le Mercredi 24 Décembre 2025

Le programme de microsubventions FrancoZone était déjà proposé depuis dix ans aux organismes membres de l’AFFC; il est désormais ouvert à un plus large public.

Soukaina Boutiyeb rappelle que les femmes francophones jouent un rôle clé dans la transmission du français, notamment au sein des familles exogames. 

Photo : Courtoisie

«Pour la première fois, c’est un projet qui va être accessible à tout le monde : à toute institution francophone ou organisme sans but lucratif», annonce la directrice générale de l’AFFC, Soukaina Boutiyeb, en entrevue avec Francopresse.

Les écoles et les universités sont par exemple admissibles. La microsubvention est de 1500 $ par projet.

«L’objectif, c’est vraiment de créer des espaces francophones qui sont portés par les femmes», souligne-t-elle. Des femmes qui exercent un rôle de leadeurship ou d’influence au sein de leur communauté : mères, proches aidantes, éducatrices, responsables communautaires, entrepreneures, militantes, bénévoles engagées, conférencières, spécialistes dans leur domaine, etc.

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Le rôle clé des femmes au sein des familles exogames

Au cours des dix dernières années, FrancoZone a par exemple permis aux organismes bénéficiaires de mettre en place des ateliers intergénérationnels, des formations destinées aux mères, des journées de famille, des lectures familiales, des cercles de parole ou encore des cafés-rencontres, énumère Soukaina Boutiyeb.

«Les femmes jouent vraiment un rôle essentiel dans cette transmission de la langue et de la culture», insiste la responsable.

Selon un rapport du Commissariat aux langues officielles, le taux de transmission du français dans les familles exogames dont la mère est francophone est passé de 23 % en 1991 à près de 39 % en 2011. Sur la même période, ce taux est passé de 10 % à 19 % lorsque le père est francophone.

On est dans une situation où le poids démographique dans certaines communautés recule. Donc c’est encore plus important que des projets comme ceux-ci voient le jour.

— Soukaina Boutiyeb

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Comment postuler

Les organismes intéressés sont invités à déposer leur proposition avant le 25 novembre 2025 à 16 h (HE), par le formulaire disponible sur francozone.ca, où se trouvent également les lignes directrices ainsi que les critères d’admissibilité du programme.

Les microsubventions seront offertes jusqu’en mars 2027 et devraient soutenir 160 projets locaux d’un bout à l’autre du pays. Chaque organisme peut soumettre plusieurs projets distincts pour l’analyse annuelle.

Les personnes souhaitant assister à une séance d’information virtuelle sur le programme sont invitées à signifier leur intérêt à l’adresse suivante : [email protected].

Les projets seront évalués par «un jury externe composé de femmes canadiennes de divers horizons, autant géographiques qu’en expertises», ajoute Soukaina Boutiyeb.

Pourquoi Marineland devrait-il se débarrasser de ses bélugas?

Depuis 2019, une loi canadienne interdit de garder des baleines et des dauphins en captivité pour le divertissement. Ça signifie quoi? Terminés, les spectacles d’orques et de dauphins, par exemple. Le parc Marineland a fermé ses portes en 2024. Mais 30 bélugas continuent d’y vivre.

Récemment, Marineland a dit qu’il n’avait plus assez de sous pour bien s’en occuper. Il a voulu envoyer ses 30 derniers bélugas dans un parc en Chine. Mais le gouvernement canadien a refusé. 

C’est ici que ça se corse…

Après ce refus, Marineland a envoyé une lettre à la ministre des Pêches et des Océans du Canada, Joanne Thompson. Dans cette lettre, le parc marin affirmait qu’il n’y avait que deux solutions : trouver une nouvelle maison pour les bélugas, ou les euthanasier. Ça signifie de leur donner la mort, avec une méthode non douloureuse. 

Pour éviter d’en arriver là, Marineland a demandé au gouvernement de lui envoyer de l’argent en urgence, avant le 7 octobre. Sans cet argent, le parc serait forcé de tuer ses bélugas. Le gouvernement a de nouveau refusé.

Une menace qui fait le tour du pays

Regarde le calendrier : le 7 octobre est passé. Mais je te rassure : les bélugas sont toujours vivants. Marineland n’a pas mis sa menace à exécution. Mais beaucoup de Canadiens et de groupes de défense des droits des animaux trouvent son comportement scandaleux. 

Selon l’organisme Animal Justice, il est impensable d’euthanasier 30 bélugas. Pour sa directrice, Camille Labchuk, Marineland n’a que lui-même à blâmer. Le parc aurait dû prévoir de l’argent pour s’occuper des bélugas.

Et maintenant?

Un sanctuaire de baleines, situé en Nouvelle-Écosse, a été considéré pour accueillir les bélugas. C’est un endroit plus naturel où ils pourraient nager librement. 

Mais c’est au tour de Marineland de refuser, sous prétexte que l’eau y est trop polluée. Le parc ajoute que le sanctuaire aurait aussi besoin de modifications : il ne serait pas capable d’accueillir 30 bélugas demain matin. 

Le problème n’est donc pas encore réglé. Mais je te le répète: les bélugas sont toujours en vie, et plein de gens réfléchissent à une solution pour les sauver. 

Une histoire de grippe

Tout a commencé en décembre 2024. Des inspecteurs de l’Agence canadienne d’inspection des aliments ont découvert que deux autruches de la ferme Universal Ostrich, à Edgewood, en Colombie-Britannique, avaient la grippe aviaire. Ils ont aussi conclu que cette maladie avait déjà tué des dizaines d’autres autruches de la ferme. 

Pour empêcher que la maladie ne se propage, l’ordre a été donné : il fallait abattre tout le troupeau, même les autruches en santé. Les propriétaires de la ferme, eux, n’étaient pas d’accord et ont décidé de se battre pour sauver leurs oiseaux.

Tout le monde s’en mêle

Très vite, la nouvelle s’est répandue sur les réseaux sociaux et dans les médias. Des personnes sont même allées directement à la ferme pour protester! Certaines ont campé sur place pour empêcher l’abattage. Des groupes de défense des animaux, comme l’organisme Animal Justice, se sont joints au mouvement pour soutenir les propriétaires… et les autruches!

Ces opposants sont d’avis que les autruches sont des êtres vivants qui ont des droits, et que toutes les autruches ne devraient pas être abattues seulement parce que certaines sont malades.

L’histoire s’est même rendue jusqu’aux États-Unis! Au mois de mai, le secrétaire américain à la santé (l’équivalent du ministre de la Santé au Canada), Robert F. Kennedy, a écrit au président de l’Agence canadienne d’inspection des aliments pour lui demander de ne pas abattre le troupeau.

Mais pourquoi ne peut-on pas abattre seulement les autruches malades? 

Parce que certaines autruches peuvent porter le virus sans que ça paraisse. Mais si le virus reste dans le troupeau, il pourrait évoluer et devenir plus nocif. Cependant, les experts disent que le risque pour les humains est faible.

Et la suite?

Dans un dernier effort pour sauver leurs autruches, les éleveurs se sont adressés à la Cour suprême du Canada. Et le 24 septembre, celle-ci a mis l’abattage sur pause, le temps de réfléchir à la question. Cette nouvelle a rendu les propriétaires des oiseaux et les défenseurs des droits des animaux très heureux.

Pour l’instant, elles sont toujours vivantes, mais leur avenir reste incertain.

Et toi, que penses-tu qu’il faudrait faire? Abattre les autruches ou les laisser vivre malgré le risque du virus?

Seule certitude : il faut prendre une décision, et ne pas se mettre la tête dans le sable! 

«Dans les médias, ce qu’on peut voir, c’est un peu une montée du sentiment anti-immigration, avec des gens qui demandent une diminution», observe la présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada, Liane Roy.

Liane Roy se réjouit de voir de nouveaux partenaires se joindre à l’évènement. 

Photo : Inès Lombardo – Francopresse

Dans ce contexte, elle estime essentiel de rappeler la contribution des personnes immigrantes à la vitalité culturelle, sociale et économique de la francophonie canadienne. «Pour nous, c’est important de dire merci», insiste-t-elle.

Cette reconnaissance s’inscrit dans le thème choisi cette année pour la Semaine nationale de l’immigration francophone : «Merci d’enrichir notre francophonie».

Du 2 au 8 novembre, près de 250 activités sont organisées aux quatre coins du pays, pour «plus de 10 000 participants et participantes», détaille la responsable. L’objectif : apprendre les uns des autres et construire des communautés inclusives.

Sensibiliser et informer

Le but est également de sensibiliser la population à l’inclusion, la diversité et l’équité, ainsi que de faire connaitre les services d’accueil et d’établissement.

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«C’est aussi pour mobiliser de nouveaux partenaires et renforcer la collaboration des organismes qui travaillent dans le dossier de l’immigration francophone», rappelle Liane Roy.

Parmi les activités phares de cette édition : un webinaire de promotion de la francophonie canadienne hors Québec est organisé le 3 novembre en partenariat avec Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) et le Réseau de développement économique et d’employabilité (RDÉE) Canada. Une réception soulignera également la contribution des entrepreneurs issus de l’immigration.

TFO propose une sélection de séries, films et documentaires autour de la diversité. La plateforme Idéllo met à disposition pour l’occasion plusieurs ressources pédagogiques en lien avec l’immigration et l’inclusion.

Une campagne de promotion sur les réseaux sociaux invite en outre les personnes qui le souhaitent à partager des photos personnalisées accompagnées d’un court message ou d’un témoignage pour remercier un ou plusieurs membres dans leur entourage.

Enfin, Abdoul Malik Ahmad et Eya Benhassine, chercheur principal et chercheure associée de l’Observatoire en immigration francophone au Canada (OIFC), présenteront lors d’un atelier le 6 novembre les principaux constats issus de l’enquête nationale menée sur les barrières systémiques à l’immigration francophone au Canada.

Le Portail linguistique du Canada présente de son côté un questionnaire en ligne, pour tester ses connaissances et sa maitrise de la langue française.

À ces activités nationales s’ajoute une multitude d’initiatives aux niveaux régional et local pour souligner la Semaine à une autre échelle.

En attendant les promesses du fédéral

Quant aux cibles en immigration francophone fixées par le gouvernement fédéral, Liane Roy ne se dit pas inquiète : «Les discussions sont en cours, le dialogue est toujours ouvert, parce que si le Canada décide de diminuer ses seuils d’immigration en général, c’est certain que ça a un impact sur nos cibles à nous.»

Ottawa a dépassé sa cible en immigration francophone pour 2024 en atteignant 7,21 %, alors que l’objectif initial était de 6 %.

On est confiants parce que dans le temps de la campagne électorale, le premier ministre avait dit qu’il voulait augmenter à 12 %. Maintenant, nos discussions avec IRCC, c’est de savoir qu’est-ce qu’ils vont faire pour arriver aux 12 % et comment ils vont calculer ce 12 %.

— Liane Roy

FRANCOPHONIE

Mercredi, l’Association internationale des interprètes de conférence au Canada (AIIC-Canada) a critiqué par communiqué les nouvelles règles d’approvisionnement publiées par le Bureau de la traduction, qui emploie les interprètes du Parlement.

L’organisme affirme qu’elles mettront en danger la santé et la sécurité des interprètes pigistes accrédités.

Le hic : Selon l’AIIC-Canada, ces règles contredisent les assurances données récemment par le Bureau de la traduction, qui s’était notamment engagé à ne pas augmenter les heures d’exposition des interprètes aux sons de mauvaise qualité lors des réunions hybrides sans garanties de sécurité.

Les nouvelles dispositions n’imposeraient aucune limite d’exposition et permettraient des horaires plus longs, avec moins d’interprètes.

L’association dénonce aussi la disparition du système d’assurance-qualité existant pour les interprètes, qui serait remplacé par un modèle reposant uniquement sur l’accréditation fédérale comme gage de compétence.

Elle estime que cette approche néglige l’expérience et la formation pratique nécessaire pour travailler en contexte parlementaire et favorise un régime fondé sur l’offre la plus basse.

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L’ACUFC attend de rencontrer la ministre d’IRCC, Lena Metlege Diab, à la suite de la plainte jugée fondée contre le ministère, selon les conclusions du commissaire aux langues officielles cette semaine. 

ourtoisie

Le Commissariat aux langues officielles a jugé qu’Immigration, réfugiés et citoyenneté Canada (IRCC) a violé la Loi sur les langues officielles, car le ministère n’a pas consulté correctement l’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne (ACUFC) avant d’imposer un plafond sur les permis d’études pour les étudiants étrangers en 2024.

Pomme de discorde : Les consultations menées auparavant ne portaient pas sur cette décision et manquaient d’information pertinente.

Le commissaire Raymond Théberge exige qu’IRCC adopte des lignes directrices d’ici janvier 2026, refasse des consultations et prenne des mesures pour limiter les conséquences sur les communautés francophones. L’ACUFC demande une rencontre rapide avec la ministre Lena Metlege Diab.

Dans un courriel envoyé à Francopresse, IRCC répond que ses équipes soutiennent «les efforts déployés par le commissaire pour veiller à ce que les institutions fédérales respectent leurs obligations en matière de langues officielles», .

Le ministère dit examiner le rapport du commissaire et ses recommandations «afin de déterminer la meilleure voie à suivre».

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CANADA

Malgré la réduction du taux marginal le plus bas de l’impôt sur le revenu des particuliers, deux catégories de contribuables paieront davantage d’impôt fédéral sur le revenu des particuliers, prévient le directeur parlementaire du budget par intérim, Jason Jacques – qui est indépendant du gouvernement fédéral –, dans un rapport publié jeudi.

Deux catégories touchées : Il s’agit des personnes assujetties à l’impôt minimum de remplacement (IMR) et celles dont le revenu imposable et les crédits d’impôt non remboursables dépassent la première tranche de revenu (estimé à 58 523 $ en 2026).

Les contribuables concernés paieront en moyenne 141 $ de plus pour les célibataires et 155 $ pour les couples par année, alors que la plupart des autres contribuables visés par la baisse d’impôt de Mark Carney économisera environ 190 $.

Les personnes assujetties à l’IMR, généralement à revenu élevé, seront légèrement aussi touchées, avec une augmentation de 34 $ pour les célibataires et de 58 $ pour les couples.

Parmi les autres contribuables désavantagés, la majorité déclare des frais médicaux importants, car ces crédits ne sont pas plafonnés, contrairement à la plupart des autres crédits d’impôt.

La ministre des Femmes et de l’Égalité des genres, Rechie Valdez, a annoncé un financement de 660,5 millions de dollars sur cinq ans dans le prochain budget fédéral.

Marianne Dépelteau – Francopresse

Mercredi, le ministre des Finances, François-Philippe Champagne et la ministre des Femmes et de l’Égalité des genres, Rechie Valdez, ont annoncé que le prochain budget fédéral prévoira un financement additionnel de 660,5 millions de dollars sur cinq ans pour le ministère, afin de soutenir les initiatives en matière d’égalité et d’inclusion.

Distribution des fonds : À partir de l’exercice 2026-2027, 382,5 millions de dollars seront consacrés à l’avancement de l’égalité des femmes, notamment pour améliorer leur sécurité économique et leur accès à des postes de leadeurship.

Une somme de 54,6 millions de dollars appuiera les communautés 2ELGBTQI+, incluant des fonds destinés à la sécurité lors des festivals de la Fierté.

Enfin, 223,4 millions de dollars serviront à renforcer les mesures fédérales de lutte contre la violence fondée sur le genre, particulièrement envers les femmes autochtones et les populations mal desservies.

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INTERNATIONAL

En réponse à une campagne publicitaire de l’Ontario critiquant les tarifs américains, diffusée il y a une dizaine de jours, Donald Trump a menacé lundi d’imposer une augmentation des tarifs douaniers visant le Canada, lundi une nouvelle augmentation des droits de douane visant le Canada.

Dans un message publié sur son réseau social, Truth Social, le président américain a indiqué que ces tarifs seraient relevés de 10 % par rapport au niveau actuel. On ne sait pas encore si cette mesure s’appliquera uniquement aux produits jugés non conformes à l’Accord Canada–États-Unis–Mexique.

La publicité en question montrait l’ex-président des États-Unis, Ronald Reagan, qui critique les droits de douane envers les autres pays, qui ne sont jamais à l’avantage des consommateurs.

Relations États-Unis–Canada : Dans la foulée de l’annonce des nouveaux droits de douane lundi, le président des États-Unis et le premier ministre canadien se sont retrouvés en Corée du Sud, en marge du sommet du forum de coopération économique Asie-Pacifique; l’échange a été cordial.

Paul Denis ne croit pas que les actions de l’ACFA aient eu un «effet extraordinaire» sur le vote du référendum, mais les sondages étaient si serrés que chaque vote pouvait compter. 

Photo : Courtoisie

Quand Paul Denis est devenu président de l’Association canadienne-française de l’Alberta (ACFA) en 1993, il pensait que son mandat serait «probablement très simple, très facile». L’ACFA a pourtant été l’un des organismes les plus actifs pour rappeler l’importance du Québec pour les communautés francophones partout au pays.

Les promesses d’appui continu à la francophonie canadienne faites par le camp du «oui» ne rassuraient les membres de l’ACFA. De façon indépendante, l’organisme avait organisé une campagne publicitaire qui appelait à la solidarité entre francophones au Canada dans des médias du Québec, l’envoi de cartes postales et une conférence de presse à Montréal.

Du point de vue de l’organisme albertain, le référendum québécois était une question existentielle pour la francophonie canadienne : le «oui» marquerait la fin de l’appui à la langue française au Canada.

Parce que si le Québec se séparait, aucune autre province n’aurait accepté de continuer à vivre avec la Loi sur les langues officielles. Pour nous autres, c’était une question de vie ou de mort

— Paul Denis

Bernard Thériault est aujourd’hui maire de Caraquet, au Nouveau-Brunswick. 

Photo : Courtoisie

Une question existentielle

Au Nouveau-Brunswick, c’est le gouvernement qui s’est engagé. Selon le ministre des Pêches du Nouveau-Brunswick de l’époque, Bernard Thériault, le premier ministre Frank McKenna regrettait le rôle qu’il avait joué dans l’échec de l’accord de Charlottetown. Ce sentiment de culpabilité l’a mené à demander à son caucus francophone de participer aux efforts du camp du «non».

L’objectif était de «démontrer que dans une perspective acadienne du Nouveau-Brunswick, il n’y avait pas trop d’avantages à ce que le Québec se sépare». D’un autre côté, vivre dans un Canada où la province qui fait passer le pourcentage de francophones de 4 à 25 % ne serait plus là rendrait la vie des francophones encore plus compliquée.

Bernard Thériault était conscient que la majorité de l’Acadie et ses organismes préféraient laisser le Québec décider de son avenir sans interférence. «Mais ils espéraient, sans le dire trop fort, que le Québec reste dans le Canada.»

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Après le référendum, François Rocher a été invité à se rendre en Alberta, rencontrer des familles anglophones qui avaient participé au «Love-in» à Montréal. «Ils ne comprenaient pas pourquoi le Québec voulait se séparer, mais d’un autre côté, ils comprenaient qu’on pouvait avoir beaucoup d’insatisfaction à l’endroit du Canada.». 

Photo : Courtoisie

Déséquilibre

En 1995, François Rocher était un francophone dans une mer d’anglophones : il enseignait à l’Université Carleton, à Ottawa – entre autres des cours de politique québécoise. Il a aussi eu l’occasion de visiter d’autres universités ontariennes.

Ce qu’il a vu chez les universitaires et les assistances, c’était de la crainte. «Je dirais qu’il y avait une certaine démonisation du mouvement souverainiste […] et que c’était beaucoup teinté d’un certain paternalisme.»

Dans ses conversations, il remarquait un double standard chez les anglophones. Ils lui attribuaient presque toujours un biais favorable au Québec parce qu’il était francophone sans considérer leurs propres biais. Pour eux, rester uni «c’était la voix de la raison», les doléances des Québécois et Québécoises avaient peu de poids.

Il a aussi vu – chez les francophones qui assistaient à ses cours – la crainte des conséquences pour la francophonie canadienne. «C’était moins un mépris du Québec qu’une crainte par rapport à leur propre avenir dans une fédération où ils seraient encore davantage minorisés.»

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Joel Belliveau se souvient que le référendum québécois était un sujet de discussion régulier sur le campus de l’Université de Moncton, qui accueillait de nombreux étudiants et étudiantes du Québec à l’époque. 

Photo : Courtoisie

La controverse du love-in

Le 27 octobre 1995, plus de 30 000 personnes de partout au Canada se présentent à Montréal pour participer au love-in, une déclaration d’amour au Québec organisé par le camp du «non».

«Je crois que c’est réaliste de penser que c’est surtout l’est du Nouveau-Brunswick et l’Ontario qui se sont déplacés vers Montréal. Même si je pense que la grande majorité des gens qui étaient à cette manifestation étaient des fédéralistes québécois», avance Bernard Thériault.

Le financement de ce qui a aussi été appelé la marche pour l’unité fait partie des mystères de la campagne référendaire. Les compagnies aériennes offraient entre autres des rabais substantiels pour ceux et celles qui désiraient s’y rendre. Mais ce n’était pas la seule tactique.

En 1995, Joel Belliveau est étudiant à l’Université de Moncton. Il se souvient que le référendum était un sujet de conversation régulier sur le campus.

Quelques jours avant le vote, une invitation circule «pour une soirée de discussion sur le référendum». «Mais très rapidement, une fois qu’on était tous assis, on a vu que c’était le Parti libéral du Canada qui était là pour faire sentir l’urgence de la situation, puis faire ressentir la peur de perdre notre beau pays, etc.», raconte Joel Belliveau, aujourd’hui professeur d’histoire dans le même établissement.

À la fin de la présentation, une annonce surprenante : cinq autobus sont stationnés à l’extérieur. «Vous avez une heure, si vous voulez un voyage gratuit à Montréal», se souvient Joel Belliveau.

Lui et ses amis n’y sont pas allés, dégoutés par la tactique et le manque de respect pour le droit du Québec à choisir. Mais plusieurs ont accepté de profiter d’une excursion gratuite.

Déjà à l’époque, ce n’était pas clair qui payait pour cette sortie. «[Le love-in] a été un scandale en général, mais ce qu’il faut savoir, c’est que ce scandale-là, ça a été des décisions individuelles.»

Bernard Thériault mentionne qu’un total de 15 autobus avaient été nolisés au Nouveau-Brunswick pour le ove-in. Il se souvient bien que le financement de ces déplacements a été une source de controverse. Est-ce que ça comptait comme une dépense du camp du «non» ou pas?

Une enquête du directeur général des élections du Québec a déterminé en 1997 que le financement des déplacements contrevenait à la loi électorale. Cependant, les poursuites ont dû être abandonnées.

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Le «oui» venant de l’extérieur

Mais les Franco-Canadiens et Franco-Canadiennes n’étaient pas tous contre la souveraineté du Québec. Michel Bock se souvient de «quelques discussions assez chaudes» entre professeurs de l’Université Laurentienne à Sudbury, alors qu’il terminait sa maitrise : «Ça ne laissait personne indifférent.»

Pour d’autres, le sentiment de panique n’était pas justifié. Lorraine Fortin avait quitté le Québec pour la Colombie-Britannique en 1992. Elle n’a jamais cru que la francophonie canadienne serait en danger si le Québec devenait indépendant.

Elle avait vu dans le discours de Jacques Parizeau, le premier ministre du Québec, l’intention d’appuyer les francophones du Canada.

Le référendum n’était pas basé seulement sur une vision rétrécie, égoïste et complètement irréaliste. C’était quelque chose qui était déjà pensé pour rassembler.

— Lorraine Fortin

Elle ne s’explique toujours pas aujourd’hui comment une grande partie de la francophonie canadienne a pu céder à la peur. C’était une époque où les acquis se multipliaient, rappelle-t-elle. Comme l’obtention des conseils scolaires francophones dans plusieurs provinces et des collèges en Ontario.

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Dans le reste de la population, l’inquiétude face à la séparation du pays était palpable. Michel Bock se souvient d’un diner dans un restaurant italien du centre-ville de Sudbury le jour du vote où la propriétaire posait beaucoup de questions. «Comme on était francophones, je crois qu’elle pensait qu’on avait un point de vue particulier.» 

Photo : Courtoisie

Après le «non»

La victoire du «non» a été un soulagement pour Paul Denis et l’ACFA, même s’ils auraient aimé voir une victoire par une marge plus grande.

Ça n’a pas été instantané, mais François Rocher croit que ce résultat a contribué à une baisse d’intérêt pour la politique québécoise au Canada. «À partir du moment où le gouvernement fédéral a adopté sa loi sur la clarté référendaire, en 1998, la question du Québec est disparue du radar.»

Le danger étant écarté, le sujet était moins intéressant. Par la suite, la diminution de la ferveur souverainiste au Québec, reflétée dans les sondages, a renforcé la tendance.

De l’autre côté, le Québec semble s’intéresser davantage au sort des francophones depuis. Michel Bock souligne que l’histoire du référendum ne s’arrête pas le 30 octobre 1995. L’évènement a continué à influencer la relation entre les francophonies du pays.

L’un des constats avancés dans le livre Le moment Montfort dans la francophonie canadienne, dirigé par François Charbonneau et Michel Bock, c’est que «l’importance que prend la crise [de l’hôpital Montfort en 1997] dans l’espace public, dans la francophonie canadienne et au Québec, est en bonne partie alimentée par le contexte postréférendaire».

Pendant la crise, les appuis en provenance du Québec sont nombreux et menés par plusieurs politiciens du camp du «oui».

Pour Michel Block, le contexte postréférendaire – et la possibilité toujours présente d’un troisième référendum – «ça a rajouté un gallon d’huile sur le feu et ça a contribué à faire de Montfort une crise d’envergure nationale».

«C’est juste mettre un chiffre sur ce qu’on entend déjà sur le terrain», commente le président de la Fédération de la jeunesse canadienne-française (FJCF), Simon Thériault.

Entre 2016 et 2021, un peu moins de la moitié (45 %) des jeunes francophones hors Québec ayant fréquenté une école secondaire de langue française ont choisi de poursuivre leurs études universitaires dans un établissement francophone ou bilingue, rapporte Statistique Canada.

La proportion est toutefois nettement plus élevée chez ceux et celles qui résident dans le Nord (93 %) et le Sud-Est (85 %) du Nouveau-Brunswick, ainsi que dans l’Est (72 %) et le Nord (72 %) de l’Ontario.

«L’accès à l’éducation postsecondaire est beaucoup plus difficile dans l’Ouest canadien qu’au Nouveau-Brunswick ou en Ontario par exemple. Ça nous permet aussi de cibler dans quelle région il y a plus de travail à faire pour assurer une plus grande transition des élèves du secondaire francophone vers le postsecondaire en français», observe le président-directeur général de l’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne (ACUFC), Martin Normand.

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La première étude du genre

L’étude de Statistique Canada se base sur les données du recensement de 2021, qui incluait des questions sur la langue d’enseignement au primaire et au secondaire.

«C’est la première fois qu’une étude d’une telle envergure peut être menée sur la question des transitions entre le secondaire et le postsecondaire en fonction de la langue des études», précise l’analyste et auteur de la recherche, Étienne Lemyre.

Des études de ce type ont déjà été menées à l’échelle locale, mais c’est une première au niveau national. «On a vraiment une vue d’ensemble nationale avec des nombres suffisants pour vraiment regarder par région, par domaine d’études.»

Cout financier et insécurité linguistique

«On le sait, les jeunes d’expression française en milieu minoritaire ont de nombreuses barrières à l’accès à l’éducation postsecondaire en français», remarque Simon Thériault. Il cite les couts liés au déplacement lorsque s’inscrire dans un établissement de langue française signifie déménager ou parfois même changer de province.

«Il y a beaucoup à faire. Il y a beaucoup de solutions qu’on pourrait mettre en place, mais ça prend des ressources et ce sont parfois des décisions difficiles», témoigne Simon Thériault de la FJCF. 

Photo : Annie France Noël

«Parfois, le choix est crève-cœur pour les jeunes, mais pour des raisons financières, ils doivent choisir de rester à la maison et de poursuivre leurs études en anglais», ajoute-t-il.

En 2021, 97 % des jeunes diplômés ayant fréquenté un établissement postsecondaire francophone ou bilingue résidaient dans la même province que celle où ils avaient étudié, précise Statistique Canada.

Dans certaines provinces, les programmes offerts en français peuvent aussi être très limités par rapport à l’offre en anglais.

De plus, l’insécurité linguistique peut aussi peser dans la balance. «Lorsqu’ils sortent du secondaire, ils sentent que leur français n’est peut-être pas assez bon pour poursuivre leurs études en français», souligne Simon Thériault.

Une hypothèse qu’avance aussi Serge Dupuis, historien et membre associé à la Chaire pour le développement de la culture d’expression française en Amérique du Nord de l’Université Laval, au Québec.

C’est pas parce que du jour au lendemain on offrirait la totalité des programmes en français en milieu minoritaire que tous les francos iraient.

— Serge Depuis

Enfin, l’expérience étudiante pèse aussi dans la décision, ajoute Simon Thériault : «C’est une grande partie des études d’avoir du bon temps; d’avoir accès à des équipes sportives, des installations sportives, des soirées, des évènements d’envergure. Ça a un impact.» L’offre des établissements anglophones est aussi plus grande pour ces éléments.

Programmes de bourse et de mobilité

Mais alors, comment retenir les jeunes dans l’écosystème francophone? Élargir l’offre reste une des pistes envisagées, «mais encore faut-il avoir des masses critiques pour ces programmes-là», nuance Serge Dupuis.

Serge Dupuis mène actuellement un projet de recherche en partenariat avec le Réseau dialogue sur les perspectives des jeunes franco-canadiens concernant leurs choix d’études. 

Photo : Courtoisie

La FJCF plaide pour la création d’un système de bourses pour les jeunes qui souhaitent poursuivre leurs études en français.

«Ça a été une promesse du gouvernement Carney dans la dernière campagne électorale. On attend toujours de voir la suite de cette promesse-là, rappelle Simon Thériault. Aucune annonce officielle n’a été faite encore.»

«Il y a un programme actuellement pour les jeunes en immersion qui souhaitent poursuivre leurs études postsecondaires en français […], mais, malheureusement, ce n’est pas disponible pour les jeunes qui sortent d’une école secondaire francophone.»

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Et le responsable de compléter : «Il faut également s’assurer que les institutions postsecondaires francophones elles-mêmes ont les ressources pour offrir des services aux étudiants – comme en santé physique et mentale – sur les campus et l’accès à des logements abordables.»

Des programmes de mobilité offrant aux jeunes l’occasion de découvrir leur pays ou le monde représentent également un atout. «Ce sont des services qui sont offerts dans des grands établissements postsecondaires anglophones, mais ce n’est pas toujours le cas dans nos institutions», observe Simon Thériault.

Pourquoi pas mettre en place des programmes de mobilité entre les institutions elles-mêmes : «C’est peut-être une manière de s’assurer que les jeunes peuvent découvrir la francophonie canadienne et pas juste leur communauté.»

Variations d’un domaine à l’autre

Les étudiants et étudiantes en sciences, technologies, ingénierie et mathématiques étaient moins susceptibles (36 %) de choisir une université de langue française ou bilingue que celles et ceux inscrits dans les domaines de la santé, des arts, du commerce, des sciences humaines, de l’éducation et des sciences sociales (49 %), détaille l’étude.

«On essaie de répondre aux grands besoins généraux, mais on n’est pas toujours capable de répondre aux besoins spécifiques et à toutes les attentes de la population étudiante», explique Martin Normand de l’ACUFC.

«Il faut faire des choix et ça fait en sorte que, des fois, dans le domaine des sciences par exemple, c’est plus difficile d’avoir accès à des programmes en français.» Les filières scientifiques nécessitent souvent des infrastructures et des équipements plus couteux, constate-t-il.

Partenariats entre établissements

L’ACUFC travaille d’ailleurs avec ses membres à la mise en place de partenariats. «Il y a beaucoup de volonté dans le réseau de collaborer, mais il peut y avoir toutes sortes de barrières administratives ou encore une question de ressources qui ne permet pas toujours aux établissements de pouvoir libérer des ressources humaines», relève Martin Normand.

Pour Martin Normand, de l’ACUFC, l’étude de Statistique Canada permettra de mieux cerner les besoins propres à chaque région et à chaque domaine d’étude. 

Photo : Courtoisie

«Évidemment que ça frappe l’imaginaire, de pouvoir suivre des programmes à distance. Il peut y avoir d’autres possibilités de collaboration sur l’offre de services, sur le partage d’infrastructures numériques, de ressources pédagogiques. Il y a beaucoup de voies à explorer.»

Cependant, ces projets peuvent parfois se heurter à des obstacles émanant des ordres professionnels et non des établissements, défend-il.

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L’organisme francophone envisage en outre aussi collaborer avec des établissements au Québec ou des institutions gouvernementales de la province.

«Il y a déjà une mesure au Québec qui permet à des étudiants francophones du Canada d’étudier au Québec en payant les mêmes frais de scolarité que les résidents du Québec si le programme dans lequel ils étudient n’est pas offert ailleurs au Canada», signale Martin Normand.

«On a réussi à modeler le déploiement de ces mesures de façon à ce qu’il n’y ait pas un avantage indu pour les établissements du Québec, que ça ne nuise pas aux établissements francophones à l’extérieur du Québec.»

«Valeur ajoutée»

Tout n’est pas négatif, insiste Martin Normand. L’étude de Statistique Canada dresse aussi le constat que hors Québec, les personnes ayant étudié dans un établissement postsecondaire de langue française sont plus susceptibles de travailler principalement en français après leurs études.

«Et ça, c’est un phénomène absolument important à prendre en compte parce que ça veut dire que ces étudiants sont beaucoup plus susceptibles de combler des pénuries de main-d’œuvre dans des secteurs de l’épanouissement des communautés francophones […] et d’offrir des services bilingues de façon active.»

On pourrait toujours étendre l’offre, ça, c’est clair, mais on peut au moins dire que l’offre actuelle permet de répondre à certains besoins et que si cette offre-là était inexistante, le nombre de professionnels qui utiliseraient le français en milieu de travail chuterait drastiquement.

— Martin Normand

L’ACUFC prévoit une campagne de promotion pour rendre compte de «la valeur ajoutée d’étudier au postsecondaire en français», indique le responsable.

«On se rend compte que la clientèle étudiante n’est pas toujours au courant de l’offre de programmes en français au Canada ou alors ne pense pas qu’un diplôme en français a la même valeur sur le marché du travail qu’un diplôme en anglais, ce qui est tout à fait faux.»

Les règlements qui doivent encadrer la promotion des deux langues officielles, notamment pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire (CLOSM), se feront encore attendre.

«Je ne peux pas présumer sur le moment de dépôt du règlement. Cela revient au gouverneur en conseil», a déclaré Carsten Quell, directeur exécutif du Centre d’excellence en langues officielles du Secrétariat du Conseil du Trésor, à la sénatrice Rose-May Poirier, plus que dubitative, le 27 octobre, en comité sénatorial des langues officielles.

Les consultations sont terminées pour les trois règlements et les équipes sont rendues à l’analyse, en collaboration avec Patrimoine canadien et le ministère de la Justice, ont affirmé les témoins aux sénateurs.

«On fournit des avis à notre ministre, puis il y aura une décision», a précisé Carsten Quell.

L’un des règlements les plus attendus concerne la partie VII de la Loi sur les langues officielles (LLO). Il doit venir préciser comment le gouvernement fédéral prendra des mesures positives pour promouvoir les deux langues. Des dispositions qu’attendent avec impatience les CLOSM, notamment les francophones.

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Pas de clarté sur les clauses linguistiques et les mesures positives

Une haute fonctionnaire du ministère de la Justice, Jacinthe Bourdages, a affirmé que les règlements ne contiendront pas de définition qui toucheront aux clauses linguistiques dans les ententes avec les provinces et aux mesures positives. Cette absence de descriptions détaillées de mesures à prendre est propre à la LLO, a expliqué la témoin.

Ce qui est prévu, a dit Carsten Quell, c’est un «processus pour évaluer les actions que comptent prendre les institutions fédérales»; par exemple «comment tenir une bonne consultation» avec des intervenants bénéficiaires de la loi, comme les francophones en situation minoritaire.

«Il se peut que les règlements élargissent la portée de la loi ou la restreigne», a précisé Jacinthe Bourdages.

«Je suis inquiète», a rétorqué sans détour la sénatrice franco-ontarienne Lucie Moncion. «S’il n’y a pas de définition, il n’y a pas nécessairement de suivi.»

Elle a néanmoins fait valoir qu’elle comprenait que les clauses linguistiques ne puissent être imposées par le gouvernement fédéral lors d’une entente avec une province ou un territoire. «Mais que ce soit au moins suggéré», a-t-elle commenté.

«On peut amener le partenaire à réfléchir d’avoir une clause linguistique, a observé Carsten Quell. Dans le cadre des négociations, l’institution fédérale doit être au courant qu’il y a un possible impact sur les CLOSM et [sur] la promotion de la langue française.»

 

Très souvent pour les francophones en situation minoritaire, ce sont des vœux pieux. Lorsqu’il s’agit de mettre en place des mesures pour protéger ou transférer des fonds, c’est là où le bât blesse. Les CLOSM sont défavorisées. Elles n’ont pas d’ententes et ne reçoivent pas les fonds. Je comprends que le fédéral ne peut pas imposer [les clauses], mais [cela] met les CLOSM […] dans des positions difficiles. 

— Lucie Moncion, sénatrice de l'Ontario, en comité sénatorial des langues officielles

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Pas d’indicateurs de rendement?

René Cormier, sénateur du Nouveau-Brunswick, a affirmé à Francopresse en fin de comité qu’il reste sur sa réserve à propos des évaluations de la conformité des institutions fédérales à la LLO par le Secrétariat du Conseil du Trésor.

En comité, Carsten Quell a rappelé qu’il n’y avait «pas d’indicateurs de rendement pour les règlements», mais un «bilan annuel» du Conseil.

Interrogé par la sénatrice Lucie Moncion sur les bilans annuels que doivent produire les 180 institutions fédérales pour le Conseil afin de rendre compte de leur respect des obligations liées aux langues officielles, Carsten Quell a affirmé qu’un «très petit nombre d’institutions ne fournirait pas» ces bilans.

«Au contraire, il semblerait que ce soit un petit nombre qui fournit [ce bilan] et un très grand nombre qui ne le fournissent pas», a rétorqué Lucie Moncion. Les hauts fonctionnaires du Conseil du Trésor et du ministère de la Justice promettent qu’ils vérifieront les chiffres.

«Ça vient affecter le rapport du Conseil du Trésor si un petit nombre fournit leurs bilans annuels», a-t-elle laissé tomber sèchement.

Carsten Quell a assuré qu’entre le bilan annuel et ce que font réellement les 180 institutions fédérales, le Conseil vérifie en envoyant un questionnaire et demande au besoin des pièces justificatives.

Une affirmation qui semble avoir laissé les sénateurs sur leur faim.

Le sénateur René Cormier a réclamé, avec plusieurs de ses collègues, que les règlements soient le plus clair possible.

Courtoisie

Le haut fonctionnaire a également indiqué que son ministère disposait des ressources financières et humaines pour évaluer les institutions fédérales, sans donner plus de détails.

«Je ne veux pas avoir un ton paternaliste, a exprimé René Cormier. J’espère que vous allez saisir cette occasion unique de contribuer à la mise en œuvre de cette loi, qui est une loi si importante pour notre pays. Ce n’est pas une loi uniquement pour les CLOSM, c’est une loi pour le Canada tout entier, une loi qui distingue notre pays de notre voisin du Sud. Vous avez un grand privilège […] On a besoin de clarté. Vous avez un instrument pour le faire.»

«Je peux vous assurer de notre engagement», a commenté Carsten Quell.

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Dans son rapport, le Commissariat indique que le ministère Immigration, réfugiés et citoyenneté Canada (IRCC) a enfreint la Loi sur les langues officielles, car il n’a pas correctement informé l’ACUFC de son intention d’implanter un plafond sur les permis pour les étudiants étrangers, toutes langues confondues

L’annonce a été faite en janvier 2024. L’ACUFC avait porté plainte en avril contre IRCC auprès du Commissariat.

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Trop peu trop tard

Si le ministère a bel et bien consulté l’ACUFC en 2023 sur le Programme pilote pour les étudiants dans les communautés francophones en situation minoritaire (PPECFSM) et ses paramètres, il n’aurait en revanche pas fourni «l’information pertinente» à l’ACUFC sur sa décision d’imposer un plafond, dit le Commissariat.

«L’enquête a établi que non seulement les consultations menées par IRCC avant la décision d’imposer un plafond ne concernaient pas directement cette décision, mais qu’elles n’offraient pas non plus aux participants une véritable occasion de connaitre toute l’information pertinente sur laquelle reposaient les mesures qu’IRCC entendait prendre», souligne le rapport du commissaire Raymond Théberge, obtenu par Francopresse.

En réponse au rapport d’enquête, IRCC a précisé au commissaire que même si ses consultations relatives au [Programme pilote] n’ont «pas initialement porté sur le plafond, ce dernier avait été pris en compte lors des consultations après le lancement du PPECFSM et avait donné lieu à des modifications de la conception du programme».

«Sans consultations adéquates et sans prise en compte de l’incidence de la décision, l’institution ne peut prétendre qu’une mesure sera suffisante ou appropriée», maintient le commissaire dans son rapport.

Ce dernier rappelle que pendant l’enquête, «l’institution [IRCC] elle-même a admis avoir anticipé que sa décision pouvait avoir des incidences négatives à surveiller et mitiger» et qu’elle devait évaluer les effets «potentiellement négatifs de sa décision et considérer les différentes façons de les éviter ou de les atténuer».

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Le ministre fédéral de l’Immigration de l’époque, Marc Miller, avait pris la décision concernant le plafond. 

Photo : Inès Lombardo – Francopresse

Rappel de la Loi au ministère

Le commissaire aux langues officielles, Raymond Théberge, a rappelé à IRCC une recommandation qu’il avait déjà établie et que le ministère doit respecter d’ici le 28 janvier 2026 : soit adopter et mettre en place des lignes directrices pour «garantir que ses obligations au titre de la partie VII de la Loi sont prises en considération dans ses décisions, programmes et cibles d’immigration».

En plus de la conclusion liée à la plainte d’IRCC, le commissaire en a ajouté deux à mettre en place dans l’année qui suit. La première, que le ministère consulte de nouveau conformément à la Loi sur sa décision d’imposer un plafond national de réception des demandes de permis d’étude. Deuxièmement, qu’il prenne des mesures positives «concrètes», comme la Loi l’établit, fondées sur les résultats de ces consultations.

Dans son communiqué, l’ACUFC presse une rencontre avec le cabinet de la ministre d’IRCC, Lena Metlege Diab, pour «planifier la mise en œuvre prompte des recommandations du CLO».

À l’heure d’écrire ces lignes, IRCC n’avait pas répondu à notre demande de réaction.