le Mercredi 11 septembre 2024
le Mardi 4 juin 2024 6:30 Politique

La ministre du Patrimoine accusée d’esquiver ses obligations par l’opposition

Pourquoi faire confiance à Francopresse.
La ministre du Patrimoine canadien, Pascale St-Onge, ne témoignera pas sur la question spécifique des langues officielles. Selon un décret, ce serait plutôt au ministre des Langues officielles de le faire.  — Photo : Courtoisie
La ministre du Patrimoine canadien, Pascale St-Onge, ne témoignera pas sur la question spécifique des langues officielles. Selon un décret, ce serait plutôt au ministre des Langues officielles de le faire.
Photo : Courtoisie
FRANCOPRESSE – La ministre du Patrimoine canadien refuse de témoigner devant le Comité permanent des langues officielles. Selon des conservateurs, c’est un faux pas de sa part. Selon la loi, elle serait dans son droit. Ce qui est clair, c’est que le rôle de chacun face aux langues officielles mérite d’être défini.
La ministre du Patrimoine accusée d’esquiver ses obligations par l’opposition
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Depuis quelques semaines, les députés conservateurs du Comité permanent des langues officielles reprochent à la ministre du Patrimoine canadien, Pascale St-Onge, de refuser de venir témoigner.

Le député conservateur Joël Godin a publicisé ce reproche sur X le 18 mars. Il a statué que «le public mérite de savoir que la ministre se défile de ses obligations».

«Qu’est-ce qu’elle cache?», s’est-il interrogé.

Le 28 mai, la ministre a rétorqué sur le même réseau social : «Vous savez très bien que le ministre responsable des langues officielles est Randy Boissonnault et qu’il vient régulièrement répondre à vos questions. Vous pouvez arrêter d’induire les Canadiens en erreur.»

Questionnée par Francopresse sur la situation, la ministre réitère ces mêmes propos.

Le ministre Boissonnault a quant à lui été invité ce mois-ci à revenir témoigner devant le Comité, dans le cadre de l’étude sur le financement fédéral des établissements postsecondaires. Il a refusé.

Il était déjà venu le 9 mai, mais il n’a jamais pu témoigner en raison des débats sur les propos de Francis Drouin, qui ont fait parler pendant près de trois semaines.

Le bureau du ministre Boissonnault n’a pas répondu à nos demandes d’entrevues.

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«Pas de proactivité» pour la langue, déplore Godin

Selon le député conservateur Joël Godin, la ministre St-Onge «ne connait pas son dossier». 

Photo : Courtoisie – Page Facebook

«Nous avons demandé que la ministre de Patrimoine canadien témoigne en Comité parce que c’est l’une des deux ministres responsables qui est mentionnée en termes de responsabilité dans la Loi sur les langues officielles», explique Joël Godin en entrevue avec Francopresse.

«Elle s’en lave les mains en déléguant la responsabilité au ministre des Langues officielles […] Elle ne connait pas son dossier», ajoute-t-il.

Le député souhaitait poser des questions à la ministre St-Onge pour «s’assurer de la reddition de comptes, s’assurer que tout est respecté dans l’application de la loi» : «Est-ce qu’il y a des résultats concrets? Qu’est-ce qu’elle va mettre en place pour améliorer les résultats?»

«Il y a urgence d’agir, il y a un déclin du français partout au Canada et il n’y a pas de réaction. Il n’y a pas de proactivité de ce gouvernement-là.»

Selon lui, étant donné que la ministre du Patrimoine canadien exerce des responsabilités en vertu de la Loi sur les langues officielles, il est logique qu’elle vienne témoigner.

Une question «très technique»

Le titre de ministre du Patrimoine canadien est cité une dizaine de fois dans la nouvelle Loi sur les langues officielles. À certains endroits, il est indiqué que ce ministère est impliqué dans la mise en œuvre de la partie VII de la Loi et qu’il doit être consulté par le Secrétariat du Conseil du Trésor à certains moments.

Cependant, un document particulier permet à la ministre St-Onge de refuser de témoigner devant le Comité permanent des langues officielles.

François Larocque explique que, par le moyen de décrets, le gouvernement peut agencer les différents portefeuilles ministériels à sa guise. 

Photo : Valérie Charbonneau – Université d’Ottawa

«Par décret, les fonctions et responsabilités qui relèvent dans la Loi sur les langues officielles à la ministre du Patrimoine ont été transférées au ministre des Langues officielles», explique le professeur de droit à l’Université d’Ottawa, François Larocque.

Dit simplement, quand on veut parler de langues officielles, on s’adresse au ministre des Langues officielles. Et quand on veut parler de patrimoine, on s’adresse au ministre du Patrimoine canadien, détaille-t-il.

Le décret a été émis en vertu d’«une loi que le Parlement a passée il y a des décennies» et qui porte le nom de Loi sur les restructurations et les transferts d’attributions dans l’administration publique.

«[Le gouvernement] rattache essentiellement toutes les compétences et responsabilités qui sont prévues dans une loi [au] ministre qui occupe la fonction», précise François Larocque.

«C’est vraiment très technique, admet-il. C’est vraiment quelque chose qui passe au-dessus de la tête de bien des gens.»

En ce moment, «les responsabilités dans la loi qui sont prévues pour Patrimoine canadien sont celles de Randy Boissonnault», ministre des Langues officielles, confirme le professeur.

Il rappelle que la Loi sur les langues officielles responsabilise d’autres ministères, tels que le ministre de la Justice et le ministre de l’Immigration. «Mais pour l’instant, c’est la responsabilité de Randy Boissonnault.»

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Qui fait quoi?

Le ministre des Langues officielles, Randy Boissonnault, a refusé de témoigner une seconde fois au comité permanent des langues officielles. 

Photo : Marianne Dépelteau – Francopresse

Cette confusion fait écho à l’état actuel de la Loi sur les langues officielles (LLO), qui attend d’être règlementée.

Pour conseiller le gouvernement dans ce processus, la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA) a dévoilé un mémoire, le 28 mai.

«La loi demeure floue sur certaines responsabilités qui incombent au Conseil du Trésor et sur le partage des responsabilités avec le ministère du Patrimoine canadien», peut-on lire.

L’organisme espère que la règlementation permettra de clarifier les responsabilités de chacun. Il propose aussi «que ce soit une agence centrale, soit le Conseil du Trésor, qui se voit pleinement confier le mandat de la mise en œuvre de la LLO».

Joël Godin rappelle que dans le livre blanc sur les langues officielles du gouvernement libéral, il était proposé d’accorder «au Secrétariat du Conseil du Trésor les ressources nécessaires pour assumer le rôle d’organisme central chargé de veiller à la conformité des institutions fédérales».

Le député conservateur avait d’ailleurs proposé un amendement qui allait en ce sens lors de l’étude du projet de loi C-13, qui a modernisé la Loi sur langues officielles.

«On aurait dû prendre plus de temps pour bien faire les choses, mais les libéraux ont précipité et on a accouché», regrette-t-il.

Arif Virani et Marc Miller, respectivement ministre de la Justice et ministre de l’Immigration, ont aussi des responsabilités en vertu de la Loi sur les langues officielles.  

Photos : Marianne Dépelteau – Francopresse

À l’heure actuelle, le Conseil du Trésor doit veiller sur la mise en œuvre de la LLO au sein de l’appareil fédéral. La FCFA note néanmoins dans son mémoire que «le ministère du Patrimoine canadien, à qui revenait une large partie de ces tâches jusqu’à maintenant, n’est pas complètement délesté de ses responsabilités en vertu de la nouvelle Loi».

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Type: Actualités

Actualités: Contenu fondé sur des faits, soit observés et vérifiés de première main par le ou la journaliste, soit rapportés et vérifiés par des sources bien informées.

Ottawa

Marianne Dépelteau

Journaliste

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