le Mercredi 16 juillet 2025

Meta bloque les liens vers les sites d’actualités depuis un an au Canada, en réaction à la Loi sur les nouvelles en ligne adoptée en juin 2023. L’entreprise américaine derrière Facebook, Instagram et Threads refuse d’indemniser les médias canadiens pour le partage de leurs contenus sur ses plateformes.

Des utilisateurs ont trouvé plusieurs solutions pour contourner ce blocage. Par conséquent, la situation de Meta sème le doute : les nouvelles canadiennes sont-elles encore disponibles sur ses plateformes?

Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) avait donné jusqu’à la fin octobre à Meta pour répondre à la question. 

Selon des informations de la Presse canadienne, la société refuse de fournir toutes les réponses que le CRTC souhaite avoir et qui lui permettraient de déterminer si c’est le cas. Meta invoque la protection d’informations confidentielles.

Les conséquences du blocage sur les journaux

Un an après le blocage de leurs nouvelles par Meta, les journaux francophones disaient avoir accusé le coup.

Réductions drastiques de visites sur leur site, cessation d’ententes financières, perte d’échanges avec le lectorat, plusieurs conséquences ont contraint les médias francophones communautaires, qui sont souvent une source essentielle d’informations dans leur région, à chercher des façons de relancer ces éléments essentiels de leur fonctionnement.

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Patrimoine canadien souhaite savoir si Meta partage des nouvelles en ligne, par rapport à la loi adoptée l’an dernier. 

Photo Marianne Dépelteau – Francopresse

Stratégie d’intimidation, selon Patrimoine canadien

Le CRTC, qui met en œuvre la Loi, presse Meta depuis la fin octobre.

Dans un courriel à Francopresse, les communications du CRTC offrent peu de détails : «Nous travaillons à déterminer les prochaines étapes en évaluant la demande de confidentialité de Meta.»

Le porte-parole de Patrimoine canadien remet au CRTC le soin de se pencher sur la question. 

Par courriel, il indique : «La Loi sur les nouvelles en ligne pourrait toujours s’appliquer à Meta, et ce sera au CRTC de le déterminer. Facebook engrange des milliards de dollars grâce à la publicité, rien qu’au Canada, mais malheureusement, la stratégie adoptée par Meta est de tenter d’intimider les Canadiennes et Canadiens plutôt que de contribuer à un écosystème sain de l’information.»

Irritée par le manque d’informations de Meta, la ministre Pascale St-Onge a réagi, aussi par courriel : «Leur choix irresponsable a été, au Canada et dans le monde entier, de dévaloriser les sources d’information fiables. C’est une erreur et ils devraient se préoccuper des personnes dont ils tirent d’immenses profits.»

Le premier ministre Trudeau s’est entendu avec le chef du NPD, Jagmeet Singh, pour suspendre la TPS sur plusieurs produits d’épicerie et de services. 

Inès Lombardo – Francopresse

CANADA

Le gouvernement libéral et le Nouveau Parti démocratique (NPD) se sont entendus pour suspendre la taxe sur les produits et services (TPS) pendant deux mois au moment des Fêtes de fin d’année. La mesure, annoncée jeudi, cible certains produits alimentaires, plusieurs articles pour enfants comme les couches, les vêtements, les bancs d’auto et les jouets, afin de soulager les familles face à la hausse des prix.

Ottawa prévoit également d’envoyer au printemps des chèques de 250 $ aux Canadiens gagnant moins de 150 000 $ par an.

L’enjeu législatif : Ces mesures couteraient plusieurs milliards de dollars et seront intégrées dans un projet de loi soutenu par le NPD, qui devrait entrer en vigueur le 14 décembre. Malgré une Chambre des communes paralysée, des motions pourraient permettre d’adopter le projet de loi rapidement.

Ce qu’ils disent : En conférence de presse jeudi, le chef conservateur Pierre Poilievre a assuré qu’il s’agissait d’un «autre tout de passepasse» et que son parti offrait une alternative : supprimer la taxe carbone de manière permanente et couper la TPS sur les nouvelles maisons de moins d’un million de dollars.

Pierre Poilievre a assuré qu’il ne «votera pas pour un communiqué de presse», en réaction à la suspension de deux mois de la taxe sur les produits et services annoncés par le NPD et les libéraux, jeudi.

Inès Lombardo – Francopresse

Quelques minutes après, Jagmeet Singh a assuré que le projet de loi sera adopté en une journée. Mais il n’a pas donné de date de dépôt du projet de loi.

Il n’a pas commenté le fait que des chèques de 250 $ iront aussi à des gens plus aisés qui gagnent jusqu’à 150 000 $ par an ou donnée plus de détails à propos des conditions pour lesquelles son parti soutiendrait le gouvernement Trudeau jusqu’au printemps.

Proposé par le Bloc québécois, le projet de loi C-282, qui vise à protéger la gestion de l’offre pour la production laitière lors des négociations commerciales internationales, est actuellement débattu au Sénat.

L’enjeu : Un amendement adopté par un comité parlementaire début novembre fait débat au Sénat. Pour ceux qui défendent ce projet de loi, l’amendement limiterait la protection aux nouveaux traités commerciaux seulement. La gestion de l’offre ne serait pas protégée dans les traités existants susceptibles d’être renégociés.

Ce qu’ils disent : Le Bloc québécois a sorti ses griffes. Son chef, Yves-François Blanchet, a assuré le 7 novembre qu’il s’agissait d’un «coup de poignard» de la part du comité.

En Chambre mercredi, le premier ministre Justin Trudeau a assuré qu’il rejetterait l’amendement.

La ministre de l’ARC, Marie-Claude Bibeau, a assuré que les lanceurs d’alerte «nuisaient» aux efforts de l’ARC pour réduire les fraudes.

Marianne Dépelteau – Francopresse

Des documents confidentiels révèlent que l’Agence du revenu du Canada (ARC) est consciente depuis des mois de failles dans ses systèmes de sécurité, rendant difficile la détection rapide de fraudes majeures.

Un stratagème récemment dévoilé aurait causé des pertes de 100 millions de dollars l’an dernier en exploitant des accès réservés aux professionnels de la fiscalité pour pirater les comptes de contribuables.

Ce qu’elle dit : La ministre du Revenu national, Marie-Claude Bibeau, a avancé en comité parlementaire cette semaine que les lanceurs d’alertes nuisaient aux efforts du ministère pour éviter les fraudes.

«On ne diffuse pas publiquement le mode d’emploi pour frauder le gouvernement. Ça compromet l’intégrité du système, ça compromet les enquêtes qui sont en cours aussi», a-t-elle affirmé, en visant des sources qui se sont confiées aux journalistes de Radio-Canada et de l’émission The Fifth estate, de CBC, sur le sujet.

FRANCOPHONIE

Après plusieurs controverses, notamment une entourant ses prétendues origines autochtones, l’ex-ministre Randy Boissonnault redevient simple député, sur une décision de Justin Trudeau.

Inès Lombardo – Francopresse

Mercredi, le bureau du premier ministre a officiellement annoncé le départ du ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et des Langues officielles, Randy Boissonnault.

De quoi s’agit-il? Plusieurs controverses ont forcé le départ du ministre : l’incertitude autour de ses racines autochtones – qu’il aurait utilisées pour obtenir des contrats gouvernementaux –, une affaire de conflit d’intérêts et le fait que son entreprise partage une boite postale avec une femme impliquée dans des trafics de drogues.

L’ancienne ministre des Langues officielles, Ginette Petitpas Taylor, reprendra temporairement les portefeuilles de son collègue.

Mardi, tous les partis d’opposition ont adopté une motion contraignant Randy Boissonnault à comparaitre devant le Comité permanent des affaires autochtones et du Nord, lundi prochain.

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À long terme, le Canada perd 35 % de ses immigrants francophones, surtout au Québec et en Ontario, selon un rapport du Conference Board du Canada publié mardi.

De quoi parle-t-on? L’étude, commandée par l’Institut pour la citoyenneté canadienne, constate que les immigrants sont plus susceptibles de quitter le Canada entre trois et sept ans après leur arrivée. Chez les francophones, les deux premières années de résidence permanente sont déterminantes.

Bien que le Québec accueille le plus grand nombre de francophones, il en perd également beaucoup. En Ontario, le phénomène est notable, avec un taux élevé de départs malgré une proportion plus faible d’immigrants francophones s’y installant.

Le rapport recommande notamment d’intégrer dans les politiques d’immigration des objectifs de rétention des nouveaux arrivants.

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En visite sur la Colline le 5 novembre, Francesca Albanese, rapporteuse spéciale de l’Organisation des Nations unies (ONU) sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, n’a pas caché son irritation.

«Il ne m’échappe pas qu’en dépit de l’urgence de la situation actuelle, à quelques exceptions près, les dirigeants politiques de ce pays ont choisi de ne pas me rencontrer ou de retirer leur invitation de discuter de ce qu’il se passe en Palestine», a-t-elle lancé en conférence de presse.

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Invitations retirées

La rapporteuse spéciale a demandé une réunion avec la ministre Mélanie Joly. Elle devait finalement rencontrer des fonctionnaires du ministère Affaires mondiales, mais cette rencontre a été annulée une semaine avant, «en raison d’autres engagements», rapporte par écrit à Francopresse le secrétariat de Francesca Albanese.

Ni la ministre d’Affaires mondiales Canada, Mélanie Joly, ni aucun membre de son ministère n’a rencontré la rapporteuse spéciale de l’ONU sur les territoires palestiniens occupés, Francesca Albanese, en visite au Canada début novembre. 

Photo : Inès Lombardo – Francopresse

En mêlée de presse avec Francopresse le 6 novembre, Mélanie Joly a nié l’existence d’un tel rendez-vous.

Lors d’une réunion à huis clos du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, actuellement chargé d’examiner comment le Canada peut reconnaitre l’État palestinien, il a également été décidé que la rapporteuse ne serait finalement pas invitée à témoigner, alors que c’était prévu, selon un greffier du comité interrogé par le Toronto Star.

Selon le prédécesseur de la rapporteuse de l’ONU, le Canadien Michael Lynk, rien n’oblige le bureau de la ministre à rencontrer la rapporteuse spéciale. «Je pense que [l’annulation de la rencontre] vient probablement de la pression exercée par le lobby israélien pour qu’ils ne la rencontrent pas.»

Le 28 octobre, le Centre consultatif des relations juives et israéliennes a demandé au gouvernement du Canada de «dénoncer et condamner clairement les actions et déclarations d’Albanese, et veiller à ce que la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, et l’ambassadeur Bob Rae fassent écho à cette condamnation». Il exigeait aussi qu’aucun fonctionnaire ne la rencontre.

Devant la demande de la rapporteuse spéciale de cesser les exportations d’armes et d’équipements militaires à Israël, Mélanie Joly a répondu : «J’ai vu dans les médias qu’elle avait demandé plusieurs choses au Canada qu’on fait déjà. Alors clairement, elle n’est pas au courant de nos positions.»

Francesca Albanese a dénoncé dans son rapport «une campagne orchestrée intentionnellement au niveau de l’État [israélien] pour provoquer systématiquement le déplacement forcé et le remplacement à long terme des Palestiniens». 

Photo : Inès Lombardo – Francopresse

Demande de cesser des transactions avec Israël

Francesca Albanese était en visite au pays pour demander au gouvernement canadien de faire un audit de ses relations militaires, économiques et politiques avec Israël.

Elle a insisté sur l’arrêt immédiat des envois d’armes à Israël. Cette demande découle d’une ordonnance contraignante de la Cour internationale de justice du 26 janvier 2024.

En conférence de presse le 5 novembre, la rapporteuse spéciale a pourtant soutenu que ces transferts avaient encore lieu. «On risque d’être complices de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité», a-t-elle fait valoir.

Francesca Albanese demande aussi au Canada de faire preuve de transparence concernant ses tractations avec Israël et la révision de l’Accord de libre-échange entre les deux pays.

«Ce n’est pas moi qui le demande, c’est le droit international qui l’exige», a-t-elle souligné, en référence à une autre décision de la Cour internationale de justice du 19 juillet dernier, qui a déclaré que l’occupation de la Palestine par Israël était «illégale».

Mandat d’arrêt international

Lors de son passage, elle a également insisté sur le fait qu’Israël était en train de commettre «un génocide colonial diffusé en direct» envers les Palestiniens.

Devant l’ONU en septembre, le premier ministre israélien, Benjamin Nétanyahou, soutenait que le pays mettait «tout en œuvre» pour réduire le nombre de victimes civiles.

Le premier ministre d’Israël, Benjamin Nétanyahou, fait l’objet d’un mandat d’arrêt international, pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. 

Photo : U.S. Air Force Staff Sgt. Jack Sanders – U.S. Secretary of Defense – Creative Commons Attribution 2.0

Toutefois, la Cour pénale internationale (CPI) a lancé le 21 novembre un mandat d’arrêt contre lui et son ancien ministre de la Défense, Yoav Gallant, et contre un responsable du Hamas, Mohammed Diab Ibrahim Al-Masri, pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.

La CPI affirme que MM. Nétanyahou et Gallant «portent également la responsabilité pénale en tant que dirigeants civils du crime de guerre consistant à diriger intentionnellement une attaque contre la population civile».

Les deux hommes ne peuvent se déplacer dans aucun des 124 États membres de la CPI, sous peine d’être arrêtés.

Israël a dénoncé un jugement «antisémite» et rejette, avec Washington, le mandat de la CPI.

Un rapport de l’ONU dénonce les «horreurs» en Palestine

Francesca Albanese était aussi en visite au Canada pour présenter son dernier rapport sur «la destruction systématique de Gaza».

Ce dernier recense qu’en mars 2024, «Israël a tué 10 037 Palestiniens et en a blessé 21 767 lors d’au moins 93 massacres, ce qui porte le bilan à près de 42 000 et 96 000 respectivement, bien que les chiffres provenant de sources fiables soient incomplets et puissent sous-estimer l’ampleur des pertes».

L’Afrique du Sud a accusé Israël devant la Cour internationale de Justice (CIJ) de ne pas respecter la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948.

La Convention définit le «génocide» comme un «certain nombre d’actes commis dans l’intention de détruire, intégralement ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux tels que : le meurtre de membres du groupe; l’atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe; la soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entrainer sa destruction physique totale ou partielle; l’application des mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe; et le transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe».

Le Canada enfreint les lois internationales

«Le Canada a des obligations claires en matière de droit international envers le peuple palestinien», a rappelé Francesca Albanese.

Selon Michael Lynk, le Canada violait les lois internationales «avant même» la décision rendue en juillet par la Cour internationale de Justice, qui a déclaré l’occupation israélienne illégale.

Michael Lynk rappelle que le Conseil de sécurité de l’ONU avait déjà déclaré, en 1980 et en 2016, que les États membres devaient différencier leurs relations commerciales entre Israël et les colonies israéliennes.

Le Canada ne devait pas permettre que les produits et les services provenant des colonies [israéliennes en Palestine] entrent au pays. Il ne devait pas [non plus] permettre aux associations caritatives ou à des individus d’envoyer de l’argent aux colonies israéliennes.

— Michael Lynk

Si le pays a récemment pris des mesures pour retirer la désignation d’organisme de bienfaisance au Fonds national juif – ce dernier a fait appel de la décision du gouvernement –, il autorise toujours ce Fonds à envoyer de l’argent dans les colonies.

Loi «douce» et poursuite contre le ministre de la Justice

«Hélas, il n’y a pas vraiment de conséquences quand un pays viole les lois internationales», observe Michael Lynk.

Le droit international n’a pas d’armée ni de police.

— Michael Lynk

«À moins que d’autres pays ne décident de prendre des mesures contre le Canada ou qu’il y ait une action au sein du pays, par le biais de tribunaux qui déclarent que la politique du Canada viole ses obligations internationales, il n’y a vraiment aucune conséquence juridique ou politique pour le Canada.»

Il assure toutefois que la loi internationale reste utile, car elle peut «et doit» être une cible commune entre les peuples. «C’est probablement le moyen le plus efficace. Le public ou des journalistes courageux tentent de faire honte au gouvernement pour qu’il obéisse à ce qu’il a promis d’obéir.»

Au lendemain de l’intervention à Ottawa de la rapporteuse spéciale de l’ONU pour les territoires palestiniens, la Coalition pour la responsabilité du Canada à Gaza a annoncé poursuivre le ministre fédéral de la Justice, Arif Virani, devant la Cour fédérale.

Selon la Coalition, le ministère a manqué à ses obligations au regard des lois internationales en ce qui a trait à l’accueil de réfugiés Canadiens-Palestiniens et la réunification avec leur famille à Gaza.

L’immigration n’est pas l’unique solution pour rétablir le poids démographique des communautés francophones en situation minoritaire (CFSM), a admis le ministre fédéral de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, Marc Miller, devant le Comité permanent des langues officielles du Sénat, le 5 novembre.

Cette déclaration rejoint celle de deux chercheurs qui, quelques jours auparavant, signaient deux textes dans La Conversation : «L’immigration seule ne rétablira pas le poids démographique des francophones hors Québec» et «Hors Québec, le français a reculé partout au Canada depuis 1971. Quelles stratégies adopter?»

Selon eux, uniquement compter sur l’immigration pour rétablir le poids démographique relève d’une «approche simpliste».

À lire aussi : Marc Miller : «La cible de 10 % d’immigrants francophones, c’est beaucoup demander à mon ministère»

Un calcul défavorable

«Il faut penser le poids démographique en fonction des communautés qu’on est en train de construire», selon Éric Forgues.

Photo : Courtoisie

«On voudrait rétablir le poids au niveau de 1971. On commence à intervenir dans le domaine de l’immigration au début des années 2000, donc 30 ans après. Avant, il n’y avait pas vraiment de stratégie en immigration francophone», explique l’un des deux chercheurs, le professeur de sociologie de l’Université de Moncton, Éric Forgues.

«Il y a un retard, poursuit-il. Dans son rapport, le commissaire [aux langues officielles] chiffre le retard à environ 6000 immigrants francophones par année» qu’il aurait fallu admettre.

Ce retard engendre de lourdes conséquences. Le poids démographique des CFSM est passé de 6,0 % en 1971 à 3,3 % en 2021, selon Statistique Canada.

En 2003, le gouvernement a fixé une cible d’immigration francophone à l’extérieur du Québec de 4,4 %. Il aura fallu 20 ans pour atteindre cette cible. Elle est désormais fixée à 6 % pour 2024, à 8,5 % pour 2025, à 9,5 % pour 2026 et à 10 % pour 2027.

Or, ces objectifs ne permettent pas de suivre l’augmentation de l’immigration anglophone et allophone.

«Il faut s’assurer qu’on calcule tout ça de la bonne manière, parce que le recul du poids démographique [francophone] peut aussi être lié à l’augmentation plus rapide de la population d’expression anglaise», explique la présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA), Liane Roy.

«C’est pour ça qu’on a toujours dit qu’on voulait jusqu’à 10, 12, jusqu’à 20 % d’immigration francophone», insiste-t-elle.

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«Vision incomplète de l’immigration»

Le poids démographique des CFSM dépasse les chiffres, selon Éric Forgues, met en garde contre une «logique strictement statistique» de l’immigration.

«Je pense toujours à ces questions en fonction du “faire société” […]. Il faut réfléchir à comment on bâtit des sociétés, des communautés. Si on perd de vue que la priorité est la vitalité des communautés, on risque de tomber dans une vision incomplète de l’immigration», prévient-il.

Pour lui, il doit y avoir une intégration des nouveaux arrivants francophones aux CFSM.

Le poids démographique des CFSM est souvent mesuré en fonction de la connaissance du français, fait remarquer le sociologue. Mais ce qui l’intéresse, «c’est de voir jusqu’à quel point ces gens-là qu’on dénombre participent à la vie en français, dans les communautés francophones, participent au “faire société” en français».

À lire aussi : Immigration francophone : bien s’outiller pour un meilleur accueil

Josée Guignard Noël rappelle que les services anglophones sont parfois plus attrayants que ceux offerts en français, expliquant le choix de faire sa vie en anglais.

Photo : Courtoisie

Cette intégration ne repose pas uniquement sur les épaules des personnes immigrantes. Il faut que les institutions nécessaires soient présentes et attrayantes, prévient-il.

«On parle de désir d’intégration, mais il faut donner le choix à ces personnes-là», avance l’agente de recherche à l’Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques et coautrice des textes parus dans La Conversation, Josée Guignard Noël. 

Au Canada, il arrive que des personnes immigrantes francophones, comptées dans la cible d’immigration francophone, se tournent éventuellement vers le monde anglophone.

La chercheuse prend l’exemple du choix que font les parents, qu’ils soient nouveaux arrivants ou non, lorsque vient le temps d’inscrire leurs enfants à l’école. Plusieurs facteurs jouent dans leur décision.

«Il y a la distance, il y a le fait que parfois les écoles françaises n’offrent pas les activités ou ne sont pas équivalentes aux écoles anglaises» qui peuvent expliquer le choix de certains parents.

Un enjeu de rétention, aussi

Selon un récent rapport du Conference Board du Canada, le Canada perd à long terme 35 % de ses immigrants francophones. Ce problème de rétention est particulièrement fort en Ontario.

Renforcer les services

Le désir de s’intégrer est «influencé par tout un environnement», qui est composé de services et d’organismes «plus ou moins bien développés selon les communautés, selon les provinces», explique Éric Forgues.

Liane Roy donne raison aux auteurs des textes parus dans La Conversation, qui «rejoignent beaucoup le discours de la FCFA».

Photo : Courtoisie

Selon Liane Roy, pour rétablir le poids démographique, les services d’accueil sont aussi importants que l’augmentation de l’immigration.

«Pour nous, ce qui compte, c’est vraiment de créer des conditions du vivre ensemble en français», ajoute-t-elle. Mais ces conditions nécessitent des services et des activités pour lesquels il faut des «entités fortes» en mesure de les offrir. 

Un champ de bataille clé de la FCFA est celui de la petite enfance. La présidente explique que sans des services francophones dans ce domaine, «c’est très difficile de revenir pour les écoles en français par la suite».

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Il faut aussi revitaliser les communautés

En plus de l’immigration francophone, Éric Forgues propose de se pencher sur la revitalisation des communautés francophones devenues très «anglicisées». «On travaille beaucoup avec les convaincus», plutôt que de viser les francophones anglicisés, remarque-t-il.

Chezzetcook, en Nouvelle-Écosse, en est un bel exemple, dit-il. Dans un livre de 1991, le chercheur Ronald Labelle disait craindre la disparition du français dans cette communauté (p.86)

«Ce qui est arrivé, en fait, c’est une petite revitalisation linguistique. Une école a été construite, il y a eu un musée qui racontait la petite histoire de la communauté acadienne», rapporte Éric Forgues.

Les Acadiens de Chezzetcook ont ainsi redécouvert leur culture, leur histoire et leur langue et ont commencé à envoyer leurs enfants à l’école francophone, poursuit Éric Forgues.

«Il faudrait essayer de repérer ces zones-là, où il y a un potentiel, une histoire, une mémoire francophone, acadienne, mais où il y a eu une forte anglicisation. […] Ça se fait du côté des communautés autochtones. On n’en parle pas beaucoup du côté des communautés francophones, mais il y aurait peut-être un beau chantier à faire.»

«Le premier ministre et le député Randy Boissonnault ont convenu que M. Boissonnault se retirerait du Conseil des ministres à compter de maintenant. M. Boissonnault se concentrera à faire la lumière sur les allégations à son encontre», a déclaré le premier ministre Justin Trudeau, par écrit.

La ministre des Anciens Combattants, Ginette Petitpas Taylor, reprend temporairement son ancien portefeuille, en attendant une nouvelle nomination. 

Photo : Inès Lombardo – Francopresse

Le message du bureau du premier ministre est court et concis. Après trois jours d’attaques et de demandes de démissions provenant du Nouveau Parti démocratique (NPD) et des conservateurs, le député d’Edmonton–Centre a dû démissionner de son rôle de ministre.

La veille, le 19 novembre, une motion a été votée en Chambre pour contraindre Randy Boissonnault à témoigner sur les accusations portées contre lui au Comité permanent des affaires autochtones et du Nord.

C’est l’ancienne ministre des Langues officielles, Ginette Petitpas Taylor, actuellement ministre des Anciens Combattants et ministre associée de la Défense nationale, qui va reprendre temporairement les portefeuilles de son collègue, qui redevient simple député.

À lire aussi : Le rôle du ministre des Langues officielles dans l’immigration francophone

Trois controverses

La démission de Randy Boissonnault fait suite à plusieurs controverses. Celle qui fait le plus scandale concerne le fait qu’il se serait servi de ses prétendues racines autochtones lorsque son entreprise de fournitures médicales Global Health Imports, dont il était copropriétaire, a voulu obtenir des contrats gouvernementaux. 

L’entreprise aurait ainsi pu avoir accès aux  5 % de fonds réservés pour des entreprises autochtones.

En 2018, lors d’un comité parlementaire, l’ex-ministre s’est décrit comme un «Cri adopté sans statut de l’Alberta». Cette dernière a toutefois été remise en question depuis.

La semaine avant sa démission, il avait également assuré en conférence de presse «qu’aucun contrat n’avait été accordé» à son entreprise sous cette condition. «J’ai été adopté par une famille autochtone. Je n’ai jamais revendiqué le statut d’Autochtone.»

Je n’ai pas été aussi clair que ce que j’aurais pu être. Je m’en excuse

— Randy Boissonnault

Randy Boissonnault avait tenté de s’expliquer sur X le 8 novembre.

Image : X/Randy Boissonnault

Conflits d’intérêts

Autre controverse : l’ex-ministre est également englué dans une histoire de conflits d’intérêts et d’éthique. Il aurait poursuivi des activités commerciales avec la même entreprise alors qu’il était ministre, ce qui est interdit par la loi.

En comité cet été, son ancien partenaire d’affaires, Stephen Anderson, avait tenté d’expliquer au Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique que s’il y avait neuf références à un certain «Randy» dans des messages découverts sur ce sujet, c’était dû à son autocorrecteur.

Stephen Anderson avait aussi admis avoir menti quelques semaines plus tôt, quand il avait assuré qu’il y avait un autre «Randy» au sein de l’entreprise pour justifier la présence du prénom du ministre dans les messages.

Un troisième scandale a achevé le passage de Randy Boissonnault au Cabinet Trudeau : le National Post a révélé que son entreprise partageait la même boite postale qu’une femme arrêtée pour deux affaires de drogues.

C’est le député ​​néodémocrate Blake Desjarlais, d’origine métisse, qui a commencé par  demandé sa démission. Il a été suivi en Chambre par les conservateurs, qui ont jonglé avec ces trois affaires pour demander son départ.

Avec les informations de Marianne Dépelteau, Marine Ernoult et Inès Lombardo.

Le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP), qui représente 55 000 membres, a déclenché une grève nationale le 15 novembre. L’employeur a imposé un lockout plus tard le même jour.

Le STTP demande, entre autres, des hausses salariales correspondant au taux d’inflation, de meilleures conditions de travail, plus de jours de congé payés pour des raisons médicales et personnelles ainsi que la fin du recours à la sous-traitance.

À lire aussi : 41 % des francophones sont en situation financière précaire

Des pertes importantes

La société d’État perd de l’argent depuis plusieurs années. Selon son rapport financier de 2023, Postes Canada a enregistré une perte avant impôt de 748 millions de dollars en 2023, comparativement à 548 millions en 2022.

Le volume de courrier est passé de 5,5 milliards de lettres en 2006 à 2,2 en 2023, alors que le nombre de foyers était plutôt en augmentation.

La livraison de colis n’est pas une planche de salut. Postes Canada fait face à la concurrence d’entreprises privées. Si bien que ses parts de marché sont passées de 62 % avant la pandémie à 29 % en 2023.

Des communautés dépendantes

«Nos communautés sont dépendantes de plusieurs services offerts par Postes Canada, alors il est clair que cette grève a des répercussions au sein de nos communautés», commente par écrit la Fédération franco-ténoise (FFT), dans les Territoires du Nord-Ouest.

La ville de Moosonee, située sur la côte de la Baie James, dans le nord de l’Ontario, dépend de Postes Canada pour la réception de son courrier et de ses colis. 

Photo : Pixabay

«[…] nous comprenons les revendications des employés grévistes et espérons que des solutions seront trouvées rapidement afin que les choses puissent revenir à la normale au plus tôt.»

Dans la ville de Moosonee, située sur la côte de la Baie James dans le nord de l’Ontario, la grève inquiète les habitants. «Postes Canada est un lien vital avec le reste du pays, c’est le seul moyen dont nous disposons pour recevoir notre courrier et nos colis», souligne le conseiller municipal Savion Nakogee.

La société d’État est en effet la seule compagnie à desservir cette communauté de plus de 1500 habitants, accessible uniquement en train ou en avion. «Postes Canada nous permet d’obtenir des services et des biens de base, car nous n’avons pas de Walmart ou de Canadian Tire ici», affirme l’élu.

En l’absence de services postaux, les habitants seront obligés d’aller faire leurs achats à l’extérieur de la ville et «de débourser plusieurs centaines de dollars pour prendre le train ou l’avion», assure-t-il.

Le bureau de poste en région rurale : un «centre communautaire»

En avril 2024, le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires a examiné des questions liées au service postal dans les collectivités rurales et éloignées du Canada.

«Le bureau de poste rural est un centre communautaire, ce n’est pas seulement un endroit où les gens prennent leur courrier : c’est aussi un endroit où ils se rassemblent pour parler», avait alors rappelé la présidente nationale du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, Jan Simpson.

«Dans de nombreuses régions du pays, personne ne connait mieux sa collectivité que les travailleurs des postes.»

Le président national de l’Association canadienne des maîtres de poste et adjoints, Dwayne Jones, avait pour sa part souligné le rôle crucial du service postal dans la livraison de médicaments, de fournitures médicales ou encore de denrées alimentaires dans ces communautés.

«Dans les régions rurales du Canada, les options pour envoyer et recevoir les produits de première nécessité sont beaucoup plus limitées.»

La grève bouleverse également les activités de certains organismes communautaires en ville, comme La Boussole, à Vancouver, en Colombie-Britannique. Elle pénalise notamment les bénéficiaires en attente de documents importants liés aux services sociaux, «qui peuvent changer de façon significative leur situation précaire», alerte la directrice des opérations, Nathalie Astruc.

La banque alimentaire de l’association n’est cependant pas directement affectée, car les fournisseurs sont locaux et ne dépendent pas de Postes Canada.

À lire aussi : Le nouveau bureau de poste d’Iqaluit connait des ratés (Le Nunavoix)

La distribution des journaux perturbée

Certains journaux communautaires s’inquiètent aussi des conséquences de la grève sur la distribution de leurs éditions.

«Ça va avoir un impact sur les personnes qui sont abonnées au format papier de notre journal. Mais notre journal restera disponible dans la plupart des points de distribution habituels, dans les écoles et dans les bibliothèques», nuance la directrice et rédactrice en chef de l’Aurore boréale, Maryne Dumaine, au Yukon.

Au Yukon, Maryne Dumaine assure que le journal l’Aurore boréale restera disponible dans la plupart des points de distribution habituels, dans les écoles et dans les bibliothèques. 

Photo : Christian Kuntz

En Nouvelle-Écosse, les conséquences de la grève se font déjà ressentir. «On est pas mal dans le trouble, car sans Postes Canada, on n’est pas en mesure de distribuer notre journal comme d’habitude», confie de son côté le rédacteur en chef du Courrier de la Nouvelle-Écosse, Jean-Philippe Giroux.

L’édition de la semaine dernière est prête, mais attend chez l’imprimeur la reprise des services de poste. «Si d’ici jeudi la grève se poursuit, on va fort probablement mettre de côté le montage du journal papier du 29 novembre et mettre notre énergie dans des infolettres», complète-t-il.

Son équipe avait aussi travaillé sur une revue d’affaires, Avant garde, dont la première édition devait être distribuée ce mois-ci. Cela devra attendre.

«On va réévaluer au jour le jour et bien évidemment, nous n’avons pas d’alternative. C’est embêtant pour nos lecteurs, mais aussi du point de vue client, car nous allons perdre des revenus publicitaires si la situation perdure, reconnait le directeur du Courrier de la Nouvelle-Écosse, Nicolas Jean. On croise les doigts pour que la situation trouve une résolution dès que possible.»

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Pas d’arbitrage en vue?

Francis Drouin, député de la circonscription rurale de Glengarry–Prescott–Russell, en Ontario, se veut quant à lui confiant. Il croit que Postes Canada et le syndicat parviendront à une entente. «Je les encourage à retourner à la table.»

Il admet toutefois que «certains délais» pourraient se faire ressentir. «Mais quand une grève perdure, c’est là que les impacts sont beaucoup plus grands.»

En Nouvelle-Écosse, Jean-Philippe Giroux n’est plus en mesure de distribuer son journal comme d’habitude. 

Photo : Julien Cayouette – Francopresse

«La plupart des gens ont fait la conversion en ligne pour recevoir leur courrier même si, je dois l’admettre, la connexion Internet peut être mauvaise ici», concède le député.

L’élu estime que le retour forcé au travail – comme cela a été le cas la semaine dernière dans les ports de Montréal et Vancouver après l’arbitrage du ministre fédéral du Travail, Steven MacKinnon – ne devrait pas être dans les cartons.

«Pour Postes Canada, l’enjeu est important, mais pas au point où est-ce que l’économie serait complètement en danger s’il y a quelques arrêts.»

D’après lui, l’autre différence entre les deux grèves repose sur le fait que l’arbitrage a été nécessaire pour les ports, car «on savait que les deux parties ne s’entendraient pas». Francis Drouin ne voit pas les mêmes signaux d’impasse dans le cas de ce conflit de travail.

Le retour de Trump au pouvoir s’impose comme une nouvelle pierre à l’édifice d’un discours populiste sans filtre qui brouille toujours plus les lignes entre le débat d’idées et la division des sociétés.

Cette victoire, bien qu’annoncée par certaines personnes, porte un poids symbolique énorme. Elle confirme que des millions de gens adhèrent encore à cette vision d’un monde où le populisme et la peur dominent.

Et si ce choix appartient aux États-Unis, ses conséquences, elles, ne s’arrêtent pas à leurs frontières.

Un pas en avant, deux pas en arrière

Trump, avec son style abrasif et son mépris pour le politiquement correct, incarne une libération des paroles rétrogrades envers les femmes, les minorités et les communautés 2SLGBTQIA+. La question, maintenant, est de savoir à quel point cette «décomplexion» influence les discours au Canada.

Regardons les provinces : au Nouveau-Brunswick la population a rejeté le premier ministre conservateur Blaine Higgs et ses attaques contre les droits 2SLGBTQIA+, lors des dernières élections provinciales.

Pendant ce temps, en Alberta, la première ministre Danielle Smith semble emprunter une voie conservatrice plus assumée, sorte d’écho canadien aux idées trumpiennes.

Ces contradictions reflètent un pays divisé, où chaque province semble réagir différemment aux vagues populistes venant du Sud. Un pays qui, à force de marcher sur une corde raide entre progressisme et conservatisme, risque de perdre l’équilibre sous l’influence des vents venus d’ailleurs.

À lire : Les minorités canadiennes et l’élection de Donald Trump

Des droits reproductifs préservés?

Comparons. Aux États-Unis, le coup de massue de la révocation de Roe c. Wade a laissé des cicatrices vives, remettant brutalement en question le droit à l’avortement.

Ici, au Canada, le silence sur cette question pourrait presque sembler rassurant. Même en Alberta, où les conservateurs dominent, aucun recul tangible sur l’accès à l’avortement n’a été noté.

Mais la tranquillité est-elle synonyme de sécurité? Avec la montée en puissance de candidat·es pro-vie au sein du Parti conservateur du Canada, faut-il s’attendre à ce que les étincelles américaines enflamment un jour notre paysage? Si la justice canadienne reste un rempart, elle ne protège pas les discours qui pourraient changer l’opinion publique.

Ainsi, si le Canada semble, pour l’instant, épargné par les bouleversements observés aux États-Unis. Il serait naïf de croire que nous sommes à l’abri. Les discours évoluent, les mentalités aussi.

Et dans un monde où les idées traversent les frontières plus rapidement que jamais, il est essentiel de rester vigilant·es et de défendre activement les droits acquis, sans jamais les considérer comme définitivement acquis.

Des groupes viennent manifester périodiquement à Ottawa pour demander plus de protection pour le droit à l’avortement au Canada. 

Photo : Inès Lombardo – Francopresse

À lire : Le droit à l’avortement n’est «jamais acquis» au Canada

Une menace silencieuse

En parallèle à ces bouleversements politiques, un autre phénomène inquiétant prend de l’ampleur : la montée des discours masculinistes. Ces idées, souvent véhiculées en ligne, valorisent une vision toxique de la masculinité et rejettent l’égalité des genres, transformant le débat public en champ de bataille idéologique.

La semaine dernière, l’influenceur d’extrême droite Nick Fuentes a enflammé les réseaux sociaux en détournant le slogan féministe «My Body, My Choice» pour déclarer : «Your body, my choice. Forever.»

Ce message, perçu comme une attaque directe contre l’autonomie corporelle des femmes, illustre la manière dont ces mouvements cherchent à détourner des acquis progressistes pour imposer une domination symbolique.

Aux États-Unis, ce slogan devient une arme de propagande masculiniste, alimentée par un climat culturel où la réélection de Trump semble donner une légitimité supplémentaire à ces idées rétrogrades.

Amplifiés par les réseaux sociaux, ces discours séduisent certains groupes au Canada, menaçant de fragiliser les avancées féministes. Si nous laissons ces idées proliférer sans les confronter, c’est non seulement l’égalité des genres qui est en jeu, mais aussi les fondements mêmes d’une société basée sur le respect et la justice.

À lire : 2022 : l’heure du bilan féministe

Un miroir américain

Le Canada, avec ses systèmes politiques et juridiques distincts, résiste peut-être bien aux influences idéologiques venues du Sud. Cependant, les discours de Trump trouvent des échos, parfois subtils, dans nos débats nationaux.

Alors, que faire face à cette ombre qui s’étend? Résister aux influences américaines demande plus qu’une indignation passagère. Il faut reconnaitre nos propres failles, nos propres contradictions.

Le Canada se vante d’être une société ouverte, mais il ne peut ignorer ses divisions internes, ses tensions politiques et l’impact de discours populistes qui s’y insinuent.

La réélection de Trump est un rappel brutal : les idéologies ne respectent pas les frontières. Si nous voulons défendre les valeurs progressistes que nous proclamons, il nous faut plus que des mots. Il nous faut des actions concrètes pour protéger les droits acquis et repousser les discours de haine, chez nous comme ailleurs.

Originaire de Belgique, Julie Gillet est titulaire d’une maitrise en journalisme. Militante éprise de justice sociale, voici près de quinze ans qu’elle travaille dans le secteur communautaire francophone et s’intéresse aux questions d’égalité entre les genres. Elle tire la force de son engagement dans la convergence des luttes féministes, environnementales et antiracistes. Elle vit aujourd’hui à Moncton, au Nouveau-Brunswick.

Situation financière et familiale, genre, origine ethnique, intégration à sa communauté et plus encore… Lorsqu’il est question de santé mentale, beaucoup de circonstances influencent les expériences de chacun. Une variable reste souvent oubliée dans les études canadiennes : la langue.

En 2017, la Commission de la Santé mentale du Canada (CSMC) estimait que près de 1,2 million d’enfants et adolescents au Canada souffraient de troubles de santé mentale, un chiffre qui atteignait 7,5 millions à l’âge de 25 ans, soit environ un Canadien sur cinq.

Selon de nouvelles données de Statistiques Canada, le problème semble s’être détérioré ces dernières années à la suite, entre autres, de la pandémie. Ainsi, parmi les jeunes qui estimaient que leur santé mentale était «bonne» ou dans un meilleur état en 2019, 20 % n’étaient plus de cet avis en 2023.

Antoine Désilet rappelle qu’il faut des données pour agir efficacement en santé. 

Photo : Courtoisie

Des données fragmentées

«Il y a une croissance importante de problèmes de santé mentale pour la population générale. On peut donc supposer que si c’est vrai, ça l’est tout autant pour les francophones… Mais nous n’avons pas de donnée pour prouver ça. Il y a un grave manque», explique le directeur général de la Société Santé en français (SSF), Antoine Désilets. «On ne peut pas améliorer ce qu’on ne peut pas mesurer.»

Un constat partagé par des chercheurs lors de la présentation d’un bilan de la recherche sur la santé des communautés en situation minoritaire, le 3 octobre dernier, à l’Université d’Ottawa.

«Les données que nous avons nous indiquent des tendances. Mais, pour être capable de faire une analyse plus approfondie de l’état de santé mentale des jeunes francophones, il faudrait qu’on ait des enquêtes sur les jeunes dans toutes les provinces», précise Louise Bouchard, professeure émérite et titulaire de la chaire de recherche de l’Université d’Ottawa et de l’Institut du Savoir Monfort sur la santé des francophones de l’Ontario.

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Un état des lieux incertain

Or,​​ Statistique Canada s’est récemment attelé au défi d’établir un portrait plus complet de la santé mentale et l’accès au soin des jeunes Canadiens et Canadiennes lors d’une grande enquête, publiée en 2022. Mais dans leur formulaire de près de 700 questions, l’agence n’a collecté aucune donnée linguistique.

Contactée par Francopresse, l’agence fédérale a calculé des données sur mesure à partir d’un sous-échantillon de l’Enquête canadienne sur la santé des enfants et des jeunes de 2023. Selon ces résultats, les jeunes francophones hors Québec auraient aussi vu leur santé mentale se détériorer. Entre 2019 et 2023, ils seraient 12 % plus nombreux à estimer leur santé mentale comme passable ou mauvaise.

Louise Bouchard, lors de la conférence sur l’état des lieux de 10 ans de recherche sur la santé des communautés francophones minoritaires. 

Photo : Clémence Labasse – Francopresse

Mais, selon ces estimations, ce groupe aurait tout de même une meilleure santé mentale autodéclarée que le reste de la population. Les chiffres doivent donc être considérés avec prudence : «Habituellement, les enquêtes de santé plus générales sur la santé ne sont pas développées pour des estimations de qualité pour des sous-populations très spécifiques», explique la directrice adjointe du Centre de données sur la santé de la population de Statistique Canada, Isabelle Lévesque.

«C’est un défi quand on n’a pas assez d’échantillons. Il y a des choses qu’on ne peut pas produire.»

Ce constat va, par exemple, à l’encontre des conclusions d’une étude de 2021, qui relevait que les élèves  en situation largement minoritaire au Nouveau-Brunswick étaient plus en proie aux symptômes de l’anxiété ou de la dépression que leurs pairs anglophones ou francophones majoritaires dans la province.

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L’identité francophone, une lame à double tranchant

La recherche prouve qu’un fort sentiment d’appartenance à sa communauté ethnolinguistique a un impact positif sur le sentiment de satisfaction de la vie et sur le bienêtre. Cependant, en contexte minoritaire, cette appartenance peut se retourner contre l’individu et devenir une source de marginalisation.

«Se sentir infériorisé, se sentir oublié ou insécure dans sa langue, c’est quelque chose qui va expliquer, ou qui peut amplifier les troubles mentaux des individus, souligne Louise Bouchard. En santé des populations, on sait que ce sentiment d’infériorité va se refléter par de mauvais indicateurs de santé et être lié à plus de comportements à risque et des dépendances.»

Une assistante de recherche ayant recueilli les témoignages de jeunes Franco-Albertains sur leurs expériences de vie et leurs santés mentales relate : «Il y a beaucoup de confusion et beaucoup de colère [par rapport à l’identité en tant que minorité francophone]. […O]n veut s’intégrer à un groupe, avoir des amis, mais si on est rejeté parce qu’on parle français, ça devient difficile. Beaucoup avaient honte de parler français à l’extérieur de leur groupe, même si le campus [de Saint-Jean] est francophone.»

De plus, la sensation de perte d’identité et la peur pour l’avenir de la communauté peuvent aussi peser lourd sur l’esprit des jeunes. «La plupart se sentent noyés parce qu’ils sont submergés par l’anglais. On donne de la place à d’autres langues, mais pas à la leur. Si on ne fait pas plus, c’est une langue qui va mourir», déplore l’assistante de recherche, qui n’est pas identifiée dans le compte rendu.

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Une conférence à l’Université d’Ottawa sur la santé des francophones en milieu minoritaire est revenue sur les 20 dernières années en recherche le 3 octobre. 

Photo : Clémence Labasse – Francopresse

L’accès au soin, un enjeu

Une autre source de vulnérabilité pour les jeunes en situation minoritaire réside dans leur accès à des soins de qualité dans leur langue.

La SSF estime que les deux tiers des francophones à l’extérieur du Québec n’ont pas un accès adéquat à des services de santé dans leur langue. «On parle ici de tous services confondus, or on sait qu’en santé mentale, il y a des pénuries un peu plus importantes», commente Antoine Désilets.

Ce constat est particulièrement troublant. Si les jeunes sont un groupe très touché par les problèmes psychologiques, c’est aussi le tranchant de la population qui, en général, a le moins recours à de l’aide professionnelle.

«La santé mentale est un secteur où la communication est un moyen de traitement et une stratégie de rétablissement. Ce n’est pas juste de prendre des médicaments. […] La communication est essentielle et les francophones sont défavorisés», insiste Antoine Désilets.

Une situation qui peut conduire à des erreurs de diagnostic plus fréquentes, à un manque de compréhension entre le patient et l’expert et à un taux d’insatisfaction plus grand par rapport aux services de santé mentale pour les minorités linguistiques.

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Raconter l’histoire de William Stephenson n’est pas chose facile. Non seulement parce que l’homme était un espion – un métier où le mensonge, le flou et la duperie se mêlent –, mais aussi parce que plusieurs des biographies les plus populaires à son sujet avancent des affirmations qui ont été contredites, mises en doute ou réfutées. Mission impossible?

Allons-y avec ce que l’on sait.

Première Guerre mondiale

Photo de passeport de l’espion canadien William Stephenson, en 1942. Sa discrétion lui a valu le surnom de «Canadien tranquille». 

Photo : Wikimedia Commons, domaine public.

Ce singulier personnage nait en 1897 à Winnipeg, au Manitoba. Signe prémonitoire de la vie d’espion qui l’attend, Stephenson change de nom alors qu’il est tout jeune enfant.

Né William Samuel Clouston Stanger, fils de William et Sarah Stanger, il perd son père à l’âge de 4 ans. Sa mère, se sentant incapable de s’occuper de lui, le donne en adoption à un couple du nom de Stephenson.

Selon certaines sources, le jeune William n’atteindra pas le secondaire; il abandonne l’école et enchaine les petits boulots, comme celui de livreur de télégrammes.

Puis survient la Première Guerre mondiale. En 1916, William part pour l’Angleterre et devient pilote de l’armée britannique. Il a du talent et se distingue en multipliant les exploits.

À l’hiver 2018, son avion est cependant touché et s’écrase derrière les lignes allemandes. Mais, pour Stephenson, mourir peut attendre. Fait prisonnier, il ne sera relâché qu’en décembre de la même année, soit après la fin du conflit.

William Stephenson reçoit une première distinction, la Croix du service distingué dans l’aviation (Distinguish Flying Cross) de l’Aviation royale britannique.

Après la guerre, il rentre chez lui, au Manitoba, où il mettra sur pied une entreprise d’ouvre-boites qui ne fera pas long feu. Stephenson quitte alors le Canada pour les États-Unis, peut-être pour fuir ses créanciers.

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Bons baisers d’Angleterre

Quelques années plus tard, il réapparait à Londres, où sa vie prendra un virage inattendu. Le pilote de guerre devient un homme d’affaires très prospère. Avec un partenaire, il met au point et fait breveter, en 1924, un dispositif pouvant transmettre des photographies sans fil aux journaux.

Ce succès lui rapporte des redevances de 100 000 livres par année. Stephenson ne s’assoit pas sur ses lauriers pour autant. Il se lance dans de multiples autres entreprises, dans l’acier, la fabrication de postes de radio et même les studios de cinéma.

William Stephenson est millionnaire avant d’atteindre ses 30 ans.

Statue de William Stephenson en costume d’aviateur militaire érigé près d’un boulevard à Winnipeg, son lieu de naissance. 

Photo : Wikimedia Commons, partage dans les mêmes conditions, 4,0 international

Entretemps, il a épousé Mary French Simmons, issue d’une famille aisée du Tennessee œuvrant dans le secteur du tabac. Le couple fréquente les milieux de la haute société londonienne. C’est ainsi que William rencontre un député qui deviendra l’une des plus grandes figures politiques du XXe siècle : Winston Churchill.

Parce qu’il a un pied dans l’industrie de l’acier, William Stephenson a vent des quantités anormales de ce métal qui prennent la direction de l’Allemagne, devenue nazie.

En effet, Hitler s’affaire à réarmer l’Allemagne en cachant d’énormes dépenses militaires, le tout en violation des conditions du Traité de Versailles, qui a mis fin à la Première Guerre mondiale.

Stephenson transmet cette information privilégiée à Churchill et gagne ainsi la confiance du politicien.

Une fois la guerre déclenchée, Churchill, devenu premier ministre, lui confie la direction d’un nouveau bureau britannique à New York : la British Security Coordination (BSC).

Au service secret de Sa Majesté

Officiellement, ce bureau est un simple service de vérification des passeports. Dans les faits, ce sera une vaste opération de contrespionnage et de propagande.

En 1999, Postes Canada a mis en circulation un timbre avec le visage de William Stephenson. 

Photo : Société canadienne des postes, 1999. Reproduit avec permission

À cette époque, les États-Unis ne sont pas encore en guerre, mais le gouvernement britannique veut tout faire pour convaincre l’Oncle Sam de s’engager.

Le bureau est situé dans le célèbre centre Rockefeller, en plein cœur de Manhattan. Son adresse télégraphique est INTREPID, qui deviendra l’un des surnoms de l’espion canadien.

La BSC, avec à sa tête William Stephenson, s’occupera de transmettre des informations secrètes entre le président américain Franklin Roosevelt et le premier ministre britannique Churchill, et vice-versa.

Les agents de la BSC mèneront des activités de propagande auprès de l’opinion publique afin qu’elle incite Washington à entrer en guerre et à venir en aide au Royaume-Uni et à l’Europe.

De plus, la BSC sera impliquée dans une gigantesque opération de surveillance et de censure du courrier acheminé des États-Unis vers l’Europe. Tout le courrier et les télégrammes sont détournés aux Bermudes, territoire du Royaume-Uni, où une armada de 1200 employés britanniques d’une filiale de la BSC scrute les communications à destination de l’Europe et même du Proche-Orient.

Cette démarche, jugée maintenant illégale, a cependant permis de découvrir et d’arrêter des espions opérant aux États-Unis.

Stephenson et son organisation érigeront aussi une installation près d’Oshawa, en Ontario – le Camp X –, où seront formés des agents de pays alliés qui auront pour mission d’infiltrer les pays d’Europe occupés par l’Allemagne nazie.

D’Intrepid à 007

Plusieurs personnes ont affirmé que le créateur du personnage de James Bond, Ian Fleming, s’était inspiré du Canadien William Stephenson. L’auteur des romans d’espionnage ne l’a jamais confirmé.

Cependant, on sait que Fleming a côtoyé Stephenson et qu’il l’admirait. L’auteur a signé la préface d’une des biographies de Stephenson, le qualifiant de héros et de «l’un des grands agents secrets de la Seconde Guerre mondiale».

Une autre biographie a donné à Stephenson le surnom de «Canadien tranquille» (The Quiet Canadian).

Qui sait si le personnage de James Bond, aujourd’hui incarné par Daniel Craig (sur la photo), aurait été inspiré de William Stephenson? 

Photo : Wikimedia Commons, attribution 2,0 générique

Cependant, des historiens et experts ont mis en doute le rôle joué par William Stephenson comme espion et comme dirigeant des opérations britanniques aux États-Unis pendant le conflit. Certains ont même avancé qu’il avait exagéré ses exploits auprès de ses biographes, qui vont consacrer sa légende.

Toutefois, les dirigeants de l’époque, avant même que les biographies soient écrites, ont cru bon de rendre hommage au Canadien. En 1945, il a été fait chevalier par la Grande-Bretagne sous la recommandation de Churchill lui-même, qui affirmait que Stephenson était «cher à son cœur».

L’année suivante, c’est au tour des États-Unis de lui rendre hommage en lui remettant la Médaille du mérite, la plus haute distinction civile du pays à l’époque. Stephenson devenait ainsi le premier non-Américain à recevoir cet honneur.

Plus tard, en 1979, il sera fait compagnon de l’Ordre du Canada. Postes Canada émettra un timbre à son effigie en 1999.

Quelques années après la guerre, William Stephenson et son épouse vivront des jours tranquilles aux Bermudes, où l’espion mourra en 1989 à l’âge avancé de 92 ans, dix ans après sa femme Mary. Il a sans doute emporté quelques secrets dans sa tombe…