’il y a encore des jours très froids en hiver!
Ils (toujours difficile d’identifier qui se cache derrière ce «ils» utilisé par les conspirationnistes) ont donc changé le nom pour essayer de nous convaincre sans preuve, clament ces personnes qui mettent en doute ou même réfutent l’existence de la crise climatique.
Pourtant, le changement vient d’un stratège républicain. Dans une note de service secrète de 2002, Frank Luntz soulignait que le président George W. Bush et les républicains étaient vulnérables sur la question climatique. Il a proposé d’utiliser «changements climatiques» au lieu de «réchauffement climatique», parce que c’était «moins effrayant».
Les analyses des discours du président avant et après 2002 révèlent d’ailleurs que le vocabulaire sur la question a effectivement changé.
Dans la communauté scientifique, l’expression «changement climatique» est tout de même plus souvent utilisée, parce qu’elle décrit mieux les effets d’augmentation des extrêmes causés par les gaz à effet de serre.
La notion qu’ils sont «causés par l’humain» y est de plus en plus souvent attachée tandis que «réchauffement climatique» est davantage utilisé pour parler plus spécifiquement de la hausse des températures à la surface de la planète.
Il y a d’autres points de comparaison entre la pandémie de COVID-19 et le réchauffement climatique.
Selon les sondages américains de mars 2020, date qui marque l’arrivée de la pandémie sur le continent nord-américain, peu de gens étaient inquiets d’être infectés par la maladie au cours des premières semaines. Mais à mesure que des personnes de leur entourage contractaient le virus, le niveau d’inquiétude grimpait.
Notre anxiété face aux changements climatiques suit la même logique. Tant que notre ville, nos proches ou nous-mêmes ne semblons pas être directement touchés, nous avons l’impression que nous serons à l’abri du pire. Que c’est pour les autres.
Pourtant, le Canada se réchauffe deux fois plus vite que le reste de la planète. Les incendies de forêt des dernières années sont un bon indice que nous sommes tous plus près des effets que nous voulons l’admettre.
Il y a plus d’une route devant nous pour éviter le pire – ou non – et nous adapter. Ces routes mènent parfois à de mauvaises nouvelles, mais de plus en plus souvent à de bonnes nouvelles. Ce sont toutes ces voies que Francopresse explorera.
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La «merdification» est une traduction du terme «enshittification» lancé en 2022 par l’écrivain d’origine canadienne Cory Doctorow pour décrire le processus par lequel une plateforme numérique met en marché un service utile à perte pour créer une base d’utilisateurs, qui en deviennent dépendants.
Ensuite, les données de ces utilisateurs sont vendues, aussi à perte, à des clients, qui en deviennent également dépendants.
Le service devient alors un passage obligé et l’entreprise se sert de ce monopole, ou quasi-monopole, pour augmenter ses prix, la quantité de publicité, etc. – selon le modèle de revenus – pour mettre le plus d’argent possible dans ses poches et celles de ses actionnaires.
À cette étape, il n’est plus nécessaire d’offrir un service de qualité, et les paramètres des relations utilisateurs-entreprise-clients peuvent être modifiés sans préavis, toujours pour soutirer plus d’argent.
Le blocage des médias au Canada par Meta est un bon exemple d’un paramètre modifié rapidement dans le but d’éviter d’avoir à céder une part de ses profits. Meta est aussi un exemple de baisse de qualité du produit, puisque la plateforme offre maintenant beaucoup moins d’informations de qualité qu’avant.
À lire aussi : Les journaux francophones après un an de blocage de Meta
Presque toutes les grandes entreprises du Web sont dans la phase de recherche du profit. En conséquence, les résultats de recherche sur Google, par exemple, sont de moins en moins fiables, pollués par un grand nombre de publicités et par des sites préoccupés davantage par les clics que par la qualité du contenu.
Amazon est devenu un incontournable de la vente en ligne. Mais il impose des conditions d’utilisation ou des prix qui étouffent les petites entreprises essayant de vendre sur cette plateforme. Surtout quand Amazon veut s’approprier leurs produits ou leurs parts de marché.
Il y a aussi Uber, qui a fait concurrence à un secteur bien règlementé sans suivre les règles en place. L’entreprise s’est imposée en offrant des courses à des prix inférieurs à ceux des taxis et en payant très bien ses chauffeurs. Maintenant qu’Uber a réussi à couper l’herbe sous le pied aux taxis, les prix sont comparables et ses chauffeurs sont payés sous le salaire minimum.
Si ChatGPT a piqué votre curiosité et que vous avez mis à l’essai l’intelligence artificielle (IA) génératrice de textes la plus connue, vous avez pu le faire gratuitement. Vous aurez remarqué que cet outil donne des résultats qui peuvent être convaincants, malgré les défauts qu’on lui connait.
ChatGPT en serait donc à la première étape du processus de «merdification» : un produit jugé comme étant performant et offert à perte.
Fin juillet, The Information rapportait justement que l’entreprise derrière ChatGPT, OpenAI, serait en voie d’enregistrer des pertes financières de 5 milliards de dollars américains cette année.
Ce déficit annoncé n’inclut cependant pas les droits d’auteur qu’OpenAI n’a pas payés. L’entrainement de ChatGPT s’est fait à partir de contenus qui se trouvent sur Internet et qui, dans certains cas, sont protégés par des droits d’auteur. Or, OpenAI n’a demandé aucune permission ni compensé qui que ce soit pour avoir utilisé ce contenu.
Pas étonnant que le New York Times poursuive OpenAI et que d’autres créateurs emboitent le pas ou concluent des ententes payantes.
De plus, OpenAI semble avoir mis de côté ses intentions de développement éthique au profit des… profits.
OpenAI devra également faire face à de la concurrence. Google a déjà annoncé la transformation de son moteur de recherche pour y intégrer une intelligence artificielle.
Ces embuches laissent entrevoir les prochaines phases de la «merdification» : augmentation des couts d’utilisation et baisse de la qualité.
À lire : L’IA au service de la francophonie
L’augmentation des couts d’utilisation s’explique d’elle-même. En revanche, la perte de qualité pourrait être tributaire de plusieurs facteurs. Il se pourrait que, si OpenAI n’a plus accès à autant de sources pour entrainer son IA, la qualité de ses résultats – déjà discutables en termes de véracité – s’en trouve directement touchée.
Malgré toutes les possibilités que laisse entrevoir cette technologie, elle ne peut fonctionner sans humain pour lui fournir de la matière.
Une recherche menée par des chercheurs anglais et canadiens et publiée dans Nature montre que lorsqu’une IA générative est entrainée à partir des générations successives antérieures de l’IA, la qualité des résultats dégringole.
L’entrainement des IA sera peut-être bientôt en face d’un mur, car les contenus produits par les IA génératives se multiplient très rapidement. D’ailleurs, des experts prévoient que dès l’année prochaine, 90 % de la production de contenu sur Internet sera faite par des IA.
La solution pour se sortir des cycles de «merdification» devra en partie venir du gouvernement américain, qui semble pour le moment soucieux de sévir pour casser les monopoles des géants du Web.
Un juge a statué au début d’aout que Google a enfreint la loi antitrust en limitant la possibilité pour la concurrence de se tailler une place dans le marché des moteurs de recherche. Cette décision pourrait servir de jurisprudence dans des poursuites similaires contre Apple, Amazon et Meta.
De leur côté, les internautes doivent surtout reconnaitre que ces entreprises les exploitent. Une personne, une fois prise dans l’engrenage, n’a presque aucun moyen de se défendre autrement qu’en abandonnant le navire – ce qui n’est pas toujours possible ou même souhaitable. Il faut donc presser les gouvernements de mettre en place des garde-fous contre les pratiques prédatrices.
Ironiquement, les médias de langue minoritaire sont peut-être mieux servis par la décision de Google d’utiliser l’exemption à la Loi sur les nouvelles en ligne. Parce que c’est le seul endroit dans la Loi où les parlementaires ont pensé aux médias des minorités linguistiques.
La Loi sur les nouvelles en ligne prévoit en effet la demande d’une exemption. L’article 11 donne le droit à un «intermédiaire de nouvelles numériques» – comme un moteur de recherche ou un réseau social – de demander une exemption à la Loi s’il respecte certaines conditions.
L’une de ces conditions stipule qu’il doit avoir conclu des accords qui «assurent qu’une partie importante des médias d’information des communautés de langue officielle en situation minoritaire en bénéficie et [que les accords] contribuent à [la] viabilité [de ces médias]». Très gentil… à moitié.
Loi sur les nouvelles en lignes
Le projet de loi C-18, devenu la Loi sur les nouvelles en ligne, contraint les entreprises qui servent d’intermédiaire entre les producteurs de contenu en ligne – comme les médias – et les lecteurs ou auditeurs à négocier des compensations financières avec les producteurs.
Afin de ne pas être assujetti à cette Loi et de ne pas devoir indemniser les médias d’information pour leur contenu, Meta bloque depuis aout 2023 les nouvelles sur Facebook et Instagram au Canada.
Pour éviter de négocier des accords d’indemnisation avec des dizaines d’entités, Google demande une exemption à la Loi et, en échange, l’entreprise remettra 100 millions de dollars à un seul groupe, qui sera ensuite responsable de redistribuer cette somme aux médias.
Labyrinthe juridique
Le critère de protection des médias de langue minoritaire figure dans le processus d’exemption qu’invoque Google – et certainement créé à la demande de l’entreprise –, mais nulle part ailleurs dans le texte de la Loi.
Puisqu’ils ne sont pas expressément mentionnés dans les critères d’admissibilité de la Loi elle-même, très peu de médias de langue minoritaire auront la possibilité de négocier une entente avec les plateformes en ligne, notamment parce qu’ils doivent répondre à un autre critère, soit celui d’employer au moins deux journalistes.
La plupart des journaux et radios communautaires en milieu minoritaire ne comptent pas deux journalistes.
Selon le Consortium des médias communautaires de langues officielles en situation minoritaire, à l’heure actuelle, 96 % des médias qu’il représente ne sont pas admissibles à une indemnisation selon la Loi. Cette proportion pourrait peut-être descendre à 85 % si l’on compte les journalistes recrutés à l’aide de l’Initiative de journalisme local (IJL).
À lire : Entente Google : les médias de langues minoritaires sur leurs gardes
Pourtant, les médias autochtones sont mentionnés explicitement dans la section sur l’admissibilité de la Loi. Ils ne sont pas tenus d’avoir deux journalistes.
Pourquoi des médias qui produisent du «contenu de nouvelles d’intérêt public qui est axé principalement sur des questions d’intérêt général et qui rend compte d’évènements actuels, y compris la couverture des institutions et processus démocratiques» dans une langue officielle en situation minoritaire n’ont-ils pas droit au même statut distinct?
Sont-ils protégés par la Loi sur les langues officielles? Le temps que la question fasse l’objet d’un débat, il sera trop tard.
En d’autres mots, si Google n’avait pas demandé d’exemption, la Loi ne forcerait pas le géant américain à discuter avec les médias francophones en milieu minoritaire, ou les entités qui les représentent, s’ils ne respectent pas tous les autres critères d’admissibilité.
Il fait noir dans le tunnel
Malgré la précision dans le processus d’exemption, les médias de langue minoritaire ne savent pas encore s’ils seront inclus dans la distribution des 100 millions de dollars de Google en raison des critères d’admissibilité.
Les médias communautaires de langue minoritaire attendent de voir s’ils auront une place au sein du Collectif canadien de journalisme (CCJ), l’organisation choisie par Google pour distribuer l’argent.
Le CCJ sera fort probablement sympathique à ces médias, puisqu’il a été créé par des petits médias et des médias communautaires.
L’admissibilité des médias de langue minoritaire à la somme promise par Google reste tout de même un mystère. Est-ce que l’obligation d’avoir deux journalistes s’applique ou non à l’exemption? C’est une exemption à la Loi après tout! Sinon, est-ce que le CCJ sera plus souple dans l’interprétation de la Loi?
Il est certain que l’argent de Google ne règlera pas tous les problèmes des médias. De fait, Patrimoine canadien s’attend à ce que les petits médias reçoivent environ 17 000 $ par journaliste. C’est loin de couvrir un salaire.
De plus, si aucun éclaircissement n’est fait dans la loi ou le règlement, les mêmes questions pourraient revenir dans cinq ans, lorsque l’entente entre Google et le CCJ viendra à échéance.
À lire : Les angles morts de l’Entente Google
Impossible aussi de savoir quels autres défis pendent au bout du nez des médias canadiens.
Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications poursuit ses audiences publiques pour la création du cadre règlementaire de l’application de la Loi.
Il doit encore déterminer quels autres «intermédiaires de nouvelles numériques» pourraient être assujettis à la Loi. Est-ce que ces derniers demanderont une exemption comme Google ou est-ce qu’ils couperont l’accès aux médias d’information au Canada, comme l’a fait Meta?
En attente de réponses, les médias de langue minoritaire retiennent leur souffle.
Ils suffoquent.
Au début d’octobre, j’ai eu l’occasion de me rendre en Louisiane pour aider la jeune équipe du Louisianais à lancer son média numérique francophone. Les membres de l’équipe du journal se donnent le mandat d’écrire en français louisianais – et ils y tiennent – pour assurer la pérennité de leur langue et de leur culture.
Ils vont même plus loin en faisant paraitre certains articles en créole louisianais. L’article Ki çé Kouri-Vini? est le premier texte publié entièrement dans cette langue sur le site du journal.
L’article s’amorce ainsi : «Ent 1791 é 1815, dê mil zimmigran ki sòr ansyin kolonni-la de Sin-Doming, ça yé pèl Ayiti ojòddi, té rivé endan Lalwizyàn.» Vous comme moi, en lisant à voix haute, pouvons comprendre qu’entre 1791 et 1815, deux-mille immigrants de l’ancienne colonie de Saint-Domingue, qui s’appelle Haïti aujourd’hui, sont arrivés en Louisiane.
Choisir de publier en français et créole louisianais est un geste d’affirmation clairement indiqué dans la mission du journal :
«Le français louisianais est un dialecte régional du français, porteur d’une culture forte et rassembleuse, mais aussi immergé dans une mer anglophone qui menace sa survie. […] Le Louisianais met également en valeur le créole louisianais, une de nos langues patrimoniales, en couvrant des histoires sur la communauté créolophone ou en rédigeant des articles en créole louisianais.»
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Symbole d’une résistance
La réalisation de ce projet montre la résilience, ou plutôt la résistance, du peuple cajun au cours du dernier siècle.
En 1812, lors de son annexion aux États-Unis, la Louisiane était le seul État américain où l’anglais n’était pas la langue de la majorité. Le français est même demeuré langue majoritaire jusqu’en 1940.
Mais, en 1921, la nouvelle constitution de la Louisiane stipulait que l’anglais devenait la seule langue d’usage enseignée à l’école publique, interdisant ainsi l’enseignement du français, du créole et des langues autochtones. C’était le début d’une lente assimilation.
Cent ans plus tard, malgré ces tentatives d’assimilation, la Louisiane compte environ 200 000 personnes qui parlent le français ou le créole.
Aujourd’hui, les Franco-Louisianais ont leur journal, mais ils ont aussi leur chaine de télévision, Télé-Louisiane, et ils ont accès à des programmes en français à l’Université de la Louisiane.
Cent ans plus tard, des parents font des pieds et des mains pour fonder des écoles d’immersion française où l’on y enseigne le français de la Louisiane. Aujourd’hui, il y aurait 5 000 enfants qui apprennent la langue de leurs ancêtres.
Tout ça existe parce que des gens ont le désir profond de pouvoir vivre dans leur langue et leur culture et parce qu’ils se donnent les moyens de le faire.
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Parler français sans s’excuser
Au-delà des institutions officielles, le français se vit aussi en communauté et sans jugement.
Pendant mon court séjour à Lafayette, j’ai rencontré des gens natifs de la région qui renouent avec la langue de leurs parents ou de leurs grands-parents. Au cours de ces conversations, personne ne s’est excusé de ne pas parler «un français sans faute».
Ils ont cette fierté de pouvoir parler une langue qui trouve racine dans leur histoire, dans leur identité. Ils sont conscients qu’elle a évolué dans une direction bien à elle, qu’elle est différente du français normatif. Mais qu’importe, ils vont de l’avant et parlent français, point final.
On est loin du «sorry, my French is not good enough» qui s’entend trop souvent au Canada.
L’identité franco-louisianaise ne passe pas que par la langue. En fait, savoir s’exprimer en français n’est même pas un prérequis. L’identité s’exprime par la culture, la musique et la cuisine ; elle passe par la danse, le zydeco et le gombo. C’est là la recette secrète pour gagner le cœur des gens.
Contrairement à ce que nous vivons ici, le français de la Louisiane n’est pas politisé. Il ne divise pas. La langue et la culture se vivent par choix et surtout avec plaisir.
Nous devons nous inspirer de cette fierté et ignorer le jugement d’autrui, cesser de nous empêcher de reconnecter avec qui nous sommes, et nous exprimer sans nous excuser.
* Les segments de ce texte produits avec l’assistance d’un robot conversationnel sont clairement identifiés.
Fonction d’autocorrection de notre téléphone cellulaire, application de traduction automatique d’un texte en ligne, assistant virtuel personnel comme Alexa prêt à nous faire jouer notre chanson préférée. Nous utilisons tous l’intelligence artificielle (IA) dans notre quotidien, parfois même sans le savoir.
L’IA est utile, elle améliore notre efficacité. Elle semble aussi nous rendre plus «intelligents» en nous permettant d’accéder à des connaissances et des méthodes de travail qui étaient réservées jusqu’alors à des experts. Il suffit d’une recherche rapide pour comprendre que le métier de journaliste est l’un des plus menacés par l’arrivée de l’IA, plus précisément, l’IA générative.
L’IA dite «traditionnelle» permet d’automatiser des tâches ou d’exécuter des opérations comme la traduction ou des calculs complexes. L’IA générative, comme son nom l’indique, génère des contenus à partir de gigantesques bases de données. Elle a la capacité de créer notamment de l’audio, des images, des vidéos et des textes de toutes sortes, dont des articles journalistiques. Ses capacités sont immenses.
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Distinguer le vrai du faux
Heureusement, les médias dignes de confiance sont plutôt prudents dans l’intégration de l’IA générative dans leur salle de rédaction.
À titre d’exemple, le Los Angeles Times utilise depuis quelques années le robot Quakebot pour rédiger des articles dans les minutes suivant un tremblement de terre. Le texte est ensuite soumis à un secrétaire de rédaction – en chair et en os –, qui jugera si l’article mérite d’être publié. Dans l’affirmative, par souci de transparence, le journal y ajoutera une mention précisant qu’il a été généré par une intelligence artificielle.
Malheureusement, de «prétendus médias» utilisent l’IA générative pour produire des articles d’apparence journalistique. Ces textes comportent une fausse signature et sont publiés sans vérification des faits.
Certains médias ont même l’audace de publier un «guide de déontologie» et une «politique d’information» sans déclarer qu’aucun être humain n’assure la validité des données derrière la machine. L’audience n’y voit que du feu.
Et pourquoi des médias agissent-ils ainsi? Simplement pour empocher des revenus publicitaires.
Ces producteurs malveillants de contenus réussissent à se faufiler dans les moteurs de recherche, sur les réseaux sociaux et participent activement à la mésinformation et à la désinformation.
En plus du contenu écrit, il ne faut pas oublier que des systèmes d’IA générative réussissent à produire de l’hypertrucage [deepfake], c’est-à-dire une création ou une altération numérique de contenu visuel, audio ou vidéo usurpant l’identité d’une personne.
En février dernier, le premier ministre du Canada a d’ailleurs fait l’objet d’un hypertrucage dans une fausse entrevue avec l’animateur américain Joe Rogan.
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Occasion à saisir avec prudence
L’intelligence artificielle offre une tonne d’outils qui facilitent la vie des journalistes. Que ce soit des outils de transcription d’entrevues, de traduction de documents, de compilation de statistiques et j’en passe. Somme toute, des outils qui permettent de gagner du temps et d’automatiser les tâches peu stimulantes.
Mais l’IA ne peut pas remplacer, du moins encore, la sensibilité du journaliste. Elle ne permet pas d’interpréter un silence dans une entrevue ou encore d’aller chercher l’émotion chez un interlocuteur. Elle ne parvient pas non plus à s’adapter à une audience cible et ne tient pas compte du contexte culturel comme le font nos journaux locaux par exemple.
Par curiosité, j’ai demandé au robot conversationnel Chat GPT (consultez la conversation complète) de déterminer les risques de l’utilisation de l’IA générative en journalisme. Il est arrivé à la liste suivante :
Une liste plutôt juste.
En fait, le robot conversationnel a repris essentiellement les mêmes points soulevés dans les divers documents publiés sur la question qui se trouvent assurément dans sa base de données.
Chat GPT y va aussi d’une sage mise en garde puisée dans ses multiples sources : «Il est important de noter que les risques associés à l’IA générative dépendent de la manière dont elle est utilisée et règlementée.» Entendons-nous que nous y avions pensé nous aussi.
Le temps est venu pour les médias de mettre la guerre des clics de côté et de travailler avec les élus et les citoyens pour baliser l’utilisation de l’IA en information. Une action qui s’inscrit dans la lutte à la désinformation, qui met à risque plus que jamais nos démocraties.
En aout dernier, des associations et des grands médias de partout dans le monde, ont signé une lettre ouverte réclamant une intervention des États afin de règlementer l’usage de l’IA. Même si les signataires se déclarent en faveur de l’utilisation de l’IA, ils réclament de «protéger le contenu qui alimente les applications d’IA et maintenir la confiance du public dans les médias qui promeuvent les faits et alimentent nos démocraties».
Se sensibiliser pour mieux s’informer
Que nous le voulions ou non, nous sommes tous ensembles dans cette aventure devant l’intelligence artificielle. D’une part, les gouvernements ont la responsabilité de légiférer, pour assurer une utilisation à bon escient de l’IA, notamment en information.
D’autre part, les médias professionnels, déjà confrontés à cette réalité, doivent s’imposer des balises d’utilisation des nouvelles technologies et mettre à jour leur politique d’information et leurs lignes directrices en matière de transparence, d’éthique et de déontologie pour maintenir le lien de confiance avec leur audience. Un média se doit d’être transparent dans tous les aspects de son travail.
En tant que consommateurs d’information, votre jugement importe.
Dans un monde où l’information nous parvient par algorithmes, par processus de référencement et par popularité de l’émetteur, vous êtes l’ultime rempart contre la désinformation.
Pour ce faire, il faut se sensibiliser au travail journalistique et il faut faire de la sensibilisation. Une bonne compréhension citoyenne du journalisme et des médias solidifiera nos démocraties.
«Abonnez-vous à notre infolettre!» Voilà le message que placardent les médias canadiens partout sur les réseaux sociaux depuis quelques semaines. Leur objectif est de continuer à vous rejoindre quand les géants du Web auront retiré votre accès aux nouvelles canadiennes.
Meta a d’ailleurs parti le bal le 1er août en commençant à retirer les nouvelles canadiennes sur ses plateformes Facebook et Instagram. Un acte contre l’adoption de la Loi concernant les plateformes de communication en ligne rendant disponible du contenu de nouvelles aux personnes se trouvant au Canada, qui oblige les géants du Web à payer les médias canadiens pour les contenus qu’ils partagent.
Google a aussi brandi la menace et a annoncé le retrait des nouvelles provenant de médias canadiens lorsque la loi entrera en vigueur, soit en décembre 2023.
Le désaccord entre les géants du Web et le gouvernement canadien nous force, en tant que citoyen, à réfléchir à la transformation lente mais constante de nos habitudes de consommation de l’information au cours des dernières décennies.
En une génération seulement, nous sommes devenus des consommateurs d’information passifs.
L’humain est une créature d’habitude
Nos habitudes de consommation de l’information ont changé de façon radicale. Quand j’étais plus jeune, le journal se lisait encore strictement sur papier et le téléjournal n’était qu’à la télévision. Puis est venue la révolution numérique qui a bouleversé nos habitudes.
Racontons l’histoire en accéléré : fin des années 1990, Internet arrive dans nos foyers, rapidement les premiers sites Web des médias apparaissent. En 2004, nous devenons amis sur Facebook et en 2010, tout le monde s’informe en ligne et sur les réseaux sociaux. C’est moderne, c’est révolutionnaire, c’est facile. Entre les photos du petit dernier de la voisine et le gâteau au chocolat du beau-frère, nous avons le sentiment d’avoir accès à des nouvelles.
L’information venait à nous sans effort, nous nous sentions mieux informés. Mais tout cela a eu un effet pervers et nous sommes devenus un peu plus paresseux.
Aujourd’hui, la plupart des journaux sont disponibles en ligne. Tristement, ils sont même de plus en plus nombreux à ne plus imprimer. Et pour ce qui est du téléjournal, nous pouvons le regarder au moment qui nous convient le mieux.
Champ libre aux fausses nouvelles?
Selon le plus récent Digital News report, 48 % des francophones de 35 ans et plus et 39 % des 18-34 ans ont utilisé Facebook au Canada pour s’informer dans la semaine précédant l’enquête. YouTube et Instagram figurent aussi parmi les sources importantes d’information chez les 18-34 ans.
Au fil des années, les médias ont investi temps et argent pour que leurs nouvelles soient mieux classées dans les recherches sur le Web et pour être plus visibles sur les réseaux sociaux.
Le retrait des nouvelles canadiennes sur Meta et Google ne se fera pas sans heurts. Les temps seront difficiles ; pour les médias certes, mais surtout pour les citoyens.
Que verrons-nous à la place des nouvelles des médias canadiens sur Meta et sur Google? Des nouvelles américaines? Des commentaires provenant de soi-disant journalistes? Des fausses nouvelles, du moins, plus que d’habitude?
C’est inquiétant!
Les intentions du gouvernement étaient bonnes derrière l’adoption de la Loi sur les nouvelles en ligne. Vouloir redonner des revenus publicitaires aux médias canadiens est une ambition louable. Mais la réalité à laquelle nous sommes confrontés aujourd’hui est loin de rendre service à la presse et aux citoyens.
À moins que le fédéral ne réussisse à élaborer des règlements qui conviendront aux géants du Web, ce qui semble peu probable, la disparition des nouvelles canadiennes sur Meta et Google aura des répercussions importantes sur la société canadienne. Du moins, le temps que nous reprenions de saines habitudes d’information.
Nous avons tenu pour acquis, voire surestimé, le rôle du Web dans notre consommation de l’information. Maintenant que le risque de perdre ces sources est réel, il est temps que tout le monde prenne ses responsabilités.
Le gouvernement doit faire sa part. Idéalement, trouver un terrain d’entente avec les géants du Web. Mais surtout, il devra donner davantage de moyens aux médias pour leur permettre d’améliorer la diffusion et la découvrabilité de leurs informations.
Les médias, même si les temps risquent d’être difficiles, devront persévérer et faire ce qu’ils savent faire de mieux, informer.
Et nous, nous avons le devoir de ne plus être paresseux. Notre société mérite d’avoir des citoyens informés pour protéger sa démocratie.
De toute manière, Facebook n’a jamais été une bonne façon de s’informer.
Abonnez-vous donc à vos journaux !