le Mercredi 12 novembre 2025

Si les formes de violence les plus visibles et celles qui ont tendance à recevoir le plus d’attention sont physiques, il existe une «quantité très inquiétante de violences verbales, également des situations d’intimidation et de harcèlement en lien avec les médias sociaux», rappelle la présidente de l’Association des enseignantes et des enseignants francophones du Nouveau-Brunswick (AEFNB), Stéphanie Babineau.

La violence peut aussi s’exprimer de diverses façons dans la cour de récréation, comme par l’exclusion consciente d’un enfant ou par des commentaires ou des comportements qui dénigrent et humilient, énumère la vice-présidente, Opérations cliniques et chef des services cliniques chez Jeunesse, J’écoute, Andréanne Deschamps.

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Le contexte social et scolaire

Pour lutter contre la violence à l’école, il faut regarder dans quel milieu l’enfant se trouve.

— François Bowen

Selon François Bowen, le milieu scolaire est la première ligne de défense contre la violence envers les élèves. 

Photo : Courtoisie

Le professeur au Département de psychopédagogie et d’andragogie de la Faculté des sciences de l’éducation à l’Université de Montréal, François Bowen, précise ne pas faire référence aux milieux riches ou défavorisés, mais plutôt au milieu scolaire.

Les défis vont plutôt surgir en fonction du style de gestion de la direction, du personnel, des pratiques éducatives et surtout des «ressources qui sont mises en place pour soutenir les enfants», détaille-t-il.

Dans le cas du harcèlement, si le milieu éducatif ne réussit pas à encadrer et résoudre le problème, le harceleur continuera ses actions. Celui-ci voit dans l’intimidation un moyen de «prendre du prestige, parce qu’il vient avec des supporteurs, des bystander».

Le professeur critique aussi la phrase parfois prononcée par les adultes dans la cour de récréation : «Ce n’est pas grave, ils se chamaillent.» En ignorant une situation peut-être plus problématique, les adultes n’élèvent pas de barrières contre les actions des harceleurs.

De plus, un conflit entre des élèves et du harcèlement sont deux problèmes distincts. Ils doivent être résolus de manière différente, puisqu’on ne parle pas ici des mêmes mécanismes psychologiques, précise François Bowen.

Des jeunes qui se disputent n’ont pas appris à réguler leurs émotions trop fortes, donc ils se précipitent dans un conflit avant d’essayer de régler le problème d’une autre façon. Dans le cas du harcèlement, l’intimidateur agit par intérêt personnel et peut être dépourvu d’empathie.

Le pouvoir de dénoncer

L’organisme Jeunesse, J’écoute propose des services 24 h/24 et 7 jours sur 7 pour les personnes victimes de harcèlement ainsi que celles qui intimident. 

Photo : Courtoisie

Dénoncer peut être difficile pour les jeunes enfants témoins de harcèlement, informe Andréanne Deschamps. Ils peuvent toutefois discuter avec la victime, lui dire que ce qui se passe n’est pas normal et l’aider à aller en parler à un adulte.

Ça permet de «démontrer qu’on est allié avec l’autre jeune, que ce soit un ami ou pas, de la classe ou dans l’école, qui a subi ce comportement-là. Ça peut déjà avoir un effet très positif pour la personne qui le subit».

Une autre solution est de confronter le harceleur en groupe pour lui dire que son comportement n’est pas acceptable. La vice-présidente de Jeunesse, J’écoute explique que l’effet de groupe peut parfois arrêter les agresseurs.

Les jeunes témoins peuvent aussi en parler avec des adultes, tels que leurs parents, qui pourraient à leur tour en informer la direction du cas de l’élève harcelé, ajoute Andréanne Deschamps.

Ressources adaptées

Parfois, les ressources mises en place par les écoles ne répondent pas aux besoins des enfants, indique Stéphanie Babineau.

Par exemple, depuis l’adoption du projet de loi 85 au Nouveau-Brunswick en 1986, les enfants avec des besoins particuliers sont intégrés aux mêmes écoles que les autres enfants. Toutefois, les ressources pour aider ces enfants ne sont pas disponibles dans toutes les écoles, affirme-t-elle.

Pour offrir les ressources nécessaires, il reste indispensable d’avoir du financement, déplore la présidente de l’AEFNB.

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Stéphanie Babineau tient à rappeler que malgré une bonne formation de pédagogue, les enseignants ne sont pas des experts en psychologie ou des émotions. Il est préférable d’avoir un psychologue, un travailleur social ou un intervenant en toxicomanie, souligne-t-elle.

Stéphanie Babineau rappelle que, malgré la bonne formation des enseignants, ils ont besoin d’experts comme des psychologues et des travailleurs sociaux pour aider les jeunes à gérer leurs émotions. 

Photo : Courtoisie

L’accès à ce genre de services dans les écoles francophones peut être long, ce qui peut permettre à la situation de s’envenimer. Le moment venu, les psychologues doivent «intervenir avec les élèves qui sont en situation de crise parce qu’on va chercher à éteindre le feu en premier», souligne Stéphanie Babineau.

François Bowen rappelle qu’un psychologue est nécessaire, mais pas suffisant. Il faut former les directions d’école, les éducateurs spécialisés et les enseignants à la prévention. Il faut effectuer un travail d’équipe, encourage-t-il.

À l’extérieur des murs de l’école, il y a des services d’aide, comme Jeunesse, J’écoute, disponible partout au Canada 24 heures sur 24, rappelle Andréanne Deschamps.

En plus du service de texto, l’organisme propose des outils pour apprendre à gérer sa colère, ses émotions, trouver des alliées. Il peut en outre offrir des ateliers en ligne pour les classes afin d’aborder divers sujets, comme le bienêtre, l’intimidation et la violence.

Besoin de l’intelligence émotionnelle

Pour prévenir la violence et le risque de harcèlement, François Bowen encourage les établissements à développer l’intelligence émotionnelle chez les jeunes.

La gestion de la colère, la gestion des conflits, ce sont des choses qui font partie d’un apprentissage normal pour tous les jeunes, puis aussi dans notre vie adulte.

— Andréanne Deschamps

D’ailleurs, Stéphanie Babineau observe que les enfants «ont beaucoup de défis quand ça vient à la régulation de leurs propres émotions, quand ça vient à la gestion de situations plutôt difficiles».

L’objectif est donc d’outiller les enfants pour gérer des évènements stressants, explique François Bowen. Se faire exclure d’un groupe d’amis ou avoir de la difficulté en amitié peut être une source de stress et de mal être.

L’intelligence émotionnelle permet aussi de développer l’empathie, ce qui manque surtout chez les intimidateurs. Cela réduirait le nombre de cas de harcèlement, propose François Bowen.

Le 30 aout, 711 brasiers étaient toujours actifs dans le pays (dont 128 hors de contrôle) et près de 5 millions d’hectares ont été dévastés par les flammes cette année, selon le Centre interservices des feux de forêt du Canada (CIFFC). Cette superficie représente 146 % de la moyenne de la dernière décennie.

L’an dernier, c’est tout le territoire canadien qui s’est embrasé. Non seulement l’Ouest et les territoires, mais aussi l’Ontario, le Québec et même les provinces maritimes de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick. Au total, 18,5 millions d’hectares de forêt – un record – ont été détruits.

Face à ces mégafeux qui se multiplient et s’intensifient, les villes tentent de se protéger du mieux qu’elles peuvent.

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En Alberta, 30 % des bâtiments de la ville de Jasper ont été calcinés et 25 000 personnes ont reçu l’ordre de quitter la zone en juillet dernier. 

Photo : Parc national Jasper

Les villes de l’Ouest mieux préparées

«Le niveau de préparation varie fortement d’une province à l’autre, mais, historiquement, les villes de l’Ouest sont plus en avance sur ces questions, la conscience du risque est plus élevée», avance Joanna Eyquem, directrice générale Infrastructures résilientes au climat au sein du Centre Intact d’adaptation au climat de l’Université Waterloo, en Ontario.

Dans les Territoires du Nord-Ouest, des tranchées coupe-feu, longues parfois de 10 kilomètres, sont aménagées autour de certaines villes, comme Yellowknife. De même, en Alberta et en Colombie-Britannique, les municipalités débroussaillent autour des quartiers périurbains, enlèvent les plantes et les arbres hautement inflammables en bordure des rues, procèdent à des brulages dirigés.

La Dr Anabela Bonada considère que les normes de construction doivent évoluer et imposer le recours aux matériaux ininflammables dans les zones à risque. 

Photo : Courtoisie

«Dans les provinces de l’Est et les Maritimes, il n’y a pas grand-chose de comparable, parce que jusqu’alors il n’y a pas eu d’incendies majeurs comme dans l’Ouest», affirme la directrice générale du Centre Intact d’adaptation au climat, la Dr Anabela Bonada.

Le programme Intelli-feu, dont l’objectif est d’apprendre aux communautés à mieux protéger leurs habitations, a vu le jour en Alberta en 1993. Au tournant des années 2000, Parcs Canada a également commencé à s’impliquer et à promouvoir de bonnes pratiques.

Le programme invite notamment les habitants à choisir les bons matériaux pour leur toiture ou leur terrasse tout en repensant leur aménagement paysager. Selon les recommandations, la zone à proximité immédiate de la maison doit être débarrassée de toute végétation et de tous débris secs pouvant attiser les flammes.

Dans la zone intermédiaire, de 10 mètres de rayon, les arbres morts et les conifères doivent être coupés, mais certaines espèces de feuillus peuvent être laissées. Plus loin, des espaces doivent être créés entre les arbres pour éviter de trop gros ensembles forestiers.

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Apprendre à protéger sa maison

«C’est difficile d’évaluer ce qui fonctionne ou non. Ça peut varier d’un incendie à l’autre, selon le type et la quantité de combustible qui se trouve au sol, la puissance du vent, l’intensité de la sècheresse», observe la Dr Anebela Bonada.

La chercheuse mentionne néanmoins les résultats d’une étude réalisée à Fort McMurray, à la suite de l’incendie de 2016 : «Les maisons dont les propriétaires ont suivi les conseils d’Intelli-feu ont été totalement ou partiellement épargnées.»

Des recherches similaires menées aux États-Unis ont également montré que les quartiers qui disposent d’un programme de type Intelli-feu ont 50 à 70 % plus de probabilité d’être épargnés par les flammes.

Au Canada, Intelli-feu n’est devenu national qu’en 2021, sous la houlette du CIFFC. Les provinces et territoires étant responsables de la lutte contre les incendies de forêt, «chacun a son propre modèle de financement, ses propres objectifs et ses propres modalités de mise en œuvre, adaptés aux réalités locales», explique le CIFFC par courriel.

Lorsqu’un évènement catastrophique se produit, les provinces et les villes en tirent rapidement les leçons. Elles ont tendance à renforcer leur protection et à consacrer davantage de fonds à la préparation.

— Dr Anabela Bonada

À la suite des incendies de 2017, la Colombie-Britannique a ainsi mis en place son tout premier comité Intelli-feu et lancé un «programme solide», selon les mots de la chercheuse. Cette année, l’Alberta a, elle, prévu d’investir 151 millions de dollars sur trois ans, pour améliorer sa gestion du risque.

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Faux sentiment de sécurité 

Au Québec, la province la plus durement touchée en 2023, le gouvernement a alloué 29 millions de dollars supplémentaires sur cinq ans à la Société de protection des forêts contre le feu, pour embaucher plus de pompiers forestiers, mais aussi mieux éduquer et préparer la population.

Selon la chercheuse Joanna Eyquem, les villes de l’Ouest sont mieux préparées aux incendies de forêt, car elles ont subi plus de feux majeurs au cours des dernières décennies.

Photo : Courtoisie

«Si Intelli-feu est plus implanté dans l’Ouest, ça s’en vient dans l’Est. On sait quoi faire. Le défi, c’est de passer à l’action», considère Joanna Eyquem.

Le CIFFC note, par courriel, que les provinces ayant connu récemment des mégafeux consacrent plus d’argent à Intelli-feu. L’organisme constate par ailleurs «une augmentation significative» des effectifs d’Intelli-feu dans l’ensemble du pays au cours des 18 derniers mois.

La Dr Anabela Bonada estime cependant qu’il reste beaucoup de «travail d’éducation» pour faire connaitre le programme et développer une vraie culture du risque.

«Tant qu’un incendie ne se produit pas à proximité, les gens pensent qu’ils ne sont pas en danger. C’est faux. Si l’on est proche d’une forêt, on est en danger, même s’il n’y a pas eu d’incendie depuis 50 ou 100 ans», insiste la spécialiste.

«On a besoin de plus d’investissements financiers et humains pour que la population voie l’intérêt d’adapter les habitations, d’utiliser des matériaux moins inflammables, car ça peut être couteux», renchérit Joanna Eyquem.

À ses yeux, le manque de coordination entre le fédéral, le provincial et les municipalités constitue un autre frein à une protection efficace des villes.

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Plus sur la francophonie

Mercredi, le ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et des Langues officielles, Randy Boissonnault, a annoncé l’octroi d’environ 18,3 millions de dollars prévus dans le Plan d’action des langues officielles (2023-2028).

Mona Fortier est députée d’Ottawa-Vanier. 

Photo : Marianne Dépelteau – Francopresse

La Fédération de la culture canadienne-française (FCCF) recevra près de 12,4 millions pour appuyer ses programmes de soutien aux arts en milieu scolaire : PassepART, La ruchée et ImmserART. Ce dernier, annoncé le même jour, vise les écoles d’immersion.

La Fédération de la jeunesse canadienne-française (FJCF) reçoit quant à elle 6 millions pour soutenir le programme de microsubventions Vice-Versa. Selon le communiqué du gouvernement, environ 3040 microsubventions seront octroyées à plus de 740 écoles sur quatre ans.

Ces initiatives assurent «que les jeunes croient dans leur francophonie, dans leur identité et, évidemment, découvre l’art, la culture et leur patrimoine», a déclaré la députée libérale franco-ontarienne Mona Fortier, lors d’une conférence de presse.

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La traduction en français du document ayant été complétée tardivement, l’accord de réforme de la protection de l’enfance entre l’Assemblée des Premières Nations (APN), les chefs de l’Ontario, la nation Nishnawbe Aski avec Ottawa ne fera pas l’objet d’un vote avant octobre ou novembre.

Le processus et la traduction inquiètent des chefs et des défenseurs francophones qui estiment avoir besoin de plus de temps pour examiner le document.

L’APN a donc décidé de reporter l’assemblée spéciale lors de laquelle les chefs autochtones devaient voter, initialement prévue en septembre.

Cet accord est le résultat de litiges qui ont mis en lumière le sous-financement des services de protection de l’enfance. Les 47 milliards de dollars compris dans l’entente représentent plus du double de ce qui avait été proposé originalement.

Le Tribunal canadien des droits de la personne a jugé en 2019 que le gouvernement était coupable de discrimination basée sur la race envers les enfants autochtones. C’était la septième fois depuis 2016 qu’Ottawa se faisait taper sur les doigts pour cette raison.

Retraite du cabinet libéral : abordabilité, immigration et surtaxe

Les ministres fédéraux se sont réunis cette semaine à Halifax, en Nouvelle-Écosse, pour préparer la rentrée parlementaire prévue le 16 septembre. Le thème phare : l’abordabilité.

Dimanche, le ministre des Services publics et de l’Approvisionnement, Jean-Yves Duclos, et le ministre du Logement, de l’Infrastructure et des Collectivités, Sean Fraser, ont annoncé la mise en place d’une nouvelle banque de terrains publics pour la construction de logements abordables.

Celle-ci comprend 56 propriétés, dont des immeubles de Postes Canada, des bâtiments de bureaux fédéraux et d’anciennes bases militaires dans plusieurs régions du pays.

Les ministres Jean-Yves Duclos (à gauche) et Sean Fraser (à droite) ont annoncé la conversion éventuelle d’immeubles fédéraux en logements. 

Photo : Francopresse

Lundi, la ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social, Jenna Sudds, a souligné les «progrès incroyables» effectués dans le cadre du programme d’apprentissage et de garde des enfants et du programme national d’alimentation scolaire.

Pour le premier, «on a déjà vu 750 000 familles à travers le pays [en] bénéficier», a-t-elle dit devant les journalistes. «Nous avons créé 115 000 nouvelles places à travers le pays. Huit provinces et territoires ont déjà des garderies à 10 dollars par jour et toutes les autres devraient s’y rendre d’ici 2026.»

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Lundi, le premier ministre Justin Trudeau a annoncé qu’Ottawa réduira le nombre de travailleurs étrangers temporaires (TET) occupant des emplois à bas salaire. Des secteurs comme la santé, la construction et la sécurité alimentaire sont exemptés.

«Il n’y a pas de meilleur moment pour investir et pour embaucher des travailleurs canadiens», a-t-il déclaré en conférence de presse.

«C’est injuste envers les Canadiens qui peinent à trouver de l’emploi et c’est injuste pour ces travailleurs étrangers temporaires, certains d’entre eux étant mal traités et exploités», a déclaré Justin Trudeau. 

Photo : Marianne Dépelteau – Francopresse

Alors que l’augmentation du nombre de TET admis en 2022 était nécessaire à cause d’une «pénurie de main-d’œuvre sévère», Justin Trudeau a admis que «l’économie actuelle est très différente de celle d’il y a deux ans».

«L’inflation a commencé à baisser, le taux d’emploi est plus haut, nous n’avons plus besoin d’autant de travailleurs étrangers temporaires», a-t-il lancé.

«Nous avons besoin que les entreprises canadiennes investissent dans la formation et la technologie, et non qu’elles augmentent leur dépendance envers la main-d’œuvre étrangère à faible cout.»

Des modifications au volet des postes à hauts salaires sont aussi en examen.

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Le premier ministre a aussi annoncé l’imposition d’une surtaxe de 100 % sur tous les véhicules électriques – et dans certains cas, hybrides – fabriqués en Chine et de droits de douane de 25 % sur l’acier et l’aluminium chinois.

La première mesure prendra effet le 1er octobre et la seconde, le 15 octobre.

Justin Trudeau a critiqué la Chine pour l’«avantage injuste» qu’elle se donne dans le marché mondial. Elle applique des normes environnementales et des normes de travail moins rigoureuses, ce qui «compromet la sécurité d’industries canadiennes et déplace des travailleurs des secteurs de l’automobile et de la métallurgie», a-t-il affirmé.

Tensions chez les libéraux et sécurité nationale en question

L’élection partielle dans LaSalle–Émard–Verdun, à Montréal, prévue le 16 septembre, permettra de combler le siège de l’ancien ministre démissionnaire David Lametti.

Mais la campagne des libéraux pour y maintenir leur siège a frappé un écueil : selon Radio-Canada, 52 employés libéraux arabes et musulmans ont envoyé une lettre à Justin Trudeau pour déclarer qu’ils ne participeraient pas à cette campagne.

Ils fustigent notamment la position du gouvernement libéral sur la situation à Gaza et la position de la direction du parti, qui serait plus propalestinienne.

Dominic LeBlanc a comparu devant un comité mercredi, pour parler de l’affaire impliquant un nouveau citoyen canadien accusé de crimes liés au terrorisme. 

Photo : Marianne Dépelteau – Francopresse

Le ministre de la Sécurité publique, Dominic LeBlanc, a témoigné mercredi devant le Comité permanent de la sécurité publique et nationale au sujet d’un attentat planifié, mais non exécuté, à Toronto.

Fin juillet, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) a arrêté Ahmed Fouad Mostafa Eldidi et son fils Mostafa Eldidi. Ils font face à neuf chefs d’accusation, dont un pour complot en vue de commettre un meurtre au nom du groupe armé État islamique à Toronto.

Le père a obtenu la citoyenneté canadienne quelques mois avant son arrestation. Le ministre de l’Immigration, Marc Miller, a assuré le 14 aout que son ministère étudiait comment il avait obtenu cette citoyenneté.

Les audiences du comité, de leur côté, visent surtout à retracer qui savait quoi, et quand, au sein du gouvernement canadien.

Dominic LeBlanc a affirmé que le Service canadien du renseignement de sécurité a été informé de la menace en juin. Son ministère aurait été informé le 24 juillet, une semaine avant que la GRC annonce publiquement les arrestations.

Marc Miller devrait comparaitre devant le comité à une date ultérieure.

«Sachez qu’on va toucher plus de 700 écoles avec ces programmes. On va toucher des milliers de jeunes dans les écoles francophones, dans les écoles francophiles», a promis le ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et des Langues officielles, Randy Boissonneault, mercredi en conférence de presse.

Près de 12,4 millions de dollars de cette enveloppe iront à la Fédération culturelle canadienne-française (FCCF). Des fonds ont aussi été accordés à la Fédération de la jeunesse canadienne-française (FJCF), ainsi qu’à des écoles et des organismes communautaires.

Cet investissement s’inscrit dans le cadre du Plan d’action pour les langues officielles 2023-2028.

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Selon le ministre Randy Boissonneault, il est important de soutenir des programmes qui visent l’inclusion de tous les francophones. P

hoto : Eya Ben Nejm – Francopresse

Lumière sur les arts

Avec cette aide financière, Ottawa espère renforcer l’identité francophone et assurer son rayonnement auprès des jeunes par l’entremise de programmes soutenant les activités culturelles et artistiques.

Le programme PassepART de la FCCF, qui vise à rapprocher les écoles francophones des organismes artistiques francophones, reçoit 5 millions.

Dans la même lignée, le programme de microsubventions Vice-Versa de la FJCF – qui vise à créer des liens entre les écoles, les élèves et leur communauté – bénéficiera de 6 millions.

Le financement de 2,1 millions pour le laboratoire d’innovation La ruchée de la FCCF avait déjà était annoncée en juin dernier. Ce montant couvre seulement la phase III du projet, qui se déroulera de 2024 à 2026.

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Un pas vers l’inclusivité

Le nouveau programme ImmersART reçoit quant à lui 4 millions de dollars pour permettre de financer des projets et des activités culturelles francophones au sein des établissements d’immersion francophones.

Selon la directrice générale de la FCCF, Marie-Christine Morin, ces initiatives contribueront à renforcer «le sentiment d’appartenance des élèves à une francophonie canadienne plurielle et inclusive».

Pour ImmersART, elle précise qu’il ne suffit pas d’inclure les élèves en immersion dans un contexte uniquement académique, il faut les rapprocher «avec le cœur à notre langue», par l’intermédiaire de l’art et de la culture.

Il est «important que notre francophonie représente tous les gens, de toutes les couleurs, une francophonie plurielle, une francophonie qui ressemble à tous les gens», a pour sa part déclaré le ministre Randy Boissonneault.

Marianne Dépelteau – Francopresse

«C’est plate travailler dans un environnement comme ça. Après un moment, je me suis dit que je ne pouvais plus faire ça», raconte Félix*, un ancien fonctionnaire qui a travaillé comme traducteur au sein de plusieurs ministères.

«Même si on n’était que cinq francophones dans une réunion, s’il y avait un anglophone, tout se faisait en anglais.» Ne pas pouvoir travailler en français, ça lui arrivait «tout le temps», assure-t-il.

«J’étais traducteur, donc forcément, je travaillais en français […]. Mais au quotidien, si j’avais besoin de parler avec des collègues ou de faire quoi que ce soit qui n’était pas de la traduction, ça se faisait en anglais. C’était impossible de le faire en français.»

Félix a quitté la fonction publique pour différentes raisons. «Mais une grande partie, dit-il, c’est qu’il fallait toujours que je me batte pour que les gens valorisent le français.»

Dans les régions désignées bilingues, les fonctionnaires fédéraux ont le droit de travailler dans la langue officielle de leur choix, même s’ils n’occupent pas un poste désigné bilingue.

La langue de Molière méprisée

Selon Félix, certains fonctionnaires voient le français comme une langue de traduction; l’anglais est la priorité.

Un gestionnaire lui aurait même dit qu’elle ne comprenait pas l’existence de son emploi de traducteur. «Pourquoi t’es là?», lui aurait-il lancé.

«Quand t’as besoin de défendre la raison pour laquelle ton emploi existe, ça devient vraiment frustrant», partage Félix.

Luc Turgeon ressent un «certain pessimisme». Selon lui, «les gens ont juste accepté la situation». 

Photo : Eric Duncan

«Ça ne devrait pas être ma job d’être le défenseur du français quand on est censé être une fonction publique bilingue qui produit et qui peut travailler dans les deux langues [officielles].»

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Isaac* fait toujours partie de la fonction publique. Il a tout de même choisi de quitter un poste pour un autre au sein de l’appareil fédéral, en grande partie parce que son niveau d’anglais ne lui permettait pas d’accéder à des postes plus hauts gradés, mais aussi parce que l’attitude envers le français le «décourage».

«C’est très lourd. Jusqu’à environ deux ans passés, je me battais bec et ongles pour le français au travail», se souvient-il.

Mais se battre lui a déjà donné «mauvaise presse» auprès de gestionnaires qui refusaient de le superviser dans la langue de son choix. «Juste parce que j’ai fait valoir mon droit», déplore Isaac. Le harcèlement dont il estime avoir été victime aurait commencé après cet incident.

«Mes tâches sont présentement à 95 % en anglais. Mes collègues, [même les] bilingues, préfèrent parler en anglais, donc ça devient très difficile pour moi de m’exprimer dans la langue de mon choix.»

De son côté, Félix était témoin d’une tendance lourde et démoralisante : les collègues qui se plaignaient de devoir apprendre le français. «C’est tellement insultant d’entendre des gens me regarder en pleine face et me dire que ma langue est une perte de temps.»

La langue «par défaut»

Dans le bureau où il travaille, la langue d’usage est «par défaut l’anglais», affirme Isaac, même chez les francophones, comme le suggère cette anecdote.

«On était quatre personnes en appel conférence et on se parlait tous en anglais. Après une demi-heure de discussion, quand on avait presque terminé [la réunion], quelqu’un a demandé : “On a tous un fort accent en anglais, est-ce que vous êtes tous francophones sur l’appel?” On a tous dit “oui”.»

Une étude confirme le phénomène 

Dans une étude parue en juillet, deux chercheurs de l’Université d’Ottawa concluent que «l’aptitude à utiliser la langue officielle de son choix dans le lieu de travail est un facteur prédictif important de l’intention de quitter chez les fonctionnaires anglophones et francophones».

La recherche suggère que 40 % des fonctionnaires anglophones et francophones qui rapportent une faible capacité à utiliser la langue officielle de leur choix au travail ont l’intention de quitter leur poste actuel pour un autre dans la fonction publique.

Certains songent même à carrément quitter l’appareil fédéral.

La surprise de notre étude, c’est qu’on pensait que cet effet serait particulièrement fort chez les francophones, mais il l’était aussi chez les anglophones

— Luc Turgeon, professeur titulaire à l’École d’études de l’Université d’Ottawa

De retrouver la même tendance chez les anglophones «n’est pas totalement farfelu, ajoute-t-il. [Ils] ont peut-être plus d’options à l’extérieur de la fonction publique, surtout à l’extérieur du Québec.»

À titre de comparaison, la probabilité de quitter son poste s’élève seulement à 26 % parmi les fonctionnaires qui expriment une haute capacité à travailler dans la langue officielle de son choix.

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«Le gouvernement investit des ressources importantes pour former ces gens, dit Luc Turgeon. Il y a un cout à les perdre. […] Une perte de talent aussi, potentiellement. Aussi, ça donne une image problématique de la fonction publique, où le bilinguisme est soi-disant l’une de ses caractéristiques fondamentales.»

Le franco de service

«En fait, ils m’ont embauché parce qu’ils voulaient que je fasse tout le travail en français», remarque Félix. «Mais quand tout le monde fonctionne en anglais tout le temps, le français devient une dernière pensée. On disait “ah! Ben Félix va s’en occuper”.»

C’est assez commun qu’en te voyant arriver, les gens disent “oh un francophone!” Et tout à coup, même si ce n’est pas ton travail [ni ton expertise], tu deviens le traducteur automatique, l’expert du français.

Isaac, lui, n’est pas traducteur. Plus d’une fois, celui-ci a été obligé de traduire des documents à cause de délais de traduction trop longs ou d’une mauvaise traduction. «Je me suis claqué la job de traducteur, mais je n’ai pas le salaire de traducteur», dénonce-t-il.

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D’ailleurs, on attend des francophones qu’ils parlent anglais, même si leur poste ne l’exige pas forcément, explique Isaac.

Il l’a remarqué lors d’une réunion où l’anglais régnait. «C’est épuisant d’écouter les interprètes à longueur de journée […] et parfois, les acronymes étaient seulement en anglais. [Les francophones] ne participaient pas.» Dans les activités en sous-groupe, où étaient mélangés francophones et anglophones, les interprètes disparaissaient, affirme-t-il.

Lors d’une autre réunion, le fonctionnaire a retourné la situation : «J’étais le seul francophone. […] Je leur ai dit “je vais me gâter en parlant en français, vous allez mettre vos casques d’écoute à chaque fois que je parle et vous allez subir ce qu’un francophone subit [normalement]”. Ils ont trouvé leur journée pénible, mais j’ai trouvé que c’était un bon exercice.»

*Les prénoms ont été modifiés pour des raisons de sécurité et de confidentialité.

La récente nomination de Victor Boudreau au Sénat a fait sourciller quelques commentateurs à cause de son passé de ministre libéral au Nouveau-Brunswick.

Si le PCC remporte la prochaine élection, «des sénateurs de gros bon sens qui vont couper les taxes et les impôts, bâtir des logements, réparer le budget et stopper les crimes» seront nommés, assure le député Andrew Scheer. 

Photo : Wikimedia Commons

L’Acadien est d’ailleurs loin d’être le seul sénateur nommé après la réforme ayant un passé libéral. Clément Gignac était ministre libéral au Québec. Pat Duncan était première ministre libérale du Yukon.

Le Sénat compte aussi dans ses rangs d’anciens candidats du Parti libéral du Canada (PLC). Michelle Audette, par exemple, a fait campagne pour la formation en 2015; Bernadette Clément en 2011 et en 2015.

Selon le leadeur conservateur à la Chambre des communes, Andrew Scheer, «Trudeau a menti aux Canadiens en disant qu’il rendrait le Sénat indépendant et non partisan».

«La réalité est que presque toutes les personnes qu’il a nommées sont en fait des sénateurs libéraux. Les nominations de Trudeau ne visent qu’à faire avancer son programme inflationniste et couteux», écrit-il dans une réponse par courriel.

Alors, qu’en est-il du Sénat indépendant promis par Justin Trudeau?

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Pour la petite histoire

En janvier 2014, Justin Trudeau annonce l’expulsion des sénateurs libéraux du caucus national du PLC afin de limiter la partisanerie au Sénat. Les 32 expulsés commencent à siéger comme indépendants.

En 2015, Justin Trudeau annonce la création d’un Comité consultatif indépendant sur les nominations au Sénat ayant pour mission de conseiller le premier ministre sur les candidats.

À la suite de ces changements, des groupes de sénateurs se sont formés. Aujourd’hui, outre les sénateurs affiliés au Parti conservateur du Canada (PCC), la Chambre haute compte également des sénateurs non affiliés ainsi que des sénateurs affiliés au Groupe des sénateurs indépendants, au Groupe des sénateurs canadiens et au Groupe progressiste du Sénat.

Le passé politique

Le sénateur Scott Tannas confirme que la réforme a permis plus d’indépendance au Sénat. On le voit dans le nombre d’amendements proposés par le Sénat dans les projets de loi émanant du gouvernement, dit-il.

Scott Tannas soutient toujours le PCC, mais son travail au Sénat est guidé par ce qu’il estime être la meilleure chose pour le pays et pour la province qu’il représente, assure-t-il. 

Photo : Sénat du Canada

Selon lui, les sénateurs nommés depuis 2015 «sont issus d’un large éventail de milieux différents». «Certains d’entre eux ont peut-être comme instinct premier de penser à ce que veut le gouvernement. Mais la majorité d’entre eux réfléchissent aux décisions du gouvernement, aux impacts de celles-ci sur leurs provinces et au meilleur rôle possible que peut jouer le Sénat.»

Qu’un sénateur ait fait de la politique auparavant ne dérange pas le sénateur Pierre Dalphond : «Ce sont des gens qui ont servi, qui comprennent la politique, qui savent que la politique fonctionne par majorité sans quoi rien n’avance.»

«Il y a une procédure extrêmement complexe à suivre. Les projets de loi arrivent et il y a 300 articles. […] Ça demande des habiletés que l’on retrouve en général chez des personnes qui ont déjà eu une expérience politique», confirme Serge Joyal, un ancien sénateur.

Définir l’indépendance

«L’indépendance, c’est quand ta première pensée n’est pas ce qu’un parti politique t’ordonne de faire, explique de son côté Scott Tannas. La deuxième étape, c’est la pensée critique. Est-ce que tu représentes les intérêts régionaux? Que pense ta province de la législation?»

Selon Pierre Dalphond, la présence d’une opposition officielle au Sénat, qui a pour mission de relever les failles des projets de loi étudiés, demeure importante. 

Photo : Courtoisie

Et troisièmement, ajoute-t-il, «un sénateur indépendant doit penser à l’institution».

«Quand tu fais partie d’un caucus, ta première pensée est : “que font les autres?”», raconte-t-il. Scott Tannas fait partie de ceux qui ont quitté le caucus conservateur pour former le Groupe des sénateurs canadiens.

Dans les mots de Pierre Dalphond, l’indépendance «permet de dire “je ne le fais pas parce que le parti [ou le chef] me demande de le faire. Je le fais parce que je pense que c’est la meilleure décision à prendre”.»

Selon lui, l’absence de whip et de discipline de parti oblige à la coopération : «Il faut essayer de bâtir des majorités vote par vote, question par question, projet de loi par projet de loi.»

Et ce travail entraine des discussions et du respect, poursuit-il. «Je trouve que là-dessus, on est plus intéressants que la Chambre des communes.»

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Un sénat «atomisé»

Serge Joyal faisait partie du groupe de sénateurs exclus du caucus libéral en 2014. Selon lui, la réforme «paraissait bien sur papier», mais pose des problèmes en pratique.

Serge Joyal a été sénateur jusqu’en 2020, quand il a atteint l’âge maximal de 75 ans. Selon lui, la réforme «affaiblit l’institution du Sénat». 

Photo : Sénat 2017

«Quand vous n’avez pas la force d’un parti politique pour tenir tête au gouvernement dans le débat public, vous atomisez les individus, explique-t-il. Ils peuvent se réunir en groupe comme ils le font actuellement, mais la règle d’or de leur positionnement est que chacun est libre de voter comme il veut.»

«En d’autres mots, on a exclu ce qui fait la force essentielle d’un parti politique : le vote du groupe.»

Serge Joyal raconte que l’individualisation des sénateurs a créé un déséquilibre dans les rapports de pouvoirs entre les deux chambres. Les sénateurs sont seuls et plus vulnérables face à l’influence politique.

«Les ministres ont tendance à appeler les sénateurs individuellement pour tenter de les convaincre d’appuyer leurs projets de loi», raconte-t-il. Une situation qu’il a lui-même vécue à plusieurs reprises après son exclusion du caucus.

Le débat public est donc affaibli, réitère-t-il, «parce que ces discussions se retrouvent à huis clos, dans le privé des bureaux des ministres».

Les Canadiens ne sont pas convaincus

«L’opinion publique n’est pas plus favorable au Sénat qu’elle l’était avant», affirme quant à lui Marc-Antoine Rancourt, coauteur d’une étude parue en 2023 sur l’opinion publique des Canadiens face au Sénat.

Marc-Antoine Rancourt recense un manque de confiance de plusieurs Canadiens envers le Sénat, et ce, même des années après la réforme. 

Photo : Émilie Pilon

Selon les résultats, près de la moitié des électeurs seraient en faveur de l’abolition du Sénat.

«Si le but de Justin Trudeau était d’améliorer la perception du Sénat dans l’œil publique, ça n’a peut-être pas fonctionné», constate l’étudiant au doctorat à l’Université de Toronto.

L’étude suggère une variable clé : le populisme. «C’est la conception d’une institution élitiste et bourgeoise qui ne [travaille] pas pour le peuple» qui semble handicaper la réputation du Sénat, même des années après la réforme.

De plus, les sénateurs ne sont pas élus par la population, rappelle le chercheur. «Ils sont toujours nommés. Ce sont des gens qui ont réussi dans leur domaine propre […]. Il y a une déconnexion entre les caractéristiques des sénateurs et les caractéristiques démographiques du citoyen moyen.»

René Arseneault est devenu député fédéral libéral de Madawaska–Restigouche, au Nouveau-Brunswick, en 2015.

De 2019 à 2021, il a occupé la fonction de secrétaire parlementaire de la ministre du Développement économique et des Langues officielles de l’époque, Mélanie Joly. Il est membre du Comité permanent des langues officielles depuis septembre 2016 et en assume la présidence depuis décembre 2021.

Il a notamment déposé, en 2024, le projet de loi C-347, qui visait à rendre optionnel le serment d’allégeance à la Couronne britannique pour les élus canadiens. Un serment «humiliant», selon lui.

Son projet a été défait, à 197 voix contre 113, notamment parce qu’une majorité de ses collègues libéraux ont voté contre. À l’issue du vote, l’hymne national britannique God Save the King avait éclaté en Chambre des communes.

Aujourd’hui, le député acadien est prêt à mettre un terme à son aventure politique. Après presque dix ans de service public, il rentrera chez lui pour amorcer un nouveau chapitre de sa vie.

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Francopresse : Pourquoi quittez-vous la politique?

René Arseneault : Pour des raisons [familiales]. Ça fait cliché, mais c’est la réalité. À un moment donné, il n’y a plus la passion de faire de la politique.

J’ai le privilège de le faire, de travailler pour nos organismes à but non lucratif, avec nos municipalités, avec nos PME, mais tout ça, ça apporte un sacrifice qui est la négligence, si on veut, de sa propre famille. Le poids de ce sacrifice commence à être aussi lourd ou même un peu plus lourd que la passion.

Et puis, en région rurale, les avions ne sont pas vraiment commodes par rapport aux horaires qu’on a. Si je prends un train, c’est dix-sept heures de route [pour me rendre à Ottawa depuis ma circonscription]. La plupart du temps, je conduis. C’est neuf heures et demie ou dix heures de route : aller dix heures, retour dix heures. Ça devient épuisant.

Donc le poids de ça fait en sorte qu’on se néglige, qu’on néglige sa famille immédiate, ses parents, son réseau d’amis qu’on a depuis toujours.

Je suis devenu grand-père récemment et je tiens à être là avec ma petite fille et mes futurs petits-enfants qui, espérons-le, vont venir en quantité.

Quel bilan dressez-vous pour les langues officielles, après presque dix ans de gouvernement libéral?

La modernisation de notre Loi sur les langues officielles (C-13), ç’a été une expérience extraordinaire, et je pense qu’on a fait du bon boulot. Espérons que dans les cinq prochaines années, on verra quel effet ça va donner.

Le Commissaire aux langues officielles, par exemple, a des dents pour sévir, ce qui n’existait pas au cours des 52 dernières années.

Le fait que l’immigration fait maintenant partie de cette loi quasi constitutionnelle comme étant une solution pour ramener la proportion francophone hors Québec à ce qu’elle était en 1971, c’est extraordinaire.

Ce ne sont que des exemples.

Aussi, il y a quelques années, le Parti libéral a demandé à Statistique Canada qu’on fasse parvenir [à la population] le formulaire court sur les ayants droit. Et le dernier recensement, celui de 2021, nous donne des données extraordinaires de qui sont ces ayants droit, où ils sont situés.

Avant, c’était des luttes de 10, 12, 15 ans pour faire construire des écoles, parce qu’il fallait que le nombre [d’ayants droit le] justifie. Maintenant, avec le recensement de 2021, on sait exactement combien il y en a par quartier, par rue, par code postal.

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René Arseneault (à droite), à côté du député acadien libéral Darrell Samson, lors de la sanction royale du projet de loi C-13. Le sénateur acadien René Cormier est au micro, avec derrière lui Ginette Petitpas Taylor (en rouge) et Monia Fortier (en blanc). 

Photo : Marianne Dépelteau – Francopresse

Êtes-vous optimiste par rapport à l’avenir de la francophonie hors Québec?

Quand j’étais jeune [dans les années 1970], René Lévesque avait dit des francophones hors Québec que nous étions des canards morts. En anglais, des dead ducks. Dans les années 1990, Yves Beauchemin, un auteur bien connu, nous avait traités de cadavres encore chauds.

Je peux vous dire que les cadavres sont toujours assez fringants. […] Et on est toujours là parce qu’il faut toujours se battre. La francophonie hors Québec, comme le dit l’adage, c’est un combat continuel, c’est le combat d’une vie.

Le latin est tombé, le grec est tombé. Il y a des pays comme la Finlande et la Suède qui sont des petits pays qui doivent aussi se battre contre la marée anglophone et qui sont bien plus petits que nous, les francophones hors Québec. Et nous, on a l’avantage d’être [la cinquième] langue la plus parlée [au monde], la deuxième en Occident.

Mais il ne faut pas être naïf, il faut toujours garder l’œil ouvert et il faut se lever plus tôt, puis se coucher plus tard que les autres pour faire valoir nos droits.

Comment interprétez-vous le fait que certains libéraux aient voté contre le projet de loi C-347?

Il y avait beaucoup d’incompréhension. C’était un vote libre. Évidemment, quand on ne sait pas quel côté voter, on regarde comment va voter notre gouvernement.

Mon projet de loi était tout simple. Je regrette que mon gouvernement n’ait même pas pris le temps de me parler à ce sujet-là et de s’assoir pour avoir un dialogue académique sur le côté juridique de cette modification constitutionnelle qui, je le répète, est mineure, n’a aucun effet sur les provinces, n’a aucun effet sur l’architecture constitutionnelle du Canada et ne concerne que les futurs députés et sénateurs à être assermentés.

J’ai des regrets, ça laisse une petite cicatrice à mon cœur d’Acadien et de francophone hors Québec, mais ce n’est pas la raison pour laquelle je ne me représente pas en politique. C’était une goutte parmi tant d’autres.

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Parlons de votre propre avenir. Avez-vous des projets?

C’est certain que je retourne dans le secteur privé. […] Ça se pourrait très bien que je retourne au droit, que je devienne un avocat consultant… tout est possible.

Puis si je suis chanceux, je vais faire de la musique! C’est une blague, parce que je suis musicien, mais on peut dire que je n’ai pas composé ma dernière chanson. Il en reste encore beaucoup à composer.

Les propos ont été réorganisés pour des raisons de longueur et de clarté.

Les francophones en situation minoritaire sont de plus en plus nombreux à vivre en zone urbaine. Selon Statistique Canada, en 2021, 57 % résidaient dans une région métropolitaine de 100 000 habitants ou plus, contre 45 % dix ans plus tôt.

«La concentration de la majorité des nouveaux arrivants de langue française dans les grandes villes joue pour beaucoup dans ce phénomène d’urbanisation», analyse Jean-Pierre Corbeil, professeur associé au département de sociologie de l’Université Laval, à Québec.

«Les immigrants préfèrent s’installer dans des centres qui font preuve de dynamisme économique avec de l’emploi à proximité, mais aussi des services et des écoles», poursuit le chercheur.

Les francophones éparpillés

La ville attire, certes, mais «la tendance des francophones en situation minoritaire à s’urbaniser reste en deçà de celle des Canadiens de langue anglaise résidant hors Québec», précise Étienne Lemyre, analyste au Centre de démographie de Statistique Canada.

Le sociologue Jean-Pierre Corbeil explique qu’historiquement, les quartiers francophones des grandes villes étaient des zones relativement pauvres : «Les francophones avaient un statut socioéconomique et des revenus moyens inférieurs à ceux des anglophones.» Photo : Courtoisie

Photo : Courtoisie

En 2021, 74 % de la population anglophone à l’extérieur de la Belle Province vivait ainsi dans une région métropolitaine de 100 000 habitants ou plus.

Dans la plupart des grandes agglomérations, les francophones en situation minoritaire sont éparpillés sur l’ensemble du territoire, explique Étienne Lemyre. Halifax, Toronto, Edmonton, Calgary ou encore Vancouver ne comptent pas de quartier francophone.

«L’existence d’une école française témoigne néanmoins de la présence d’une communauté francophone dans un rayon de 25 kilomètres», avance Jean-Pierre Corbeil.

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Départ francophone dans le Grand Sudbury

Statistique Canada vient de terminer une étude sur les migrations dans le Grand Sudbury, car la région métropolitaine de 163 000 habitants dans le nord de l’Ontario connait une baisse du nombre de francophones.

Ils ne représentent plus que 23 % de la population, contre 27 % en 2006, alors même que le nombre total de Sudburois a augmenté sur la même période.

«Les francophones qui quittent le Grand Sudbury ont entre 17 et 29 ans. Ils partent à la recherche d’un emploi ou pour leurs études vers Montréal ou Ottawa», expose Gabriel St-Amant, coauteur de l’étude, dont les résultats ont été présentés au Colloque «La ville et ses frontières linguistiques», organisé par le Réseau de la recherche sur la francophonie canadienne à l’Université de Moncton les 21 et 22 aout.

Néanmoins, «ces migrations ont joué à la marge sur la décroissance de la population francophone», insiste le statisticien. À ses yeux, le principal facteur serait plutôt la «perte de transmission du français entre les générations.»

Bastions francophones à Ottawa, Moncton et Winnipeg

À cause de la dispersion géographique des francophones, Étienne Lemyre estime que «le français est susceptible d’être moins utilisé», que ce soit à la maison, au travail ou dans l’espace public. «La représentation politique de la minorité linguistique peut s’en trouver affaiblie.»

«L’accès aux services en français est aussi plus difficile, ajoute Jean-Pierre Corbeil. Des parents peuvent mettre leurs enfants en immersion ou dans des établissements anglophones, car l’école en français est trop loin de chez eux.»

D’après Étienne Lemyre de Statistique Canada, le poids démographique des francophones dans leurs bastions historiques tend à diminuer, notamment à Ottawa et Winnipeg. 

Photo : Courtoisie

Trois grands centres urbains font cependant exception. Le quartier Saint-Boniface à Winnipeg, ceux de Vanier, Côte-de-Sable et Basse-Ville à Ottawa, ainsi que le centre-ville de Moncton constituent des enclaves francophones historiques.

Seule ombre au tableau, «le poids démographique des francophones dans ces quartiers tend à diminuer et à tomber sous le seuil des 50 %», observe Étienne Lemyre.

«Les francophones et les anglophones ont tendance à vivre aux mêmes endroits, il y a plus de mixité», complète l’analyste.

À Vanier, 60 % des habitants parlaient le français en 1971, ils n’étaient plus que 36 % en 2021.

Selon Étienne Lemyre, plusieurs hypothèses pourraient expliquer cette évolution démographique. La population francophone vieillissante laisserait la place à de nouvelles générations beaucoup plus «mobiles», prêtes à s’installer dans des environnements anglophones. La multiplication des mariages exogames avec un conjoint anglophone pourrait également être une piste.

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Le français invisible 

De son côté, Jean-Pierre Corbeil considère que la désaffection des nouveaux arrivants pour les quartiers historiquement francophones pourrait causer ce déclin.

«Les immigrants ne vont pas nécessairement s’établir là où réside déjà une communauté de langue française, beaucoup d’autres facteurs entrent en ligne de compte, souligne le sociologue. Ils s’installent en priorité là où résident des gens de leur pays d’origine, c’est le premier incitatif.»

La bonne nouvelle vient d’Acadie. Au Nouveau-Brunswick, Dieppe et les quartiers est de Moncton sont devenus une région majoritairement francophone au cours des dernières années.

L’Université de Moncton à proximité semble attirer une population immigrante et jeune, âgée de 18 à 24 ans.

— Étienne Lemyre.

Si quelques quartiers francophones subsistent à travers le pays, ils restent très discrets dans le paysage urbain. «La langue minoritaire n’est pas suffisamment affichée et valorisée alors qu’elle devrait avoir pignon sur rue, regrette Jean-Pierre Corbeil. On a besoin de plus d’invitation à utiliser le français dans l’espace public, c’est le nerf de la guerre.»

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Plus sur la francophonie

Plus de 2,7 millions de dollars seront octroyés sur deux ans à l’Université de Moncton, au Nouveau-Brunswick, pour moderniser les équipements spécialisés de ses trois campus, afin qu’ils «répondent aux normes actuelles du marché du travail», peut-on lire dans le communiqué de presse paru jeudi.

Une moitié sera versée par le gouvernement fédéral, l’autre par la province. Des travaux de rénovation sont notamment prévus sur les campus d’Edmundston et de Shippagan.

Le financement devrait également permettre de remplacer l’équipement informatique de l’établissement.

Plus de 2,7 millions de dollars seront octroyés sur deux ans à l’Université de Moncton, au Nouveau-Brunswick, pour moderniser ses équipements.

Photo : Archives Acadie Nouvelle

Si l’éducation reste une compétence provinciale, certains acteurs du milieu souhaitent la mise en place d’une stratégie nationale sur le postsecondaire, incluant une réflexion sur le financement des établissements francophones en s’appuyant sur la Loi sur les langues officielles.

Selon la sénatrice indépendante Lucie Moncion, une telle stratégie permettrait notamment d’investir dans les infrastructures des universités, sans empiéter sur les champs de compétences des provinces.

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Le gouvernement fédéral a annoncé jeudi un investissement de près de 590 000 dollars pour accompagner de nouveaux entrepreneurs francophones dans l’Est de l’Ontario, dans le cadre du programme CACIA-IDE (Communauté d’affaires du CÉSOC pour l’incubation et l’accélération d’entreprise – Initiative de développement économique), qui sera lancé en septembre 2024.

Piloté par le Conseil Économique et Social d’Ottawa-Carleton (CÉSOC), ce nouveau programme de mentorat devrait soutenir jusqu’à 100 entrepreneurs francophones, dont 50 entreprises, dans leur démarche. Ils pourront notamment bénéficier de formations et de séances interactives.

Cet investissement s’inscrit dans le Plan d’action pour les langues officielles 2023-2028 du gouvernement fédéral.

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Transport à l’arrêt, gel des embauches et financement pour les pensionnats autochtones

Le ministre du Travail fédéral Steven MacKinnon a imposé jeudi un arbitrage exécutoire pour mettre fin au conflit de travail dans le réseau ferroviaire. 

Photo : Marianne Dépelteau – Francopresse

Les deux principales compagnies ferroviaires du pays, le Canadien Pacifique Kansas City (CPKC) et la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) ont mis leurs 9 300 employés en lockout, un peu après minuit, jeudi.

«Les compagnies de chemins de fer ne se soucient pas des agriculteurs, des petites entreprises, des chaines d’approvisionnement ou de leurs propres employés. Leur seul objectif est d’augmenter leur bénéfice net, même si cela signifie mettre en péril l’ensemble de l’économie», a affirmé par communiqué Paul Boucher, le président de la Conférence ferroviaire de Teamsters Canada, le syndicat qui représente les travailleurs des deux compagnies. Ce dernier avait déposé un préavis de grève de 72 heures le 18 aout.

Les compagnies ferroviaires et le premier ministre québécois François Legault ont pressé le gouvernement fédéral d’agir cette semaine pour éviter la grève, sans succès.

Une grève dans le secteur pourrait priver l’économie canadienne de plus de 106 millions de dollars par jour, ont estimé dans un communiqué les Manufacturiers et Exportateurs du Québec (MEC).

Le ministre du Travail, Steven MacKinnon, a annoncé jeudi en fin d’après-midi en conférence de presse qu’il imposait un arbitrage exécutoire final. Il a demandé au Conseil canadien des relations industrielles de prolonger la durée des conventions collectives actuelles jusqu’à ce que de nouvelles soient signées.

À peine deux heures plus tard, le Canadien National a annoncé la fin du lock-out dès 18 h jeudi et a immédiatement mis en œuvre un plan de reprise de son réseau canadien.

Jeudi toujours, les pilotes d’Air Canada ont voté en faveur d’un mandat de grève, qu’ils pourraient déclencher dès le 17 septembre.

Les négociations entre les employés et la compagnie aérienne sont en cours depuis juin 2023 et sont supervisées par un conciliateur. Les pourparlers devraient prendre fin lundi prochain et être suivis d’une période de réflexion de trois semaines.

Québec a demandé et obtenu d’Ottawa la suspension temporaire du Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) dans la région de Montréal, pour les emplois dont le salaire est inférieur à 27,47 $/heure, dès le 3 septembre prochain.

Dans le viseur du gouvernement provincial : le volet des postes à bas salaires du PTET, le fédéral comme Québec craignant un abus de la part des employeurs canadiens.

Ottawa avait déjà annoncé début aout que «certaines régions» seraient ciblées par des mesures pour lutter contre la fraude dans le cadre du PTET.

Toutefois, «les employeurs qui présentent une demande d’EIMT pour des postes dans certains groupes de l’industrie du Système de classification des industries de l’Amérique du Nord ne seront pas touchés, dont ceux des secteurs de l’agriculture, de la construction, la transformation des aliments, l’éducation, de la santé et des services sociaux», indique par communiqué le gouvernement fédéral.

Mardi, le premier ministre François Legault a également annoncé le dépôt d’un projet de loi à l’automne pour encadrer la venue d’étudiants étrangers sur le territoire québécois, pour notamment mettre fin à des «abus».

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«Notre intention était de financer le plus grand nombre d’initiatives possible, mais nous reconnaissons que le manque de flexibilité de ces changements était une erreur», a déclaré Gary Anandasangaree.

Photo : Marianne Dépelteau – Francopresse

Il n’y aura plus de plafond de 500 000 dollars pour les projets visant la recherche des enfants qui ne sont pas rentrés chez eux après avoir fréquenté des pensionnats, a annoncé le gouvernement fédéral vendredi dernier.

«Notre intention était de financer autant d’initiatives que possible, mais nous reconnaissons que le manque de flexibilité de ces changements a été une erreur», a admis le ministre des Relations Couronne-Autochtones, Gary Anandasangaree, par voie de communiqué.

Les communautés pouvaient auparavant recevoir jusqu’à 3 millions de dollars par an par l’intermédiaire du Fonds de soutien communautaire pour les enfants disparus des pensionnats.

La décision de plafonner ce financement avait soulevé une vague de critique en juillet dernier.

Les récents changements apportés au Fonds «n’ont pas respecté notre engagement solennel de retrouver les enfants», a déclaré Gary Anandasangaree.

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Le 31e rapport sur la fonction publique du Canada déposé par Justin Trudeau cette semaine à la Chambre des communes a pour but de rappeler les politiques exercées cette année par le gouvernement, telles que la construction de nouveaux logements ou encore l’accès aux soins dentaires pour les Canadiens.

Le rapport évoque aussi les efforts pour faire progresser «la réconciliation, la lutte contre le racisme, l’équité, la diversité et l’inclusion», et ainsi favoriser un «changement de culture» au sein de la fonction publique.

Une volonté présente, mais entachée de plusieurs ratés, puisqu’un recours à l’initiative de fonctionnaires fédéraux racisés est en cours pour faire reconnaitre qu’une inégalité de traitement et d’accès à des opportunités professionnelles existe entre eux et leurs collègues blancs.

La vérificatrice générale avait d’ailleurs souligné les manquements de la fonction publique à cet égard dans un rapport.

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Le 8 aout dernier, à Halifax, le ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et des Langues officielles, Randy Boissonnault, annonçait un investissement de 227,9 millions de dollars sur cinq ans dans le cadre d’ententes bilatérales pour soutenir l’offre de services offerts aux communautés de langue officielle en situation minoritaire (CLOSM).

Selon Rémi Léger, des clauses linguistiques dans les ententes garantiraient une considération des besoins des CLOSM. 

Photo : Courtoisie

Ces ententes, signées avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, visent des secteurs de juridiction provinciale tels que la santé, l’éducation et les services de garde.

«Dans la Constitution de 1867, on partage les pouvoirs entre le fédéral et les provinces et on partage aussi les pouvoirs de taxation», explique Rémi Léger, professeur agrégé de sciences politiques à l’Université Simon Fraser, en Colombie-Britannique.

«Sauf que ce pouvoir de taxation est inégal : celui du gouvernement fédéral est plus étendu que celui des provinces», souligne-t-il. Ce déséquilibre permet au gouvernement fédéral de dépenser dans des champs de compétences provinciales, comme la santé et l’éducation.

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Pallier un manque d’ambition

Si certaines ententes bilatérales sont spécifiques aux francophones en situation minoritaire, c’est que le fédéral, soumis à la Loi sur les langues officielles, «veut appuyer le français et anglais à l’échelle fédérale», estime le chercheur.

«Les provinces et territoires n’ont pas toujours cette même ambition. […] Au fil des années, le gouvernement fédéral a compris que s’il voulait effectivement faire la promotion de ces deux langues, il allait devoir lui-même intervenir, parce que certaines provinces étaient très peu ou pas du tout intéressées par ce projet.»

Au niveau des langues officielles, plusieurs gouvernements se fient sur le fédéral pour offrir des services en français.

— Liane Roy, présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA)

«Toutes les ententes bilatérales visent à aider les provinces et territoires à offrir des services provinciaux, territoriaux et municipaux dans la langue de la [CLOSM]», confirme le bureau de Randy Boissonneault par courriel.

Et pour la reddition de compte, le gouvernement fédéral effectue une vérification annuelle «à l’aide de rapports sur les dépenses et les résultats soumis par les gouvernements des provinces et territoires», lit-on.

Mais selon Rémi Léger, les ententes non spécifiques aux CLOSM ne leur assurent pas systématiquement une offre de services. «Dans certains cas, [les francophonies] ne sont pas du tout impliquées.»

C’est pour cette raison, ajoute-t-il, qu’une discussion sur les clauses linguistiques de ces accords a eu lieu ces dernières années.

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Un nouveau mode de consultation

Lors de la modernisation de la Loi sur les langues officielles, la FCFA avait plaidé pour intégrer de telles clauses dans les ententes, afin d’obliger le fédéral à rappeler aux provinces et territoires, lors les négociations, l’importance de fournir des services aux francophones.

Liane Roy prévoit des changements dans les négociations à cause de la nouvelle Loi sur les langues officielles. 

Photo : Courtoisie

«L’exemple parfait, raconte Liane Roy, c’est quand le fédéral a annoncé, il y a quelques années, le beau programme de garderies à dix dollars par jour. On s’est aperçu que plusieurs provinces ne donnaient pas de services de garde en français à dix dollars par jour.»

Pour savoir ce dont ont besoin les francophones, les gouvernements ont longtemps consulté les associations porte-parole des francophones en situation minoritaire ou les groupes dont le mandat est spécifique à un enjeu, comme l’éducation. Liane Roy donne l’exemple des regroupements de parents «qui mettaient pression envers les gouvernements provinciaux ou territoriaux».

«Mais depuis la nouvelle Loi sur les langues officielles, le fédéral a un devoir de consulter les communautés. C’est bien écrit dans la loi», fait-elle remarquer. «Là, on attend la règlementation pour qu’ils nous définissent ce que veut dire une consultation.»

Quand, comment et par l’entremise de qui seront consultés les francophones hors Québec? Un projet de règlement devrait être déposé au Parlement début 2025, a assuré la présidente du Conseil du Trésor, Anita Anand.

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Inviter les francophones à table

Pour l’instant, l’obligation de consultation les CLOSM ne s’applique pas au cadre des négociations, réservé aux provinces et au gouvernement fédéral.

Jean-Michel Beaudry explique qu’au Manitoba, dans certains cas, c’est la communauté francophone elle-même qui livre les services en français. 

Photo : Courtoisie

La Société de la francophonie manitobaine (SFM), par exemple, ne prend pas forcément part à ces discussions. Elle doit espérer que les enjeux qu’elle soulève auprès de la province seront reflétés dans les ententes finales.

«La SFM n’est pas nécessairement impliquée directement», confirme le directeur général de la SFM, Jean-Michel Beaudry. «Je pense que la meilleure pratique serait peut-être de s’assoir tous les trois à l’entour de la table.»

Rémi Léger aimerait aussi voir des ententes tripartites : «Je comprends que la francophonie ne va pas mettre d’argent sur la table, mais le parallèle qu’on peut faire, c’est avec les populations autochtones. Lorsque des ententes sont conclues, [celles-ci] sont de plus en plus présentes à la table.»

Des secteurs chauds

Selon Liane Roy, le continuum de l’éducation francophone, notamment les garderies et le postsecondaire, reste le secteur à prioriser dans les ententes bilatérales. Elle met surtout l’emphase sur la petite enfance.

Si tu n’as pas accès à des services de garde en français et que tu dois envoyer tes enfants dans des garderies anglophones, c’est plus difficile après de réintégrer le système scolaire francophone.

— Liane Roy

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Jean-Michel Beaudry ajoute aux enjeux importants le tourisme, les sports et loisirs, le développement économique et les services municipaux. Mais peu importe l’enjeu, il arrive que la francophonie ait à se retrousser les manches elle-même.

Le Manitoba «est une province où les services gouvernementaux, dans certains cas, ne sont pas offerts directement par la province. On a bâti ensemble la capacité communautaire pour offrir ces services», illustre le directeur général. Des centres francophones, par exemple, viennent pallier le manque d’offre à l’aide des ententes.