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le Jeudi 21 novembre 2024 6:30 Francophonie

Immigration francophone et poids démographique, une «approche simpliste»

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Les cibles en immigration francophone ne suffisent pas à elles seules pour rétablir le poids démographique des francophones en situation minoritaire, estiment des chercheurs.  — Photo : Pexels - Pixabay
Les cibles en immigration francophone ne suffisent pas à elles seules pour rétablir le poids démographique des francophones en situation minoritaire, estiment des chercheurs.
Photo : Pexels - Pixabay
FRANCOPRESSE – Des chercheurs font une mise en garde : compter uniquement sur l’immigration pour rétablir le poids démographique des francophones en situation minoritaire risque de faire perdre de vue le «faire société», la réussite des nouveaux arrivants, la lutte contre l’anglicisation et la revitalisation des communautés existantes.
Immigration francophone et poids démographique, une «approche simpliste»
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L’immigration n’est pas l’unique solution pour rétablir le poids démographique des communautés francophones en situation minoritaire (CFSM), a admis le ministre fédéral de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, Marc Miller, devant le Comité permanent des langues officielles du Sénat, le 5 novembre.

Cette déclaration rejoint celle de deux chercheurs qui, quelques jours auparavant, signaient deux textes dans La Conversation : «L’immigration seule ne rétablira pas le poids démographique des francophones hors Québec» et «Hors Québec, le français a reculé partout au Canada depuis 1971. Quelles stratégies adopter?»

Selon eux, uniquement compter sur l’immigration pour rétablir le poids démographique relève d’une «approche simpliste».

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Un calcul défavorable

«Il faut penser le poids démographique en fonction des communautés qu’on est en train de construire», selon Éric Forgues.

Photo : Courtoisie

«On voudrait rétablir le poids au niveau de 1971. On commence à intervenir dans le domaine de l’immigration au début des années 2000, donc 30 ans après. Avant, il n’y avait pas vraiment de stratégie en immigration francophone», explique l’un des deux chercheurs, le professeur de sociologie de l’Université de Moncton, Éric Forgues.

«Il y a un retard, poursuit-il. Dans son rapport, le commissaire [aux langues officielles] chiffre le retard à environ 6000 immigrants francophones par année» qu’il aurait fallu admettre.

Ce retard engendre de lourdes conséquences. Le poids démographique des CFSM est passé de 6,0 % en 1971 à 3,3 % en 2021, selon Statistique Canada.

En 2003, le gouvernement a fixé une cible d’immigration francophone à l’extérieur du Québec de 4,4 %. Il aura fallu 20 ans pour atteindre cette cible. Elle est désormais fixée à 6 % pour 2024, à 8,5 % pour 2025, à 9,5 % pour 2026 et à 10 % pour 2027.

Or, ces objectifs ne permettent pas de suivre l’augmentation de l’immigration anglophone et allophone.

«Il faut s’assurer qu’on calcule tout ça de la bonne manière, parce que le recul du poids démographique [francophone] peut aussi être lié à l’augmentation plus rapide de la population d’expression anglaise», explique la présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA), Liane Roy.

«C’est pour ça qu’on a toujours dit qu’on voulait jusqu’à 10, 12, jusqu’à 20 % d’immigration francophone», insiste-t-elle.

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«Vision incomplète de l’immigration»

Le poids démographique des CFSM dépasse les chiffres, selon Éric Forgues, met en garde contre une «logique strictement statistique» de l’immigration.

«Je pense toujours à ces questions en fonction du “faire société” […]. Il faut réfléchir à comment on bâtit des sociétés, des communautés. Si on perd de vue que la priorité est la vitalité des communautés, on risque de tomber dans une vision incomplète de l’immigration», prévient-il.

Pour lui, il doit y avoir une intégration des nouveaux arrivants francophones aux CFSM.

Le poids démographique des CFSM est souvent mesuré en fonction de la connaissance du français, fait remarquer le sociologue. Mais ce qui l’intéresse, «c’est de voir jusqu’à quel point ces gens-là qu’on dénombre participent à la vie en français, dans les communautés francophones, participent au “faire société” en français».

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Josée Guignard Noël rappelle que les services anglophones sont parfois plus attrayants que ceux offerts en français, expliquant le choix de faire sa vie en anglais.

Photo : Courtoisie

Cette intégration ne repose pas uniquement sur les épaules des personnes immigrantes. Il faut que les institutions nécessaires soient présentes et attrayantes, prévient-il.

«On parle de désir d’intégration, mais il faut donner le choix à ces personnes-là», avance l’agente de recherche à l’Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques et coautrice des textes parus dans La Conversation, Josée Guignard Noël. 

Au Canada, il arrive que des personnes immigrantes francophones, comptées dans la cible d’immigration francophone, se tournent éventuellement vers le monde anglophone.

La chercheuse prend l’exemple du choix que font les parents, qu’ils soient nouveaux arrivants ou non, lorsque vient le temps d’inscrire leurs enfants à l’école. Plusieurs facteurs jouent dans leur décision.

«Il y a la distance, il y a le fait que parfois les écoles françaises n’offrent pas les activités ou ne sont pas équivalentes aux écoles anglaises» qui peuvent expliquer le choix de certains parents.

Un enjeu de rétention, aussi

Selon un récent rapport du Conference Board du Canada, le Canada perd à long terme 35 % de ses immigrants francophones. Ce problème de rétention est particulièrement fort en Ontario.

Renforcer les services

Le désir de s’intégrer est «influencé par tout un environnement», qui est composé de services et d’organismes «plus ou moins bien développés selon les communautés, selon les provinces», explique Éric Forgues.

Liane Roy donne raison aux auteurs des textes parus dans La Conversation, qui «rejoignent beaucoup le discours de la FCFA».

Photo : Courtoisie

Selon Liane Roy, pour rétablir le poids démographique, les services d’accueil sont aussi importants que l’augmentation de l’immigration.

«Pour nous, ce qui compte, c’est vraiment de créer des conditions du vivre ensemble en français», ajoute-t-elle. Mais ces conditions nécessitent des services et des activités pour lesquels il faut des «entités fortes» en mesure de les offrir. 

Un champ de bataille clé de la FCFA est celui de la petite enfance. La présidente explique que sans des services francophones dans ce domaine, «c’est très difficile de revenir pour les écoles en français par la suite».

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Il faut aussi revitaliser les communautés

En plus de l’immigration francophone, Éric Forgues propose de se pencher sur la revitalisation des communautés francophones devenues très «anglicisées». «On travaille beaucoup avec les convaincus», plutôt que de viser les francophones anglicisés, remarque-t-il.

Chezzetcook, en Nouvelle-Écosse, en est un bel exemple, dit-il. Dans un livre de 1991, le chercheur Ronald Labelle disait craindre la disparition du français dans cette communauté (p.86)

«Ce qui est arrivé, en fait, c’est une petite revitalisation linguistique. Une école a été construite, il y a eu un musée qui racontait la petite histoire de la communauté acadienne», rapporte Éric Forgues.

Les Acadiens de Chezzetcook ont ainsi redécouvert leur culture, leur histoire et leur langue et ont commencé à envoyer leurs enfants à l’école francophone, poursuit Éric Forgues.

«Il faudrait essayer de repérer ces zones-là, où il y a un potentiel, une histoire, une mémoire francophone, acadienne, mais où il y a eu une forte anglicisation. […] Ça se fait du côté des communautés autochtones. On n’en parle pas beaucoup du côté des communautés francophones, mais il y aurait peut-être un beau chantier à faire.»

Type: Actualités

Actualités: Contenu fondé sur des faits, soit observés et vérifiés de première main par le ou la journaliste, soit rapportés et vérifiés par des sources bien informées.

Montréal

Marianne Dépelteau

Journaliste

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