le Mardi 11 novembre 2025

La Stratégie pancanadienne des femmes immigrantes francophones en milieu minoritaire : Briser les barrières pour une intégration équitable, comptant une centaine de pages, a été dévoilée à Toronto, le 30 janvier.

«Nous voulons donner aux femmes immigrantes francophones en situation minoritaire les moyens de s’intégrer, nous voulons renforcer leurs droits et leur autonomie pour qu’elles puissent s’épanouir pleinement», a affirmé la présidente de l’Alliance des femmes de la francophonie canadienne (AFFC), Nour Enayeh, lors du lancement.

Soukaina Boutiyeb de l’AFFC regrette le manque de données disponibles sur les femmes francophones immigrantes en situation minoritaire. 

Photo : Courtoisie 

Elle explique que ces femmes «sont plus vulnérables», car elles cumulent plusieurs discriminations liées à leur genre, à leur statut d’immigrante, souvent racisée, et à leur langue.

«Nous voulons nous assurer que les services d’établissement soient mieux adaptés aux réalités de femmes aux multiples identités, souvent marginalisées», détaille la directrice générale de l’AFFC, Soukaina Boutiyeb, en entrevue avec Francopresse.

L’organisme a été mandaté par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) et travaille sur ce document depuis plus d’un an, en partenariat avec la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA) et le Réseau de développement économique et d’employabilité Canada (RDÉE).

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«Les femmes portent la charge mentale du projet d’immigration»

Après avoir réalisé des recherches sur la situation au Canada et sur différentes pratiques exemplaires à l’étranger, les auteurs du rapport ont mené une série de consultations publiques auprès d’organismes et de 343 immigrantes partout au pays.

Environ 72 % des répondantes qui ont participé à un sondage en ligne étaient responsables de la demande d’immigration. Qu’elles suivent leur conjoint ou fuient leur pays d’origine, qu’elles viennent de façon volontaire pour améliorer leurs conditions de vie ou suivre des études, «les femmes portent la charge mentale du projet d’immigration et des responsabilités familiales qui en découlent», relève Soukaina Boutiyeb en entrevue.

D’après les résultats de l’enquête, l’accès au logement et aux soins de santé en français restent les plus importants obstacles auxquels sont confrontées les nouvelles arrivantes. Arrive ensuite l’accès à des services d’aide à l’emploi, à de la formation professionnelle et à des garderies.

Seul point positif, la majorité des répondantes ne rencontre aucune difficulté en ce qui concerne l’inscription de leurs enfants dans une école francophone.

Les femmes évoquent également les difficultés d’accéder au marché de l’emploi à cause de leur méconnaissance de l’anglais et de la non-reconnaissance de leur acquis, ou encore les défis d’intégration dans leurs communautés d’accueil liés au racisme systémique.

Par conséquent, les risques d’isolement, de précarisation économique et de violence sont réels, rappelle Soukaina Boutiyeb.

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Sensibiliser et réseauter

Pour lever les freins à l’intégration, l’AFFC a élaboré 11 recommandations. L’organisme insiste sur l’importance d’avoir une offre de services en français plus visible et cohérente, accessible aux femmes qui préparent leur départ vers le Canada.

La stratégie recommande notamment la création de nouvelles formations prédéparts, qui offriraient des informations claires et détaillées en amont sur les conditions de vie et de travail au Canada.

La stratégie veut aussi faciliter l’accès à de l’information juridique, à des services de santé en français et à des services d’aide adaptés à la vie familiale, avec l’intervention de travailleurs sociaux. Des logements de transition à l’arrivée seraient aussi une aide précieuse.

Pour favoriser l’insertion économique et communautaire, le rapport préconise de renforcer le réseautage, le marrainage et le mentorat; de promouvoir et de financer davantage l’entrepreneuriat au féminin; de multiplier les campagnes de sensibilisation sur la diversité culturelle et l’inclusion auprès des employeurs; de simplifier la reconnaissance des diplômes obtenus à l’étranger.

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Former les acteurs de terrain 

Cette stratégie «reflète notre volonté collective de faciliter l’intégration socioprofessionnelle», a souligné, lors du lancement, la présidente du RDÉE Canada, Julie Tremblay, qui a travaillé sur le volet employabilité et entrepreneuriat du document.

Nos recommandations sont concrètes et accessibles, mais ce n’est pas la seule responsabilité de l’Alliance. Nous avons besoin de la contribution de tout le monde pour avoir un impact concret.

— Soukaina Boutiyeb

En entrevue, elle insiste à cet égard sur le besoin d’adopter systématiquement une démarche par et pour les femmes : «La clé est de les inclure dans l’élaboration de tous les programmes et politiques, en organisant régulièrement des forums, des consultations.»

«Il faut prévoir des investissements en conséquence et plus de collaboration entre les ministères pour pallier le manque de données sur les profils des femmes francophones immigrantes», ajoute-t-elle.

Une nouvelle plateforme

Afin de vulgariser la stratégie et de mobiliser le public le plus large possible, l’AFFC a lancé le site Web immigration.affc.ca. La plateforme, «ludique et informative», selon Soukaina Boutiyeb, réunit des fiches explicatives, des capsules vidéos et des balados enrichis de témoignages de nouvelles arrivantes et de pratiques exemplaires.

À partir du 25 février, l’AFFC proposera également une série de cinq formations en ligne pour appuyer les acteurs de l’immigration francophone dans la mise en application de la stratégie.

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Avec les informations de Marianne Dépelteau et Marine Ernoult

Étant donné les menaces de Donald Trump d’imposer des tarifs douaniers de 25 % sur les importations canadiennes, l’inquiétude monte dans les milieux d’affaires francophones d’un bout à l’autre du pays. Les entreprises francophones sont intégrées à l’économie du Canada et, conséquemment, elles font elles aussi affaire avec les États-Unis.

André LeBlanc rappelle qu’une grande partie des produits de la pêche des Maritimes est exportée aux États-Unis. 

Photo : Courtoisie

Selon des données de Statistique Canada, 77,3 % des exportations canadiennes étaient destinées aux États-Unis en 2023. Le Nouveau-Brunswick et l’Alberta sont les deux provinces qui dépendent le plus des exportations vers notre voisin du sud. L’Île-du-Prince-Édouard, la Nouvelle-Écosse, le Québec et l’Ontario ont aussi des économies entremêlées à cette relation.

Minerais, animaux d’élevage vivants, végétaux, bois, nourriture transformée, pâte à papier… Des millions de dollars de matériaux et de produits sont vendus de l’autre côté de la frontière canadienne chaque année.

«Tout le monde en parle. Ça va fortement nous toucher. On parle d’une récession inévitable si ça se concrétise», témoigne le directeur général du Réseau de développement économique et d’employabilité (RDÉE) de l’Île-du-Prince-Édouard, Stéphane Blanchard.

Même son de cloche du côté du président-directeur général du Conseil économique du Nouveau-Brunswick, Gaëtan Thomas, qui indique que «la situation pourrait être extrêmement difficile» pour les entreprises francophones de la province, dont «la majorité» sont actives dans les secteurs de la pêche et de l’exploitation forestière.

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Les clôtures internes

Pour le directeur général sortant de la Fédération des gens d’affaires francophones de l’Ontario (FGA), Richard Kempler, la base d’une résilience de l’économie canadienne, «et donc franco-canadienne», se trouve dans le commerce intérieur.

Pour cette raison, il souhaite une «mise en œuvre pleine et entière de l’Accord de libre-échange canadien». Cet accord, signé en 2017, encourage le retrait des exceptions au commerce entre les provinces et territoires. Ces exceptions comprennent par exemple des limites sur la vente et la distribution de boissons alcoolisées entre certaines régions du Canada.

Stéphane Blanchard entrevoit «une récession inévitable» si des tarifs douaniers sont imposés au Canada par les États-Unis. 

Photo : Courtoisie

Or, le tableau ci-dessous, tiré d’une analyse du groupe de réflexion IEDM, montre que seuls les trois territoires, le Manitoba et surtout l’Alberta ont retiré des exceptions à cet accord entre 2017 et 2023.

Les huit autres provinces ont maintenu leur nombre d’exceptions et, selon un communiqué d’IEDM du 27 janvier 2025, le Québec – qui est déjà la province ayant le plus grand nombre d’exceptions – en aurait même ajouté une de plus en 2024.

Tout cela signifie que les progrès espérés avec l’Accord de libre-échange canadien tardent largement à se concrétiser. Pourtant, ces exceptions au commerce intérieur représentent des manques à gagner pour l’économie canadienne, déplore Richard Kempler.

«C’est une absurdité, on se tire une balle dans le pied, dit-il. Commençons par créer un véritable marché unique à l’échelle du Canada. […] Que les produits laitiers du Québec puissent être vendus en Ontario, que l’Ontario puisse proposer des services techniques en Saskatchewan.»

Et dans le cas d’entreprises canadiennes francophones qui exportent vers les États-Unis, le Québec n’est pas à négliger, fait remarquer Richard Kempler. «Vous avez à portée de main un énorme marché où vous avez la langue en commun.»

«On a besoin de renforcer le marché intérieur, d’assouplir les règlementations», plaide le vice-président aux affaires nationales de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), Jasmin Guénette. «Les embuches actuelles reviennent à s’imposer des tarifs douaniers en tant que Canadiens.»

Jasmin Guénette veut que les provinces retirent les barrières au commerce d’est en ouest au Canada. 

Photo : Courtoisie

«Aujourd’hui, c’est plus facile et moins cher d’exporter aux États-Unis qu’au Québec. Les provinces doivent s’aligner et arrêter de compétitionner entre elles», renchérit Gaëtan Thomas.

La FCEI réclame notamment la reconnaissance des produits d’un océan à l’autre. «Les provinces et territoires doivent ouvrir leurs portes aux produits du reste du pays comme si c’étaient des produits fabriqués et approuvés chez eux», explique Jasmin Guénette.

«Ça fait des années qu’on en parle, mais rien n’a bougé. J’espère que la menace des droits de douane américaine va faire prendre conscience à nos gouvernements qu’il faut avancer sur cette question», réagit le directeur général du Conseil économique et coopératif de la Saskatchewan, Kouamé N’Goandi.

L’aide gouvernementale sera importante

Le responsable s’inquiète particulièrement pour deux grosses entreprises fransaskoises, Bourgault Industries et Trailtech Trailers, qui fabriquent respectivement du matériel agro-industriel et des remorques industrielles.

«Elles exportent surtout aux États-Unis, car le marché canadien est trop petit, explique Kouamé N’Goandi. Elles vont devoir se réinventer, essayer de baisser leurs couts de production pour rester compétitives.»

Il estime néanmoins que les entreprises ne pourront pas s’en sortir toutes seules, sans l’aide des gouvernements. «Le fédéral et les provinces devront leur verser des incitatifs pour compenser la hausse des tarifs.»

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Par-delà l’océan

En Nouvelle-Écosse, l’industrie de la pêche se prépare à «diversifier ses marchés à l’international», rapporte le gestionnaire des services en affaires et en entrepreneuriat du Conseil de développement économique de la Nouvelle-Écosse, André LeBlanc. Cette industrie tente «de maintenir la croissance du secteur et de stabiliser les impacts, potentiellement très graves.»

Gaëtan Thomas propose de développer des relations commerciales avec les pays francophones de l’Afrique. 

Photo : Courtoisie

«La francophonie pourrait nous servir de tremplin. On regarde au niveau des opportunités en France, relève-t-il. Mais ça reste compliqué. Les Européens ne sont pas habitués à nos homards, nos pétoncles et nos crabes.»

Les acteurs économiques néobrunswickois explorent les possibilités en Afrique francophone. Le gouvernement provincial mènera d’ailleurs une mission économique en Côte d’Ivoire cet hiver et au Bénin au printemps.

«Ce sont des marchés en expansion incroyable. Grâce à la francophonie, nous allons être capables de faire des grands pas en Afrique», considère Gaëtan Thomas.
Richard Kempler voit aussi les pays d’Afrique francophone comme de bons candidats au développement de nouveaux échanges économiques.

Pour les francophones, le directeur sortant suggère de diversifier le commerce en regardant ailleurs qu’aux États-Unis. «Aidons les entreprises francophones à exporter vers un marché d’exportation naturel où la langue est un atout, vers les 321 millions de locuteurs de l’[Organisation internationale de la francophonie].»

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Malgré ses promesses en campagne électorale, le premier ministre a souvent été absent de l’action, des débats et des annonces touchant la minorité francophone.

Pour un chef accusé – par les anciens ministres Marc Garneau et Bill Morneau – de concentrer le pouvoir décisionnel au sein du cabinet du premier ministre, Justin Trudeau semble pourtant avoir laissé toute la place à sa ministre Ginette Petitpas Taylor lors de la refonte de la Loi sur les langues officielles.

À d’autres occasions, le gouvernement de Justin Trudeau a cependant oublié que les communautés francophones en situation minoritaire doivent être protégées.

À lire : Francophonie et langues officielles : l’héritage de Justin Trudeau en question

Le postsecondaire francophone, un des grands oubliés

L’un des plus récents exemples d’oubli remonte à janvier 2024, quand le ministre d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, Marc Miller, a annoncé une réduction du nombre de permis d’études délivrés aux personnes étrangères. 

Les établissements postsecondaires francophones ont alors tiré la sonnette d’alarme, parce que la diminution des revenus apportés par ces étudiants et étudiantes allait lourdement diminuer leurs revenus.

Dans les semaines suivantes, il a été impossible de savoir comment la mesure affecterait les établissements postsecondaires francophones; jusqu’à l’annonce d’un nouveau programme pour eux.

En 2021, Justin Trudeau faisait campagne avec la promesse de financer les établissements postsecondaires francophones à hauteur de 80 millions de dollars par an de manière permanente. Un financement qui ne s’est jamais concrétisé dans le Plan d’action pour les langues officielles.

Important, mais pas toujours…

Quand Justin Trudeau n’était pas absent des débats, il semblait tout simplement oublier les besoins des communautés francophones en situation minoritaire.

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En 2019, il a nommé une lieutenante-gouverneure unilingue anglophone dans la seule province officiellement bilingue du Canada.

Lors de son entrée en fonction comme gouverneure générale du Canada, Mary Simon avait promis d’apprendre le français. 

Photo : Sgt Johanie Maheu – Rideau Hall

En 2021, Justin Trudeau a persisté et signé avec l’installation d’une gouverneure générale qui ne parle pas français, Mary Simon. Certes, elle est autochtone et sa nomination représente un geste louable pour se rapprocher des Premières Nations, mais la population francophone du pays s’est sentie, encore une fois, oubliée.

D’ailleurs, la prorogation du Parlement au début de l’année a rejeté dans les limbes deux projets de loi qui auraient modifié la Loi sur les compétences linguistiques et rendu obligatoire le bilinguisme pour les postes de gouverneur général du Canada et de lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick.

Autre exemple d’oubli, au début de la pandémie de COVID-19, le premier ministre a défendu la décision contestée de Santé Canada d’autoriser l’étiquetage unilingue en anglais afin d’accélérer la production de certains produits désinfectants, antiseptiques et d’entretien. 

Dans ce dernier cas, le commissaire aux langues officielles a cependant conclu que la mesure avait été «raisonnable».

À lire : Quatre projets de loi en lien avec la francophonie victimes de la prorogation

Comment ne pas montrer l’exemple

Tous ces exemples d’oublis n’ont pas la même portée grave que d’autres préjudices passés subis par les francophones en situation minoritaire. Ils ne se comparent pas au Règlement 17 ou aux difficultés d’obtenir des écoles de langue française. Ils n’ont pas fait reculer les droits des francophones.

Ils démontrent cependant un manque de leadeurship qui envoie un très mauvais message à la fonction publique et à la population, tant francophone qu’anglophone.

Le commissaire aux langues officielles indiquait d’ailleurs dans son rapport annuel de 2024 que des institutions fédérales «ne semblent ni adhérer à la vision d’une fonction publique bilingue ni appuyer la création de milieux de travail dans lesquels les fonctionnaires se sentent habilités à travailler dans la langue officielle de leur choix».

Un très vieux problème qui disparaitra seulement lorsque la personne à la tête du gouvernement canadien offrira plus qu’un bilinguisme d’apparence, plus que des discours dans les deux langues officielles.

Elle montrera que le français est aussi important que l’anglais. Elle rappellera que les francophones ont aussi aidé à construire le pays. Elle n’oubliera pas que les communautés minoritaires ont des enjeux spécifiques.

Justin Trudeau en avait peut-être l’intention, mais il n’a pas été cette personne.

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«L’absence de la langue comme dimension d’analyse dans la production de données sur le marché du travail entraine un manque d’information», soulignaient la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA), l’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne (ACUFC) et le Réseau de développement économique et d’employabilité (RDÉE) dans une étude de 2022.

Deux ans plus tard, dans un rapport, le Comité permanent des langues officielles recommande au gouvernement fédéral de demander à Statistique Canada de recueillir des données linguistiques dans le cadre de l’Enquête mensuelle sur la population active (EPA).

Cette enquête se fait tous les mois, mais elle ne distingue pas les groupes linguistiques. Les besoins en main-d’œuvre dans les communautés francophones en situation minoritaire ne sont donc pas connus, ni leur taux de chômage, ni leur taux d’emploi.

Selon Martin Normand, l’Enquête mensuelle sur la population active est une machine qui permet déjà de ramasser des données économiques à laquelle il faudrait ajouter des questions sur la francophonie. 

Photo : Courtoisie

«Nous et bien d’autres organismes, on interpelle plusieurs ministères à cet effet-là depuis des années», déclare le président-directeur général de l’ACUFC, Martin Normand. «L’aiguille n’a pas beaucoup bougé.»

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Un besoin de plus en plus criant

Les institutions fédérales qui travaillent avec l’ACUFC demandent de plus en plus de données probantes sur les besoins économiques des communautés francophones pour justifier des décisions politiques, indique Martin Normand.

«J’ai eu ces demandes-là d’IRCC [Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada] dans le débat autour des permis de travail postdiplôme. […] Quand je dis qu’on devrait ajouter certaines professions ou certains programmes à la liste d’éligibilité des permis de travail, on me demande d’arriver avec des données qui prouvent qu’il y a des pénuries dans ces secteurs-là.»

Les établissements postsecondaires francophones doivent parfois présenter de telles données aux gouvernements provinciaux pour justifier la création d’un nouveau programme d’études subventionné, ajoute-t-il.

«Il est impossible d’avoir une idée claire des besoins de main-d’œuvre des communautés par secteur d’emploi et par région du pays, dit Liane Roy. Les francophones au Yukon n’ont peut-être pas les mêmes besoins que ceux de Terre-Neuve-et-Labrador.»

Photo : Chantallya Louis – Francopresse

Quand ces données sont inexistantes, l’ACUFC va chercher des données plus qualitatives, des articles de presse ou des études plus génériques. «Ça reste imprécis», dit M. Normand.

Pour la présidente de la FCFA, Liane Roy, il faut aussi «quantifier les besoins». Elle donne l’exemple des pénuries de main-d’œuvre : «On prend beaucoup parole dans le dossier de l’immigration francophone et on dit toujours qu’on veut aider les pénuries de main-d’œuvre via les immigrants. Mais il faut avoir une bonne idée de ce qu’on demande.»

«Les institutions fédérales cherchent des données, c’est à elles de trouver les solutions pour que ces données-là soient produites plutôt que de mettre ça sur les épaules des organismes, qui n’ont pas les ressources pour créer et soutenir des études longitudinales sur le marché du travail», défend Martin Normand.

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Un potentiel économique inconnu

La Fédération des gens d’affaires francophones de l’Ontario (FGA) a récemment publié un deuxième livre blanc sur l’économie franco-ontarienne. Mais, comme le fait remarquer le directeur général, Richard Kempler, les données ont été achetées.

On aimerait bien pouvoir le faire à l’échelle de l’ensemble du pays, et surtout de le faire […] tous les mois, ce serait idéal. On aurait un tableau de bord, quasiment en temps réel, de l’état de la francophonie, et donc de l’écosystème francophone d’affaires au pays.

— Richard Kempler

«On a besoin que Statistique Canada se penche de façon systématique sur l’état de la francophonie au pays», signale Richard Kempler. 

Photo : Courtoisie

Le livre blanc a par exemple permis de recenser que près de 900 000 personnes en Ontario sont capables de travailler en français, mais ne le font pas actuellement.

«Il y a un réservoir de productivité, de gains potentiels, de croissance, qui n’est pas utilisé. Il faudrait mieux s’identifier comme francophones, défend Richard Kempler. Avoir des statistiques en permanence permettrait de dire : “Regardez, comptons-nous, regardez ce qu’on représente.” On a tendance à être sous-estimé dans le pays en dehors du Québec.»

Le français est, selon lui, une force pour l’économie, mais il est difficile d’outiller les entreprises francophones si l’on ignore leur localisation et leur nombre.

«On se sert de la lentille francophone pour ajouter un surcroit de croissance à l’ensemble de l’économie ontarienne. J’en ai pour preuve qu’un salarié bilingue gagne plus qu’un salarié unilingue, donc le fait d’ajouter le français contribue davantage à la croissance du PIB de l’Ontario», soutient le directeur.

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«Portrait statique et incomplet»

Le RDÉE se dit prêt à collaborer avec Statistique Canada et les décideurs publics pour mettre en œuvre la collecte de ces données essentielles.

«Les données disponibles à l’heure actuelle, comme celles de l’Enquête sur la population de langue officielle en situation minoritaire, offrent un portrait statique et incomplet, alors que des données mensuelles de l’EPA permettraient un suivi continu des tendances», écrit le RDÉE dans une réponse par courriel.

«De plus, avec la menace de tarifs sur les exportations et une potentielle hausse du chômage, des données spécifiques pour les CLOSM aideraient à réagir plus efficacement et à mieux soutenir les populations touchées», ajoute l’organisme, en mentionnant au passage d’autres domaines qui pourraient bénéficier de ces données, comme l’immigration et l’entrepreneuriat.

Selon Joël Godin, si les données linguistiques ne sont toujours pas recueillies dans l’EPA, c’est probablement «une question de volonté et d’intention». 

Photo : Courtoisie

«C’est aberrant»

«Comme gestionnaire, le gouvernement du Canada doit avoir des données plus précises», estime le député conservateur Joël Godin. Pour lui, ces données sont un «outil important» pour permettre aux communautés de langues officielles en situation minoritaire [CLOSM] d’avoir un portrait réel de leur situation et pour faire comprendre celle-ci au gouvernement. 

Il est «aberrant» que ces données ne soient toujours pas disponibles, affirme le député membre du comité qui a fait la recommandation.

Si le gouvernement libéral actuel ne demande pas à Statistique Canada de les recueillir, il serait «très envisageable» qu’un éventuel gouvernement conservateur le fasse, indique Joël Godin. «Je vais faire ces représentations-là auprès de mon caucus.»

«En tant que néodémocrates, nous sommes déterminés à lutter contre la pauvreté et à soutenir les communautés francophones en situation minoritaire. Ces données aideront à réduire la pauvreté dans ces communautés», écrit pour sa part la députée fédérale Niki Ashton, dans un courriel. 

Les députés libéraux contactés n’ont pas répondu à nos demandes d’entrevue.

«Plusieurs personnes au gouvernement disent qu’on l’entend de plus en plus cette recommandation, rapporte Liane Roy. Je pense qu’encore une fois, sans vouloir être négative, c’est une question de sensibiliser les gens à ce que ça peut vouloir dire.»

Le Canada veut mettre fin aux affirmations plus ou moins douteuses, voire franchement mensongères, qui fleurissent sur de plus en plus de produits dans les commerces, et encadrer la façon dont les entreprises communiquent sur l’impact environnemental de leur activité. 

Geneviève Paul aurait aimé que les nouvelles mesures législatives renforcent le devoir de vigilance des entreprises et les obligent à prendre en compte les répercussions de leurs activités sur la planète. 

Photo : Courtoisie

Depuis juin 2024 et l’adoption du projet de loi C-59 par le Parlement, la Loi sur la concurrence oblige les compagnies à fournir des preuves suffisantes et appropriées à l’appui de leurs prétentions écologiques.

Lorsque les allégations portent sur une entreprise ou ses activités, les données devront être obtenues à l’aide d’une méthodologie reconnue à l’international.

L’écoblanchiment se traduit le plus souvent par des promesses vagues, comme celles de réduire les émissions de gaz à effet de serre ou de planter des arbres. Du côté de la finance verte, des produits d’investissement sont parfois présentés comme étant plus durables qu’ils ne le sont réellement.

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L’écoblanchiment, un phénomène en hausse

Selon un rapport du Centre québécois du droit de l’environnement, l’écoblanchiment climatique est «foisonnant», avec les expressions «net-zéro» et «carboneutre» de plus en plus utilisées par de grandes compagnies.

Une autre étude menée par le Réseau international de contrôle et de protection des consommateurs constate qu’environ 40 % des prétentions liées à l’environnement pourraient être considérées comme trompeuses.

«Rétablir la confiance avec les consommateurs»

«C’est une avancée significative et nécessaire, insiste le professeur au Département de management de l’Université Laval, Olivier Boiral. Les études montrent que plus les entreprises sont polluantes, plus elles communiquent en matière de développement durable pour améliorer leur légitimité.»

Le chercheur Olivier Boiral s’inquiète des conséquences de la nouvelle législation sur les petites et moyennes entreprises : «Ce n’est pas sûr qu’elles aient assez d’argent pour se conformer. Ça pourrait nuire à leurs actions environnementales.» 

Photo : Courtoisie

Les nouvelles dispositions «devraient rétablir la confiance avec les consommateurs, être un incitatif pour se démarquer en investissant réellement dans l’environnement», croit de son côté l’avocat et chargé de cours à l’Université de Sherbrooke, Julien Beaulieu.

Selon un sondage de septembre 2024 commandé par Greenpeace Canada, 93 % des personnes interrogées soutiennent l’idée que les entreprises doivent être sanctionnées si elles sont coupables d’écoblanchiment.

Le Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE) salue également le texte de loi qui «renverse le fardeau de la preuve», selon sa directrice, Geneviève Paul.

Auparavant, le Bureau de la concurrence devait démontrer que les indications des entreprises étaient fausses et trompeuses. Désormais, ce sera aux compagnies d’attester la véracité de leurs allégations écologiques.

En revanche, la loi n’oblige pas les entreprises à divulguer les données sur lesquelles elles se fondent pour documenter leurs déclarations, regrette Geneviève Paul.

Autre progrès salué par les groupes écologistes : à partir de juin, les consommateurs et consommatrices pourront directement déposer plainte devant le Tribunal de la concurrence.

Mais Olivier Boiral prévient : «Les plaintes vont se multiplier et le Bureau de la concurrence aura besoin de plus de ressources humaines et financières pour mener des enquêtes.»

Sanctions à géométrie variable

En théorie, les sociétés qui enfreignent la nouvelle règlementation s’exposent à des sanctions très lourdes, pouvant aller jusqu’à 3 % de leur chiffre d’affaires mondial. En pratique, il existe de nombreuses circonstances atténuantes.

«Si l’entreprise démontre qu’elle est de bonne foi et a agi avec diligence pour se conformer, elle peut simplement se faire taper sur les doigts», explique l’avocat Julien Beaulieu.

En 2022, le Bureau de la concurrence a néanmoins conclu une entente avec Keurig Canada qui comprenait une pénalité de 3 millions de dollars pour fausses allégations sur le recyclage de ses capsules de café.

Des accords similaires ont été conclus avec Volkswagen Canada, Audi Canada et Porsche Canada. Actuellement, la société de vêtements Lululemon ferait l’objet d’une enquête.

Les industries dans le flou

Du côté des acteurs économiques, la règlementation, jugée trop imprécise, inquiète. «Elle laisse planer un grand flou. Nos membres ne savent plus exactement de quoi ils peuvent parler», rapporte la vice-présidente de la Chambre de commerce de Calgary, Ruhee Ismail-Teja.

Pour Ruhee Ismail-Teja de la Chambre de commerce de Calgary, les mesures législatives contre l’écoblanchiment empêchent ses membres de parler librement de leurs objectifs climatiques. 

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En juin dernier, Alliance nouvelles voies, le lobby de l’industrie des sables bitumineux, a ainsi retiré de son site Web et de ses réseaux sociaux toutes les affirmations selon lesquelles le secteur était sur la voie de la carboneutralité.

Dans un communiqué de presse, Alliance nouvelles voies parle d’«un climat d’incertitude considérable pour les entreprises canadiennes souhaitant s’exprimer publiquement sur les travaux qu’elles entreprennent pour améliorer leur rendement au chapitre de l’environnement et lutter contre les changements climatiques».

De même, le géant pétrolier Suncor Énergie, établi à Calgary, a supprimé de ses supports de communication toute référence à ses actions en matière climatique, «jusqu’à ce que le Bureau de la concurrence présente des clarifications et des directives précises».

Le secteur de l’agroalimentaire serait également plus frileux à communiquer sur les questions écologiques par peur d’être accusé d’écoblanchiment, rapporte Olivier Boiral, qui a mené une enquête auprès d’une trentaine d’acteurs.

Les entreprises «s’interdisent de s’engager ouvertement alors que le but de la loi n’est pas de réduire la quantité d’informations disponibles, mais d’améliorer la qualité. On peut se demander si [elles] n’exagèrent pas les risques», considère Julien Beaulieu, qui y voit avant tout une «posture politique».

Méthodologie remise en question

Olivier Boiral estime pour sa part qu’il y aura de moins en moins de communication verte des grandes industries polluantes : «La loi joue un rôle préventif, elles se sentent surveillées, elles vont y penser à deux fois avant de mettre de l’avant des allégations trompeuses qu’elles auront du mal à justifier.»

L’entrepreneur Kevin Krausert craint une fuite des jeunes pousses à l’étranger : «C-59 alourdit trop leur fardeau.» 

Photo : Courtoisie

Au centre des critiques se trouve la notion de «méthodologie reconnue à l’international», un «concept inédit», selon Julien Beaulieu, que les acteurs économiques jugent confus et inadapté.

«Ça n’est pas clair, est-ce que cela veut dire que l’on devra se conformer à de nouvelles normes?», s’interroge Ruhee Ismail-Teja.

Le directeur général et cofondateur d’Avatar Innovations, Kevin Krausert, craint quant à lui «un coup de frein brutal» sur l’innovation en matière de technologie propre. Sa société, située en Alberta, investit dans de jeunes pousses spécialisées dans la transition énergétique.

«Quand on développe une nouvelle technologie, il y a inévitablement des erreurs sur les objectifs de réduction des émissions de carbone, ce n’est pas dans l’intention de tromper le public», argüe-t-il.

Geneviève Paul du CQDE s’inscrit en faux contre cet argument : «Les nouvelles dispositions devraient contribuer à des innovations environnementales sérieuses, qui s’appuient sur une démarche allant au-delà du simple discours publicitaire ou du message de relations publiques destiné à faire du profit.»

Épée de Damoclès au-dessus de la loi

Pour aider les entreprises à y voir clair, le Bureau de la concurrence révise actuellement ses lignes directrices. Ces changements sont soumis à la consultation du public jusqu’à la fin février.

Les entreprises «s’interdisent de s’engager ouvertement alors que le but de la loi n’est pas de réduire la quantité d’informations disponibles, mais d’améliorer leur qualité», fait remarquer l’avocat Julien Beaulieu. 

Photo : Courtoisie

«Tout en tentant de rassurer le monde économique, le Bureau reste très général et ne va pas dans les détails. C’est frustrant. Ça ne donne pas beaucoup de certitudes», déplore Julien Beaulieu.

En réalité, l’autorité indépendante a préféré rester prudente, car une épée de Damoclès plane au-dessus des nouvelles dispositions de la Loi sur la concurrence dans l’Ouest canadien.

En Alberta, un groupe d’entreprises conteste le texte devant les tribunaux. Les plaignants parlent d’atteinte à la liberté d’expression et argüent qu’ils ne seraient plus en mesure de s’exprimer librement sur leurs performances environnementales.

«Le bureau n’a pas voulu prendre de mesures qui pourraient nuire à la défense devant la cour», confirme Julien Beaulieu.

Une autre incertitude politique pèse sur le projet de loi C-59 : l’élection fédérale imminente et la possible arrivée au pouvoir des conservateurs.

Si tous les partis ont voté en faveur du texte à la Chambre des communes, une remise en question au Parlement reste possible, avance Olivier Boiral. Le chercheur rappelle que le chef du Parti conservateur du Canada, Pierre Poilievre, a fait de la contestation des mesures climatiques adoptées par Justin Trudeau son cheval de bataille.

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CANADA

Le plus haut tribunal du pays a accepté, jeudi, d’entendre la contestation de la Loi sur la laïcité de l’État du Québec, ou «loi 21», portée par plusieurs groupes, dont la Commission scolaire English-Montréal, le Conseil national des musulmans canadiens (CNMC) et l’Association canadienne des libertés civiles (ACLC).

Adoptée en 2019, cette loi interdit à certains employés de l’État en position d’autorité (juges, procureurs, policiers, enseignants) de porter des signes religieux ostentatoires dans l’exercice de leurs fonctions.

La contestation porte notamment sur le recours de manière préventive à la clause dérogatoire de la Constitution canadienne, invoquée à l’époque par le gouvernement de François Legault pour se prémunir de poursuites judiciaires.

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Qu’est-ce que la clause dérogatoire?

L’article 33 de la Charte canadienne des droits et libertés, aussi appelé «clause nonobstant» et «clause dérogatoire», permet aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux de contourner temporairement certains droits de la Charte.

Autrement dit, cette clause permet à une législature d’adopter des lois qui peuvent aller à l’encontre de certaines dispositions de la Charte, comme la liberté d’expression, de conscience ou de religion.

La Cour suprême se prononcera sur la Loi sur la laïcité de l’État du Québec. La date exacte n’est pas encore connue. 

Photo : Ericka Muzzo – Francopresse

L’enjeu : Si l’utilisation de cette clause est approuvée par la Cour suprême, ce serait «problématique», explique une source anonyme proche du dossier. Car certains droits garantis par la Constitution pourraient être restreints si les provinces utilisent la clause pour d’autres affaires.

Au fédéral, seul le Bloc Québécois soutient la Loi sur la laïcité de l’État, tandis que Justin Trudeau, Pierre Poilievre et Jagmeet Singh ont toujours affirmé que le fédéral devrait intervenir et se ranger du côté des personnes qui contestent la loi 21, si la Cour suprême acceptait de juger l’affaire.

Le ministre québécois de la Justice, Simon Jolin-Barrette, auteur de la loi, ainsi que son collègue Jean-François Roberge, ont assuré sur X qu’une intervention du gouvernement fédéral équivaudrait à «un manque de respect» et «une attaque envers l’autonomie des États fédérés».

Aucune date d’audience n’a été précisée par la Cour suprême, qui n’a pas non plus motivé sa décision d’entendre la cause.

L’indice des prix à la consommation a augmenté de 1,8 % entre décembre 2023 et décembre 2024, en baisse par rapport à 1,9 % en novembre, principalement grâce à un allègement fiscal temporaire du gouvernement fédéral.

L’effet du congé : Selon Statistique Canada, la faible augmentation est due à la baisse des prix des aliments achetés au restaurant et des boissons alcoolisées, qui faisaient partie du congé de TPS.

Le congé, introduit à la mi-décembre, concernait également les vêtements et certains jouets. Sans cette mesure, l’inflation aurait atteint 2,3 %. La hausse des prix des produits d’épicerie a aussi ralenti, passant de 2,6 % en novembre à 1,9 % en décembre.

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COURSE LIBÉRALE

Les deux anciennes ministres du gouvernement Trudeau, Chrystia Freeland et Karina Gould, se sont officiellement lancées dans la course à la chefferie du Parti libéral du Canada (PLC), dimanche.

Les deux ont assuré qu’elles supprimeraient la taxe carbone, tandis que Mark Carney, l’autre candidat, propose de la remplacer par un autre outil.

Karina Gould a annoncé dimanche sa démission de son poste de leadeure du gouvernement à la Chambre.

Lors d’une annonce jeudi, Karina Gould a annoncé qu’elle souhaitait repenser le Parti libéral, avec le soutien des jeunes notamment. 

Photo : Camille Langlade – Francopresse

Lors d’une annonce jeudi matin à Ottawa, devant le siège du PLC, la candidate a commencé à révéler ses plans pour donner un nouveau visage au parti, en appelant notamment les jeunes Canadiens à s’engager pour cela. Elle a appelé à «adapter et renouveler» le parti.

Ce qu’elle a dit : «Je crois qu’on n’a pas répondu assez rapidement quand les prix ont grimpé, on n’a pas répondu à leurs inquiétudes quand les Canadiens nous les partager. Ça nous a pris trop longtemps de dire que les Canadiens galéraient. Ce n’était pas la bonne approche», a-t-elle affirmé, évoquant à demi-mot la politique de Justin Trudeau.

Elle a notamment souligné qu’il était «non négociable» que le prochain chef du PLC soit bilingue, pour le Québec et les francophones du pays.

Si elle devient première ministre, Karina Gould intègrera le projet de loi C-282, sur la gestion de l’offre, dans son Discours du Trône. Cette pièce législative a été un élément de négociation pour le Bloc québécois cet automne.

Elle a également affirmé qu’elle «respectera la juridiction des provinces».

Pour l’instant, les ministres qui ont annoncé leur appui vont en majorité à Mark Carney, qui s’est lancé la semaine précédente.

Ce qu’ils ont dit : Il peut déjà compter sur le soutien de la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, du ministre sortant du Logement, Sean Fraser, du ministre des Relations Couronne-Autochtones, Gary Anandasangaree et du ministre de l’Environnement Steven Guilbeault. Ce dernier se dit d’ailleurs prêt à «remplacer» la taxe carbone.

Le ministre de l’Innovation, François-Philippe Champagne, devrait, lui, offrir son soutien dimanche.

Chrystia Freeland peut quant à elle compter sur les ministres Diane Lebouthillier, Mark Holland et Terry Beech.

INTERNATIONAL

Donald Trump mettrait ses menaces à exécution contre le Canada et le Mexique dès le 1er février. 

Photo : Creative Commons Attribution-Share Alike 2.0

Le soir de son investiture, lundi, le président américain Donald Trump a confirmé qu’il «pensait» mettre en place ses menaces tarifaires de 25 % sur les produits canadiens le 1er février.

Ce qu’ils répondent : En réaction à l’application éventuelle de ces tarifs douaniers, les ministres Mélanie Joly et Dominic LeBlanc ont assuré, peu après l’annonce de Donald Trump, que le gouvernement canadien était prêt à riposter.

De son côté, le chef du Parti conservateur, Pierre Poilievre, a demandé à Justin Trudeau de rappeler le Parlement «dès maintenant», dans le but «d’adopter de nouveaux contrôles aux frontières, de se mettre d’accord sur les représailles commerciales et de préparer un plan de relance de la faible économie canadienne».

Le Collège Boréal, en Ontario, offre en marge de sa formation principale une formation de conduite pour futurs camionneurs. 10 à 15 % des étudiants de la cohorte d’automne 2024 étaient francophones, rapporte le gestionnaire de la Formation en entreprise, Mathieu Houle.

Au Collège Boréal, en Ontario, certaines formations continues sont offertes en français et en anglais. 

Photo : Courtoisie Collège Boréal

Le cours est offert dans les deux langues, simultanément, par un professeur, une cohorte à la fois. «Notre professeur parle les deux langues […] et les tests peuvent se faire dans les deux langues, explique M. Houle. Les livres et le matériel sont dans les deux langues.»

D’autres formations continues de ce genre sont offertes dans les deux langues au Collège. Elles ne font pas partie des programmes postsecondaires menant à des diplômes d’études collégiales, qui demeurent en français seulement.

L’établissement répond aussi à des appels d’offres pour offrir des services à l’emploi dans les deux langues officielles.

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Étendre l’offre en anglais

Selon le directeur des communications de l’établissement, Marc Despatie, cette offre bilingue pourrait s’étendre si la demande existe. Pour refléter les besoins, le Collège pourrait même ajouter des formations ou services dans d’autres langues que le français et l’anglais. Tout revient à la demande, explique-t-il.

Je pense que parfois on a tendance à se limiter en tant qu’établissement francophone à dire : «On peut juste faire des choses en français.»

— Marc Despatie

Pour lui, cette ouverture à des formations en anglais à l’extérieur des programmes réguliers permet d’assurer une offre active en français. Car si une formation ou un service est proposé par un établissement unilingue anglophone, il est peu probable qu’une offre en français soit alors disponible.

En Saskatchewan, la seule formation offerte dans les deux langues par le Collège Mathieu est celle de soins infirmiers auxiliaires autorisés, dont 60 % du contenu est en français et 40 % en anglais, indique une porte-parole par courriel.

Mais le président-directeur général de l’établissement, Francis Kasongo, n’est pas fermé à l’idée d’étendre l’offre des enseignements en mode bilingue «s’il y a des besoins» : «Nous devons être agiles et flexibles. Le plus important, c’est de faire en sorte que les francophones soient outillés et qualifiés pour affronter le marché du travail.»

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L’UOF en réflexion

L’Université de l’Ontario français (UOF) opère entièrement en français, garantit son recteur, Normand Labrie. «[Nos étudiants] fonctionnent en français chez nous, mais sont dans une société à majorité de langue anglaise.»

Normand Labrie est recteur de l’UOF depuis mai 2024. Photo : Archives – Le Voyageur

Photo : Archives – Le Voyageur

L’objectif étant de former des «professionnels bilingues», M. Labrie n’exclut pas la possibilité d’interagir davantage avec des établissements anglophones à l’avenir.

«Ça peut se faire par des partenariats avec des institutions de langue anglaise où il y a un intérêt commun dans l’offre de programmes, où nos étudiants peuvent à l’avenir suivre des formations conjointes en anglais et les étudiants de nos partenaires chez nous en français. […] Ce n’est pas encore réalisé, mais c’est dans les plans.»

«En Ontario, les gens bilingues gagnent plus cher», rappelle-t-il. Pour l’instant, Normand Labrie ne souhaite pas en dire plus sur la nature des potentiels futurs partenariats. Il n’y aura aucun «compromis» sur la formation en français, assure-t-il.

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Une pratique existante

Au Collège communautaire du Nouveau-Brunswick (CCNB), la formation continue en technologies de l’information est offerte en partenariat avec des groupes autochtones. Selon le président-directeur général, Pierre Zundel, elle se fait «souvent» en anglais.

Le CCNB propose aussi des services d’intégration de technologie de pointe pour les entreprises dans les deux langues, «dépendamment des besoins», ajoute le responsable.

À l’Université de Moncton, un porte-parole confirme par courriel qu’en plus des programmes principaux disponibles uniquement en français, certains sont offerts «en anglais ou dans les deux langues pour répondre à des besoins spécifiques du marché». C’est le cas du Programme de formation en Gestion municipale.

Dans une mer d’anglophones

Au Collège de l’Île, à l’Île-du-Prince-Édouard, les programmes pour adjoints administratifs, commis comptables et techniciens en comptabilité incluent tous une option bilingue, comme indiqué sur le site Web de l’établissement.

Cette option sert à «répondre aux demandes du marché de l’emploi», explique par courriel la coordinatrice de l’appui aux étudiants et de la formation linguistique au Collège de l’Île, Nathalie Carrier-Costain.

Ce qui peut se faire en anglais au CCNB demeure en marge de la formation régulière, seulement disponible en français, assure Pierre Zundel. 

Photo : Courtoisie CCNB

«Il faut dire les vraies choses : on est 7 % de la population, 700 000-800 000 [francophones en Ontario], dit Marc Despaties du Collège Boréal. Si on dit : “On va juste vivre de ce qu’on peut faire en français”, on va peut-être se retrouver dans des situations [difficiles], comme d’autres établissements qui ne sont pas diversifiés.»

Selon lui, il est aussi question de «refléter les besoins de notre communauté ici à Sudbury, qui est quand même aux deux tiers anglophones».

La prévalence des besoins en anglais s’est aussi fait ressentir au CCNB, quand des Ukrainiens déplacés par la guerre sont venus chercher une formation linguistique afin de pouvoir travailler. «[La plupart] visait l’apprentissage de l’anglais plutôt que du français», indique Pierre Zundel.

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Concilier les mandats

Dans tous les établissements contactés, la formation principale demeure uniquement offerte en français.

«Que ce soit un programme unilingue francophone ou un programme bilingue, la finalité de cela pour nous, c’est que nos étudiants et étudiantes, au terme de leurs études, soient capables d’accéder au marché de l’emploi avec confiance», explique Francis Kasongo. 

Photo : Courtoisie

«C’est dans l’ADN du [CCNB], déclare Pierre Zundel. On n’offre pas de formation régulière en anglais, point. On n’a pas non plus l’intention d’en ajouter.»

En Saskatchewan, Francis Kosongo assure que le Collège Mathieu demeurera un établissement «par et pour les francophones», même s’il élargit un jour son offre bilingue. «Nous ne serons jamais un établissement bilingue», insiste-t-il.

«L’objectif n’est pas de se transformer en institution bilingue, affirme de son côté Normand Labrie. On demeure une institution de langue française par et pour les francophones qui opère en français et qui offre des formations en français, mais aussi qui s’insère dans son milieu [à majorité anglophone].»

François Choquette remettait en cause le travail du Commissariat aux langues officielles (CLO), qui n’aurait pas évalué la portée d’un article de l’ancienne Loi sur les langues officielles dans son enquête sur l’entente Netflix.

La partie VII de la Loi, qui était visée, donnait la responsabilité au ministre de Patrimoine canadien de prendre des mesures positives pour les communautés francophones du pays.

Le plaignant contestait que la ministre de l’époque avait respecté cette obligation lors de l’entente conclue avec Netflix, qui prévoyait que 25 millions de dollars seraient réservés pour le marché francophone. Toutefois, aucune précision n’avait encore été donnée sur la somme réellement investie pour cette communauté jusqu’alors.

François Choquette avait alors déposé une plainte auprès du CLO. Ce dernier a jugé, en 2019, à la suite d’une enquête, que celle-ci n’était pas fondée.

Remettant en question la rigueur de l’enquête du CLO, François Choquette avait déposé une requête auprès de la Cour fédérale pour un contrôle judiciaire, finalement rejetée en septembre 2024.

Un premier rapport préliminaire d’un enquêteur du CLO concluait que la plainte était fondée. Mais ce premier jet n’a jamais été retrouvé et la Cour fédérale a finalement décidé que la plainte n’était pas fondée.

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Ce qu’il faut savoir :

Une «interprétation peu englobante» de la Loi

Selon François Choquette, le juge a fait preuve d’une «interprétation» de la Loi sur les langues officielles «peu englobante».

Débouté de sa demande, François Choquette assure qu’il va «continuer le combat sur le plan politique pour renforcer les lois et les règlements afin que les géants du Web soutiennent mieux la francophonie canadienne». 

Photo : Chantallya Louis – Francopresse

Pour l’ex-député fédéral, l’article 43 de l’ancienne loi qui évoquait la responsabilité du ministre du Patrimoine canadien était testé pour la première fois en Cour. 

La juge et le Commissariat aux langues officielles en sont venus à la même conclusion : les institutions fédérales comme Patrimoine canadien ont le choix de prendre des mesures pour les communautés.

«C’est comme si on avait évité l’étude de cet article, dit-il. Pour moi, ça me parait encore faux, mais je comprends qu’on a fait tout ce qu’on pouvait.»

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«Pris avec un véhicule procédural»

Si le juge avait étudié la question de l’épanouissement des minorités sous le même article avec la nouvelle loi, peu de choses auraient changé, croit l’avocat ottavien Gabriel Poliquin, spécialisé en droit public.

Gabriel Poliquin assure que la nouvelle Loi sur les langues officielles n’aurait rien changé aux conclusions de la procédure judiciaire. 

Photo : Courtoisie

«Les institutions fédérales, comme Patrimoine canadien, ont une obligation de prendre des mesures positives, pour faire avancer [le statut des deux langues officielles, NDLR], mais le juge de la Cour fédérale dit que sous l’ancienne loi, il n’y a pas vraiment d’obligation de prendre des mesures particulières à l’endroit des minorités parce que les institutions fédérales ont une large discrétion.»

Toutefois, selon l’avocat, si François Choquette recommençait le processus judiciaire à zéro aujourd’hui – ce qui est permis par l’article 77 de la loi, qui demande au tribunal de se prononcer sur le bienfondé d’une plainte –, il pourrait poser la question différemment, au regard de la nouvelle loi.

«Il était vraiment pris avec un véhicule procédural où la question était beaucoup plus étroite et qui est beaucoup plus difficile à faire valoir.»

L’autre jour, en testant une application de reconnaissance vocale, j’ai été prise de court. «Désolé, je n’ai pas compris. Pouvez-vous répéter?», insistait l’intelligence artificielle (IA), incapable d’interpréter mon accent mi-belge mi-chiac. Cela m’a fait sourire, parce que mon compte ChatGPT est configuré avec l’accent des journalistes de Radio-Canada pour me répondre.

Mais cela m’a aussi un peu effrayée : si moi, avec mes intonations somme toute assez banales, je passe déjà sous le radar des machines, qu’en est-il de ceux et celles dont les accents, les dialectes ou même les langues minoritaires n’ont jamais été pris en compte? Que deviennent les voix qu’on ne reconnait pas, qu’on ne transcrit pas, qu’on oublie dans les bases de données?

À lire : Le mirage de l’intelligence artificielle (Chronique)

Reconnaissance faciale : l’IA qui voit flou

Prenons un exemple emblématique : la reconnaissance faciale. Cette technologie a souvent montré des failles majeures, notamment dans l’identification des minorités. 

Une étude de 2018 menée par le MIT et l’Université Stanford a révélé des disparités alarmantes. Des systèmes avaient un taux d’erreur de 34,7 % pour les femmes noires, contre moins de 1 % pour les hommes blancs. Un écart qui trouve sa source dans des bases de données biaisées, parce qu’elles sont saturées d’images d’hommes blancs.

Bien que des progrès aient été faits depuis lors, les biais n’ont pas totalement disparu, ce qui entraine des conséquences parfois dramatiques. Selon une enquête du Washington Post, au moins huit personnes, principalement des personnes noires, ont été arrêtées à tort à cause d’erreurs d’identification générées par des systèmes d’IA ces dernières années aux États-Unis. 

Christopher Gatlin, par exemple, a été faussement accusé dans le Missouri en 2021 après qu’un logiciel l’a identifié à partir d’une image floue. Sans lien avec le crime ni passé violent, il a croupi 16 mois en prison avant que les accusations ne soient abandonnées. 

Un autre cas choquant est celui de Porcha Woodruff, une femme enceinte de huit mois, arrêtée à Detroit en 2023 pour piraterie routière, une agression qu’elle n’avait pas commise. Identifiée à tort par un système de reconnaissance faciale, elle a été placée en détention bien que ses contractions se soient déclenchées.

La Journée de la protection des données est l’occasion de prendre conscience que les données recueillies par l’IA peuvent avoir des conséquences graves. 

Photo : Alexandra_Koch – Pixabay

Ces exemples ne sont pas de simples incidents isolés. Ils reflètent une réalité inquiétante : la confiance aveugle dans des technologies biaisées peut non seulement reproduire, mais aussi amplifier les discriminations systémiques, mettant des vies innocentes en danger.

À lire : Intégrer l’IA à l’université est une responsabilité partagée

Des CV effacés par un algorithme 

En 2018, Amazon a dû abandonner son outil de recrutement automatisé après une révélation troublante : l’algorithme rejetait systématiquement les candidatures de femmes pour des postes techniques. 

Pourquoi? Parce que l’outil avait été formé sur dix ans de données internes où les hommes dominaient largement ce type de postes. En s’appuyant sur ces exemples biaisés, l’algorithme avait appris à associer la réussite à un genre spécifique et à discriminer les candidatures féminines.

Dans le secteur bancaire, les algorithmes d’évaluation du crédit posent également problème. Une enquête menée par The Markup en 2021 a révélé que les demandes de prêt hypothécaire faites par des personnes noires ou hispaniques étaient plus souvent refusées que celles de personnes blanches ayant un profil financier similaire.

Le domaine médical n’y échappe pas non plus. Un algorithme utilisé pour prédire les besoins en soins intensifs avait tendance à sous-estimer les risques des populations noires.

En 2019, une étude a montré que cet algorithme, largement utilisé aux États-Unis, privilégiait les personnes blanches en raison de son critère d’analyse principal : les couts médicaux antérieurs. Les personnes noires, ayant pendant longtemps moins accès aux soins, voyaient ainsi leurs besoins sous-évalués, ce qui limitait leur accès à des traitements cruciaux. 

On le voit bien : loin d’être neutres, les systèmes d’intelligence artificielle reproduisent les inégalités inscrites dans les données qui les nourrissent. Au lieu de corriger les discriminations, ces outils peuvent les renforcer sous couvert d’une fausse neutralité technologique.

À lire : L’intelligence artificielle, les nouvelles et vous (Éditorial)

La technologie, une question de choix

À l’occasion de la Journée internationale de la protection des données, il est essentiel de rappeler que protéger nos données, c’est aussi protéger nos droits. Nous ne pouvons pas laisser les technologies – et surtout les personnes qui les créent – façonner notre avenir sans un regard critique et une action déterminée. 

L’intelligence artificielle reflète nos choix et nos biais. Mal encadrée, elle peut renforcer les discriminations et mettre en danger les plus vulnérables. Mais des solutions concrètes existent : diversifier les équipes qui conçoivent ces outils, auditer les algorithmes comme on audite les comptes d’une entreprise et écouter les voix des personnes les plus touchées. 

Des avancées sont déjà en cours. Par exemple, des villes comme San Francisco, Portland et Boston ont interdit l’utilisation de la reconnaissance faciale par la police pour prévenir les abus. 

Ces initiatives montrent que le changement est possible lorsque des citoyens et citoyennes, des spécialistes et des responsables politiques unissent leurs forces pour exiger justice et transparence.

L’IA n’est et ne sera jamais plus que ce que nous en faisons. Outil d’oppression ou levier de progrès : à nous de choisir. 

Originaire de Belgique, Julie Gillet est titulaire d’une maitrise en journalisme. Militante éprise de justice sociale, voici près de quinze ans qu’elle travaille dans le secteur communautaire francophone et s’intéresse aux questions d’égalité entre les genres. Elle tire la force de son engagement dans la convergence des luttes féministes, environnementales et antiracistes. Elle vit aujourd’hui à Moncton, au Nouveau-Brunswick.