Les géants du Web ripostent
Google a annoncé jeudi sa décision de bloquer les liens vers les actualités canadiennes de ses plateformes dès que la Loi sur les nouvelles en ligne, auparavant connue sous le nom de projet de loi C-18, entrerait en vigueur.
La Loi, qui a obtenu la sanction royale le 22 juin, doit entrer en vigueur dans six mois.
Cette annonce survient une semaine après l’annonce de Meta de bloquer l’accès aux nouvelles canadiennes sur Facebook et Instagram au Canada. Le géant de la technologie a annoncé mercredi mettre un terme à ses ententes de redevance conclues avec des médias canadiens. La Presse, Le Devoir, le Toronto Star, le Globe and Mail et les journaux des Coopératives nationales de l’information indépendante (CN2i), dont fait partie le quotidien Le Droit, sont touchés par cette décision.
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Le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté (IRCC), Sean Fraser, a annoncé des mises à jour en termes d’immigration afin de remédier à la pénurie de main-d’œuvre qui affecte plusieurs secteurs.
Processus d’immigration et d’étude facilités
Le ministère de l’Immigration a annoncé le lancement des premières invitations du système Entrée express pour les travailleurs dans les domaines de la science, technologie, de l’ingénierie et des mathématiques (STIM) et de la santé.
Le ministre de l’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, Sean Fraser, a annoncé sur Twitter cette semaine que 500 professionnels de la santé ont été invités à immigrer au Canada et que 1500 de plus le seront à partir du 5 juillet. La première ronde d’invitation pour les travailleurs des domaines STIM sera lancée la même semaine.
Au début du mois, le ministère avait annoncé un ensemble de six catégories au sein d’Entrée express pour faciliter l’immigration économique, dont la compétence linguistique en français.
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Les travailleurs étrangers auront désormais accès à des programmes d’études de plus de six mois. Le ministre Sean Fraser a annoncé mardi une nouvelle mesure temporaire de 3 ans levant la limite de six mois d’études qui leur était imposée.
«Nous ouvrons la porte à un nombre accru de médecins et d’infirmières formés à l’étranger, a déclaré le ministre par voie de communiqué. Nous ouvrons également la voie aux manœuvres en construction pour qu’ils deviennent des personnes de métier, renforcent nos collectivités et construisent de nouvelles habitations.»
Nous invitons plus de travailleurs de la santé au 🇨🇦!
— Sean Fraser (@SeanFraserMP) June 28, 2023
Nous avons modifié notre approche d'immigration en nous concentrant davantage sur certains secteurs confrontés à de graves pénuries de main-d'œuvre.
Le 1er secteur à bénéficier de ce nouveau processus est celui de la santé. pic.twitter.com/jADMPTRml4
Les dossiers d’ingérence suscitent de l’intérêt
Dans une lettre ouverte adressée aux chefs des quatre partis d’opposition ainsi qu’à trois ministres libéraux, le sénateur progressiste Andrew Cardozo propose une «troisième option» pour une enquête sur l’ingérence étrangère.
Cette option «inclut le meilleur des deux modèles» développés par le rapporteur spécial David Johnston, affirme le sénateur.
En plus de la création d’une «commission d’enquête publique pour examiner tous les types d’ingérence étrangère, dirigée par un juge, avec la possibilité d’avoir un panel de trois personnes». Dans sa liste de recommandations, le sénateur Cardozo suggère notamment l’examen des méthodes de lutte contre l’ingérence qu’utilisent l’Union européenne, l’Australie et Taiwan.
L’ancien rapporteur spécial sur l’ingérence étrangère, David Johnston, a remis son rapport final confidentiel au premier ministre cette semaine. Dans son rapport initial, il avait assuré qu’une enquête publique serait inutile et proposait plutôt des audiences publiques pour sensibiliser les Canadiens à l’ingérence.
La présidente du Conseil du Trésor, Mona Fortier.
Il n’y a aucune preuve d’ingérence politique de la part de la firme McKinsey. C’est ce que concluent la présidente du Conseil du Trésor, Mona Fortier, et la ministre des Services publics et de l’Approvisionnement, Helena Jaczek, que le premier ministre avait mandatées d’examiner le processus d’attribution des contrats fédéraux au cabinet-conseil McKinsey & Company.
Les deux ministres ont toutefois soulevé quelques irrégularités quant à des exigences et procédures administratives comme des documents manquants ou des erreurs dans la déclaration des marchés, confirmant ainsi des conclusions d’un rapport préliminaire publié en mars.
Destitution et demande de démission
La cheffe nationale de l’Assemblée des Premières Nations (APN) a été destituée mercredi lors d’une réunion virtuelle. La motion de non-confiance a obtenu 71 % des voix des membres de l’APN.
RoseAnne Archibald avait été suspendue en juin 2022 à la suite «d’une déclaration publique qui a enfreint ses obligations» envers l’APN. En mai dernier, une enquête externe a conclu que deux employés de l’APN avaient été victimes de harcèlement et de représailles.
La première femme élue cheffe de l’APN, de la Première Nation de Taykwa Tagamou (en Ontario), avait déjà fait l’objet d’une enquête qui n’a pas abouti pour des allégations similaires quand elle était cheffe régionale de l’Ontario.
La requête vient du Congrès des Peuples autochtones du Canada (CPA) qui déclare, dans un communiqué, avoir «perdu confiance» envers le ministre des Relations Couronne-Autochtones après des «années d’ignorance et d’exclusion de centaines de milliers de Métis et d’Inuits du sud du Labrador vivant hors des réserves et sans statut».
L’organisme déplore également l’exclusion du CPA et de voix autochtones urbaines du projet de Conseil national de réconciliation et du plan d’action canadien de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.
«Malgré leurs besoins croissants, les autochtones vivant dans les villes et les zones rurales ont du mal à trouver les mêmes soutiens que ceux qui vivent dans les réserves ou dans les établissements du Nord», déplore dans ce même communiqué Elmer St -Pierre, chef national du CPA.
Olivia Chow a remporté la course à la mairie de Toronto, lundi soir. L’ancienne députée fédérale néodémocrate de Trinity–Spadina a récolté 37 % des voix, soit cinq points de plus que sa principale adversaire, Ana Bailão, ancienne mairesse adjointe de la Ville Reine.
Le premier ministre ontarien, Doug Ford, a changé son discours après l’élection de lundi. Pendant la campagne, il avait indiqué l’élection d’Olivia Chow serait un «désastre complet», notamment pour des raisons économiques.
Mais au lendemain de sa victoire, il a évoqué qu’il trouverait «terrain d’entente» avec l’la nouvelle mairesse. Ce qu’Olivia Chow a confirmé.
Personne ne sera étonné d’apprendre que les salaires ne suivent pas le rythme de l’augmentation des prix des logements.
En tenant compte de l’inflation, les salaires ont augmenté d’environ 25 % depuis le début des années 2000 au Canada. Or, dans la plupart des régions du pays, le prix d’achat des logements, lui, a doublé ou triplé, voire quintuplé dans des villes comme Ottawa, Toronto ou Vancouver.
Il n’y a plus une province où le prix de référence d’une maison unifamiliale est de moins de 250 000 $.
Les ménages dépensaient le cinquième de leur budget pour se loger il y a 20 ans. C’est presque le tiers aujourd’hui. Jamais le marché immobilier n’a été aussi inaccessible.
De nombreux facteurs expliquent la hausse des prix de l’immobilier au pays depuis une vingtaine d’années : forte croissance de la population, déséquilibre entre l’offre et la demande de logements, faibles taux d’intérêt, hausses du prix des matériaux, etc.
Plus récemment, la vague sans précédent d’immigration que connait le pays, l’épargne accumulée pendant la pandémie et la hausse des salaires liée à la pénurie de main-d’œuvre ont été les principaux moteurs de la hausse des prix.
Et avec la montée rapide des taux d’intérêt, voilà maintenant que les promoteurs retardent les mises en chantier de logements neufs, ce qui accroit encore la pression sur les prix.
Le cout élevé des logements n’affecte pas que l’accès à la propriété.
Les locataires aussi dépensent davantage pour se loger puisque les prix des logements locatifs ont suivi la même tendance que ceux des maisons unifamiliales et des condos. La pression est forte sur les propriétaires pour augmenter les loyers.
Les jeunes et les locataires sont laissés pour compte
Conséquence de la bulle immobilière, les jeunes adultes commencent leur vie active avec un boulet financier que leurs parents ou leurs grands-parents n’ont pas connu, et ce, même si la pénurie de main-d’œuvre actuelle joue en leur faveur pour leur permettre d’accroitre leurs revenus.
À court terme, la bulle immobilière a comme première conséquence de contraindre les jeunes à dépenser une part supérieure de leurs revenus pour se loger.
L’accès à la propriété est souvent conditionnel à l’aide financière de la famille.
Au Québec, ce sont 20 % des jeunes qui reçoivent un appui financier de leurs parents pour financer l’achat d’une première propriété. En Ontario, ce sont 4 parents sur 10 qui financent l’achat du premier logement de leurs enfants. La majorité d’entre eux empruntent pour donner un coup de pouce à leur progéniture.
Les jeunes restent aussi plus longtemps chez leurs parents et ont des enfants plus tard que les générations précédentes. Il y a un lien direct entre l’abordabilité des logements et l’âge moyen du premier accouchement des femmes.
À long terme, le manque de logements abordables pour les jeunes réduit leur capacité à épargner. Cela pourrait avoir des conséquences importantes sur leurs possibilités de bien vivre à la retraite.
La part des biens immobiliers dans le patrimoine des familles est très importante et elle ne cesse de s’accroitre.
En moyenne au pays, la valeur des propriétés immobilières représente 40 % de la valeur nette des ménages. Ce pourcentage est de près de 50 % en Colombie-Britannique et en Ontario. C’est une composante cruciale de la richesse des familles canadiennes.
Mais une cassure se dessine. De moins en moins de jeunes auront accès à cette richesse.
Des inégalités plus grandes
La bulle immobilière a aussi comme conséquence d’accroitre les inégalités au sein de la population.
Il y a toujours eu des ménages plus pauvres pour qui l’accès à la propriété était plus difficile. Or, de nos jours, même un salaire de 50 000$ par an ne suffit souvent plus pour accéder à la propriété.
Il y aura donc de plus en plus de travailleurs qui habiteront dans des logements à loyer, non pas par choix, mais par obligation.
L’héritage jouera aussi un rôle prépondérant dans la capacité à accéder à la propriété.
Les babyboumeurs canadiens sont assis sur une fortune de près 3 800 milliards de dollars. Les biens immobiliers représentent plus de 1 500 milliards de dollars dans ce pactole.
Au cours des 20 à 25 prochaines années, une bonne partie de cette richesse sera transmise aux générations futures. L’écart de richesse entre les jeunes qui ont des parents ou des grands-parents possédant une propriété et ceux dont les ainés sont locataires deviendra alors plus grand.
Malgré de beaux discours, les gouvernements de tous les ordres ne saisissent pas encore l’ampleur du problème qui se dresse devant la société canadienne.
Le nombre de logements abordables financés par les gouvernements est dérisoirement inadéquat pour répondre à la crise actuelle. Le logement est encore trop souvent considéré comme un bien privé, un secteur où les gouvernements ont peu de marge de manœuvre pour intervenir.
Pourtant, c’est de l’équité intergénérationnelle et de l’égalité des chances entre les citoyens dont il s’agit. Les gouvernements feraient bien d’accorder plus d’importance à l’accessibilité au logement.
Plus on attend avant d’agir, plus la tendance sera difficile à renverser.
David Dagenais est journaliste économique indépendant et entrepreneur. Auparavant, il a été journaliste à Radio-Canada après avoir achevé des études supérieures en économie politique à l’’UQAM et à l’Université d’Ottawa.
Un enfant des Iles
Claude Cormier, l’une des voix les plus emblématiques des Îles-de-la-Madeleine, revient avec un 8e album à la hauteur de son talent. Tavernier est rempli de cette énergie et du gout du partage qui caractérisent l’artiste. Le timbre de voix du Madelinot est toujours aussi réconfortant après plus de 20 ans de carrière.
Pochette de l’album Tavernier.
Disque après disque, Claude Cormier n’a jamais cessé de charmer le public, avec des mélodies accrocheuses et une plume qui témoigne du quotidien et des retrouvailles entre amis.
Sur Tavernier, il y a toujours ces chansons bretonnes qui nous invitent à la fête telles que C’est pas demain la veille, ou encore La galère continue.
On y retrouve également quelques chansons plus profondes comme Leurs cris de détresse ou Perdu dans le temps, parmi les plus beaux textes de l’album.
L’opus se termine par deux excellents duos avec Keven Landry, originaire de Havre-Saint-Pierre au Québec : Parlons de chez nous et Y reste encore du bon monde, deux excellents textes à saveur country.
Claude Cormier réussit encore une fois à nous séduire. Avec des musiques tantôt entrainantes tantôt berçantes, il nous livre des textes puissants qui nous captivent mot après mot.
Hommage à ses origines
L’auteure-compositrice-interprète franco-manitobaine Geneviève Toupin, connue sous le nom de Willows, offre un 4e disque toute en douceur. Maison vent propose un parcours intérieur rempli de tendresse et de générosité.
Pochette de l’album Maison vent.
Geneviève Toupin signe un opus personnel qui rend hommage à ses origines métisses, à travers 14 chansons.
Une brise folk nous guide tout au long de l’album. La voix feutrée de la chanteuse s’harmonise avec des arrangements parfois tout en douceur, parfois plus rythmiques. Les textes sont empreints de résilience et de compassion.
Willows parle d’origine, de souvenir et de fierté. Elle partage ses sentiments intérieurs en français, en anglais et même en métchif (langue mixte incorporant des éléments du français et du cri).
Il y a quelques pièces qui résument bien la spiritualité de la démarche artistique.
Des chansons comme Li bwé, Mémère ou Lignées décrivent bien l’essence de la culture de Willows. Twé tchu-li Métchif, qui rappelle que la perte du matériel ne peut jamais éteindre la flamme de l’intérieur, est l’un des meilleurs textes de l’album.
Oh Marie est un autre petit bijou de courage et de résilience. Willows termine cet opus avec Who I am, un autre excellent texte sur la dualité linguistique.
Souvenir d’un homme du pays
À l’automne 2019, la voix chaleureuse de Michel Lalonde revenait en force après huit ans sans disque. Avec Comme un engin, l’ex-membre de Garolou, nous interpelle avec des mélodies folk et country captivantes.
On retrouve dans les deux premières pièces, J’suis fait comme ça et Tout ce qu’on avait, cette chaleur humaine et cette tendresse propre à Michel Lalonde.
Michel Lalonde est un auteur-compositeur franco-ontarien.
Tout ce qu’on avait est une adaptation francophone d’une chanson de John Prine. C’est l’artiste acadienne Patricia Richard qui fait les chœurs. Marilou est une autre excellente pièce country-folk où la charmante voix de Caroline Bernard vient appuyer celle de Michel Lalonde.
Cap sur l’amour est le plus beau texte de l’album sur une trame à la Gordon Lightfoot. Une belle partition de violon dresse une toile de fond nostalgique alors que le texte parle de tendresse. C’est toujours toi est une autre belle mélodie folk à la Eagles, avec une touche d’amertume.
Sur cet opus, Michel Lalonde nous offre aussi un p’tit clin d’œil à son époque Garolou avec une belle version de Joli cœur de rosier.
Je termine avec une mention spéciale pour la pièce titre très actuelle. Comme un engin est une road song puissante avec un superbe texte engagé.
Marc Lalonde, dit Lalonde des ondes, est chroniqueur musical depuis plus de 25 ans au sein de la francophonie musicale canadienne et animateur de l’émission radiophonique Can-Rock. Il se fait un malin plaisir de partager cette richesse dans 16 stations de radio à travers le pays chaque semaine.
Céline Bellot s’intéresse à la réalité des femmes en situation d’itinérance. La professeure à l’École de travail social de l’Université de Montréal et directrice de l’Observatoire des profilages (ODP) remarque que les idées reçues sur la réalité des itinérantes sont nombreuses.
«Quand on en voit une, on a l’impression vraiment que c’est la déchéance. On côtoie des femmes en situation d’itinérance partout, mais sans les voir parce qu’elles ne veulent pas se faire voir», indique-t-elle.
Statistique Canada distingue deux types d’itinérance : l’itinérance sans-abri, qui définit notamment les personnes qui fréquentent les refuges ou qui dorment à l’extérieur, et l’itinérance cachée, qui désigne les personnes qui n’ont pas de domicile fixe, mais qui habitent temporairement chez des connaissances.
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Se cacher pour se protéger
«Essayer de passer du temps chez l’un, chez l’autre, chez des amis, chez des familles éloignées, passer d’un endroit à l’autre», constitue la réalité de plusieurs femmes en situation d’itinérance cachée, confirme Sophie Rousseau, travailleuse en santé mentale en maison d’hébergement pour femmes en Colombie-Britannique.
Selon Sophie Rousseau, les refuges mixtes pour les personnes en situation d’itinérance ne répondent pas aux besoins des femmes.
«Les femmes vont tout faire pour ne pas être dans la rue, et lorsqu’elles arrivent à la rue, elles vont tout faire pour cacher leur situation d’itinérance. Elles vont essayer de ne pas paraitre dans les milieux où on a des personnes en situation d’itinérance», ajoute Céline Bellot.
Se tenir propre, invisible, ne pas transporter beaucoup de choses au risque de se faire repérer, éviter un certain nombre de lieux, notamment mixtes : tels sont les défis quotidiens auxquels beaucoup de femmes itinérantes sont confrontées, déclare la chercheuse.
Des hébergements inadéquats
Le Canada comptait 437 refuges d’urgence pouvant accueillir 15 185 personnes en 2021. En tout, 53 refuges étaient réservés aux femmes, 82 étaient réservés aux hommes et 161 accueillaient des hommes et des femmes.
«Le système leur impose de se débrouiller par elles-mêmes parce que même le système de l’intervention ne parvient pas à les accueillir faute de place», déclare Céline Bellot.
Dans la maison d’hébergement où elle travaille, Sophie Rousseau côtoie des femmes qui se retrouvent en situation d’itinérance cachée et sans-abri. Celles qui refusent de respecter les règles des maisons d’hébergement choisissent de rester à l’extérieur tout en accordant une grande priorité à leur sécurité.
Elles vont privilégier des parcs publics qui ont des petites zones nature, qui ont un certain espace entre les arbres, qui ne sont pas tendus et qui sont volontairement laissés plus ou moins dans un état simili sauvage et donc les personnes vont aller avec leur tente et camper.
Selon elle, «une femme qui se retrouve sans logement parce qu’elle fuit la violence va rarement vouloir s’approcher d’une maison d’hébergement mixte et donc elles sont doublement pénalisées, parce que les services ne sont pas à la mesure des besoins.»
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Le cercle vicieux de la violence
Céline Bellot est professeure à l’École de travail social de l’Université de Montréal et directrice de l’Observatoire des profilages (ODP).
«Une des voies du passage vers l’itinérance des femmes, c’est la question de sortir de la violence conjugale, qui les précipite finalement dans une perte de logement, la perte de chez soi. Il va y avoir des trajectoires aussi spécifiques de femmes qui vont avoir des problèmes de santé mentale qui ne sont pas pris en charge, non reconnus comme la dépression», constate Céline Bellot.
Une fois en situation d’itinérance, les femmes «vont être constamment dans l’hypervigilance, à essayer de s’assurer une sécurité tout en s’invisibilisant, poursuit-elle. Elles vont essayer constamment de travailler pour leur sécurité».
Même après avoir fui la violence dans leur propre foyer, ces femmes sont exposées à la violence de la rue.
«Après avoir passé plusieurs jours, plusieurs semaines, plusieurs mois dans la rue, elles ont toutes subi de la violence sexualisée pendant leur période dans la rue», confie Sophie Rousseau, d’après les témoignages recueillis auprès des femmes rencontrées dans la maison d’hébergement où elle travaille.
Ce que nous on observe, c’est que les femmes se mettent en couple avec quelqu’un qui est un peu craint dans la communauté de la rue. C’est l’une des façons les plus rapides d’obtenir une protection.
Écouter ces femmes
Améliorer la condition des femmes en situation d’itinérance commence par «la reconnaissance qu’elles existent pour, par la suite, trouver des solutions qui leur sont adaptées et leur sont spécifiques», déclare Céline Bellot.
Parmi celles-ci, favoriser un environnement sécuritaire dans les centres d’hébergement mixtes, indique la professeure.
À l’échelle individuelle, la meilleure façon d’aider les femmes en situation d’itinérance est «de laisser la personne exprimer ses besoins plutôt que de les assumer et imposer nos propres préjudices et préjugés sur la personne», suggère Sophie Rousseau.
«On a trop tendance à finalement les positionner en victime et donc à les prendre en charge comme si on savait tout sur ce qui était meilleur pour elle, alors qu’elles savent ce qu’il y a de mieux pour elles», conclut Céline Bellot.
Les organismes à but non lucratif (OBNL) ont également dû faire preuve de souplesse, avec des moyens souvent moindres, pour s’accommoder de cette nouvelle réalité.
L’évènement Frye Jam avec le groupe musical umLäb, lors du Festival Frye 2023
«Avec la pandémie, on a fait un virage numérique très très rapide», confie Léonore Bailhache, responsable des communications, du marketing et du développement des publics du festival littéraire Frye, qui se déroule chaque année à Moncton.
«Pour notre édition 2020, on a mis en place des évènements virtuels sur Facebook Live. Ça n’avait pas été très facile parce qu’à cette époque-là, on n’avait pas les outils ni l’expertise pour développer tout ça. Mais ça s’est quand même très bien passé», assure-t-elle.
Du rattrapage à faire
À la Fédération culturelle canadienne-française (FCCF), cette période pandémique a permis de faire la lumière sur les retards que les OBNL francophones avaient pris en matière de transition numérique.
La pandémie, couplée à l’essor des pratiques numériques, a changé notre façon de travailler. Les entreprises ont dû s’adapter pour rester compétitives, en adoptant notamment le travail à distance.
«Ce retard avait des conséquences qui pénalisaient les artistes, mais aussi pour les financements, parce que de plus en plus de programmes ont des composantes numériques», explique Marie-Renée Duguay, gestionnaire de projet de la Bande numérique de la FCCF.
Les participants à la formation Bootcamp en gestion du changement pour gestionnaires proposée en mars 2023 par la Bande numérique à l’Académie de transformation numérique de l’Université Laval.
«Les organismes culturels canadiens n’étaient pas compétitifs par rapport à ceux du Québec, qui investissait depuis 20 ans dans le virage numérique alors que les autres provinces le faisaient très peu, et encore moins en français», ajoute Marie-Renée Duguay.
C’est de ce constat qu’est née la Bande numérique.
L’objectif était clair : offrir gratuitement aux organismes francophones les outils pour les aider à se développer numériquement.
«On avait un diagnostic numérique avec plein de questions sur les outils et les stratégies des organismes participants», décrit Marie-Renée Duguay.
«Après trois ou quatre sessions d’information, on assignait [aux organismes] un conseiller numérique qui révisait [le diagnostic] avec eux et leur donnait une feuille de route, poursuit-elle. Suite à ça, on leur offrait 10 heures d’accompagnement avec un conseiller pour démarrer leur feuille de route et jusqu’à 50 heures d’accompagnement avec des experts extérieurs.»
À cela s’ajoutaient les 23 formations proposées à un rythme soutenu pendant toute l’année, ainsi que la création d’une communauté de pratique sur Facebook, où les membres peuvent «échanger, poser des questions et partager des bonnes pratiques».
Au total, 43 organismes – dont 12 de la FCCF –, répartis dans 3 cohortes différentes, ont profité de l’aide fournie par la Bande numérique.
Retours d’expérience très positifs
«On est extrêmement satisfaits d’avoir pu bénéficier de cet accompagnement-là complètement gratuitement. C’est un cadeau incroyable, soutient Léonore Bailhache. On n’est pas expert, et il y a plein de pratiques externes ou internes qui avaient besoin d’amélioration. Notre nouvelle plateforme Web est un des résultats.»
Élise Anne LaPlante et Véronique Leblanc sont codirectrices de l’Association des groupes en arts visuels francophones depuis février dernier.
«Séraphin Vandegar [un des trois conseillers de la Bande numérique] nous a incroyablement aidés à identifier quels étaient nos besoins et comment faire en sorte que [notre plateforme] soit fonctionnelle», déclare Léonore Bailhache.
Élise Anne LaPlante et Véronique Leblanc ont commencé les formations peu de temps avant de prendre la codirection de l’Association des groupes en arts visuels francophones (AGAVF) en février dernier.
Si elles n’ont pas encore lancé de grands chantiers numériques depuis leur entrée en fonction, les codirectrices estiment tout de même que la Bande numérique leur a permis de commencer du bon pied.
«On a optimisé certaines choses, comme les envois d’infolettres, la rédaction d’une politique éditoriale pour nos réseaux sociaux ou le transfert de nos archives vers l’infonuagique. Ce sont des choses très concrètes qui améliorent notre manière de communiquer», se réjouit Véronique Leblanc.
Marie-Renée Duguay, gestionnaire de la Bande numérique depuis mars 2022.
«Ce qui a permis d’aller aussi loin, c’est la partie accompagnement par des consultants, est d’avis Élise Anne LaPlante. Ça nous a été particulièrement utile, parce qu’on pouvait cibler nos besoins. Ça nous permettait de mettre en perspective ce qui était à faire.»
Elle précise même que «quand on bloquait, on pouvait reparler avec cette personne-là, dénouer l’enjeu et continuer d’avancer. C’était bien parce qu’on pouvait comprendre ce que l’on faisait et pas juste se le faire dire.»
De l’aveu de Marie-Renée Duguay, cet accompagnement a même fait plus que donner des outils numériques aux OSBL.
Beaucoup d’organismes nous ont dit que faire un diagnostic numérique, c’était comme faire une minithérapie.
«Pour bien t’en servir, il faut que tu te poses les bonnes questions. Quels outils on utilise, mais aussi pourquoi on les utilise? Ça a un impact sur le numérique, mais aussi sur tout ce qui est gestion du changement. Ça force les organismes à regarder leur processus.»
Phase 2 bonifiée
Bonne nouvelle pour les participants au programme et pour ceux qui souhaiteraient en bénéficier : la Bande numérique a obtenu 500 000 $ de financement annuel pour les deux prochaines années grâce au Fonds stratégique de Patrimoine canadien.
Léonore Bailhache, responsable des communications, du marketing et du développement des publics du Festival Frye.
Pour cette deuxième phase, quelques modifications ont été apportées au programme. «On veut que chacun des organismes membres de la FCCF puisse avoir un vrai plan numérique. Et on va leur offrir l’occasion d’accueillir chez eux un atelier ou une conférence sur le numérique», annonce Marie-Renée Duguay.
«On va étoffer le travail fait avec les organismes de la phase 1 en leur offrant 150 heures additionnelles. Les nouveaux auront le droit à 200 heures», ajoute-t-elle.
Ainsi, 15 OSBL par an pourront profiter du soutien de la Bande numérique, en plus des 12 affiliés à la FCCF. Trois nouveaux conseillers numériques seront également recrutés.
Cependant, ceci n’est pas possible quand nous remarquons que la jeunesse en générale attribue très peu d’importance à sa francophonie et à sa culture. De tels défis ne datent pas d’hier, ils préoccupent notre communauté depuis longtemps.
Le déclin du français parlé dans les écoles de langue française est un enjeu qui menace le bienêtre et la pérennité de la communauté franco-ontarienne. Ce déclin est attribuable à plusieurs choses : un manque de fierté chez les jeunes, le manque de sentiment d’appartenance, une insécurité linguistique ou même certains enjeux régionaux.
Le problème se manifeste dans les écoles partout en province. Les stéréotypes envers les francophones existent depuis des décennies, mais empirent de nos jours.
Insécurités linguistiques
On témoigne que des élèves francophones se font agacer pour leurs accents «trop français», mettant en évidence les préjugés que plusieurs jeunes portent contre la langue et la culture francophone.
Ils passent des commentaires défavorables contre la langue française, montrant à quel point ils se dissocient et manquent d’un sentiment d’appartenance à la communauté francophone.
Quand les jeunes attribuent peu d’importance à leur francophonie, ça présente un problème à plus grande échelle pour la communauté franco-ontarienne dans son entièreté. Une langue qui n’a pas de vie chez les jeunes n’a pas d’ancrage et ne sera donc pas durable.
Pour tenter de remédier à cette situation, certaines écoles limitent les apprentissages en français afin d’éviter de telles insécurités linguistiques, permettant aux jeunes de s’exprimer dans la langue de leur choix, alors qu’ils fréquentent une école francophone.
Cela fait en sorte que les écoles de langue française deviennent tranquillement des écoles bilingues, ou bien majoritairement anglophones.
Des écoles francophones en anglais
Certains enseignant·e·s, choisissent de distribuer des ressources, des devoirs ou même faire des leçons en anglais. Au lieu de traduire un texte en français et devoir l’expliquer à maintes reprises pour que l’élève comprenne, certains enseignants préfèrent passer de la matière en anglais.
Ceci cause un grand défi dans les écoles francophones, parce qu’on encourage les élèves à ne pas s’améliorer en français, à ne pas pratiquer, à ne pas comprendre l’importance d’une éducation en français.
Les élèves ne pourront jamais apprendre le français si on accommode la population d’étudiants qui sont dans les écoles françaises, mais ne comprennent pas aussi bien le français.
Il faut également normaliser les accents francophones en encourageant les élèves à parler le français malgré leurs accents. Après tout, on nous le chante depuis notre enfance, comme nous le dit le Notre Place par Paul Demers : il faut «mettre les accents là où il le faut»!
Dans plusieurs écoles, les rappels aux élèves de parler en français sont raréfiés. Ainsi, les élèves ne voient pas l’importance de parler en français, car souvent on finit par leur parler en anglais, afin de les accommoder.
Perte du français
Les élèves, malgré le fait qu’ils sont inscrits à des écoles de langue française, perdent leur français. Dans quelques écoles, on remarque que les profs parlent en anglais avec les élèves, dans les corridors et les salles de classe, manquant le vouloir de continuellement devoir rappeler aux élèves de parler en français.
Parfois, dans le cadre de certains cours, la musique, des films et vidéos sont joués en anglais. Pourtant, de simples gestes comme jouer de la musique en français lors d’évènements, de danses scolaires, dans le gymnase ou bien simplement parler à ses élèves en français en tout temps, encouragent les élèves d’accorder un sens d’appartenance à leur langue.
Si les élèves ne sont jamais exposés aux aspects culturels de leur langue, comme la musique, c’est certain qu’ils vont continuer à penser que le français n’est pas «cool». Il faut pouvoir montrer aux élèves que le français c’est plus que juste une langue parlée à l’école, mais qu’au fait, c’est une culture, une langue essentielle en Ontario.
Le manque d’utilisation de français n’a pas simplement lieu dans les salles de classes, mais aussi à l’extérieur de l’école. L’apprentissage débute à la maison. Si les élèves n’ont jamais été exposés à des apprentissages et des aspects culturels à la maison, ils auront de la misère d’avoir un sentiment d’appartenance lorsque le français n’est que parlé à l’école.
Consommer de la culture en français
Afin d’assurer que la future génération de Franco-Ontariens puisse aller à l’école française et se faire enseigner en français, il est important que les jeunes d’aujourd’hui trouvent et transmettent leur fierté francophone aux autres qui les entourent.
Même si la situation pourrait sembler désespérante, il y a des solutions. Pour mieux comprendre son histoire en tant que Franco-Ontarien, ça prend l’enseignement de l’historique de sa communauté. Cet enseignement devrait se faire dans les salles de classe, afin d’entrainer un sentiment d’appartenance chez les élèves.
Parlons de ressources culturelles ; il faut favoriser la consommation de la culture française dans les écoles. Le terme «culture» englobe la musique, les vidéos, les affiches, les médias, etc.
Dans ce même but, il faudrait offrir plus d’expériences d’apprentissage enrichissantes en français, comme des camps de leadeurship ou des activités dans les écoles. C’est pour cela qu’il est si important de reconnaitre l’importance de l’animation culturelle dans les écoles, qui permet la mise en œuvre de telles activités.
«Arrêter d’avoir peur»
D’ailleurs, il faut reprendre le contrôle des écoles françaises et arrêter d’avoir peur d’encourager l’utilisation du français. Il ne faut pas accommoder les anglophones au détriment des élèves francophones. Il faudrait faire des suivis dans les écoles afin d’assurer que l’enseignement et les devoirs soient toujours livrés en français.
Pour préserver notre identité franco-ontarienne, son existence doit se faire semer dans les écoles. Mais comment faire? Il faut encourager l’utilisation du français, commençant à la maison dès un jeune âge et continuant même au-delà du secondaire.
Il faut montrer l’importance du français ; démontrer que notre langue est belle et unique.
Il faut renforcer la notion que notre langue nous ouvre des portes et qu’il est important de l’implémenter dans son quotidien.
Il faut montrer que ça fait partie de son identité comme individu. Tout ça pour faire en sorte que les écoles francophones de la province redeviennent des pierres angulaires de la francophonie, afin qu’elles habilitent la construction identitaire, fassent naitre le sentiment d’appartenance et avivent la fierté.
L’état du français dans les écoles de langue française en Ontario est redoutable et franchement critique. Il est impératif qu’on amorce une réforme dans nos écoles, pour assurer la pérennité de la langue française.
Si on laisse la situation tranquille et qu’on ne fait rien, on va perdre toute une génération de francophones. Il faut alors encourager les jeunes, assurer que la fierté francophone soit transmise, qu’un sentiment d’appartenance à la communauté soit attribué et que même en contexte minoritaire, les francophones soient représentés et entendus.
Faut-il s’en étonner? Pas vraiment. C’est une tactique que l’entreprise de Mark Zuckerberg avait déjà empruntée en Australie en 2022, mais qui, au final, s’était soldée par la négociation d’une entente avec l’État.
Bref, il y a fort à parier, sans mettre une date sur la résolution de ce conflit, que le Canada et l’entreprise américaine réussiront sans doute à s’entendre, et ce, plus tôt que tard, afin que les Canadiens continuent de consulter leurs nouvelles sur Facebook.
Cela dit, il ne faut pas croire que tous les médias récolteront une partie du pactole dans cette entente négociée avec Meta, et bien sûr ensuite avec Google.
Soyons lucides. Ce sont essentiellement les gros médias canadiens comme The Globe and Mail, La Presse, ou même le diffuseur public CBC/Radio-Canada qui arracheront une partie de l’enveloppe négociée.
Les plus petits joueurs, eux, déjà étranglés par les géants de l’internet qui vampirisent l’assiette publicitaire à hauteur d’environ 80 % depuis des années, devront pour leur part se contenter de… Euh! Probablement rien.
Il faut en effet être lucide. Que recevraient de toute façon comme rétribution trimestrielle, votre journal local ou encore votre radio communautaire, pour le partage d’une poignée de leurs articles dans Facebook ou affichés dans Google Actualités? À peine quelques dollars, sans doute.
Consultez le site de l’ARC du Canada
Un problème en partie alimenté par nos gouvernements
Je ne voudrais pas avoir l’air de lancer de roches à quiconque.
Mais, force est d’admettre que le problème des médias qui crèvent de faim en raison de la chute de leurs revenus publicitaires depuis des années est en partie alimenté par les gouvernements, et tout particulièrement le fédéral.
En partie du moins. Vous ne me croyez pas?
Pour vous en convaincre, sachez qu’en l’espace d’à peine 5 ans, les dépenses publicitaires du gouvernement du Canada dans les médias sociaux sont passées de 7,7 M$ en 2017-2018 à plus de 21 millions de dollars durant l’exercice 2021-2022. C’est pratiquement trois fois plus.
Et ça, c’est sans compter sur les dépenses faites dans les engins de recherche tels que Google et Bing de Microsoft.
Dans le Rapport annuel 2021-2022 sur les activités de publicité du gouvernement du Canada, on apprenait entre autres choses à la page 12 que le gouvernement du Canada avait dépensé par moins de 11,4 M$ de vos taxes et impôts en 2021-2022 pour des publicités dans les plateformes numériques appartenant à Meta, soit Facebook et Instagram.
C’est plus de la moitié (54 %) de toutes les dépenses publicitaires dans les médias sociaux cette année-là. Juste dans ces deux plateformes qui pénaliseront bientôt vos journaux, vos télés et vos radios.
Ça veut dire qu’en même temps que le gouvernement échafaudait son projet de loi pour contraindre Meta à rétribuer les éditeurs de contenus journalistiques, il continuait d’engraisser Facebook et Instagram pour plus de 11 millions de dollars. Je veux dire, vos dollars.
Ironiquement, pendant l’année 2021-2022, le gouvernement a mis 11,6 M$ en publicité… dans l’ensemble des stations radiophoniques canadiennes.
Songez-y deux secondes.
Le gouvernement a donné 11,4 M$ à une entreprise étrangère (Meta), qui est reconnue comme l’une des plus sournoises en matière d’évasion fiscale, au point où des enquêtes sont ouvertes sur ses malversations à plein d’endroits dans le monde.
Et, pendant ce temps-là, les plus ou moins 1 200 stations de radio titulaires d’une licence du CRTC en 2021-2022, qu’elles soient commerciales ou communautaires, se sont séparées ensemble un montant identique d’à peu près 11 millions.
Une année exceptionnelle, soit dit en passant. Dans la mesure où l’État a investi beaucoup d’argent pour diffuser de l’information sur la COVID-19. De là cette somme rondelette.
À preuve, les dépenses dans les radios en 2017-2018 et en 2018-2019 ne s’étaient élevées respectivement qu’à 391 916 $ (2017-2018) et 799 671 $ (2018-2019).
Ces mêmes années-là, Facebook/Instagram avait reçu 5,6 M$ en 2017-2018 et 5,4 M$ l’année suivante.
Comprenez-vous l’iniquité entre, d’un côté, engraisser une entreprise voyou à coups de millions à chaque année, et, de l’autre côté, appauvrir nos médias d’information?
Si demain matin le gouvernement fédéral (et vos gouvernements provinciaux aussi d’ailleurs) décidait de couper les vivres à Facebook et Instagram en réaction aux menaces de l’entreprise d’interdire l’accès aux nouvelles canadiennes à ses usagers du Canada, sans doute pourrions-nous voir l’ombre d’une solution pour les médias qui se font vampiriser par les géants du web.
Je me demande ce que le gouvernement attend pour envoyer la commande à son agence de placement publicitaire d’interrompre tout achat de publicités dans Instagram et Facebook.
Vous croyez qu’ils le feront? Le temps nous le dira. Ou pas.
Professionnel du domaine des médias électroniques avec plus de 30 ans d’expérience, Simon Forgues est à l’emploi de l’Alliance des radios communautaires du Canada depuis 2007. Diplômé en animation radio et télévision au Collège Radio Télévision de Québec, il possède aussi une attestation d’études en création de podcast du Collège Bart. Impliqué dans de nombreux projets liés à la radiodiffusion, et ce, de l’idéation de contenu jusqu’à la production, il a œuvré dans différentes radios du Québec et de l’Ontario, où il a cumulé également des tâches liées à la coordination musicale et à la programmation.
Ce n’est un secret pour personne : les interprètes de la Colline souffrent de problèmes auditifs à cause de la mauvaise qualité du matériel qui leur a été fourni depuis que le Parlement est passé en mode hybride, au début de la pandémie. Mais aussi à cause d’un «manque de volonté politique» affirme Nicole Gagnon, porte-parole de l’Association internationale des interprètes de conférence (AIIC).
Certains interprètes souffrent de problèmes auditifs temporaires comme la fatigue ou la présence d’un son aigu dans l’oreille. D’autres sont confrontés à des problèmes plus sérieux comme de violents maux de tête, des acouphènes ou des hyperacousies.
Or, selon Nicole Gagnon, le Bureau de la traduction et l’Administration de la Chambre assurent «que tout est beau, que les blessures diminuent et que le système est en amélioration continue».
Le Bureau de régie interne (BRI) fait partie de l’Administration de la Chambre des Communes et gère, entre autres, les équipements et les ressources humaines et financières du Parlement.
Une élimination des incidents «illusoire»
À la dernière réunion du Bureau de régie interne (BRI), le 15 juin, le PDG du Bureau de la traduction, Dominic Laporte, a assuré que des incidents continuent de se produire à cause de la mauvaise manipulation des équipements par les témoins en comité parlementaire.
Le PDG a toutefois affirmé qu’il y avait «moins de blessures qu’auparavant» et qu’il était «impossible d’évaluer les risques» : «Il est illusoire de penser que nous pourrons éliminer les incidents liés au son pour les interprètes.»
Selon lui, le Bureau de la traduction étudiera les recommandations des tests de son effectués au printemps dernier.
Près de 140 interprètes travaillent en langues officielles au Parlement. Environ la moitié d’entre eux sont pigistes, l’autre moitié sont des employés permanents.
Dans un courriel adressé à Francopresse, Services publics et Approvisionnement Canada rapporte avoir enregistré une baisse du nombre d’incidents entre 2020 et 2021.
Signalements à Services publics et Approvisionnements Canada à la suite de problèmes de son impliquant une blessure invalidante ou mineure
«Des tests préalables, menés en 2022 par le Conseil national de recherches du Canada (CNRC), ont confirmé que le système audiovisuel en personne à la Chambre des communes est conforme à la norme ISO sur l’interprétation simultanée», a défendu le ministère par courriel à Francopresse, début juin.
Mais le son de la plateforme Zoom continuerait à être coupé «à des fréquences beaucoup plus élevées», selon les résultats de tests réalisés le 21 avril dernier, dont Francopresse a obtenu copie.
Le ministère a ajouté que le Bureau de la traduction a pris de nombreuses mesures pour protéger les interprètes : «Le Bureau a récemment engagé un nouveau directeur des Affaires parlementaires et du Bien-être des interprètes, qui a entre autres le mandat d’assurer la liaison avec les administrations du Sénat et de la Chambre des communes, pour veiller à ce que les protocoles et les procédures en place assurent la santé et la sécurité des interprètes.»
Tenus au secret
Dans la majorité des incidents, mineures ou non, les interprètes sont tenus au secret.
L’Association canadienne des employés professionnels (ACEP), qui les représente, est le seul moyen pour eux de se faire entendre. Mais dans de rares cas, certains brisent le silence, comme Elisabeth Seymour.
Pour cette interprète indépendante au Parlement, le son reste toxique.
Le Parlement n’a pas encore adopté les mesures nécessaires pour un son respectant les normes ISO. Notre son est compressé.
À l’automne dernier, Elisabeth Seymour a subi un retour de son toxique, lors d’un comité sénatorial. Sa supérieure a repris le micro, et c’est une sénatrice qui lui a apporté de l’eau et l’a fait sortir de la salle pour l’emmener aux toilettes, où elle s’est effondrée au sol.
«Je tremblais violemment, je ne pouvais même pas porter une bouteille d’eau à mes lèvres, j’avais un violent mal de tête», raconte-t-elle.
Elisabeth Seymour soutient que, normalement, dans un cas comme celui-ci, la séance aurait dû être arrêtée. Elle affirme que le rapport d’incident n’a pas reconnu de faute. «Le rapport est très incomplet et dilué, il n’y a pas tous les faits», fait-elle valoir.
«Le Bureau de la traduction ne veut pas reconnaitre de responsabilité. Parce qu’à mon avis, il devra en reconnaitre pour beaucoup», glisse-t-elle encore.
Effets sur les travaux parlementaires
Ouverture d’un précédent
En 2023 que la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail (WSIB) de l’Ontario a reconnu un accident de travail pour une interprète.
André Picotte est le vice-président de l’Association canadienne des employés professionnels (ACEP), syndicat des interprètes qui avait déposé plainte à l’encontre du Bureau de la traduction en février 2022, après plusieurs blessures.
«Ç’a ouvert un précédent», croit André Picotte, vice-président de l’ACEP. Le syndicat avait lui-même déposé une plainte à l’encontre du Bureau de la traduction en février 2022, après plusieurs blessures auditives et signalements de la part des interprètes.
À la suite de cette plainte, le Programme du travail du ministère d’Emploi et Développement social Canada (ESDC) a conclu que le Bureau de la traduction était en violation avec le Code du travail, par rapport à la santé et la sécurité de ses employés.
Le Programme a émis deux ordonnances pour améliorer les normes ISO du son et mener des tests pour «s’assurer que le système est sécuritaire pour le système auditif de ses employés», affirme Services publics et Approvisionnement Canada.
Pression de parlementaires
Si André Picotte concède qu’il y a eu certaines améliorations à la suite des réajustements du Bureau, il arrive selon lui que «des parlementaires ne respectent pas les directives».
Certains députés demanderaient ainsi de continuer les réunions malgré les plaintes des interprètes, afin de ne pas perdre de séance de travail en cours et faire revenir les témoins.
La décision de continuer une séance revient normalement au président du comité. Mais souvent, celui-ci insiste pour continuer, confirment l’ACEP et Elisabeth Seymour.
«On se force quelquefois à continuer et il arrive des choses comme il m’est arrivé, commente de son côté Elisabeth Seymour. C’était vraiment sous pression, on avait dit plusieurs fois au président [du comité, NDLR] que le son n’était pas bon.»
Ce dernier aurait répondu qu’il fallait demander aux témoins de parler lentement. «C’est ridicule, réagit l’interprète. [En parlant lentement], peut-être que les gens dans la salle peuvent comprendre un peu, oui, mais ça n’empêche pas que le son est dégueulasse et que ça nous blesse les oreilles!»
Flou sur la suffisance des ressources cet automne
L’une des solutions proposées pour préserver la santé des interprètes serait que le Parlement revienne entièrement en personne.
Courtoisie Chambre des Communes : Claude DeBellefeuille, députée du Bloc québécois, membre du Bureau de régie interne, assure que le «manque de volonté politique» est latent pour régler la situation.
Mais les espoirs ont été douchés par une motion adoptée le 15 juin par les députés pour que le Parlement hybride devienne permanent. Pour Claude DeBellefeuille, whip du Bloc québécois, «le leadeurship politique est en jeu» car les «whips devront discipliner [les] députés à être présents».
«Si la capacité du Bureau n’augmente pas pour septembre, on accepte ensemble que c’est correct que des activités parlementaires n’aient pas lieu, parce qu’il y a une incapacité de votre bureau à recruter, former et accréditer le nombre d’interprètes dont on a besoin pour faire notre travail», a critiqué Claude DeBelleufeuille, à la réunion du BRI de juin.
Le Bureau de la traduction a l’intention d’augmenter les heures d’interprétation de 4 à 6 heures par jour, dans un contexte de pénurie d’interprètes. Selon Elisabeth Seymour, la décision d’augmenter les heures d’interprétation aurait été prise sans les informer.
Déjà en avril, un sondage de l’AIIC intitulé «Augmenter les heures de travail en mode hybride ne mettra pas fin à la pénurie des interprètes, tout le contraire» pointait que huit répondants sur dix (81 %) affirmaient qu’il est «peu probable qu’ils augmentent leurs disponibilités pour le travail sur la Colline».
«Malgré [les progrès] dont vous nous parlez, M. Aubé, ça reste un fait : les interprètes se blessent, a conclu Claude DeBellefeuille. Donc il y en a moins pour desservir les parlementaires et votre volume n’est pas suffisant. On va arriver en septembre et on va frapper un mur […] car les interprètes veulent se préserver.»
La ministre des Langues officielles Ginette Petitpas Taylor a célébré mardi une «journée historique», peu après que la gouverneure générale ait accordé la sanction royale au projet de loi C-13.
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Entourée des députés francophones en situation minoritaire, auteurs d’amendements de poids en comité, la ministre a également souligné des «gains très importants pour la communauté anglophone du Québec».
La ministre des Langues officielles Ginette Petitpas Taylor entourée de députés francophones après l’obtention de la sanction royale.
Sur les langues autochtones, la ministre a reconnu «avoir encore beaucoup de travail à faire», en expliquant que son bureau pouvait offrir des noms «d’experts dans le domaine des langues officielles» pour aider le Commissaire aux langues autochtones dans son travail.
Pressée par des journalistes sur la question mardi, la députée libérale fraichement élue dans la circonscription anglophone de Notre-Dame-de-Grâce—Westmount à Montréal, Anna Gainey, n’a jamais répondu.
Un silence remarqué, au lendemain de l’officialisation de la Loi sur les langues officielles.
Anna Gainey, la députée nouvellement élue de la circonscription de Notre-Dâme-de-Grâce–Westmount, a évité les questions des journalistes sur le déclin du français.
Le prédécesseur d’Anna Gainey, l’ex-ministre Marc Garneau, avait démissionné en mars, après plusieurs sorties contre le projet de loi C-13. La nouvelle loi comprend des mentions à la Charte de la langue française du Québec, pomme de discorde entre anglophones et francophones au Québec.
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«J’ai des collègues ici aussi qui aimeraient parler. Je ne suis pas la seule», a-t-elle répondu aux journalistes en riant. Ses collègues nouvellement élus, Ben Carr au Manitoba et David Hilderley en Ontario se sont contentés de sourire avant de quitter la mêlée de presse aux côtés d’Anna Gainey.
Le 15 juin, le ministre d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) Sean Fraser a annoncé une expansion de deux ans du programme Mobilité francophone.
Le programme vise à faciliter l’embauche de travailleurs francophones, notamment en exemptant les employeurs de payer l’Étude d’impact sur le marché du travail (EIMT) d’environ 1000 $.
Deux conditions sont posées : une maitrise au minimum «modérée» du français et la détention de certification d’un métier des catégories 4 et 5 de la Classification nationale des professions.
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Fin des travaux, élections partielles fédérales et nouvelles en ligne
Le ministre de Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez, a fait passer cette année deux lois importantes : une sur les nouvelles en ligne et l’autre relative à la radiodiffusion.
Le projet de loi C-18 qui contraint les géants du Web à rétribuer les médias en ligne a obtenu l’aval du Sénat jeudi, avec 56 voix en faveur, 22 contre et une abstention de la sénatrice québécoise Julie Miville-Dechêne.
Dans la foulée de son adoption, l’entreprise Meta a annoncé le retrait de l’accès aux nouvelles des médias canadiens sur Instagram et Facebook au Canada.
La veille, les députés avaient renvoyé le texte au Sénat après avoir adopté une motion d’acceptation d’une série d’amendements provenant du Sénat, sauf celui de la sénatrice québécoise Julie Miville-Dechêne.
Celle-ci demandait que les avantages tirés par les médias, lorsque leur contenu est partagé en ligne, entrent en compte lors des négociations avec les géants du Web, comme c’est le cas en Australie.
La nuit de mercredi à jeudi a sonné la fin des travaux de la Colline.
Les députés de tous les partis ont adopté une motion pour terminer les travaux avant la date prévue, soit le 23 juin. Ces derniers y auraient consenti après un accord en coulisses portant sur la tenue d’une enquête publique sur l’ingérence chinoise.
Sans dévoiler de détails, le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet a parlé mercredi dans son bilan de «la mise en place d’une commission d’enquête indépendante et publique, d’ici quelques jours […] dont tous les partis politiques seraient appelés à cautionner la présidence».
Le chef du Parti conservateur du Canada Pierre Poilievre a de son côté envoyé une lettre au ministre des Affaires intergouvernementales, Bill Blair, pour réitérer sa demande.
Le rapporteur spécial indépendant sur l’ingérence chinoise, David Johnston, avait démissionné le 9 juin, après avoir essuyé des critiques sur son rapport, dans lequel il ne préconisait pas d’enquête publique.
Mardi, les Chefs de l’Ontario étaient présents sur la Colline pour contester le projet de loi C-53 introduit dès le lendemain par le gouvernement. Ce dernier y reconnait «certains gouvernements métis en Alberta, en Ontario et en Saskatchewan».
Mais selon certains Chefs de l’Ontario, ce projet de loi pourrait menacer leurs terres et leurs droits.
Selon la Nation métisse de l’Ontario, dans un communiqué [lien en anglais], la loi «ne traite pas des terres, des récoltes ou de tout autre droit lié à la terre. Elle n’a aucune incidence sur les droits des Premières Nations».
Les quatre élections partielles du 19 juin n’apportent aucun changement de couleur politique à la carte électorale.
Le chef du Parti populaire, Maxime Bernier, a subi une défaite cuisante dans la circonscription de Portage-Lisgar au Manitoba. Le conservateur Branden Leslie a obtenu près de 70 % des voix, tandis que son adversaire n’en recueillait que 17,4 %.
La circonscription d’Oxford en Ontario a été récupérée par le conservateur Arpan Khanna.
Le libéral Ben Carr, fils de l’ancien ministre Jim Carr décédé en fin d’année dernière, a été élu sans surprise dans la circonscription Winnipeg–Centre-Sud.
Sous la bannière rouge toujours, Anna Gainey a remporté la circonscription de Notre-Dame-de-Grâce–Westmount, à Montréal, succédant ainsi à l’ancien ministre des Affaires étrangères Marc Garneau. Ce dernier avait démissionné en mars dernier.
Une élection partielle aura lieu dans la circonscription vacante de Calgary-Heritage le 24 juillet.
Christine Dunbar, 26 ans
Christine Dunbar habite à Yellowknife dans les Territoires du Nord-Ouest (T.N.-O.) Elle est autochtone du côté de sa mère, ukrainienne et écossaise du côté de son père. Sa mère, Inuvialuit, est née à Inuvik, une ville à l’extrême nord des T.N.-O., proche de l’océan Arctique.
Christine travaille pour le ministère de l’Environnement et du Changement climatique des T.N.-O. Elle est également la coordonnatrice locale du Global Youth Biodiversity Network (GYBN), un réseau d’organisations de jeunesse en faveur de la biodiversité. En décembre dernier, elle a participé à la 15e conférence mondiale sur la biodiversité (COP15), organisée à Montréal.
«Les communautés autochtones connaissent la terre mieux que quiconque»
«Je n’ai pas grandi sur la terre de mes ancêtres, j’ai toujours vécu à Yellowknife. Mais je suis en contact avec la culture autochtone depuis mon enfance. L’école nous emmenait souvent dans des camps en pleine nature où l’on apprenait à tanner des peaux d’orignaux, où l’on écoutait les anciens parler de leurs expériences et de leurs connaissances de la vie sur terre. Les communautés autochtones connaissent la terre mieux que quiconque.
Christine Dunbar a obtenu un diplôme en gestion des ressources naturelles, avant de travailler au ministère de l’Environnement et du Changement climatique des Territoires du Nord-Ouest.
Il y a deux ans, lorsque je suis allée pour la première fois à Inuvik d’où vient ma mère, j’ai ressenti un profond sentiment d’appartenance. J’ai pu visiter une cabane que ma famille possède depuis près de 100 ans. J’ai pu passer du temps avec certains membres de ma famille qui vivent encore là-bas. Ils m’ont fait visiter le delta du fleuve Mackenzie.
Mes grands-parents maternels étaient des gens très traditionnels. Ils vivaient dans la nature, partaient chasser et pêcher avec leurs enfants, confectionnaient des vêtements traditionnels. Mais ma mère n’était pas intéressée par ce mode de vie et elle a quitté Inuvik très tôt pour s’installer à Vancouver.
Maintenant, mes grands-parents sont décédés et je n’ai plus personne pour me montrer ces traditions, m’apprendre la langue. C’est difficile d’essayer de reconstituer son identité quand on n’a personne à ses côtés. Je suis un peu livrée à moi-même pour découvrir mon côté autochtone.
«La terre autour de moi change tellement vite»
Je suis aussi très préoccupée par l’avenir des peuples autochtones. Le changement climatique les frappe de plein fouet, nous frappe tous de plein fouet. J’y pense tout le temps, c’est triste et effrayant. La terre autour de moi change tellement vite.
Christine Dunbar a participé à la 15e conférence mondiale sur la biodiversité (COP15), organisée à Montréal en décembre 2022.
Dans le Nord, nous subissons des changements climatiques de façon quatre fois plus importante que dans le reste du Canada. Je le constate chaque jour, dans ma vie privée, dans mon travail. La neige fond beaucoup plus vite. Le printemps est toujours plus chaud, surtout la nuit. Le pergélisol est en train de fondre, ce qui provoque de l’érosion et libère des gaz néfastes dans l’atmosphère. Ces dernières années ont également été désastreuses en matière d’incendies et d’inondations.
La biodiversité s’effondre. Les caribous sont particulièrement menacés. Leur population a chuté de 90 % depuis les années 1990.
Cet automne, je vais commencer une maitrise de deux ans pour étudier comment les changements climatiques affectent leur aire de répartition. Dans le même temps, de nouvelles espèces font leur apparition, elles sont chassées par la montée des températures plus au sud.
En tant qu’Autochtone, ça me fait mal. Je repense à mes grands-parents qui vivaient de la chasse et de la pêche. Je sais à quel point l’environnement est important, à quel point les peuples autochtones dépendent de la terre pour se nourrir.
«J’ai l’impression que la majorité des Canadiens oublie notre territoire»
Nous avons tellement à apprendre d’eux, ils en savent tellement sur la terre. Ils doivent nous servir de guide pour protéger la biodiversité. C’est important de les écouter, car ils ont été réduits au silence pendant trop longtemps.
Christine Dunbar s’est rendue à Inuvik, une ville tout au nord des Territoires du Nord-Ouest, proche de l’océan Arctique, où est née sa mère Inuvialuit.
Dans mon travail, j’ai la chance de collaborer étroitement avec les Premières Nations et je trouve que le gouvernement des T.N.-O. les écoute aussi de plus en plus. C’est une bonne chose. Par contre, j’ai l’impression que la majorité des Canadiens oublie notre territoire et ses enjeux.
Les plus hauts responsables politiques du pays doivent travailler davantage pour protéger le Nord contre la perte d’une grande partie de la biodiversité. On arrive à un point de non-retour, il faut agir tout de suite.
Je veux que les jeunes aient leur mot à dire dans tout ça, qu’ils fassent entendre leur voix, car ce sont les leadeurs de demain. Nous n’avons pas d’autre choix que de garder espoir.»
Gillian Staveley, 34 ans
Gillian Staveley est Kaska Dena. Depuis trois ans, elle habite avec ses enfants sur la terre de ses ancêtres, à Faro au Yukon.
Le territoire traditionnel des Kaska Dena, appelé Dena Kayēh ou pays du peuple, s’étend sur le nord de la Colombie-Britannique, le sud-est du Yukon et une petite partie des Territoires du Nord-Ouest.
Gillian travaille pour l’Institut Dena Kayeh, un organisme sans but lucratif géré par les Kaska Dena. Elle est impliquée dans des projets liés au savoir traditionnel, au patrimoine culturel et à la gestion des terres.
«Le lien avec la terre fait partie de mon ADN»
«Le lien avec la terre constitue une part essentielle de mon identité autochtone, ça fait partie de mon ADN. J’ai été élevée par des femmes très fortes qui m’ont transmis leur vision du monde. Elles m’ont enseigné le respect que l’on doit à la terre et aux autres. C’est quelque chose que j’essaie d’inculquer à mon tour à mes enfants.
Gillian Staveley est Kaska Dena. Depuis trois ans, elle habite avec ses enfants sur la terre de ses ancêtres, au Yukon.
Je n’ai pas grandi sur le territoire traditionnel de mes ancêtres, mais j’y retournais régulièrement avec mes parents quand j’étais enfant. Je me sens intimement liée aux endroits où ils ont vécu.
J’ai aussi eu la chance de passer beaucoup de temps avec des anciens qui m’ont transmis leurs savoirs sacrés. J’en suis reconnaissante, car l’un des impacts les plus dommageables de la colonisation a été la disparition de nos systèmes de connaissances. Une grande partie de mon travail consiste aujourd’hui à retrouver ce savoir.
Depuis la COP 15, il y a eu des engagements fédéraux importants en faveur de la biodiversité. Le gouvernement a notamment octroyé 800 millions de dollars pour soutenir la conservation menée par les Autochtones.
Je constate donc des changements positifs dans la manière dont le gouvernement collabore avec nous. Mais j’attends de voir la mise en œuvre concrète des projets.
Les aires protégées autochtones : «un outil de conservation puissant»
En ce moment, les Premières Nations accomplissent un travail incroyable pour protéger la biodiversité. Ce sont elles qui font avancer d’importantes initiatives de gestion des terres. Les aires protégées et de conservation autochtones sont un bon exemple.
Dans ces aires protégées, les communautés autochtones protègent les écosystèmes par le biais de leur système juridique, de leur gouvernance et de leur savoir. Chaque aire a son propre mandat et ses propres principes de gestion. C’est un outil de conservation puissant parce qu’il est fondé sur la vision des gens qui habitent les lieux.
Ces aires protégées apparaissent un peu partout au Canada. Rien qu’en Colombie-Britannique, il y a une soixantaine de propositions pour en établir.
Il existe également le programme des gardiens autochtones, lancé en 2017 par Ottawa. Les projets permettent aux Premières Nations de surveiller la santé écologique et les sites culturels de leurs communautés, ainsi que de protéger les zones et les espèces vulnérables. C’est un mouvement qui prend de l’ampleur, 150 initiatives ont été financées jusqu’à maintenant.
«Les femmes autochtones sont les cheffes de file de la conservation des terres»
Je suis moi-même gardienne depuis sept ans dans un programme du nord de la Colombie-Britannique. Au niveau national, je suis aussi membre du conseil des gardiens pour la terre, le réseau qui regroupe les gardiens autochtones de tout le pays.
Gillian Staveley est impliquée dans le programme de gardiens autochtones en Colombie-Britannique et au niveau national.
Les femmes autochtones sont les cheffes de file naturelles de la conservation des terres. Elles déploient des efforts novateurs pour garantir la sécurité de leur peuple. Elles ressentent une grande responsabilité comme si la vie matérielle et spirituelle de leurs enfants en dépendait.
C’est un rôle qu’elles assument depuis des milliers d’années. De nombreuses communautés autochtones sont des sociétés matrilinéaires, qui valorisent les femmes en tant que donneuses de vie, guérisseuses et dirigeantes.
Les changements environnementaux qui se produisent en ce moment sont anxiogènes, surtout pour la vie de mes enfants. Mais je reste optimiste, car les Premières Nations sont enfin assises à la table des discussions sur le changement climatique et la perte de biodiversité. Nous avons l’impression d’avoir repris notre avenir entre nos mains. Nous devons nous accrocher à cet espoir, rester forts et résilients.»
Les propos ont été réorganisés pour des raisons de longueur et de clarté.