le Jeudi 13 novembre 2025

Parti de France pour m’installer au Canada il y a maintenant un an et demi, j’étais loin de me douter que l’insécurité linguistique était un aussi grand enjeu ici. Parler français au Canada relève de l’acte politique. On ne rigole pas avec les droits linguistiques et chaque transgression suscite de vives réactions.

Un évènement récent dans le monde du sport a justement éveillé les passions des défenseurs de la langue française.

Le 23 mars dernier, l’équipe masculine de soccer du Canada a battu celle de Trinité-et-Tobago en série éliminatoire de la Copa America. Un succès important, puisqu’il a permis aux Canadiens de se qualifier pour la phase finale de la prestigieuse compétition, qui se déroulera cet été aux États-Unis.

Pourtant, plus que le résultat, c’est l’entrevue d’après-match qui a fait jaser sur les réseaux sociaux.

En conférence de presse, le journaliste de RDS, Nicolas Landry, a posé une question en français à l’entraineur de l’équipe canadienne, Mauro Biello. Ce dernier a commencé à répondre dans la langue de Molière avant d’être interrompu par un officiel de la Confédération de football d’Amérique du Nord, d’Amérique centrale et des Caraïbes (CONCACAF) qui lui a demandé de parler en anglais : «In English please» («En anglais s’il vous plait»).

Excuses et problème d’identification

Immédiatement, plusieurs internautes se sont indignés. Précisons que Soccer Canada n’a rien à voir dans cette maladresse et que la CONCACAF s’est rapidement excusée.

Ce qui pourrait être une simple anecdote classée et sans suite semble pourtant révélateur d’une chose : hors de ses frontières, le Canada est difficilement identifié comme un pays officiellement bilingue.

Dans d’autres cas, s’exprimer en français en conférence de presse pose beaucoup moins de problèmes.

Prenez par exemple Victor Wembanyama, le basketteur français des Spurs de San Antonio, appelé à régner sur la NBA ces prochaines années avec ses 2,22 mètres (7,3 pieds).

Des journalistes français font le voyage jusqu’au Texas pour s’entretenir avec la fierté de France. Ils posent leurs questions en français, «Wemby» leur répond en français. Fin de l’histoire.

La différence? Wembanyama est clairement identifié comme un joueur français. Il est venu jouer avec une équipe parisienne aux États-Unis il y a deux ans.

Les débats linguistiques pénètrent donc toutes les strates de la société, jusque dans celles qui pourraient sembler plus secondaires, comme le sport. Cette polémique fait écho à un autre évènement qui a eu lieu en fin d’année dernière, au Québec.

«Gardez-le votre anglais»

Le 19 novembre dernier, juste après la victoire de l’équipe de football des Alouettes de Montréal en finale de la Coupe Grey contre les Blue Bombers de Winnipeg, le joueur québécois Marc-Antoine Dequoy, vexé du manque de considération des pronostiqueurs, s’est écrié : «Gardez-le votre anglais parce qu’on a gagné ces coupes puis on va [les] ramener à Montréal, au Québec!»

L’affaire avait fait grand bruit et avait même été reprise par la presse française, pourtant peu friande de football canadien.

En entrevue au Devoir, Marc-Antoine Dequoy avait ensuite développé sa pensée : «C’est intéressant de voir comment une injustice que je ressentais a été ressentie par plusieurs milliers de Québécois. Ce n’est pas la même injustice, mais des injustices similaires : le parler dans leur compagnie, ou dans leur sport à eux. Tout le monde s’est approprié la situation.»

Marc-Antoine Dequoy est également revenu sur l’importance du français au sein de l’équipe. En début de saison 2023, l’entraineur des Alouettes avait forcé tous ses athlètes à apprendre les mots de base du français, comme «bonjour», «merci», «en forme».

«Ça avait toute l’importance du monde. Ce n’est pas ça qui a fait le touché gagnant, mais c’est une chose qui fait que moi, je sens que je fais partie de l’équipe», a déclaré Dequoy.

Que les joueurs étrangers qui font partie d’un club dans une ville francophone fassent l’effort de dire quelques mots en français n’est pas seulement important pour la cohésion d’équipe : ça a aussi de la valeur pour les amateurs.

J’en ai moi-même fait l’expérience. Inconsciemment ou non, on s’attache davantage à un joueur qui vous fait sentir qu’il veut s’intégrer à votre culture et qu’il n’est pas seulement de passage, tel un mercenaire.

J’ai par exemple toujours été admiratif de l’effort que faisait le Serbe Novak Djokovic, polyglotte reconnu, pour s’adresser en français aux spectateurs venus le voir jouer à Roland-Garros. «C’est peut-être un détail pour vous, mais pour moi ça veut dire beaucoup», chantait France Gall.

C’est admirable qu’il ait pris du temps d’acquérir une compétence qui lui servira peu dans la vie – soyons honnêtes –, juste pour le plaisir de ses fans francophones. Et ce doit être apprécié à sa juste valeur.

Terminons sur une bonne nouvelle concernant l’équipe masculine de soccer du Canada. Pour la deuxième fois de son histoire, après 1986, elle devrait affronter la France cet été. En toute logique, Mauro Biello devrait avoir toute la liberté de répondre en français aux questions des journalistes.

Timothée Loubière est journaliste pupitreur au quotidien Le Devoir. Avant de poser ses valises au Québec en 2022, il était journaliste sportif en France, notamment au journal L’Équipe.

Le Plan, intitulé Résoudre la crise du logement, présente plusieurs séries de mesures regroupées en trois points : construire plus de logements, faciliter la location d’un logement ou l’accès à la propriété, et aider les Canadiens en situation précaire à se payer un logement.

Le premier ministre, Justin Trudeau, était accompagné de la ministre des Finances, Chrystia Freeland, et du ministre du Logement, Sean Fraser, lors du dévoilement du Plan,  à Vaughan, en Ontario.

Plusieurs des mesures présentes dans le Plan ont déjà été annoncées au cours des dernières semaines. 

Faciliter l’accès à la propriété

Le gouvernement propose de ne pas appliquer la taxe fédérale sur les projets de logements locatifs pour la construction de résidences étudiantes des universités, des collèges et des autorités scolaires publiques.

Cette exemption, qui avait été annoncée en septembre 2023 et bonifiée lors de l’énoncé économique, s’appliquait jusqu’à maintenant seulement aux logements locatifs et aux coopératives d’habitation construites spécialement pour la location à long terme.

Ottawa prévoit aussi d’ajouter 15 milliards de dollars au Programme de prêts pour la construction d’appartements pour encourager la construction de 30 000 nouveaux logements à travers le pays.

Le Plan devrait également prolonger la durée des prêts et élargir l’accès au financement afin que des projets de logement pour les étudiants et les ainés soient inclus.

Le document d’une trentaine de pages indique que le financement supplémentaire pour le Programme de prêts pour la construction permettrait la construction de plus de 131 000 nouveaux appartements d’ici 2031-2032.

Le gouvernement a dévoilé son plan, inscrit dans le budget de 2024, pour résoudre la crise du logement. 

Photo : Capture d’écran – CPAC

Logements abordables et coopératives

Dans son budget 2024, le Canada propose de fournir 1 milliard de dollars supplémentaires pour le Fonds pour le logement abordable. Ce fond de 13,2 milliards de dollars  avait déjà été bonifié de 1 milliard de dollars à l’automne 2023.

Ce programme «offre des contributions et des prêts à faible taux d’intérêt ou à remboursement conditionnel pour la construction et la réparation de logements abordables et communautaires», peut-on lire dans le nouveau Plan d’Ottawa.

Par ailleurs, le gouvernement fédéral prévoit de lancer un programme de coopératives d’habitation à partir de l’été 2024. L’investissement de 1,5 milliard de dollars comprendra une combinaison de prêts et de contributions pour mettre l’accent sur les nouveaux projets d’habitation coopérative partout au pays.

Mettre fin à l’itinérance 

Le Plan, qui s’inscrit dans le budget 2024, propose de verser 1 milliard de dollars de plus sur quatre ans au Programme Vers un chez-soi, dont 50 millions seront axés «sur l’accélération de la réduction de l’itinérance à l’échelle communautaire». 

Il contient aussi 250 millions de dollars pour chercher des solutions aux campements et à l’itinérance hors refuge.

«Ce financement doit être égalé par les provinces et les territoires, pour un total de 500 millions de dollars, afin de soutenir les personnes les plus vulnérables et de mettre fin aux campements dans nos collectivités, tout en aidant les Canadiens vulnérables à faire la transition vers une solution de logement digne», peut-on lire dans le communiqué du gouvernement.

Collaborer entre paliers de gouvernement

«Dans le plan qu’on annonce aujourd’hui, il y a plusieurs mesures qui vont encourager les provinces, les territoires et les municipalités à collaborer avec nous pour construire plus de logements», a lancé le premier ministre Justin Trudeau lors d’une conférence de presse à Vaughan. 

Cependant, plusieurs provinces, dont la Saskatchewan et l’Ontario, ont exprimé leur mécontentement face aux récentes annonces du gouvernement fédéral en lien avec le logement, jugeant qu’il empiète sur les champs de compétence provinciaux.

«Ensemble [les provinces et les municipalités] détiennent les leviers de la politique de planification et d’utilisation des terres, influencent le cout de la construction, financent et fournissent des logements de soutien, et encore», indique le Plan du Canada sur le logement.

Le premier ministre Justin Trudeau a indiqué que le gouvernement fédéral prévoit la construction de 3,87 millions de nouveaux logements d’ici 2031 grâce à son Plan.

Des représentants d’universités et de collèges de langue française ont témoigné le 11 avril devant le Comité permanent des langues officielles. Le financement fédéral des établissements postsecondaires francophones en situation minoritaire était à l’ordre du jour.

«Il faut que le règlement [de la Loi] nous permette de préciser comment le fédéral peut intervenir dans des domaines de compétences provinciales sans que ça vienne créer de nouveaux conflits. On veut que la part de responsabilité du fédéral soit claire», a insisté Martin Normand, directeur de la recherche stratégique à l’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne (ACUFC), devant le Comité.

«Dans la nouvelle Loi sur les langues officielles, le gouvernement fédéral s’attribue une responsabilité d’agir pour la présence d’établissements postsecondaires forts dans les communautés francophones en situation minoritaire au pays», a-t-il signalé.

Le ministre fédéral de l’Immigration, Marc Miller, a annoncé en janvier un plafond de deux ans sur les permis d’études délivrés aux étudiants étrangers. 

Photo : Marianne Dépelteau – Francopresse

C’est d’ailleurs dans cet esprit que, trois jours plus tôt, il annonçait au Comité sénatorial permanent des langues officielles que l’ACUFC avait déposé une plainte auprès du Commissariat aux langues officielles pour contester la décision du ministre fédéral de l’Immigration, Marc Miller, de plafonner le nombre de permis d’étude aux étudiants étrangers.

Selon les plaignants, cette décision ne tient pas compte de l’impact sur les établissements francophones.

Depuis, le gouvernement a précisé la répartition des permis d’études entre les provinces et les territoires. Les places ont été attribuées afin de ne pas nuire à la croissance démographique des provinces. Certaines provinces, comme le Nouveau-Brunswick, pourront en accueillir plus qu’en 2023.

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«Le fédéral a aussi des responsabilités qu’il n’assume pas nécessairement en ce moment. Il doit prendre acte des nouvelles obligations qui lui reviennent dans la Loi sur les langues officielles», estime Martin Normand

Photo : Guillaume Lamy

La question des champs de compétences

Martin Normand a ainsi rappelé que des éléments de la Loi sur les langues officielles (LLO), en particulier le paragraphe 41, font en sorte que les institutions postsecondaires francophones en situation minoritaire sont en partie une responsabilité fédérale.

«Dans le paragraphe 41.3 de la loi, le gouvernement fédéral s’engage à renforcer les possibilités pour les minorités francophones de faire des apprentissages de qualité dans leur propre langue tout au long de leur vie, depuis la petite enfance jusqu’au postsecondaire», a-t-il argüé devant le Comité.

«Le paragraphe 41.6, poursuit-il, précise même que l’éducation est l’un des secteurs essentiels de l’épanouissement des minorités francophones.»

Martin Normand indique toutefois que la distinction entre les compétences provinciales et fédérales dans la LLO n’est pas suffisamment précisée, créant parfois des confusions dans l’interprétation de la loi.

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D’après Gabriel Cormier, le financement fédéral ne doit pas seulement être stable, il doit aussi être indexé d’année en année. 

Photo : Courtoisie

Financement insuffisant

«Les investissements fédéraux nous permettent de maintenir des frais de scolarité compétitifs», a reconnu Gabriel Cormier, vice-recteur à l’administration et aux ressources humaines de l’Université de Moncton, devant le Comité. «Mais ce financement devrait être indexé», a-t-il prévenu.

Par exemple, le financement annuel que reçoit l’Université de Moncton à travers le Programme de langues officielles en éducation de Patrimoine canadien n’a pas été indexé aux couts de la vie depuis 2002.

Selon le vice-recteur, ce financement représentait à l’époque environ 4,9 millions de dollars, soit 5,5 % des revenus de l’Université, contre 2,5 % aujourd’hui. 

S’il avait été indexé, il atteindrait 7,9 millions. Le manque à gagner s’élève donc à 3 millions.

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Gabriel Cormier a également martelé que les infrastructures coutent cher aux établissements. «La plupart des édifices de l’Université ont été conçus dans les années 1960 et 1970 et arrivent à un cycle majeur de rénovation.»

Le financement permet également aux établissements d’offrir des programmes qui attirent les étudiants, affirme Martin Normand. «Il y a certains programmes qui sont moins présents dans notre réseau d’établissements, dans les STIM [programmes d’études en sciences, technologie, ingénierie et mathématiques, NDLR] par exemple, qui sont des programmes [qui coutent] très chers à offrir.»

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Étudiants étrangers et premier ministre français

Le 5 avril, le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté Canada, Marc Miller, a annoncé la répartition des permis d’études entre les provinces et les territoires.

Le ministre d’IRCC, Marc Miller, a annoncé la répartition du nombre de permis d’étudiants étrangers approuvés par province et territoire. 

Photo : Chantallya Louis – Francopresse

Cette déclaration précise l’annonce du ministre faite le 22 janvier qui prévoyait un plafonnement pour le nombre d’étudiants étrangers sur une période de deux ans, à partir de septembre 2024.

Selon le bureau du ministre, IRCC a réparti le nombre de places attribuées en fonction de la proportion démographique de chaque province et territoire.

Autrement dit, les provinces et les territoires qui risquent de voir leur croissance démographique freiner recevront plus d’étudiants provenant de l’étranger en 2024 qu’en 2023, tandis que celles qui sont moins à risque en accueilleront moins.

Par exemple, le nombre de places attribuées au Nouveau-Brunswick est passé de 9279 en 2023 à 14 651 pour l’année 2024, alors que l’Ontario passe de 235 000 à 141 000.

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Mercredi et jeudi, le premier ministre de la France, Gabriel Attal, était de passage à Ottawa pour réitérer l’étroite relation entre son pays et le Canada.

Gabriel Attal a souligné l’importance de l’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne. 

«Je veux redire les choses de manière très claire. C’est un accord gagnant-gagnant entre la France et le Canada, entre l’Europe et le Canada», a lancé le premier ministre français lors de la conférence de presse à Ottawa le 11 avril.

Les deux pays ont aussi renouvelé le Partenariat franco-canadien pour le climat et l’environnement.

«Le renouvèlement du Partenariat pour une durée de trois ans permettra de resserrer encore davantage la coopération bilatérale afin de lutter contre les changements climatiques, la perte de la biodiversité et la pollution dans le monde», rapporte le bureau du premier ministre Justin Trudeau.

Après les récents feux de forêt qui ont fait rage au Canada et en Europe, le Canada et la France ont également signé «une déclaration d’intention sur la coopération en matière de gestion des feux de végétation afin de renforcer leur collaboration dans ce domaine».

L’accord de partenariat entre la Banque de développement du Canada (BDC) et la banque d’investissement française Bpifrance a lui aussi été renouvelé dans l’optique de soutenir les petites et moyennes entreprises dans les deux pays.

Par ailleurs, la France a adhéré au Défi mondial sur la tarification du carbone et devient ainsi le plus récent partenaire du Canada dans ce champ d’action.

Le ministre Bill Blair a annoncé un investissement substantiel pour la Défense nationale. 

Photo : X – Bill Blair

Investissement pour la défense, serment d’allégeance et taux directeur

Le gouvernement du Canada a annoncé, lundi, un investissement de 8,1 milliards de dollars dans les cinq prochaines années et 73 milliards sur 20 ans en défense.

Cet investissement s’inscrit dans le dernier rapport publié par le premier ministre, Justin Trudeau, et le ministre de la Défense, Bill Blair : Notre Nord, fort et libre : Une vision renouvelée pour la défense du Canada.

«La nouvelle politique de défense vise deux principaux objectifs : renforcer les fondements des forces armées canadiennes et acquérir des capacités pour contrer de nouvelles menaces», indique le gouvernement par communiqué.

«Les investissements en défense prévus dans le budget de 2024 devraient permettre de porter les dépenses du Canada en matière de défense à 1,76 % de notre PIB d’ici 2029-2030», ajoute-t-il.

L’enveloppe sera partagée entre six thèmes de la défense nationale : soutenir le personnel, renforcer les fondements, construire une base industrielle innovante, défendre le Canada, défendre l’Amérique du Nord et défendre les valeurs et les intérêts du Canada dans le monde.

Mercredi, la Chambre des communes a rejeté le projet de loi C-347, qui visait à rendre optionnel le serment d’allégeance au roi, à 113 voix contre 197.

Il avait été proposé par le député libéral du Nouveau-Brunswick René Arsenault et appuyé par le député québécois Joël Lightbound.

Les libéraux étaient divisés sur le sujet. Les membres du gouvernement avaient reçu la directive de ne pas appuyer le projet de loi, mais les autres députés pouvaient voter librement. Près d’une quarantaine d’entre eux ont voté en faveur du projet de loi, dont Serge Cormier, député d’Acadie–Bathurst, au Nouveau-Brunswick.

Randy Boissonnault, ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et des Langues officielles, ainsi que Ginette Petitpas Taylor, ministre des Anciens Combattants et ministre associée de la Défense nationale ont quant à eux voté avec le reste du gouvernement.

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La Banque du Canada a annoncé mercredi qu’elle maintenait son taux directeur à 5 %.

«La Banque s’attend à ce que l’économie mondiale continue de croitre à un taux d’environ 3 % et à ce que l’inflation baisse graduellement dans la plupart des économies avancées», indique l’institution dans un communiqué.

L’inflation, mesurée à l’aide de l’indice des prix à la consommation (IPC), a ralenti et s’établit à 2,8 % en février, alors qu’elle était à 2,9 % en janvier.

«Toutefois, la hausse des frais de logement reste très élevée, sous l’effet de la croissance des loyers et du cout de l’intérêt hypothécaire», indique le communiqué.

«Les budgets ont toujours une dimension politique, évidemment, mais là, cette fois-ci, elle est encore plus accentuée que par le passé», soutient Fédéric Boily, professeur en science politique au Campus Saint-Jean, en Alberta.

Bien qu’il soit courant, dans la politique canadienne, de procéder à des annonces quelques jours avant la présentation du budget, «le faire ouvertement avec une stratégie planifiée, avec autant de ressources et en étant aussi transparent […] ça, c’est du jamais vu», renchérit Geneviève Tellier, professeure à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa et aussi chroniqueuse pour Francopresse.

Reprendre le contrôle du message

Pour le politologue Frédéric Boily, il sera aussi important de surveiller les mesures en lien avec l’augmentation de la productivité du pays. 

Photo : Courtoisie

Selon Fédéric Boily, le gouvernement de Justin Trudeau veut montrer qu’il reprend le contrôle du message, contrairement à l’année dernière.

«On avait l’impression que le gouvernement fédéral était littéralement en état d’hibernation, qu’il était à la remorque des évènements et qu’on ne semblait pas vouloir agir», dit-il en entrevue à Francopresse.

Même son de cloche du côté de Geneviève Tellier. Depuis plusieurs mois déjà, le Parti conservateur prend une importante avance dans les sondages, alors que «les libéraux continuent d’être à la traine et n’arrivent pas à regagner du terrain et donc il faut que quelque chose change».

Pour la professeure, la stratégie du gouvernement fonctionne. «On parle des annonces prébudgétaires, on parle de Justin Trudeau [mais] on ne parle pas de Pierre Poilievre», lance-t-elle, rappelant que la Chambre n’a pas siégé pendant deux semaines de la fin mars au début avril.

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«Est-ce que ça va continuer à marcher?»

«Maintenant, est-ce que ça va continuer à marcher?», se demande Geneviève Tellier.

Selon elle, les Canadiens sont préoccupés par le cout de la vie et les mesures annoncées par Ottawa ne permettent pas de déterminer s’ils se sentiront plus en confiance avec le gouvernement.

Demain, quand les gens vont aller faire leur épicerie ou vont renouveler leur hypothèque, est-ce qu’ils vont se sentir en meilleure confiance et trouver que le gouvernement les aide?

— Geneviève Tellier

La professeure soutient par ailleurs que les citoyens pourraient aussi se sentir manipulés par le gouvernement, qui semble désespéré à rester au pouvoir. Certaines personnes pourraient ainsi voir d’un mauvais œil ces nouvelles mesures.

Relations tendues avec les provinces

Pour Frédéric Boily, la nouvelle stratégie politique de Justin Trudeau permettrait au gouvernement libéral, minoritaire, de prendre l’avantage sur l’opposition. Cependant, elle attire bien des critiques du côté des gouvernements provinciaux. Plusieurs premiers ministres jugent qu’Ottawa empiète sur leurs compétences provinciales.

Dans cette optique, Frédéric Boily croit que le chef du Parti conservateur, Pierre Poilievre, pourrait revenir à la charge avec un discours qui soutient un fédéralisme d’ouverture, comme le faisait l’ancien premier ministre du Canada, Stephen Harper, pour montrer que le Parti conservateur respecte les champs de compétence des provinces.

On peut voir aussi auprès de l’électorat de certaines provinces un discours qui va appeler directement à voter pour les conservateurs [ou] voir un discours qui est moins critique à leur égard

— Frédéric Boily

Selon Geneviève Tellier, «vouloir trop intervenir dans les champs de compétences provinciales» entraine d’autres difficultés politiques. Les annonces obligeraient le gouvernement à négocier avec les dix provinces, ce qui crée des mécontents et la probabilité de voir se créer un front commun.

De plus, les citoyens pourraient encore être plus critiques envers le gouvernement fédéral. Dans l’éventualité où les choses ne vont pas bien, que ce soit en éducation, en santé ou un autre domaine, «les gens vont dire : “bon ben tu as la capacité de le faire puis tu ne le fais pas, ou tu le fais mal, donc c’est de ta faute”», remarque-t-elle.

La professeure estime tout de même que le gouvernement libéral est conscient de ces obstacles et qu’il est prêt à les assumer.

À surveiller dans le budget

Il reste tout de même plusieurs éléments à surveiller lors du dépôt du budget, tel que l’équilibre budgétaire. 

Pour Frédéric Boily, c’est une question de rigueur, car les Canadiens pourront à ce moment savoir si le gouvernement perd le contrôle des finances publiques avec ses nombreuses annonces, sans pour autant prendre de décisions importantes, ou s’il est en mesure de contrôler son budget.

Selon la professeure Geneviève Tellier, une grande quantité d’annonces fédérales à quelques semaines d’un budget n’est pas chose courante sur la scène politique canadienne. 

Photo : Martin Roy – Le Droit

Avec toutes ces dépenses annoncées, il va également falloir surveiller les taxes, soutient Geneviève Tellier.

«Par le passé, ce gouvernement-là n’a pas montré qu’il était vraiment enclin à augmenter les impôts, explique-t-elle. Oui, il y a eu des taxes de luxe, mais ce n’est pas [avec] ça qu’ils vont [..] ramener le déficit à la baisse.»

La professeure ajoute que plusieurs indices laissent croire que ce dernier pourrait augmenter. Le 7 mars, le Bureau du directeur parlementaire du budget prévoyait un déficit de plus de 46 milliards de dollars.

«On peut facilement envisager un déficit au-dessus de 50 milliards avec les nouvelles annonces qui ont été faites.»

Pour les gens d’affaires ou de la classe moyenne, il sera surtout question de productivité, observe Frédéric Boily.

Plusieurs études montrent que la productivité au Canada aurait diminué, ce qui pourrait avoir des conséquences sur les finances publiques, mais aussi sur l’ensemble des Canadiens. «Il faudrait qu’il y ait des mesures pour stimuler cette productivité.»

«Ceux qui ont rapporté les impacts les plus importants avec des histoires de traumatismes étaient des travailleurs des médias qui passaient beaucoup de temps à revoir des images ou des détails dérangeants, notamment les journalistes vidéos, les caméramans, les podcasteurs, les monteurs et libraires vidéos et les recherchistes.»

Selon Anthony Feinstein, le journalisme au Canada est plus risqué pour la santé mentale qu’avant. L’une des raisons : les heures passées à regarder la souffrance dans le monde. 

Photo : Doug Nicholson

Ce constat est tiré du rapport Prenez soin de vous du Forum des journalistes canadiens sur la violence et le traumatisme, datant de 2022.

«Le taux de [syndrome de stress posttraumatique] (SSPT) n’est pas aussi élevé que celui d’un journaliste terrain qui risque sa vie. Mais il est certain que certaines personnes vulnérables peuvent souffrir de SSPT, de dépression ou d’anxiété après avoir été exposées à ce matériel visuel très dur», confirme Anthony Feinstein, professeur de psychiatrie à l’Université de Toronto.

Il explique qu’en 2013, l’Association américaine de psychiatrie a ajouté aux causes possibles du SSPT l’exposition répétitive à du matériel visuellement traumatique.

«Ça ne concerne pas la population générale. La personne qui écoute les nouvelles du matin chez elle ne souffrira pas de SSPT, précise-t-il. On parle de gens qui font ce travail et qui sont exposés à beaucoup de contenus difficiles.»

«Contenu très difficile à regarder»

La conseillère d’orientation spécialisée en trauma, Marylou Tardif, a été appelée à intervenir dans quelques salles de nouvelles depuis l’attaque du Hamas du 7 octobre 2023 en Israël.

«Les journalistes me demandaient surtout comment ils pouvaient être moins exposés. Ils se disaient fatigués, rapporte-t-elle. On parlait beaucoup de stress et d’anxiété.»

Elle se demande si ce n’était pas la goutte de trop. «Est-ce que ce n’est pas le cumul, justement? Il y a eu [des guerres], la pandémie, ça a été super difficile pour les journalistes. On dirait que depuis des années, le métier est beaucoup moins facile aussi.»

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S’il y a toujours eu des guerres, aujourd’hui, elles se déroulent à la vue de tous.

Marylou Tardif conseille aux journalistes de limiter les dégâts en évitant, si possible, de partager beaucoup de contenus difficiles à plusieurs collègues. 

Photo : Courtoisie

«J’ai lu une citation de Baudelaire, qui écrivait au milieu du XIXe siècle disant que lorsqu’il ouvre son journal le matin avec son petit déjeuner, il n’y a que des mauvaises nouvelles», raconte Anthony Feinstein.

«Il y en a toujours eu, mais je pense que ce qui est différent aujourd’hui, c’est qu’elles proviennent de nombreuses sources. En plus, on les reçoit maintenant avec des images [plus explicites]. Il n’y avait pas de photographie pour Baudelaire. On ne recevait pas de photos, on ne recevait pas de vidéos.»

Le professeur pense notamment aux journalistes qui filtrent le matériel audiovisuel envoyé par des témoins ou qui circule sur les médias sociaux. «Il y a des gens qui font ce travail pendant des heures, jour après jour. […] Ils ne sont pas en zone de guerre, ils ne risquent pas leur sécurité, mais c’est du contenu très difficile à regarder.»

Marylou Tardif affirme que la littérature scientifique suggère que «le cerveau ne fait pas [forcément] la différence où tu es» : «Si tu es stressé, que tu sois en télétravail, que tu sois sur le lieu de travail, le cerveau ne le sait pas.»

«Que ce soit des images, des mots, des textes ou des vidéos, ça peut créer un trauma ou non. Ça va dépendre de la personnalité de la personne et de son historique avec les traumas», ajoute-t-elle.

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Le pouvoir de l’image

Le photojournaliste Ivanoh Demers est conscient du pouvoir que détiennent ses photos. Il doit choisir celles qui représentent l’histoire le plus exactement possible, mais il ne contrôle pas comment elles seront reçues par les lecteurs.

«L’image, ça touche un nerf, qui est l’émotion. Parfois, vous allez faire un lien qui n’a aucun rapport avec n’importe qui d’autre qui va voir la photo. […] Si vous avez quelqu’un qui est mort à terre avec un toutou et que vous avez le même toutou, vous allez être traumatisé pendant une semaine. C’est quand vous vous reconnaissez que ça fait mal», décrit-il.

Ivanoh Demers a été photographe pour La Presse et travaille maintenant à Radio-Canada. Parmi les nombreux pays qu’il a photographiés, il y a l’Ukraine, Haïti, la Libye et le Mexique. 

Photo : Martin Chamberland

C’est de cette façon qu’il explique l’impact qu’a eu, en 2015, la photo du cadavre d’un jeune enfant syrien retrouvé noyé sur une plage européenne. «Cette photo a marqué l’Occident, rappelle Ivanoh Demers. Pourquoi? Parce que le petit garçon était habillé comme un Occidental. Il avait des petites chaussures et un petit teeshirt.»

Selon le photojournaliste, «quand l’Occident au complet a vu le garçon tout bien habillé, c’était leur garçon».

Au moment de prendre une photo, l’adrénaline protège en quelque sorte le photographe, explique Ivanoh Demers. C’est autre chose après coup. Récemment, il a regardé des photos qu’il a prises à Haïti, il y a 10 ans.

«J’ai été estomaqué par les images parce que je n’avais pas du tout vu ça comme ça, relate-t-il. Ça m’a beaucoup affecté quand j’ai revu mes photos; des gros, gros évènements, revoir ces photos avec du recul, plus tard, c’est souvent pénible, c’est souvent difficile.»

Savoir décrocher

Ivanoh Demers applique une règle à notre monde numérique : «Il faut décrocher.»

Ivanoh Demers a été photographe pour La Presse et travaille maintenant à Radio-Canada. Parmi les nombreux pays qu’il a photographiés, il y a l’Ukraine, Haïti, la Libye et le Mexique. Photo : Martin Chamberland

Photo : Olivier Pontbriand

«Je suis beaucoup sur mon téléphone parce que je suis un des seuls photographes de Radio-Canada, donc je suis tout le temps dans la nouvelle. Des fois, il faut que je fasse exprès, que je ferme mon téléphone et que je le mette de côté.»

L’incapacité de déconnecter est un grand défi que Marylou Tardif voit couramment chez les journalistes. «Même si ton patron n’est pas content, la fin de semaine, tu n’es pas payé : tu reprendras. Je pense que c’est correct d’être en contact avec du laid. On est capable d’en prendre, mais tu fais déjà ça [pendant] 40 heures de la semaine…»

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Le 22 janvier, le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté canadienne (IRCC), Marc Miller, avait annoncé que le gouvernement fédéral instaurerait un plafond temporaire de deux ans pour le nombre d’étudiants provenant de l’étranger à partir de septembre 2024.

Cependant, cette annonce avait largement été critiquée par les établissements francophones hors Québec.

Le lundi 8 avril, Martin Normand, directeur de la recherche stratégique et des relations internationales à l’ACUFC, a réitéré les inquiétudes de ses membres et de son organisme devant le Comité sénatorial permanent des langues officielles.

«Nous alléguons qu’IRCC a erré dans le développement du plafond en négligeant de prendre en considération les nouveaux engagements qui incombent aux institutions fédérales en vertu de la version modernisée de la Loi sur les langues officielles», a-t-il déclaré.

Il a profité de cette tribune pour annoncer que le dépôt de la plainte a été complété le jour même.

Martin Normand soutient que le ministre d’IRCC a manqué à son devoir en annonçant un plafonnement des permis d’études qui ne prend pas en considération la réalité des universités et collèges francophones du Canada. 

Photo : Guillaume Lamy

Le plafond à l’encontre de la Loi sur les langues officielles

«Pour nous, le plafond, tel qu’il a été annoncé le 22 janvier, ne respecte pas la Loi sur langues officielles», insiste Martin Normand en entrevue avec Francopresse.

«En vertu de la nouvelle loi, on se serait attendu à ce que, en même temps que le plafond soit annoncé, il y ait des mesures positives qui limitent les impacts négatifs du plafond sur nos membres.»

Selon lui, IRCC a mal évalué les contrecoups d’un plafond sur les établissements de la francophonie canadienne.

«Dans la conception même du plafond, il y a aussi des violations à l’égalité réelle, poursuit Martin Normand. Parce que le plafond a été conçu d’une façon à ce que ça colle à la réalité nationale d’émissions des permis d’études, alors que la réalité des établissements francophones est bien différente de la moyenne nationale.»

Dans sa plainte, l’ACUFC allègue que le plafond du nombre de permis d’études est en contradiction avec la Loi sur les langues officielles. Celle-ci stipule que la politique du ministre d’IRCC doit «reconnaitre l’importance de l’immigration francophone pour le développement économique».

Des mesures qui se font attendre

Selon Martin Normand, IRCC avait soutenu que des mesures allaient être annoncées pour limiter des conséquences négatives sur la prochaine année scolaire au sein des universités et des collèges francophones à l’extérieur du Québec.

«On est rendu le 9 avril et on n’a rien vu, se désole-t-il. [Il est donc] de moins en moins probable qu’une mesure ait un impact sur septembre 2024.»

Le ministre d’IRCC, Marc Miller, dit reconnaitre l’importance du rôle que joue son ministère dans la Loi sur les langues officielles

Photo : Marianne Dépelteau – Francopresse

«Même si demain matin, un projet pilote était annoncé pour que nos établissements aient accès à plus de permis, […] ça prend 13 semaines à être traité. Donc les permis supplémentaires qui pourraient être accordés à nos établissements début mai, fin mai, ne seront vraisemblablement pas traités à temps pour septembre 2024», suggère Martin Normand.

Des provinces priorisent les étudiants étrangers francophones

Plusieurs provinces, comme l’Ontario, ont aménagé leur plafond de façon à prioriser les établissements francophones.

Cette nouvelle réjouit Martin Normand. Toutefois, il juge qu’il est insuffisant de «compter sur la bonne foi des provinces pour assurer une répartition équitable des permis d’études, alors que c’est le gouvernement fédéral qui a une responsabilité à l’égard de l’épanouissement des communautés [francophones]».

De son côté, Marc Miller dit reconnaitre l’importance du rôle que joue son ministère dans la Loi sur les langues officielles.

Cependant, il croit «qu’il faut avoir un système qui accueille [les nouveaux arrivants] dans un contexte français de qualité, puis d’avoir des étudiants de qualité qui peuvent par la suite devenir des résidents permanents, surtout dans les communautés en dehors du Québec». «On se doit au fédéral d’exercer un rôle plus actif», a lancé le ministre en mêlée de presse, le mardi 9 avril.

Le Commissariat aux langues officielles analyse la plainte afin de déterminer sa recevabilité.

Le Jour de la Terre nous invite chaque année à réfléchir à notre rapport à la planète, aux crises environnementales que nous affrontons et aux actions nécessaires pour y remédier. Cependant, une analyse profonde de ces crises révèle qu’elles ne sont pas seulement écologiques, mais aussi profondément enracinées dans les structures sociales et de genre.

Les données sont claires : les femmes et les minorités de genre – surtout celles appartenant à des groupes marginalisés comme les femmes autochtones, racisées, porteuses d’un handicap – vivent de manière disproportionnée les impacts des crises environnementales. Ces groupes sont les plus affectés par les répercussions socioéconomiques, culturelles et sanitaires des désastres écologiques.

La précarité économique, accentuée par un système patriarcal et capitaliste, rend ces populations plus vulnérables aux effets des changements climatiques, tels que les catastrophes naturelles, l’insécurité alimentaire et les migrations forcées dues à des raisons climatiques.

Cela s’explique notamment par la présence disproportionnée des femmes dans les groupes les plus pauvres de la population. Comme le soulignent les Nations unies, sur 1,3 milliard de personnes vivant dans des conditions de pauvreté dans le monde, 70 % sont des femmes.

Dans les zones urbaines, près de 40 % des foyers les plus démunis sont dirigés par une femme.

Bien que les femmes soient essentielles à la production alimentaire mondiale et qu’elles représentent entre 50 % et 80 % de la force de travail de ce secteur, elles possèdent moins de 10 % des terres agricoles.

Ces inégalités les exposent à des risques accrus et limitent leur capacité à répondre efficacement aux défis posés par les changements climatiques.

Françoise d’Eaubonne, écrivaine, pionnière de l’écoféminisme. 

Photo : Wikimédia Commons - Fonds privé

En se voyant refuser un accès égal aux ressources, telles que la terre et l’eau, ainsi qu’à la prise de décisions et à l’éducation, les femmes se trouvent dans une position où elles peuvent moins facilement se protéger et protéger leur famille contre les conséquences des phénomènes climatiques extrêmes.

Dans de nombreuses régions d’Afrique subsaharienne, par exemple, les femmes sont majoritairement responsables de l’agriculture de subsistance.

Les effets des changements climatiques, tels que les sècheresses prolongées ou les pluies irrégulières, compromettent directement leur capacité à nourrir leur famille, renforçant l’insécurité alimentaire. De plus, la raréfaction des ressources entraine des migrations forcées, plaçant les femmes dans des situations de grande vulnérabilité.

Plus près de nous, citons le cas des communautés autochtones du Canada, où les femmes sont tout particulièrement affectées par l’exploitation intensive des ressources naturelles.

Les projets d’extraction minière et pétrolière menacent non seulement leur environnement, mais aussi leur sécurité, avec une augmentation des cas de violence envers les femmes dans les zones d’exploitation. Ce phénomène est exacerbé par l’isolement des communautés et le manque d’accès à des services de soutien.

Pensons également aux catastrophes comme les ouragans Katrina et Harvey, qui ont mis au jour des disparités flagrantes aux États-Unis. Les femmes, en particulier celles de communautés racisées et à faible revenu, ont subi des pertes disproportionnées en termes de logement, d’emploi et d’accès aux soins.

L’écoféminisme

L’écoféminisme offre une perspective critique et enrichissante pour comprendre ces enjeux et agir.

Ce mouvement, qui lie étroitement la lutte pour la justice climatique à celle pour l’égalité des genres, postule que les racines du patriarcat et celles des crises environnementales sont intimement liées.

Cette perspective permet de comprendre comment l’oppression systémique des femmes, celle des minorités de genre et celle de la nature sont interconnectées à travers les dynamiques du pouvoir capitaliste et patriarcal.

Cette analyse révèle également comment la gestion actuelle des ressources et des crises environnementales néglige les spécificités de genre, aggravant ainsi les inégalités existantes.

Les catastrophes climatiques exacerbent non seulement les vulnérabilités économiques et sociales, mais renforcent également les stéréotypes de genre et la division sexuelle du travail, confinant davantage les femmes à des rôles de soignantes, souvent non rémunérées et sous-évaluées.

Face à ce constat, il est impératif d’intégrer une analyse de genre intersectionnelle dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques environnementales.

Cela signifie non seulement de reconnaitre les impacts différenciés des crises climatiques sur les genres, mais aussi de valoriser les savoirs et les compétences spécifiques des femmes et des minorités de genre dans la lutte contre le changement climatique.

Comme nous le rappelle Françoise d’Eaubonne, pionnière de l’écoféminisme dans les années 1970, l’urgence d’une prise de conscience féministe est cruciale pour sauvegarder l’avenir de notre planète. Sa formule percutante, «le féminisme ou la mort», est plus que jamais d’actualité.

Originaire de Belgique, Julie Gillet est titulaire d’une maitrise en journalisme. Militante éprise de justice sociale, voici près de quinze ans qu’elle travaille dans le secteur communautaire francophone et s’intéresse aux questions d’égalité entre les genres. Elle tire la force de son engagement dans la convergence des luttes féministes, environnementales et antiracistes. Elle vit aujourd’hui à Moncton, au Nouveau-Brunswick.

Mario Beaulieu siège au Comité permanent des langues officielles, où il a défendu les intérêts du Québec francophone lors des débats pour la modernisation de la Loi sur les langues officielles (LLO), qui s’est terminée en juin 2023.

Le projet de loi C-13, qui venait moderniser cette loi, a exposé à quelques reprises les tensions qui existent entre anglophones du Québec, francophones du Québec et francophones à l’extérieur du Québec.

Si le député de La Pointe-de-l’Île reconnait des gains pour tous les francophones dans la nouvelle loi, il croit que la LLO continue de mettre en opposition les intérêts du Québec et ceux des communautés francophones et acadiennes pour certaines causes.

Francopresse : Lors du processus d’adoption de C-13, vous n’étiez pas toujours en accord avec les députés francophones hors Québec. Pourquoi ne voyez-vous pas toujours les choses du même œil?

Mario Beaulieu : La Loi sur les langues officielles nous met en opposition, parce qu’elle considère les anglophones du Québec comme étant l’équivalent des communautés francophones et acadiennes.

Au Québec, on a les mêmes intérêts que les communautés francophones et acadiennes, mais la LLO fait que l’appui fédéral va du côté anglophone automatiquement. Donc, quand on la modifie pour les francophones hors Québec, on la modifie aussi pour les anglophones du Québec.

Quand les francophones hors Québec, par exemple, vont dans les tribunaux pour modifier les critères d’accès aux écoles françaises, à cause de l’approche symétrique qui fait équivaloir ces francophones aux anglophones du Québec, [ces derniers] vont demander les mêmes assouplissements. Donc, le Québec va être obligé d’aller dans les tribunaux contre ces changements-là parce que ça s’applique au Québec.

Le conflit n’est pas entre les communautés francophones et acadiennes et le Québec français. Le conflit est entre le Québec français et le gouvernement canadien, qui utilise les communautés francophones et acadiennes pour justifier de financer l’anglicisation du Québec.

Mario Beaulieu a présenté une étude en novembre 2023 sur le financement fédéral de l’anglais au Québec. De manière générale, l’étude suggère que le financement octroyé dans le cadre de la LLO au Québec revient en majeure partie aux anglophones. Le député estime que c’est une injustice pour le Québec, où le français est en déclin.

Le gouvernement a introduit le principe d’asymétrie dans la nouvelle LLO, alors pourquoi maintenez-vous ne pas pouvoir aider les francophones hors Québec sans aider les anglophones du Québec?

Ils ont dit une chose et son contraire, parce qu’ils ont maintenu aussi le principe de communautés de langues officielles en milieu minoritaire. Ils ont maintenu le principe d’appuyer les anglophones du Québec.

Comme a dit Éric Poirier dans son livre Le piège des langues officielles, finalement, on a mis quelques éléments d’asymétrie dans une structure symétrique. Et puis tout dépend de la volonté politique. Si ça avait été un gouvernement canadien avec une volonté politique de défendre le français au Québec et même hors Québec, ça pourrait être des leviers utiles.

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Ce qu’on pousse, c’est une approche asymétrique, justement pour défaire cette symétrie-là entre les anglophones du Québec et les francophones hors Québec. Un des gains qu’on a eus, c’est d’avoir écrit que les besoins des communautés anglophones du Québec ne sont pas les mêmes que les francophones hors Québec. Il y a ainsi un autre endroit où ils reconnaissent le déclin et la responsabilité de défendre le français dans chaque province, donc au Québec aussi.

Que faut-il changer pour que la défense des intérêts des francophones hors Québec et des Québécois francophones ne soit pas conflictuelle?

Plus on va réussir à avoir un modèle asymétrique – à ce moment-là, on pourra vraiment être en alliance avec eux –, plus on aura une force de frappe. Idéalement, je pense qu’un Québec indépendant pourrait beaucoup plus les aider qu’un Québec soumis à un gouvernement canadien comme c’est le cas actuellement.

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C’est un appui inconditionnel parce qu’ils ne peuvent pas nous aider [en retour]. On appuie leurs revendications pour l’extérieur du Québec, mais pour l’intérieur du Québec, on est indépendant, on a nos propres revendications.

Il faut essayer de faire des rencontres de façon plus ou moins formelle, puis essayer de s’entendre sur des façons de s’entraider, mais en évitant de se nuire mutuellement.

Ensuite, la grosse différence, c’est que le gouvernement du Québec surfinance traditionnellement les établissements anglophones. […] Alors le financement fédéral devient un financement privilégié pour les anglophones : on donne un financement de plus aux anglophones qui ont déjà accès au financement [provincial]. Alors qu’à l’extérieur du Québec, les gouvernements provinciaux sous-financent systématiquement les établissements francophones. Le financement fédéral vient suppléer un peu à ça, il vient faire contrepoids.

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Qui représente les francophones en situation minoritaire au fédéral en ce moment?

Les organismes qui défendent les francophones hors Québec sont dans une situation extrêmement difficile, parce qu’ils sont financés par le fédéral. […] Il y a peut-être d’autres organismes qui ne sont pas financés par le gouvernement fédéral. Il y a des individus qui ont des revendications qui diffèrent un peu des organismes officiels.

Il y a des députés franco-ontariens ou acadiens, mais ils sont toujours minoritaires dans leur caucus de députés pancanadiens. Donc, souvent, je pense qu’ils ne peuvent rien dire.

Les francophones hors Québec, ils essaient de compter sur des députés, mais des députés qui sont muselés par la ligne de parti et des organismes qui sont financés aussi par le gouvernement fédéral. Leur situation n’est pas facile.

Les propos ont été réorganisés pour des raisons de longueur et de clarté.

Les réservoirs d’eau ne manquent pas au Canada, les kilomètres de côte non plus. Mais si les éoliennes sont bien implantées sur terre, elles sont encore absentes sur mer, contrairement à d’autres régions de la planète.

Pourtant, la portion canadienne de l’Atlantique possède l’un des meilleurs potentiels éoliens extracôtiers au monde, selon un récent rapport de l’institut de recherche Nergica, de Gaspé, au Québec.

Et c’est sans compter la façade pacifique du pays ainsi que les Grands Lacs, qui présentent aussi tous deux un énorme potentiel pour la production d’électricité à partir de l’énergie du vent.

«La ressource énergétique, elle est là, elle est très forte, elle est très bonne», confirme Denis Lapalme, analyste expert, recherche et innovation à Nergica.

Une énergie renouvelable

Installées au large des côtes, les éoliennes en mer se divisent en deux catégories : les éoliennes fixes, qui sont installées sur une fondation arrimée au plateau continental, et les éoliennes flottantes, qui sont construites sur des flotteurs reliés au sous-sol marin par des ancrages.

«Le gros avantage d’être en mer c’est qu’il n’y a pas de relief, donc ça donne des vents qui sont plus forts et plus constants, ce qui nous permet d’aller chercher un meilleur potentiel éolien et une énergie qui est aussi plus stable dans le temps», explique Denis Lapalme, analyste à l’institut de recherche Nergica.

Selon l’étude de Nergica, l’éolien extracôtier constitue aussi un «avantage indéniable» pour aider le Canada à atteindre la carboneutralité d’ici 2050 et répondre aux besoins énergétiques conséquents du pays.

Mais alors, comment expliquer que le Canada n’exploite actuellement aucun parc éolien extracôtier?

Potentiel technique de l’éolien en mer au Canada. 

Source : GWEC/OREAC

Nouvelle règlementation

Des projets ont déjà vu le jour, mais aucun n’a abouti. Notamment «parce qu’il n’existait pas de règlementation spécifique», analyse Ryan Kilpatrick, ingénieur chez CanmetÉNERGIE à Ottawa, un centre de recherche de Ressources naturelles Canada.

«Et aussi parce que les provinces n’étaient pas en mesure d’accepter l’énergie générée par ces projets extracôtiers. Mais la situation commence à changer», assure-t-il.

Le gouvernement fédéral collabore actuellement avec la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve-et-Labrador pour établir un régime de règlementation qui encadrera le développement de l’énergie renouvelable en mer.

«Cela permettra au Canada atlantique d’accéder à un marché mondial de l’énergie éolienne en mer estimé à 1000 milliards de dollars», avance Ressources Naturelles Canada dans un courriel envoyé à Francopresse.

Un premier parc éolien extracôtier devrait voir le jour au large de la Nouvelle-Écosse.

À lire aussi : Le premier parc éolien extracôtier sera construit en Nouvelle-Écosse (Le Courrier de la Nouvelle-Écosse)

Pour Denis Lapalme, l’éolien en mer permettrait au Canada de diversifier ses sources d’énergie et de ne pas juste se reposer sur une seule technologie ou une seule situation géographique. 

Photo : Roger St-Laurent

Défis techniques

En attendant, les projets éoliens extracôtiers se font attendre au pays.

«Au Québec et en Colombie-Britannique, il y a déjà beaucoup d’énergies renouvelables, donc il n’y a pas nécessairement besoin de faire une transition immédiate», remarque Denis Lapalme.

L’expert avise aussi que l’énergie éolienne est relativement récente et qu’elle s’accompagne d’obstacles physiques non négligeables. Le Québec, l’Île-du-Prince-Édouard, le Nouveau-Brunswick et Terre-Neuve-et-Labrador comprennent par exemple beaucoup de mers givrantes, «ce qui complexifie» l’exploitation d’éoliennes, souligne-t-il.

Autre défi : la profondeur de la mer. À l’Ouest, par exemple, «on se retrouve très rapidement à 2000 m de profondeur», détaille Denis Lapalme. Or, une éolienne s’installe généralement jusqu’à 200 m de profondeur.

Dans les Grands Lacs, la contrainte est davantage logistique : comment transporter le matériel d’une écluse à l’autre le long de la voie maritime? De plus, le vent y est «légèrement moins bon», ajoute l’analyste.

Une énergie d’avenir?

Dans un rapport (en anglais seulement) publié en 2019, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) affirme que l’éolien extracôtier va connaitre un essor impressionnant dans les décennies à venir. Déjà, entre 2010 et 2018, le marché mondial de l’éolien sur mer a connu une croissance de près de 30 % par an. Pourtant, les pays sont loin d’exploiter tout le potentiel de l’éolien.

L’éolien extracôtier pourrait générer plus de 420 000 térawattheures par an dans le monde, soit «plus de 18 fois la demande mondiale d’électricité actuelle», avance l’AIE.

La capacité des parcs éoliens en mer pourrait être multipliée par 15 d’ici 2040.

Une expertise déjà présente

Malgré ses atouts, l’éolien extracôtier demeure une énergie «dont le cout est nettement plus élevé que celui de l’éolien terrestre et du solaire», justifie le ministère de l’Énergie, des Mines et de l’Innovation en matière de faibles émissions de carbone de la Colombie-Britannique par courriel.

Cependant, grâce à la maturation des chaines d’approvisionnement, les couts sont en voie de diminuer, affirme Ryan Kilpatrick.

Les parcs éoliens extracôtiers sont généralement trois à quatre fois plus grands que leurs homologues terrestres, observe Ryan Kilpatrick. 

Photo : Vanessa Cuglietta CanmetÉNERGIE Ottawa

«La construction et l’exploitation d’éoliennes en mer peuvent avoir des incidences sur l’environnement, notamment sur la vie marine, les oiseaux migrateurs et la navigation», ajoute le ministère britannocolombien.

«Dans la majorité des projets qui ont été menés dans le monde, les premiers groupes à avoir des inquiétudes, ce sont les pêcheurs. Quand vous avez des éoliennes, vous êtes obligés de fermer une zone de mer et la circulation entre ces éoliennes […] Donc ça ferme des zones de pêche», prévient Denis Lapalme.

Mais selon lui, l’installation d’éoliennes en mer peut aussi s’avérer bénéfique pour les écosystèmes locaux : «Cela peut créer une espèce de relief artificiel où différentes espèces peuvent venir habiter la fondation.»

Le Canada bénéficie déjà d’une expertise industrielle en la matière, souligne Denis Lapalme. «L’expérience en offshore, elle est là. On peut bénéficier des leçons apprises de l’énergie fossile extracôtière, des plateformes pétrolières et gazières, et essayer de ramener ces connaissances-là vers les éoliennes extracôtières.»

«Il y a beaucoup de personnel déjà formé, du personnel compétent qui a peut-être besoin juste de formation supplémentaire pour changer un peu de branche, mais on ne part pas nécessairement de zéro», poursuit-il.

En matière de vents, la façade atlantique du Canada est comparable à «ce qu’on trouve en mer du Nord, la région la plus développée en éolien extracôtier présentement», commente Denis Lapalme. 

Photo : Julien Cayouette

Établir des limites

Si de grands parcs peuvent produire «beaucoup d’énergie», il faut aussi en établir les limites, prévient l’expert.

«Il faut laisser la place aux pêcheurs pour qu’ils continuent leur activité économique, il faut laisser la place aux espèces animales et avoir des zones protégées», argumente Denis Lapalme.

Certains projets peuvent aussi s’accompagner d’une opposition des populations locales. C’est pourquoi il est essentiel de «répondre aux préoccupations et de garantir une participation significative des communautés locales», rappelle Ryan Kilpatrick.

L’éolien extracôtier doit être développé, mais de manière responsable, insiste-t-il, «avec la collaboration entre les différents niveaux de gouvernement et les communautés, les groupes autochtones qui pourraient être impactés».