Pour 2024, la présidence d’honneur du jury du Palmarès a été confiée à la directrice générale de la Société acadienne de Clare, Natalie Robichaud, qui est l’une des personnalités inscrites au Palmarès de 2023.
«Participer au jury de sélection et présider le comité a été un véritable privilège. Le processus rigoureux reflète non seulement le talent des personnes retenues, mais aussi l’engagement envers la vitalité de la francophonie canadienne. Ce Palmarès est une célébration de notre héritage culturel et de ceux et celles qui le portent avec passion», souligne la présidente d’honneur.
Le jury, composé de représentants de Francopresse et de personnalités des éditions antérieures du Palmarès, a étudié plus d’une trentaine de candidatures soumises par les journaux membres de Réseau.Presse à l’échelle du pays pour sélectionner les dix personnalités à se hisser au Palmarès de 2024.
L’«art-iviste» manitobaine Marjorie Beaucage a débuté l’année en devenant lauréate de l’un des Prix du Gouverneur général en arts visuels et en arts médiatiques. Depuis novembre, le Musée des beaux-arts du Canada projette trois de ses films. Après plusieurs années en éducation, Marjorie Beaucage s’est lancée dans la production vidéo, avec pour objectif de mettre en lumière des enjeux souvent ignorés des communautés métisses et autochtones. Il y a deux ans, elle a collaboré avec le Conseil culturel fransaskois pour produire La moisson, un outil de médiation culturel pour les écoles.
Photo : Courtoisie
Chercheur en économie rurale, Cyr Couturier est un acteur clé de la promotion de la francophonie à Terre-Neuve-et-Labrador qui a commencé à aider les entreprises acadiennes dans les années 1980. Il en est à son cinquième mandat à la présidence d’Horizon TNL, un organisme à but non lucratif voué au développement économique des francophones de la province. Il continue de siéger au conseil d’administration du Réseau de développement économique et d’employabilité (RDÉE) Canada en plus d’agir comme président du Gaboteur, le journal francophone de Terre-Neuve-et-Labrador. Il a déjà siégé à la Fédération des francophones de Terre-Neuve et du Labrador.
Originaire de Dieppe, au Nouveau-Brunswick, Kamylle Frenette a inspiré toute la communauté acadienne et au-delà en se classant 4e à la compétition de paratriathlon des Jeux paralympiques de Paris de 2024, après avoir terminé au même rang aux Jeux de Tokyo en 2021. En juin, elle avait remporté sa première épreuve de la Série mondiale de paratriathlon, à Montréal. Kamylle Frenette est l’Acadienne qui a connu le plus de succès dans le sport paralympique. Pendant l’entrainement qui l’a menée aux Olympiques, elle a aussi obtenu son diplôme en pharmacologie.
En février, lorsque la localité de Greenstone a décidé de retirer le drapeau franco-ontarien qui flottait depuis 2015 devant l’hôtel de ville, Claudette Gleeson a multiplié les efforts pour renverser la vapeur : pétition, députation devant le conseil municipal, campagne pour couvrir la ville des couleurs de la francophonie ontarienne… En mars, elle a été nommée à l’Ordre de la Pléiade de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie. Elle est actuellement présidente de l’Association des francophones du Nord-Ouest de l’Ontario, du Conseil scolaire de district catholique des Aurores boréales, de l’Accueil francophone de Thunder Bay et du Centre francophone de Thunder Bay. Elle a aussi fondé le Franco-Festival.
Jonah Richard Guimond, alias P’tit Belliveau, de Baie-Sainte-Marie en Nouvelle-Écosse, fait rayonner l’Acadie. Par sa musique, il met à l’honneur la langue française, sa culture, son identité et sa fierté acadiennes. En 2024, sa carrière a véritablement atteint un nouveau sommet. Il a notamment lancé un nouvel album, participé au spectacle d’ouverture du Congrès mondial acadien et au festival Francos de Montréal, et a rempli la salle MTelus à Montréal. Il a également remporté des prix lors du Gala alternatif de musique indépendante du Québec et reçu le Prix Acadie-Québec 2024.
En novembre 2024, Louise Imbeault a été nommée lieutenante-gouverneure du Nouveau-Brunswick. Elle est chancelière de l’Université de Moncton depuis 2018 et propriétaire-éditrice des Éditions Bouton d’or Acadie depuis 2012. Journaliste réputée, elle a été directrice de Radio-Canada Atlantique, où elle a aussi été la première femme chef des nouvelles et la première femme directrice de la radio, de la télévision et d’Internet. Au cours de sa longue carrière durant laquelle elle a toujours mis de l’avant la langue française, elle a reçu plusieurs distinctions, dont celle de membre de l’Ordre du Canada en 2023.
La médecin Anne Leis ne ménage pas ses efforts pour que la population fransaskoise ait accès à des services de santé de qualité en français. En 2024, elle a coordonné une nouvelle recherche sur les effets de la pandémie de COVID-19 sur les familles francophones dans les Prairies. Il s’agit de la deuxième apparition au Palmarès de Francopresse pour la directrice du Département de la santé communautaire et de l’épidémiologie de l’Université de la Saskatchewan et l’ancienne présidente de la Société Santé en français et du Réseau Santé en français de la Saskatchewan.
Depuis plus de 25 ans, Isabelle Salesse s’investit largement – et souvent dans l’ombre – pour que les francophones de tous les horizons aient une place au Yukon. En 2024, la directrice générale de l’Association franco-yukonnaise a lancé une initiative d’inclusion et de solidarité à l’égard des communautés 2ELGBTQI+ francophones. Au cours de la même année, elle a aussi contribué à la révision de la Loi sur l’office de la santé du Yukon pour garantir la protection des droits linguistiques de la communauté francophone. Par ailleurs, depuis trois ans, elle participe au défi Great Cycle Challenge pour la Fondation SickKids.
L’année 2024 n’a rien eu d’ordinaire pour le Franco-Ontarien Alex Tétreault. Dès janvier, le jeune dramaturge a remporté deux prix pour sa pièce Nickel City Fifs : le prix Audace Réseau Ontario et le Prix Alliance Acadie. En juin, il est devenu poète officiel du Grand Sudbury, en Ontario. En septembre, les Éditions Prise de parole ont publié le texte de sa pièce, qui raconte une «épopée queer sudburoise». Il est aussi actuellement président de l’organisme ontarien Théâtre Action et n’hésite pas à donner généreusement à sa communauté, notamment en siégeant à de nombreux conseils d’administration.
Pionnière de l’innovation sociale, championne de l’économie solidaire et figure de proue de l’autonomisation économique des femmes, Ethel Côté s’est éteinte à l’âge de 66 ans en octobre. Elle a consacré sa vie à l’épanouissement de la francophonie et à l’action locale. Elle a fondé plusieurs organismes, dont mécènESS, et a dirigé l’entreprise sociale ImpactON. Elle a aussi été présidente fondatrice de La Nouvelle Scène à Ottawa. Elle a été reçue à l’Ordre des caisses populaires de l’Ontario, à l’Ordre de l’Ontario et à l’Ordre du Canada. En 2015, l’ONU l’a nommée championne de l’autonomisation économique des femmes.
Le jury du Palmarès accorde une mention spéciale à Elle Peters. Engagée dans la défense des intérêts des jeunes francophones, Elle Peters est présidente du Conseil jeunesse provincial de la Nouvelle-Écosse et lauréate de 2024 du Prix d’excellence du lieutenant-gouverneur pour l’Acadie et la Francophonie de la Nouvelle-Écosse. La lutte qu’elle mène contre le racisme et toute autre forme de discrimination lui ont valu le Prix du civisme et du respect du lieutenant-gouverneur de la Nouvelle-Écosse en 2022, alors qu’elle n’était qu’en 8e année. Continuons de suivre cette jeune francophone promise à un brillant avenir.
Blaise Ndala est originaire du Congo et a fait des études de droit en Belgique avant de s’installer à Ottawa pour y travailler comme juriste dans la fonction publique fédérale.
J’irai danser sur la tombe de Senghor
Il publie son premier roman, J’irai danser sur la tombe de Senghor, en 2014 aux Éditions L’Interligne d’Ottawa. L’ouvrage connait un succès immédiat auprès de la critique et gagne le Prix du livre d’Ottawa, catégorie fiction, en 2015 en plus d’être traduit… en russe.
L’histoire se passe en 1974 au Congo, alors appelé le Zaïre. Les vedettes du roman sont la rumba congolaise qui déferle alors sur le monde et le fameux combat du siècle entre Mohamed Ali et George Foreman.
Le titre est d’ailleurs attribué, dans le livre, au président congolais Joseph-Désiré Mobutu, qui gouverne le plus grand pays d’Afrique et qui est jaloux du président du Sénégal, Léopold Sédar Senghor.
Senghor est un écrivain reconnu et premier Africain à siéger à l’Académie française. Le monde francophone n’en a que pour lui, ce qui attise le ressentiment de Mobutu. Ce dernier imagine alors qu’en dépensant des millions de dollars américains pour la tenue du combat du siècle à Kinshasa, il allait surclasser la réputation internationale de Senghor.
Le protagoniste du roman est Modéro, un jeune musicien du nord du Congo qui a acquis une belle réputation dans son coin de pays et qui décide de descendre à Kin la belle pour tenter sa chance auprès des grands groupes de rumba.
Il découvre une capitale où l’arnaque est reine et où l’intégration dans le monde musical n’est pas aussi évidente qu’il l’espérait. Grâce à quelques contacts, Modéro réussira à se rapprocher des musiciens qu’il adule et, surtout, à obtenir un billet pour le fameux combat qui fait trépider Kinshasa et le monde entier.
Le roman est en fait une description de l’Afrique après la décolonisation. Blaise Ndala nous y fait voir la vie quotidienne à Kinshasa, sa musique, ses magouilles et sa magie.
• • •
Sans capote ni kalachnikov
Avec son deuxième roman, Sans capote ni kalachnikov, publié chez Mémoire d’encrier en 2017, Ndala poursuit sa montée fulgurante dans le monde littéraire francophone. Gagnant du Combat des livres de Radio-Canada en 2019, le roman sera traduit en 2024 sous le titre The War You Don’t Hate.
La trame touche deux domaines : les guerres intestines dans certains pays africains et l’exploitation de ces tragédies par les bienpensants du secteur humanitaire.
On y rencontre d’abord une cinéaste canadienne, Véronique Quesnel, qui gagne un oscar à Hollywood pour son documentaire sur le viol en tant qu’arme de guerre dans ces conflits qui perdurent en Afrique et ailleurs.
Quand la lauréate invite la vedette de son film à monter sur scène – la jeune Sona, 14 ans, qui a été réduite au rôle d’esclave sexuelle pendant un de ces conflits –, l’adolescente éclate en sanglots. C’est l’euphorie au Kodak Center.
Du faste de la soirée des oscars, l’auteur nous emmène dans un camp de réhabilitation où sont parqués des centaines d’anciens combattants révolutionnaires à la suite d’un accord entre leur mouvement et le dictateur.
Le camp est géré par d’autres bienpensants européens, des médecins et des thérapeutes qui tentent de «guérir» ces soldats de fortune.
On y rencontre l’ancien enfant-soldat, le caporal-chef Fourmi Rouge – titre qu’il portait avant, nous dit-il – qui a été convaincu d’écrire son parcoursrévolutionnaire dans un calepin. Ses écrits révèlent les magouilles et l’horreur de ses guerres.
C’est là que l’on sent tout le ressentiment de Blaise Ndala pour ces guerres fratricides et pour la marchandisation qu’en fait l’Occident. On ne peut lire ce roman sans ressentir un sentiment d’injustice.
• • •
Dans le ventre du Congo
Les préjudices de la colonisation sont aussi omniprésents dans le troisième roman de Blaise Ndala, Dans le ventre du Congo, publié en 2021 chez Mémoire d’encrier pour le Canada, aux Éditions du Seuil pour l’Europe et à la maison Vallesse Éditions Abidjan pour l’Afrique.
Le roman a remporté plusieurs prix, dont le Prix international de littérature Cheikn Hamidou Kane, le Prix Ivoire pour la littérature africaine d’expression francophone et le Prix Ahmadou-Kourouma.
Selon l’auteur, ce roman se veut une «pacification des mémoires pour celles et ceux qui, de Bruxelles à Kinshasa, espèrent sans y croire que le passé puisse passer un jour».
Ce roman raconte l’histoire de la princesse Tshala Nyota Moelo, issue d’une prestigieuse monarchie Bakuba. Prise dans une jeunesse encarcanée dans les rituels liés à la royauté précoloniale, elle réussit tout de même à se libérer de sa famille et s’éprend d’un jeune colon belge avec qui elle vivra quelques années avant d’être abandonnée.
Elle tentera alors de faire jouer ses relations pour se rebâtir sa vie, mais sera dupée et se retrouvera marionnette dans la reconstitution d’un village congolais – certains disent un zoo – présenté aux visiteurs à l’exposition universelle de Bruxelles en 1958. Elle disparaitra ensuite sans laisser de traces.
Saut en 2004, une nièce de la princesse disparue débarque à Bruxelles et croise un homme qui a connu Tshala et, ensemble, ils finissent par comprendre le destin tragique de la princesse. Je ne vous en dis pas plus. À lire.
Petite note pour les irréductibles de Blaise Ndala : il vient de terminer le manuscrit final d’un quatrième roman, qui est maintenant entre les mains de son agent littéraire. Le livre pourrait paraitre d’ici un an.
Réjean Grenier a travaillé dans les médias pendant 47 ans, comme journaliste, rédacteur principal à Radio-Canada/CBC, éditeur et propriétaire d’un journal et d’un magazine, et éditorialiste. Il a présenté une chronique littéraire sur les ondes de Radio-Canada pendant cinq saisons. Il est un avide lecteur depuis l’âge de 12 ans. Il a grandi dans un petit village du Nord de l’Ontario où il n’y avait pas de librairie, mais il a rapidement appris où commander des livres. Son type d’ouvrage préféré est le roman puisqu’«on ne trouve la vérité que dans l’imaginaire».
Qui dit 2024, dit année olympique. Impossible, donc, de passer sous silence l’évènement qui a éclipsé tous les autres.
Paris aura offert des lieux de compétition hyper-télégéniques pour les Olympiques, mais pas seulement.
J’avais, comme beaucoup de Français, des craintes quant au succès des Jeux olympiques. Pour une fois, je suis bien content de m’être trompé. L’évènement a été un succès populaire indéniable, se fondant à merveille dans le décor de la Ville lumière.
La cérémonie d’ouverture, la première de l’histoire hors d’un stade, a donné le ton. Le reste a suivi une trajectoire similaire.
Des lieux de compétition hypertélégéniques, une ambiance folle dans les tribunes, des vedettes au rendez-vous (Summer McIntosh, Teddy Riner, Léon Marchand, Simone Biles, Armand Duplantis, Novak Djokovic…) et aucun pépin majeur. La mayonnaise a pris. Un de mes collègues présent sur place me l’a confirmé : «Ça va être difficile pour Los Angeles de faire mieux.»
Même le bilan financier et environnemental est plutôt positif. L’organisation présente un excédent budgétaire de 27 millions d’euros, et les émissions de gaz à effet de serre ont été divisées par deux par rapport à Tokyo en 2021.
Si les Jeux resteront un bon souvenir pour la grande majorité des athlètes, il y a fort à parier que Soccer Canada souhaite les oublier au plus vite.
Rembobinons. Le 22 juillet, un membre du personnel entourant l’équipe féminine canadienne de soccer, Joey Lombardi, est interpelé par la police française pour avoir filmé avec un drone l’entrainement de l’équipe la Nouvelle-Zélande.
L’équipe canadienne a été pénalisée de 6 points de classement. L’entraineuse-chef de l’équipe canadienne, Beverly Priestman, a été sans trop tarder suspendue de ses fonctions.
Mais l’affaire ne s’est pas arrêtée là. Soccer Canada a rapidement laissé entendre que ces pratiques d’espionnage n’étaient pas nouvelles. Une enquête de Radio-Canada a, depuis, mis en lumière l’existence d’un système bien huilé, connu de (presque) tous. Voici quelques extraits édifiants de ce qui a été relevé :
Le scandale de l’équipe de soccer canadienne aura été l’une des rares déceptions canadiennes aux Olympiques de Paris.
Cette triste affaire d’espionnage en rappelle une autre. En seconde division anglaise, l’ancien entraineur de l’équipe de soccer de la ville anglaise de Leeds, Marcelo Bielsa, avait envoyé des membres de son encadrement scruter les entrainements de ses adversaires.
Le célèbre technicien argentin avait fini par se confesser au cours d’une conférence de presse en 2019, aussi lunaire qu’interminable.
Avec une présentation visuelle à l’appui, il avait justifié ses actes : «Je me sens coupable si nous ne travaillons pas assez. Espionner nous permet d’être moins anxieux et, dans mon cas, je suis assez stupide pour autoriser ce genre de comportements.»
Ainsi donc, sous le couvert du «professionnalisme» pour la préparation d’un match de soccer, tous les moyens semblent bons pour gagner, même les plus litigieux. À méditer…
Un chapitre important de l’affaire Soccer Canada s’est, lui, refermé le 12 novembre, avec le limogeage de Beverly Priestman.
Si la France a vibré au rythme des exploits de Léon Marchand cet été, le Canada a, lui, été ébloui par le talent de Summer McIntosh.
La France et le Canada auront eu des héros en natation lors des Olympiques.
La nageuse ontarienne a remporté, à seulement 17 ans, trois titres olympiques (200 m papillon, 200 m quatre nages et 400 m quatre nages) et une médaille d’argent (400 m nage libre). Une performance historique, puisqu’aucun athlète de l’unifolié n’avait jamais remporté trois médailles d’or au cours d’une seule édition des Jeux.
Loin d’être rassasiée, Summer McIntosh, désormais majeure, a fait une véritable razzia lors des Mondiaux de natation en petit bassin, qui se sont déroulés à Budapest du 10 au 15 décembre dernier. Trois premières places, une deuxième place, exactement comme à Paris, avec cette fois trois records du monde.
Discrète et bosseuse, la Torontoise fait preuve d’un professionnalisme remarquable pour son jeune âge. Peut-elle devenir la Michael Phelps canadienne? Difficile à dire tant la natation est un sport ingrat qui use les athlètes, soumis à une charge d’entrainement colossale. Mais elle en a assurément le talent.
Pour conclure cette riche année 2024, je voulais terminer par un coup de cœur. En janvier, j’avais dédié une chronique à la toute nouvelle Ligue professionnelle de hockey féminin (LPHF), faisant part de mon optimisme quant à son développement.
Depuis, plus de 21 000 partisans et partisanes se sont massés dans les tribunes du Centre Bell, à Montréal, pour assister à la rencontre entre Montréal et Toronto, établissant un nouveau record d’audience pour un match de hockey féminin.
Le succès de la Ligue professionnelle de hockey féminin donne envie de célébrer.
Depuis, les six équipes de la Ligue se sont dotées d’une identité visuelle, avec un nom et un logo.
Depuis, l’organisation a dit évaluer les candidatures de plus de 25 villes souhaitant les rejoindre. Deux d’entre elles sont attendues pour la saison 2025-2026.
Bref, en un an, l’expansion de la LPHF a été fulgurante, et la ligue semble déjà solidement installée dans le paysage du sport professionnel.
J’ai moi-même été témoin de ce franc succès. J’étais présent le 30 novembre dernier pour le premier match de la saison de la Victoire de Montréal face à la Charge d’Ottawa. Avec plus de 10 000 spectateurs, la Place Bell de Laval, au Québec, était pleine à craquer.
Les partisans – ou plutôt les partisanes, tant les femmes étaient nombreuses dans les gradins – en ont eu pour leur argent : une présentation émouvante, une ambiance de folie – la meilleure que j’ai vue lors d’un évènement sportif en Amérique du Nord – et un match plein de rebondissements.
L’émotion des joueuses était palpable. On sentait leur reconnaissance pour ce public qui les a poussées jusqu’au bout. J’ai retrouvé là ce que j’aime dans le sport : la communion entre le public et son équipe. Orphelin de mon équipe française de soccer, je suis désormais un partisan de la Victoire.
Vivement 2025!
Timothée Loubière est journaliste pupitreur au quotidien Le Devoir. Avant de poser ses valises au Québec en 2022, il était journaliste sportif en France, notamment au journal L’Équipe.
Certes, on n’a plus entendu le fameux «wacko» que Pierre Poilievre a lancé à Justin Trudeau au printemps dernier et qui lui avait valu son expulsion de la Chambre. Mais on ne sent pas non plus une volonté de baisser le ton.
Les partis d’opposition ont devant eux un gouvernement fragilisé qui manifestement sera battu aux prochaines élections. Du moins, c’est ce que nous disent systématiquement les sondages, mois après mois, depuis plus d’un an.
Mais les libéraux n’ont pas encore jeté l’éponge. Même s’il ne fait plus autant l’unanimité auprès de ses troupes qu’auparavant, Justin Trudeau compte bien être là lors de la prochaine campagne électorale. Mieux encore, son parti semble avoir maintenant accepté le fait que le premier ministre sollicitera un quatrième mandat.
La crise qui a secoué le Parti libéral cet automne n’aura donc été que passagère. Du moins en public, car en privé on sent que plusieurs se préparent à une future course au leadeurship.
Plusieurs ont interprété ainsi la publication la semaine dernière d’un article du New York Times consacré à la ministre Mélanie Joly. On y peignait le portrait d’une battante qui pourrait possiblement succéder à Justin Trudeau.
À lire aussi : Des élections dès maintenant? (Chronique)
Le chef conservateur, Pierre Poilievre, a réussi à assoir solidement – pour ne pas dire fermement – son autorité à la tête de son parti.
Il est aussi parvenu à se faire connaitre de la population. Les Canadiens savent maintenant très bien qu’il est contre les taxes – surtout la taxe carbone –, qu’il veut régler en priorité la crise du logement et qu’il veut combattre la criminalité, notamment celle en lien avec les drogues dures.
Il aura aussi réussi à faire oublier certaines bourdes, comme ses propos vantant les cryptomonnaies ou attaquant le gouverneur de la Banque du Canada. C’est le signe d’un chef maintenant en pleine maitrise de la situation.
Le message répété sans cesse par les conservateurs à propos de l’abolition de la taxe carbone («Axe the tax») donne des résultats. Les baisses d’impôts et de taxes séduisent l’électorat. Plus que jamais? Peut-être. Si c’est le cas, c’est le résultat d’une campagne de communication conservatrice extrêmement efficace.
Le Parti libéral comprend maintenant l’attrait des baisses d’impôts auprès de la population. Après avoir temporairement suspendu la taxe carbone sur le mazout dans les provinces de l’Atlantique l’automne dernier, voici qu’il suspend temporairement la TPS sur une grande qualité de produits durant deux mois.
Comme on le voit, le Parti conservateur est maintenant capable d’influencer les politiques du gouvernement libéral, sans être au pouvoir.
À lire aussi : L’impopularité des taxes (Chronique)
Pendant plus de deux ans, le NPD a été le principal partenaire du gouvernement grâce à l’entente formelle signée avec les libéraux. Il pouvait ainsi imposer certaines de ses volontés.
Des projets de loi qui lui étaient chers ont ainsi été adoptés, comme l’assurance dentaire, l’aide au logement et plus récemment la loi anti-briseurs de grève et l’assurance médicaments.
En déchirant l’entente, le chef néodémocrate Jagmeet Singh a peut-être fait des gains à court terme, comme conserver la circonscription d’Elmwood–Transcona au Manitoba lors de l’élection partielle de septembre dernier.
Mais la hausse de popularité tant espérée avec la fin de cette entente ne s’est jamais concrétisée. Le principal problème, c’est que Jagmeet Singh n’a jamais expliqué pourquoi son parti serait plus efficace s’il mettait fin à l’entente. D’autant plus qu’il refuse de renverser le gouvernement.
À lire aussi : Les défis des néodémocrates en 2024 (Chronique)
Le Bloc québécois pourra dire que la patience a finalement porté ses fruits. Après avoir dû ronger son frein pendant plusieurs années, voilà qu’il peut maintenant marchander son appui auprès des autres partis. D’ailleurs, la rapidité avec laquelle il a présenté ses exigences au gouvernement illustrait bien qu’il a gagné en importance.
Par contre, cette influence est encore très théorique. Les libéraux refusent de collaborer avec ce parti indépendantiste, qui est leur grand adversaire au Québec.
Ils ne sont pas seuls. Les conservateurs, eux aussi, n’ont montré aucune ouverture à travailler avec les bloquistes pour défaire le gouvernement. Encore une fois, l’explication se trouve dans les intentions de vote au Québec.
Contrairement à ce qui se passe dans le reste du Canada, les conservateurs ne dominent pas au Québec. C’est le Bloc qui est et demeure bon premier dans les intentions de vote. La personnalité de Pierre Poilievre serait la principale raison des déboires conservateurs dans cette province. On n’aime pas son ton trop agressif, voire abrasif.
À lire aussi : Feuilleton de la Colline : le Bloc québécois prêt à faire tomber le gouvernement
Le chef conservateur sera-t-il capable de changer de style au cours des prochains mois? La question se pose après qu’il a vécu l’une de ses pires semaines depuis qu’il est à la tête du Parti conservateur.
Beaucoup d’observateurs lui ont reproché de ne pas avoir eu à cœur les intérêts du pays depuis l’annonce fracassante du président désigné Donald Trump d’imposer des tarifs douaniers au Canada comme mesure de représailles face à l’immigration illégale.
Au lieu de se serrer les coudes avec le reste de la classe politique et aussi avec les milieux d’affaires, Pierre Poilievre a continué à attaquer les libéraux, soulignant la faiblesse du gouvernement Trudeau. Était-il nécessaire de donner des munitions supplémentaires au futur président américain?
Le rôle du chef de l’opposition officielle est double. D’une part, il a la responsabilité de surveiller le gouvernement et de lui demander de rendre compte de sa gestion. D’autre part, il doit se présenter comme une solution de rechange au gouvernement actuellement au pouvoir.
Au cours de la dernière année, Pierre Poilievre s’est très bien acquitté de son premier rôle, mais pas du deuxième. L’année 2025 sera celle où il devra montrer qu’il a l’étoffe d’un chef d’État. Qu’il a à cœur les intérêts de chaque personne au Canada, qu’elle ait voté pour lui ou non.
Geneviève Tellier est professeure à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa. Ses recherches portent sur les politiques budgétaires des gouvernements canadiens. Elle commente régulièrement l’actualité politique et les enjeux liés à la francophonie dans les médias de tout le pays.
Le jeune réseau social Bluesky est passé d’environ 10 millions d’utilisateurs et utilisatrices en septembre à plus de 20 millions à la fin de novembre. Threads, créé par Meta, en aurait gagné plus de 35 millions en novembre.
Au même moment, mais dans une moindre mesure, un nombre record de personnes ont tiré une croix sur X.
Dans les trois cas, les plus grands bonds ont été observés après la réélection de Donald Trump à la présidence des États-Unis. Depuis, le nombre de personnes abonnées à Bluesky aux États-Unis a augmenté de 519 %, par exemple.
Un premier grand mouvement a eu lieu lorsque Elon Musk a acheté Twitter. Promettant d’en faire un haut lieu de la liberté d’expression, l’homme d’affaires a éliminé toute forme de modération sur la plateforme et, ironiquement, suspendu les comptes des personnes qui avaient des opinions différentes des siennes ou qui se moquaient de lui.
À lire : Les minorités canadiennes et l’élection de Donald Trump
Twitter n’a jamais été un réseau social représentant uniquement les valeurs progressistes, mais l’arrivée du milliardaire à sa tête a décomplexé davantage les trolls et les réactionnaires racistes, misogynes et homophobes, qui se sont mis, en plus grand nombre, à répondre violemment à tout propos ou point de vue contraire à leur vision du monde.
Le journal The Guardian a cessé de publier sur X le 13 novembre, indiquant que les bénéfices d’être sur X étaient maintenant moins importants que les désavantages.
Ce climat oppressant a incité de nombreuses personnes à faire la transition vers Bluesky. Certaines ont peut-être été encouragées par le quotidien The Guardian, qui a annoncé le 13 novembre qu’il ne publierait plus sur X, ajoutant que «la campagne électorale américaine n’a fait que mettre en évidence ce que nous sentions depuis longtemps : X est une plateforme toxique» [trad.].
Le Guardian et d’autres médias baissent donc les bras. Ils ont décidé de quitter ce champ de bataille contre la désinformation et de continuer leur combat ailleurs.
Difficile de trop leur en vouloir. Qui aime passer ses journées à se faire injurier et dénigrer? Ne vaut-il pas mieux dépenser son énergie ailleurs et de façon plus constructive?
D’un autre côté, les propagateurs de «faits alternatifs» ont maintenant le chemin libre sur X. Moins de personnes pour remettre en question cette autre version du monde.
La division existait sur X. Désormais, elle sera entre, d’une part, X et, d’autre part, Bluesky, Threads et…
À lire : Notre cerveau primitif : pourquoi croit-on toujours avoir raison? (Éditorial)
Il est facile sur les réseaux sociaux de s’enfermer dans ce qui s’appelle une chambre d’écho, c’est-à-dire un lieu où circulent seulement des opinions semblables aux siennes et des informations qui nous rassurent.
X avait au moins le mérite de confronter ses utilisateurs et utilisatrices plus fréquemment à des opinions différentes. Elles étaient cependant trop souvent exprimées sans décorum ou empathie.
Le réseau social produira donc encore plus d’écho entre ses murs, et Bluesky le fera tout autant pour d’autres lignes de pensée. Et peut-être pour longtemps, puisque cette plateforme permet un contrôle accru sur ce qu’on veut voir; l’algorithme est (pour l’instant peut-être) moins envahissant.
Cela n’aidera en rien le fossé qui se creuse au sein de l’électorat au sud de notre frontière ni celui qui s’élargit au Canada. Impossible de se comprendre si on ne se parle pas de façon civilisée.
Les médias d’information rigoureux sont une solution, même s’ils ont contribué au problème en ignorant les questions et les inquiétudes d’une partie de la population.
Ce sera long, mais les médias traditionnels devront créer des ponts, offrir une voix à plus de points de vue dans un esprit d’ouverture. Il faut tout de même trouver des intervenants et des intervenantes qui se fondent sur des faits démontrables, qui ne tombent pas dans la conspiration ou qui ne cherchent pas à nourrir des peurs irréfléchies.
Tout est un cycle. Une période s’est terminée et la suivante s’amorce; celle où les opinions comptent plus que les faits pour une tranche élargie de la population. Lorsque nous nous rendrons compte que la nouvelle solution n’est pas plus magique que la précédente pour régler tous nos problèmes, nous voudrons essayer autre chose.
Et pour répondre à votre question, oui, Francopresse publie encore sur X, mais aussi sur Bluesky.
Je débute ce top 10 par une belle découverte un peu plus intense. Ils n’en sont qu’à un deuxième EP, mais les jeunes musiciens de la formation Messe offrent un son mature et très intéressant. Avec J’mettrai le feu, la formation de Bathurst se classe dans un univers particulier, où l’on retrouve des groupes acadiens comme Les Hôtesses d’Hilaire, la Patente ou encore Aubin pi la S.C.B.
Dans un autre spectre musical, en 9e position, on a un tête-à-tête avec un membre de Radio Radio. Gabriel Malenfant, dit GABIO, auteur-compositeur, faiseur de beat, nous présente une facette plus personnelle avec son album Vers la mer. Un rendez-vous où les rythmes sont toujours aussi entrainants. Ses rythmes endiablés se font sentir aussi dans l’élocution du verbe.
La 8e position fait place à une autre belle découverte. Girlz with Guitarz est un trio féminin de la région de Plamondon, en Alberta. Composé des sœurs Tracy et Karen et de leur tante Michèle. Ces multi-instrumentistes aux voix harmonieuses nous captivent avec un univers folk dont la richesse se trouve dans les arrangements musicaux. Les harmonies vocales sont souvent la force maitresse des chansons proposées.
D’un trio féminin à un autre, la 7e place revient aux Sœurs Marleau qui œuvrent en chansons depuis 1979. Sous le nom Diadem à leurs débuts, elles nous reviennent sous le signe de l’espérance. Osons l’espérance nous interpelle avec une douzaine de textes sur des thèmes universels. Le tout est un bouquet de souhaits universels et de musiques contemporaines.
Pour terminer ce premier bloc de cinq albums, j’ai une proposition fort intéressante. Il s’agit d’un guitariste originaire d’Edmunston au Nouveau-Brunswick, RenzRossi (René Rossignol). Il offre le fruit d’une expérience de création entre lui et l’artiste visuel Luc A. Charrette. S’inspirant des tableaux de ce dernier, RenzRossi a lancé son tout dernier EP, Tableaux, un univers jazz des plus captivants. Chaque pièce est une émotion musicale inspirée d’une œuvre d’art visuel. Le tout devient un moment de grâce.
On débute le top 5 avec un retour sur disque d’un Franco-Ontarien qui a connu bien du succès à la radio. L’auteur-compositeur-interprète de Sudbury, Dayv Poulin, met au placard son alter ego du Paysagiste et nous offre un album avec des mélodies puissantes et très accrocheuses. Tout est relatif est un album qui tombe à point grâce à ses nombreux vers d’oreille captivants.
Dans le carré d’as du top 10 de 2024, on retrouve une voix des plus familières en Acadie, que ce soit en tant que membre de la formation Baie que comme musicien pour plusieurs artistes. L’auteur-compositeur-interprète, Matt Boudreau, natif de Petit-Rocher, est inévitable. Sur l’album Yellow Mellow, il a toujours ce son pop-rock qui le démarque, ce timbre de voix qui nous enveloppe texte après texte. Il nous invite à une rencontre exceptionnelle.
Sur la 3e marche du podium, c’est un nom familier au sein de la famille des auteurs-compositeurs franco-ontariens : Brian St-Pierre. Il est une inspiration pour toute la communauté francophone de l’Ontario d’est en ouest. L’album Malgré tout se démarque du lot et nous offre de magnifiques mélodies qui accompagnent de superbes textes remplis de vérité.
En deuxième place, c’est l’un des grands de sa génération, c’est un coup de cœur à chaque album. Monette revient aux sources et nous offre un cinquième opus à saveur country-folk avec une voix solide comme du roc. Le diable dans le corps est une autre preuve de son grand talent. Monette nous séduit à nouveau avec des mélodies fortes et des textes puissants.
Mon top de 2024 est une caresse pour l’âme. Depuis une quinzaine d’années, Alexis Normand nous invite dans un univers folk aux nuances de blues et de jazz, qui nous charme note après note. Avec Empreintes, elle nous livre toute la sensibilité de son art.
L’auteure-compositrice-interprète fransaskoise nous amène au plus profond de son âme avec des mélodies puissantes, qui révèlent toute la richesse de sa plume. La douceur de sa voix mielleuse nous livre toute la puissance de chaque mot. L’artiste a su se forger un parcours musical qui démontre toute la richesse de son talent.
Eh bien voilà, 10 albums à découvrir ou à redécouvrir. Encore une fois, une preuve tangible de la beauté et du dynamisme de la francophonie musicale canadienne. Tendez l’oreille et encouragez cette belle francophonie.
La situation est critique pour un grand nombre de Canadien·nes.
L’indice des prix à la consommation a augmenté de 3,4 % en 2021, 6,8 % en 2022 et 3,9 % en 2023, tandis que le prix des aliments a augmenté de 9,8 % en 2022 et 7,8 % en 2023.
Les taux d’inflation de 2022 ont d’ailleurs accru le pourcentage de personnes vivant sous le seuil officiel de la pauvreté au Canada de 7,4 % en 2021 à 9,9 %. Or, un revenu au seuil de la pauvreté demeure encore bien en deçà du revenu viable, qui permettrait de sortir de la pauvreté, par exemple en déménageant ou en faisant des études.
L’augmentation des couts touche davantage les personnes pauvres, puisqu’une plus grande part de leurs revenus est consacrée au logement et à l’alimentation. On voit ainsi une plus grande fréquentation des banques alimentaires ainsi qu’une baisse plus générale de la consommation.
N’oublions pas que les revenus des personnes pauvres augmentent beaucoup moins que ceux des mieux nantis, qu’elles ont moins accès au crédit et qu’elles ont moins accès aux avantages sociaux qui viennent avec les emplois de la classe moyenne.
Ce sont ces mêmes personnes qui bénéficient le moins des réductions de taxes ou d’impôt, puisqu’elles dépensent moins.
Pour bien comprendre à quel point la situation est critique, il faut faire attention aux données et aux tableaux. D’abord, bien que la croissance de l’inflation diminue, cela ne signifie rien d’autre qu’une hausse des prix un peu plus lente.
Ensuite, bien que les salaires moyens aient augmenté, ce qui aurait compensé l’augmentation du cout de la vie, ils ne sont pas une mesure indicative de la vie réelle des gens. D’autant plus que cette mesure inclut les augmentations importantes des salaires des mieux nantis.
Mentionnons également que le cout des loyers continue de monter, mais que le cout le plus pertinent est celui des logements disponibles, qui augmente beaucoup plus rapidement que celui des loyers que les locataires continuent d’occuper.
À lire : Une amende de 500 millions de dollars, est-ce suffisant?
Plusieurs des expressions dont nous nous servons pour aborder le problème sont trompeuses.
L’idée de crise nous envoie dans la mauvaise direction. Celle-ci n’existe que pour certains groupes socioéconomiques, mais en la généralisant, nous donnons la possibilité aux partis politiques de chercher à améliorer le sort d’autres segments de la population que celui des personnes pauvres.
Tandis qu’il est facile d’attribuer la situation actuelle à la pandémie et ses effets sur les chaines de distribution, nous devons nous rappeler que la vie n’était pas plus facile avant la pandémie pour la plupart des gens qui sont affectés par le cout actuel de la vie.
En fait, le seul moment où la pauvreté a véritablement reculé correspond aux prestations liées à la COVID-19.
En nous éloignant des raisonnements liés à l’imaginaire de la crise, nous pourrons mieux faire face aux problèmes causés par les structures de notre économie et, au minimum, le manque de règlementation.
Pour la plus grande partie de la population, l’accès à la nourriture est contrôlé par quelques oligopoles. Les chaines d’épiceries et les fournisseurs rivalisent déjà pour maximiser leurs profits, tout en blâmant les initiatives des gouvernements ou les marchés mondiaux pour les prix à la caisse.
Il est difficile de ne pas sentir de préjudice lorsque nos dépenses augmentent et que la réduflation fait que nous arrivons à la maison avec de plus petites quantités des mêmes produits que nous achetions auparavant.
Ajoutons à cela le scandale de la fixation des prix du pain, les compressions dans les salaires du personnel des magasins d’alimentation, les négociations interminables autour d’un code de conduite des épiceries ou encore les mesures anticoncurrentielles incluses dans les contrats de location.
Mais au-delà de ces frustrations, nous devons bien comprendre que les profits des chaines d’épicerie ont doublé après la pandémie alors que la quantité de nourriture vendue a diminué.
L’accès à un logement stable et la dignité qui vient avec la possibilité de demeurer en un endroit et de décider de sa manière d’y vivre sont grandement limités par la financiarisation du logement.
Lorsque le logement devient avant tout une question de rentabilité et de profit, il devient beaucoup plus difficile au marché de répondre aux besoins des locataires, ce qui devrait pourtant être sa première raison d’être.
De manière plus générale, la hausse du PIB depuis la pandémie est surtout attribuable aux profits des entreprises; la proportion du PIB que représentent les salaires du personnel a en fait baissé légèrement en 2022.
Il est ainsi clair que les intérêts des grandes compagnies sont contraires à ceux de la population. Ce n’est pas seulement que les unes s’enrichissent pendant que davantage des autres s’appauvrissent; c’est que l’enrichissement dépend de l’appauvrissement, qu’il y a une relation directe entre les deux.
À lire : Inflation et vols à l’épicerie
Des boycottages aux mobilisations contre la vie chère, quelques initiatives sont mises en pratique pour que l’inflation soit vécue comme un problème collectif et non seulement individuel.
Des solutions existent à plus long terme, allant d’un plus grand contrôle collectif du système alimentaire à une sortie du pétrole ou encore à un revenu minimum garanti.
Des remèdes collectifs à la situation critique actuelle exigent toutefois que l’on se défasse d’abord de nombreux mythes. C’est ainsi que les prestations d’aide contre l’inflation et l’augmentation du salaire minimum pourront être plus aisément acceptées, puisqu’elles n’entrainent ni chômage ni inflation.
Surtout pour l’instant, à l’inverse des baisses d’impôts actuelles, qui mènent à un affaiblissement des infrastructures sociales, il faut plutôt développer ces dernières afin d’assurer la dignité et l’égalité de tous et toutes.
Jérôme Melançon est professeur titulaire en philosophie à l’Université de Regina. Ses recherches portent généralement sur les questions liées à la coexistence, et notamment sur les pensionnats pour enfants autochtones, le colonialisme au Canada et la réconciliation, ainsi que sur l’action et la participation politiques. Il est l’auteur et le directeur de nombreux travaux sur le philosophe Maurice Merleau-Ponty, dont La politique dans l’adversité. Merleau-Ponty aux marges de la philosophie (MétisPresses, 2018).