Pour bien comprendre les origines de cette fête de la fin octobre, il faut regarder très loin dans le rétroviseur. Des milliers d’années en arrière.
Dans le nord de l’Irlande, chaque 1er novembre, le soleil levant éclaire l’entrée du mont des Otages, placée dans un angle précis pour accueillir la lumière de l’astre du matin.
Le mont (ou monticule) des Otages (Mound of the Hostages en anglais, Duma na nGiall, en gaélique irlandais) était une tombe en forme de dôme munie de plusieurs chambres où, selon des experts, plus de 300 personnes seraient enterrées, souvent avec des bijoux.
On estime qu’elle a été construite entre 4000 et 3000 avant J.-C., sur le site sacré de Tara, associé aux anciens rois irlandais et aux rites religieux préhistoriques. Les spécialistes ont calculé que les plus récents enterrements datent de 1500 avant J.-C.
Les Celtes, qui arrivent d’Europe continentale, s’installent en Irlande environ 1000 ans plus tard, dans les années 500 avant J.-C. Ils vont à leur tour associer le début de novembre aux morts par une de leur fête, le Samhain.
Pour les Celtes, l’arrivée de novembre marquait le début de l’hiver et de la saison sombre. C’était un temps associé aux morts. Le nom Samhain signifie pour certains «fin de l’été» et pour d’autres, «réunion, rassemblement». Plus qu’un passage annuel du temps, il s’agit d’une fête de transition entre le monde physique et le monde spirituel.
La croyance de l’époque voulait en effet qu’à ce moment de l’année, les morts puissent revenir du côté du réel, ou encore que ceux qui étaient décédés au cours de l’année, mais qui n’étaient pas encore passés du côté des ténèbres puissent faire leur passage à cet instant, non sans avoir eu des contacts avec les vivants. C’est ce qu’au Mexique ils appellent el día des los muertos.
Le point culminant du «festival» Samhain arrivait le 1er novembre, selon notre calendrier moderne. Ce jour-là, des gens se déguisaient pour éviter que leurs proches décédés les reconnaissent et les emmènent avec eux. Pas mal futés ces Celtes!
Pendant ces jours de fête, de grands feux sacrés étaient allumés sous l’autorité des druides, sur la colline de Ward, non loin du mont des Otages construit par les peuples préhistoriques en Irlande. Cela marque donc une évolution des rites. Une autre transformation s’annonce cependant.
Un succès commercial
Selon Hellosafe, les Canadiens dépenseront cette année 1,64 milliard $ pour célébrer l’Halloween, soit près de 88 $ par personne.
Près de 500 millions de friandises seront vendues au pays. L’étude ne dit cependant pas combien de caries apparaitront en novembre!
Samhain, Toussaint, la veille des saints, Halloween
La religion chrétienne se répand en Irlande autour du Ve siècle. Comme ailleurs, ceux qui veulent convertir les païens se confrontent aux croyances de ceux-ci. À l’instar de ce qu’elle a fait pour d’autres fêtes païennes, l’Église réussira à abolir le Samhain en lui substituant une de ses propres fêtes : la Toussaint.
La Toussaint était célébrée depuis le IVe siècle et honorait alors tous les martyrs. La fête avait lieu le dimanche qui suivait la Pentecôte, au printemps.
Vers l’an 610, le pape Boniface IV fixe la Toussaint au 13 mai; on célèbre alors tous les saints, connus ou pas. Puis, en 835, le pape Grégoire III la déplace au 1er novembre afin, selon certains, de précisément supplanter le Samhain.
La manœuvre sera couronnée de succès.
Au tournant du premier millénaire, une autre fête fait son apparition dans l’Église catholique, soit la fête des Morts, ou encore des âmes, qui sera célébrée le 2 novembre, c’est-à-dire le lendemain de la Toussaint. Cette fête a pour but de prier pour les âmes qui souffrent au purgatoire, afin qu’elles accèdent au paradis.
En Irlande, tous ces rituels celtiques – fête des saints, des morts, des âmes prisonnières entre l’enfer et le paradis – vont s’entremêler. Chez les catholiques croyants, la Toussaint et la fête des Morts vont l’emporter, mais certaines coutumes païennes vont survivre, comme le fait de se déguiser le 31 octobre.
En vieil anglais, «hallow» veut dire saint. La Toussaint se nommait «All Hallows’ Day», ou le jour de tous les saints. Le 31 octobre devient alors «All Hallow’s Eve» – la veille de la Toussaint –, une journée de prière et de jeûne en préparation de la grande fête du lendemain.
Le nom «All Hallows’ Eve» évoluera au fil du temps pour devenir «Halloween» et les pratiques chrétiennes seront délaissées au profit de rites païens qui ont survécu.
L’Halloween arrive en Amérique du Nord
Au XIXe siècle, les Irlandais fuient en masse la famine dans leur pays et porteront avec eux leur tradition de l’Halloween en immigrant en Amérique du Nord.
Selon l’Encyclopédie canadienne, «le premier cas connu de déguisement pour la fête d’Halloween en Amérique du Nord est observé en 1898 à Vancouver». Mais l’agence Reuters avance plutôt que l’Halloween a fait son apparition aux États-Unis en 1840. Comme quoi les «faits» historiques peuvent parfois varier énormément, selon qui les présente ou les interprète.
Et la citrouille? En Irlande, on avait coutume de sculpter des visages démoniaques sur des légumes, comme des navets, des betteraves ou même des pommes de terre. On évidait ceux-ci pour y installer une bougie et en faire une lampe.
Cette pratique trouve son origine dans une légende irlandaise. Stingy Jack était un personnage méchant qui buvait à l’excès, allant de pub en pub. Le Diable décide de venir le chercher pour l’emmener en enfer. Mais Jack réussit à le déjouer et échappe à son sort. Il est cependant condamné à errer en s’éclairant d’une lanterne faite d’un navet dans lequel brille une bougie.
En Amérique du Nord, le navet est remplacé par une citrouille et la lanterne ainsi créée sera appelée «Jack O’Lantern».
La citrouille comme telle deviendra un symbole de l’Halloween, et la tradition gagnera tellement en popularité qu’elle sera exportée en Europe. Un vrai échange culturel!