«L’absence de la langue comme dimension d’analyse dans la production de données sur le marché du travail entraine un manque d’information», soulignaient la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA), l’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne (ACUFC) et le Réseau de développement économique et d’employabilité (RDÉE) dans une étude de 2022.
Deux ans plus tard, dans un rapport, le Comité permanent des langues officielles recommande au gouvernement fédéral de demander à Statistique Canada de recueillir des données linguistiques dans le cadre de l’Enquête mensuelle sur la population active (EPA).
Cette enquête se fait tous les mois, mais elle ne distingue pas les groupes linguistiques. Les besoins en main-d’œuvre dans les communautés francophones en situation minoritaire ne sont donc pas connus, ni leur taux de chômage, ni leur taux d’emploi.
Selon Martin Normand, l’Enquête mensuelle sur la population active est une machine qui permet déjà de ramasser des données économiques à laquelle il faudrait ajouter des questions sur la francophonie.
«Nous et bien d’autres organismes, on interpelle plusieurs ministères à cet effet-là depuis des années», déclare le président-directeur général de l’ACUFC, Martin Normand. «L’aiguille n’a pas beaucoup bougé.»
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Un besoin de plus en plus criant
Les institutions fédérales qui travaillent avec l’ACUFC demandent de plus en plus de données probantes sur les besoins économiques des communautés francophones pour justifier des décisions politiques, indique Martin Normand.
«J’ai eu ces demandes-là d’IRCC [Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada] dans le débat autour des permis de travail postdiplôme. […] Quand je dis qu’on devrait ajouter certaines professions ou certains programmes à la liste d’éligibilité des permis de travail, on me demande d’arriver avec des données qui prouvent qu’il y a des pénuries dans ces secteurs-là.»
Les établissements postsecondaires francophones doivent parfois présenter de telles données aux gouvernements provinciaux pour justifier la création d’un nouveau programme d’études subventionné, ajoute-t-il.
«Il est impossible d’avoir une idée claire des besoins de main-d’œuvre des communautés par secteur d’emploi et par région du pays, dit Liane Roy. Les francophones au Yukon n’ont peut-être pas les mêmes besoins que ceux de Terre-Neuve-et-Labrador.»
Quand ces données sont inexistantes, l’ACUFC va chercher des données plus qualitatives, des articles de presse ou des études plus génériques. «Ça reste imprécis», dit M. Normand.
Pour la présidente de la FCFA, Liane Roy, il faut aussi «quantifier les besoins». Elle donne l’exemple des pénuries de main-d’œuvre : «On prend beaucoup parole dans le dossier de l’immigration francophone et on dit toujours qu’on veut aider les pénuries de main-d’œuvre via les immigrants. Mais il faut avoir une bonne idée de ce qu’on demande.»
«Les institutions fédérales cherchent des données, c’est à elles de trouver les solutions pour que ces données-là soient produites plutôt que de mettre ça sur les épaules des organismes, qui n’ont pas les ressources pour créer et soutenir des études longitudinales sur le marché du travail», défend Martin Normand.
Un potentiel économique inconnu
La Fédération des gens d’affaires francophones de l’Ontario (FGA) a récemment publié un deuxième livre blanc sur l’économie franco-ontarienne. Mais, comme le fait remarquer le directeur général, Richard Kempler, les données ont été achetées.
On aimerait bien pouvoir le faire à l’échelle de l’ensemble du pays, et surtout de le faire […] tous les mois, ce serait idéal. On aurait un tableau de bord, quasiment en temps réel, de l’état de la francophonie, et donc de l’écosystème francophone d’affaires au pays.
«On a besoin que Statistique Canada se penche de façon systématique sur l’état de la francophonie au pays», signale Richard Kempler.
Le livre blanc a par exemple permis de recenser que près de 900 000 personnes en Ontario sont capables de travailler en français, mais ne le font pas actuellement.
«Il y a un réservoir de productivité, de gains potentiels, de croissance, qui n’est pas utilisé. Il faudrait mieux s’identifier comme francophones, défend Richard Kempler. Avoir des statistiques en permanence permettrait de dire : “Regardez, comptons-nous, regardez ce qu’on représente.” On a tendance à être sous-estimé dans le pays en dehors du Québec.»
Le français est, selon lui, une force pour l’économie, mais il est difficile d’outiller les entreprises francophones si l’on ignore leur localisation et leur nombre.
«On se sert de la lentille francophone pour ajouter un surcroit de croissance à l’ensemble de l’économie ontarienne. J’en ai pour preuve qu’un salarié bilingue gagne plus qu’un salarié unilingue, donc le fait d’ajouter le français contribue davantage à la croissance du PIB de l’Ontario», soutient le directeur.
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«Portrait statique et incomplet»
Le RDÉE se dit prêt à collaborer avec Statistique Canada et les décideurs publics pour mettre en œuvre la collecte de ces données essentielles.
«Les données disponibles à l’heure actuelle, comme celles de l’Enquête sur la population de langue officielle en situation minoritaire, offrent un portrait statique et incomplet, alors que des données mensuelles de l’EPA permettraient un suivi continu des tendances», écrit le RDÉE dans une réponse par courriel.
«De plus, avec la menace de tarifs sur les exportations et une potentielle hausse du chômage, des données spécifiques pour les CLOSM aideraient à réagir plus efficacement et à mieux soutenir les populations touchées», ajoute l’organisme, en mentionnant au passage d’autres domaines qui pourraient bénéficier de ces données, comme l’immigration et l’entrepreneuriat.
Selon Joël Godin, si les données linguistiques ne sont toujours pas recueillies dans l’EPA, c’est probablement «une question de volonté et d’intention».
«C’est aberrant»
«Comme gestionnaire, le gouvernement du Canada doit avoir des données plus précises», estime le député conservateur Joël Godin. Pour lui, ces données sont un «outil important» pour permettre aux communautés de langues officielles en situation minoritaire [CLOSM] d’avoir un portrait réel de leur situation et pour faire comprendre celle-ci au gouvernement.
Il est «aberrant» que ces données ne soient toujours pas disponibles, affirme le député membre du comité qui a fait la recommandation.
Si le gouvernement libéral actuel ne demande pas à Statistique Canada de les recueillir, il serait «très envisageable» qu’un éventuel gouvernement conservateur le fasse, indique Joël Godin. «Je vais faire ces représentations-là auprès de mon caucus.»
«En tant que néodémocrates, nous sommes déterminés à lutter contre la pauvreté et à soutenir les communautés francophones en situation minoritaire. Ces données aideront à réduire la pauvreté dans ces communautés», écrit pour sa part la députée fédérale Niki Ashton, dans un courriel.
Les députés libéraux contactés n’ont pas répondu à nos demandes d’entrevue.
«Plusieurs personnes au gouvernement disent qu’on l’entend de plus en plus cette recommandation, rapporte Liane Roy. Je pense qu’encore une fois, sans vouloir être négative, c’est une question de sensibiliser les gens à ce que ça peut vouloir dire.»
Le Canada veut mettre fin aux affirmations plus ou moins douteuses, voire franchement mensongères, qui fleurissent sur de plus en plus de produits dans les commerces, et encadrer la façon dont les entreprises communiquent sur l’impact environnemental de leur activité.
Geneviève Paul aurait aimé que les nouvelles mesures législatives renforcent le devoir de vigilance des entreprises et les obligent à prendre en compte les répercussions de leurs activités sur la planète.
Depuis juin 2024 et l’adoption du projet de loi C-59 par le Parlement, la Loi sur la concurrence oblige les compagnies à fournir des preuves suffisantes et appropriées à l’appui de leurs prétentions écologiques.
Lorsque les allégations portent sur une entreprise ou ses activités, les données devront être obtenues à l’aide d’une méthodologie reconnue à l’international.
L’écoblanchiment se traduit le plus souvent par des promesses vagues, comme celles de réduire les émissions de gaz à effet de serre ou de planter des arbres. Du côté de la finance verte, des produits d’investissement sont parfois présentés comme étant plus durables qu’ils ne le sont réellement.
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Selon un rapport du Centre québécois du droit de l’environnement, l’écoblanchiment climatique est «foisonnant», avec les expressions «net-zéro» et «carboneutre» de plus en plus utilisées par de grandes compagnies.
Une autre étude menée par le Réseau international de contrôle et de protection des consommateurs constate qu’environ 40 % des prétentions liées à l’environnement pourraient être considérées comme trompeuses.
«C’est une avancée significative et nécessaire, insiste le professeur au Département de management de l’Université Laval, Olivier Boiral. Les études montrent que plus les entreprises sont polluantes, plus elles communiquent en matière de développement durable pour améliorer leur légitimité.»
Le chercheur Olivier Boiral s’inquiète des conséquences de la nouvelle législation sur les petites et moyennes entreprises : «Ce n’est pas sûr qu’elles aient assez d’argent pour se conformer. Ça pourrait nuire à leurs actions environnementales.»
Les nouvelles dispositions «devraient rétablir la confiance avec les consommateurs, être un incitatif pour se démarquer en investissant réellement dans l’environnement», croit de son côté l’avocat et chargé de cours à l’Université de Sherbrooke, Julien Beaulieu.
Selon un sondage de septembre 2024 commandé par Greenpeace Canada, 93 % des personnes interrogées soutiennent l’idée que les entreprises doivent être sanctionnées si elles sont coupables d’écoblanchiment.
Le Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE) salue également le texte de loi qui «renverse le fardeau de la preuve», selon sa directrice, Geneviève Paul.
Auparavant, le Bureau de la concurrence devait démontrer que les indications des entreprises étaient fausses et trompeuses. Désormais, ce sera aux compagnies d’attester la véracité de leurs allégations écologiques.
En revanche, la loi n’oblige pas les entreprises à divulguer les données sur lesquelles elles se fondent pour documenter leurs déclarations, regrette Geneviève Paul.
Autre progrès salué par les groupes écologistes : à partir de juin, les consommateurs et consommatrices pourront directement déposer plainte devant le Tribunal de la concurrence.
Mais Olivier Boiral prévient : «Les plaintes vont se multiplier et le Bureau de la concurrence aura besoin de plus de ressources humaines et financières pour mener des enquêtes.»
En théorie, les sociétés qui enfreignent la nouvelle règlementation s’exposent à des sanctions très lourdes, pouvant aller jusqu’à 3 % de leur chiffre d’affaires mondial. En pratique, il existe de nombreuses circonstances atténuantes.
«Si l’entreprise démontre qu’elle est de bonne foi et a agi avec diligence pour se conformer, elle peut simplement se faire taper sur les doigts», explique l’avocat Julien Beaulieu.
En 2022, le Bureau de la concurrence a néanmoins conclu une entente avec Keurig Canada qui comprenait une pénalité de 3 millions de dollars pour fausses allégations sur le recyclage de ses capsules de café.
Des accords similaires ont été conclus avec Volkswagen Canada, Audi Canada et Porsche Canada. Actuellement, la société de vêtements Lululemon ferait l’objet d’une enquête.
Du côté des acteurs économiques, la règlementation, jugée trop imprécise, inquiète. «Elle laisse planer un grand flou. Nos membres ne savent plus exactement de quoi ils peuvent parler», rapporte la vice-présidente de la Chambre de commerce de Calgary, Ruhee Ismail-Teja.
Pour Ruhee Ismail-Teja de la Chambre de commerce de Calgary, les mesures législatives contre l’écoblanchiment empêchent ses membres de parler librement de leurs objectifs climatiques.
En juin dernier, Alliance nouvelles voies, le lobby de l’industrie des sables bitumineux, a ainsi retiré de son site Web et de ses réseaux sociaux toutes les affirmations selon lesquelles le secteur était sur la voie de la carboneutralité.
Dans un communiqué de presse, Alliance nouvelles voies parle d’«un climat d’incertitude considérable pour les entreprises canadiennes souhaitant s’exprimer publiquement sur les travaux qu’elles entreprennent pour améliorer leur rendement au chapitre de l’environnement et lutter contre les changements climatiques».
De même, le géant pétrolier Suncor Énergie, établi à Calgary, a supprimé de ses supports de communication toute référence à ses actions en matière climatique, «jusqu’à ce que le Bureau de la concurrence présente des clarifications et des directives précises».
Le secteur de l’agroalimentaire serait également plus frileux à communiquer sur les questions écologiques par peur d’être accusé d’écoblanchiment, rapporte Olivier Boiral, qui a mené une enquête auprès d’une trentaine d’acteurs.
Les entreprises «s’interdisent de s’engager ouvertement alors que le but de la loi n’est pas de réduire la quantité d’informations disponibles, mais d’améliorer la qualité. On peut se demander si [elles] n’exagèrent pas les risques», considère Julien Beaulieu, qui y voit avant tout une «posture politique».
Olivier Boiral estime pour sa part qu’il y aura de moins en moins de communication verte des grandes industries polluantes : «La loi joue un rôle préventif, elles se sentent surveillées, elles vont y penser à deux fois avant de mettre de l’avant des allégations trompeuses qu’elles auront du mal à justifier.»
L’entrepreneur Kevin Krausert craint une fuite des jeunes pousses à l’étranger : «C-59 alourdit trop leur fardeau.»
Au centre des critiques se trouve la notion de «méthodologie reconnue à l’international», un «concept inédit», selon Julien Beaulieu, que les acteurs économiques jugent confus et inadapté.
«Ça n’est pas clair, est-ce que cela veut dire que l’on devra se conformer à de nouvelles normes?», s’interroge Ruhee Ismail-Teja.
Le directeur général et cofondateur d’Avatar Innovations, Kevin Krausert, craint quant à lui «un coup de frein brutal» sur l’innovation en matière de technologie propre. Sa société, située en Alberta, investit dans de jeunes pousses spécialisées dans la transition énergétique.
«Quand on développe une nouvelle technologie, il y a inévitablement des erreurs sur les objectifs de réduction des émissions de carbone, ce n’est pas dans l’intention de tromper le public», argüe-t-il.
Geneviève Paul du CQDE s’inscrit en faux contre cet argument : «Les nouvelles dispositions devraient contribuer à des innovations environnementales sérieuses, qui s’appuient sur une démarche allant au-delà du simple discours publicitaire ou du message de relations publiques destiné à faire du profit.»
Pour aider les entreprises à y voir clair, le Bureau de la concurrence révise actuellement ses lignes directrices. Ces changements sont soumis à la consultation du public jusqu’à la fin février.
Les entreprises «s’interdisent de s’engager ouvertement alors que le but de la loi n’est pas de réduire la quantité d’informations disponibles, mais d’améliorer leur qualité», fait remarquer l’avocat Julien Beaulieu.
«Tout en tentant de rassurer le monde économique, le Bureau reste très général et ne va pas dans les détails. C’est frustrant. Ça ne donne pas beaucoup de certitudes», déplore Julien Beaulieu.
En réalité, l’autorité indépendante a préféré rester prudente, car une épée de Damoclès plane au-dessus des nouvelles dispositions de la Loi sur la concurrence dans l’Ouest canadien.
En Alberta, un groupe d’entreprises conteste le texte devant les tribunaux. Les plaignants parlent d’atteinte à la liberté d’expression et argüent qu’ils ne seraient plus en mesure de s’exprimer librement sur leurs performances environnementales.
«Le bureau n’a pas voulu prendre de mesures qui pourraient nuire à la défense devant la cour», confirme Julien Beaulieu.
Une autre incertitude politique pèse sur le projet de loi C-59 : l’élection fédérale imminente et la possible arrivée au pouvoir des conservateurs.
Si tous les partis ont voté en faveur du texte à la Chambre des communes, une remise en question au Parlement reste possible, avance Olivier Boiral. Le chercheur rappelle que le chef du Parti conservateur du Canada, Pierre Poilievre, a fait de la contestation des mesures climatiques adoptées par Justin Trudeau son cheval de bataille.
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Le plus haut tribunal du pays a accepté, jeudi, d’entendre la contestation de la Loi sur la laïcité de l’État du Québec, ou «loi 21», portée par plusieurs groupes, dont la Commission scolaire English-Montréal, le Conseil national des musulmans canadiens (CNMC) et l’Association canadienne des libertés civiles (ACLC).
Adoptée en 2019, cette loi interdit à certains employés de l’État en position d’autorité (juges, procureurs, policiers, enseignants) de porter des signes religieux ostentatoires dans l’exercice de leurs fonctions.
La contestation porte notamment sur le recours de manière préventive à la clause dérogatoire de la Constitution canadienne, invoquée à l’époque par le gouvernement de François Legault pour se prémunir de poursuites judiciaires.
L’article 33 de la Charte canadienne des droits et libertés, aussi appelé «clause nonobstant» et «clause dérogatoire», permet aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux de contourner temporairement certains droits de la Charte.
Autrement dit, cette clause permet à une législature d’adopter des lois qui peuvent aller à l’encontre de certaines dispositions de la Charte, comme la liberté d’expression, de conscience ou de religion.
La Cour suprême se prononcera sur la Loi sur la laïcité de l’État du Québec. La date exacte n’est pas encore connue.
L’enjeu : Si l’utilisation de cette clause est approuvée par la Cour suprême, ce serait «problématique», explique une source anonyme proche du dossier. Car certains droits garantis par la Constitution pourraient être restreints si les provinces utilisent la clause pour d’autres affaires.
Au fédéral, seul le Bloc Québécois soutient la Loi sur la laïcité de l’État, tandis que Justin Trudeau, Pierre Poilievre et Jagmeet Singh ont toujours affirmé que le fédéral devrait intervenir et se ranger du côté des personnes qui contestent la loi 21, si la Cour suprême acceptait de juger l’affaire.
Le ministre québécois de la Justice, Simon Jolin-Barrette, auteur de la loi, ainsi que son collègue Jean-François Roberge, ont assuré sur X qu’une intervention du gouvernement fédéral équivaudrait à «un manque de respect» et «une attaque envers l’autonomie des États fédérés».
— Simon Jolin-Barrette (@SJB_CAQ) January 23, 2025
Aucune date d’audience n’a été précisée par la Cour suprême, qui n’a pas non plus motivé sa décision d’entendre la cause.
L’indice des prix à la consommation a augmenté de 1,8 % entre décembre 2023 et décembre 2024, en baisse par rapport à 1,9 % en novembre, principalement grâce à un allègement fiscal temporaire du gouvernement fédéral.
L’effet du congé : Selon Statistique Canada, la faible augmentation est due à la baisse des prix des aliments achetés au restaurant et des boissons alcoolisées, qui faisaient partie du congé de TPS.
Le congé, introduit à la mi-décembre, concernait également les vêtements et certains jouets. Sans cette mesure, l’inflation aurait atteint 2,3 %. La hausse des prix des produits d’épicerie a aussi ralenti, passant de 2,6 % en novembre à 1,9 % en décembre.
Les deux anciennes ministres du gouvernement Trudeau, Chrystia Freeland et Karina Gould, se sont officiellement lancées dans la course à la chefferie du Parti libéral du Canada (PLC), dimanche.
Les deux ont assuré qu’elles supprimeraient la taxe carbone, tandis que Mark Carney, l’autre candidat, propose de la remplacer par un autre outil.
Karina Gould a annoncé dimanche sa démission de son poste de leadeure du gouvernement à la Chambre.
Lors d’une annonce jeudi, Karina Gould a annoncé qu’elle souhaitait repenser le Parti libéral, avec le soutien des jeunes notamment.
Lors d’une annonce jeudi matin à Ottawa, devant le siège du PLC, la candidate a commencé à révéler ses plans pour donner un nouveau visage au parti, en appelant notamment les jeunes Canadiens à s’engager pour cela. Elle a appelé à «adapter et renouveler» le parti.
Ce qu’elle a dit : «Je crois qu’on n’a pas répondu assez rapidement quand les prix ont grimpé, on n’a pas répondu à leurs inquiétudes quand les Canadiens nous les partager. Ça nous a pris trop longtemps de dire que les Canadiens galéraient. Ce n’était pas la bonne approche», a-t-elle affirmé, évoquant à demi-mot la politique de Justin Trudeau.
Elle a notamment souligné qu’il était «non négociable» que le prochain chef du PLC soit bilingue, pour le Québec et les francophones du pays.
Si elle devient première ministre, Karina Gould intègrera le projet de loi C-282, sur la gestion de l’offre, dans son Discours du Trône. Cette pièce législative a été un élément de négociation pour le Bloc québécois cet automne.
Elle a également affirmé qu’elle «respectera la juridiction des provinces».
Pour l’instant, les ministres qui ont annoncé leur appui vont en majorité à Mark Carney, qui s’est lancé la semaine précédente.
Ce qu’ils ont dit : Il peut déjà compter sur le soutien de la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, du ministre sortant du Logement, Sean Fraser, du ministre des Relations Couronne-Autochtones, Gary Anandasangaree et du ministre de l’Environnement Steven Guilbeault. Ce dernier se dit d’ailleurs prêt à «remplacer» la taxe carbone.
Le ministre de l’Innovation, François-Philippe Champagne, devrait, lui, offrir son soutien dimanche.
Chrystia Freeland peut quant à elle compter sur les ministres Diane Lebouthillier, Mark Holland et Terry Beech.
Donald Trump mettrait ses menaces à exécution contre le Canada et le Mexique dès le 1er février.
Le soir de son investiture, lundi, le président américain Donald Trump a confirmé qu’il «pensait» mettre en place ses menaces tarifaires de 25 % sur les produits canadiens le 1er février.
Ce qu’ils répondent : En réaction à l’application éventuelle de ces tarifs douaniers, les ministres Mélanie Joly et Dominic LeBlanc ont assuré, peu après l’annonce de Donald Trump, que le gouvernement canadien était prêt à riposter.
De son côté, le chef du Parti conservateur, Pierre Poilievre, a demandé à Justin Trudeau de rappeler le Parlement «dès maintenant», dans le but «d’adopter de nouveaux contrôles aux frontières, de se mettre d’accord sur les représailles commerciales et de préparer un plan de relance de la faible économie canadienne».
Le Collège Boréal, en Ontario, offre en marge de sa formation principale une formation de conduite pour futurs camionneurs. 10 à 15 % des étudiants de la cohorte d’automne 2024 étaient francophones, rapporte le gestionnaire de la Formation en entreprise, Mathieu Houle.
Au Collège Boréal, en Ontario, certaines formations continues sont offertes en français et en anglais.
Le cours est offert dans les deux langues, simultanément, par un professeur, une cohorte à la fois. «Notre professeur parle les deux langues […] et les tests peuvent se faire dans les deux langues, explique M. Houle. Les livres et le matériel sont dans les deux langues.»
D’autres formations continues de ce genre sont offertes dans les deux langues au Collège. Elles ne font pas partie des programmes postsecondaires menant à des diplômes d’études collégiales, qui demeurent en français seulement.
L’établissement répond aussi à des appels d’offres pour offrir des services à l’emploi dans les deux langues officielles.
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Selon le directeur des communications de l’établissement, Marc Despatie, cette offre bilingue pourrait s’étendre si la demande existe. Pour refléter les besoins, le Collège pourrait même ajouter des formations ou services dans d’autres langues que le français et l’anglais. Tout revient à la demande, explique-t-il.
Je pense que parfois on a tendance à se limiter en tant qu’établissement francophone à dire : «On peut juste faire des choses en français.»
Pour lui, cette ouverture à des formations en anglais à l’extérieur des programmes réguliers permet d’assurer une offre active en français. Car si une formation ou un service est proposé par un établissement unilingue anglophone, il est peu probable qu’une offre en français soit alors disponible.
En Saskatchewan, la seule formation offerte dans les deux langues par le Collège Mathieu est celle de soins infirmiers auxiliaires autorisés, dont 60 % du contenu est en français et 40 % en anglais, indique une porte-parole par courriel.
Mais le président-directeur général de l’établissement, Francis Kasongo, n’est pas fermé à l’idée d’étendre l’offre des enseignements en mode bilingue «s’il y a des besoins» : «Nous devons être agiles et flexibles. Le plus important, c’est de faire en sorte que les francophones soient outillés et qualifiés pour affronter le marché du travail.»
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L’Université de l’Ontario français (UOF) opère entièrement en français, garantit son recteur, Normand Labrie. «[Nos étudiants] fonctionnent en français chez nous, mais sont dans une société à majorité de langue anglaise.»
Normand Labrie est recteur de l’UOF depuis mai 2024. Photo : Archives – Le Voyageur
L’objectif étant de former des «professionnels bilingues», M. Labrie n’exclut pas la possibilité d’interagir davantage avec des établissements anglophones à l’avenir.
«Ça peut se faire par des partenariats avec des institutions de langue anglaise où il y a un intérêt commun dans l’offre de programmes, où nos étudiants peuvent à l’avenir suivre des formations conjointes en anglais et les étudiants de nos partenaires chez nous en français. […] Ce n’est pas encore réalisé, mais c’est dans les plans.»
«En Ontario, les gens bilingues gagnent plus cher», rappelle-t-il. Pour l’instant, Normand Labrie ne souhaite pas en dire plus sur la nature des potentiels futurs partenariats. Il n’y aura aucun «compromis» sur la formation en français, assure-t-il.
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Au Collège communautaire du Nouveau-Brunswick (CCNB), la formation continue en technologies de l’information est offerte en partenariat avec des groupes autochtones. Selon le président-directeur général, Pierre Zundel, elle se fait «souvent» en anglais.
Le CCNB propose aussi des services d’intégration de technologie de pointe pour les entreprises dans les deux langues, «dépendamment des besoins», ajoute le responsable.
À l’Université de Moncton, un porte-parole confirme par courriel qu’en plus des programmes principaux disponibles uniquement en français, certains sont offerts «en anglais ou dans les deux langues pour répondre à des besoins spécifiques du marché». C’est le cas du Programme de formation en Gestion municipale.
Au Collège de l’Île, à l’Île-du-Prince-Édouard, les programmes pour adjoints administratifs, commis comptables et techniciens en comptabilité incluent tous une option bilingue, comme indiqué sur le site Web de l’établissement.
Cette option sert à «répondre aux demandes du marché de l’emploi», explique par courriel la coordinatrice de l’appui aux étudiants et de la formation linguistique au Collège de l’Île, Nathalie Carrier-Costain.
Ce qui peut se faire en anglais au CCNB demeure en marge de la formation régulière, seulement disponible en français, assure Pierre Zundel.
«Il faut dire les vraies choses : on est 7 % de la population, 700 000-800 000 [francophones en Ontario], dit Marc Despaties du Collège Boréal. Si on dit : “On va juste vivre de ce qu’on peut faire en français”, on va peut-être se retrouver dans des situations [difficiles], comme d’autres établissements qui ne sont pas diversifiés.»
Selon lui, il est aussi question de «refléter les besoins de notre communauté ici à Sudbury, qui est quand même aux deux tiers anglophones».
La prévalence des besoins en anglais s’est aussi fait ressentir au CCNB, quand des Ukrainiens déplacés par la guerre sont venus chercher une formation linguistique afin de pouvoir travailler. «[La plupart] visait l’apprentissage de l’anglais plutôt que du français», indique Pierre Zundel.
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Dans tous les établissements contactés, la formation principale demeure uniquement offerte en français.
«Que ce soit un programme unilingue francophone ou un programme bilingue, la finalité de cela pour nous, c’est que nos étudiants et étudiantes, au terme de leurs études, soient capables d’accéder au marché de l’emploi avec confiance», explique Francis Kasongo.
«C’est dans l’ADN du [CCNB], déclare Pierre Zundel. On n’offre pas de formation régulière en anglais, point. On n’a pas non plus l’intention d’en ajouter.»
En Saskatchewan, Francis Kosongo assure que le Collège Mathieu demeurera un établissement «par et pour les francophones», même s’il élargit un jour son offre bilingue. «Nous ne serons jamais un établissement bilingue», insiste-t-il.
«L’objectif n’est pas de se transformer en institution bilingue, affirme de son côté Normand Labrie. On demeure une institution de langue française par et pour les francophones qui opère en français et qui offre des formations en français, mais aussi qui s’insère dans son milieu [à majorité anglophone].»
François Choquette remettait en cause le travail du Commissariat aux langues officielles (CLO), qui n’aurait pas évalué la portée d’un article de l’ancienne Loi sur les langues officielles dans son enquête sur l’entente Netflix.
La partie VII de la Loi, qui était visée, donnait la responsabilité au ministre de Patrimoine canadien de prendre des mesures positives pour les communautés francophones du pays.
Le plaignant contestait que la ministre de l’époque avait respecté cette obligation lors de l’entente conclue avec Netflix, qui prévoyait que 25 millions de dollars seraient réservés pour le marché francophone. Toutefois, aucune précision n’avait encore été donnée sur la somme réellement investie pour cette communauté jusqu’alors.
François Choquette avait alors déposé une plainte auprès du CLO. Ce dernier a jugé, en 2019, à la suite d’une enquête, que celle-ci n’était pas fondée.
Remettant en question la rigueur de l’enquête du CLO, François Choquette avait déposé une requête auprès de la Cour fédérale pour un contrôle judiciaire, finalement rejetée en septembre 2024.
Un premier rapport préliminaire d’un enquêteur du CLO concluait que la plainte était fondée. Mais ce premier jet n’a jamais été retrouvé et la Cour fédérale a finalement décidé que la plainte n’était pas fondée.
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Ce qu’il faut savoir :
Une «interprétation peu englobante» de la Loi
Selon François Choquette, le juge a fait preuve d’une «interprétation» de la Loi sur les langues officielles «peu englobante».
Débouté de sa demande, François Choquette assure qu’il va «continuer le combat sur le plan politique pour renforcer les lois et les règlements afin que les géants du Web soutiennent mieux la francophonie canadienne».
Pour l’ex-député fédéral, l’article 43 de l’ancienne loi qui évoquait la responsabilité du ministre du Patrimoine canadien était testé pour la première fois en Cour.
La juge et le Commissariat aux langues officielles en sont venus à la même conclusion : les institutions fédérales comme Patrimoine canadien ont le choix de prendre des mesures pour les communautés.
«C’est comme si on avait évité l’étude de cet article, dit-il. Pour moi, ça me parait encore faux, mais je comprends qu’on a fait tout ce qu’on pouvait.»
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«Pris avec un véhicule procédural»
Si le juge avait étudié la question de l’épanouissement des minorités sous le même article avec la nouvelle loi, peu de choses auraient changé, croit l’avocat ottavien Gabriel Poliquin, spécialisé en droit public.
Gabriel Poliquin assure que la nouvelle Loi sur les langues officielles n’aurait rien changé aux conclusions de la procédure judiciaire.
«Les institutions fédérales, comme Patrimoine canadien, ont une obligation de prendre des mesures positives, pour faire avancer [le statut des deux langues officielles, NDLR], mais le juge de la Cour fédérale dit que sous l’ancienne loi, il n’y a pas vraiment d’obligation de prendre des mesures particulières à l’endroit des minorités parce que les institutions fédérales ont une large discrétion.»
Toutefois, selon l’avocat, si François Choquette recommençait le processus judiciaire à zéro aujourd’hui – ce qui est permis par l’article 77 de la loi, qui demande au tribunal de se prononcer sur le bienfondé d’une plainte –, il pourrait poser la question différemment, au regard de la nouvelle loi.
«Il était vraiment pris avec un véhicule procédural où la question était beaucoup plus étroite et qui est beaucoup plus difficile à faire valoir.»
L’autre jour, en testant une application de reconnaissance vocale, j’ai été prise de court. «Désolé, je n’ai pas compris. Pouvez-vous répéter?», insistait l’intelligence artificielle (IA), incapable d’interpréter mon accent mi-belge mi-chiac. Cela m’a fait sourire, parce que mon compte ChatGPT est configuré avec l’accent des journalistes de Radio-Canada pour me répondre.
Mais cela m’a aussi un peu effrayée : si moi, avec mes intonations somme toute assez banales, je passe déjà sous le radar des machines, qu’en est-il de ceux et celles dont les accents, les dialectes ou même les langues minoritaires n’ont jamais été pris en compte? Que deviennent les voix qu’on ne reconnait pas, qu’on ne transcrit pas, qu’on oublie dans les bases de données?
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Reconnaissance faciale : l’IA qui voit flou
Prenons un exemple emblématique : la reconnaissance faciale. Cette technologie a souvent montré des failles majeures, notamment dans l’identification des minorités.
Une étude de 2018 menée par le MIT et l’Université Stanford a révélé des disparités alarmantes. Des systèmes avaient un taux d’erreur de 34,7 % pour les femmes noires, contre moins de 1 % pour les hommes blancs. Un écart qui trouve sa source dans des bases de données biaisées, parce qu’elles sont saturées d’images d’hommes blancs.
Bien que des progrès aient été faits depuis lors, les biais n’ont pas totalement disparu, ce qui entraine des conséquences parfois dramatiques. Selon une enquête du Washington Post, au moins huit personnes, principalement des personnes noires, ont été arrêtées à tort à cause d’erreurs d’identification générées par des systèmes d’IA ces dernières années aux États-Unis.
Christopher Gatlin, par exemple, a été faussement accusé dans le Missouri en 2021 après qu’un logiciel l’a identifié à partir d’une image floue. Sans lien avec le crime ni passé violent, il a croupi 16 mois en prison avant que les accusations ne soient abandonnées.
Un autre cas choquant est celui de Porcha Woodruff, une femme enceinte de huit mois, arrêtée à Detroit en 2023 pour piraterie routière, une agression qu’elle n’avait pas commise. Identifiée à tort par un système de reconnaissance faciale, elle a été placée en détention bien que ses contractions se soient déclenchées.
La Journée de la protection des données est l’occasion de prendre conscience que les données recueillies par l’IA peuvent avoir des conséquences graves.
Ces exemples ne sont pas de simples incidents isolés. Ils reflètent une réalité inquiétante : la confiance aveugle dans des technologies biaisées peut non seulement reproduire, mais aussi amplifier les discriminations systémiques, mettant des vies innocentes en danger.
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Des CV effacés par un algorithme
En 2018, Amazon a dû abandonner son outil de recrutement automatisé après une révélation troublante : l’algorithme rejetait systématiquement les candidatures de femmes pour des postes techniques.
Pourquoi? Parce que l’outil avait été formé sur dix ans de données internes où les hommes dominaient largement ce type de postes. En s’appuyant sur ces exemples biaisés, l’algorithme avait appris à associer la réussite à un genre spécifique et à discriminer les candidatures féminines.
Dans le secteur bancaire, les algorithmes d’évaluation du crédit posent également problème. Une enquête menée par The Markup en 2021 a révélé que les demandes de prêt hypothécaire faites par des personnes noires ou hispaniques étaient plus souvent refusées que celles de personnes blanches ayant un profil financier similaire.
Le domaine médical n’y échappe pas non plus. Un algorithme utilisé pour prédire les besoins en soins intensifs avait tendance à sous-estimer les risques des populations noires.
En 2019, une étude a montré que cet algorithme, largement utilisé aux États-Unis, privilégiait les personnes blanches en raison de son critère d’analyse principal : les couts médicaux antérieurs. Les personnes noires, ayant pendant longtemps moins accès aux soins, voyaient ainsi leurs besoins sous-évalués, ce qui limitait leur accès à des traitements cruciaux.
On le voit bien : loin d’être neutres, les systèmes d’intelligence artificielle reproduisent les inégalités inscrites dans les données qui les nourrissent. Au lieu de corriger les discriminations, ces outils peuvent les renforcer sous couvert d’une fausse neutralité technologique.
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La technologie, une question de choix
À l’occasion de la Journée internationale de la protection des données, il est essentiel de rappeler que protéger nos données, c’est aussi protéger nos droits. Nous ne pouvons pas laisser les technologies – et surtout les personnes qui les créent – façonner notre avenir sans un regard critique et une action déterminée.
L’intelligence artificielle reflète nos choix et nos biais. Mal encadrée, elle peut renforcer les discriminations et mettre en danger les plus vulnérables. Mais des solutions concrètes existent : diversifier les équipes qui conçoivent ces outils, auditer les algorithmes comme on audite les comptes d’une entreprise et écouter les voix des personnes les plus touchées.
Des avancées sont déjà en cours. Par exemple, des villes comme San Francisco, Portland et Boston ont interdit l’utilisation de la reconnaissance faciale par la police pour prévenir les abus.
Ces initiatives montrent que le changement est possible lorsque des citoyens et citoyennes, des spécialistes et des responsables politiques unissent leurs forces pour exiger justice et transparence.
L’IA n’est et ne sera jamais plus que ce que nous en faisons. Outil d’oppression ou levier de progrès : à nous de choisir.
Originaire de Belgique, Julie Gillet est titulaire d’une maitrise en journalisme. Militante éprise de justice sociale, voici près de quinze ans qu’elle travaille dans le secteur communautaire francophone et s’intéresse aux questions d’égalité entre les genres. Elle tire la force de son engagement dans la convergence des luttes féministes, environnementales et antiracistes. Elle vit aujourd’hui à Moncton, au Nouveau-Brunswick.
Irving Lewis explique que l’ACUFC a déterminé plusieurs pistes pour améliorer la rétention des personnes formées à l’étranger, comme le mentorat ou une collaboration accrue entre les conseils scolaires et les universités pour favoriser la formation continue.
«Pour les enseignants issus de l’immigration, l’environnement de vie et de travail canadien peut être un choc. Ils atterrissent dans un système scolaire dont ils ne maitrisent pas les codes», explique le directeur du continuum de l’éducation à l’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne (ACUFC), Irving Lewis.
Le 22 janvier, l’ACUFC consacre son Forum d’action 2025 à la rétention du personnel enseignant immigrant formé à l’étranger.
Dans le cadre du projet Objectif 2036, lancé en 2020, l’organisme a mené de nombreuses recherches pour comprendre la pénurie d’enseignants et d’enseignantes tout en cernant les pistes d’action pour mieux retenir et intégrer les nouvelles recrues.
D’après plusieurs études, une personne sur cinq en enseignement au Canada quitte en effet la profession au cours des cinq premières années de pratique. Si les chiffres exacts ne sont pas connus pour celles et ceux qui viennent de l’étranger, de nombreux défis peuvent les conduire à abandonner le métier.
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Les nouveaux enseignants et nouvelles enseignantes peuvent être confrontés à des «difficultés d’adaptation culturelle et sociale», selon le directeur général de l’Association canadienne des professeurs de langue seconde (ACPLS), Francis Potié.
Pour Francis Potié, les membres du personnel enseignant issus de l’immigration peuvent être aux prises avec des «difficultés d’adaptation culturelle et sociale» à leurs débuts.
«Les trois premières années de pratique, c’est toujours une période de survie. Et c’est dupliqué à la puissance quatre pour les immigrants», confirme la professeure en éducation au Campus Saint-Jean de l’Université de l’Alberta, Marianne Jacquet. Certains doivent «non seulement construire leur identité professionnelle, mais aussi s’adapter à de nouvelles valeurs».
Les relations avec les directions d’école, entre collègues, les liens avec les élèves et les parents, le rapport à la langue française, «tout est à réapprendre», souligne-t-elle.
«Ils peuvent être désemparés et se décourager, car ils n’ont pas l’expérience à laquelle ils s’attendaient», appuie la directrice générale de la Fédération nationale des conseils scolaires francophones (FNCSF), Valérie Morand.
Francis Potié évoque également des différences sur le plan pédagogique : «Ça peut être une pente d’apprentissage importante, car dans certains pays les méthodes sont plus magistrales, centrées sur l’enseignant, alors qu’au Canada, on est plus centrés sur l’élève.»
Pour enseigner au Canada, une personne formée à l’étranger doit obtenir l’aval de l’ordre des enseignants de la province ou du territoire où elle réside.
Cette reconnaissance des acquis professionnels et des diplômes étrangers s’apparente à un véritable parcours du combattant, selon Valérie Morand de la FNCSF : «C’est un processus long, compliqué et couteux, avec aucune garantie d’obtenir une approbation à la fin.»
Résultat, des personnes comptant plus de 20 ans d’expérience en enseignement dans leur pays d’origine se retrouvent à nouveau sur les bancs des universités canadiennes.
Pour soutenir plus adéquatement les personnes immigrées et faciliter leur insertion professionnelle dans le milieu de l’enseignement, les organismes multiplient les initiatives partout au pays.
Depuis quatre ans, la FNCSF offre des formations sur le sujet aux directions d’école ainsi qu’aux conseillers et conseillères pédagogiques. La fédération leur communique les ressources existantes et les stratégies exemplaires connues d’intégration. Jusqu’à présent, 700 personnes en ont bénéficié.
L’ACPLS a de son côté lancé une initiative d’un an et demi afin d’élaborer des ressources écrites ainsi que de créer des formations et des boites à outils en ligne. Là aussi, l’idée est d’aider les directions d’école à mieux appuyer leur personnel issu de l’immigration.
L’association souhaite également encourager la création de communautés de pratique «avec des activités de réseautage à même de lutter contre l’isolement», détaille Francis Potié.
Le Centre franco-ontarien de ressources pédagogiques accompagne, lui, les personnes formées à l’étranger pendant le processus de reconnaissance des diplômes par l’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario.
L’organisme les familiarise avec la profession au Canada et les prépare aux entretiens. Quelque 300 personnes ont ainsi obtenu le feu vert de l’ordre et trouvé du travail de façon durable.
En Alberta, le Campus Saint-Jean a notamment mis en place un cours obligatoire pour les personnes formées à l’étranger qui suivent le baccalauréat en éducation. Dès le début de leur formation, ces étudiants et étudiantes sont envoyés dans les salles de classe en observation.
«On intègre cette dimension sur le terrain le plus tôt possible pour les familiariser avec la réalité scolaire. À plus long, cela permet aussi de favoriser leur insertion socioprofessionnelle», explique Marianne Jacquet.
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Plus largement, le Campus collabore étroitement avec les conseils scolaires francophones albertains, dont les comités de sélection du personnel enseignant comprennent désormais des personnes d’origine étrangère.
Les personnes immigrantes qui enseignent en Alberta se sont, elles, regroupées au sein d’un collectif afin d’apporter un soutien à leurs pairs récemment recrutés, confrontés à des défis similaires.
L’un des objectifs du Forum d’action de l’ACUFC consiste à mettre en commun toutes ces démarches isolées grâce à la mise en place d’un mécanisme pancanadien de concertation et de collaboration. Les différentes personnes du milieu interrogées voient la création d’un tel mécanisme d’un bon œil.
Valérie Morand accueille favorablement la création d’un mécanisme pancanadien pour mettre en commun les ressources dédiées au perfectionnement professionnel des personnes immigrantes en enseignement.
«Bien que l’éducation soit de compétence provinciale, nous avons des enjeux partagés à travers le pays. Nous rencontrons des barrières semblables et avons des solutions plutôt similaires», considère Valérie Morand.
Elle rappelle néanmoins qu’une réflexion comparable existe déjà au sein de la table de concertation nationale tripartite, composée de représentants et de représentantes de divers ordres de gouvernement et d’une douzaine de partenaires en éducation.
«Ce nouvel outil pourrait ajouter une pierre à l’édifice. Mais pour que ça fonctionne, il doit être assorti de ressources et d’une réelle volonté politique», souligne-t-elle.
«De par l’organisation du Canada, avec différentes juridictions et l’autonomie des conseils scolaires et des universités, ça va être un défi pour le créer», renchérit François Potié.
Une rencontre de suivi aura lieu le lendemain du Forum afin de jeter les bases plus précises du mécanisme national.
En décembre dernier, le gouvernement fédéral a annoncé la création du tout premier Conseil des vétéranes du Canada. Ce groupe formulera des recommandations au ministère des Anciens Combattants sur les enjeux qui touchent ces femmes, longtemps passées inaperçues.
«Les femmes ont des besoins différents, c’est clair, mais il faut y répondre. On est en 2024, bon Dieu», lâche Luc Desilets.
Le Conseil vise à déterminer les obstacles systémiques, à promouvoir l’équité et à améliorer les politiques, pratiques et recherches concernant la santé, les avantages et les droits des vétéranes.
Cette annonce suit la publication d’un rapport d’étude du Comité permanent des anciens combattants intitulé Plus jamais invisibles. Les expériences des vétéranes canadiennes.
«C’est un monde à part, qui n’évolue pas rapidement», concède le député bloquiste et vice-président du Comité, Luc Desilets.
L’étude a débouché sur 42 recommandations. «C’est le plus grand nombre de recommandations qu’on a jamais faites ici, poursuit l’élu. Mais c’est symptomatique, je pense, des besoins qu’elles ont. Les femmes vétéranes, comme les femmes dans l’armée, ont des besoins différents des hommes.»
Le Conseil aura du pain sur la planche. «On part de très loin», déplore Luc Desilets. Le député a d’ailleurs fait adopter le terme «vétérane» au Parlement, afin de remplacer l’expression «femmes vétérans» qui était jusque-là utilisée.
Au Québec, cela fait environ un an que l’élu milite pour rendre accessible le mot «vétérane» sur les plaques d’immatriculation, une question qui ne se pose pas dans le monde anglophone.
Pour l’instant, les plaques d’immatriculation en français peuvent seulement afficher le mot «vétéran».
«[Les plaques en français] sont identifiées avec le mot “vétéran”. Une femme qui va faire son épicerie se fait dire occasionnellement “vous féliciterez votre conjoint pour son service”. C’est blessant pour elle», raconte-t-il.
L’étude du comité parlementaire a permis de rassembler des témoignages percutants sur la condition des femmes dans l’armée. Par exemple, si les uniformes et équipements ont été récemment modifiés pour s’adapter au corps féminin, il reste encore du travail à faire.
«L’équipement adapté est de plus en plus [disponible], mais pas suffisamment, note Luc Desilets. Ça va jusqu’au point où des militaires ont demandé à des médecins l’ablation des seins pour pouvoir porter le kit militaire sans souffrir.»
Le rapport du comité montre aussi que la vie après l’armée est particulièrement difficile pour les femmes. Comparativement à leurs collègues masculins, elles peinent davantage à trouver un emploi et leurs revenus sont moindres.
Quant à l’accès aux services pour vétérans tels que les demandes d’indemnisation, Luc Desilets a appris que les délais pour les femmes étaient souvent supérieurs. Toutefois, «on est en train d’atteindre un équilibre», nuance le bloquiste.
Parmi les raisons expliquant les délais, le député a entendu que les évaluations nécessaires prenaient plus de temps en cas de traumatismes sexuels, car elles nécessitent l’intervention d’un gynécologue spécialisé.
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«Les gens ont souvent du mal à croire que je suis est une vétérane, que je suis allée en Afghanistan, que j’étais présente sur le terrain et qu’un engin explosif artisanal a détoné près de moi. Ils ont l’air de croire que je mens ou que je raconte l’histoire de quelqu’un d’autre.»
Selon la sénatrice Rebecca Patterson, malgré les problèmes persistants, «beaucoup a changé» pour les femmes dans l’armée.
Cet extrait du rapport est celui du témoignage de la capitaine à la retraite Hélène Le Scelleur. Il illustre un enjeu particulier auquel sont confrontées les vétéranes : le manque de reconnaissance, que ce soit pour la valeur du travail effectué, les séquelles, les raisons de départ ou autre chose.
Selon la sénatrice Rebecca Patterson, elle-même vétérane et témoin dans le rapport, plusieurs vétéranes ont occupé des rôles moins reconnus. «Notre définition de ce qui est le combat était très traditionnelle. Seule la personne qui tirait sur la gâchette était vraiment un soldat, un marin ou un aviateur», dit-elle en entrevue avec Francopresse.
Les infirmières, les cuisinières et les femmes à la logistique font partie de ces militaires perçues comme moins importantes, moins héroïques.
Ces femmes ont par la suite de la difficulté à aller chercher du soutien, explique la sénatrice : «Quand ces personnes deviennent des vétéranes, elles ne se voient pas vraiment comme des vétéranes. [Elles vont se dire :] “Comment pourrais-je avoir un syndrome posttraumatique? Je n’étais pas au front en Afghanistan, j’étais médecin dans une base opérationnelle avancée. J’ai des traumatismes de combat, mais ça ne compte pas vraiment. Je ne mérite donc pas de services pour les vétérans”.»
Parce que les vétéranes «ne se voient pas elles-mêmes», «on ne sait même pas combien ont besoin d’aide», constate Rebecca Patterson.
«On a des centaines et des centaines de monuments et d’œuvres d’art pour les vétérans au Canada», observe Luc Desilets, dont la demande pour l’édification d’une œuvre d’art dédiée aux vétéranes à Ottawa a été approuvée.
«Ça peut paraitre basique, mais c’est de la reconnaissance. Les femmes, globalement dans la vie, mais encore plus chez les militaires, sont dans l’ombre du travail des vétérans et des militaires.»
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Aujourd’hui directrice d’une école à l’Île-du-Prince-Édouard, Julie Gagnon a passé 13 ans comme assistante médicale au sein des Forces armées canadiennes (FAC). Mère monoparentale, elle a quitté les FAC pour s’occuper de sa fille.
À son époque, les femmes dans l’armée se faisaient plutôt rares. «Dans mon temps, les G.I. Joe – tant qu’il n’y a pas eu le G.I. Jane –, les bonhommes militaires, c’était tous des hommes, dit-elle. Quand je suis entrée, c’était comme pour prouver que oui, les femmes ont une place.»
Elle constate désormais une augmentation du nombre de femmes engagées, notamment de cadettes : «C’est comme une porte d’entrée. Après ça, elles peuvent aller dans la réserve ou dans les Forces armées canadiennes. J’ai vu une évolution.»
Néanmoins, selon elle, l’armée reste davantage un «monde d’hommes». «On associe encore beaucoup plus l’armée aux hommes qu’aux femmes, malgré qu’il y a des femmes qui sont rendues dans des hauts niveaux.»
Le portrait de la plus haute sphère des FAC a changé, remarque Rebecca Patterson. «[La plupart] des militaires sont des hommes, c’est normal qu’ils soient en position de leadeurship. Mais ils ont fait de la place pour les femmes, afin qu’elles puissent occuper des rôles plus séniors […], où on a une voix et où on est réellement vues et entendues.»