La Stratégie pancanadienne des femmes immigrantes francophones en milieu minoritaire : Briser les barrières pour une intégration équitable, comptant une centaine de pages, a été dévoilée à Toronto, le 30 janvier.
«Nous voulons donner aux femmes immigrantes francophones en situation minoritaire les moyens de s’intégrer, nous voulons renforcer leurs droits et leur autonomie pour qu’elles puissent s’épanouir pleinement», a affirmé la présidente de l’Alliance des femmes de la francophonie canadienne (AFFC), Nour Enayeh, lors du lancement.

Soukaina Boutiyeb de l’AFFC regrette le manque de données disponibles sur les femmes francophones immigrantes en situation minoritaire.
Elle explique que ces femmes «sont plus vulnérables», car elles cumulent plusieurs discriminations liées à leur genre, à leur statut d’immigrante, souvent racisée, et à leur langue.
«Nous voulons nous assurer que les services d’établissement soient mieux adaptés aux réalités de femmes aux multiples identités, souvent marginalisées», détaille la directrice générale de l’AFFC, Soukaina Boutiyeb, en entrevue avec Francopresse.
L’organisme a été mandaté par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) et travaille sur ce document depuis plus d’un an, en partenariat avec la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA) et le Réseau de développement économique et d’employabilité Canada (RDÉE).
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«Les femmes portent la charge mentale du projet d’immigration»
Après avoir réalisé des recherches sur la situation au Canada et sur différentes pratiques exemplaires à l’étranger, les auteurs du rapport ont mené une série de consultations publiques auprès d’organismes et de 343 immigrantes partout au pays.
Environ 72 % des répondantes qui ont participé à un sondage en ligne étaient responsables de la demande d’immigration. Qu’elles suivent leur conjoint ou fuient leur pays d’origine, qu’elles viennent de façon volontaire pour améliorer leurs conditions de vie ou suivre des études, «les femmes portent la charge mentale du projet d’immigration et des responsabilités familiales qui en découlent», relève Soukaina Boutiyeb en entrevue.
D’après les résultats de l’enquête, l’accès au logement et aux soins de santé en français restent les plus importants obstacles auxquels sont confrontées les nouvelles arrivantes. Arrive ensuite l’accès à des services d’aide à l’emploi, à de la formation professionnelle et à des garderies.
Seul point positif, la majorité des répondantes ne rencontre aucune difficulté en ce qui concerne l’inscription de leurs enfants dans une école francophone.
Les femmes évoquent également les difficultés d’accéder au marché de l’emploi à cause de leur méconnaissance de l’anglais et de la non-reconnaissance de leur acquis, ou encore les défis d’intégration dans leurs communautés d’accueil liés au racisme systémique.
Par conséquent, les risques d’isolement, de précarisation économique et de violence sont réels, rappelle Soukaina Boutiyeb.
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Sensibiliser et réseauter
Pour lever les freins à l’intégration, l’AFFC a élaboré 11 recommandations. L’organisme insiste sur l’importance d’avoir une offre de services en français plus visible et cohérente, accessible aux femmes qui préparent leur départ vers le Canada.
La stratégie recommande notamment la création de nouvelles formations prédéparts, qui offriraient des informations claires et détaillées en amont sur les conditions de vie et de travail au Canada.
La stratégie veut aussi faciliter l’accès à de l’information juridique, à des services de santé en français et à des services d’aide adaptés à la vie familiale, avec l’intervention de travailleurs sociaux. Des logements de transition à l’arrivée seraient aussi une aide précieuse.
Pour favoriser l’insertion économique et communautaire, le rapport préconise de renforcer le réseautage, le marrainage et le mentorat; de promouvoir et de financer davantage l’entrepreneuriat au féminin; de multiplier les campagnes de sensibilisation sur la diversité culturelle et l’inclusion auprès des employeurs; de simplifier la reconnaissance des diplômes obtenus à l’étranger.
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Former les acteurs de terrain
Cette stratégie «reflète notre volonté collective de faciliter l’intégration socioprofessionnelle», a souligné, lors du lancement, la présidente du RDÉE Canada, Julie Tremblay, qui a travaillé sur le volet employabilité et entrepreneuriat du document.
Nos recommandations sont concrètes et accessibles, mais ce n’est pas la seule responsabilité de l’Alliance. Nous avons besoin de la contribution de tout le monde pour avoir un impact concret.
En entrevue, elle insiste à cet égard sur le besoin d’adopter systématiquement une démarche par et pour les femmes : «La clé est de les inclure dans l’élaboration de tous les programmes et politiques, en organisant régulièrement des forums, des consultations.»
«Il faut prévoir des investissements en conséquence et plus de collaboration entre les ministères pour pallier le manque de données sur les profils des femmes francophones immigrantes», ajoute-t-elle.
Une nouvelle plateforme
Afin de vulgariser la stratégie et de mobiliser le public le plus large possible, l’AFFC a lancé le site Web immigration.affc.ca. La plateforme, «ludique et informative», selon Soukaina Boutiyeb, réunit des fiches explicatives, des capsules vidéos et des balados enrichis de témoignages de nouvelles arrivantes et de pratiques exemplaires.
À partir du 25 février, l’AFFC proposera également une série de cinq formations en ligne pour appuyer les acteurs de l’immigration francophone dans la mise en application de la stratégie.
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