En mettant de l’avant un choix entre des leadeurs qu’ils présentent comme forts, les partis politiques font oublier à l’électorat canadien qu’il ne vote pas pour un premier ministre, mais bien pour une représentation locale qui participe à un parti diversifié.
L’image du chef devient alors celle du parti et efface celle des candidats et candidates de chaque circonscription.
Comme cela a d’ailleurs été la norme au fil de l’histoire canadienne, les partis présentent également l’image d’un gouvernement qui tourne autour du premier ministre. Ce dernier est celui qui décide des personnes qui l’appuieront à titre de ministres ou de cadres de son équipe rapprochée.
Un tel fonctionnement tend à limiter la possibilité d’exiger des comptes de la part du premier ministre et à renforcer un gouvernement plus hiérarchique, fondé sur l’autorité. Il devient plus aisé de se défaire de ministres qui remettraient en cause l’orientation du gouvernement.
On passe dès lors de l’idée de solidarité ministérielle liée à des décisions prises en groupe, à l’obéissance de chaque personne à un patron qui peut les ignorer ou les remplacer selon son bon plaisir.
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Nous sommes témoins des effets de la personnalisation du leadeurship depuis plusieurs années.
Elle a permis à Justin Trudeau de cultiver un grand espoir, qui l’a mené à la tête du Parti libéral, puis du pays avant de faire place à un mouvement spécifiquement anti-Trudeau qui n’a cessé de croitre et finalement à une mobilisation interne contre le chef au sein de son parti.
Le même effet initial s’est produit avec Mark Carney, quand son nom a commencé à circuler comme successeur de Justin Trudeau : le Parti libéral a rebondi dans les sondages.
Le Parti conservateur aussi a employé cette stratégie. Il a cherché à faire voir son chef autant que possible, tout en changeant son image. Il a accusé Justin Trudeau à répétition d’être la source des problèmes du Canada, et il s’en prend désormais au Parti libéral par le biais de son association avec l’ancien chef.
On voit aussi l’affrontement entre les chefs des partis libéral et conservateur tourner autour du choix de la personne qui sera la mieux placée pour négocier avec le président américain – ou de façon plus réaliste, pour lui tenir tête.
Homme fort contre homme fort, métaphores guerrières, hausse de ton, manifestations d’agressivité contre ses adversaires des deux côtés de la frontière… Chacun cherche à se faire voir.
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L’emploi du masculin ici est voulu. Mis à part le Parti vert qui est dirigé conjointement par un homme et une femme et qui demeure fortement associé à la figure d’Elizabeth May, non seulement les autres partis ont-ils choisi des hommes pour les mener, mais ils ont aussi déployé une stratégie qui s’appuie sur des traits traditionnellement masculins.
Autant de traits qui s’opposent au style que Trudeau avait adopté – plus rassembleur et collaboratif, ouvert à la diversité (fut-elle de surface) – mais aussi au parcours réel des deux chefs les plus susceptibles de remporter l’élection fédérale.
Ni Pierre Poilievre, le politicien de carrière, ni Mark Carney, l’économiste, n’ont encore pu gagner leurs lettres de noblesse à la tête d’un parti au pouvoir qui a une autorité politique et qui doit prendre des décisions. Ni l’un ni l’autre n’a manifesté l’ensemble des qualités que les deux croient être requises pour le poste de premier ministre.
L’un a choisi une approche populiste et doit faire croire à une proximité avec la population canadienne moyenne, tandis que l’autre doit se détacher de son expertise pour faire croire à sa capacité de maitriser les codes de la politique. Chacun semble chercher les avantages de l’autre à travers cette figure de l’homme fort.
On sent ici un refroidissement de la politique, un resserrement des rangs, un serrement des poings. Finie la représentation substantielle des groupes qui sont marginalisés en politique et dans la société : la diversité, l’inclusion, les personnes en situation de handicap, les femmes et l’égalité des genres n’ont plus de ministre dédié uniquement à ces dossiers.
Autant de questions qui ne sont pas à l’avant-plan dans la campagne électorale, du moins jusqu’à présent… et dont l’absence risque de se faire sentir après les élections.
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Or, c’est justement cette tentative de s’ouvrir à la diversité et de maintenir des services publics d’envergure qui distingue le Canada des États-Unis dans bien des esprits.
Tandis qu’il serait possible de rassembler l’électorat canadien autour de ces valeurs, tant le Parti libéral que le Parti conservateur préfèrent contribuer au patriotisme et à l’antiaméricanisme des boycottages de bonne conscience. De ce fait, l’image de pugilat persiste et il devient très difficile d’entendre ce que les autres partis ont à suggérer.
Surtout, il existe un risque que les moyens mis en œuvre pour obtenir la victoire électorale ne deviennent la norme après celle-ci. Nous continuons de faire face à la montée de l’autoritarisme et du fascisme.
Il est encore temps de le combattre pour ceux et celles qui sont membres des partis, pour les journalistes qui décident des thèmes de leur couverture et qui ont la chance de poser des questions aux chefs… et pour chaque personne qui déposera son bulletin de vote dans l’urne le 28 avril prochain.
Jérôme Melançon est professeur titulaire en philosophie à l’Université de Regina. Ses recherches portent généralement sur les questions liées à la coexistence, et notamment sur les pensionnats pour enfants autochtones, le colonialisme au Canada et la réconciliation, ainsi que sur l’action et la participation politiques. Il est l’auteur et le directeur de nombreux travaux sur le philosophe Maurice Merleau-Ponty, dont La politique dans l’adversité. Merleau-Ponty aux marges de la philosophie (MétisPresses, 2018).
En conférence de presse le 30 mars dernier, le chef conservateur Pierre Poilievre s’est engagé à «préserver les fonds pour supporter les groupes communautaires francophones, leur permettre d’avoir des activités culturelles et de célébrer les traditions francophones à travers le Canada» s’il est élu premier ministre.
Il a aussi promis d’élargir les programmes d’immersion qui permettent aux jeunes anglophones d’aller étudier au Québec ou ailleurs dans la francophonie canadienne pour apprendre le français.
«C’est en augmentant le nombre de personnes bilingues à travers le Canada qu’on va pouvoir contribuer à la préservation de la langue et créer une plus grande solidarité entre francophones et anglophones en ce qui concerne la préservation de la langue française», a-t-il déclaré.
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La présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA), Liane Roy, voit la promesse de Pierre Poilievre «d’un bon œil». Elle répond en partie à quelques demandes électorales de l’organisme : augmenter les possibilités d’apprendre le français comme langue seconde partout au pays et établir un plan de croissance pour la francophonie.
Liane Roy rappelle qu’il demeure environ 300 000 ayants droit à attirer dans les écoles francophones.
«Ça permet justement d’assurer qu’il y ait plus de gens qui parlent français et ça, c’est ce qu’on veut parce qu’on veut avoir un accès plus large aux services en français.»
«C’est une excellente nouvelle d’entendre un leadeur politique au Canada parler d’immersion», affirme de son côté le directeur général de Canadian Parents for French (CPF), Derrek Bentley, en entrevue avec Francopresse. CPF milite pour qu’un plus grand nombre de Canadiens connaissent les deux langues officielles du pays.
Au Canada hors Québec, le taux de bilinguisme français-anglais est passé de 10,3 % à 9,5 % entre 2001 et 2021, selon Statistique Canada. Il était en croissance à Terre-Neuve-et-Labrador, à l’Île-du-Prince-Édouard, au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest.
Les personnes ayant le français comme langue maternelle au Canada affichaient un taux de bilinguisme plus élevé en 2021 qu’en 2001. Parmi les personnes dont l’anglais est la langue maternelle, ce taux est resté stable en 20 ans, se maintenant à 9,0 %.
Ayant grandi en Alberta où il a eu du mal à vivre en français, Pierre Poilievre a confié en conférence de presse avoir perdu une grande partie de son français. Il a cependant eu l’occasion d’étudier à l’Université du Québec à Chicoutimi et de résider chez une famille du Saguenay.
S’il est élu premier ministre, le chef conservateur souhaite donner des occasions similaires à un plus grand nombre de jeunes anglophones.
Ça leur permet de voyager, de vivre en français dans d’autres milieux et de vivre des «expériences culturelles» francophones, explique Derrek Bentley, le directeur général de Canadian Parents for French (CPF).
Augmenter les transferts d’argent pour l’enseignement du français langue seconde pourrait permettre d’élargir ces occasions, souligne-t-il.
Selon Derrek Bentley, «si on veut plus de gens qui parlent le français au Canada, ça doit passer au moins en partie par ces programmes-là».
D’après Derrek Bentley, l’accès à l’immersion dépend grandement des provinces et des régions. La disponibilité de tels programmes fluctue selon la géographie et la volonté politique.
Un autre enjeu, soulevé par l’Association canadienne des professionnels de l’immersion (ACPI) dans un communiqué en 2021, reste la pénurie de personnel enseignant. Une étude a révélé un manque d’environ 10 000 personnes qualifiées pour enseigner le français langue seconde.
L’éducation est une compétence provinciale, mais comme l’explique Derrek Bentley, «l’argent parle». Le fédéral transfère de l’argent aux provinces pour l’éducation en milieu minoritaire, une «carotte» pour que les provinces investissent en français langue seconde, selon lui.
La question reste à savoir comment le fédéral peut «offrir une plus grande carotte», dit M. Bentley.
Si le prochain gouvernement, peu importe l’identité du parti qui le formera, souhaite restreindre les dépenses en général, Derrek Bentley espère que cela n’affectera pas l’éducation en français.
Pour lui, il ne devrait pas y avoir de choix à faire entre prioriser le français langue seconde ou le français langue première : «On ne veut pas que ça devienne une bataille.»
En Colombie-Britannique, en Alberta, en Saskatchewan et à Terre-Neuve-et-Labrador, une plus grande part de cet argent a été affectée à l’apprentissage du français comme langue seconde plutôt qu’au soutien du français comme langue première.
«C’est toujours un risque, affirme Liane Roy. Ça sort de la même [enveloppe fédérale].» Pour éviter les problèmes, «c’est à nous de continuer à en discuter et de faire part des besoins et des défis des communautés francophones et acadiennes […] À la FCFA, on travaille avec le fédéral, mais c’est important aussi que nos membres qui sont dans les provinces puissent faire part de leurs besoins et de leurs inquiétudes».
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du point de vue de la francophonie canadienne.
Dans ses plus récents échanges avec les autres partis politiques, la CPF ressent un accord général sur l’importance de l’immersion. Il faudra toutefois attendre de voir leurs plateformes, car «on n’a pas nécessairement de confirmation à ce point-ci de leur positionnement de l’importance du français langue seconde», explique Derrek Bentley.
Dans sa plateforme électorale de 2021, le Parti libéral du Canada s’était engagé à investir 120 millions de dollars pour améliorer l’accès à des programmes d’immersion française.
Dans son Plan d’action pour les langues officielles 2023-2028, le gouvernement de Justin Trudeau consacre jusqu’à 242,8 millions de dollars sur quatre ans à partir de 2024-2025 pour soutenir l’apprentissage du français langue seconde à tous les niveaux, ce qui inclut les programmes d’immersion française.
Dans sa plateforme de 2021, le Nouveau parti démocratique (NPD) promettait de bonifier le Plan d’action et de collaborer avec les provinces et territoires «pour améliorer l’enseignement dans la langue de la minorité et en attirant davantage de personnes immigrantes francophones dans toutes les collectivités».
L’immersion n’était pas mentionnée, mais la députée Nikki Ashton, porte-parole du NPD en matière de Langues officielles, avait souligné le manque d’enseignants qualifiés en Chambre des communes, lors de l’étude de la modernisation de la Loi sur les langues officielles, en 2023. Elle évoquait alors le besoin d’investissements ciblés.
Le Parti vert du Canada, alors dirigé par Annamie Paul, proposait en 2021 un financement accru pour les programmes d’immersion en français et de français langue seconde.
Le Bloc québécois ne parle pas d’immersion dans sa plateforme, mais son porte-parole en matière de Langues officielles, Mario Beaulieu, dénonçait en Chambre en 2023 que de larges investissements soient alloués à l’immersion «alors que les écoles par et pour les francophones à l’extérieur du Québec manquent de financement».
Tous les partis fédéraux s’entendent pour dire que le français est en déclin à l’extérieur du Québec et que le poids démographique des francophones en situation minoritaire est en chute libre.
Selon Liane Roy, la francophonie devrait faire partie des plateformes électorales des partis, «parce qu’on se sert de nous».
Dans la première semaine de la campagne électorale, la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA) a demandé des engagements pour un plan de croissance de la francophonie canadienne. Une croissance qui «passe désormais presque entièrement par l’immigration», a-t-elle statué dans une vidéo sur YouTube.
L’organisme exige notamment une cible de 12 % d’immigration francophone dès 2026 et «un meilleur appui aux services d’établissement de langue française».
En entrevue avec Francopresse, la présidente de la FCFA, Liane Roy, confirme avoir discuté avec tous les partis politiques avant le déclenchement de l’élection : «On a eu une excellente réception sur le 12 %, mais on ne peut pas dire qu’on a d’engagement clair des différents partis. Les gens nous disent que ça va peut-être sortir dans leurs plateformes.»
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Bloquistes, conservateurs, libéraux et néodémocrates ont tous encouragé le gouvernement à atteindre 12 % d’immigration francophone hors Québec en 2024, dans un rapport paru en 2024.
Les francophones devront toutefois attendre les plateformes pour connaitre les cibles proposées.
Dans sa plateforme, Yves-François Blanchet exige que le fédéral consulte les provinces afin d’ajuster ses cibles d’immigration à leur capacité d’accueil.
Le Bloc québécois n’a pas répondu à nos questions envoyées par courriel.
En 2019, le chef bloquiste, Yves-François Blanchet, s’était prononcé en faveur d’une stimulation de l’immigration francophone hors Québec.
Dans sa plateforme électorale pour 2025, le Bloc ne mentionne pas le sujet, mais exige «que les communautés francophones minoritaires bénéficient des mêmes droits et des mêmes services dans leur langue que ceux dont bénéficient les Québécois d’expression anglaise».
«Nous limiterons la croissance de la population à un niveau inférieur à celui de la disponibilité de santé, d’emploi et de logement», a déclaré Pierre Poilievre en conférence de presse en octobre 2024.
Le PCC n’a pas répondu à nos questions envoyées par courriel.
Pierre Poilievre a déjà reconnu qu’il fallait augmenter la cible d’immigration francophone hors Québec en entrevue avec Francopresse en 2023. «Je peux vous assurer que l’une de mes priorités sur la question de l’immigration, c’est davantage de francophones», avait-il déclaré.
Ne voulant pas faire de promesses sans «livrer la marchandise», il avait indiqué vouloir étudier les cibles pour voir ce qui était faisable.
Pour protéger la langue française au Québec, M. Poilievre s’est engagé le 26 mars dernier à transférer des pouvoirs en immigration temporaire à la province.
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du point de vue de la francophonie canadienne.
Mark Carney plaide pour des plafonds en immigration.
Sur son site Web, le chef libéral Mark Carney promet de «plafonner l’immigration jusqu’à ce qu’elle puisse revenir à sa tendance durable d’avant la pandémie».
«Nous aurons plus à dire sur nos engagements en matière d’immigration francophone dans notre plateforme», indique l’un des porte-paroles du PLC, Guillaume Bertrand, dans une réponse par courriel.
«Mark Carney comprend l’importance de la langue française et du dynamisme des communautés francophones à travers le pays. Il reconnait également le rôle essentiel de l’immigration francophone pour assurer leur croissance et leur vitalité. Nous sommes déterminés à soutenir les communautés francophones en situation minoritaire et à renforcer les initiatives qui favorisent leur développement», écrit-il.
Le NPD n’a pas répondu à nos questions envoyées par courriel.
Dans sa plateforme pour l’élection de 2021, le parti parlait d’attirer «davantage de personnes immigrantes francophones dans toutes les collectivités», sans toutefois préciser de cibles.
«Les objectifs fixés par la FCFA sont à juste titre plus ambitieux que ce que propose le gouvernement. Et le Parti vert soutient leurs objectifs», assure un porte-parole du Parti vert du Canada (PVC), Rod Leggett, dans une réponse par courriel.
En 2024, Ottawa a dépassé sa cible d’immigration francophone hors Québec pour la deuxième fois, après avoir mis 20 ans à atteindre la première.
Les cibles en admissions de résidents permanents d’expression française ont été fixées par le gouvernement libéral à 8,5 % en 2025, 9,5 % en 2026 et 10 % en 2027. La FCFA demande toutefois 12 % en 2024, et 20 % pour 2036.
Elle se base sur une étude réalisée par Sociopol qui conclut que ces cibles sont nécessaires pour – au minimum – rétablir le poids démographique des francophones en situation minoritaire.
Liane Roy rappelle que tous les partis ont voté en faveur de la nouvelle Loi sur les langues officielles (à l’exception du député libéral Anthony Housefather) et que tout le monde était d’accord pour rétablir le poids démographique des francophones en situation minoritaire à 6,1 %, soit celui du recensement de 1971.
Ce projet, inscrit dans la Loi, engage le gouvernement à assurer une immigration francophone à l’extérieur du Québec, peu importe l’identité du parti politique.
Les partis libéral et conservateur parlent tous les deux de réduire l’immigration générale au Canada, et ce, en fonction des capacités d’accueil comme le logement et en santé. Il est toutefois entendu que la proportion des immigrants entrant au pays qui parlent français ne doit pas diminuer.
Cela dit, même si le pourcentage d’immigrants francophones demeure le même, les chiffres baissent avec les seuils.
«Si ça diminue, c’est sûr que les cibles, [le pourcentage d’immigrants francophones,] devront augmenter, prévient Liane Roy. Quand ils ont diminué les seuils il y a quelques mois, le ministre Marc Miller a quand même ajusté les cibles du côté francophone pour pas qu’on soit pénalisés. C’est important de garder ça en tête.»
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Dans les dernières années, le gouvernement libéral de Justin Trudeau a mis sur pied le Programme pilote pour les étudiants dans les communautés francophones en situation minoritaire et le Programme pilote d’immigration dans les communautés francophones.
Le premier facilite l’accès à la résidence permanente pour les étudiants francophones afin d’améliorer les taux de rétention dans les communautés. Le second a un objectif similaire, mais pour les travailleurs dans des régions rurales et éloignées.
Outre le PVC, aucun parti n’a encore dit s’il pérenniserait ou non ces programmes.
«Le Parti vert appuierait certainement les projets pilotes lancés par le gouvernement et leur maintien à long terme», confirme Rod Leggit par courriel. «Le Parti vert pense que le Canada devrait être plus actif pour faciliter l’entrée et l’intégration des candidats francophones qualifiés à l’immigration dans la grande famille canadienne.»
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Mark Carney a été la cible de nombreuses critiques lorsqu’il a invité Mark Wiseman, le cofondateur et président du lobby Initiative du Siècle, à siéger au Conseil sur les relations canado-américaines. Cette information a été rendue publique quelques jours avant le déclenchement de l’élection.
Ce lobby, qui plaide en faveur d’une population canadienne de 100 millions d’habitants d’ici 2100, notamment en augmentant les seuils d’immigration, suscite la controverse. Son plan a d’ailleurs été lourdement critiqué par des fonctionnaires d’IRCC.
En réaction à cette nomination, le porte-parole bloquiste en matière d’immigration, Alexis-Brunelle Duceppe, a rappelé sur X que le plan de l’Initiative du siècle en immigration ne parle pas de français.
Le co-fondateur du « Century iniative », Mark Wiseman, vient d’être engagé comme proche conseiller par Mark Carney. Rappelons que nulle part on ne parle du français et de la culture québécoise dans ce projet d’augmenter la population à 100 millions de personnes d’ici 2100… pic.twitter.com/1l6euk0TMy
— Alexis Brunelle-Duceppe (@Alduceppe) March 21, 2025
Liane Roy affirme en entrevue que la FCFA ne s’est «pas beaucoup penchée» sur ce plan. «On va continuer à demander nos pourcentages, nos cibles à l’intérieur de tout ce qui touche l’immigration, dit-elle. Si on augmente la population en général, l’écart va augmenter si on n’a pas une immigration francophone.»
«Il faut être prêt à arrêter 40 ans de métier, 30 ans d’entrepreneuriat, il y a un travail psychologique à faire», confie l’ancien chocolatier, Frédéric Desclos, aujourd’hui chauffeur d’autobus scolaire.
«Être francophone peut être un atout si une entreprise cherche un profil d’immigrant francophone», observe le chercheur à l’Université de Moncton, Jean-Michel Mégret.
Usé, l’artisan de 57 ans a vendu en 2023 sa chocolaterie Adorable Chocolat, située à Shédiac, au Nouveau-Brunswick. Il a préparé pendant un an la passation de son entreprise qui comptait sept salariés : «Il y a beaucoup de choses à penser pour que ça se passe bien et ne pas être pris de remords.»
Grâce au réseautage, il a réussi à trouver un acheteur en quelques mois. C’est son voisin restaurateur, également francophone, qui a repris le commerce. Il a néanmoins préféré «lâcher l’affaire tranquillement» et est resté six mois en tant qu’employé.
«Ça m’a fait un temps d’adaptation et ça m’a permis de renseigner le nouveau propriétaire sur le fonctionnement de la chocolaterie», témoigne le Néobrunswickois.
Frédéric Desclos n’est qu’un exemple : la moitié des entrepreneurs canadiens partira à la retraite d’ici 2028, selon le chercheur postdoctoral à la Faculté d’administration de l’Université de Moncton, Jean-Michel Mégret.
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Le repreneuriat, c’est le rachat d’une entreprise par une ou plusieurs personnes. Il peut s’effectuer lorsqu’une compagnie est en difficulté ou lorsque ses dirigeants souhaitent prendre leur retraite.
Le Centre de transfert d’entreprise du Québec parle de la volonté commune pour un repreneur et un cédant d’assurer la pérennité d’une entreprise par le biais du transfert des pouvoirs, du leadeurship, des savoirs et de la propriété.
Une étude de 2023 de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante indique que 76 % des chefs d’entreprises canadiens prévoyaient de prendre leur retraite prochainement, ce qui représente le transfert de deux-trillions de dollars d’actifs commerciaux.
D’après les experts interrogés, toutes les branches professionnelles sont concernées. De l’agriculture à la construction, en passant par la vente, le tourisme ou l’hôtellerie.
Selon Paula Haapanen d’Impact ON, d’ici 15 ans, 55 % des entreprises ontariennes seront à vendre et quelque 14 % de celles actuellement en vente ont un patron francophone.
«L’enjeu est de taille, en l’absence de repreneurs, ces entreprises fermeront. Ça pose la question de la pérennisation du tissu social et économique du Canada, alerte Jean-Michel Mégret. De nombreux savoir-faire risquent de disparaitre, de même que des millions d’emplois.»
À cet égard, la directrice principale du Pôle engagement d’Impact ON, en Ontario, Paula Haapanen, s’inquiète du manque d’intérêt porté au repreneuriat.
«On est très préoccupé de faire démarrer et grossir les entreprises, mais on ne pense pas à comment les arrêter et les transmettre, déplore-t-elle. Le repreneuriat est pourtant un outil pour faire vivre les communautés francophones, en particulier dans les régions rurales et isolées.»
Très peu de professionnels anticipent leur succession et «des personnes de 70 ou 80 ans doivent continuer, car elles ne trouvent pas de repreneurs», souligne Jean-Michel Mégret, qui regrette que «le transfert soit peu outillé et se fasse de façon aléatoire».
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Le directeur général du Conseil de développement économique des Territoires du Nord-Ouest (CDÉTNO), François Afane, s’inquiète de l’impact sur les communautés francophones en situation minoritaire : «Si les petites et moyennes entreprises (PME) disparaissent, ça pourrait compromettre le développement de nos communautés, marquer le début de la fin.»
«On essaie de sensibiliser au besoin de planifier une transmission le plus en amont possible, mais l’état d’esprit des entrepreneurs ne facilite pas toujours les choses», observe François Afane aux Territoires du Nord-Ouest.
Paula Haapanen explique également que beaucoup de sociétés n’ont pas de plan de succession. «Plus elles sont petites, moins elles ont de chance d’en avoir un.»
D’après la responsable, des recherches montrent que si le propriétaire d’une compagnie est d’expression française, le risque est encore plus grand qu’il n’est pas planifié la fin de son activité.
Les cédants dans les communautés francophones à l’extérieur du Québec préfèrent ne pas ébruiter leur intention de vendre. «Ils ne veulent pas que ça se sache pour ne pas inquiéter leurs salariés et leurs partenaires d’affaires. Ils ont peur que ce soit préjudiciable à leurs activités», confirme Jean-Michel Mégret.
«Ils préviennent au dernier moment, alors que ça prend du temps, parfois 5 ans, pour passer correctement le bâton à quelqu’un d’autre», poursuit Paula Haapanen.
François Afane considère que le premier réflexe des patrons de PME est d’impliquer leurs enfants dans l’espoir qu’ils reprennent le flambeau : «S’ils ne sont pas intéressés, ils se retrouvent devant le fait accompli et passent en vitesse au plan B en vendant au plus offrant».
À Moncton, au Nouveau-Brunswick, la chiropraticienne Marie-Josée Robichaud a ainsi vendu en juin 2024 son cabinet, composé de six professionnels de santé, à son fils. À 63 ans, elle prendra sa retraite d’ici un ou deux ans, après plus de trente ans de pratique.
La chiropraticienne néobrunswickoise Marie-Josée Robichaud a vendu en juin dernier sa pratique à son fils : «Il a pris les rênes, mais ne savait pas trop comment conduire au début. C’est une courbe d’apprentissage.»
«Avec mon mari, on ralentit progressivement. C’est difficile de laisser aller les patients, partage-t-elle. Si notre fils n’avait pas repris, ça aurait été très dur émotionnellement, car nous avions acheté la pratique à mon père.»
Transmettre ses connaissances n’est en revanche pas si simple : «Après des décennies, on acquiert des automatismes, on a de la misère à verbaliser. Le plus compliqué, c’est le côté gestion des ressources humaines». Avec l’appui d’un consultant, elle a pu rédiger des guides détaillés pour aider son fils.
Si les cédants proches de la retraite sont mal préparés, les acquéreurs sont eux mal informés. «C’est difficile, il n’y a pas de banque de données officielles, les informations circulent dans des cercles fermés», relève Jean-Michel Mégret.
Le repreneuriat dans les communautés francophones en situation minoritaire peut s’avérer encore plus compliqué. «C’est plutôt un défi, car le monde des affaires fonctionne presque exclusivement en anglais», dit-il.
La population francophone est vieillissante, alors il peut être difficile de trouver un francophone qui prend la relève, surtout dans les régions rurales. En même temps, une entreprise à vendre peut aussi attirer des francophones de l’extérieur.
«Le nouveau propriétaire avait d’autres projets pour l’entreprise, mais une fois que j’ai vendu, j’ai préféré ne plus m’en soucier», témoigne l’ancien chocolatier, Frédéric Desclos.
Le Réseau de développement économique et d’employabilité (RDÉE Canada) a mis en place un site Internet pour mettre en relation cédants et repreneurs. L’organisme a aussi lancé le programme Solution repreneuriat, qui guide les femmes tout au long de leur reprise d’une compagnie.
Dans les différents provinces et territoires, les conseils économiques et fédérations d’affaires ont lancé des dispositifs d’accompagnement. Aux yeux de Jean-Michel Mégret, les organismes doivent également être formés à la «la dimension sociale et émotionnelle» du transfert.
«Si l’on veut qu’une entreprise soit pérenne, cédant et repreneur doivent se mettre d’accord sur la façon dont le savoir-faire et la culture entrepreneuriale se transmettent», insiste-t-il.
Le repreunariat pourrait donner un nouveau souffle à l’économie canadienne dans le contexte de menace de guerre économique avec les États-Unis. Au-delà de cette menace, le transfert d’entreprise devrait être une priorité du gouvernement canadien, croit Jean-Michel Mégret : «Sinon, c’est la mort économique des territoires».
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Les paiements ont été interrompus après l’expiration du statut de résident temporaire dans le système de l’Agence du revenu du Canada (ARC), même si la personne peut encore être admissible à l’Allocation canadienne pour enfants (ACE).
L’ombudsman des contribuables, François Boileau, dévoile cette situation dans son rapport Tout est une question de planification, publié le 18 mars. Il dresse une liste de 11 recommandations destinées à l’ARC.
Le rapport rappelle que l’ACE est un versement mensuel non imposable fait aux familles admissibles pour les aider à subvenir aux besoins de leurs enfants de moins de 18 ans. Un versement de l’ACE peut comprendre des montants de la prestation pour enfants handicapés et de programmes provinciaux ou territoriaux connexes.
À partir d’une plainte, François Boileau a jugé bon de fournir 11 recommandations, un record.
Pratiquement toutes portent sur l’amélioration des communications de l’ARC envers les résidents temporaires, pour les aviser de leur situation et de documents dont l’Agence aurait besoin.
Une mesure centrale, selon François Boileau, car les résidents temporaires, nouveaux au Canada pour la plupart, ne connaissent pas toujours le fonctionnement des institutions fédérales comme l’ARC, ni ce à quoi ils peuvent prétendre ou quand ils sont lésés dans leurs droits.
Dans cette perspective, la première recommandation du rapport enjoint l’ARC de «trouver un moyen efficace de rappeler aux contribuables dont le statut d’immigration au dossier de l’Agence est sur le point d’expirer, qu’ils doivent fournir une preuve de toute mise à jour de leur statut juridique afin de s’assurer qu’il n’y a pas d’interruption des prestations».
Ce sont des personnes qui sont vulnérables. Ce ne sont pas des comptables, ce ne sont pas des professionnels. Ce sont des individus qui se trouvent dans des situations pas faciles.
Le bât blesse aussi dans le délai de traitement. Il faut 14 semaines, soit près de 4 mois, pour que le dossier soit traité et qu’un premier chèque soit versé. Lorsqu’il y a une interruption soudaine des paiements alors que le résident permanent y a droit, ce délai coute cher aux familles.
Les résidents temporaires doivent démontrer qu’ils sont présents sur le territoire canadien depuis au moins 18 mois et justifier un certain revenu pour prétendre à l’ACE.
La plainte évoquée dans le rapport vient d’une mère monoparentale qui avait deux enfants à charge au moment de l’interruption du versement de l’ACE.
«L’agence [a] une approche qui est évidemment bureaucratique. Et donc, moins [une approche] par rapport à l’importance pour la personne qui reçoit l’allocation pour enfants», affirme François Boileau.
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François Boileau affirme vouloir donner une «voix à ceux qui n’en ont pas».
Dans un sondage publié en juin 2024, Statistique Canada rapporte qu’en avril 2024, «une proportion plus importante d’immigrants récents (43 %) ont déclaré qu’il avait été difficile ou très difficile de répondre à leurs besoins financiers au cours des 12 mois précédents, comparativement aux immigrants plus établis (29 %) et aux non-immigrants (29 %)».
De même, les résidents non permanents étaient plus susceptibles de déclarer qu’il avait été difficile ou très difficile de joindre les deux bouts (37 %) que les non-immigrants.
Selon l’ombudsman, l’ARC a une double responsabilité : collecter les taxes et «l’autre base, qui est tout aussi importante, c’est d’octroyer des prestations à des populations qui ont le droit de recevoir ces prestations-là».
Il y a des milliards de dollars qui dorment dans les coffres du fédéral parce qu’on ne réussit pas à retrouver ces personnes-là année après année.
Une autre recommandation du Bureau de l’ombudsman des contribuables oriente l’ARC vers une meilleure collaboration avec le ministère fédéral d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC).
François Boileau rappelle que lorsqu’un résident temporaire reçoit l’ACE, il y a une date de fin du versement, qui peut être prolongée seulement si IRCC approuve la demande.
«L’Agence du revenu, elle, ne peut pas le savoir. Il manque de communication entre les deux», relève-t-il.
Lorsque son Bureau a reçu la plainte précitée, l’ombudsman a demandé à l’ARC si l’interruption des versements de l’ACE touchait d’autres personnes.
L’ombudsman a reçu une réponse positive, mais sans obtenir de chiffre précis. «On a posé d’autres questions supplémentaires à l’Agence et, effectivement, on s’est rendu compte qu’il y avait peut-être beaucoup de personnes qui se sont retrouvées dans la même situation», résume François Boileau.
L’ARC n’a pas répondu à Francopresse sur le nombre de familles de résidents temporaires potentiellement touchées.
L’ARC a répondu qu’elle mettait en œuvre «en totalité ou en partie», sept des onze recommandations (1 à 5, et 8 et 11) afin d’améliorer ses communications avec les prestataires.
L’agence fédérale a toutefois rejeté une recommandation (la 6e), qui suggère que l’ARC contacte directement les immigrants temporaires éligibles à l’allocation.
Elle refuse aussi d’améliorer le traitement des mises à jour du statut d’immigration pour les immigrants temporaires qui reçoivent l’ACE. Il s’agit du cas où ces derniers ont prolongé leur statut, mais n’ont pas encore reçu leur nouveau visa.
L’ARC ne leur expliquera pas non plus pourquoi ils ne recevront pas de paiements pour la période d’écart ni ne leur fournira de contact en cas de maintien de leur statut. Elle justifie ces rejets ainsi : «[…] il faudrait [faire] des suppositions avec des renseignements incomplets».
Parce qu’elle ne peut s’engager à investir plus de ressources «à l’heure actuelle», l’Agence n’a pas non plus accepté la recommandation 7, qui demande qu’elle permette aux contribuables de suivre leur allocation via l’outil de suivi des progrès dont elle dispose.
L’Agence n’examinera pas non plus la période pendant laquelle elle considère que quelqu’un est un nouvel arrivant, ce qui aiderait pourtant au traitement des dossiers et éviterait la précarité de l’attente de l’allocation à laquelle ils ont droit, s’ils sont éligibles.
Selon l’Agence, cette suggestion ne «s’harmonise pas avec le contenu de la Loi de l’impôt sur le revenu».
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Quand l’intelligence artificielle s’invite en campagne électorale. Non, il n’est pas question ici des dernières manchettes (du moins pas encore?), mais de L’indétectable, la nouvelle série signée Annie Piérard, Bernard Dansereau et Étienne Piérard-Dansereau. Le trio, qui a manifestement du flair, s’était déjà illustré en 2020 avec Épidémie, qui raconte l’arrivée d’un mystérieux virus, avant que la COVID-19 n’envahisse le monde.
Cette fois, tout bascule le jour où une vidéo de Françoise Parent (Lynda Johnson), candidate pour le parti Option Québec, devient virale sur les réseaux sociaux. Et pour cause : elle y tient des propos odieux et racistes à l’encontre d’un chauffeur de taxi.
La politicienne répète qu’il ne s’agit pas d’elle, mais d’un deep fake, un hypertrucage généré par l’intelligence artificielle. Pourtant, les «experts» sont formels : cette vidéo parait trop vraie pour être fausse et la technologie n’est pas encore au point.
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Ni une, ni deux, la machine médiatique s’emballe et Françoise Parent perd l’appui de son parti, mais pas de sa fille, Stéphanie (Sophie Nélisse), qui reste persuadée de l’innocence de sa mère. Cette jeune ostéopathe réservée va mener sa propre enquête, dans un rôle à contre-emploi.
«T’es tellement mauvaise menteuse», lui répètent tour à tour son conjoint et sa cousine, alors que Stéphanie infiltre une jeune entreprise montréalaise spécialisée en intelligence artificielle et deviendra, malgré elle, témoin de secrets classés.
En parallèle, on suit les ennuis de Daji Saeed (Younes Bouab), éminent spécialiste des isotopes médicaux, et de sa fille, Safia. Originaire de l’Émirat du Golfe (pays fictif), le scientifique a obtenu la nationalité canadienne, mais son passé le rattrape le jour où un de ses anciens compatriotes frappe à sa porte pour le ramener dans la péninsule arabique.
Si les différents arcs narratifs nous perdent par moments, le jeu, convaincant, des interprètes, recentre le propos. Certes, l’intrigue va parfois un peu vite en besogne, mais au moins, on ne s’ennuie pas. On pardonne aussi quelques rebondissements, prévisibles.
En filigrane se dessinent les tensions d’une société qui se croit en sécurité. Après tout, «on est au Canada», souffle Safia à son père (personnages par ailleurs attachants), sous-entendu : ici on ne risque rien. Et pourtant…
L’indétectable aborde des thématiques plus que jamais d’actualité, avec une mise en scène simple, mais efficace. Malgré quelques grosses ficelles scénaristiques, on embarque, avec une question en tête : l’étau va-t-il se resserrer sur Stéphanie, ou sur la vérité?
L’indétectable est réalisée par Stéphane Lapointe. La minisérie comprend 6 épisodes de 43 minutes, disponibles sur ICI TOU.TV EXTRA.
Des enfants avec un handicap, des personnes atteintes d’albinisme, des femmes incarcérées, d’autres en surpoids : dans Beautés rebelles, l’animatrice Carla Beauvais nous emmène à la découverte de concours de beauté loin des critères esthétiques habituels, où les différences sont belles et valorisées.
D’un bout à l’autre du globe, ces évènements redéfinissent les standards de beauté pour combattre l’injustice et l’ostracisation que vivent les candidats et candidates et leur (re)donner confiance en soi.
Le propos est d’autant plus pertinent à l’heure où la mode semble de nouveau valoriser la maigreur.
Au Japon, le concours Special Beauty Japan célèbre la beauté des jeunes autistes et de jeunes en situation de handicap.
Au Japon, le Special Beauty Japan met à l’honneur les enfants en situation de handicap. Au Zimbabwe, le concours Mister and Miss Albinisim permet aux lauréats de faire connaitre leur réalité au public, mais aussi au gouvernement. Au Brésil, un centre correctionnel pour femmes de Rio de Janeiro organise depuis 2004 Miss Talavera Bruce, pour redonner à ces femmes leur dignité et faciliter leur réinsertion dans la société.
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Promouvoir la diversité et l’inclusion
Carla Beauvais part à la rencontre des organisateurs et organisatrices de ces évènements et de ceux et celles qui y participent, mais aussi de leur famille. Car derrière ces évènements se cachent de véritables enjeux sociaux.
Le concours Miss et Mister Albinism Zimbabwe élit des ambassadeurs et ambassadrices pour sensibiliser à la condition des personnes atteintes d’albinisme.
La série met au jour les préjugés et les discours normés qui sous-tendent chaque société. De quoi remettre en question notre propre attitude vis-à-vis de la marginalité et de l’autre. Après tout, «la normalité» n’est souvent qu’une question de point de vue et d’éducation.
Seul petit bémol : le choix du doublage en français plutôt que des sous-titres atténue quelque peu l’authenticité des dialogues.
Beautés rebelles évite tout voyeurisme et dresse – à travers ces visages, ces sourires, ces tranches de vie – un magnifique portrait de la différence, sans toutefois tomber dans une positivité naïve. Chaque épisode souligne également les défis auxquels font face ces beautés rebelles, mais éternelles.
Réalisée par Alexis B. Martin, la série documentaire Beautés rebelles propose 10 épisodes de 48 minutes, disponibles sur TV5Unis.
Vingt ans, ça se fête. Animée par Fabienne L’Abbé, un documentaire revient – avec humour, cela va de soi – sur l’épopée de la troupe franco-ontarienne Improtéine, de ses premiers matchs d’impro dans des gymnases d’écoles ontariennes jusqu’à ses récentes revues de fin d’année du 31 décembre.
À travers des extraits vidéos issus de leurs archives personnelles, Nadia Campbell, Vincent Poirier, Olivier Nadon, Stéphane Guertin et Martin Laporte partagent souvenirs, anecdotes et bilans de vie.
Des interventions en milieu scolaire aux capsules vidéo, en passant par la télévision, le groupe est devenu un incontournable dans le paysage culturel francophone en situation minoritaire.
La gang est notamment reconnue pour ses documenteurs et ses spectacles d’improvisation, lors desquels le public est invité à interagir et parfois même à monter sur scène… Votre chroniqueuse ici présente peut d’ailleurs en témoigner.
À travers son humour décapant, la troupe passe au crible les revendications des francophones, comme la pénurie d’enseignants ou le manque de services en français.
Rire de sujets sérieux sans se prendre au sérieux, telle est la formule, rudement efficace, d’Improtéine. De l’humour engagé qui fait du bien, surtout en ce moment.
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Improtéine, 20 ans et presque quasiment légendaire est disponible sur le site Web et sur l’application de TFO.
Avec des informations de Julien Cayouette et Marianne Dépelteau
Le premier ministre a fait plusieurs annonces et un faux pas, lors de cette première semaine de campagne électorale.
Les débats des chefs en lice se tiendront à Montréal le 16 avril en français et le 17 en anglais.
Cette semaine, les libéraux ont toutefois refusé de participer à un autre débat : celui de TVA. Si les trois autres partis – le NPD, le Parti conservateur et les Verts – avaient déjà accepté, le parti de Mark Carney a refusé, au motif que la chaine de télé demandait 75 000 $ à chaque participant.
L’autre raison – moins officielle et dont Mark Carney se défend –, serait qu’il est moins à l’aise que ses adversaires dans la langue de Molière.
Pierre Poilievre a dénoncé une «fuite politique» des libéraux, lorsqu’un reportage du Globe and Mail cette semaine a confirmé de l’ingérence étrangère pendant la course à la chefferie conservatrice, en 2022.
Lors de sa tournée au Québec, mercredi, Pierre Poilievre a souligné que : «Le Québec est la province fondatrice de notre pays, donc, si aujourd’hui les francophones survivent en Amérique du Nord, c’est grâce aux Québécois. Soyons honnêtes, sans les Québécois… c’est grâce aux Québécois!»
Mise dans son contexte, la phrase a pour but de séduire l’électorat québécois.
«Depuis 400 ans, les francophones se battent pour protéger leur langue, leur culture, leur héritage. J’admire la persévérance que les Québécois ont montrée pour défendre et conserver ce qui est original et spécial aux Québécois. Ils ne s’excusent pas pour leur histoire. Je veux le répéter en anglais pour que les anglophones apprennent de cette leçon!»
Mercredi, la Fédération des gens d’affaires francophones de l’Ontario, en collaboration avec l’Alliance des fédérations économiques canadiennes (AFEC), a présenté plusieurs idées sur une plateforme de préconisation pour renforcer l’économie francophone au pays, dans le cadre de la campagne fédérale, et en réponse aux tarifs américains.
Baisse d’impôt : Au deuxième jour de la campagne électorale, Mark Carney a proposé de réduire de 1 % le premier palier d’imposition, le faisant passer de 15 % à 14 %.
Au Canada, le taux d’imposition change en fonction de la tranche des revenus. Le premier palier correspond à des revenus de 57 375 $ ou moins.
Forces armées canadiennes : De passage en Nouvelle-Écosse, mercredi, Mark Carney s’est engagé à consacrer 2 % du PIB aux dépenses militaires d’ici 2030, soit deux ans plus tôt que prévu par son prédécesseur, afin de renforcer les capacités de défense du Canada, notamment dans l’Arctique.
Protection du secteur automobile : Mercredi, Mark Carney a annoncé que son parti planifiait plusieurs mesures pour protéger les travailleurs canadiens du secteur de l’automobile contre les tarifs douaniers américains, notamment la création d’un fonds de réponse stratégique de 2 milliards de dollars pour soutenir les emplois manufacturiers.
Le PLC prévoit aussi la mise en place d’un réseau canadien pour la production de pièces, l’utilisation de ressources canadiennes et de donner la priorité aux véhicules fabriqués au Canada.
Plus tard dans la journée, Donald Trump a annoncé qu’il imposait des tarifs douaniers de 25 % «sur toutes les automobiles qui ne sont pas fabriquées aux États-Unis», dès le 2 avril. Une annonce qui a forcé Mark Carney à faire une pause pour rencontrer en urgence le Cabinet sur les relations canado-américaines jeudi. Il devrait rencontrer les premiers ministres des provinces et des territoires aujourd’hui.
Baisse d’impôt : Le chef conservateur prévoit de baisser le taux d’imposition sur le revenu de 2,25 points, soit de 15 % à 12,75 %.
Baisse de l’immigration : De passage au Québec mercredi, Pierre Poilievre a annoncé qu’il souhaitait réduire de moitié le nombre d’immigrants temporaires dans la province.
Un «CELI bonifié» : Si la limite actuelle pour les CELI de 7000 dollars est maintenue, Pierre Poilievre propose la possibilité de verser jusqu’à 5000 dollars supplémentaires annuellement. À une condition : il faut que l’argent soit investi pour soutenir «des entreprises canadiennes qui emploient des travailleurs canadiens et paient des impôts canadiens».
Lutte contre les paradis fiscaux : Lors d’une annonce faite à Montmagny au Québec, mercredi, Pierre Poilievre a assuré que les Canadiens et Canadiennes pourront voir la suppression des paradis fiscaux, sur la plateforme électorale de son parti.
TPS sur l’achat d’une nouvelle maison : Le Parti conservateur a promis mardi d’abolir la Taxe sur les produits et les services (TPS) sur toutes les maisons neuves de moins de 1,3 million de dollars.
Le chef du NPD a annoncé un plan de réductions d’impôt et de taxe pour les Canadiens et les Canadiennes.
Logement : Jagmeet Singh a commencé la campagne en promettant de rendre plus de terrains fédéraux disponibles à la construction de logements à loyer contrôlé.
Le NPD veut construire 100 000 loyers d’ici 2035 sur 100 % des terrains fédéraux qui peuvent en accueillir. Pour y arriver, il veut ajouter 1 milliard de dollars dans le Fonds d’acquisition de terrains publics et former 100 000 personnes en construction.
Baisse d’impôt : Le NPD prévoit d’augmenter le montant personnel de base à 19 500 $. Il propose aussi de supprimer la TPS sur les produits essentiels comme les repas d’épicerie, les couches, les poussettes et les factures mensuelles.
Le parti veut aussi annuler les réductions d’impôt sur les gains en capital et doubler la Prestation canadienne pour les personnes handicapées. Jagmeet Singh a aussi confirmé qu’il augmenterait le Supplément de revenu garanti pour sortir les ainés de la pauvreté.
Ainés : Le Bloc Québécois souhaite une augmentation de 110 $ de la Pension de sécurité de la vieillesse de 65 à 74 ans. Cette promesse n’est pas nouvelle.
Un fonds pour les médias : Autre promesse existante et réitérée de la part du Bloc québécois, qui propose à nouveau que l’on constitue un fonds réservé au milieu de la culture et de l’information, géré par celui-ci.
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Utilisation de l’argent des tarifs : M. Blanchet appelle à une baisse de la partisanerie face à Trump et propose d’utiliser les revenus générés par les contre-tarifs pour les injecter dans les subventions salariales aux travailleurs qui seront affectés.
Baisse d’impôts : S’ils sont portés aux pouvoir, les Verts prévoient une hausse majeure du montant personnel de base qui n’est pas soumis à l’imposition. Il passerait de 15 700 $ à 40 000 $.
Cette augmentation concernerait les personnes dont le revenu est inférieur à 100 000 $, soit environ 78 % des contribuables canadiens, qui auraient de fait 3675 $ de plus dans par année, si cette mesure est appliquée.
Immigration : Maxime Bernier veut stopper l’immigration qu’il qualifie «de masse», sans aucun seuil minimal et «jusqu’à ce que la crise soit terminée», a-t-il expliqué, mardi.
Autonomie des provinces : Maxime Bernier a annoncé mercredi qu’il veut «rétablir l’équilibre des pouvoirs entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux».
Pour respecter les compétences provinciales, il propose de «mettre fin à toute intrusion fédérale dans les responsabilités provinciales, comme les soins de santé, l’éducation ou les ressources naturelles».
Il souhaite aussi donner aux provinces le contrôle de la taxe sur les produits et les services (TPS).
La survivante de la tuerie de Polytechnique et candidate libérale, Nathalie Provost.
Il a été commis cette semaine par Mark Carney.
Mardi, en tournée en Nouvelle-Écosse, le chef libéral a confondu les tueries de Polytechnique (1989) et de Concordia (1992). Il a également renommé la survivante de la tuerie de Polytechnique et candidate de son parti, Nathalie Provost, «Nathalie Pronovost».
Cette dernière, qui a annoncé sa candidature dans la circonscription montréalaise de Châteauguay–Les Jardins-de-Napierville aux côtés de Mark Carney, a assuré qu’elle lui pardonnait, bien qu’elle ait reconnu qu’il lui «restait du travail à faire» pour connaitre le Québec.
En pleine guerre économique avec les États-Unis, les industries canadiennes cherchent de nouveaux débouchés. La construction du controversé oléoduc Énergie Est revient sur le devant de la scène comme porte de sortie du pétrole, moteur économique de l’Alberta.
Il s’agit d’un pipeline de 4600 km qui transporterait quotidiennement 1,1 million de barils de pétrole des sables bitumineux de l’Alberta et de la Saskatchewan vers le port de Saint-Jean au Nouveau-Brunswick. Il traverserait six provinces et près de 200 territoires de Premières Nations.
Tracé du projet de l’oléoduc Énergie-Est. En orange, l’oléoduc projeté. Le projet est annulé le 5 octobre 2017 par TransCanada.
L’entreprise TransCanada, devenue depuis TC Energy, a abandonné le projet en 2017 pour des raisons environnementales et faute d’acceptabilité sociale, surtout au Québec.
Fin janvier, la première ministre de l’Alberta, Danielle Smith, et le premier ministre de la Nouvelle-Écosse, Tim Houston, ont pourtant relancé l’idée. Ce dernier a même demandé à Ottawa d’approuver «immédiatement» un projet, qui offrirait des «opportunités incroyables» de développement de nouveaux marchés, notamment vers l’Europe.
Le chef du Parti conservateur du Canada (PCC), Pierre Poilievre, a également déploré l’abandon de l’oléoduc, qui aurait, selon lui, pu être utilisé pour réduire la dépendance d’autres pays au pétrole russe.
Selon Charles Séguin, le secteur pétrolier et gazier préfère rester discret à propos d’Énergie Est tant que la campagne électorale est en cours.
Pour le professeur au département des sciences économiques de l’Université du Québec à Montréal, Charles Séguin, il est cependant «trop tard».
«Ce ne sont pas des discussions sérieuses, la fenêtre d’opportunité est passée, estime-t-il. On parle d’un vieux projet que certains politiciens aimeraient ramener à la vie, car ils regrettent d’en avoir sous-estimé les bénéfices à l’époque.»
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La directrice du programme pétrole et gaz de l’Institut Pembina, un centre albertain en recherche environnementale, Janetta McKenzie, rappelle en outre que la construction d’un pipeline de cette envergure prendra au moins une décennie et «ne résoudra certainement pas les problèmes tarifaires à court terme».
Dans l’immédiat, «ça ne règlera pas non plus le problème de la dépendance du Canada envers les États-Unis pour son exportation de pétrole», ajoute le professeur au département de physique de l’Université de Montréal, Normand Mousseau.
«Avec Énergie Est, il s’agirait théoriquement d’acheminer du pétrole vers l’Europe, mais les importations européennes de pétrole ont stagné au cours des dernières années», expose Janetta McKenzie, en Alberta.
Faute d’infrastructures de traitement adéquates, plus de 80 % de la production albertaine d’or noir est en effet exportée vers le Midwest et le Texas par pipeline, explique Janetta McKenzie. Les raffineries transforment le pétrole lourd canadien en brut léger et l’exportent ensuite à l’international.
Selon les experts, le silence actuel des entreprises du secteur pétrolier sur le sujet témoigne de leur désintérêt pour une proposition économiquement inintéressante et trop risquée.
En 2017, le cout d’Énergie Est était estimé à près de 16 milliards de dollars. «Aujourd’hui, compte tenu de l’inflation et des perturbations de la chaine d’approvisionnement, ce montant serait certainement beaucoup plus élevé et complètement déraisonnable», avertit encore Janetta McKenzie.
Charles Séguin croit que les compagnies préfèrent attendre les résultats des élections fédérales avant de se prononcer : «Si les conservateurs gagnent, ça pourrait être favorable, si ce sont les libéraux, ça s’augure très mal.»
Au-delà d’Énergie Est, Ottawa et les provinces ont récemment décidé de créer des corridors énergétiques nationaux afin de faciliter le transport et l’exportation du pétrole et du gaz naturel.
«C’est vendeur électoralement d’améliorer les échanges Est-Ouest pour constituer une économie intégrée et renforcer notre indépendance, mais c’est complexe à mettre en place d’un point de vue politique publique», prévient le chercheur de l’Université du Québec à Rimouski Yann Fournis.
Il évoque notamment le conflit dans les années 1980 durant lequel l’Alberta a préféré envoyer son pétrole brut aux États-Unis plutôt qu’en Ontario. À cette époque, la province s’opposait au gouvernement fédéral de Pierre Elliot Trudeau qui voulait mettre en place le Programme énergétique national.
Dans une réponse par courriel, la présidente et directrice générale de l’Association canadienne des producteurs pétroliers, Lisa Baiton, se dit d’accord avec «la nécessité de construire de grands projets énergétiques».
Mais, «plutôt que de défendre des projets isolés», elle appelle les gouvernements à créer un environnement propice à l’investissement privé dans des projets d’infrastructure nationaux qui permettront de «diversifier les marchés», d’assurer «la protection tarifaire» du pays et de «protéger sa souveraineté».
«Un investissement sur dix ans, basé sur une crise temporaire, c’est trop risqué», assure Normand Mousseau.
En réalité, pour que les compagnies acceptent de mettre la main au portefeuille, elles doivent sécuriser des contrats de vente à long terme.
«J’ai de la misère à voir des marchés d’exportation dans un contexte où il y a un essor de la voiture électrique, où la demande mondiale est amenée à baisser et où le cout du pétrole canadien explose», observe Normand Mousseau.
Le physicien fait référence au prix très élevé du pétrole qui transite par l’oléoduc Trans Mountain (entre l’Alberta et la Colombie-Britannique) : «Aujourd’hui, on demande de ne pas le tarifer au prix coutant, car sinon il ne serait pas compétitif et impossible à exporter.»
L’Union européenne (UE) a par ailleurs adopté une taxe carbone aux frontières, qui permettra de taxer les importations de marchandises (le pétrole et le gaz ne sont pas concernés dans un premier temps) depuis des pays tiers aux normes moins strictes dans la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre (GES).
À cet égard, Charles Séguin avance que l’UE aurait pu constituer un marché d’exportation si le Canada avait maintenu sa taxe carbone : «Ça aurait été un argument de vente intéressant.»
Au Canada atlantique, John Paul se dit conscient de «la pression» qui pèse sur le Canada pour travailler plus étroitement avec d’autres pays que les États-Unis.
Pour les Premières Nations, «quiconque souhaite réaliser le projet doit en discuter avec les communautés touchées et leur fournir toutes les informations pour qu’elles puissent prendre une décision éclairée quant à leur niveau de soutien ou même de partenariat», insiste le directeur général de l’Atlantic Policy Congress of First Nations Chiefs Secretariat, John Paul.
Le responsable se dit préoccupé par les impacts environnementaux du projet Énergie Est sur le fleuve Saint-Jean et les zones adjacentes : «Il s’agit d’un territoire faisant l’objet d’une revendication territoriale de la part des communautés autochtones du Nouveau-Brunswick.»
Reste donc à savoir si les contribuables seront prêts à payer alors que les tensions commerciales avec les États-Unis relancent la fibre patriotique canadienne.
«Il peut y avoir plus d’acceptabilité sociale à courte vue, mais je ne pense pas que le gouvernement voudra le financer, personne ne va mettre de dollars là-dedans», insiste Charles Séguin.
«Ça m’étonnerait qu’Énergie Est soit un cheval de bataille durant la campagne électorale. Ce serait risqué d’en parler, le projet a échaudé beaucoup de monde», considère Yann Fournis.
«Le repositionnement politique canadien lié au contexte international met la table pour des projets extractivistes [d’extraction des ressources naturelles], mais ça ne veut pas dire que les conditions sont favorables pour Énergie Est», confirme le professeur de science politique à l’Université du Québec à Rimouski, Yann Fournis. «Je serais étonné que ce pipeline ait lieu, il a fait l’objet de rebuffades assez dures.»
Normand Mousseau s’interroge quant à lui sur la pertinence d’Énergie Est à l’heure où le Canada s’engage à réduire ses émissions de GES et ses subventions à l’industrie pétrolière. Il n’hésite pas à parler de «solution du passé» : «Je ne suis pas sûr que ça emballe les gens de l’est du Canada.»
«Nous recherchons toutes les solutions possibles et imaginables pour renforcer la résilience économique et la sécurité énergétique. Ce nouvel oléoduc n’est peut-être pas pour autant la meilleure case à cocher, renchérit Janetta McKenzie. Nous avons aussi la capacité de diversifier nos sources d’énergie, de produire de l’électricité propre et à faible cout.»
Aux yeux de Charles Séguin, tout dépend de la direction que l’on veut donner à l’économie canadienne dans les 30 prochaines années : «Si l’on considère que le secteur pétrolier est voué au déclin et qu’il faut gérer la décroissance, on n’en a pas besoin.»
Selon le recensement de 2021, il y avait 6 275 journalistes au Canada en 2020. En comparaison, le pays comptait 83 420 professionnels et professionnelles en publicité, en markéting et en relations publiques. Soit un ratio de 13 spécialistes en communication pour 1 journaliste.
Il est normal qu’il y ait plus de gens qui travaillent en communication qu’en journalisme. La catégorie inclut une bien plus grande variété d’emplois et représente un plus grand éventail d’entreprises et d’agences.
Cependant, pendant que les médias d’information perdent des joueurs, les relations publiques grossissent à vue d’œil. Depuis le recensement de 2016, le nombre de journalistes a diminué de quelques centaines, alors que les effectifs en publicité, en markéting et en relations publiques ont bondi de près de 30 000 personnes.
Selon une étude de l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS), le ratio était de 2 pour 1 en 1990 au Québec.
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Le déséquilibre s’accentue très rapidement, non seulement dans le nombre d’employés, mais aussi dans la nature du travail.
Comme le rappellent les chercheurs de l’IRIS : «Alors que les [journalistes] cherchent à rapporter les faits de la manière la plus objective et la plus équilibrée possible, les [relationnistes] diffusent de l’information formatée par des intérêts politiques ou économiques.»
Une équipe en communication peut avoir besoin de quelques heures pour développer un message.
Les journalistes, qu’ils soient seuls ou en équipe, auront besoin de bien plus de temps – et parfois plus d’un article – pour déterminer si le message est valide, s’il n’omet pas une partie de la réalité.
Ce déséquilibre a un nom : la loi de Brandolini, ou asymétrie du baratin. Celle-ci s’applique surtout aux fausses nouvelles, mais le principe fonctionne pour les demi-vérités : beaucoup plus de temps et d’énergie sont nécessaires pour corriger une mauvaise information que pour la produire.
Si 83 000 agents de communication produisent chacun une minute d’informations biaisées, combien de temps auront besoin 6 000 journalistes pour présenter tous les faits? Après cet exercice, qui a le plus de contrôle sur l’information?
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Il faut garder ce concept en tête quand on parcourt les réseaux sociaux. Surtout en campagne électorale. Derrière chaque parti politique, derrière chaque message, il y a une équipe de communication qui a pour mandat de vendre des idées et des slogans.
Pour cette raison, le travail journalistique pendant cette période est doublement important. Les annonces vont extrêmement vite, elles fusent de tous les côtés et elles sont présentées dans leur plus bel emballage.
Les journalistes les déballent, les démontent et décrivent la partie du message qui ne cadre pas entièrement avec la réalité, ou le morceau de casse-tête qui manque.
Pour un électeur, suivre une campagne électorale uniquement à partir des médias sociaux d’un parti politique ou de leurs communications officielles ouvre une porte vers un univers parallèle.
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Malheureusement, au Canada, il faut faire un plus grand effort pour garder les deux pieds dans la réalité et accéder à du contenu non biaisé, puisque les médias sont absents de Facebook et Instagram. Sans oublier Twitter qui fait un X sur la vérité.
Pour l’élection fédérale de 2025, les journalistes ne sont pas admis à bord de l’avion de campagne du Parti conservateur du Canada. Les conférences de presse et les évènements seront accessibles aux journalistes, mais les médias nationaux auront plus de difficulté à être sur le terrain pour poser des questions.
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Les médias régionaux – incluant les journaux francophones en milieu minoritaire – joueront donc un rôle de premier plan dans la couverture électorale et dans le «déballage» des promesses. Ils seront mieux placés pour comparer les messages bien écrits de tous les partis politiques aux réalités sur le terrain.
Gardez donc un œil sur leurs pages.
L’élection fédérale de 2025 a été déclenchée ce dimanche 23 mars. Le jour du scrutin est fixé au 28 avril. La campagne sera de 36 jours, le minimum prévu par la Loi électorale canadienne.
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Une circonscription francophone a soit une bonne proportion de sa population dont la première langue officielle parlée est le français, soit un potentiel de demande de services en français plus élevé.
Par une analyse basée sur des données d’Élections Canada, 38 circonscriptions réunissent à la fois une forte population de francophones et une demande de services en français assez conséquente pour faire partie des circonscriptions à surveiller selon Francopresse. Toutefois, cette liste n’est pas exhaustive et peut être modifiée.
Nous avons d’ailleurs ajouté à cette liste les circonscriptions comptant le plus de francophones dans d’autres régions du pays.
Atlantique
Ontario
Manitoba
Saskatchewan, Alberta, Colombie-Britannique et territoires
«La langue c’est important, mais ça vient derrière l’économie», lâche d’emblée Geneviève Tellier, professeure à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa et chroniqueuse pour Francopresse.
La politologue croit que le premier thème francophone qui pourrait bien faire partie de la campagne concerne CBC/Radio-Canada. Pierre Poilievre en a d’ailleurs fait un enjeu dès son élection à la tête du Parti conservateur.
On sent que dans la population canadienne, on n’est pas si entiché à abolir même CBC. Les conservateurs ont dit qu’on ne touchera pas à Radio-Canada, mais on sait que ça prend un financement supplémentaire si CBC n’est plus là.
Geneviève Tellier affirme que les enjeux francophones ne sont pas la priorité du moment, mais qu’ils pourraient quand même faire partie de la campagne électorale.
Les autres enjeux, tels que le postsecondaire ou encore l’immigration francophone, pourraient être sur la table, en filigrane toutefois.
«On a modernisé la Loi sur les langues officielles, donc il y a un gros morceau qui vient d’être fait», observe Geneviève Tellier.
Selon cette dernière toutefois, Mark Carney vient d’envoyer un «signal étrange» en invitant l’un des cofondateurs de l’Initiative du siècle, Mark Wiseman, au sein de son Conseil des relations canado-américaines.
L’Initative du siècle est un groupe d’influence qui a conseillé au gouvernement libéral de Justin Trudeau de fortement augmenter l’immigration au Canada.
Donc, c’est quoi la position de M. Carney en matière d’immigration, puis d’immigration francophone? Ça, c’est moins clair.
D’après elle, tout peut changer pendant une campagne; les sujets francophones pourraient donc s’inviter spontanément dans la discussion.
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Pour connaitre quelle est votre circonscription, visitez Élections Canada.
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