«De profonds bouleversements dans le secteur des médias […] menacent notre capacité à informer, à instruire et à refléter fidèlement la diversité des expériences francophones au Canada», décrit le préambule de la Déclaration de Whitehorse.
Avec ce document, l’association Réseau.Presse, l’éditeur de Francopresse, veut sensibiliser les divers paliers de gouvernements et les instances économiques et sociales aux réalités et aux besoins de la presse écrite en situation minoritaire, explique son président, Nicolas Jean. «Les difficultés, il y en a plein», laisse-t-il tomber.
Ici, la Déclaration de Whitehorse se veut un appel à la prise de conscience collective; là, elle veut faire naitre un sentiment d’urgence.
«Ça fait 10, 15, 20 ans qu’on change les modèles d’affaires et qu’on n’arrête pas de trouver des solutions innovantes pour aller chercher des revenus autonomes, plaide Nicolas Jean. Croyez-moi, sinon on ne pourrait pas survivre.»
Réseau.Presse avance une solution : la pérennisation et la stabilité du financement.
«On a certaines sources de financement, indique-t-il, mais on parle toujours de pansements», précisant qu’elles ne font que répondre aux besoins urgents.
Des politiques publiques plus robustes
Sans détour, Réseau.Presse demande la mise en place de politiques et de programmes de financement récurrents adaptés.
La directrice adjointe de l’Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques, Anne Robineau, est favorable à l’adoption de politiques visant les médias en milieu minoritaire : «Ça fait partie de tout cet appareil pour défendre les minorités, pour favoriser leur épanouissement, comme on dit dans la [Loi sur les langues officielles], aussi.»
Elle donne l’exemple des plateformes numériques : les mesures en place n’arrivent pas à favoriser la découvrabilité des contenus des médias de langue française. «C’est vraiment le nerf de la guerre.»
De la publicité
Le directeur général du quotidien Le Droit, François Carrier, met quant à lui l’accent sur l’importance de politiques d’investissement publicitaire.
Il évoque le cas du Québec, qui demande que 4 % des placements publicitaires des agences gouvernementales et du gouvernement soient dirigés vers les médias communautaires. Selon lui, cette mesure aurait permis l’essor de plusieurs d’entre eux : «C’est tout un écosystème qui a permis d’avoir des journalistes sur place dans plusieurs régions.»
Il suggère qu’une mesure fédérale semblable vise les communautés de langue officielle en situation minoritaire : «Lorsqu’on investit dans une publicité, que ce soit à L’Aurore boréale, dans La Voix acadienne ou au Franco, on investit dans cette communauté franco-albertaine, franco-yukonaise ou [acadienne].»
La publicité, c’est aussi de l’information, en particulier les messages d’intérêt public, plaide-t-il. «Il faut que, peu importe où tu restes au pays, tu puisses avoir accès à ces messages-là.»
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Réseau.Presse s’est engagé dans diverses campagnes de positionnement pour réitérer le rôle social et professionnel de ses membres.
En 2017, l’organisme a publié une Charte de la presse écrite de langue française en situation minoritaire au Canada, à l’intention des instances publiques et communautaires.
En 2021, il a préparé un Guide de déontologie à l’intention de ses journaux membres, afin de mieux assoir la confiance envers les médias écrits en situation minoritaire.
Faire du bruit
Nicolas Jean confirme que la première action prévue concernant de la Déclaration de Whitehorse, c’est sa diffusion : «On a tous intérêt à communiquer cette déclaration, ne serait-ce que pour démarrer le dialogue, que ce soit les partenaires, les organisations communautaires, les municipalités. L’idée c’est de faire du bruit.»
François Carrier abonde dans ce sens et espère voir des mesures au niveau du réseau de journaux membres : «On construit quelque chose.» Ça prend une suite, conclut-il, un plan pour sensibiliser les gouvernements, mais aussi le public.
Dans sa Déclaration de Whitehorse, Réseau.Presse souligne que des mesures fédérales sont déjà en place, comme l’Initiative de journalisme local (IJL), les crédits d’impôt pour la main-d’œuvre journalistique canadienne et une enveloppe de 12,6 millions de dollars, annoncée le 28 octobre, pour appuyer le financement de stages et de projets d’ici 2028.
Des pistes pour l’avenir
Mais au-delà des sources de financement, la directrice du Centre d’études sur les médias de l’Université Laval, Colette Brin, plaide pour l’innovation.
Début octobre, lors du congrès de Réseau.Presse, elle s’est adressée aux représentantes et aux représentants des journaux, avant qu’ils et elles mettent la touche finale à la Déclaration.
Pour faire face à la crise, la professeure a proposé de diversifier les types de contenus, en intégrant des balados, des formats vidéos et en mettant en avant du journalisme explicatif et de solutions, afin d’attirer le lectorat.
«La seule chose qu’on peut changer, c’est l’avenir, philosophe François Carrier. Des modèles existent.».
«J’ai hâte de voir la suite», conclut Anne Robineau.
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