le Mardi 9 septembre 2025

Lors d’un panel tenu le 25 juin à Ottawa, dans le cadre du colloque «Pouvoir des langues, langues du pouvoir», trois professeures de l’Université Laurentienne ont dressé le même constat : les normes permettant d’évaluer le développement du langage chez des enfants francophones en situation minoritaire sont inadaptées, voire inexistantes.

«À l’heure actuelle, il n’y a pas de dépistage qui permet de prédire si les enfants en âge préscolaire vont avoir des troubles de développement du langage (au scolaire)», affirme la professeure agrégée à l’École d’orthophonie de la faculté d’éducation et de santé de l’Université Laurentienne, à Sudbury, en Ontario, Roxanne Bélanger.

C’est pourquoi elle a cherché à multiplier les outils dans le cadre de ses recherches, en auditionnant des enfants bilingues : dix dont le français était la langue dominante et 36 dont c’était l’anglais.

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Les gestes comme «outils de dépistage»

Pour Roxanne Bélanger, il serait possible de détecter des complication au niveau du langage dès l’âge préscolaire, mais les ressources manquent. 

Photo : Inès Lombardo – Francopresse

Selon Roxanne Bélanger, l’emploi des gestes chez les enfants d’âge préscolaire, de 1 à 5 ans, reste un «indicateur du développement langagier et cognitif».

«[Les gestes] sont accessibles, ils sont culturellement robustes et indépendants du vocabulaire. [Ils] demeurent donc un outil de dépistage et d’intervention dans les communautés où les enfants sont surtout exposés à une langue minoritaire. Les gestes permettent de surveiller le développement du langage sans [avoir] recours au vocabulaire dans la langue majoritaire.»

Agir sur le développement des gestes à l’âge préscolaire en amont permettrait d’éviter «une cascade de difficultés», remarque-t-elle.

Cette situation concerne les enfants issus d’un foyer où ils sont exposés à une ou à plusieurs langues minoritaires, de manière plus ou moins constante, «ce qui peut influencer la vitesse puis la nature du développement langagier», souligne-t-elle.

Les premiers résultats de ses recherches ont permis à la professeure de confirmer que, lorsqu’un dépistage est effectué à 36 mois, il est possible de prédire et de corriger l’apparition d’éventuels troubles à 70 mois.

Le «casse-tête» de l’évaluation

D’après elle, il manque «une stratégie d’identification précoce sur l’emploi de gestes qui tienne compte de la complexité du développement de l’enfant, surtout au sein des communautés linguistiques minoritaires».

«Il y a peut-être des concepts qui ne sont pas universellement pertinents ou transposables», ajoute la professeure.

Selon elle, l’emploi de gestes pourrait dépendre de la langue, avec à la clé des différences culturelles. Mais faute de recherche pour les langues minoritaires, c’est encore un «casse-tête» d’évaluer des enfants qui changent de langue en fonction du contexte majoritaire.

«Puis, en français, on n’a pas le choix, [on doit utiliser] des outils qui sont traduits», déplore-t-elle, soulignant l’incertitude quant à leur fiabilité.

Parfois, les orthophonistes s’appuient sur des outils conçus en France ou au Québec, ce qui ne reflète pas non plus la réalité des communautés de langue officielle minoritaire, souligne-t-elle.

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«Attentes culturelles différentes»

L’autre défi reste selon Roxanne Bélanger est qu’«il y a souvent une quantité inégale d’exposition aux différentes langues, ce qui peut influencer la communication gestuelle et orale».

Pour la professeure, la langue majoritaire «domine» l’environnement direct des médias : à l’école, lors des activités extrascolaires ou communautaires.

Ça influence vraiment la motivation de l’enfant et la capacité à apprendre la langue minoritaire. Et les quelques recherches qui ont eu lieu auprès des langues minoritaires ont montré qu’il peut y avoir des attentes culturelles différentes face au développement du langage.

— Roxanne Bélanger

Sa collègue, Michèle Minor-Corriveau, également professeure agrégée à l’École d’orthophonie de l’Université Laurentienne, relève que les enfants bilingues ont longtemps été évalués dans leur langue dominante.

La présidente du panel, Chantal Mayer-Crittenden, affirme que les orthophonistes finiront par créer leurs propres outils, notamment pour évaluer les enfants francophones en contexte linguistique minoritaire. 

Photo : Inès Lombardo – Francopresse

«Quand on a commencé en tant qu’orthophoniste, on avait des gens qui résistaient au fait qu’on devait évaluer l’élève en français en milieu minoritaire», témoigne-t-elle.

Or, les normes actuellement en place restent inadaptées, insiste-t-elle, puisque 80 % des élèves ne répondent pas aux critères exigés.

Autre souci : le fait de penser qu’un enfant a un trouble du langage, alors que ce n’est pas le cas. «On va parfois soit suridentifier un trouble quand en fait [les enfants] sont tout simplement en voie d’acquisition de la langue seconde. Donc c’est sûr que lorsqu’ils sont en train d’apprendre une langue seconde, ils n’auront pas des scores comparables à un enfant monolingue», soulève Chantal Mayer-Crittenden, professeure dans la même faculté que les deux autres chercheuses.

En entrevue avec Francopresse, Julie Boissonneault, coorganisatrice et cofondatrice du colloque international Langue et Territoire, explique la raison d’être de l’évènement : «Il a été créé d’abord et avant tout par intérêt [pour les langues]».

Il vise aussi à offrir un espace d’échange entre des disciplines qui s’intéressent à des enjeux similaires, poursuit-elle.

Julie Boissonneault confirme qu’il s’agissait de la dernière édition du colloque, principalement en raison du décès en 2023 d’un des cofondateurs, Ali Reguigui, professeur de linguistique à l’Université Laurentienne.

TERRE-NEUVE-ET-LABRADOR : Parc Boutte du Cap

Souvent, on me demande pourquoi j’ai décidé de rester à Cap-Saint-Georges, un coin que j’appelle souvent «le Pays du Bon Djieu». Bien, la réponse n’est pas compliquée. Pourquoi aller ailleurs pour avoir moins que j’ai ici, dans mon p’tit coin de pays. Où peut-on aller et respirer un air si frais, voir le fond de l’océan de loin, au large, faire des excursions en forêt et sur la montagne Blanche, voir l’ile Rouge, le Cap Carré ou même le Caillou Percé au loin? Et où, du 1er au 3 aout, peut-on célébrer la musique et la culture franco-terre-neuvienne mieux qu’au Parc Boutte du Cap, à Fêtons le festival?

– Joseph A. Benoit, directeur-enseignant à la retraite, pour Le Gaboteur

Photo : Joseph A. Benoit

NOUVELLE-ÉCOSSE : Le Village historique acadien de la Nouvelle-Écosse

Niché dans le coin de Pubnico, la plus ancienne région encore acadienne dans la province, le Village historique acadien de la Nouvelle-Écosse permet de remonter au début des années 1900. Le site de 17 arpents a une vue sur le port de Pubnico. Ce lieu riche en histoire est une excellente manière de se familiariser avec la vie et la culture acadienne de l’époque.

– Jean-Philippe Giroux, rédacteur en chef, Le Courrier de la Nouvelle-Écosse

Photo : Jean-Philippe Giroux

ÎLE-DU-PRINCE-ÉDOUARD : Les Maisons de Bouteilles et Jardins

Trois bâtiments grandeur nature ont été fabriqués avec plus de 25 000 bouteilles de verre qui créent une symphonie de lumière et de couleurs. Au bord de la route 11 à l’Île-du-Prince-Édouard, une bouteille géante de 13 pieds de hauteur invite les gens à venir jeter un coup d’œil. On peut déambuler dans les jardins de fleurs en constante évolution, admirer les sculptures en bouteilles et visiter le centre d’interprétation, qui est une reproduction du phare de Cap-Egmont. En plus, il y a une boutique de cadeaux qui propose, entre autres, des objets de verre produits à l’Île-du-Prince-Édouard. Venez explorer ce site afin de vous ressourcer et de retrouver une sérénité inégalée.

– Marcia Enman, directrice générale, La Voix acadienne

Photo : La Voix acadienne

NOUVEAU-BRUNSWICK : Akadi Lumina au Pays de la Sagouine

Inauguré en présence de la regrettée Antonine Maillet en aout 2023, le parcours nocturne Akadi Lumina s’enrichit cette année d’une nouvelle zone intitulée Haute Mer. Immergez-vous dans l’histoire de l’Acadie, ses légendes, ses traditions et son folklore. Le parcours débute à la tombée de la nuit. Rien ne presse : prenez tout votre temps et laissez-vous envelopper par la magie d’une expérience onirique.

– Damien Dauphin, rédacteur en chef, Le Moniteur acadien

Lumière, musique et projections font découvrir le Pays de la Sagouine sous un tout nouveau jour – ou plutôt nuit.

Photo : Damien Dauphin

ONTARIO : L’ile Petrie, Orléans

Que ce soit pour un après-midi à la plage, une randonnée en forêt, une balade en bateau sur l’eau de la rivière des Outaouais ou même pour une vue imprenable sur le coucher du soleil, l’ile Petrie est un endroit prisé des amoureux et amoureuses de plein air. Située au bout du chemin Tweedle, à Orléans, une banlieue de l’est d’Ottawa, l’ile abrite de nombreuses espèces, dont des tortues, des grenouilles et des grands hérons.

– Rebecca Kwan, journaliste, L’Orléanais

Photo : Rebecca Kwan

ONTARIO : Les iles de Toronto

Toronto est loin d’être un village. Pourtant, une communauté de la métropole correspond à la définition d’un village : les 600 personnes qui habitent sur les iles de Toronto. Ces iles forment l’une des attractions les plus originales de la Ville Reine. Accessibles par un traversier qui fait partie du système de transport en commun de la ville, elles comptent quelques plages baignables, des restaurants sympathiques, des petites rues cyclables, d’immenses parcs et une vue imprenable sur la ville et sur le lac Ontario. Elle est chaudement recommandée par la chroniqueuse Nathalie Prézeau.

– François Bergeron, rédacteur en chef, l-express.ca

Une rue de l’ile Ward. Photo : Nathalie Prézeau

ONTARIO : Le Festival du loup, Lafontaine

Inspiré de la fameuse légende du loup, le Festival du loup tiendra sa 21e édition le 19 juillet 2025, à Lafontaine. Les festivités se déroulent en plein cœur du village de Lafontaine, reconnu pour son charme et sa proximité avec la baie Georgienne. La célèbre parade de tracteurs donnera le coup d’envoi à cette journée de célébrations offrant spectacles, jeux, artisans et bonne bouffe. Le groupe franco-ontarien Hey, Wow terminera la journée tout en musique cette année. Venez hurler avec nous! 

– Odette Bussière, Le Goût de vivre

La célèbre parade de tracteurs donne le coup d’envoi au Festival du loup chaque année. 

Photo : Daniel Laurin

ONTARIO : L’ile St-Joseph

À 40 km à l’est de Sault-Sainte-Marie, l’ile Saint-Joseph recèle de nombreux trésors : le fort Saint-Joseph, la marina de Hilton Beach et les baies turquoise du chenal du Nord, entre le lac Huron et le lac Supérieur. Il y a aussi le centre multiarts AlgomaTrad, auquel vient d’être ajouté un pavillon pour les camps de musique et de danse ainsi que pour les ateliers d’artisanat. Cette année, AlgomaTrad offrira en plus trois concerts d’été.

– Isabelle Michaud, journaliste, Le Voyageur

Le nouveau pavillon de concerts et danse d’AlgomaTrad. 

Photo : Courtoisie

ONTARIO : Lac Rabbit

À 48,3 kilomètres à l’ouest de Hearst, ce lac de source naturelle est un joyau caché sur le bord de la route 11. Il faut être guidé pour s’y rendre. Les gens y mettent souvent leur kayak à l’eau ou s’y baignent par grande chaleur, puisque l’eau y est extrêmement froide. La transparence de l’eau signifie que ce lac n’a pas de source externe qui s’y déverse et, puisqu’il n’y a pas de courant, la température de l’eau augmente peu au cours de l’été. Il y a plusieurs lacs bleu turquoise comme le lac Rabbit dans les environs de Hearst. Il suffit de les trouver.

– Renée-Pier Fontaine, journaliste, journal Le Nord

Renée-Pier Fontaine devant le lac Rabbit. 

Photo : Justin Guindon

SASKATCHEWAN : Le lac Diefenbaker

Le lac Diefenbaker est un lac artificiel, né de la construction des barrages Gardiner, sur la rivière Saskatchewan, et celui de la rivière Qu’Appelle. Avec ses 225 km de longueur, il s’agit du plus grand lac de la Saskatchewan. Sa dimension en fait un endroit rêvé pour tous les sports nautiques. C’est entre autres l’endroit idéal pour faire de la planche volante (kitesurf) en Saskatchewan.

– Frédéric Dupré, directeur général, Coopérative des publications fransaskoises

Photo : Frédéric Dupré
Photo : Frédéric Dupré

TERRITOIRES DU NORD-OUEST : Le festival Folk On The Rocks

Folk On The Rocks (FOTR) est un festival de musique et de culture incontournable du Nord canadien. Il est organisé chaque été depuis 1980 sur les rives du lac Long, à Yellowknife. Ce rassemblement unique offre plus de 35 heures de spectacles répartis sur six scènes, réunissant des artistes du Canada et d’ailleurs, y compris quelques artistes francophones. Le festival propose une programmation pour tous les âges, y compris les enfants, une brasserie en plein air, un marché d’artisanat local et une foire alimentaire. Que vous soyez en quête de musique, de culture ou simplement d’une expérience authentique en plein air, cet évènement promet une aventure mémorable.

– Élodie Roy, journaliste et annonceuse radio, Médias ténois

Lemon Bucket Orkestra au milieu d’une foule en extase au festival Folk On The Rocks de 2023. 

Photo : Cristiano Pereira

ALBERTA : Le lac Upper Kananaskis

Situé dans le parc provincial Peter Lougheed, au sud-ouest de Calgary, ce lac naturel est le point de départ de nombreuses randonnées. Vous pouvez en faire le tour en quelques heures sur un terrain quasiment plat ou décider de prendre quelques jours pour rejoindre d’autres vallées plus escarpées. Ce lac est très apprécié des familles en été, mais c’est à l’automne que la lumière y est la plus belle. La faune et la flore y sont extraordinaires. À quelques minutes du stationnement, il est possible de prendre de la hauteur très rapidement vers le lac Rawson, où le paysage alpin se resserre, les falaises vous encerclent et les névés de neige y défient la gravité.

– Arnaud Barbet, rédacteur en chef, Le Franco

Bois flotté sur la rive du lac Upper Kananaskis. 

Photo : Arnaud Barbet

COLOMBIE-BRITANNIQUE : Fisherman’s Wharf

À Victoria, à quelques minutes à pied de l’hôtel Empress et de l’édifice du Parlement provincial se trouve un lieu qui respire la joie de vivre de la Côte Ouest : le Fisherman’s Wharf. Il fait bon y découvrir, en marchant sur les quais, plus d’une trentaine de maisons flottantes aux couleurs éclatantes, ainsi que plusieurs cafés et restaurants très fréquentés et réputés pour leurs plats de produits frais de la mer. De ces quais, on peut partir en excursion pour aller voir les baleines ou emprunter un kayak pour découvrir l’Inner Harbour de Victoria.

– Denis Bouvier, collaborateur, La Source

Au Fisherman’s Wharf, même les taxis sont flottants. 

Photo : Denis Bouvier

Une trentaine de maisons flottantes et de restaurants composent le Fisherman’s Wharf. 

Photo : Charlene Simon

YUKON : Canyon Miles

Site accessible à vélo, en auto ou même à pied si une petite randonnée vous tente, le Canyon Miles saura vous émerveiller. De la couleur de l’eau du fleuve Yukon à l’immersion dans la forêt, cet endroit vous fera notamment découvrir des vestiges de la ruée vers l’or. Du plaisir assuré pour les personnes de tous âges. Accès gratuit. L’été, des promenades d’interprétation gratuite sont offertes et, une fois par an, un festival d’arts visuels en plein air est proposé en juillet.

– L’équipe de l’Aurore boréale

Photo : Maryne Dumaine

FRANCOPHONIE

Depuis le 20 juin, les fonctionnaires fédéraux qui travaillent dans une région bilingue ont le droit d’être supervisés dans la langue officielle de leur choix, peu importe la désignation linguistique de leur poste.

De plus, les postes de superviseurs bilingues nécessiteront désormais un niveau de compétence linguistique plus élevé, conformément aux exigences de la Loi sur les langues officielles.

À lire aussi : Les fonctionnaires fédéraux pourront désormais choisir la langue de supervision

Allister Surette a été élu président du Comité sénatorial permanent des langues officielles le 26 juin, juste avant la relâche estivale. 

Photo : Courtoisie Sénat du Canada

Lors d’une réunion d’organisation, jeudi, le Comité sénatorial permanent des langues officielles a désigné Allister Surette à sa tête. Il succède à René Cormier, président sous la dernière législature.

Originaire de Pubnico-Ouest, en Nouvelle-Écosse, le sénateur Surette a été député provincial d’Argyle de 1993 à 1998, occupant plusieurs fonctions, notamment en gouvernance acadienne et francophone.

Il a dirigé le Collège de l’Acadie, contribué à la création de l’Université Sainte-Anne actuelle, où il a été vice-recteur puis recteur de 2011 à 2024.

Il a aussi présidé le comité du 3e Congrès mondial acadien en 2004 et a été nommé par Ottawa en 2020 représentant spécial du gouvernement fédéral pour renouer le dialogue entre les pêcheurs commerciaux et les communautés autochtones.

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CANADA

La cheffe de l’APN, Cindy Woodhouse Nepinak, a de nouveau appelé à une étude prolongée du projet de loi C-5, avant son adoption au Sénat, jeudi. 

Photo : Creative commons CC BY 2.0 – Flickr

Jeudi, le projet de loi C-5 du gouvernement fédéral a été adopté au Sénat et a reçu la sanction royale, près d’une semaine après son adoption par la Chambre des Communes.

La cheffe de l’Assemblée des Premières Nations (APN), Cindy Woodhouse Nepinak, avait demandé plus tôt cette semaine au Sénat de prolonger l’étude de la pièce législative.

L’enjeu : Ce projet, qui vise à accélérer l’obtention de permis pour de grands projets d’intérêt national (comme des oléoducs ou des lignes de transport électrique), suscite la colère de groupes autochtones et environnementaux. Ceux-ci estiment que le gouvernement s’arroge le pouvoir d’approuver des projets qui devraient faire l’objet d’études rigoureuses et de plus longue durée.

De son côté, le premier ministre, Mark Carney, s’est réjoui sur: «Nous éliminerons les obstacles au commerce intérieur et réaliserons rapidement de grands projets partout au pays. Merci aux députés et aux sénateurs de tous les partis qui ont collaboré à son adoption.»

Mercredi, le débat avait été brièvement interrompu après l’effondrement du sénateur Patrick Brazeau, qui serait en train de récupérer, selon plusieurs médias.

Avant son malaise, M. Brazeau avait critiqué la pertinence des consultations gouvernementales avec les grandes organisations autochtones après l’adoption du projet de loi, soulignant que ces groupes sont financés par Ottawa et sont souvent jugés peu représentatifs des communautés autochtones directement concernées.

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Dix sénateurs ont signé un communiqué pour demander au gouvernement canadien de faire pression sur Israël.

«Nous sommes préoccupés par l’aggravation de la crise humanitaire en Palestine, le mépris du droit international par l’État d’Israël et le risque juridique auquel le Canada s’expose en s’abstenant de réagir face à des crimes contre l’humanité», déclarent-ils.

L’enjeu : Les neuf sénateurs formulent six demandes concrètes :

  1. Protéger et financer l’aide humanitaire à Gaza;
  2. Imposer un embargo bilatéral sur les armes à destination d’Israël;
  3. Mettre fin à la participation du Canada aux colonies israéliennes illégales;
  4. Lutter contre le racisme antipalestinien et protéger la liberté d’expression sur la Palestine;
  5. Reconnaitre l’État de Palestine;
  6. Réviser l’Accord de libre-échange Canada-Israël

Mardi, l’ONU a par ailleurs appelé Israël à «cesser de tirer sur les personnes qui tentent d’obtenir de la nourriture» dans la bande de Gaza. Un acte qu’elle qualifie de «crime de guerre».

Israël a introduit depuis le 26 mai un système de distribution d’aide alimentaire à Gaza soutenu par les États-Unis et fortement critiqué par l’ONU et plusieurs ONG, qui dénoncent des scènes de violence chaotiques.

INTERNATIONAL

Le sénateur québécois Patrick Brazeau s’est effondré mercredi au Sénat, en se levant pour prendre la parole. 

Photo : Sénat du Canada

Mercredi, le Canada et les alliés de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) se sont engagés à porter leurs dépenses militaires à 5 % du PIB d’ici 2035, soit 3,5 % pour les équipements de défense et 1,5 % pour les infrastructures et la cybersécurité.

L’enjeu pour le Canada : Ottawa, qui vient d’atteindre la cible de 2 %, prévoit d’investir 9,3 milliards de dollars supplémentaires dans les Forces armées canadiennes et l’acquisition de drones, de véhicules blindés, d’avions ainsi que de munitions, pour notamment surveiller les fonds marins et l’Arctique.

Les dépenses en matière de défense passeront ainsi de 53,4 à 62,7 milliards de dollars. Mais pour atteindre la cible de 5 % du PIB, le Canada devra dépenser près de 150 milliards. Pour y parvenir, le gouvernement compte inclure dans ce calcul les investissements liés aux infrastructures à usage civil et militaire.

«Augmenter les dépenses de défense à 5 % n’a jamais fait partie de la campagne électorale de Mark Carney, qui s’est terminée il y a moins de deux mois. Ce n’est pas ce que les Canadiens·nes lui ont donné comme mandat», a critiqué la porte-parole en matière de défense du Nouveau Parti démocratique (NPD), Heather McPherson, dans un communiqué, mercredi.

«Inévitablement, au cours des dernières années, on a dû réduire nos investissements en production originale franco-canadienne, on en fait un peu moins», reconnait le nouveau président-directeur général de TV5 Québec Canada, Yann Paquet.

L’entité regroupe les chaines câblées TV5, consacrée à la francophonie internationale, et Unis TV, qui a pour mandat de refléter la diversité des francophonies canadiennes. TV5 Québec Canada gère également la plateforme gratuite de vidéos en continu TV5Unis, sur laquelle se trouvent les contenus des deux chaines.

Les revenus de TV5 Québec Canada atteignaient en 2023 un peu plus de 34 millions de dollars, une diminution de quelque 6 % par rapport à 2019. Yann Paquet s’inquiète de cette tendance à la baisse. Elle qui risque de se poursuivre à mesure que les revenus provenant des publicités et des abonnés au câble chutent.

«Occasions concrètes de s’exprimer sur les écrans»

Les défis financiers du télédiffuseur inquiètent particulièrement les acteurs de l’industrie francophone des écrans.

Carol Ann Pilon de l’APFC estime que les défis financiers de TV5 Québec Canada peuvent avoir des effets négatifs sur toute l’industrie des écrans en dehors du Québec. 

Photo : Courtoisie

«Si les budgets diminuent, le nombre et la qualité des productions diminueront en conséquence. Les impacts seront négatifs sur tout le secteur», prévient la directrice générale de l’Alliance des Producteurs francophones du Canada (APFC), Carol Ann Pilon.

Les cinéastes et les scénaristes concluent en effet des ententes avec des producteurs, qui eux-mêmes négocient des contrats de diffusion avec les chaines de télévision.

«Pour qu’un projet voie le jour, ça prend un télédiffuseur qui s’engage à trouver des financements, c’est le déclencheur principal. Sans son engagement, il n’y a pas de projet», insiste Carol Ann Pilon.

Or, peu de joueurs s’intéressent aux productions franco-canadiennes. En dehors de TV5 et d’Unis TV, seuls TFO et Radio-Canada investissent dans ce marché.

«Unis TV est un acteur particulièrement important pour diffuser des contenus produits par et pour les francophones. C’est l’un des diffuseurs avec qui nos membres travaillent le plus», affirme Carol Ann Pilon.

Le directeur général du Regroupement des artistes cinéastes de la francophonie canadienne (RACCORD), Bruno Boëz, parle également d’une «chaine essentielle à la vitalité des productions à l’extérieur du Québec».

«Dans le contexte minoritaire où les francophones sont éclatés, les cinéastes sont plus isolés pour créer. Les initiatives d’Unis TV permettent de les regrouper et leur offrent des occasions concrètes de s’exprimer sur les écrans», estime-t-il.

À lire aussi : L’APFC dénonce une «absence quasi totale» de considération francophone en diffusion de contenu

«Les productions hors Québec coutent très cher, encore plus depuis la pandémie de COVID-19. On a besoin d’une chaine forte pour nous soutenir», insiste Bruno Boëz de RACCORD. 

Photo : Marianne Duval

«Le public de la télévision diminue d’année en année. On doit essayer de réinventer le système, de changer la législation pour que les plateformes investissent dans le contenu franco-canadien», plaide la productrice Rayne Zukerman. 

Photo : Luke Fillion

Soutien à la relève, «presque une bouée de sauvetage»

À Toronto, la productrice Rayne Zukerman a pu bénéficier du soutien d’Unis TV pour les deux saisons de sa série Paris Paris. «J’ai développé une relation avec quelqu’un de la chaine sur place, qui avait une compréhension approfondie de la réalité en situation minoritaire, c’est un atout.»

Avec le programme Créateurs en série, TV5 et Unis TV accompagnent aussi les créateurs canadiens de la relève dans le développement et la réalisation de leur série courte. Plus de 80 productions et 300 artisans du cinéma ont profité de ce programme.

C’est une initiative fondamentale, presque une bouée de sauvetage, car aucune école de langue française hors Québec ne forme aux métiers de cinéaste et de scénariste.

— Bruno Boëz

Mais si les chaines ne sont pas en mesure de revoir leur modèle de financement, «nous n’aurons pas d’autre choix que de requestionner le programme», avertit Yann Paquet de TV5.

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Règlementer les plateformes numériques

Pour changer la donne, TV5 Québec Canada, l’APFC et RACCORD demandent au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) d’augmenter de 2 cents le tarif mensuel que chaque abonné du câble au pays paie au profit de TV5 et Unis TV. Ce tarif est actuellement fixé à 28 cents par mois au Québec et à 24 cents ailleurs au Canada.

«Investir dans des contenus originaux franco-canadiens nous tient à cœur, c’est au cœur de nos activités», souligne le PDG de TV5 Québec Canada, Yann Paquet. 

Photo : Courtoisie

«On n’a pas encore eu de retour du CRTC, mais on a vraiment besoin de cette augmentation. Elle nous permettrait de nous rendre jusqu’au renouvèlement de la licence, dans un an et demi», indique Yann Paquet.

Le PDG admet également le besoin «d’accélérer la transition vers le numérique pour rejoindre un nouveau public de jeunes adultes».

Il évoque enfin les subventions des gouvernements fédéral et québécois, qui représentent 10 % des revenus de TV5 Québec Canada. «Ottawa et Québec sont au courant et sensibles à la situation, nous avons des discussions sur comment faire évoluer notre modèle de financement», commente-t-il.

«Le combat et les efforts de sensibilisation continuent, appuie Bruno Boëz. Les décideurs doivent créer plus d’actions positives pour renforcer l’industrie des écrans dans la francophonie minoritaire et la découvrabilité des contenus sur les plateformes numériques.»

À cet égard, Carol Ann Pilon réclame «un geste fort» de la part du CRTC : «Il faut règlementer les plateformes de diffusion en continu et leur imposer une obligation de contribuer financièrement à la création d’une programmation canadienne de haute qualité.»

En attendant, Unis TV tourne la toute première série de langue française en Colombie-Britannique : Surf Bay, côte Ouest.

«On fait travailler tout un écosystème francophone à l’extérieur du Québec, on fait de gros investissements. Pour nous, c’est un modèle viable auquel on croit», conclut le directeur des contenus pour TV5 et Unis TV, Jérôme Hellio.

Le 19 juin, le gouvernement de l’Ontario a annoncé la création du Centre de planification de services de santé en français (CPSSF), dans le but d’améliorer l’accès aux soins pour les francophones. L’ouverture du Centre est prévue pour le 1er septembre 2025.

Les six entités actuelles chargées de rapporter les besoins des différentes régions de la province seront dissoutes le 31 aout 2025.

Fruit d’une réflexion amorcée il y a quelques années, les entités n’ont pourtant appris la nouvelle que le jour même de l’annonce, en même temps que le grand public. Seules les directions en avaient été informées 90 minutes plus tôt.

Explications

Il existe six entités de planification des services de santé en français en Ontario. Leur mandat est de documenter les besoins en santé de la communauté francophone et de fournir des avis à Santé Ontario et au ministère ontarien de la Santé afin d’augmenter l’offre de services en français, explique le directeur général de la Société Santé en français (SSF), Antoine Désilets.

Le gouvernement ontarien mettra fin au financement des entités actuelles et centralisera les fonds au sein du CPSSF.

Deux des entités, le RSSFE et le RMEFNO, reçoivent aussi du financement de Santé Canada. Elles continueront à recevoir ces fonds fédéraux et d’exister, mais «comme organismes réduits», explique M. Désilets.

«Bien qu’une réévaluation du mandat des Entités était attendue depuis quelques années, l’annonce d’une structure complète déjà établie et qui n’a pas inclus les Réseaux dans la planification était une surprise», écrivent dans un communiqué conjoint le Réseau des services de santé en français de l’Est de l’Ontario (RSSFE) et le Réseau du mieux-être francophone du Nord de l’Ontario (RMEFNO).

Il y a beaucoup d’«incertitude» en ce moment, reconnait le directeur général du RSSFE, Normand Glaude, en entrevue avec Francopresse. Plusieurs décisions doivent être prises, notamment en ce qui concerne le transfert d’employés, et ce, «à la hâte au courant de l’été […] l’été étant un temps de vacances».

À lire ailleurs : Soins de santé en français : l’Ontario met fin aux entités de planification (Le Droit)

Aucune consultation des entités depuis 2023

Le Centre a été créé en collaboration avec l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) et l’Hôpital Montfort. Le directeur général de l’AFO, Peter Hominuk, et le président-directeur général de l’établissement, Dominic Giroux, ont tenu une assemblée citoyenne sur la question le 23 juin.

Dominic Giroux (à gauche) et Peter Hominuk (à droite) ont affirmé travailler «un peu comme des directeurs généraux» du nouveau centre pour le moment.

Photo : K Harry – Wikimedia Commons et Courtoisie

Ils ont notamment vanté la tenue de plus de 40 réunions avec le gouvernement ontarien, chacune rassemblant plus d’une quinzaine de personnes autour de la table – mais jamais les six entités.

On est surpris de comment le tout s’est déroulé, qu’on n’était pas là dans les discussions.

— Diane Quintas, directrice générale du RMEFNO

Normand Glaude estime que des consultations auraient «peut être permis de préparer un plan de transition meilleur et une collaboration plus étoffée dès le départ».

Par courriel, l’AFO indique que les consultations ont été menées «à la discrétion du gouvernement». Aussi par courriel, le ministère de la Santé a indiqué avoir consulté les entités, sans détailler que cet exercice date d’il y a plus de deux ans.

L’AFO assure avoir porté la voix et les propositions des entités. Elle rappelle en outre que le concept d’une structure provinciale (comme le Centre) avec une présence régionale avait été proposé par les entités elles-mêmes et avait été retenue dans des mémoires déposés par l’AFO en 2023.

Diane Quintas reconnait que l’idée venait des réseaux et est prête à travailler avec le nouveau centre. Ultimement, les réseaux sont heureux de la décision, malgré le manque de détails.

Néanmoins, «les réseaux auraient dû être consultés», appuie le directeur général de la Société Santé en français (SSF), Antoine Désilets.

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Des employés dans le brouillard

Le RSSFE et le RMEFNO ne seront pas entièrement dissouts. La partie financée par le fédéral sera maintenue. Mais il existe un risque qu’ils soient «sérieusement affaiblis», a reconnu le président de l’AFO, Fabien Hébert, lors de l’assemblée du 23 juin.

Diane Quintas dit devoir prendre des décisions dans les deux prochains mois sans que tout soit encore «connu». 

Photo : Courtoisie

Un plan de transition est censé se dessiner d’ici le 31 aout. Mais pour Diane Quintas et Normand Glaude, rien n’est encore clair. Ils ne savent pas à quoi ressembleront leurs réseaux, ni comment ceux-ci collaboreront avec le nouveau centre, ni comment ils diviseront leurs effectifs.

Les employés permanents des quatre autres entités seront transférés vers le nouveau centre et demeureront répartis un peu partout dans la province; aucune mise à pied n’est prévue, assure le gouvernement ontarien.

C’est plus compliqué pour les Réseaux de santé de l’Est et du Nord. Ceux-ci ont un double mandat : entité de planification (financée par l’Ontario) et membre de la SSF (financée par le fédéral).

Le personnel du mandat entité doit être transféré vers le nouveau centre, et les autres resteront au réseau sous le volet financé par Santé Canada.

Sauf que «tous mes employés portent les deux chapeaux», rappelle Diane Quintas. Comme dans l’Est, le personnel du Réseau du Nord n’est pas clairement réparti entre les deux mandats.

Ce sera donc à la directrice générale de décider comment les employés se divisent. «Je me fie sur le fait qu’on nous a dit qu’aucun employé perdrait son emploi, alors je vais les tenir à ça.»

«Ça fait partie un petit peu des préoccupations, du manque de temps de prendre des décisions», se désole Mme Quintas. Elle et Normand Glaude affirment ne pas disposer de plus d’information que le public.

Diane Quintas rapporte un «mélange d’émotions» au sein de ses employés. «Il y a évidemment un sentiment de perte de l’équipe. La grande majorité de mes employés sont avec moi au réseau depuis 8 à 10 à 15 ans.» Même son de cloche chez Normand Glaude.

Les employés travaillent depuis un bon bout de temps au réseau, étaient attachés à l’équipe. Maintenant, la question qui se pose c’est la direction et le type d’environnement de travail dans ce nouveau centre-là. Et je ne peux pas bien les réconforter parce que je ne connais pas du tout la nouvelle structure organisationnelle.

 

— Normand Glaude

«Le Centre est actuellement en train de finaliser les détails liés à la transition du personnel», écrit le ministère ontarien de la Santé.

Représentation régionale

«J’espère qu’il va rester des gens un peu partout en Ontario. Parce que cette nouvelle entité qui va desservir toute la province, on espère qu’elle va comprendre les réalités régionales», s’inquiète une ancienne employée du RMEFNO, Elsa St-Onge.

«On passe d’une structure où il y a certainement une représentation régionale par les systèmes de santé, à une structure où cette représentation-là devra passer par leur structure d’équipe, leur structure de gouvernance : ce sont toutes des choses qu’on attend de voir», dit Antoine Désilets. 

Photo : Courtoisie

«Même dans le Nord, il y a des divergences entre communautés, souligne-t-elle. Ça prend vraiment des gens sur le terrain.»

Antoine Désilets de la SSF abonde dans le même sens : «Thunder Bay et Toronto, c’est deux régions différentes. Ça va demander pour le Centre de s’assurer d’avoir le pouls des différentes régions du pays.»

Il se dit rassuré par la composition du conseil d’administration actuel, qui comporte déjà des visages d’un peu partout en Ontario. Il faut aussi rappeler que les employés des réseaux actuels demeureront dans leurs régions.

«Il faut donner la chance aux coureurs, c’est-à-dire qu’il faut faire confiance que cette structure-là va amener des changements concrets pour les francophones, estime Antoine Désilets. Mais tout ça reste à démontrer.»

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Google ne veut plus être une entreprise de recherche. Elle veut être une entreprise d’intelligence artificielle.

Le géant du Web a en bonne partie confirmé cette intention lors de la conférence Google I/O – où l’entreprise dévoile chaque année ses intentions de développement – à la fin de mai en Californie.

Au moyen des «agents» d’intelligence artificielle (IA), l’entreprise veut être votre agent de voyage, votre maitre d’hôtel, votre serviteur, votre fournisseur de rêve… et votre geôlier.

L’objectif des services – en plus d’accroitre les revenus de l’entreprise, bien sûr – est de vous garder le plus longtemps possible prisonnier de l’écosystème de Google.

Désert informationnel à l’horizon

Ce qui est pour l’instant seulement un aperçu occupera de plus en plus de dans tout l’écosystème de Google. La société voudra que son IA soit tellement présente qu’elle nous l’imposera à tous les détours.

Il faudra redoubler d’efforts pour voir autre chose que les réponses de Gemini – le nom de l’IA de Google. La liste des sites qui contiennent, en réalité, les informations que vous cherchez sera moins mise en évidence. Autrement dit, une bonne dose de merdification.

À lire : L’IA ou la prochaine «merdification» (éditorial)

Pour garder le trafic dans son écosystème, Google doit le retirer à d’autres. Pourquoi aller sur le site Web de l’Agence du revenu du Canada si Gemini vous explique comment avoir accès à un crédit d’impôt?

La perte de trafic dans les sites du gouvernement est une chose, mais elle sera désastreuse pour les médias. Ceux du Canada sont déjà coupés d’un outil de découvrabilité depuis deux ans : Facebook. Apparaitre dans les résultats des moteurs de recherche était une des dernières façons d’espérer élargir son lectorat et d’intéresser la population à l’information locale.

Les médias d’information en milieu minoritaire seront encore plus perdants. Pourquoi consulter le site de La Voix acadienne, par exemple, si Gemini peut prétendument vous résumer l’information qui touche la francophonie de l’Île-du-Prince-Édouard?

Et si personne ne va sur le site de l’Express-ca de Toronto, qui payera les journalistes de ce média pour produire du nouveau contenu d’information?

Et si L’Eau vive en venait malheureusement à disparaitre, comment Gemini saura ce qui se passe en français en Saskatchewan?

C’est un cercle vicieux. En voulant tout récolter, Google assèchera le terreau fertile de l’information, créera une désertification et ne cultivera plus rien de nutritif, surtout pour la francophonie.

Les intelligences artificielles du type grands modèles de langage dépendent de l’information produite par des humains. Des tests ont montré que les réponses d’une intelligence artificielle entrainée à partir des réponses d’une autre intelligence artificielle perdent en qualité. 

Pas de boule de cristal

En réalité, il est difficile de prévoir à quel point Google réussira à changer les habitudes des «Googleux et Googleuses».

Les évènements comme I/O servent avant tout à épater les investisseurs et investisseuses à coup de rêve sur écrans géants. Les rêves ne se concrétisent pas tous. Pour l’instant, les réponses de l’IA sont loin d’être parfaites. Par contre, les plus jeunes adoptent quand même cette technologie.

Chose certaine, Google voudra imprimer Gemini sur nos rétines et dans nos cerveaux. L’entreprise gagnera en prudence seulement quand un nombre suffisant de vacanciers et de vacancières en colère se seront retrouvés à Sydney en Australie au lieu de Sydney en Nouvelle-Écosse, parce que l’agent IA a fait une mauvaise réservation.

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Pour se protéger

En attendant, si la bonne information vous tient à cœur, résistez à l’uniformisation. Continuez à consulter des sites de médias variés. Usez de votre esprit critique le plus affuté et ne croyez pas les promesses des prophètes de l’IA sur parole – ni l’IA elle-même d’ailleurs.

Si vous ne voulez pas que la production d’information de proximité disparaisse et que l’IA prenne toute la place en ligne, il faut éviter d’installer une dépendance.

Il est en fait déjà possible de ne pas voir les réponses générées par Gemini. Pour éviter les hallucinations ou pour ne pas gaspiller d’énergie, vous pouvez ajouter «-IA» à la fin de votre requête dans Google.

Vous pouvez aussi tourner le dos à Google. Ce n’est pas parce que cette entreprise est la plus connue qu’elle est la seule. DuckDuckGo et Ecosia, par exemple, n’ont pas encore intégré l’IA par défaut dans leur interface.

De leur côté, les médias ont aussi des devoirs à faire. Ils doivent – encore – trouver des solutions innovantes à un problème qu’ils n’ont pas créé. Et comme d’habitude, la tâche s’annonce plus complexe pour les médias francophones en milieu minoritaire.

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Est-ce qu’être francophone ou parler français, c’est suffisant pour déterminer une identité? «Pour certains oui, pour certains non», nuance le comédien Pascal Justin Boyer, animateur du documentaire Le dernier Canadien français.

L’animateur, né au Québec et ayant grandi en Ontario, se considère aujourd’hui comme «Montréalais», puisqu’il réside à Montréal. «Mais si demain je redéménage en Ontario, c’est sûr et certain que je vais remettre mes belles pantoufles franco-ontariennes», assure-t-il.

La diversité de la francophonie canadienne porte Pascal Justin Boyer à se demander «où est-ce qu’on trace la ligne entre célébrer notre histoire et intégrer les nouveaux Fransaskois, les nouveaux Franco-Ontariens, les nouveaux Franco-Manitobains?» 

Photo : Kevin Fouillet

Mais alors, qui peut donner ou s’approprier l’une des identités francophones du pays quand on vit en situation minoritaire? «C’est tellement compliqué de répondre à cette question-là», avoue-t-il.

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Au-delà du code postal

Pascal Justin Boyer donne deux définitions. La première­ : «Si ton code postal est en Ontario et que tu parles français, tu es Franco-Ontarien». L’autre est plus une affaire «de cœur» : «Est-ce que tu as fréquenté une école, est-ce que tu connais ton histoire, est-ce que tu participes aux évènements, est-ce que tu milites?»

Fut un temps, la frontière de l’identité canadienne-française était assez précise : francophone, catholique «et probablement inscrit dans une paroisse, une communauté francophone», explique l’Acadien d’origine Joseph Yvon Thériault, professeur de sociologie de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

Aujourd’hui, la définition généalogique ou celle de personne de «langue francophone qui habite le Canada […] pose énormément de problèmes», poursuit-il. La définition d’origine ne s’applique pas à tout le monde. De nombreuses personnes francophones du Canada sont issues de l’immigration ou ont appris le français plus tard dans leur vie.

«À la FJCF, on parle davantage de jeunes d’expression française, parce qu’on est conscients que ce ne sont pas tous les jeunes qui participent à nos évènements [ou] qui s’identifient comme jeunes francophones», dit Simon Thériault. 

Photo : Courtoisie

«Moi j’identifierais le francophone aujourd’hui comme celui qui a un lien avec la communauté francophone. Soit il est allé à l’école en français, soit il a des parents francophones, soit il travaille en français, soit il participe à la communauté franco-ontarienne ou acadienne.»

La position de la Fédération de la jeunesse canadienne-française (FJCF) est claire : les personnes qui s’identifient comme francophones le sont. Nul besoin de militer.

«On a évolué dans notre définition de la francophonie, explique son président, Simon Thériault. Si on veut s’assurer de l’avenir de notre francophonie, on veut s’assurer qu’on continue à être fiers de parler français. Je pense qu’on se doit d’être inclusifs.»

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«Francophones de la périphérie»

Selon Pascal Justin Boyer, plusieurs organismes élargissent la définition des personnes incluses dans la francophonie, «question qu’on ne soit pas découragés par les chiffres». «On ne se cachera pas que si on veut que ça dure, ce beau voyage-là de la francophonie au Canada, on compte beaucoup sur l’immigration», relève-t-il.

Leyla Sall n’hésite pas à parler de racisme : «C’est comme s’il y avait une hiérarchie entre les francophones qui sont légitimes, qui sont blancs, de tradition catholique, etc., et qui sont considérés comme des francophones de souche, ou des francophones qui nous viennent souvent d’Europe, et d’autres, qui viennent d’Afrique, mais qui sont considérés comme moins francophones.» 

Photo : Courtoisie

En réalité, dans certaines communautés, «les francophones et les nouveaux arrivants vont vivre en “juxtaposition”, observe Pascal Justin Boyer. On accepte qu’ils soient là, mais ils ne sont pas vraiment là à part entière, ce qui est un petit peu problématique.»

Les immigrants ont souvent l’impression d’être vus comme «des francophones de la périphérie», rapporte le professeur agrégé de sociologie à l’Université de Moncton, Leyla Sall. Il a rencontré des personnes qui se considéraient comme «des clients, comme une variable d’ajustement».

Le sociologue fait la différence entre les définitions de la population générale et les définitions officielles, qui sont, à son avis, «beaucoup plus inclusives».

«Il y a une sorte de schizophrénie, un double discours. Dans la pratique, il y a le nationalisme ethnique qui est très présent, mais dans les définitions officielles, symboliques, là, c’est très inclusif.»

«Les identités ne sont pas fixes dans le temps», affirme pour sa part le député fédéral acadien Guillaume Deschênes-Thériault. La langue française est un point commun, mais il y a aussi la culture et l’histoire. Pour les nouveaux arrivants, «la communauté d’accueil a un rôle à jouer pour partager notre culture, la rendre accessible aux nouveaux venus».

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«Ça dépend avec qui on parle»

Pour la professeure à la Faculté d’éducation de l’Université de Calgary Sylvie Roy, être ou ne pas être francophone, «ça dépend avec qui on parle».

Sylvie Roy observe une plus grande souplesse dans la définition de francophone établie par les milieux minoritaires comparativement à celle de la France ou du Québec. 

Photo : Courtoisie

«Si on prend la définition de la francophonie mondiale ou de la francophonie en général avec le grand “F”, tous ceux qui sont nés francophones ou qui parlent français ou qui l’ont appris comme langue seconde ou langue additionnelle peuvent faire partie de cette grande francophonie internationale», observe celle qui est née au Québec, a étudié en Ontario et vit en Alberta depuis 24 ans.

D’autres vont dire que le francophone, «c’est celui qui est né avec la langue maternelle», avec des parents eux-mêmes francophones. «Sauf que ça a changé, soutient-elle. Mes enfants sont nés à Toronto, mais ils diront qu’ils sont francophones, même si leur papa parlait anglais.»

«Certains anglophones qui apprennent le français ici, en Alberta, ne diront jamais qu’ils sont francophones», remarque-t-elle.

Tous ceux qu’elle a rencontrés, dans le cadre de ses recherches sur l’immersion en français, disent que les francophones, «c’est les autres, c’est ceux qui ont la langue [française] comme langue maternelle».

L’ambigüité acadienne

«On est beaucoup dans l’auto-identification. Les nouveaux arrivants, les anglophones qui apprennent le français sont les bienvenus de se dire Acadiens s’ils veulent contribuer à l’Acadie», estime de son côté le président de la Société nationale de l’Acadie (SNA), Martin Théberge.

«Une minorité de gens a peur que si l’on inclut trop de monde, on dilue l’authenticité du peuple acadien», admet Martin Théberge. Il rapporte l’existence de «microagressions», du type «tu n’es pas un vrai Acadien, mais on t’accepte parce que t’es bon». 

Photo : Courtoisie

À ses yeux, la définition du gouvernement fédéral selon laquelle les Acadiens et Acadiennes sont des francophones habitant au Canada atlantique n’est «pas la bonne».

«Ça exclut plein de monde. La langue n’est pas le seul déterminant, observe-t-il. On est certes un peuple francophone, mais tous les individus ne le sont pas nécessairement.» Il prend l’exemple d’anglophones ayant perdu le français, mais s’identifiant comme Acadiens en raison de leurs origines familiales.

Le recteur de l’Université Sainte-Anne, en Nouvelle-Écosse, Kenneth Deveau, adhère à cette vision «ouverte et inclusive» : «La personne doit d’abord s’auto-identifier, mais après il y a une double reconnaissance, la communauté doit aussi la reconnaitre.»

«Ce n’est pas facile, car l’identité acadienne a des racines historiques et traumatiques profondes» qui remontent au Grand Dérangement et à la Déportation et qui se transmettent à travers les générations, explique-t-il.

À la SNA, Martin Théberge veut porter un message d’ouverture : les personnes immigrantes et les apprenants du français «peuvent devenir Acadiens s’ils en ont envie. Ce traumatisme n’est peut-être pas le leur, mais il a permis de créer les valeurs d’aujourd’hui auxquelles ils adhèrent».

«Les Acadiens, il y a une grande ambigüité. On peut se définir par le territoire : les Acadiens sont ceux qui parlent français et qui sont intégrés dans le réseau de la francophonie dans les Maritimes. Ou alors on peut définir l’Acadie à partir de la mémoire de la Déportation. Elle est en Louisiane, chez les Acadiens des États-Unis, chez les Acadiens du Québec», analyse Joseph Yvon Thériault.

Pour l’anecdote

Joseph Yvon Thériault se souvient de l’époque où Bernard Lord, enfant d’un père anglophone et d’une mère francophone, était premier ministre du Nouveau-Brunswick. «Jamais un Acadien aurait dit que Bernard Lord n’était pas un Acadien francophone», assure-t-il. 

Pour Joseph Yvon Thériault, le simple fait de parler français n’est pas suffisant pour se dire francophone. Des gens qui ont, par exemple, appris la langue de Molière afin de décrocher un poste dans la fonction publique, «ce sont des bilingues», dit-il. 

Photo : Emilie Tournevache

À la même époque, l’Ontario avait comme premier ministre un certain Dalton McGuinty, frère de l’actuel ministre fédéral de la Défense nationale, David McGuinty. Les deux ont un père anglophone et une mère franco-ontarienne. «[Dalton McGuinty] ne s’identifiait pas comme francophone, mais on aurait pu se l’approprier […]. Je me demandais pourquoi les Franco-Ontariens ne se l’appropriaient pas.»

Pour les politiciens, Joseph Yvon Thériault estime qu’il est préférable d’attendre qu’ils se définissent eux-mêmes comme ayant un lien d’appartenance à une communauté francophone. «Mais ça ne veut pas dire que la communauté ne peut pas faire des avances pour qu’ils le fassent.» 

Choisir le français

Rachel Barber, doctorante en géographie à l’Université Queen’s, à Kingston, en Ontario, effectue actuellement un stage de recherche en France. Dans une école francophone de North Bay et à l’Université Laurentienne, elle a étudié en français de la 1re année jusqu’au baccalauréat. Celle qui s’identifie pleinement comme Franco-Ontarienne a lancé un album de chansons en français.

Pourtant, elle a l’anglais comme langue maternelle et est la seule personne de sa famille qui parle français.

Son parcours scolaire lui a permis «de vraiment comprendre c’est quoi l’identité et l’héritage franco-ontarien», raconte-t-elle. Elle se souvient avoir choisi sa propre identité lors d’un évènement de la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne (FESFO) : «C’était vraiment à ce moment-là que j’ai compris la partie un peu plus revendicatrice de la francophonie.»

Elle accepte que d’autres puissent avoir des critères différents. Aussi que l’on peut s’identifier comme francophone, mais pas nécessairement comme Franco-Ontarien ou Acadien. L’identité, selon elle, «c’est vraiment une question personnelle».

«La question de la francophonie est reléguée à une ou deux notes en bas de page dans le curriculum anglophone», illustre la professeure agrégée de science politique au Collège militaire royal du Canada, Stéphanie Chouinard.

Selon Stéphanie Chouinard, l’histoire provinciale est moins abordée dans le curriculum ontarien anglophone que francophone. Par exemple, aucun nom de premier ministre de l’histoire ontarienne n’y figure. Le programme anglophone insiste davantage sur l’histoire canadienne. L’histoire proprement ontarienne est peu présente. 

Photo : Courtoisie

Celle-ci effectue présentement, avec la professeure adjointe d’études politiques de l’Université d’Ottawa Jennifer Wallner, une comparaison des curriculums francophone et anglophone d’histoire de l’Ontario.

«Par exemple, le Règlement 17, c’est une évidence pour les Franco-Ontariens que c’est un moment fort de l’identité franco-ontarienne, dit Stéphanie Chouinard. Chez les jeunes anglophones en Ontario, le Règlement 17 est une note en bas de page. On n’en parle presque pas.»

Les résultats de l’analyse sont pour le moment préliminaires, mais Stéphanie Chouinard remarque déjà qu’«au sortir des écoles ontariennes, les Franco-Ontariens et les Anglo-Ontariens ont une vision diamétralement différente de ce que ça veut dire d’être Ontarien».

Selon elle, cette différence pose des «questions sérieuses» sur la perception qu’ont ces groupes linguistiques les uns des autres, ainsi que sur la compréhension qu’ont les anglophones lorsque leurs voisins francophones descendent dans la rue pour manifester.

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Du côté anglophone, les attentes liées à l’identité et à la citoyenneté sont «très multiculturelles», explique Marie-Hélène Brunet. Les francophones «sont vus dans une idée de multiculturalisme et pas spécifiquement comme groupe, alors que les Premières Nations, Métis et Inuits dans les programmes en anglais et en français depuis 2018 sont dans la totalité des attentes». 

Photo : Christine Cusack

Aucune obligation

Marie-Hélène Brunet, professeure agrégée de didactique des sciences humaines et sociales à l’Université d’Ottawa, et Raphaël Gani, professeur adjoint à la Faculté des sciences de l’éducation à l’Université Laval, ont comparé les curriculums francophone et anglophone en histoire pour les élèves de la 10e année de l’Ontario.

Résultat : la francophonie est absente des attentes dans le curriculum anglophone. La francophonie, en particulier ontarienne, est pourtant bien présente dans les attentes du curriculum en français.

Comme l’expliquent les chercheurs, les attentes sont «obligatoires» et «évaluées chez l’élève». La francophonie a beau se trouver ailleurs dans le programme en anglais, rien n’oblige le personnel enseignant à aborder le sujet.

Environ 80 % des deux curriculums est du contenu partagé, estiment les chercheurs. Les 20 % restant figurent surtout dans les attentes. 

Si les attentes contenues dans le programme anglophone restent muettes sur la perspective francophone, il existe une exception : «quand on parle des Québécois».

La professeure à l’Université du Québec à Chicoutimi, Catherine Duquette, a effectué une analyse des programmes anglophones d’histoire de toutes les provinces. Il s’agit de versions antérieures à 2013. Des révisions de ces programmes ont été effectuées depuis, ce qui a certainement occasionné des changements dans les résultats présentés. 

Photo : capture d’écran – Société Histoire Canada

La francophonie réduite au Québec

Aux yeux des anglophones, la francophonie se résume souvent à la Belle Province et à son histoire, explique le duo de chercheurs. «Le Québec va généralement aussi être présenté comme homogène et comme présentant une seule pensée : les séparatistes», ajoute Marie-Hélène Brunet.

Raphaël Gani a étudié le phénomène en Alberta, où le curriculum est le même en anglais et en français. Des francophones et des Autochtones ont participé à sa conception. «Ça a fait son œuvre», dit-il.

Car, lorsqu’une réforme entamée en 2019 par le gouvernement albertain de Jason Kenney menaçait de retirer des perspectives francophones, il y a eu des contestations, se rappelle Raphaël Gani.

Mais rien n’est parfait. Enseignées en anglais, les perspectives francophones sont souvent réduites au Québec, remarque le chercheur. «On parle de la Constitution? Ben, c’est la nuit des longs couteaux, c’est René Lévesque», donne-t-il en exemple. «Peu sur la francophonie hors Québec.»

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«Les enseignants font des choix»

«Ce qu’il y a dans le programme, ce n’est pas forcément ce qui est enseigné en classe», reconnait Raphaël Gani. Les enseignantes ont, pour tout dire, une certaine marge de manœuvre.

«Ça ne veut pas dire que personne n’en parle», nuance Stéphanie Chouinard. Malgré le manque d’attentes liées à la francophonie dans le curriculum anglophone de l’Ontario, l’histoire franco-ontarienne se fraie parfois quand même un chemin dans l’enseignement.

Entre le document de quelques pages que le gouvernement produit et ce que les enseignants et les enseignantes décident de présenter aux élèves en salle de classe, il peut y avoir des ajouts. Ce qu’on sait, c’est que ce n’est pas mandaté par la province de présenter ça aux élèves.

— Stéphanie Chouinard

Dans le projet «La pensée historique : Portraits de la pratique professionnelle» mené par Penser historiquement pour l’avenir du Canada, on peut lire Vincent Rivard, qui enseigne les sciences humaines dans une école francophone de la Colombie-Britannique et qui témoigne de sa liberté dans ce qu’il enseigne.                  

«Mes élèves viennent souvent d’un peu partout, ils n’ont pas nécessairement la conscience de pourquoi est-ce qu’il y a des écoles francophones dans l’Ouest, dit-il. J’essaie d’amener aussi des éléments de pourquoi est-ce qu’il y a des écoles, sur l’histoire des droits des francophones à l’accès aux écoles dans le reste du Canada.»

Le programme anglais manitobain pour la 11e année inclut un enseignement de «l’importance d’organismes francophones, dans le développement de la francophonie canadienne» et de la dualité linguistique, dit Joël Ruest. 

Photo : Université de Saint-Boniface

Au Manitoba, où les programmes sont «quasi identiques» dans les deux langues, le personnel enseignant peut décider d’insister sur certains points, explique le professionnel-enseignant de la Faculté d’éducation de l’Université Saint-Boniface, Joël Ruest. «Les enseignants font des choix. […] Si on enseigne dans une école de la région de Saint-Norbert où Louis Riel a grandi [et agi], l’approche pourrait être différente.»

Le contenu et les objectifs d’apprentissage sont les mêmes en anglais et en français au Manitoba, assure Joël Ruest. Des ressources particulières sont attribuées aux écoles de langue française et d’immersion pour nourrir la construction identitaire.

«Il faut qu’on amène les élèves à trouver leur place dans la francophonie, explique-t-il. Qu’ils reconnaissent les luttes qui ont lieu dans le passé, leurs rôles, le rôle de leurs parents, de leurs grands-parents, leurs ancêtres dans la construction de la communauté francophone au Manitoba.»

Un récit différent

D’autres différences entre les programmes anglophones et francophones ontariens se trouvent dans la terminologie. C’est ce que révèle une analyse des programmes de 7e et de 8e année effectuée en 2021 par une étudiante, Monica Szymczuk.

Marie-Hélène Brunet, bien au courant des résultats de ce travail, donne comme exemple la Conquête, qui désigne le moment où la Nouvelle-France tombe sous l’emprise britannique. «En anglais, ce n’est pas “the conquest”, c’est “the shift of power”.»

Il y a quelque chose derrière cette terminologie-là qui est fondamentalement différente au niveau du récit

— Marie-Hélène Brunet

Il y aussi des différences dans la manière dont sont présentés l’histoire de Louis Riel ou le rapport de Lord Durham. Ce rapport avait notamment conclu que la population canadienne-française formait un peuple sans culture et, pour cette raison notamment, il recommandait de l’assimiler et d’instaurer une domination anglaise.

Marie-Hélène Brunet donne un autre exemple : «Est-ce que c’est le gouvernement qui a mis en place le drapeau franco-ontarien et les conseils scolaires francophones? Ou est-ce que ce sont les luttes des Franco-Ontariens?»

Selon Stéphanie Chouinard, «ce n’est pas tant le matériel qu’on enseigne que la trame nationale qu’on présente aux étudiants et l’impact que ça peut avoir sur leur compréhension de leur propre identité».

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«Les communautés autochtones sont devenues des championnes des énergies renouvelables au cours des dix dernières années», se félicite le directeur général d’Indigenous Clean Energy (ICE), James Jenkins.

«Par rapport à la population, il y a beaucoup de projets dans les territoires, mais ils sont souvent à plus petite échelle», rapporte James Jenkins d’Indigenous Clean Energy. 

Photo : Courtoisie

Selon l’organisme à but non lucratif, les Autochtones détiennent, en totalité ou en copropriété, près de 20 % des infrastructures canadiennes de production d’électricité, tous systèmes confondus. Ils sont ainsi devenus «les deuxièmes plus grands détenteurs d’actifs après les sociétés d’État», souligne James Jenkins.

En 2023, l’éolien représentait environ 43 % des projets détenus ou codétenus par les Autochtones, suivi par le solaire, avec environ 29 %, et l’hydroélectricité et la biomasse avec 14 % chacune.

La Colombie-Britannique est la province qui a le plus grand nombre d’installations de plus d’un mégawatt (MW), suivis de l’Ontario et du Québec.

Dans le sud de la Saskatchewan, le premier système hybride d’énergie renouvelable du pays appartient à la Première Nation de Cowessess. Il produit de l’énergie solaire et éolienne, puis la stocke dans des batteries.

Dans les territoires, le Yukon est à la fine pointe des énergies renouvelables. En 2023, la Première Nation Kwanlin Dün a lancé le premier parc éolien autochtone dans le Grand Nord.

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Soutien capital d’Ottawa

Au Nunavut les choses avancent. Un programme autorise désormais la production indépendante d’électricité solaire et éolienne.

«Pour la première fois, nous avons une quantité mesurable d’énergies renouvelables sur nos réseaux, au lieu d’avoir 100 % de diésel, nous en avons 99,5 %», rapporte la membre du conseil d’administration de la Société d’énergie Qulliq, Martha Lenio.

Au Nunavut, 130 maisons alimentées au solaire

D’ici le printemps 2026, le nouveau projet solaire d’Ikayuut devrait fournir suffisamment de courant pour alimenter environ 130 maisons du hameau de Naujaat, pendant la période estivale. Un autre projet éolien, dont la construction doit commencer cet été, devrait réduire de moitié la dépendance au diésel des mille résidents du village de Sanikiluaq.

Au Canada atlantique, le professeur adjoint à l’Université Dalhousie, en Nouvelle-Écosse, Chad Walker, constate lui aussi que les communautés autochtones «jouent un rôle beaucoup plus important dans les énergies vertes.»

La Première Nation malécite Tobique, au Nouveau-Brunswick, est notamment propriétaire de deux parcs éoliens de grande envergure : quinze turbines au total produisent plus de 62 MW.

En début d’année, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a de son côté annoncé la construction de six nouveaux parcs éoliens en partenariat avec plusieurs Premières Nations. Au niveau national, ICE suit actuellement quelque 600 projets solaires, éoliens et de biocarburants.

Le professeur à l’Université de la Saskatchewan et codirecteur du partenariat international Community Appropriate Sustainable Energy Security (CASES), Bram Noble, estime que les programmes de financement d’Ottawa ont permis d’amorcer cette révolution énergétique. «C’est une voie vers la réconciliation économique.»

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Coincés dans les méandres de la bureaucratie

«Les subventions fédérales aident les entreprises autochtones qui peuvent avoir des difficultés à accéder à des prêts. Ça les aide à franchir les étapes les plus risquées», confirme James Jenkins.

Au Nunavut, Martha Lenio soutient que «sept ans ou plus» sont nécessaires pour développer un projet éolien. 

Photo : Courtoisie

Les projets mettent néanmoins du temps à voir le jour. La construction d’une petite installation solaire sur un toit ou d’un système de biomasse pour un bâtiment peut prendre un ou deux ans, mais «la phase d’examen peut prendre cinq ans ou plus», déplore James Jenkins.

Chad Walker considère que les monopoles publics d’électricité entravent la transition énergétique que mènent les Autochtones. «Les compagnies préfèrent largement être responsables de la production d’énergie. Les programmes qui permettent la participation et la propriété autochtone sont encore rares», observe-t-il.

Martha Lenio regrette également «le manque de leadeurship du gouvernement du Nunavut», qui n’a pas défini ses priorités en matière d’énergie renouvelable et n’a adopté aucun plan stratégique.

«Dans le Grand Nord, les prix de l’électricité sont largement subventionnés pour les maintenir à un niveau abordable. Ça cache le cout réel du diésel et peut étouffer la transition vers les énergies renouvelables», ajoute Bram Noble.

500 millions de dollars de revenus réinvestis par an

Confrontés à une demande énergétique croissante, «les compagnies et les gouvernements reconnaissent néanmoins de plus en plus la nécessité d’encourager un plus grand leadeurship autochtone», nuance James Jenkins.

L’initiative Call for Power au Manitoba favorise par exemple la création de parcs éoliens possédés majoritairement par des communautés autochtones.

La compagnie provinciale d’électricité saskatchewanaise, SaskPower, exige de son côté que tous les projets d’énergie renouvelable comportent un seuil minimum d’investissement de la part de partenaires autochtones.

À l’autre bout du pays, en Nouvelle-Écosse, le programme solaire communautaire autorise la propriété autochtone.

Cependant, «le manque de personnel autochtone qualifié», capable d’assurer le fonctionnement et la maintenance des équipements, demeure un autre obstacle aux yeux de Martha Lenio.

Ça ralentit déjà certaines initiatives. Si l’on veut poursuivre le rythme de croissance actuel, il est essentiel d’investir de l’argent public pour former les jeunes et assurer la transition des travailleurs vers des emplois dans le secteur de l’énergie propre.

— James Jenkins

En s’impliquant dans la production d’énergie renouvelable, les Premières Nations en retirent de nombreux avantages socioéconomiques.

L’ICE évalue qu’elles réinvestissent chaque année 500 millions de dollars de revenus, générés par la revente d’électricité verte, dans des programmes sociaux, de santé et d’éducation ou encore dans la construction de logements dans les communautés.

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Stocker l’énergie, «la dernière pièce du puzzle»

Chad Walker explique que la Première Nation Tobique au Nouveau-Brunswick a utilisé l’argent tiré de la revente d’électricité verte pour construire des logements et mettre en place des programmes d’aide sociale. 

Photo : Courtoisie

«L’approche des communautés est presque toujours multigénérationnelle. Elles réfléchissent à la manière de lutter contre le changement climatique et de créer un avenir durable pour les prochaines générations», affirme James Jenkins.

Chad Walker insiste pour sa part sur l’importance du «sentiment d’autonomie et de souveraineté énergétiques retrouvé, lorsque les communautés possèdent leurs propres infrastructures».

À cet égard, Bram Noble aimerait voir davantage d’investissements dans les 190 communautés autochtones éloignées – principalement dans le Grand Nord – qui ne sont pas raccordées aux réseaux électriques et qui dépendent encore du diésel.

«Elles sont en situation d’insécurité énergétique et ont besoin de renouvelable pour répondre à leurs besoins humains fondamentaux», dit-il.

Martha Lenio juge que pour réussir à se débarrasser du diésel, le «stockage de l’énergie» à long terme constitue «la dernière pièce du puzzle».

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