Le ministre Marc Miller a comparu devant le Comité permanent des Langues officielles du Sénat lundi.
Le ministre d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), Marc Miller, a répondu à des questions des sénateurs liées aux étudiants étrangers et à l’immigration francophone au pays. Son collègue, le ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et des Langues officielles, Randy Boissonnault, a quant à lui répondu aux questions sur les soins de santé en français.
Pourquoi c’est important : Quelques semaines après son annonce sur l’abaissement du nombre d’immigrants au Canada – nuancée par une hausse des cibles de résidents permanents francophones, le ministre a souligné à grands traits le rôle des provinces dans l’immigration francophone, qui doit passer selon lui par l’intégration et non pas seulement par l’augmentation des cibles d’immigrants.
Responsabilité partagée en santé : Le ministre Randy Boissonnault a lui aussi parlé des différents niveaux d’engagement des provinces dans les soins de santé. Il a par exemple salué le travail de la Saskatchewan, où le ministère responsable doit, dans un délai de 20 jours, déterminer si les compétences des immigrants travaillant dans le domaine de l’éducation sont reconnues, et enquêter dans le cas contraire.
La rapporteuse spéciale de l’Organisation des Nations Unies (ONU) sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, Francesca Albanese, était sur la Colline mardi pour demander au Canada d’effectuer un audit de ses affaires en cours avec Israël. Elle a aussi demandé d’y mettre fin immédiatement, en raison du «génocide en cours en Palestine», a-t-elle expliqué.
La rapporteuse spéciale de l’ONU pour les territoires palestiniens occupés depuis 1967, Francesca Albanese, a pointé du doigt le «manque de transparence» du Canada dans son soutien armé à Israël.
Pourquoi c’est important : Selon la rapporteuse spéciale, le gouvernement canadien viole les lois internationales, notamment en envoyant des armes à Israël. Elle demande notamment l’annulation immédiate de ces transferts, la transparence sur les affaires du Canada avec Israël et la révision de l’Accord de libre-échange entre les deux pays.
Le lendemain, la Coalition pour la responsabilité du Canada à Gaza est intervenue sur le même sujet. Elle a souligné le manquement du Canada à accueillir des réfugiés, membres de famille de Canadiens-Palestiniens. La Coalition a déposé une requête judiciaire contre le ministre fédéral de la Justice et procureur général du Canada, Arif Virani.
Même si la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, l’a démenti, Francopresse a confirmé que le gouvernement canadien a également choisi d’annuler une rencontre pourtant prévue avec la rapporteuse spéciale. En outre, elle devait être entendue au Comité permanent des affaires étrangères et du développement international sur la question du génocide, mais ce dernier a finalement annulé son invitation après une motion à huis clos.
Ce qu’elle dit : «Le Canada a des obligations très claires à la lumière des lois internationales envers le peuple palestinien», a rappelé Francesca Albanese.
La rapporteuse spéciale a rappelé que sur les 45 000 morts de Palestiniens connus depuis le 7 octobre 2023, 70 % étaient des femmes et des enfants. «Sur les 17 000 enfants, 700 morts étaient des bébés», a-t-elle ajouté, déplorant ce qu’elle qualifie d’«atrocités» de l’État d’Israël.
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Le ministre de l’Environnement, Steven Guilbeault, a présenté lundi un projet de règlement visant à imposer un plafond d’émissions de gaz à effet de serre (GES) au secteur pétrolier et gazier, qui devrait rentrer en vigueur en 2030.
Pourquoi c’est important : Le règlement obligerait le secteur des énergies fossiles à réduire de 35 % ses GES par rapport à 2019. Il prévoit un système de plafonnement et d’échange et devrait, selon le gouvernement, encourager les entreprises à adopter des technologies plus propres sans limiter la production.
Ce qu’ils disent : Le Parti conservateur du Canada (PCC) a critiqué ce plan de règlement, assurant que le gouvernement de Justin Trudeau veut «mettre en place un soi-disant “plafond d’émissions” qui tuera les emplois canadiens, augmentera le cout de l’énergie et enverra des milliards de dollars à des dictateurs à l’étranger».
Steven Guilbeault a de son côté soutenu que l’élection des conservateurs pourrait freiner la réduction des émissions du secteur pétrolier et gazier.
L’ancien sénateur autochtone manitobain Murray Sinclair est décédé lundi à l’âge de 73 ans.
Un rôle crucial : «Évidemment il a fait énormément de choses dans sa vie, mais pour moi son leadeurship au sein de la Commission de vérité et de réconciliation, son travail non seulement pour partager ce rapport, rédiger ce rapport, mais ensuite s’engager à tous les jours aux actions qui devaient être menées par les différents ordres de gouvernement pour accomplir ce voyage de réconciliation sur lequel nous nous trouvons était extraordinaire», a commenté le premier ministre Justin Trudeau, en conférence de presse lundi.
Murray Sinclair a été le premier juge autochtone du Manitoba et le deuxième au Canada en 1988. Il a présidé les travaux de la Commission de vérité et réconciliation du Canada de 2009 à 2015.
La porte-parole du Bloc Québécois en matière de Travail, d’Emploi et de Développement de la main-d’œuvre, Louise Chabot, a déposé mardi en Chambre une réforme de l’assurance-emploi.
Ce que ça changerait : Le taux de prestations sur la rémunération assurable augmenterait de 55 à 60 %, et le nombre de semaines de prestations spéciales en cas de maladie passerait de 26 à 50.
Par ailleurs, des prestations régulières de l’assurance-emploi seraient versées aux personnes forcées de quitter leur emploi en raison de violences conjugales ou de responsabilités familiales et à celles qui retournent aux études.
Largement réélu avec au moins 295 grands électeurs (au moment de la publication) contre 226 en faveur de sa rivale démocrate, Kamala Harris, Donald Trump redeviendra président des États-Unis.
«Nous devons accepter» les résultats, a déclaré Kamala Harris, qui aurait appelé le prochain occupant du Bureau ovale pour le féliciter. Elle a également appelé ses partisans à «continuer à se battre» : «C’est le temps de retrousser nos manches.»
Au Canada, le premier ministre Trudeau a félicité Donald Trump au téléphone. En point de presse, il a déclaré : «Ça a été une victoire décisive et j’ai hâte de travailler avec lui pour livrer pour les Canadiens et pour les Américains. On va recommencer à s’engager à fond avec l’équipe de Donald pour s’assurer qu’on est en train de bâtir un monde meilleur pour les Canadiens, pour les Américains, et pour tout le monde à travers la planète.»
De son côté, Pierre Poilievre a lui aussi félicité le locataire de la Maison-Blanche en tapant sur son adversaire au Canada : «Les États-Unis ont déjà pris un demi-billion de dollars d’investissements et d’emplois au Canada pendant les neuf années du gouvernement Trudeau, et les Canadiens n’ont plus les moyens de se loger et de se nourrir.»
Félicitations à Donald J. Trump pour son élection en tant que 47e président des États-Unis.
— Pierre Poilievre (@PierrePoilievre) November 6, 2024
Les États-Unis sont nos meilleurs amis ainsi que notre partenaire commercial le plus important, et je travaillerai avec le président pour le bien des deux pays.
Ma mission : sauver nos…
Le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Jagmeet Singh, a de son côté été l’un des seuls responsables politiques canadiens à laisser transparaitre sa réticence : «Il est temps de défendre avec force notre économie, nos emplois, nos frontières, notre environnement et nos gens», a-t-il assuré sur le réseau X.
Quant au chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, il s’est montré courtois, sans toutefois féliciter directement le nouveau président : «Il est d’usage d’aborder le mandat d’un nouveau chef d’État avec des félicitations optimistes. Le président élu des États-Unis a su lire le cœur de nombreux citoyens et leur offrir les mots qui les lui auront ralliés», a-t-il écrit, lui aussi sur X.
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Le premier ministre sortant, Scott Moe, a été réélu à la tête de la Saskatchewan le 28 octobre, mais a perdu huit sièges au profit du NPD.
«Pour Scott Moe, le gouvernement fédéral est intrusif pour la Saskatchewan», avance Frédéric Boily, professeur de science politique au Campus Saint-Jean de l’Université de l’Alberta.
Il prend l’exemple du premier ministre de la province, qui a souligné par le passé que la Saskatchewan contrôle ses ressources naturelles. «C’était déjà évident, mais on a tenu à le rappeler.»
«L’idée est que le Parti saskatchewanais est là pour défendre les intérêts de la Saskatchewan contre un gouvernement fédéral qui met en place des politiques environnementales qui sont au détriment des intérêts économiques de Saskatchewan. On s’oppose au gouvernement libéral. Tant que ce dernier reste à Ottawa et qu’ils sont dans une position de faiblesse comme maintenant, on reste donc dans une relation glaciale», soutient le politologue.
La raison de ce désamour entre les deux paliers de gouvernements ne résulte pas d’une inimitié personnelle de Scott Moe envers Justin Trudeau. «C’est surtout que la Saskatchewan est une économie rurale, qui repose sur le gaz naturel», explique le professeur adjoint à la Faculté des études politiques de l’Université de la Saskatchewan, Daniel Westlake.
«Donc la taxe sur le carbone aurait un impact négatif particulièrement fort sur un endroit comme la Saskatchewan. Et ça crée ce genre de lutte entre la province et le gouvernement fédéral.»
Cette opposition au gouvernement fédéral et à Justin Trudeau est aussi «une façon de se doter d’un capital politique à l’interne, contre les néodémocrates, ce qui joue en faveur du Parti saskatchewanais, notamment du côté des régions rurales», délaissées par Ottawa, estime l’universitaire.
Selon le professeur Frédéric Boily, le gouvernement libéral, en particulier, ne tient pas compte des intérêts de l’économie saskatchewanaise.
Selon Frédéric Boily, cet antagonisme met aussi sur la défensive les néodémocrates qui «doivent eux aussi trouver une façon de composer avec ça».
Dans tous les cas, au niveau provincial, «on ne peut pas se montrer trop proche du gouvernement à Ottawa», analyse-t-il.
Carla Beck, la cheffe du Nouveau Parti démocratique (NPD) de la Saskatchewan, a également fait attention à ne pas être identifiée à Jagmeet Singh «parce que par la suite, ça peut leur être reproché», affirme encore le professeur.
Lors du dernier débat télévisé, le premier ministre sortant, Scott Moe, a insinué que Jagmeet Singh [le chef du Nouveau Parti démocratique fédéral, NDLR] avait soutenu Justin Trudeau. Ce sous-entendu visait à associer son adversaire à Jagmeet Singh, et par raccourci, à Justin Trudeau. Carla Beck s’est défendue en rappelant qu’il s’agissait d’une campagne provinciale, et non fédérale.
L’autre défi pour Scott Moe sera de traiter avec un Pierre Poilievre plus populaire que lui, si le chef du Parti conservateur du Canada remporte les prochaines élections fédérales.
Daniel Westlake, professeur en Saskatchewan, assure que si Pierre Poilievre remporte les prochaines élections fédérales, Scott Moe aura affaire à un premier ministre plus populaire que lui dans sa propre province.
La même dynamique s’applique à Danielle Smith, la première ministre de l’Alberta. «Ça crée un défi intéressant pour ces deux premiers ministres, car ces dernières années, leur façon de se vendre à leurs électeurs reposait sur leur bataille contre le gouvernement fédéral», observe Daniel Westlake.
«Une fois Poilievre élu, si tel est le cas, ils ne vont plus pouvoir faire ça. Ils vont devoir trouver d’autres problèmes et d’autres façons de montrer qu’ils se battent pour les intérêts de leur province.»
Avec les informations de Julien Cayouette, Marianne Dépelteau, Marine Ernoult et Camille Langlade
Sur le plan économique, le chef républicain Donald Trump a menacé, durant la campagne électorale, d’appliquer des tarifs douaniers généralisés, sans promettre de passe droit pour son plus grand partenaire commercial, le Canada.
Les Américains sont de nature protectionniste, peu importe le parti au pouvoir, fait remarquer Yan Plante, président-directeur général du Réseau de développement économique et d’employabilité (RDÉE Canada).
S’il est encore trop tôt pour savoir si l’économie de la francophonie canadienne sera touchée par le retour au pouvoir de Donald Trump, Yan Plante est tout même d’avis que le résultat du vote au Wisconsin, État du nord des États-Unis, constitue une possible menace au système canadien de gestion de l’offre qui régit le marché du lait chez nous.
Donald Trump «est prévisible dans le sens qu’il est imprévisible. Donc on sait qu’il peut se lever un matin et changer complètement d’idée, donc il faut être prêt à ça», prévient Yan Plante.
Après tout, le Wisconsin – terre laitière des États-Unis – a été remporté par le Parti républicain. Or, les nombreux producteurs laitiers qui s’y trouvent aimeraient bien avoir accès au marché canadien.
Si le président américain choisit de céder à leurs pressions pour les remercier de leur appui, les fermes laitières du Canada, y compris celles qui appartiennent à des francophones, pourraient en souffrir.
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Pragmatisme économique
Mais le président ne prend pas des décisions en vase clos. Les relations du Canada avec les gouvernements de chaque état et avec les entreprises ont un rôle à jouer. Pour cette raison, le travail d’«Équipe Canada», qui maintient ces relations, est important, rappelle Yan Plante.
Ce dernier est convaincu que le Canada peut garder une très bonne relation économique avec les États-Unis si les sentiments personnels sont mis de côté. «Il y a juste l’intérêt supérieur du Canada qui devrait compter.»
«On sait que [Donald] Trump préfère de loin les relations bilatérales versus les relations multilatérales», souligne-t-il avant d’expliquer que Donald Trump considère avoir le gros bout du bâton dans une négociation à deux et un pouvoir dilué dans une négociation à plusieurs.
«Ce qui peut être un avantage dans des relations comme ça, c’est que si notre premier ministre, peu importe qui est cette personne, et le président des États-Unis, peu importe qui est cette personne, développent d’excellents liens interpersonnels, on peut arriver à des choses auxquelles on ne se serait pas attendu à la base.»
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«Ce qu’on cherche, c’est simplement le respect; de reconnaitre l’humanité dans chaque personne de la communauté LGBT et de pouvoir avoir accès à des services qui répondent à nos besoins comme n’importe quelle autre personne», défend Arnaud Baudry (centre).
Désinformation autour des enjeux 2SLGBTQIA+…
Pour la communauté 2SLGBTQIA+, les résultats de l’élection ne sont pas une bonne nouvelle selon Arnaud Baudry, directeur général de l’association FrancoQueer en Ontario, «parce que le mouvement anti-LGBT aux États-Unis est appuyé par Trump et par beaucoup d’élus [républicains]».
Mais surtout, Arnaud Baudry dénonce une mauvaise compréhension des enjeux liés à la communauté 2SLGBTQIA+, accentuée par la désinformation et la mésinformation. Une situation qui prévaut d’ailleurs des deux côtés de la frontière nationale.
«On entend des messages venant de politiciens au Canada qui reprennent les mêmes types d’informations erronées ou les mêmes types de mythes et de croyances pour faire peur à la population», avance-t-il.
D’après lui, la situation aux États-Unis pourrait avoir des répercussions négatives pour la communauté au Canada et alimenter un climat de méfiance autour de ses revendications.
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… mais aussi espoir de résistance
«C’est une question délicate et très préoccupante pour nous», lâche d’emblée le directeur général du Comité FrancoQueer de l’Ouest, en Alberta, Martin Bouchard. Selon lui, cette élection représente bien plus qu’un changement de leadeurship.
La personnalité polarisante de Trump et sa légitimation de discours de haine envers plusieurs communautés, dont la nôtre, alimentent un climat toxique qui menace les avancées pour les droits des personnes 2SLGBTQIA+, des femmes et d’autres groupes marginalisés.
«Dans la communauté 2SLGBTQIA+ et parmi nos alliés, il y a une résilience forte qui, nous l’espérons, se manifestera de plus en plus», veut croire Martin Bouchard.
«Au Canada, même si l’influence est moindre, nous pouvons constater que certains leadeurs, comme Pierre Poilievre et Danielle Smith, en Alberta, s’inspirent de ce style politique, ce qui reste inquiétant pour nous», poursuit-il.
Malgré un sentiment teinté d’impuissance, il veut croire que la résilience de la communauté 2SLGBTQIA+ et ses alliés mènera à «la naissance de groupes de résistance plus unis et mieux organisés pour faire front commun contre ce type de discours et de politique».
«Peut-être faut-il encore laisser la chance aux coureurs de nous surprendre – des surprises, parfois, peuvent venir même des personnalités les plus polarisantes», glisse-t-il.
La communauté haïtienne visée
«Ce ne sont pas les résultats qu’on attendait. On pensait que madame Kamala Harris allait gagner», confie de son côté Amikley Fontaine, président et fondateur de la Fondation Sylvenie Lindor, dédiée aux jeunes personnes noires franco-torontoises.
Amikley Fontaine attribue des «idées autoritaires» au président Trump et espère que celui-ci écoutera ses conseillers. «Je lui souhaite le meilleur, parce que les États-Unis sont le premier partenaire du Canada en matière d’échanges.»
Parmi les éléments du programme du président élu qui inquiète Amikley Fontaine se trouve l’immigration.
Il craint que le nouveau président «envisage une masse de déportations, notamment pour les ressortissants de la Colombie, du Venezuela et d’Haïti. L’inquiétude qu’on a au Canada, c’est que dans les jours à suivre, on pourrait assister à l’arrivée massive des ressortissants de ces pays qui sont aux États-Unis».
«Durant la campagne, Trump a été très très très hostile par rapport aux Haïtiens, notamment avec la question des chats et d’autres animaux. Je crois que le Canada doit se tenir prêt», insiste-t-il.
L’Entente sur les tiers pays surs est claire : sauf exception, un demandeur d’asile ayant vu sa demande rejetée aux États-Unis ne peut pas faire une demande au Canada, et vice-versa. La personne doit faire sa demande auprès du premier «pays sûr» dans lequel il arrive.
Amikley Fontaine implore le gouvernement libéral canadien de faire preuve d’ouverture. «Ici, au Canada, on a besoin des immigrants francophones», rappelle-t-il en mentionnant le manque de travailleurs et de travailleuses au sein des communautés francophones.
«Donc, peut-être qu’on pourrait utiliser ces immigrants qui sont déjà sur place aux États-Unis à travers un programme spécial.» Il assure que la Fondation Sylvenie Lindor serait prête à aider à l’accueil de migrants, le cas échéant.
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Avortement
«C’est une journée très triste aujourd’hui. Le droit à l’avortement des femmes américaines s’érode tranquillement. On a peur que cette intolérance monte au Canada», affirme la porte-parole de la Coalition pour le droit à l’avortement au Canada, Patricia LaRue.
Les nominations de juges de Donald Trump à la Cour suprême des États-Unis, lors de son premier mandat, ont mené à une restriction du droit à l’avortement dans plusieurs états.
Le mardi 5 novembre, en plus de voter pour élire leur président et les membres du Congrès, les électeurs du Nebraska, de la Floride et du Dakota du Sud ont rejeté des mesures proavortement dans le cadre de référendums locaux. Dans sept autres États, les électeurs ont en revanche voté pour le droit à l’avortement.
Au Canada, «beaucoup de gens travaillent au niveau politique pour limiter le droit à l’avortement», et «énormément de projets de loi sont déposés en ce sens», affirme Patricia LaRue.
Je crains que le regain des antichoix aux États-Unis se transfère de ce côté-ci de la frontière. Les opposants canadiens à l’avortement vont pousser pour mettre plus de barrières.
La porte-parole s’inquiète aussi de la venue d’Américaines dans les cliniques canadiennes si de plus en plus d’États américains imposent des restrictions. «C’est profondément injuste pour elles, et notre système de santé n’a pas forcément la capacité de les accueillir», prévient-elle.
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Pour la coréalisatrice et coproductrice de la série, Ania Jamila, Hôtel Beyrouth est avant tout une histoire d’immigration canadienne.
Inspirée de faits réels, la fiction Hôtel Beyrouth suit les premiers pas de la famille Haddad à Ottawa. Réalisée par les Franco-Ontariennes Ania Jamila et Josiane Blanc, la série met à l’honneur les deux enfants de la famille : Zeina, une adolescente vive et sensible en quête d’identité, et Fady, un jeune garçon curieux et plein d’énergie, qui n’en rate jamais une.
Alors que les Haddad s’efforcent de trouver leurs repères dans cette nouvelle vie canadienne, leur résidence devient rapidement un point de passage pour les immigrants libanais.
Entre Beyrouth et Ottawa, keftas et pâté chinois, musique traditionnelle libanaise et pop nord-américaine, Hôtel Beyrouth dresse le portrait d’une immigration riche en contrastes et en émotions.
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Francopresse : La série se déroule à la fin des années 1980. Est-ce que les défis auxquels font face les nouveaux arrivants pour s’intégrer dans la société canadienne ont aujourd’hui changé?
Ania Jamila : Je ne pense pas que l’immigration change tant que ça, à part le côté bureaucratique de la chose […] parce que les lois ne sont pas les mêmes.
Mais après, une histoire d’immigration, ça reste toujours, surtout après la guerre, une expérience déchirante, pour les enfants et pour les parents. On doit quand même trouver une maison, un chez soi. Il faut quand même trouver des écoles, se tailler une place.
Il y a quand même un choc culturel. On a des accents, on n’a plus la même nourriture, on essaie de se fondre, mais on n’est pas encore prêts à être fondus.
Malheureusement, j’ai plus une image d’histoire qui se répète constamment. La guerre qui se répète, même dans le même pays… les traumatismes. Mais le sujet, je tiens à le mentionner, ce n’est pas la guerre, c’est vraiment une histoire d’immigration.
C’est une histoire canadienne, de Néo-Canadiens qui arrivent au Canada et qui vont devoir faire leur place, s’adapter et souvent se poser la question : «Quand est-ce qu’on retourne, quand est-ce qu’on retourne?» Et au final, la plupart ne retournent pas.
«Je voulais vraiment qu’on les voie comme des membres de notre famille, qui nous ressemblent avec leur loufoquerie, avec leur blague, avec leur contradiction, avec leur faiblesse, avec leur humour», confie Ania Jamila.
Il s’agit aussi d’une famille qui parle français et qui vient s’installer dans une province anglophone. À quels défis particuliers sont confrontés les immigrants francophones?
Ania Jamila : La langue d’origine reste la langue affective. Quand on exprime ses émotions, souvent c’est plus facile de le faire dans la langue maternelle. Donc, ça crée quand même déjà au départ une petite cassure.
Quand on est à Ottawa ou en Ontario ou en milieu minoritaire, le flux d’informations qu’on reçoit est majoritairement en anglais. Donc, il faut vraiment comme séparer son cerveau en trois.
On a la langue d’origine qui est la langue affective, on a le français qui est la langue qu’on étudie à l’école, et ensuite on a l’anglais qui est tout le reste : le divertissement, les infos, les médias sociaux, etc.
Le français est comme squeezé entre les deux, et c’est une langue qui doit survivre en fait, c’est comme une survivante, qui a évidemment des accents.
À qui s’adresse la série?
Ania Jamila : Quand on racontait l’histoire, ça résonnait avec plein de personnes, même au sein de notre équipe. Moi, j’ai vécu quelque chose de très similaire, le trauma en moins. Mais le déracinement, il est là.
L’école, la maison, les parents qui n’arrivent pas à trouver de travail, qui ne savent pas s’ils vont rester, la famille qui reste derrière, le fait qu’on s’entraide entre nous, qu’on a toujours accueilli des gens dormir à la maison. Cette espèce de porte tournante, ça, c’est quelque chose qui fait écho.
C’est une histoire canadienne, une histoire néocanadienne; ce n’est pas une histoire libanaise. On met à l’écran une communauté libanaise qu’on met à l’honneur et puis qu’on célèbre avec toute sa splendeur et toute sa richesse et toute son unicité.
Mais en fin de compte, c’est cette histoire super précise et super particulière, tirée d’une histoire vraie, qui devient universelle au Canada.
Fady (9 ans) et sa sœur Zeina (14 ans) vont devoir s’adapter à leur nouveau chez-soi.
La série a une résonance toute particulière aujourd’hui, compte tenu des évènements au Liban, mais aussi dans d’autres pays comme Haïti, où des personnes fuient la guerre en quête de refuge, notamment au Canada.
Ania Jamila : En fait, je pense que ça nous donne la chair de poule tout le temps que ce ne soit pas une histoire du passé. […] C’est vraiment une histoire du présent, même si elle se passe dans les années 80. On a quand même traité le sujet de façon sérieuse, mais on a décidé d’en faire une comédie.
Je ne voulais pas qu’on voie ces personnes comme des victimes. Parce que ce sont des personnes qui sont hautes en couleur, qui ont beaucoup de personnalité, de rêves, de répartie, etc.
Je voulais aussi qu’on les voie comme des gens qui feraient partie de notre vie. Parce que souvent, quand on est dans le pathos, dans l’ultrapathos [on se dit que] «ça arrive aux autres, c’est pas à nous». Et je voulais vraiment qu’on les voie comme des membres de notre famille, qui nous ressemblent avec leur loufoquerie, avec leur blague, avec leur contradiction, avec leur faiblesse, avec leur humour.
Je me disais, ils sont beaucoup plus humains comme ça. On va plus les voir comme des gens qui font partie de notre communauté que comme des étrangers.
Et puis aussi, aujourd’hui, ça prend une autre dimension pour la communauté libanaise qui a besoin de souffler, qui a besoin de rire un peu, alors qu’on a envie de pleurer.
Les propos ont été réorganisés pour des raisons de longueur et de clarté.
Hôtel Beyrouth est disponible depuis le 24 octobre sur la plateforme TFO et diffusée tous les jeudis à 20 h sur la chaine.
«Ce texte permet de s’assurer que les francophones en situation minoritaires restent dans la mire des grandes institutions et il nous permet aussi de pouvoir aider les organismes comme l’ONF [Office national du film du Canada NDRL] ou Téléfilm Canada à atteindre leurs mandats de soutien aux artistes», a déclaré la présidente de la Fédération culturelle canadienne-française (FCCF), Nancy Juneau, lors de la signature officielle pour le renouvèlement de l’entente, le 31 octobre, au Centre national des Arts, à Ottawa.
Le Conseil des arts du Canada, la Société Radio-Canada, le Centre national des Arts, l’Office national du film du Canada, Téléfilm Canada, ainsi que le gouvernement fédéral font partie des signataires de l’Entente.
Les organismes signataires, qui comprennent également le Conseil des arts du Canada, s’engagent à mettre en valeur la culture et les arts francophones partout au pays, à accroitre la visibilité des communautés artistiques minoritaires et à lever les obstacles qui entravent leur accès aux programmes de soutien et de financements.
«On a besoin des [partenaires rassemblés aujourd’hui] pour se faire découvrir en tant que francophones et francophiles, pour célébrer nos racines, mais aussi notre avenir», a souligné le ministre fédéral de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et des Langues officielles, Randy Boissonnault.
Pour le rapeur franco-ontarien Yao, présent pour l’annonce, les bienfaits de cette entente sont tangibles. «Nous avons besoin que les gros joueurs comme le gouvernement, mais aussi Radio-Canada, le Centre national des Arts et les autres soient engagés pour nous permettre de mieux rayonner.»
«On voit l’impact de l’entente quand on constate qu’on nous donne de plus en plus la place dans la programmation ou la couverture des évènements culturels, on se fait interviewer, on est écoutés, soutenus.»
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La présidente de la FCCF, Nancy Juneau, se réjouit de la nouvelle entente pour 2024-2028.
Un nouveau cadre législatif
L’entente a été renouvelée dans le cadre du Plan d’action pour les langues officielles 2023-2028, qui prévoit 4,1 milliards de dollars pour appuyer le développement des communautés de langues officielles minoritaires.
Elle s’inscrit également dans le sillon du nouveau cadre législatif de la Loi sur les langues officielles, modernisée en 2023, qui définit les arts et la culture comme des piliers fondamentaux à l’épanouissement des communautés francophones au pays. Des piliers que le gouvernement a maintenant le devoir d’appuyer par des mesures positives concrètes.
La FCCF espère que ce contexte permettra, entre autres, d’établir prochainement un meilleur portrait du travail déjà effectué dans le domaine. «Nous nous sommes entendus sur l’importance des données pour documenter les progrès qu’on a réalisés ces 20 dernières années et mieux comprendre les besoins», précise Nancy Juneau.
Aucun financement n’est rattaché directement à la nouvelle mouture. «Le financement arrive aux organismes par d’autres entremises. […] En ce qui concerne les organismes d’Art et Culture, ce financement vient directement de Patrimoine Canada et il y a toujours des enveloppes auxquelles les organismes peuvent avoir accès via des demandes ponctuelles à mon bureau», a expliqué le ministre.
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Encore des défis d’accessibilité
Les intervenants réunis le 31 octobre ont tous relevé les difficultés auxquelles le milieu est confronté à l’ère du numérique. Internet est désormais la première destination du grand public pour la consommation de contenus culturels, dont on estime que «seuls 5 % sont en français».
Découvrir un artiste francophone de l’Ouest, du Québec ou du Nouveau-Brunswick, ce n’est pas évident. Aller sur Spotify, aller sur les géants du Web, trouver du contenu francophone, ce n’est pas évident
Des membres de la FCCF d’un bout à l’autre du pays étaient réunis pour célébrer le renouvèlement de l’Entente.
La FCCF soulève par ailleurs que certains partenaires ne sont toujours pas autour de la table, comme les acteurs du domaine des affaires. «Le secteur des arts comporte un volet d’industrie qui opère comme n’importe quelle autre industrie, mais pour qui les programmes de financement et développement économiques ne sont pas vraiment adaptés», a indiqué Nancy Juneau.
Les provinces sont également, pour le moment, absentes de l’Entente de collaboration. À noter cependant qu’en aout 2024, la directrice générale de la FCCF, Marie-Christine Morin, a été pour la première fois conviée à la conférence des ministres provinciaux responsables de la francophonie à Halifax, afin d’expliquer l’importance de l’investissement et de la promotion des arts en français au Canada.
«Les ministres ont nommé un appétit pour un possible projet national dans le domaine. C’est un chantier très récent, en discussion, mais c’est excitant», relate la directrice de la stratégie et des relations gouvernementales de la FCCF, Marion Henrie-Cadieux.
En revanche, les programmes de soutien aux minorités francophones ne sont pas immuables face aux aléas de la politique.
* La recherche de la présente chronique a été menée en collaboration avec Rawn Melançon et Randee Melançon.
Nous en sommes peut-être à un moment charnière de l’élargissement du public de la K-pop. La chanson APT de Bruno Mars et de la chanteuse australo-coréenne Rosé (membre du groupe Blackpink) bat des records d’écoute et se retrouve au sommet des palmarès.
Cette collaboration est loin d’être la première. Récemment, DJ Marshmallow et DJ Khaled ont chacun coproduit des chansons avec le groupe Seventeen. D’autres artistes de la K-pop ont également enregistré des chansons avec Lady Gaga, Jennifer Lopez, Selena Gomez, Usher, John Legend, les Jonas Brothers et même les New Kids on the Block.
De telles collaborations sont mutuellement bénéfiques puisqu’elles permettent à ces artistes américains, par exemple, de percer dans le marché coréen, où la K-pop règne, tout en faisant découvrir les artistes coréen·nes à leur public.
Les disquaires canadiens suivent la vague et offrent une section de plus en plus importante de K-pop – les disques étant accompagnés de livrets, affiches, cartes et autres articles de collection. Sans parler des magasins entièrement dévoués à la K-pop, notamment à Edmonton, Toronto ou Montréal.
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Un exemple : Seventeen
Le succès international de la musique sud-coréenne ne dépend toutefois pas des collaborations.
Le groupe sud-coréen Seventeen en 2018.
En 2023, FML du groupe Seventeen a été l’album le plus vendu au monde et a battu le record de la chanteuse anglaise Adele pour le plus grand nombre de ventes en une journée.
Ces succès ne sont pas attribuables à des enregistrements en anglais : la formation parsème ses chansons d’anglais, mais chante et rappe surtout en coréen, malgré la présence de deux membres anglophones en son sein.
Le cas de Seventeen illustre les difficultés que rencontrent les artistes de la K-pop. Formé en 2013, le groupe se stabilise avec 13 membres et lance son premier album en 2015. Contemporain du groupe BTS à la popularité inégalée (certains des membres des deux groupes étant amis), Seventeen voit ses succès augmenter petit à petit.
Le groupe a trouvé son succès actuel après l’annonce du départ des membres de BTS pour le service militaire obligatoire, service qui avait mené à des débats publics en Corée du Sud et qui est déjà terminé pour deux des membres.
C’est désormais le tour des neuf membres de Seventeen qui ne sont pas coréens ou qui ne sont pas exemptés pour des raisons médicales de rejoindre l’armée.
Le groupe assure lui-même sa production. La plupart de ses chansons sont écrites par le membre Woozi et son partenaire d’écriture Bumzu.
Connu pour la qualité de ses chansons, son éthique de travail, ses chorégraphies exigeantes et précises, son émission de télévision loufoque hebdomadaire Going Seventeen et sa bienveillance à l’égard des nouveaux groupes de K-pop, Seventeen est aussi devenu ambassadeur de l’UNESCO pour la jeunesse.
Des embuches pas toujours objectives
Ces succès ne protègent toutefois pas le groupe. Il fait face au racisme antiasiatique (qui sévit aussi au Canada) qui a été dénoncé par BTS à quelques occasions, dont à la Maison-Blanche, et par le chanteur Eric Nam dans le magazine américain Time.
Le groupe sud-coréen BTS s’est rendu à la Maison-Blanche pour dénoncer le racisme anti-asiatique en 2022.
Les manifestations de ce racisme sont nombreuses et variées.
Dans une remarque qui résume bien l’absence de respect pour la musique coréenne, un animateur de Radio-Canada a pu suggérer, sans pour autant vérifier le travail de traduction des admirateurs et admiratrices francophones comme anglophones de Seventeen, que les paroles des chansons de ce groupe pourraient n’être «que des conneries».
Dans le contexte d’une chaine radio nationale qui doit parler à l’ensemble de la population canadienne, où l’on peut par ailleurs entendre de la musique du monde (mais rarement de la Corée), une telle attitude est difficile à comprendre.
Elle n’est toutefois aucunement rare et on la retrouve également dans la déformation des propos et dans la manière de présenter le groupe. Ça a notamment été le cas lorsque l’auteur-compositeur et producteur de Seventeen, Woozi, a mentionné avoir expérimenté avec l’intelligence artificielle par curiosité, mais rejeté son apport à la musique.
La pièce Maestro et la vidéo qui l’accompagne montrent d’ailleurs une opposition franche au phénomène de l’intelligence artificielle et une réflexion murie et poussée à son sujet.
La BBC, et la CBC à sa suite, ont néanmoins choisi de mésinterpréter ces propos pour donner dans les stéréotypes qui lient les personnes asio-descendantes à la robotique et l’inauthenticité. Si l’intelligence artificielle est bien utilisée dans l’industrie de la musique coréenne, elle l’est tout autant dans la musique en France ou au Canada.
D’autres groupes sont victimes du même traitement. La formation sud-coréenne Stray Kids, qui gagne en popularité aux États-Unis, a été l’objet de multiples remarques racistes sur le tapis rouge du dernier Met Gala, où elle avait été invitée par le designer Tommy Hilfiger.
D’autres préjugés rendent difficile l’accès à la K-pop. Notons la tendance à rejeter ce qui est jugé comme particulièrement populaire chez les filles et les jeunes femmes ou encore à catégoriser des groupes comme étant des «boy groups» ou «girl groups».
Cette propension au dénigrement ou à la catégorisation va bon train malgré le peu de ressemblances entre, d’une part, la musique et les prestations de la K-pop et, d’autre part, ce que les industries du disque occidentales désignent sous cette appellation.
Repenser la K-pop dans notre contexte
Il faut surtout éviter de voir la K-pop comme un tout homogène. La K-pop désigne un courant musical, d’abord en rupture avec la musique «trot» qui dominait les ondes coréennes, mais qui inclut un grand nombre de styles musicaux. Son essor mondial est dû à une politique culturelle ambitieuse, qui a créé la «hallyu» ou «vague coréenne».
Maintenant que la musique coréenne est présente sur les ondes partout en Asie (et bien au-delà) et que des artistes de partout en Asie se rendent en Corée pour avoir la possibilité d’y faire carrière, il devient plus facile pour la musique du reste du continent asiatique de se faire connaitre.
Le groupe japonais Babymetal a ainsi pu se faire une renommée parmi les adeptes de métal, tandis que le chanteur et acteur thaïlandais Jeff Satur s’est fait connaitre grâce à la chanson originale de la série télévisée KinnPorsche.
À se cantonner à la musique produite au Canada, aux États-Unis, en France et en Grande-Bretagne, on risque de manquer ce qui se fait actuellement de plus intéressant!
Jérôme Melançon est professeur en études francophones et interculturelles ainsi qu’en philosophie à l’Université de Regina. Ses recherches portent notamment sur la réconciliation, l’autochtonisation des universités et les relations entre peuples autochtones et non autochtones, sur les communautés francophones en situation minoritaire et plus largement sur les problèmes liés à la coexistence. Il est l’auteur et le directeur de nombreux travaux sur le philosophe Maurice Merleau-Ponty, dont La politique dans l’adversité. Merleau-Ponty aux marges de la philosophie (MétisPresses, 2018).
S’il pense que la cible de 6 % d’immigrants francophones pour 2024 sera «largement atteinte, à moins d’un revirement majeur», le ministre fédéral de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, Marc Miller, assure que l’immigration est «indispensable», mais qu’elle n’est pas la «solution à tout».
«C’est la clé de la revitalisation des communautés» francophones à l’extérieur du Québec, a-t-il tout de même assuré au président du Comité, le sénateur acadien René Cormier.
Le ministre témoignait sur deux sujets liés à la francophonie minoritaire : l’immigration et les conséquences du plafonnement des permis pour des étudiants internationaux pour les établissements postsecondaires.
Le gouvernement fédéral a récemment annoncé des cibles progressives afin d’atteindre 10 % d’immigration francophone à l’extérieur du Québec en 2027.
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Mais une cible de 10 %, «c’est beaucoup demander à mon ministère, mais aussi aux communautés, qui ne sont pas nécessairement habituées à voir de nouveaux arrivants, surtout dans un petit village, où il y a deux maisons de libres. Ça peut poser des problèmes d’intégration et de migration vers les grands centres, où il y a plus de logements», a-t-il déclaré en entrevue avec Francopresse, en marge du Comité.
Il faut regarder ce qui est réalisable. En politique, la pire chose est d’entretenir le faux espoir. Je voulais donner un coup de barre à mon ministère pour augmenter le nombre d’immigrants francophones.
Pour Marc Miller, l’une des solutions autre que l’immigration pour contrer la baisse du poids démographique des francophone repose surtout sur une bonne intégration des immigrants déjà présents avec l’assurance d’obtenir des services en français, l’accès à l’éducation et aux soins de santé, «dans les régions historiquement bilingues comme le Nouveau-Brunswick, ou celles qui ont une forte proportion de francophones», a-t-il confié à Francopresse.
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Selon lui, l’accès à ces services ne peut se faire sans un engagement des provinces en la matière.
À la question de la sénatrice franco-ontarienne Lucie Moncion, qui a demandé quel était l’engagement des provinces en immigration francophone, le ministre a répondu que celui-ci était «souvent mitigé» : «Ça dépend de la mouture politique. Au Nouveau-Brunswick, j’ai plus d’espoir aujourd’hui que je ne l’avais il y a deux semaines. La collaboration dépend de la province en question.»
Ça incombe au gouvernement de l’Ontario de s’assurer que les Franco-Ontariens puissent avoir des services de qualité en français. Ça prend une réflexion de société.
Marc Miller plaide aussi pour un processus «d’accompagnement» des immigrants comme solution, en parallèle des cibles d’immigration francophone. Sans cet accompagnement, il n’y a pas de rétention possible, estime-t-il : «C’est très important, sinon on manque notre coup.»
Et l’accompagnement commence «par les maires ou les organisations qui les entourent», maintient le ministre : «Il faut un engagement politique de tous les partis, peu importe à quel palier, pour un bon accompagnement.»
Le ministre a également souligné «le manque flagrant de responsabilité des provinces» quant à la gestion du nombre de permis d’étude délivrés aux étudiants étrangers, plafonné en début d’année par le gouvernement fédéral.
En comité, le ministre Miller a accusé «beaucoup d’institutions» postsecondaires d’avoir privilégié «la quantité sur la qualité» pour faire plus d’argent.
Il a répondu avec vigueur sur la question des étudiants étrangers.
La modernisation de la Loi sur les langues officielles ne donnait pas nécessairement un passe-droit à toutes les institutions francophones d’aller se payer n’importe qui, n’importe comment avec les vannes ouvertes, simplement par prétexte qu’ils ont à cœur le fait français.
«Il fallait agir et limiter le volume pour miser sur la qualité. Je tends la main à ces institutions pour qu’on assume notre responsabilité de bien accueillir ces jeunes adultes dans des communautés qui leur sont nouvelles, quitte à pouvoir les accompagner dans la résidence permanente par la suite.»
Comme conséquence, selon le ministre, il y a des étudiants «fragilisés» qui demandent l’asile au Canada. «Ce n’était pas l’idée. Les gens n’ont pas la perspective de devenir des résidents permanents ou des citoyens.»
«Je n’ai jamais demandé aux institutions francophones, anglophones ou autres de facturer quatre fois le prix qu’un étudiant [canadien] pourrait payer dans les universités. Il y a eu un manque de responsabilité flagrant à certains égards. Le gouvernement fédéral se devait d’agir», a-t-il encore insisté.
Le ministre a annoncé cet été le lancement du Programme pilote pour les étudiants dans les communautés francophones en situation minoritaire (PPECFSM), qui soustraira des étudiants internationaux francophones du plafond imposé pour le nombre d’étudiants étrangers, non francophones.
Il s’agit d’une autre manière, selon lui, d’augmenter le nombre d’immigrants francophones, en privilégiant l’accès à la résidence permanente pour ces étudiants. «Car ils ont un début d’intégration au pays», a-t-il justifié.
En entrevue avec Francopresse après le comité, Marc Miller déplore : «Je me suis transformé malgré moi en ministre de l’Éducation fédéral. Je ne voulais pas ce rôle, mais j’ai dû l’assumer.»
On a souvent expliqué les différences de niveaux de développement des pays par les différences géographiques ou les différences culturelles.
Le philosophe français Montesquieu et l’économiste britannique Alfred Marshall, par exemple, argumentaient que le climat tropical diminuait l’ardeur au travail. Le sociologue allemand Max Weber, pour sa part, prétendait que les «valeurs protestantes» accroissaient l’ardeur au travail.
Pour les trois économistes américains nouvellement nobélisés, ce sont plutôt les institutions mises en place par les gens au pouvoir qui sont principalement responsables des différences de prospérité entre les pays.
Ils utilisent le concept d’«institutions inclusives» pour décrire des institutions qui agissent pour que le fruit de la croissance soit partagé par l’ensemble de la population. Ces institutions économiques et politiques font en sorte que le droit de vote est favorisé. Leurs contraires sont des «institutions extractives», qui profitent plutôt à la minorité au pouvoir.
Les institutions inclusives peuvent comprendre, par exemple, un régime politique démocratique, un système judiciaire impartial et des emplois gouvernementaux ouverts à tous, pas seulement aux amis du pouvoir. Le respect des droits de propriété privés est aussi important, afin que l’on ne puisse pas confisquer unilatéralement et sans fondement les avoirs d’un particulier.
La récente élection au Nouveau-Brunswick, où il y a eu un changement de gouvernement reflétant le souhait de la majorité de la population, est un exemple d’institution inclusive en action.
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Moins de liberté, moins de prospérité
Les lauréats du Nobel ont attribué le revers de fortune de nombreux pays et régions à la colonisation.
Les structures imposées par les puissances coloniales variaient. Les régions qui connaissaient une prospérité impressionnante avant la colonisation, mais qui se sont vu imposer des institutions qui minimisaient les bénéfices pour les populations locales ont généralement connu un déclin de leur prospérité.
Par contre, les régions où ont été mises en place des institutions de redistribution de la richesse ont connu une croissance de leur niveau de prospérité.
Un exemple tiré de l’histoire récente présenté par les lauréats est celui de la Corée du Nord et de la Corée du Sud. Ces deux pays ont une géographie similaire, soit la péninsule coréenne. Ils partagent une culture commune. La grande différence entre les deux pays est au niveau des institutions créées à la suite de la guerre de Corée.
La Corée du Nord a choisi un régime dictatorial, sans démocratie et ne permettant pas l’existence d’un secteur privé «indépendant».
La Corée du Sud, bien qu’elle ait connu certains régimes militaires, est une démocratie avec un secteur privé dynamique. Plusieurs compagnies de la Corée du Sud sont d’ailleurs des leadeurs mondiaux, tels que Kia, Samsung et Hyundai.
La différence du niveau de vie entre ces deux pays est, selon les lauréats du Nobel, la démonstration que les institutions inclusives jouent un rôle fondamental dans le développement économique.
Les menaces actuelles
Il n’est probablement pas anodin que la Fondation Nobel ait décerné le prix 2024 aux économistes Acemoglu, Johnson et Robinson. Nous pouvons argumenter que les institutions qui assurent une certaine égalité des chances sont menacées dans de nombreux pays démocratiques.
Les modèles russe ou chinois sont souvent présentés comme des solutions de rechange crédibles. Or, les travaux de ces économistes montrent qu’en l’absence d’institutions inclusives, les perspectives de développement ne sont pas reluisantes.
Les exemples de régions dans le monde où les institutions sont mises à rude épreuve abondent.
Aux États-Unis, Donald Trump a mis en doute la pertinence de certaines institutions américaines et semble avoir une admiration pour les façons de faire de certains dictateurs.
Au Nouveau-Brunswick, le gouvernement Higgs a tenté de réduire le rôle des conseils d’administration élus des régies régionales de la santé.
Au Brésil, l’ancien président Jair Bolsonaro a également mis à mal les institutions de son pays.
Et en Haïti, aujourd’hui, les institutions ne peuvent simplement plus jouer pleinement leur rôle.
Dans les efforts de développement économique, on peut penser que l’aide internationale, des investissements importants ou des transferts technologiques peuvent changer le cours des choses. Cela est incontestablement vrai.
Néanmoins, Acemoglu, Johnson et Robinson nous enseignent qu’en l’absence d’institutions inclusives, incluant la démocratie, les espoirs d’une réelle prospérité risquent de ne pas se concrétiser.
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Pierre-Marcel Desjardins est titulaire d’un doctorat en économie de l’University of Texas (Austin). Il a obtenu un baccalauréat et une maitrise en science économique de l’Université de Moncton, où il enseigne l’économie depuis 1990. Ses recherches portent sur le développement économique régional et rural, les politiques publiques ainsi que la langue et l’économie. Il conseille gouvernements et organismes, en plus de faire partie de plusieurs conseils d’administration.
«La nourriture est le meilleur moyen de découvrir l’autre. En Afrique, la cuisine fait partie intégrante de qui on est, de notre quotidien», affirme le coordonnateur de projets au Contact interculturel francophone de Sudbury (CIFS), en Ontario, Gouled Hassan.
Une vingtaine de bénévoles confectionnent des plats de leur pays d’origine pour les faire découvrir lors de la soirée du Cabaret africain à Sudbury, en Ontario.
Le responsable parle d’un art culinaire qui «façonne les rencontres, exprime l’amour ou le chagrin» à l’occasion des mariages ou des décès.
Depuis 25 ans, le CIFS organise une fois par an le Cabaret africain. L’évènement multiculturel réunit quelque 500 personnes autour de la gastronomie, de la musique et de la mode. Le repas attire aussi bien des anglophones que des francophones, des Franco-Ontariens de longue date que de nouveaux arrivants déboussolés en quête de repères, détaille Gouled Hassan.
«On célèbre la diversité, on veut favoriser la rencontre de personnes qui ne se seraient pas croisées par ailleurs.»
Près de 80 bénévoles, dont une vingtaine en cuisine, s’activent pour donner vie à cette soirée qui se déroule à guichet fermé depuis 15 ans. Chaque année, plantain, couscous et riz en tout genre mijotent dans les marmites fumantes.
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La Semaine de l’immigration francophone a lieu début novembre chaque année au Canada. Des activités d’intégration, de discussion et de rencontres entre nouveaux arrivants et communautés d’accueil sont organisées dans plusieurs communautés francophones.
Avec le Cabaret, Gouled Hassan souhaite faire tomber les clichés et les préjugés tenaces envers l’Afrique.
«Quand les Canadiens pensent Afrique, ils pensent famine, guerre, besoins humanitaires. On veut leur faire prendre conscience d’aspects plus positifs, leur montrer les richesses culturelles et l’apport des immigrants», insiste le coordonnateur.
Des groupes de musique professionnels se produisent lors de la soirée multiculturelle du Cabaret africain à Sudbury, en Ontario.
Plus à l’est, au Nouveau-Brunswick, les centres de la petite enfance de l’Association régionale de la communauté francophone (ARCf) de Saint-Jean tentent également de jeter des ponts entre les nouveaux arrivants et les deux communautés d’accueil de la région grâce à la nourriture.
Depuis quatre ans, les dix éducatrices des deux garderies du secteur mitonnent des spécialités de leur pays d’origine pour les enfants à l’occasion de la Semaine nationale de l’immigration francophone, début novembre.
Les tout-petits découvrent des recettes du Cameroun, du Maroc, d’Algérie, de Cuba. Mélanges sucrés-salés, soupes, boulettes de viande, haricots rouges sont à l’honneur.
«Les enfants sont très curieux, rien que les odeurs si particulières les attirent et ils posent des questions sur les ingrédients avant de déguster», assure l’éducatrice au CPE La vallée enchantée à Quispamsis, Malika Abbassi.
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Originaire du Maroc, Malika Abbassi est engagée depuis le début dans le projet. L’an dernier, elle a cuisiné une medfouna, un plat traditionnel composé notamment de vermicelles de blé, de poulet et d’épices, puis recouvert de sucre à glacer et de cannelle.
Pour l’éducatrice en petite enfance, Malika Abbassi, la cuisine «permet aux gens de se rencontrer et de s’apprécier davantage, ça contribue à changer les regards».
Le personnel prépare aussi un livret pour les parents avec des explications sur l’histoire des mets et des détails sur les recettes, s’ils veulent les refaire chez eux. «C’est une manière d’aider les gens à voyager sans se déplacer, on ramène nos pays ici», se réjouit l’éducatrice.
Elle en est persuadée, la cuisine facilite l’intégration des immigrants : «Ça permet aux gens de se rencontrer et de s’apprécier davantage, ça contribue à changer les regards. Les locaux s’ouvrent à nous et on s’ouvre à eux.»
L’agente de projets arts et culture de l’Association franco-yukonaise, Alexia Desoblin, considère également que la cuisine est un «élément rassembleur».
Chaque mois, l’organisme propose un repas communautaire qui réunit au minimum 25 personnes de la communauté francophone. En novembre, c’est au tour de la gastronomie belge d’être sous le feu des projecteurs.
Il y a des liens énormes entre pratiques culinaires et intégration sociale des nouveaux arrivants. La mise en valeur du patrimoine culinaire aide à cultiver le dialogue et la curiosité de l’autre.
Le sociologue de l’alimentation aimerait voir plus d’évènements de ce type : «Ça reste trop ponctuel et ça limite les possibilités d’établir des liens durables à l’extérieur, dans la vie de tous les jours.»
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À Quispamsis, dans le sud-ouest du Nouveau-Brunswick, Malika Abbassi a pu nouer des «relations plus profondes» avec plusieurs parents grâce à l’initiative de l’ARCf. «Avant c’était “bonjour, au revoir”, maintenant la cuisine a ouvert des portes, on a de nouvelles discussions sur mon pays, ma culture.»
Aminata Konaté, originaire du Mali, arrivée en 2013 au Canada, a créé son entreprise de traiteur My African Cuisine in YK dans les Territoires du Nord-Ouest.
«La nourriture est un moyen d’intégration et de partage, beaucoup de gens me connaissent à travers ma cuisine», abonde dans le même sens la fondatrice de l’entreprise de traiteur My African Cuisine in YK, dans les Territoires du Nord-Ouest (T. N.-O.), Aminata Konaté.
Venue du Mali, la jeune femme prépare des spécialités ouest-africaines, comme du riz jollof, du couscous sauté aux légumes, des grillades ou des bananes plantains. «Quand on parle de cuisine africaine, on réduit souvent ça au piment. Mon travail est l’occasion de faire connaitre la richesse et la diversité de notre patrimoine culinaire.»
Arrivée dans les T. N.-O. en 2019, elle a commencé par vendre des jus de gingembre et d’hibiscus au marché des fermiers de Yellowknife. Elle a ensuite lancé sa gamme de sauce et offre désormais un service de traiteur pour des repas à domicile ou de plus grands évènements, comme des assemblées générales ou des 5 à 7.
«Les gens sont toujours très curieux, ils aiment quand je leur donne de l’information sur mon pays d’origine, sur ma langue maternelle, le bambara, que je leur explique mes traditions», salue Aminata Konaté, qui évoque le «bonheur» de confectionner des plats de son enfance.
Les odeurs et les saveurs lui redonnent le gout du Mali et lui rappellent la richesse de ses racines.
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