«Les organismes communautaires nous veulent, mais ils ne savent pas comment favoriser notre implication, comment nous attirer et nous retenir», témoigne le Fransaskois Louis-Pascal Guérette DeVink, scolarisé en 12e année à Saskatoon.
Pour faire le pont entre les jeunes d’expression française et le réseau associatif, la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA), en partenariat avec la Fédération de la jeunesse canadienne-française (FJCF), a organisé les 28 et 29 novembre un Forum des leaders consacré à l’engagement jeunesse.
Près de 40 organisations et 28 jeunes d’expression française de tout le pays y ont participé.
«On doit développer de nouvelles stratégies pour que les jeunes se reconnaissent et s’engagent dans nos réseaux», insiste le coordonnateur de l’évènement et directeur des communications de la FCFA, Serge Quinty.
À ses yeux, la définition des «enjeux francophones» doit évoluer : «Il ne s’agit pas juste de parler de la défense du français, mais aussi de justice sociale, de changement climatique en français.»
«On doit travailler à mieux cibler nos activités pour répondre plus adéquatement aux besoins des jeunes», abonde dans le même sens la directrice générale de Canadian Parents for French, Nicole Thibault.
Des préoccupations économiques
Selon les premiers résultats du Baromètre jeunesse réalisé l’été dernier par la FJCF, la hausse du cout de la vie et l’accès à des services en santé mentale et au postsecondaire en français font partie des principales préoccupations des 18-25 ans.
«C’est vraiment accès sur l’économie, ce sont des inquiétudes semblables au reste de la population», observe le président de la FJCF, Simon Thériault.
Le leadeur appelle également les organismes communautaires à adapter leur fonctionnement afin de faciliter la participation de la nouvelle génération. Il évoque des réunions tôt le matin ou le soir, des rencontres en lignes, la mise en place de service de garde pour les parents, des possibilités de covoiturage pour celles et ceux qui n’ont pas de voiture.
«Nous devons optimiser nos façons de faire et notre gouvernance pour être plus attrayants», appuie Serge Quinty.
Les organisations souffrent par ailleurs d’un manque de visibilité au sein de la jeunesse. «Quand ils quittent leur regroupement jeunesse, beaucoup de jeunes se sentent perdus et ne savent pas où aller ni comment s’impliquer, car ils connaissent mal les autres structures de la francophonie», confirme le président de Jeunesse Acadienne et Francophone de l’Île-du-Prince-Édouard (JAFLIPE), Hayden Cotton.
Pour éviter de les perdre et assurer une meilleure transition, la FCFA et la FJCF travaillent sur un projet commun, dont l’objectif est de créer des passerelles plus structurées entre le réseau jeunesse et le reste des organismes porte-paroles de la francophonie. Des possibilités de jumelage et de tutorat sont notamment envisagées.
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Sortir de sa bulle et «aller vers d’autres communautés»
«On doit changer d’approche et se mettre sur le chemin des jeunes. Il ne faut plus attendre qu’ils viennent à nous, mais s’engager auprès d’eux, s’adapter à leur réalité», estime Serge Quinty.
L’ouverture des organismes doit également se faire à l’égard des élèves d’immersion, selon le directeur des affaires publiques et politiques de Canadian Parents for French, Ahdithya Visweswaran.
«Ils doivent sortir de leur bulle et prendre le réflexe d’aller vers d’autres communautés», insiste cet ancien élève en école d’immersion.
Durant sa scolarité entre le Manitoba et l’Alberta, la communauté francophone ne l’a pas toujours accueilli à bras ouverts. Il évoque des remarques acerbes, «toi t’as l’accent de l’immersion, tu dilues la francophonie», qui l’ont poussé à changer son accent et sa façon de parler.
«En tant que personne immigrante, racisée, riche de plusieurs identités, je ne me sentais pas à ma place dans la francophonie, je n’avais pas de sentiment d’appartenance», confie Ahdithya Visweswaran.
Il salue à cet égard la volonté d’intégration des responsables communautaires présents au Forum des leadeurs : «Je me suis senti validé dans mon identité comme jeune bilingue, une nouvelle ère semble s’ouvrir.»
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Sortir du clivage entre francophone et anglophone
Un avis que partage Jack Bailey, étudiant à l’Université du Nouveau-Brunswick : «Je suis encore quelqu’un qui a beaucoup d’anxiété à parler en français, mais là, j’ai senti une envie de s’appuyer sur notre leadeurship, de nous faire une place.»
Nicole Thibault appelle de son côté à briser la ligne de démarcation entre les systèmes scolaires francophone et anglophone, «qui ne définissent plus les jeunes d’aujourd’hui».
«Ils sont plus ouverts à passer d’un côté à l’autre, avec des parcours beaucoup plus mixtes, à cheval entre l’immersion et les écoles francophones», assure la directrice de Canadian Parents for French.
À ce titre, elle souhaite inciter davantage les élèves d’immersion à participer aux activités des groupes de jeunes francophones. À la suite du Forum, elle envisage même de parrainer et de soutenir financièrement ces groupes.
Le Fransaskois Louis-Pascal Guérette DeVink songe, lui, à organiser des tournées de promotion dans les écoles d’immersion pour faire connaitre son réseau jeunesse.
«Les jeunes d’immersion ne savent pas où sont les lieux de vie en français, il faut leur dire qu’il existe des façons de continuer dans la francophonie, en dehors de l’éducation», soutient Jack Bailey.
À Ottawa, Ahdithya Visweswaran espère que ce forum n’est qu’un début, «la première étape vers une plus grande inclusion des jeunes de tous les horizons et de toutes les diversités».
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