le Mardi 11 novembre 2025

Blaise Ndala est originaire du Congo et a fait des études de droit en Belgique avant de s’installer à Ottawa pour y travailler comme juriste dans la fonction publique fédérale.

J’irai danser sur la tombe de Senghor

Il publie son premier roman, J’irai danser sur la tombe de Senghor, en 2014 aux Éditions L’Interligne d’Ottawa. L’ouvrage connait un succès immédiat auprès de la critique et gagne le Prix du livre d’Ottawa, catégorie fiction, en 2015 en plus d’être traduit… en russe.

L’histoire se passe en 1974 au Congo, alors appelé le Zaïre. Les vedettes du roman sont la rumba congolaise qui déferle alors sur le monde et le fameux combat du siècle entre Mohamed Ali et George Foreman.

Le titre est d’ailleurs attribué, dans le livre, au président congolais Joseph-Désiré Mobutu, qui gouverne le plus grand pays d’Afrique et qui est jaloux du président du Sénégal, Léopold Sédar Senghor.

Senghor est un écrivain reconnu et premier Africain à siéger à l’Académie française. Le monde francophone n’en a que pour lui, ce qui attise le ressentiment de Mobutu. Ce dernier imagine alors qu’en dépensant des millions de dollars américains pour la tenue du combat du siècle à Kinshasa, il allait surclasser la réputation internationale de Senghor.

Le protagoniste du roman est Modéro, un jeune musicien du nord du Congo qui a acquis une belle réputation dans son coin de pays et qui décide de descendre à Kin la belle pour tenter sa chance auprès des grands groupes de rumba.

Il découvre une capitale où l’arnaque est reine et où l’intégration dans le monde musical n’est pas aussi évidente qu’il l’espérait. Grâce à quelques contacts, Modéro réussira à se rapprocher des musiciens qu’il adule et, surtout, à obtenir un billet pour le fameux combat qui fait trépider Kinshasa et le monde entier.

Le roman est en fait une description de l’Afrique après la décolonisation. Blaise Ndala nous y fait voir la vie quotidienne à Kinshasa, sa musique, ses magouilles et sa magie.

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Sans capote ni kalachnikov

Avec son deuxième roman, Sans capote ni kalachnikov, publié chez Mémoire d’encrier en 2017, Ndala poursuit sa montée fulgurante dans le monde littéraire francophone. Gagnant du Combat des livres de Radio-Canada en 2019, le roman sera traduit en 2024 sous le titre The War You Don’t Hate.

La trame touche deux domaines : les guerres intestines dans certains pays africains et l’exploitation de ces tragédies par les bienpensants du secteur humanitaire.

On y rencontre d’abord une cinéaste canadienne, Véronique Quesnel, qui gagne un oscar à Hollywood pour son documentaire sur le viol en tant qu’arme de guerre dans ces conflits qui perdurent en Afrique et ailleurs.

Quand la lauréate invite la vedette de son film à monter sur scène – la jeune Sona, 14 ans, qui a été réduite au rôle d’esclave sexuelle pendant un de ces conflits –, l’adolescente éclate en sanglots. C’est l’euphorie au Kodak Center.

Du faste de la soirée des oscars, l’auteur nous emmène dans un camp de réhabilitation où sont parqués des centaines d’anciens combattants révolutionnaires à la suite d’un accord entre leur mouvement et le dictateur.

Le camp est géré par d’autres bienpensants européens, des médecins et des thérapeutes qui tentent de «guérir» ces soldats de fortune.

On y rencontre l’ancien enfant-soldat, le caporal-chef Fourmi Rouge – titre qu’il portait avant, nous dit-il – qui a été convaincu d’écrire son parcoursrévolutionnaire dans un calepin. Ses écrits révèlent les magouilles et l’horreur de ses guerres.

C’est là que l’on sent tout le ressentiment de Blaise Ndala pour ces guerres fratricides et pour la marchandisation qu’en fait l’Occident. On ne peut lire ce roman sans ressentir un sentiment d’injustice.

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Dans le ventre du Congo

Les préjudices de la colonisation sont aussi omniprésents dans le troisième roman de Blaise Ndala, Dans le ventre du Congo, publié en 2021 chez Mémoire d’encrier pour le Canada, aux Éditions du Seuil pour l’Europe et à la maison Vallesse Éditions Abidjan pour l’Afrique.

Le roman a remporté plusieurs prix, dont le Prix international de littérature Cheikn Hamidou Kane, le Prix Ivoire pour la littérature africaine d’expression francophone et le Prix Ahmadou-Kourouma.

Selon l’auteur, ce roman se veut une «pacification des mémoires pour celles et ceux qui, de Bruxelles à Kinshasa, espèrent sans y croire que le passé puisse passer un jour».

Ce roman raconte l’histoire de la princesse Tshala Nyota Moelo, issue d’une prestigieuse monarchie Bakuba. Prise dans une jeunesse encarcanée dans les rituels liés à la royauté précoloniale, elle réussit tout de même à se libérer de sa famille et s’éprend d’un jeune colon belge avec qui elle vivra quelques années avant d’être abandonnée.

Elle tentera alors de faire jouer ses relations pour se rebâtir sa vie, mais sera dupée et se retrouvera marionnette dans la reconstitution d’un village congolais – certains disent un zoo – présenté aux visiteurs à l’exposition universelle de Bruxelles en 1958. Elle disparaitra ensuite sans laisser de traces.

Saut en 2004, une nièce de la princesse disparue débarque à Bruxelles et croise un homme qui a connu Tshala et, ensemble, ils finissent par comprendre le destin tragique de la princesse. Je ne vous en dis pas plus. À lire.

Petite note pour les irréductibles de Blaise Ndala : il vient de terminer le manuscrit final d’un quatrième roman, qui est maintenant entre les mains de son agent littéraire. Le livre pourrait paraitre d’ici un an.

Réjean Grenier a travaillé dans les médias pendant 47 ans, comme journaliste, rédacteur principal à Radio-Canada/CBC, éditeur et propriétaire d’un journal et d’un magazine, et éditorialiste. Il a présenté une chronique littéraire sur les ondes de Radio-Canada pendant cinq saisons. Il est un avide lecteur depuis l’âge de 12 ans. Il a grandi dans un petit village du Nord de l’Ontario où il n’y avait pas de librairie, mais il a rapidement appris où commander des livres. Son type d’ouvrage préféré est le roman puisqu’«on ne trouve la vérité que dans l’imaginaire».

Rachel Bendayan, députée québécoise d’Outremont, fait son entrée au cabinet du premier ministre Justin Trudeau comme ministre des Langues officielles et ministre associée à la Sécurité publique.

En mêlée de presse dans la foulée de sa nomination, le 20 décembre, elle n’a pas voulu confirmer que le français était en déclin au Québec.

À lire aussi : Recul du français hors Québec : un déclin nuancé selon Statistique Canada

Pas de lien avec les langues officielles?

Cette ancienne avocate et cheffe de cabinet a été la secrétaire parlementaire de la ministre des Finances, Chrystia Freeland. Sa nomination a créé la surprise, puisqu’elle n’a pas de lien connu avec les communautés francophones en situation minoritaire, hormis le fait que sa circonscription d’Outremont, à Montréal, est en grande partie anglophone.

Interrogée quelques minutes plus tard, au Parlement, Rachel Bendayan a reconnu le déclin du français au Québec. «Je n’ai pas refusé de répondre. […] Je suis là pour supporter les minorités linguistiques hors Québec, y compris les francophones qui habitent à travers le pays et les anglophones qui habitent au Québec. Je suis bilingue moi-même, je ne vois pas pourquoi vous êtes pris de court par ma nomination.»

La Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA), porte-parole des communautés francophones hors Québec, demande une rencontre avec la nouvelle ministre, qui n’est pas un visage aussi connu que ses collègues Ginette Petitpas Taylor et Anita Anand, qui l’ont précédée dans la gestion de la Loi sur les langues officielles. 

La FCFA souhaite notamment «échanger sur les réalités et les enjeux de nos communautés, particulièrement en ce qui a trait au financement provenant du Plan d’action pour les langues officielles, et sur comment elle entrevoit ses responsabilités et ce que seront ses priorités», a souligné la présidente, Liane Roy, dans un communiqué.

Le professeur de science politique au Campus St-Jean, Frédéric Boily, nuance toutefois en entrevue avec Francopresse :  «Elle peut toujours faire valoir un lien avec les anglophones du Québec, qui font partie des calculs politiques et de la stratégie politique du gouvernement libéral.»

Il assure que le premier ministre n’avait pas non plus «tellement d’options à sa disposition». «Il voulait faire rentrer une nouvelle figure au Conseil des ministres, quelqu’un qui était – selon ce qu’on en sait – en attente de vouloir rentrer également.»

Une autre francophone fait son entrée au gouvernement : la Québécoise Élisabeth Brière, qui récupère le portefeuille du Revenu national, auparavant sous la responsabilité de Marie-Claude Bibeau.

Ginette Petitpas Taylor (au micro) est la première Acadienne à prendre la tête du Conseil du Trésor, un ministère important pour la mise en œuvre des langues officielles. Elle est accompagnée pas sa prédécesseurs, Anita Anand, Darren Fisher et Terry Duguid. 

Photo : Marianne Dépelteau – Francopresse

L’ancienne ministre des Langues officielles, Ginette Petitpas Taylor, devient présidente du Conseil du Trésor. L’Acadienne connait déjà ce portefeuille et devrait être en mesure de mettre en œuvre les trois règlements qui manquent pour concrétiser la Loi sur les Langues officielles.

À lire aussi : «Le temps n’est pas notre ami» : la Loi sur les langues officielles suscite l’impatience au Parlement

Huit nouveaux ministres

Les autres nouveaux venus sont les députés ontariens Nathaniel Erskine-Smith et David McGuinty, tous deux parfaitement bilingues.

M. Erskine-Smith, qui prend en charge le Logement, l’Infrastructure et les Collectivités, était candidat à la chefferie du Parti libéral de l’Ontario en 2023.

À l’époque, il avait assuré s’intéresser aux besoins de la communauté franco-ontarienne. Il souhaitait voir une province où «tous les francophones ont accès aux services culturels et gouvernementaux dans les deux langues officielles», rapporte ONFR.

David McGuinty récupère la Sécurité publique, un ministère qui était dirigé par Dominic LeBlanc. Ce dernier demeure ministre des Finances – poste dont il a hérité après la démission de Chrystia Freeland – et des Affaires intergouvernementales.

Le portefeuille de la Sécurité publique est important dans le contexte des tarifs douaniers de 25 % que le président américain désigné, Donald Trump, dit vouloir imposer sur les produits canadiens. Ottawa a annoncé plus tôt cette semaine un plan pour sécuriser la frontière et renforcer les contrôles en lien avec les demandes des États-Unis.

Cinq autres députés libéraux s’ajoutent cabinet : Terry Duguid (Sports et ministre responsable de Développement économique Canada pour les Prairies); Darren Fisher (Anciens Combattants et ministre associé de la Défense nationale); Ruby Sahota (Institutions démocratiques et ministre responsable de l’Agence fédérale de développement économique pour le Sud de l’Ontario) et Joanne Thompson (Aînés).

Chrystia Freeland a quitté le gouvernement Trudeau en décembre 2024, créant une onde de choc sur toute la scène politique fédérale. 

Photo : Mélanie Tremblay – Francopresse

Sean Fraser a annoncé son départ du cabinet Trudeau quelques minutes avant Chrystia Freeland, citant des raisons familiales. 

Photo : Marianne Dépelteau – Francopresse

Pablo Rodriguez a quitté le cabinet en septembre 2024 et s’est lancé dans la course à la chefferie du Parti libéral du Canada. 

Photo : Marianne Dépelteau – Francopresse

Après des controverses, dont celles des «deux Randys» et de la fausse identité autochtone, Randy Boissonnault a quitté le cabinet en novembre dernier, où il détenait les portefeuilles de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et des Langues officielles. 

Photo : Marianne Dépelteau – Francopresse

Marie-Claude Bibeau ne se représentera pas aux prochaines élections fédérales et tentera plutôt sa chance à la mairie de Sherbrooke, au Québec. 

Photo : Marianne Dépelteau – Francopresse

Carla Qualthrough a annoncé en octobre dernier qu’elle ne se représenterait pas aux prochaines élections fédérales. 

Photo : Marianne Dépelteau – Francopresse

Seamus O’Regan a démissionné de son poste de ministre du Travail et des Aînés en juillet 2024, évoquant des raisons familiales. 

Photo : Marianne Dépelteau – Francopresse

Dan Vandal, ministre franco-manitobain des Affaires du Nord depuis 2019, a annoncé qu’il ne se représentera pas aux prochaines élections. 

Photo : Marianne Dépelteau – Francopresse

Filomena Tassi a annoncé en octobre dernier qu’elle ne se représentera pas aux prochaines élections fédérales. 

Photo : Marianne Dépelteau – Francopresse

Pour le politologue Frédéric Boily, Justin Trudeau est dans une position de plus en plus difficile. 

Photo : Courtoisie

Changements de ministère

L’ex-présidente du Conseil du Trésor, Anita Anand, conserve les Transports et récupère le Commerce intérieur.

Gary Anandasangaree reste ministre des Relations Couronne-Autochtones, mais ajoute les Affaires du Nord et devient le ministre responsable de l’Agence canadienne de développement économique du Nord.

Steven MacKinnon, ex-ministre du Travail, devient ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre – l’ancien ministère de Randy Boissonnault – et du Travail.

«Pas le choix»

Pour Frédéric Boily, Justin Trudeau est acculé au pied du mur : «Il n’avait tout simplement pas le choix. Il y avait un besoin de clarifier les responsabilités de chacun, par exemple Dominique Leblanc, qui commençait à avoir un peu trop de chapeaux.» 

«S’il n’y avait pas eu la crise politique, un remaniement aurait possiblement pu attendre après Noël», assure-t-il.

FRANCOPHONIE

L’Alliance des femmes de la francophonie canadienne (AFFC) déplore l’absence de mesures adaptées aux femmes francophones et acadiennes dans le Plan d’action national contre la violence fondée sur le sexe.

Nour Enayeh demande que les besoins spécifiques des femmes issues des minorités linguistiques soient pris en compte pour les services contre la violence fondée sur le sexe. 

Photo : Courtoisie AFFC

L’enjeu : Selon le rapport annuel sur le Plan, seulement 3 % des femmes issues de minorités linguistiques ont été touchées par les initiatives, révélant un manque d’engagement pour ces groupes vulnérables.

Ce qu’elles en disent : «Le faible pourcentage de femmes francophones et acadiennes bénéficiant des mesures du plan d’action national contre la violence fondée sur le sexe est le résultat prévisible d’une absence de prise en compte de leurs spécificités dans l’élaboration de ce plan», affirme la présidente de l’AFFC, Nour Enayeh, dans un communiqué de presse.

L’AFFC critique que le plan ne tienne pas compte des spécificités des communautés linguistiques en situation minoritaire, malgré les obligations de la Loi sur les langues officielles.

Ce manque de soutien est décrié comme une violation des droits fondamentaux de ces femmes. L’AFFC appelle à des mesures immédiates pour garantir un accès équitable aux services dans la langue de leur choix pour toutes les femmes.

Trois ans après la polémique, le PDG d’Air Canada, Michael Rousseau, a été incapable de répondre en français à des questions lors de son témoignage devant le comité permanent des transports le vendredi 13 décembre. Il a affirmé qu’il suivait des cours, mais que son apprentissage était plus long que prévu.

Sous surveillance : Le député du Bloc québécois Xavier Barsalou-Duval a déposé une motion, adoptée à l’unanimité par le comité, pour produire un rapport sur le nombre d’heures de cours suivies par Michael Rousseau depuis la polémique en 2021.

Cette année-là, il avait déclenché un tollé national en assurant qu’il n’avait pas besoin de parler français, alors qu’il dirige une entreprise privée sous juridiction fédérale.

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Une nouvelle entente a été scellée entre le gouvernement fédéral et celui de l’Alberta sur les services en français. Le financement annuel passera de 650 000 $ à plus de 2 millions pour six ans.

Ce qu’ils disent : Cette hausse reflète la reconnaissance des besoins croissants de la francophonie albertaine, estime l’Association canadienne-française de l’Alberta (ACFA) dans un communiqué.

«Ce financement permettra de mettre en œuvre les actions stratégiques du Plan d’action de la politique en matière de francophonie de l’Alberta et apportera des améliorations tangibles dans des domaines cruciaux comme l’éducation, la santé, la justice, la petite enfance et plus encore», souligne la présidente de l’organisme, Nathalie Lachance.

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CANADA

Lundi, une heure avant le dépôt de l’énoncé économique d’automne, la ministre des Finances et vice-première ministre, Chrystia Freeland, a claqué la porte du Cabinet de Justin Trudeau, créant une onde de choc au Parlement.

La veille, le ministre fédéral du Logement, Sean Fraser, annonçait également sa démission, pour des raisons familiales. Contrairement à Chrystia Freeland, ce dernier ne se représentera pas aux prochaines élections.

Chrystia Freeland a publié sa lettre de démission comme ministre des Finances peu avant le dévoilement de l’énoncé économique de l’automne, le 16 décembre. 

Photo : Capture d’écran

La crise : Quelques jours avant le dépôt de l’énoncé économique, le premier ministre, Justin Trudeau, a signifié à Chrystia Freeland son souhait de lui retirer son poste de ministre des Finances pour lui donner un poste non ministériel. Il lui a toutefois demandé de présenter le minibudget, qui fait état d’un déficit de 22 milliards de dollars de plus que les prévisions.

Dans les plans de Justin Trudeau, c’est l’ancien gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney, qui allait hériter du ministère des Finances. Toutefois, selon plusieurs sources, il n’avait pas encore accepté lorsque Justin Trudeau l’a annoncé à Chrystia Freeland.

Le refus de ce dernier a été entériné au moment où le monde politique canadien a appris la nomination à ce poste de Dominic LeBlanc, déjà ministre de la Sécurité publique, des Institutions démocratiques et des Affaires intergouvernementales du Canada et proche de Justin Trudeau.

À lire aussi : Économie : un déficit de 62 milliards et silence sur les langues officielles

La ministre des Finances et vice-première ministre, Chrystia Freeland, a créé la surprise en claquant la porte du Cabinet Trudeau, lundi. 

Photo : Julien Cayouette – Francopresse

Sean Fraser a quitté son poste dimanche. Il ne se représentera pas aux prochaines élections dans sa circonscription de Nova–Centre, en Nouvelle-Écosse. 

Photo : Inès Lombardo – Francopresse

Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a confirmé en mêlée de presse mardi, dernier jour où la Chambre des Communes a siégé, qu’il «faut une élection dès que possible. C’est irresponsable de maintenir le Canada dans un état aussi instable.»

L’enjeu : Il a toutefois précisé qu’il ne voyait pas arriver une campagne électorale pendant le congé des Fêtes : «Les gens ne seront pas à l’écoute à une semaine avant Noël.»

Il en a profité pour critiquer le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Jagmeet Singh, qui, à ses yeux, «est la principale, sinon la seule raison, que le gouvernement de Trudeau est encore au pouvoir».

De son côté, le chef néodémocrate a réclamé la démission de Justin Trudeau. Pierre Poilievre a fait la même demande. «On est témoin aujourd’hui du pire chaos au sein du gouvernement du Canada dans l’histoire moderne de notre pays», a souligné le chef conservateur, quelques heures après la démission de la ministre fédérale des Finances, lundi.

Il s’est ensuite adressé aux «libéraux patriotes de ce pays», en leur demandant de choisir les conservateurs aux prochaines élections fédérales.

Les conservateurs ont remporté lundi l’élection partielle dans la circonscription de Cloverdale–Langley City, dans le sud-est de la Colombie-Britannique.

L’enjeu : Plus de 66 % des voix sont allées à la conservatrice Tamara Jansen, contre 16 % pour la libérale Madison Fleischer.

INTERNATIONAL

Des ministres du gouvernement Trudeau ont dévoilé un plan de 1,3 milliard de dollars sur six ans pour renforcer la sécurité à la frontière des États-Unis et répondre aux exigences du président désigné Donald Trump.

Ce qu’il dit : Le plan prévoit une coopération accrue avec les États-Unis, la création d’escadrons conjoints contre le trafic de fentanyl et le renforcement des outils de surveillance pour la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Il inclut des drones, des tours mobiles et des hélicoptères pour une surveillance aérienne continue.

De nouvelles technologies de détection seront déployées et les pénalités pour trafic de drogue et non-conformité bancaire seront durcies. Les agents frontaliers pourront désormais inspecter les marchandises destinées à l’exportation.

Côté immigration, il ne sera plus possible de faire le «tour du poteau» à la frontière pour renouveler un visa temporaire. L’objectif affiché est de réduire la pression sur les frontières.

«Le tour du poteau»?

Cette pratique consiste à quitter brièvement le Canada par un poste frontalier terrestre, sans toutefois entrer officiellement aux États-Unis, puis à demander un renouvèlement du visa auprès des douaniers canadiens, au retour. Elle permet aux titulaires de permis d’éviter les procédures plus longues des demandes en ligne ou par courrier.

La motivation : Ce plan survient dans un contexte tendu, alors que Donald Trump a menacé d’imposer des tarifs douaniers au Canada et au Mexique s’ils ne prennent pas de mesures contre le trafic de drogue et l’immigration illégale. Par ailleurs, les provinces canadiennes restent divisées sur la réponse à adopter.

Parce qu’il n’y a pas que le Bye Bye québécois, les francophones de partout au pays ont le choix en matière de spéciaux de fin d’année.

Les trublions acadiens des Newbies présentent Le grand ménage des Fêtes, sur Unis TV, pour une cinquième année consécutive, le 21 décembre.

Tandis que la troupe franco-ontarienne d’Improtéine repart en quête des meilleures pépites journalistiques dans Improtéine expose 2024, sur ICI TÉLÉ, le 31 décembre.

Que ce soit dans l’intimité d’un salon ou au fil d’un roadtrip documenté, l’humour se mêle à la réflexion pour revisiter les évènements qui ont fait les manchettes en 2024. Deux approches différentes pour un dénominateur commun : le rire.

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Les Newbies (de g. à d.) : Luc LeBlanc, Christian Essiambre et André Roy. 

Photo : Unis TV

Ménage à trois

Les Newbies remettent le couvert, chez eux. Christian Essiambre, Luc LeBlanc et André Roy nous invitent cette fois dans leur salon, à Moncton, au Nouveau-Brunswick.

«On voulait avoir une ambiance encore plus chaleureuse. Ça donne vraiment l’impression d’une fête plus intime […] On joue à des jeux, on boit, on va aux toilettes, on raconte des histoires, on fait des contes», décrit André Roy, animateur et scénariste de l’émission.

Un party tout en rire, mais aussi en musique et en sketchs avec une grande brochette d’artistes, comme Robin-Joël Cool (lauréat d’un prix Gémeaux), Julie Ringuette, Les Hay Babies, Yao, Catherine Souffront et Tammy Verge.

«Des émissions telles que le Bye Bye, ils vont travailler beaucoup avec les mêmes invités. Nous, on se mouille, on risque, on essaie avec quelqu’un de nouveau. Ça va nous mettre toujours en danger, et ce danger-là nous plait énormément», assure André Roy.

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Documenteur (im)protéiné

À la barre de l’autre revue francophone, les cinq complices d’Improtéine mènent l’enquête dans un faux documentaire décapant, «qui explique les fausses raisons derrière la vraie actualité», précise l’un des membres, Vincent Poirier.

Ingérence étrangère, vol de voitures, sous-financement de l’éducation en français, identité de genre, services bilingues, élections : leur mission est de dévoiler les scandales cachés de 2024, vedettes éclairs à l’appui. Tout un programme.

Improtéine (de g. à d.) : Olivier Nadon, Martin Laporte, Vincent Poirier, Nadia Campbell et Stéphane Guertin. Photo : Phil Larivière

Pour cette édition, l’émission passe de 30 à 60 minutes et couvre désormais l’ensemble des provinces et territoires (ou presque), et non plus seulement l’Ontario. De quoi donner le vertige. «On est fébriles, on espère que ça va fonctionner et que les nouveaux publics vont nous apprécier», confie la comédienne du groupe Nadia Campbell.

«C’est deux fois la durée, mais c’était comme quatre fois le travail et douze fois le contenu», révèle la troupe.

Fausses entrevues, enquêtes farfelues, révélations inédites : avec Improtéine, difficile de distinguer le vrai du faux, et c’est bien le but. «On va peut-être faire partir des rumeurs et des théories du complot», ironise l’improvisateur Stéphane Guertin. Ou comment semer le doute, mais aussi le trouble.

«Le concept du faux documentaire, ça provoque un rire de réflexion, observe Nadia Campbell. C’est pas un rire comme “Ah, la drôle de perruque” et on passe au prochain sketch. Il y a des moments comiques et ridicules, mais il y a aussi des moments ludiques et cérébraux.»

«On est des saltimbanques intellectuels», résume dans un sourire son acolyte, Martin Laporte.

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Réunir par delà les générations, et les frontières

«On a toujours mis de côté les caricatures. On ne fait pas d’imitation, rappelle de son côté André Roy. On a voulu trouver des sujets qui parlent à toute la population», y compris aux jeunes, afin de favoriser le co-viewing, ou l’écoute de l’émission en famille.

Le retour de Céline, l’éclipse solaire, les 60 ans de Tim Hortons, la hausse de la consigne sur les bouteilles de bière : Le grand ménage des Fêtes revient sur les nouvelles marquantes de l’année.

Photo : Unis TV

Les Newbies se sont aussi attachés à varier les tons, tant sur le plan visuel – en s’aventurant même du côté du film muet – que du genre : «Des fois on est plus dans la caricature, dans le grotesque de la farce; des fois on est très simples et minimalistes. Comme ça, ça surprend tout le temps.»

Car surprendre reste le maitre mot. Il ne faudrait pas ennuyer le public, rodé à l’exercice. Aussitôt sorties, les nouvelles sont reprises par les internautes sur les réseaux sociaux, à coup de mèmes et de microvidéos. Pour se démarquer, «il faut vraiment creuser et trouver de nouvelles approches», souligne André Roy.

L’autre défi, de taille, est de s’adresser à tous les francophones du pays. Le trio des Newbies a essayé de «ratisser assez large» : «On a parlé de nouvelles en Colombie-Britannique et au Nunavut […] Dans la façon de faire notre cueillette, on a vraiment essayé de toucher chacune des régions», assure André Roy.

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À la recherche des infos perdues

«C’est sûr qu’un Franco-Yukonais, peut-être qu’il n’a pas réalisé que le Congrès mondial acadien était une grande actualité. On a un beau pays, mais on a un gros pays. C’est parfois difficile de trouver des points en commun», concède Nadia Campbell.

Pour garder un œil sur l’actualité d’un océan à l’autre, Improtéine a fait appel à des «espions», des amis et collègues rencontrés au fil du temps.

Improtéine expose 2024 réserve quelques surprises, dont plusieurs passages éclairs de personnalités du monde politique, du sport ou de l’humour, comme ici Patrick Groulx. 

Photo : Phil Larivière

«Pendant deux ans on parlait de l’Ontario aux Ontariens […] Mais de parler aux gens des Maritimes sur ce qui s’est passé en Alberta, les chances sont énormes qu’ils ne soient pas au courant», poursuit l’animatrice, rappelant l’importance de bien mettre en contexte chaque séquence.

«On veut vraiment s’intéresser aux choses qui touchent les francophones hors Québec. On s’est dit que l’international, ça allait être couvert par les autres, donc on s’est vraiment concentrés sur des éléments locaux», complète Martin Laporte.

«On ne parlera pas du troisième lien à Québec», prévient-il, taquin, en faisant allusion au dossier de la construction d’une voie routière qui a beaucoup retenu l’attention au Québec.

Point de rivalité

«J’ai bien hâte de voir ce qu’Improtéine va faire cette année», déclare André Roy, ajoutant qu’il n’y a aucune compétition entre les deux formations. Celles-ci se connaissent bien et se sont même déjà affrontées en match d’improvisation.

«S’il n’y avait pas leur équipe d’impro, il n’y aurait personne avec qui jouer», philosophe pour sa part Nadia Campbell.

«Citation d’Improtéine : “On est très fiers du travail accompli par le Grand ménage des Fêtes, on est contents de leur édition qui permet de faire rayonner Improtéine expose 2024 encore plus”», plaisante Martin Laporte. À vos télécommandes!

Le grand ménage des Fêtes témoigne aussi son soutien aux victimes des feux de forêt dans l’Ouest, par l’entremise d’une chanson originale composée par l’artiste franco-ontarien Yao.

Photo : Unis TV

Les membres d’Improtéine s’improvisent journalistes pour déterrer les scandales derrière l’actualité de 2024. 

Photo : Phil Larivière

Les Newbies s’attardent notamment au conflit de travail dans le secteur ferroviaire. 

Photo : Unis TV

Improtéine expose 2024 joue avec les codes du faux documentaire ou documenteur. 

Photo : Phil Larivière

Le grand ménage des Fêtes sur Unis TV

L’émission sera diffusée le samedi 21 décembre à 20 h (HE) sur Unis TV et sera disponible sur TV5Unis.

Improtéine expose 2024

L’émission sera diffusée sur ICI TÉLÉ le 31 décembre à 18 h 05 (HE) en Ontario et à Gatineau (au Québec), puis sur l’ensemble du réseau national ICI TÉLÉ le 1er janvier à 1 h 30 et le 2 janvier à 21 h, et le 5 janvier à 19 h 30 (HA) en Atlantique. Elle sera également disponible en rattrapage sur ICI TOU.TV

La grande rencontre : Paris réussit

Qui dit 2024, dit année olympique. Impossible, donc, de passer sous silence l’évènement qui a éclipsé tous les autres.

Paris aura offert des lieux de compétition hyper-télégéniques pour les Olympiques, mais pas seulement. 

Photo : Luca Dugaro – Unsplash

J’avais, comme beaucoup de Français, des craintes quant au succès des Jeux olympiques. Pour une fois, je suis bien content de m’être trompé. L’évènement a été un succès populaire indéniable, se fondant à merveille dans le décor de la Ville lumière.

La cérémonie d’ouverture, la première de l’histoire hors d’un stade, a donné le ton. Le reste a suivi une trajectoire similaire.

Des lieux de compétition hypertélégéniques, une ambiance folle dans les tribunes, des vedettes au rendez-vous (Summer McIntosh, Teddy Riner, Léon Marchand, Simone Biles, Armand Duplantis, Novak Djokovic…) et aucun pépin majeur. La mayonnaise a pris. Un de mes collègues présent sur place me l’a confirmé : «Ça va être difficile pour Los Angeles de faire mieux.»

Même le bilan financier et environnemental est plutôt positif. L’organisation présente un excédent budgétaire de 27 millions d’euros, et les émissions de gaz à effet de serre ont été divisées par deux par rapport à Tokyo en 2021.

Le scandale : Soccer Canada dans la tempête

Si les Jeux resteront un bon souvenir pour la grande majorité des athlètes, il y a fort à parier que Soccer Canada souhaite les oublier au plus vite.

Rembobinons. Le 22 juillet, un membre du personnel entourant l’équipe féminine canadienne de soccer, Joey Lombardi, est interpelé par la police française pour avoir filmé avec un drone l’entrainement de l’équipe la Nouvelle-Zélande.

L’équipe canadienne a été pénalisée de 6 points de classement. L’entraineuse-chef de l’équipe canadienne, Beverly Priestman, a été sans trop tarder suspendue de ses fonctions.

Mais l’affaire ne s’est pas arrêtée là. Soccer Canada a rapidement laissé entendre que ces pratiques d’espionnage n’étaient pas nouvelles. Une enquête de Radio-Canada a, depuis, mis en lumière l’existence d’un système bien huilé, connu de (presque) tous. Voici quelques extraits édifiants de ce qui a été relevé :

Le scandale de l’équipe de soccer canadienne aura été l’une des rares déceptions canadiennes aux Olympiques de Paris. 

Photo : Peter Glaser – Unsplash

Cette triste affaire d’espionnage en rappelle une autre. En seconde division anglaise, l’ancien entraineur de l’équipe de soccer de la ville anglaise de Leeds, Marcelo Bielsa, avait envoyé des membres de son encadrement scruter les entrainements de ses adversaires.

Le célèbre technicien argentin avait fini par se confesser au cours d’une conférence de presse en 2019, aussi lunaire qu’interminable.

Avec une présentation visuelle à l’appui, il avait justifié ses actes : «Je me sens coupable si nous ne travaillons pas assez. Espionner nous permet d’être moins anxieux et, dans mon cas, je suis assez stupide pour autoriser ce genre de comportements.»

Ainsi donc, sous le couvert du «professionnalisme» pour la préparation d’un match de soccer, tous les moyens semblent bons pour gagner, même les plus litigieux. À méditer…

Un chapitre important de l’affaire Soccer Canada s’est, lui, refermé le 12 novembre, avec le limogeage de Beverly Priestman.

L’athlète : le soleil McIntosh

Si la France a vibré au rythme des exploits de Léon Marchand cet été, le Canada a, lui, été ébloui par le talent de Summer McIntosh.

La France et le Canada auront eu des héros en natation lors des Olympiques. 

Photo  : Gregory Gallegos – Unsplash

La nageuse ontarienne a remporté, à seulement 17 ans, trois titres olympiques (200 m papillon, 200 m quatre nages et 400 m quatre nages) et une médaille d’argent (400 m nage libre). Une performance historique, puisqu’aucun athlète de l’unifolié n’avait jamais remporté trois médailles d’or au cours d’une seule édition des Jeux.

Loin d’être rassasiée, Summer McIntosh, désormais majeure, a fait une véritable razzia lors des Mondiaux de natation en petit bassin, qui se sont déroulés à Budapest du 10 au 15 décembre dernier. Trois premières places, une deuxième place, exactement comme à Paris, avec cette fois trois records du monde.

Discrète et bosseuse, la Torontoise fait preuve d’un professionnalisme remarquable pour son jeune âge. Peut-elle devenir la Michael Phelps canadienne? Difficile à dire tant la natation est un sport ingrat qui use les athlètes, soumis à une charge d’entrainement colossale. Mais elle en a assurément le talent.

Le coup de cœur : le succès de la LPHF

Pour conclure cette riche année 2024, je voulais terminer par un coup de cœur. En janvier, j’avais dédié une chronique à la toute nouvelle Ligue professionnelle de hockey féminin (LPHF), faisant part de mon optimisme quant à son développement.

Depuis, plus de 21 000 partisans et partisanes se sont massés dans les tribunes du Centre Bell, à Montréal, pour assister à la rencontre entre Montréal et Toronto, établissant un nouveau record d’audience pour un match de hockey féminin.

Le succès de la Ligue professionnelle de hockey féminin donne envie de célébrer. 

Photo : Tima Miroshnichenko – Pexels

Depuis, les six équipes de la Ligue se sont dotées d’une identité visuelle, avec un nom et un logo.

Depuis, l’organisation a dit évaluer les candidatures de plus de 25 villes souhaitant les rejoindre. Deux d’entre elles sont attendues pour la saison 2025-2026.

Bref, en un an, l’expansion de la LPHF a été fulgurante, et la ligue semble déjà solidement installée dans le paysage du sport professionnel.

J’ai moi-même été témoin de ce franc succès. J’étais présent le 30 novembre dernier pour le premier match de la saison de la Victoire de Montréal face à la Charge d’Ottawa. Avec plus de 10 000 spectateurs, la Place Bell de Laval, au Québec, était pleine à craquer.

Les partisans – ou plutôt les partisanes, tant les femmes étaient nombreuses dans les gradins – en ont eu pour leur argent : une présentation émouvante, une ambiance de folie – la meilleure que j’ai vue lors d’un évènement sportif en Amérique du Nord – et un match plein de rebondissements.

L’émotion des joueuses était palpable. On sentait leur reconnaissance pour ce public qui les a poussées jusqu’au bout. J’ai retrouvé là ce que j’aime dans le sport : la communion entre le public et son équipe. Orphelin de mon équipe française de soccer, je suis désormais un partisan de la Victoire.

Vivement 2025!

Timothée Loubière est journaliste pupitreur au quotidien Le Devoir. Avant de poser ses valises au Québec en 2022, il était journaliste sportif en France, notamment au journal L’Équipe.

Statistique Canada a publié le 16 décembre un rapport sur les résultats de l’Enquête sur la population de langue officielle en situation minoritaire de 2022. Cette enquête est la première de son genre depuis 2006.

Dominique Pépin-Filion, l’un des auteurs du rapport, explique en entrevue avec Francopresse que la situation des minorités linguistiques officielles au pays «est nuancée. Ça dépend des différents domaines de la vie sociale auxquels on s’intéresse».

Ce rapport montre que la situation des francophones en contexte minoritaire n’est pas qu’une simple histoire de déclin. Des améliorations sont notables, en particulier dans le domaine de l’éducation.

À lire aussi : Le discours sur le déclin du français nourrit l’insécurité linguistique

L’éducation en français : bon élève?

Hors du Québec, plus de la moitié des enfants francophones ont fréquenté une garderie anglophone; seulement 33 % ont fréquenté une garderie francophone et 12 % une garderie bilingue.

Selon Dominique Pepin-Filion, cette enquête permet d’accorder à la francophonie hors Québec des données à son propre sujet. 

Photo : Courtoisie

Depuis 2006, Dominique Pépin-Filion note une «baisse significative» de trois points de pourcentage dans les inscriptions aux garderies francophones.

Le rapport précise que «75 % des parents [francophones ayant des] enfants d’âge préscolaire en situation minoritaire avaient l’intention de les inscrire dans une école primaire de langue française». Une proportion de 66 % des parents justifie ce choix par la volonté que leur enfant «devienne bilingue».

Mais selon le chercheur, cela ne signifie pas forcément que les enfants de ces parents ne parlent pas déjà français. Plusieurs de ces parents souhaitent peut-être «assurer à leurs enfants une très bonne maitrise de la langue minoritaire», suggère-t-il.

«Parmi les enfants au Canada hors Québec qui avaient au moins un adulte de langue française dans leur famille, la fréquentation des écoles primaires de langue française a augmenté, passant de 54 % en 2006 à 64 % en 2022.»

La proportion des francophones en situation minoritaire ayant fréquenté une école secondaire de langue française est passée de 50 % en 2006 à 55 % en 2022. Parmi les parents dont les enfants sont déjà inscrits dans une école primaire francophone, 63 % avaient l’intention de les inscrire dans une école francophone. 

Seulement 27 % des enfants admissibles qui comptaient poursuivre des études postsecondaires avaient l’intention de s’inscrire à un programme d’études en français (12 %) ou bilingue (15 %).

Les gouvernements et le français : un «recul sur toute la ligne»

La possibilité d’utiliser le français en milieu minoritaire auprès des administrations gouvernementales a diminué entre 2006 et 2022, passant de 60 % à 42 % au fédéral, de 49 % à 34 % au provincial et territorial, et de 44 % à 36 % au municipal.

Les anglophones du Québec s’en sortent environ 20 % mieux pour chaque ordre de gouvernement, comparativement aux francophones en milieu minoritaire.

La proportion de francophones en situation minoritaire disant n’avoir jamais reçu de services en français de la part du gouvernement fédéral est passée de 14 % à 24 %.

«Sans surprise, l’anglais est la langue de prédilection des jeunes pour la consommation des médias sociaux, la lecture, ainsi que les activités de loisirs et de sport», note Liane Roy dans un communiqué de presse. 

Photo : Chantallya Louis - Francopresse

«La FCFA trouve aberrant le constat d’un recul sur toute la ligne en matière d’accès aux services en français», dénonce la présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, Liane Roy, dans un communiqué de presse.

«Pour un pays avec deux langues officielles depuis plus de 50 ans, c’est tout simplement répréhensible. Ça justifie tout le travail qu’on a fait pour moderniser la Loi sur les langues officielles.»

À l’extérieur du Québec, 74 % des francophones ont été en mesure de communiquer en français avec le gouvernement fédéral pour obtenir des services ou des renseignements, dont 32 % qui ont pu le faire seulement «parfois ou rarement». Ce pourcentage est de 67 % pour l’administration publique provinciale ou territoriale et de 65 % pour les municipalités.

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Espace public et médias sociaux 

Selon le rapport, la moitié des francophones en situation minoritaire utilisent le français quotidiennement ou quelques fois par semaine «dans l’espace public à l’extérieur du travail, avec d’autres personnes que la famille ou les amis».

La situation est particulièrement préoccupante dans les provinces de l’Ouest et dans les capitales des territoires, où cette proportion tombe respectivement à seulement 21 % et 36 %. En comparaison, elle atteint 87 % au Nouveau-Brunswick.

Pour Liane Roy, la répartition géographique de ces données montre «l’ampleur du travail à faire pour créer des occasions de vivre la langue au quotidien».

Au Québec, 80 % des anglophones – soit 30 % de plus que les francophones en contexte minoritaire – utilisent l’anglais dans l’espace public quotidiennement ou quelques fois par semaine.

Dans le monde virtuel, le français semble disparaitre au fil des générations. Son utilisation dans les médias sociaux à l’extérieur du Québec – seul ou combiné à l’anglais –  se chiffre à 60 % pour les adultes francophones, mais à seulement 29 % pour les enfants.

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La santé, plus accessible pour une minorité que pour l’autre

Parmi les francophones en situation minoritaire qui estiment important de recevoir des services ou des soins de santé en français, 43 % des francophones ont toujours ou souvent reçu des soins de santé en français, 35 % en ont parfois ou rarement reçu et 22 % n’en ont jamais reçu.

À titre de comparaison, au Québec, 52 % des anglophones qui accordent cette même importance à l’anglais reçoivent toujours ou souvent des soins de santé en anglais, 41 % parfois ou rarement et 7 % jamais.

Parmi les francophones ayant toujours ou souvent reçu des soins de santé en français, le pourcentage le plus bas se trouve dans les capitales territoriales et dans l’Ouest canadien (à l’exception du Manitoba), où il atteint seulement 6 %.

Des données qui contrastent avec les régions du Nord (90 %) et du Sud-Est (76 %) du Nouveau-Brunswick, ainsi qu’avec le Sud-Est de l’Ontario (73 %).

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Avec les informations de Julien Cayouette

La ministre des Finances et vice-première ministre du Canada, Chrystia Freeland, a annoncé sa démission quelques heures avant le dépôt de l’Énoncé économique de l’automne de 2024.

Chrystia Freeland a démissionné avec fracas lundi matin, jour du dépôt de la mise à jour économique. 

Julien Cayouette – Francopresse

Le document, qui fait office de mise à jour et de minibudget pour des dépenses non incluses dans le budget du printemps, a été remis aux journalistes et experts avec plus de quatre heures de retard lors du huis clos.

La semaine précédant le dépôt de l’énoncé économique, la désormais ex-ministre des Finances avait évité de se prononcer sur le montant du déficit, qu’elle avait dit au printemps vouloir maintenir en dessous de 40,8 milliards de dollars.

Mais des mesures sont venues creuser le déficit, le faisant basculer à 61,9 milliards de dollars pour l’année fiscale 2023-2024.

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Réclamations autochtones et COVID-19

Le gouvernement justifie ce dépassement du déficit par des «provisions plus élevées que prévu» concernant les revendications des peuples autochtones «qui font l’objet de négociations avec d’autres partis ou dont les tribunaux sont saisis» et au soutien de la population et des entreprises durant la pandémie de COVID-19.

Ce sont donc 16,4 milliards qui vont au passif des réclamations autochtones et 4,7 milliards aux «rajustements pour le soutien liés à la COVID-19».

Plus tôt cette année, le directeur parlementaire du budget, Yves Giroux, avait établi que le déficit allait se chiffrer à 46,8 milliards de dollars.

Le déficit n’inclut pas les chèques de 250 $ que les libéraux avaient dit vouloir envoyer aux Canadiennes et Canadiens gagnant moins de 150 000 $, faute de consensus entre les partis aux communes. Le Bloc québécois et le Nouveau Parti démocratique ​​ souhaitent notamment inclure les ainés dans les bénéficiaires.

Le congé de TPS de deux mois, qui est entré en vigueur le 14 décembre, coutera 1,6 milliard de dollars et se répercutera sur l’année fiscale 2024-2025.

À lire : Budget 2024 : Ottawa garde une petite place pour la francophonie

Plus sur la démission de Chrystia Freeland, remplacée par Dominic Leblanc

«Il est inévitable que notre mandat au gouvernement prenne fin», a écrit Chrystia Freeland dans sa lettre de démission destinée à Justin Trudeau et publiée sur le réseau social X, lundi.

«Vendredi dernier, vous m’avez dit que vous ne vouliez plus que je sois votre ministre des Finances et vous m’avez proposé un autre poste au sein du Cabinet […] Au cours des dernières semaines, nous nous trouvions en désaccord sur la meilleure voie à suivre pour les Canadiens», a-t-elle fait valoir.

La semaine précédant sa démission, des tensions avaient été rapportées entre son bureau et celui du premier ministre, notamment sur la mesure du chèque de 250 $.

Un autre point de tension porterait sur la riposte canadienne à la menace du président élu des États-Unis, Donald Trump, sur l’imposition de tarifs douaniers de 25 % sur les produits canadiens et mexicains. «Il faut prendre cette menace au sérieux», peut-on lire dans sa lettre.

Dominic Leblanc, actuel ministre de la Sécurité publique, des Institutions démocratiques et des Affaires intergouvernementales, prendra la tête du ministère des Finances.

En conférence de presse lundi, le chef de l’opposition, Pierre Poilievre, a commenté : «On est témoins aujourd’hui du pire chaos au sein du gouvernement du Canada dans l’histoire moderne de notre pays.»

Il a appelé à un vote de la mise à jour économique, pour faire office de vote de confiance le soir même.

De son côté, le chef du NPD, Jagmeet Singh, a réclamé dans la foulée la démission du premier ministre Trudeau.

«Chrystia Freeland vient de déclencher la course au leadeurship, à mon avis», commente la professeure de science politique à l’Université d’Ottawa, Geneviève Tellier.

«M. Trudeau disait depuis des mois que, oui, les sondages n’étaient pas très bons, mais qu’il avait une bonne équipe et que le caucus était derrière lui. Visiblement, le caucus n’est plus derrière lui.»

En conférence de presse lundi, le chef conservateur Pierre Poilievre a demandé un vote de confiance du gouvernement Trudeau le soir même, moins de 48 h avant la fin de la session parlementaire de l’automne. 

Photo : Marianne Dépelteau – Francopresse

Le chef du NPD, Jagmeet Singh, a réclamé la démission de Justin Trudeau lundi. 

Photo : Inès Lombardo – Francopresse

L’IA entremêlée aux langues officielles

L’énoncé économique comprend une section sur la Stratégie sur la capacité de calcul souveraine pour l’intelligence artificielle (IA).

La section qui décrit comment l’IA s’intègre dans les opérations de la fonction publique est le seul endroit où il est question des langues officielles. «Les grands modèles de langage en IA et la traduction automatique changeront en profondeur les façons de travailler», peut-on lire.

L’objectif est cependant de développer une expertise basée sur du contenu canadien en faisant appel à la vaste banque de textes bilingues du Bureau de la traduction. Il serait déjà au travail pour développer des outils plus efficaces.

«En perspective, les pratiques efficaces établies seront mises à profit pour utiliser l’IA au-delà des langues officielles, par exemple pour traduire des documents en langues autochtones», indique-t-on.

Du côté de la francophonie et des communautés de langues officielles minoritaires, le minibudget du gouvernement fédéral ne présente aucune mise à jour. Il manque toujours 1,6 million de dollars pour les médias de ces communautés.

Rien non plus sur l’application et la mise en œuvre de la Loi sur les langues officielles, dont les règlements doivent être déposés «avant mars», selon la présidente du Conseil du Trésor, Anita Anand.

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Développement économique intérieur

Face à la menace d’imposition de tarifs sur les produits canadiens pour l’importation aux États-Unis, l’énoncé économique contient quelques mesures visant à stimuler l’économie intérieure du pays.

Il annonce, entre autres, son intention de déposer un projet de loi qui obligerait les ministères et organismes fédéraux à acheter au moins 20 % des produits et services auprès de petites et moyennes entreprises (PME) canadiennes. Il désire également augmenter la collaboration avec les PME.

Le gouvernement envisage de lier les principaux transferts de fonds fédéraux aux provinces et territoires à des conditions de réduction des obstacles au commerce intérieur et à la mobilité de la main-d’œuvre.

Un montant de 4,3 millions de dollars sera versé sur trois ans à l’Agence canadienne d’inspection des aliments dans un effort d’harmonisation des reconnaissances et des certifications en agriculture et en agroalimentaire.

Une «unité» malgré les divergences face à la menace tarifaire américaine

Les premiers ministres provinciaux et territoriaux du Canada étaient réunis à Toronto lundi pour plaider «l’unité» face à la menace des tarifs douaniers américains sur les produits canadiens, a fait valoir le président du Conseil de la fédération, le premier ministre de l’Ontario Doug Ford. L’économie canadienne doit être plus dynamique  pour attirer les investissements.

Toutefois, alors que Doug Ford a émis l’idée de suspendre l’exportation d’énergie vers les États-Unis en réaction en réponse à la déclaration de Donald Trump, le premier ministre québécois François Legault souhaite signaler au président américain qu’il y aura davantage de contrôle concernant l’immigration à la frontière canado-américaine.

«Je fête Noël à cheval entre le français et l’anglais, témoigne Hayden Cotton à l’Île-du-Prince-Édouard. Depuis que je suis en âge de me souvenir, c’est comme ça et je suis très attaché à cette tradition, ça fait partie de mon identité.»

À l’Île-du-Prince-Édouard, Hayden Cotton célèbre le 24 décembre avec sa famille anglophone et le 25 avec ses proches francophones. 

Photo : Courtoisie

Le jeune Acadien fête le réveillon avec la famille anglophone de son père, tandis qu’il célèbre le jour de Noël avec le côté maternel et francophone de sa parenté.

Le soir du 24 décembre, une dizaine de convives discutent dans la langue de Shakespeare chez sa tante. «Mais je parle toujours français avec ma mère et mon frère», tient-il à préciser. 

Le 25 à midi, une vingtaine d’invités se réunissent «en français» chez ses grands-parents maternels. Seul le père d’Hayden ne maitrise pas la langue d’Antonine Maillet : «Il nous demande parfois ce qu’on raconte, il est très curieux, il veut connaitre les histoires.»

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Échappée belle avec ses proches

En Ontario, dans la banlieue de Toronto, Geneviève Stacey célèbre le temps des Fêtes en petit comité avec ses parents. Lumières et décorations dans la maison, cadeaux au pied du sapin, dinde et patates râpées au four; chaque année, la tradition reste immuable. Et autour de la table, l’anglais domine les conversations.

«Je suis plus contente de m’exprimer en français, mais ça ne me dérange pas, je suis habituée. La langue de la famille, ça reste l’anglais», relate la Franco-Ontarienne de 20 ans dont le père est anglophone et la mère francophone.

Le français, c’est ma culture, c’est qui je suis, mais ce qui compte à ce moment-ci de l’année, c’est de profiter du temps en famille. Le reste de l’année, on est trop occupés, on n’a pas le temps.

— Geneviève Stacey

La Franco-Manitobaine Nadia Bédard partage cette même envie de ralentir son rythme de vie effréné. La jeune femme voit Noël comme une échappée belle pour reprendre son souffle. «C’est mon moment préféré de l’année, ça me réchauffe le cœur. On peut se reconnecter à nos proches, oublier tous nos soucis», confie l’étudiante de 21 ans qui habite à Winnipeg.

Elle et ses deux frères célèbrent le 24 et le 25 en anglais avec la famille de leur mère d’origine ukrainienne, avant de partager le 26 en français avec le côté de leur père franco-manitobain. Grands-parents, cousins, oncles, tantes : tout le monde se réunit pour «faire un récap de sa vie et parler de ses projets d’avenir», rapporte Nadia Bédard.

«Au départ, ma mère ne parlait pas le français, mais elle a suivi des cours à l’université, car elle en avait marre d’aller à des réunions de famille et de ne rien comprendre», poursuit-elle.

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En Nouvelle-Écosse, Thomas Smith fête Noël avec ses parents bilingues. Autour du repas, les conversations vont et viennent entre l’anglais et le français. 

Photo : Courtoisie

La Franco-Manitobaine Nadia Bédard «adore» retrouver toute sa famille à Noël et discuter de la vie autour de grandes tablées. 

Photo : Courtoisie

En Ontario, Geneviève Stacey passe les fêtes de fin d’année avec ses parents. La langue familiale est l’anglais. 

Photo : Courtoisie

D’une langue à l’autre

En Nouvelle-Écosse, Thomas Smith passe lui aussi Noël avec ses parents. Chaudrée de fruits de mer le 24 au soir, dinde et échanges de cadeaux le 25 à midi. Sa mère est Québécoise, son père, néobrunswickois, alors à table, les discussions oscillent entre le français et l’anglais.

À Vancouver, Nigel Barbour est obligé de parler en anglais pour Noël : «C’est très agaçant, j’ai envie de dire “zut, zut, zut”.» 

Photo : Courtoisie

«C’est l’occasion de passer du bon temps en famille, de regarder des films ensemble, de jouer à des jeux de société», raconte l’étudiant de 19 ans à l’Université Saint Mary’s, à Halifax.

À l’autre bout du pays, en Colombie-Britannique, Nigel Barbour n’éprouve pas le même enthousiasme. Il fêtera Noël à Vancouver avec deux amis, dont l’un ne parle que l’anglais.

«C’est très agaçant, j’ai envie de dire “zut, zut, zut”, j’aurais voulu parler français, on est quand même un pays officiellement bilingue […], mais je suis bien obligé, c’est de la politesse», observe l’octogénaire, qui maitrise cinq langues.

Tous les pays engagés dans ce terrible conflit avaient une conviction commune : le conflit serait de courte durée. Certains évoquaient même une fin des hostilités avant Noël. Mais en décembre 1914, il devient évident que ce ne serait pas le cas. On ne pouvait pas encore se douter des horreurs et des carnages qui allaient venir.

Rapidement, en Europe de l’Ouest, les camps ennemis font pratiquement du surplace. De la Suisse à la Manche, des centaines de kilomètres de tranchées sont creusées. Des fragments de terrain acquis au prix d’énormes pertes humaines se perdent en peu de temps.

C’est une guerre de tranchées implacable qui durera pendant presque tout le conflit.

Des soldats qui s’affrontaient par les armes la veille fraternisent entre leurs tranchées le 25 décembre 1914. 

Photo : Cassowary Colorizations, attribution 2,0 générique

En décembre 1914, les soldats canadiens n’ont pas encore pris pied en France; le premier contingent du Corps expéditionnaire canadien (nom donné aux troupes du Canada) arrivera en janvier 1915. Quant aux États-Unis, ils n’y seront pas avant l’été 1917.

Différents corps armés – français, britanniques et belges – font face aux divisions allemandes. La fraternisation spontanée du 25 décembre prend place à deux endroits sur cette longue ligne de front : dans la région d’Artois, dans le nord-est de la France, et près d’Ypres, en Belgique.

Même si l’épisode a fait l’objet de multitudes écrits, pièces de théâtre et films, il était largement méconnu jusque dans les années 1960. Après une guerre qui avait fait plus de 20 millions de morts du côté militaire et civil et un nombre tout aussi grand de blessés, le temps n’était peut-être pas propice pour rappeler cet instant de camaraderie entre ennemis.

Un spectacle «extraordinaire»

Il y a une dizaine d’années, une lettre d’un soldat britannique écrite à sa mère depuis les tranchées relatant les évènements a été rendue publique. «Je crois que j’ai vu aujourd’hui [le jour de Noël] l’un des spectacles les plus extraordinaires que quiconque ait jamais vus», témoigne le lieutenant Alfred Dougan Chater.

En regardant par-delà un muret, vers 10 h, Chater raconte avoir vu un soldat allemand agiter ses bras. Deux autres combattants sortent de leur tranchée et marchent vers le camp britannique.

«On allait tirer sur eux quand on a vu qu’ils n’avaient pas d’armes. L’un de nos hommes est allé les rencontrer et, en deux minutes, la zone entre nos deux lignes de tranchées s’est remplie de soldats et d’officiers des deux côtés, se serrant les mains et se souhaitant Joyeux Noël», peut-on lire dans la lettre.

Rencontre surréaliste entre soldats allemands et britanniques le jour de Noël 1914. 

Photo : Wikimedia Commons, domaine public

«On a échangé des cigarettes. On a pris des photos. D’autres en ont profité pour simplement s’étirer sans avoir peur des tirs de mitraillettes pour la première fois depuis des mois. C’était le miracle de Noël, en pleine horreur.»

Chater ajoute qu’il est lui-même sorti de sa tranchée et qu’il a serré la main de plusieurs officiers allemands. Les deux côtés ont profité du répit pour récupérer les cadavres de leurs camarades et les enterrer. Puis, surgit un ballon de soccer.

Un autre soldat britannique qui était sur place, Ernie William, a raconté que le ballon est venu de nulle part, mais il est convaincu qu’il provenait du camp allemand. «Des buts de fortune ont été installés. Un des gars s’est placé devant le but et tout le monde s’est mis à frapper le ballon. Je crois qu’il devait y en avoir environ 200 qui ont participé.»

Ernie William précise que ce n’était pas un vrai match, mais plutôt une mêlée. Il n’y avait pas d’arbitre et on ne comptait pas les points.

D’autres soldats britanniques ont raconté une histoire un peu différente, certains précisant qu’après une heure de jeu, le commandant du bataillon britannique s’est rendu compte de ce qui se passait et a ordonné à ses hommes de revenir dans les tranchées.

Les Allemands auraient gagné la partie, 3 à 2. Le même score a été rapporté par un soldat allemand, Kurt Zehmisch, dans ses carnets.

Légende ou vérité?

L’histoire est devenue légendaire et a frappé l’imaginaire de bien des gens. Cent ans plus tard, en 2014, une reconstitution du match a eu lieu à Ploegsteert, en Belgique, où le tout se serait déroulé.

Il faut utiliser le conditionnel, car malgré les témoignages parvenus jusqu’à nous, le doute subsiste dans l’esprit de certains historiens. L’un de ceux-ci va jusqu’à dire qu’il n’y a «absolument aucune preuve ferme et vérifiable d’un match [de soccer]». Alors que des photos ont témoigné de la fraternisation, aucun cliché de la partie n’est parvenu jusqu’à nous. .

Les spécialistes soulèvent le fait, par exemple, que le sol de ce no man’s land était jonché de cadavres et trop abimé par les obus pour qu’un tel match puisse avoir lieu. Au mieux, selon l’un des historiens, des soldats auraient botté un ballon ici et là, mais sans qu’un vrai match se soit déroulé.

Reconstitution, parue le 9 janvier 1915 dans The Illustrated London News, de la rencontre des officiers britanniques et allemands se faisant face sur le front, le 25 décembre 1914. 

Photo : A. C. Michael, Wikimedia Commons

Pour ces historiens, l’idée d’une partie de soccer ce jour de Noël entre soldats de pays ennemis a été largement exagérée et idéalisée. L’important, souligne un autre historien, c’est le moment de fraternité, et non de savoir s’il y a eu quelques bottés ou un réel match de soccer.

Comme il a été mentionné, cette brève pause dans les hostilités n’est survenue qu’à deux endroits. Ailleurs sur le front, les combats se sont poursuivis le 25 décembre, et 80 soldats britanniques sont morts ce jour-là.

Aucune trêve similaire n’a eu lieu là où les troupes françaises et belges affrontaient les forces allemandes. Leur contexte était bien différent de celui des troupes britanniques.

En effet, l’Allemagne occupait des parties de la France et de la Belgique, et les soldats de ces deux derniers pays entretenaient une grande méfiance, sinon de la haine, envers l’ennemi.

Dès le lendemain de Noël, la guerre a repris son cours. Les commandants militaires étaient complètement en désaccord avec ce qui s’était passé. Au cours des trois autres Noëls pendant la guerre, on interdira formellement aux troupes de répéter ce comportement.

Mais le simple fait de penser que des soldats avec mission de tuer l’ennemi aient pu faire taire les fusils pendant quelques heures donne espoir au genre humain.