Ce débat sera l’occasion pour les principaux partis fédéraux de défendre leurs engagements et de clarifier leurs positions sur la défense du français au Canada et la place des francophones dans l’identité canadienne.
Il sera diffusé en direct à 20 h (heure avancée de l’Est) sur des sites Web de médias écrits membres de Réseau.Presse, sur Francopresse.ca, ainsi que sur les différentes chaines et plateformes de Radio-Canada partout au pays. Une écoute en différé sera également possible sur l’ensemble des plateformes en ligne.
La soirée sera animée par le chef d’antenne du Téléjournal Ottawa-Gatineau, Mathieu Nadon. Des questions seront aussi posées par des citoyennes, des chefs d’antenne d’ailleurs au pays, le rédacteur en chef du Nunavoix, Brice Ivanovic, et la correspondante parlementaire de Francopresse, Inès Lombardo.
Les discussions porteront notamment sur la garde d’enfants, l’éducation, l’immigration, l’emploi, l’économie et les médias.
Les participants seront :
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Avec les information de Marianne Dépelteau
C’est la question de l’immigration qui a mis d’accord les chefs des deux principaux partis fédéraux, Mark Carney (Parti libéral du Canada) et Pierre Poilievre (Parti conservateur du Canada).
Le chef libéral Mark Carney a rappelé à quelques reprises qu’il était prêt à discuter avec les pays européens pour établir de nouveaux partenariats économiques.
À la question posée par l’animateur Patrice Roy à propos du poids démographique des francophones, le premier a mentionné vouloir «augmenter le taux d’immigrants hors du Québec avec la langue maternelle française de 10 à 12 %».
Rare fait, lors de la période de questions qui a suivi le débat, Pierre Poilievre a abondé dans le sens de son adversaire. «Ce sont des cibles raisonnables […], je suis d’accord avec lui.»
Il a précisé que son parti était en faveur «d’élargir le nombre d’immigrants francophones au Canada, y compris à l’extérieur du Québec, pour ajouter du poids démographique». Il s’est dit également prêt à travailler en collaboration avec les communautés sur cet enjeu.
Les libéraux ont atteint leur cible d’immigration francophone deux fois de suite : en 2023 et en 2024, atteignant 7,21 %, alors que l’objectif initial était de 6 %.
En décembre dernier, pourtant, le ministre d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada de Justin Trudeau, Marc Miller, avait assuré que son ministère ne pouvait pas forcément suivre la cadence.
Pour protéger le français en milieu minoritaire, le chef conservateur Pierre Poilievre mise surtout sur l’augmentation de l’accès à un programme d’immersion.
Pour renverser le déclin démographique des francophones au Canada, Pierre Poilievre a réaffirmé son intention d’investir dans les programmes d’immersion pour les jeunes anglophones, afin qu’ils puissent venir pratiquer leur français au Québec.
Le chef conservateur souhaite également donner au Québec plus de contrôle sur la sélection des immigrants pour «mieux choisir ceux qui peuvent être francisés».
En période de questions avec les médias, le chef du Parti conservateur s’est toutefois montré moins précis concernant la construction d’écoles francophones au Canada, rappelant que la gestion des écoles relève des provinces.
«Ce sont elles qui décident […] je suis prêt à travailler avec les provinces.»
En matière de protection du français, outre l’immigration, les quatre chefs ont répondu à des questions sur la protection du français.
Si Jagmeet Singh (Nouveau Parti démocratique) a assuré «adorer la langue française», il n’a présenté aucune mesure lors du débat. «Le Québec est une force pour tout le Canada», a-t-il affirmé, faisant référence à la protection du français.
Pendant la période de questions après le débat, le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a dit avoir remarqué – et trouvé dommage – que les enjeux des Premières Nations n’aient pas été abordés pendant le débat. Surtout en tant que partenaire économique important pour faire face aux menaces américaines.
Les chefs ont également dû débattre de l’utilisation de la clause dérogatoire, ou «clause nonobstant», qui permet aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux d’adopter des lois même si elles contreviennent à certaines dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés. Le Québec l’a utilisée à quelques reprises pour protéger la langue française.
Mark Carney a assuré en début de campagne qu’il n’avait «pas de problème» avec la Loi 96 (réforme Charte de la langue française au Québec), mais qu’il en avait un avec l’utilisation de la disposition de dérogation de manière préventive, soit avant que la loi ait été soumise à une révision par la Cour suprême.
Pour le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, «c’est la seule façon de préserver la souveraineté des parlements du Québec et des provinces. Ce n’est pas le type d’usage, mais la manière de le faire. La Cour suprême l’a déjà tranché. M. Carney veut demander à la Cour suprême de défaire un jugement de la Cour suprême contre le Québec», a-t-il fustigé.
Le chef du Nouveau Parti démocratique, Jagmeet Singh, souhaite augmenter les transferts aux provinces en santé.
Sur un autre enjeu francophone : Mark Carney a fustigé la promesse controversée de son principal rival, Pierre Poilievre, le financement de CBC/Radio-Canada.
«On va augmenter le financement et renforcer la gouvernance», en mettant également l’accent sur le renforcement financier de Téléfilm Canada et du Conseil des arts canadien.
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Pierre Poilievre a réitéré qu’il «protègerait Radio-Canada», puisque le média propose des contenus uniquement en français. «CBC peut se financer avec ses propres revenus, comme un organisme à but non lucratif», a-t-il suggéré.
«Le principe, a-t-il poursuivi, c’est que le gouvernement devrait faire ce que le marché ne peut pas faire. Le marché ne fournira jamais un service exclusivement en français aux communautés à travers le Canada.»
Exclu par la Commission des débats des chefs le matin du débat pour ne pas avoir de candidats dans «au moins 90 % des circonscriptions», le chef du parti, Jonathan Pedneault, a dénoncé une décision «antidémocratique».
Le site Rebel News, connu pour propager des idées d’extrême droite, a envoyé plusieurs journalistes poser des questions aux chefs lors de la conférence de presse qui a suivi le débat. Des journalistes sur place se sont plaints de leur surreprésentation.
Interrogé par ce média sur la protection des médias indépendants, Pierre Poilievre a affirmé que le Parti conservateur était «le seul parti disposé à protéger la liberté de la presse de tous les médias». Il a rappelé son objectif de «repousser» la loi C-11 «de censure». «Nous allons réagir contre toutes les formes de censure orwelliennes».
Jagmeet Singh, pour sa part, a refusé de répondre aux questions de Rebel News, qu’il accuse de propager de la désinformation.
«Souvent, les arts et la culture sont considérés comme une espèce de dessert dont on peut se passer si on a trop mangé ou si on manque d’argent. Mais dans les communautés en situation minoritaire, c’est un plat de résistance», lâche d’emblée la présidente de la FCCF, Nancy Juneau, en entrevue avec Francopresse.
Protéger et investir davantage dans les arts et la culture : telles sont les deux priorités mises de l’avant par l’organisme francophone dans ses demandes, lancées le 1er avril.
La FCCF réclame une meilleure reconnaissance des artistes et des mesures concrètes pour lutter contre leur précarité. L’organisme demande aussi aux partis fédéraux de garantir un financement stable pour un secteur à bout de souffle.
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La FCCF propose six «actions concrètes» :
Comme le rappelle Nancy Juneau, le rapport «Éviter le point de rupture» de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA), publié en 2022, fait état d’un important manque à gagner pour les organismes francophones et demande 300 millions de dollars supplémentaires. Un déficit que le Plan d’action pour les langues officielles 2023-2028 n’est pas parvenu à combler.
Le financement des organismes a augmenté, mais pas à la hauteur des besoins. Donc ce manque-là reste entier et il est plus prononcé dans le secteur culturel.
Car, contrairement à d’autres domaines soutenus par plusieurs ministères, celui de la culture dépend quasi exclusivement de Patrimoine canadien, explique Nancy Juneau.
La FCCF réclame aussi une meilleure rémunération des artistes. La présidente cite le cas des artistes visuels, qui consacrent d’innombrables heures à créer en atelier sans être payés.
«Lui ou elle n’auront sa rémunération qu’une fois qu’il ou elle aura vendu son œuvre. […] C’est un peu comme si on ne finançait pas la recherche en sciences», illustre-t-elle.
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Selon l’Analyse de l’impact économique de la communauté culturelle canadienne-française en 2022, publiée en 2024, le secteur artistique et culturel de la francophonie canadienne a contribué pour 5,83 milliards de dollars au PIB du Canada en 2022 et généré plus de 36 100 emplois en 2021.
Dans un contexte de guerre commerciale, mais aussi culturelle avec les États-Unis, Nancy Juneau rappelle que la francophonie canadienne a une contribution importante à apporter au débat sur la souveraineté culturelle.
La francophonie est un des traits distinctifs de notre pays. C’est ce qui nous distingue, entre autres, des États-Unis. Les arts et la culture sont les véhicules qui viennent nourrir cette identité […] Cela n’aura jamais été aussi important de nous donner les moyens pour continuer à jouer ce rôle-là.
La présidente de la FCCF veut croire que les demandes des francophones seront entendues au fédéral, comme ce fut le cas dans certaines provinces. Elle évoque le Québec, qui a récemment augmenté son budget à destination des arts, et du Nouveau-Brunswick, qui, «malgré une situation difficile et un déficit anticipé, a quand même augmenté de 2 millions l’enveloppe des arts et de la culture».
La FCCF plaide également pour un renforcement du rôle et du mandat national de CBC/Radio-Canada.
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De gauche à droite : l’animatrice Johane Despins, Steven Guilbeault (Parti libéral du Canada), Martin Champoux (Bloc québécois) et Marwan El-Attar (Nouveau Parti démocratique) lors du débat sur les enjeux culturels organisé à Montréal le 14 avril.
Le Bloc promet de moderniser CBC/Radio-Canada et de renforcer son rôle de couverture régionale, en particulier pour les communautés francophones hors Québec.
Le Bloc québécois d’Yves-François Blanchet veut faire en sorte que 40 % du financement fédéral en culture soit réservé au contenu francophone.
Le parti d’Yves-François Blanchet veut aussi rediriger les revenus de la taxe sur les produits et services (TPS) et la taxe sur les services numériques vers le milieu culturel et offrir des avantages fiscaux à des œuvres mettant en valeur la culture québécoise, francophone et autochtone. Il souhaite en outre soutenir les projets visant la découvrabilité du contenu francophone, comme la plateforme MUSIQC.
Le Bloc entend également bonifier les programmes de subventions pour les arts et faire en sorte que 40 % du financement soit réservé au contenu francophone. Il propose par ailleurs de contraindre Ottawa à consulter le Québec, les communautés franco-canadiennes et les nations autochtones avant d’adopter toute nouvelle règlementation.
Pour le parti du Québec, la culture reste «un investissement» et non une dépense, a répété le député Martin Champoux, lors de l’unique débat en français sur le sujet coorganisé par la Coalition pour la diversité des expressions culturelles (CDEC), à Montréal, le 14 avril.
Il milite aussi pour une réforme de la Loi sur l’assurance-emploi, comme le suggère entre autres la FCCF, et l’étalement des revenus des travailleurs culturels, afin d’atténuer leur charge fiscale.
Le Bloc propose en outre de revoir la répartition des financements fédéraux en fonction des réalités régionales.
Le parti a choisi de ne pas participer aux deux débats sur la culture (en français à Montréal et en anglais à Toronto, le 16 avril), proposé par plusieurs organismes, dont le CDEC.
Néanmoins, le porte-parole conservateur en matière de langues officielles, Joël Godin, affirme dans une réponse écrite à Francopresse que le parti veut garantir «le maintien du financement pour la culture francophone et québécoise».
De son côté, le chef conservateur, Pierre Poilievre, a réitéré sa promesse de couper le financement de la CBC, mais de bonifier celui de Radio-Canada, afin de continuer à desservir le Québec et les communautés francophones.
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«Protéger le Canada et notre identité, ça passe par protéger notre culture», a déclaré Mark Carney lors d’une annonce le 4 avril, à Montréal, où il a promis d’augmenter le financement de CBC/Radio-Canada de 150 millions de dollars par année.
Mark Carney promet d’augmenter le financement de CBC/Radio-Canada de 150 millions de dollars par année.
Les langues officielles et la culture ne seront jamais sur la table des négociations avec les États-Unis, a insisté le ministre actuel de la Culture et de l’Identité canadiennes, Steven Guilbeault, lors du débat en français sur la culture du 14 avril.
Il a défendu le bilan libéral, mettant de l’avant une hausse de 50 % des budgets culturels fédéraux depuis 2015. Le ministre s’engage à réformer le filet social et de faire «tout ce qu’[il] peut» pour augmenter de 140 millions de dollars le financement du Conseil des arts du Canada et celui des programmes de Patrimoine canadien.
Pour Marwan El Attar, candidat pour le NPD au Québec, la culture est éclipsée de la campagne électorale. «On préfère parler de pipelines», a-t-il lâché lors du débat coorganisé par la CDEC.
Le parti se dit prêt à accorder au moins 1 % du budget fédéral au secteur. Il propose de fixer la prestation d’assurance-emploi à 60 % du revenu, contre 55 % actuellement. Côté impôt, le NPD est favorable à un étalement des revenus.
Pour financer ces promesses, le NPD veut «aller chercher dans les subventions des compagnies pétrolières» et s’attaquer à l’évasion fiscale, a détaillé Marwan El Attar.
Au moment de publier, le Parti vert n’avait pas annoncé son plan pour la culture. Mais il a dit vouloir augmenter le financement des médias et garantir celui de CBC/Radio-Canada.
«Le sport, une affaire d’État(s)?» Fin juin 2012, c’était la question posée à tous les candidats et candidates au concours d’entrée d’une prestigieuse école de sciences politiques en France.
Je faisais partie de ces personnes et je me triturais les méninges pour mettre à profit, de la façon la plus pertinente possible, mes connaissances sportives. Dans mes souvenirs, je m’en étais sorti honorablement.
Treize ans plus tard, me revoilà devant ma copie, avec un nouvel exemple pertinent en tête. J’étais devant ma télé pour les deux matchs de hockey entre le Canada et les États-Unis qui se sont déroulés en février à l’occasion de la Confrontation des 4 nations.
Ce minitournoi, organisé par la Ligue nationale de hockey (LNH) pour la première fois cette année pour remplacer le Match des étoiles, s’annonçait plutôt anecdotique. C’était sans compter sur la réélection de Donald Trump et sa nouvelle politique commerciale, qui a mis le feu aux poudres.
D’un seul coup, ces deux rencontres sont devenues une affaire d’États.
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«C’est plus qu’un sport : c’t’une métaphore de notre sort», chante le groupe de rap québécois Loco Locass dans sa chanson Le but, un hymne à l’équipe des Canadiens de Montréal. La métaphore de la guerre était toute trouvée.
Sur les réseaux sociaux, les deux généraux, Donald Trump et Justin Trudeau, haranguent leurs troupes. Les patinoires sont, elles, transformées en champ de bataille.
Hymne national américain hué et trois échanges de coups de poing en quelques minutes lors de la première rencontre, au Centre Bell, à Montréal, le 16 février. Victoire américaine.
Quatre jours plus tard, pour la finale à Boston, c’était au tour de l’hymne canadien d’être conspué. Le TD Garden a été le théâtre d’une des rencontres les plus intenses de l’histoire. En prolongation, le Canada l’emporte, grâce au joueur de centre Connor McDavid.
Cerise sur le sundae : le micromessage rageur de Justin Trudeau, que l’on imagine préparé avant le match : «Vous ne pouvez pas prendre notre pays – et vous ne pouvez pas prendre notre sport.»
La victoire sportive s’efface devant une autre victoire, symbolique. À nos yeux, ce ne sont pas les joueurs des États-Unis qui ont perdu. C’est Donald Trump et sa politique agressive à notre égard. Ceux que le président nargue en disant qu’ils seraient un bon «51e État» ont battu les 50 autres.
Au lendemain de la victoire, les grands titres des médias étaient très éloquents : «Une victoire du Canada sous le signe de la résistance» (Radio-Canada), «Une victoire pour 40 millions de Canadiens» (Le Journal de Montréal), «Connor McDavid et Jordan Binnington, héros canadiens en prolongation» (RDS).
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Les Jeux, épicentre des liens entre sport et diplomatie
L’incursion de la géopolitique sur le terrain du sport ne date pas d’aujourd’hui. Ni même d’hier. Dès leur origine, au VIIIe siècle avant Jésus-Christ, les Jeux olympiques étaient une compétition entre États grecs et offraient déjà la fameuse trêve olympique, qui permettait aux participants de traverser sans être inquiétés les zones de conflit.
Depuis le création par les Grecques, les Jeux olympiques sont plus qu’une compétition sportive.
Dans notre ère moderne, les Jeux olympiques constituent l’épicentre des liens entre sport et diplomatie. De l’opération séduction menée par Adolf Hitler aux Jeux de Berlin en 1936, à la marginalisation des athlètes russes aujourd’hui, les exemples pullulent.
Le plus marquant est sans doute celui de la guerre froide. Le sport a servi de terrain de confrontation directe entre deux superpuissances militaires, idéologiques et sportives.
Aux Jeux de Munich en 1972, l’URSS a battu les États-Unis lors de la finale du tournoi de basketball après une fin de match hautement controversée. Les Américains ont refusé leur médaille d’argent. Huit ans plus tard, les États-Unis ont boycotté les Jeux de Moscou. En 1984, c’est au tour de l’URSS de snober ceux de Los Angeles.
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Mais pourquoi diable le sport, plus que tout autre divertissement, titille-t-il autant notre fierté nationale et fait-il autant ressurgir nos pulsions les plus guerrières?
L’historien Patrick Clastres, que j’avais interrogé à l’occasion du rapprochement diplomatique entre les deux Corées lors des Jeux olympiques d’hiver de Pyeongchang, en 2018, propose un élément de réponse :
Le sport est à l’image des autres formes de culture. Il peut être au service des plus nobles causes ou des pires régimes. Il déchaine des passions plus vives parce que ses expressions sont nationales. Quand on a des compétitions de cinéma ou de littérature, les artistes ne viennent pas avec un maillot aux couleurs du pays. Les créateurs se sont, depuis très longtemps, dégagés de l’impératif national, sauf dans le cas des dictatures. Le monde du sport n’y arrive pas.
Mais le sport doit-il vraiment s’affranchir de cet impératif? Finalement, laisser nos frustrations et notre nationalisme s’exprimer dans un cadre règlementé et sécuritaire n’est-il pas un moindre mal?
Vous avez quatre heures pour y répondre.
Timothée Loubière est journaliste pupitreur au quotidien Le Devoir. Avant de poser ses valises au Québec en 2022, il était journaliste sportif en France, notamment au journal L’Équipe.
Logement, transport, végétation, animaux, nourriture : les participants et participantes vont devoir plancher sur la cité écologique de leur rêve pour un futur vert. Avec, pourquoi pas, des bus équipés de panneaux solaires ou encore des vélos électriques volants avec des éoliennes.
Lors du lancement du premier concours, en 2023, EcoNova avait reçu environ 300 bandes dessinées. Après une deuxième année en demi-teinte, cette nouvelle édition s’annonce sous de meilleurs auspices, assurent en entrevue avec Francopresse la directrice exécutive de l’organisme, Caroline Malczuk, et la coordinatrice d’évènements éducatifs et écologiques, Sophie Robert.
Le projet est notamment soutenu par la Société de développement économique de la Colombie-Britannique, le ministère de l’Éducation de la province et Interforum Canada.
«On a un contact privilégié avec les écoles, mais le but, c’est que ça touche le maximum de jeunes possibles», rappelle Caroline Malczuk. Les organisatrices comptent sur le bouche-à-oreille, les librairies, les centres communautaires ou encore les réseaux sociaux.
Pour cette édition, EcoNova s’est entouré de deux ambassadrices : l’artiste franco-colombienne Andrea Roncancio et l’illustratrice néoécossaise Erin Mercer.
Pour participer, il faut avoir entre 8 et 19 ans et résider au Canada. La bande dessinée peut être numérisée ou photographiée puis envoyée par WeTransfer à [email protected].
Selon leur tranche d’âge, les apprentis urbanistes doivent soumettre une à trois planches de dessin. Tous les détails concernant les conditions de participation et les prix à gagner sont disponibles sur le site Internet de l’organisme.
Les jeunes ont jusqu’au 30 juin 2025 pour envoyer leurs œuvres.
«Si on organise des concours, c’est d’abord pour créer des espaces d’expression où les jeunes peuvent nous partager leurs idées, leurs espoirs, leur vision de l’avenir», indique Caroline Malczuk.
«L’art est un bon moyen de transformer ses émotions en quelque chose de tangible, de concret, qui puisse nous amener vers une meilleure société.»
Tai Sato et Rebekah Lauzon, les deux élèves de l’école Au-coeur-de-l’île, en Colombie-Britannique, qui ont remporté le concours l’année dernière.
En Colombie-Britannique, Dema Chen a participé au concours de l’an passé. «À l’école, on lui a beaucoup parlé du changement climatique et des influences mondiales», raconte son père, Wen Chen. Un sujet régulièrement abordé par la famille à la maison.
«Comme elle devra composer avec ces changements, on parle toujours de ce qu’on peut faire pour l’avenir.»
«En Amérique du Nord, c’est vrai qu’on a des villes qui mettent beaucoup de places, d’énergie et d’argent pour les voitures, et je pense que de pousser les jeunes à imaginer d’autres façons de se déplacer ou même de faire de l’agriculture dans la ville, eh bien, ça peut entrainer derrière des comportements positifs», remarque Caroline Malczuk.
«C’est important de leur donner la parole, de leur donner un peu de pouvoir en fait. Parce que ça va être surtout eux et elles qui vont vivre dans ce futur. Je trouve que, du coup, c’est légitime de leur demander comment ils l’imaginent et ce qu’ils veulent.»
Et elle ajoute que «des fois, on est surpris finalement de leur créativité et aussi des choses auxquelles ils sont prêts à renoncer […] pour sauver la planète.»
À noter que le public pourra voter pour les œuvres les plus inspirantes, en ligne, dès le 1er juillet, sur le site Internet d’EcoNova.
L’initiative s’inscrit aussi dans le programme d’éducation de certaines provinces, comme en Ontario. Flore Mapa est enseignante à l’école Madeleine-de-Roybon à Kingston et a inscrit deux années de suite ses élèves au concours. «Ça cadrait bien avec la science, les arts, le français.»
Les élèves ont beaucoup aimé l’expérience, raconte-t-elle. «Ça leur permet d’être imaginatifs et créatifs, mais aussi engagés et motivés. Ils comprennent qu’ils peuvent faire partie du changement et de la solution, que leur voix est importante. Puis là, ils voient les choses de façon différente.»
Flore Mapa est enseignante dans une école francophone en Ontario.
Aussi, le fait de savoir que leur œuvre sera diffusée est d’autant plus motivant, souligne Flore Mapa. Le but n’est pas de gagner, mais d’informer : «On voit les différentes étapes de la publication, comment informer la population et toucher les cœurs.»
La bande dessinée constitue également à ses yeux une belle activité pour les élèves qui ont des besoins particuliers. «Ça donne des idées pour améliorer la façon de présenter certains sujets.»
Seul petit bémol, selon elle : la date limite pour remettre les dessins est trop tardive, puisqu’elle tombe après la fin de l’année scolaire pour la plupart des jeunes.
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La bande dessinée de Dema Chen, qui a remporté le deuxième prix des 8-11 ans l’année dernière.
«Ce n’est pas juste un message qu’on lance dans les airs pour faire valoir qu’on a besoin de plus. C’est vraiment une réalité», souligne Maryne Dumaine au sujet du financement des médias locaux.
«Encore cette semaine, il y a un [journal] qui nous a appelés pour nous indiquer que, faute de publicité et faute d’avoir le financement nécessaire, en début d’année financière, il pensait mettre la clé sous la porte», raconte la présidente de Réseau.Presse, Maryne Dumaine. Réseau.Presse est l’éditeur de Francopresse.
«Il y a quand même beaucoup de journaux qui ne vont pas super bien financièrement, dit-elle. On fait de plus en plus face à ce défi-là.»
Les médias francophones en situation minoritaire peinent à tirer leur coin de la couverture des publicités fédérales. Les financements des médias communautaires n’ont pas été révisés depuis quelques années, malgré l’inflation, explique la présidente du réseau des médias écrits franco-canadiens.
Parmi les demandes électorales formulées par Réseau.Presse, on retrouve :
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Du côté de l’Alliance des radios communautaires du Canada (ARC), le directeur général Louis Béland affirme par courriel que «dans bien des cas, nos radios font déjà des miracles avec très peu de moyens».
Du financement stable et durable, une facilitation de l’accès à des ressources techniques et humaines, les demandes sont similaires dans le monde de la radio.
«Si le gouvernement fédéral appliquait scrupuleusement une politique claire et précise d’investissements publicitaires dans nos médias locaux canadiens plutôt que sur les plateformes numériques étrangères qui contournent nos lois et nos règles fiscales, on franchirait un grand pas dans la bonne direction», écrit-il.
Dans sa plateforme électorale, le Bloc québécois assure qu’il exigera du «soutien» pour la distribution des journaux locaux. Il soutiendra aussi la reconduction des mesures d’aide à la presse écrite, ce qui comprend le partage des revenus publicitaires avec les géants du Web et «le soutien à la salle de nouvelles».
Ces suggestions ne sont pas exclusives aux journaux québécois. Dans une réponse écrite, un porte-parole du BQ rappelle que la plateforme exige que «les communautés francophones minoritaires bénéficient des mêmes droits et des mêmes services dans leur langue que ceux dont bénéficient les Québécois d’expression anglaise».
Sur le plan fiscal, le parti propose de retirer les crédits d’impôt aux entreprises qui placent de la publicité sur les médias sociaux «au détriment des médias traditionnels».
Il propose également de réviser la règlementation des médias traditionnels, qui peinent à jouer du coude avec les multinationales «ne respectant aucune règlementation locale».
Le Bloc propose depuis quelque temps la création d’un fonds de redevances spécial pour les hebdomadaires locaux.
En 2024, le député porte-parole du parti en matière de Patrimoine canadien, Martin Champoux, avait expliqué qu’il était ouvert à relancer cette idée au besoin, notamment si l’Entente avec Google échouait.
Par courriel, un porte-parole du parti confirme que c’est toujours dans les plans. Le fonds serait aussi dédié au milieu culturel, serait constitué des sommes perçues par la taxe sur les services numériques.
En conférence de presse le 7 avril, le chef conservateur Pierre Poilievre a promis de doubler les fonds de l’Initiative de journalisme local (IJL). Tous les journaux membres de Réseau.Presse bénéficient de ce programme.
Pierre Poilievre veut assurer le libre marché des médias d’information afin que les Canadiens et les Canadiennes puissent choisir : «Ça va nous permettre d’avoir plus de voix, plus de liberté, surtout pour nos médias francophones à travers le Canada.»
«Ça va favoriser les médias indépendants», a expliqué M. Poilievre. «On va aussi assurer que les médias indépendants aient leur juste part de publicité gouvernementale.»
Il a également assuré, quelques jours plus tôt, qu’il renforcera les services locaux Radio-Canada en milieu minoritaire, puisqu’il promet toujours d’éliminer la CBC.
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Un gouvernement conservateur abolirait aussi la Loi sur les nouvelles en ligne, qui a mené Ottawa à signer une entente avec Google et qui oblige le géant du Web à verser 100 millions de dollars par année aux médias canadiens.
Parmi les médias communautaires de langue officielle en situation minoritaire, 90 % d’entre eux ne sont pas admissibles à une part du gâteau, selon le Consortium des médias communautaires de langue officielle en situation minoritaire.
À travers ses demandes électorales, Réseau.Presse demande notamment d’assurer que les critères d’éligibilité aux programmes de soutien aux médias soient adaptés à la réalité des plus petits médias.
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Mark Carney entend augmenter le financement gouvernemental de CBC/Radio-Canada, tout en gardant les publicités sur ses plateformes.
Le chef libéral Mark Carney «comprend l’importance de la langue française et du dynamisme des communautés francophones à travers le pays» et «reconnait également le rôle essentiel des médias francophones pour assurer leur croissance et leur vitalité», écrit un porte-parole du PLC, Guillaume Bertrand, dans une réponse par courriel.
Bertrand assure que, si réélus, les libéraux renforceraient les initiatives qui favorisent le «développement» des communautés francophones en situation minoritaire, sans préciser lesquelles.
«Nous protègerons l’identité canadienne en renforçant Radio-Canada et CBC en renforçant les salles de nouvelles locales avec plus de bureaux et de journalistes afin que tous les Canadiens et Canadiennes aient accès à des nouvelles pertinentes et fiables», ajoute Guillaume Bertrand.
Mark Carney a annoncé le 4 avril sa volonté d’augmenter de 150 millions de dollars le financement de CBC/Radio-Canada.
Le PLC n’a pas encore dévoilé la manière exacte dont il soutiendra les autres médias francophones et locaux.
«Assurer la vitalité de nos communautés francophones au pays est nécessaire pour la pérennité de l’identité canadienne», affirme le NPD.
Le soutien des médias francophones en situation minoritaire est un enjeu «extrêmement important pour le NPD», répond le parti dans un courriel à Francopresse.
S’il remporte les élections, le NPD «réinvestirait de manière importante» dans ces médias. «Cela s’inscrit en adéquation avec notre désir d’accroitre le financement dans l’éducation francophone en situation minoritaire via des transferts directs aux universités de communautés francophones», lit-on.
Le NPD considère également augmenter l’achat de publicités par le gouvernement auprès de ces médias, car, pour le moment, «les annonceurs désertent les médias traditionnels».
«Nous souhaitons bonifier le financement aux organismes et médias francophones hors Québec», affirme le co-chef du PVC, Jonathan Pedneault, dans une réponse par courriel.
Les «réseaux sociaux» doivent payer leur juste part «pour assurer le maintien de la diversité et de la santé de notre environnement médiatique», estime Jonathan Pedneault.
Cette «stratégie» inclut les dépenses publicitaires et «d’autres programmes d’aide en appui aux langues officielles et aux médias de manière générale».
Pedneault veut aussi obliger les plateformes de réseaux sociaux à respecter les lois établies par le Parlement canadien, une référence à la Loi sur les nouvelles en ligne à laquelle Meta a répliqué par un blocage des médias canadiens sur ses plateformes.
Lors d’un débat en Chambre des communes sur la Loi sur les nouvelles en ligne en 2023, la co-cheffe du PVC, Elizabeth May accusait les plateformes telles que Google et Facebook d’avoir «éviscéré» les médias d’information canadiens.
«Pas parce qu’ils se servent du contenu [des médias d’information] sans payer, mais parce qu’ils ont détruit le modèle d’affaires sur lequel nos journaux s’appuyaient. Les petites annonces, par exemple. Auparavant, les journaux pouvaient se fier à cette source de revenus. Celle-ci n’existe plus parce que des entreprises étrangères ont créé un marché différent», avait-elle expliqué.
Pour élire leur gouvernement, les citoyens et citoyennes votent pour un candidat ou une candidate dans leur circonscription, qui deviendra leur député à la Chambre des communes du Canada, à Ottawa.
Depuis le redécoupage de 2023, le pays est divisé en 343 circonscriptions, chacune ayant un siège à la Chambre des Communes. Le parti qui obtient le plus de députés forme généralement le gouvernement.
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Les citoyens canadiens de plus de 18 ans votent pour un seul candidat. Plusieurs s’affrontent dans une même circonscription, sous la bannière de partis politiques différents ou en tant que candidats indépendants s’ils ne sont affiliés à aucun parti.
Les candidats et candidates sont investis par leur parti avant de se présenter et chaque parti a ses propres règles d’investiture. Les partis nationaux tentent d’avoir un candidat dans chaque circonscription, sauf le Bloc québécois, dont la présence se limite au Québec.
La personne élue dans sa circonscription est celle qui recueille le plus de votes. La majorité absolue (50 % + 1 des voix) n’est pas nécessaire. Le candidat qui a plus de votes que les autres l’emporte simplement.
Le parti qui remporte le plus de sièges est porté au pouvoir. Le chef de ce parti devient premier ministre. C’est lui qui nomme les ministres qui formeront ce que l’on appelle le Cabinet.
Mark Carney est devenu premier ministre du Canada quelques jours après avoir remporté la course à la direction du Parti libéral du Canada, le 9 mars 2025.
Le premier ministre n’est pas directement élu par la population générale. Il est un député comme les autres candidats. Il doit être élu pour entrer dans la Chambre des communes et participer aux débats. Il devient premier ministre parce que les membres de son parti l’ont choisi comme chef.
C’est le cas de Mark Carney, qui a été élu chef avec près de 86 % des votes, le 9 mars dernier.
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Le second parti qui a le plus de sièges devient l’opposition officielle.
Le parti qui a au moins 172 sièges à la Chambre des Communes devient un gouvernement majoritaire. Il détient alors essentiellement le pouvoir décisionnel seul. Il n’a pas nécessairement besoin de faire d’alliances avec des partis de l’opposition pour faire adopter ses projets de loi, parce qu’il a assez de votes à lui seul pour obtenir 50 % +1 des votes à la Chambre.
Le gouvernement minoritaire est formé lorsqu’aucun parti politique ne détient plus 172 sièges à la Chambre des communes. C’était le cas lors des deux dernières législatures sous Justin Trudeau, en 2019 et en 2021.
Par conséquent, son parti, le Parti libéral du Canada, a dû obtenir l’appui d’un autre parti politique, en l’occurrence du Nouveau Parti démocratique, entre 2022 et septembre 2024, pour faire passer des projets de loi.
Le 23 mars dernier, le nouveau chef du Parti libéral, Mark Carney, a «sollicité un mandat fort» auprès des Canadiens et des Canadiennes, en déclenchant des élections anticipées, qui auront lieu le 28 avril 2025.
La Constitution canadienne limite à cinq ans le mandat des gouvernements. Depuis 2007, la Loi électorale du Canada fixe la date des élections au «troisième lundi d’octobre de la quatrième année civile qui suit le jour du scrutin de la dernière élection générale».
Cette règle n’empêche pas le déclenchement d’élections anticipées. C’est ce qui s’est passé cette année : la démission de Justin Trudeau en janvier a précipité une course à la direction du Parti libéral du Canada.
Mark Carney l’a remportée et il occupe à présent ce poste, ainsi que celui de premier ministre, laissé vacant par son prédécesseur.
Néanmoins, il est possible de voter avant le 28 avril. Tous les électeurs et électrices peuvent commander une trousse de vote par la poste avant le 22 avril jusqu’à 18 h.
Voter d’avance par bulletin spécial est possible dans l’un des 500 bureaux d’Élections Canada sept jours sur sept avant le 22 avril à 18 h.
Le vote par anticipation a lieu à des dates précises. Ces occasions de voter sont notamment mises en place pour les personnes qui ont des circonstances particulières.
Comme les étudiants qui votent sur le campus d’un établissement d’enseignement postsecondaire, les patients dans un hôpital, les personnes incarcérées dans un établissement correctionnel ou les membres des Forces armées canadiennes dans un bureau de vote militaire.
Sinon, la population canadienne peut voter au plus tard le jour de l’élection, cette fois le 28 avril, à l’issue de laquelle ils connaitront la composition de la Chambre des Communes et le nom du premier ministre.
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En vue du vote du 28 avril, l’Assemblée des Premières Nations (APN) met l’accent sur le lien entre les chefs des Premières Nations et les directions du scrutin d’Élections Canada pour établir les emplacements de bureau de vote «qui répondent le mieux aux besoins des communautés».
Ces directeurs et directrices de scrutin (un ou une par circonscription) devraient aussi aider les Premières Nations à évaluer les besoins d’accès aux bureaux de vote et à l’inscription au vote.
Plutôt que de céder aux scénarios alarmistes, il est essentiel de comprendre ce que l’IA peut réellement faire aujourd’hui, ses limites et les défis concrets qu’elle pose.
Lydia Bouzar-Benlabiod fait une mise en garde : l’effet à long terme des IA sur l’apprentissage n’est pas encore connu.
C’est l’un des débats les plus vifs autour de l’intelligence artificielle : va-t-elle mettre tout le monde au chômage et transformer les CV en simples décorations murales? L’automatisation de certaines tâches est une réalité : la traduction, la rédaction, le service client ou le design graphique sont déjà profondément transformés.
Mais l’idée d’une substitution totale des humains par des machines est exagérée. «L’IA ne nous remplace pas, elle nous oblige à évoluer», explique le spécialiste en markéting et créateur du balado AI Experience, Julien Redelsperger. «Ce sont surtout les tâches répétitives et standardisées qui disparaissent. Mais l’humain garde un rôle central, notamment sur la prise de décision, la créativité et la réflexion stratégique.»
Si la transformation du monde du travail est indéniable, un autre défi se dessine en parallèle : celui de l’apprentissage et du développement des compétences. Lydia Bouzar-Benlabiod, professeure adjointe à l’Université Acadia et chercheuse en IA appliquée à la santé, alerte sur un phénomène émergent : «Les enfants et les étudiants utilisent de plus en plus l’IA pour leurs devoirs et leurs examens. Cela soulève une question fondamentale : vont-ils perdre des compétences essentielles?»
D’autres interrogations découlent de cette question : «Qu’adviendra-t-il des générations qui auront grandi avec l’IA comme assistant permanent? Auront-elles suffisamment développé leur esprit critique, leur capacité à raisonner et à argumenter?»
L’autre grande peur qui anime l’imaginaire collectif est celle de la «singularité», ce moment où l’IA deviendrait autonome et surpasserait l’intelligence humaine.
Julien Redelsperger rappelle que les êtres humains sont encore au centre des décisions créatives dans l’utilisation des IA.
Pour Julien Redelsperger, cette vision digne de Terminator reste caricaturale : «L’IA, ce n’est pas nouveau. Cela fait 60 ou 70 ans qu’on en parle, mais l’IA générative a soudainement accéléré le débat public. Aujourd’hui, c’est un outil puissant, mais encadré par l’humain.»
Lydia Bouzar-Benlabiod partage ce constat et rappelle une réalité simple : «L’idée d’une IA qui prendrait le pouvoir reste peu crédible. Ce sont des systèmes entièrement dépendants des données humaines. Si on débranche les serveurs, il n’y a plus d’IA.»
Le professeur titulaire à l’École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke et spécialiste en cybersécurité, Hugo Loiseau, rappelle que nous avons tendance à anthropomorphiser l’IA, c’est-à-dire à lui attribuer des qualités humaines qu’elle n’a pas.
«L’IA actuelle est avant tout un outil d’optimisation, pas une entité consciente. Elle fonctionne sur des modèles statistiques qui lui permettent de prédire des résultats et de produire des textes ou des images, mais elle n’a pas de compréhension propre.»
Le fait que l’IA puisse répondre à des questions complexes, générer du texte fluide ou créer des images convaincantes ne signifie pas qu’elle réfléchit. Julien Redelsperger insiste sur cette distinction.
L’IA générative est bluffante parce qu’elle imite le langage naturel. Mais ce n’est qu’une imitation. Elle ne comprend pas ce qu’elle dit, elle prédit simplement les mots les plus probables. Elle est extrêmement performante dans la forme, mais elle reste totalement vide de fond.
Au-delà des craintes, l’IA ouvre des perspectives prometteuses. Julien Redelsperger insiste sur les avancées que cette technologie permet déjà : «On parle beaucoup des risques et des arnaques, mais il y a aussi des avancées majeures. En santé, par exemple, on voit des progrès phénoménaux. Dans l’entrepreneuriat, cela booste l’innovation et l’économie. Et dans l’éducation, cela ouvre énormément de possibilités. Comme tout outil, c’est l’usage qui fait la différence.»
Cependant, ces opportunités s’accompagnent d’un besoin essentiel : apprendre à s’adapter. «Ce n’est pas la première révolution technologique, mais c’est certainement l’une des plus rapides et aux impacts les plus concrets.
Là où Google et les réseaux sociaux ont mis 10 à 15 ans à s’implanter dans nos vies, l’IA générative a bouleversé le quotidien de tout le monde en 12 à 18 mois. Cette vitesse fulgurante peut être effrayante, surtout pour ceux qui ne maitrisent pas ces outils.
C’est pourquoi, selon lui, l’apprentissage continu est encore plus indispensable : «On ne peut plus se dire que ce qu’on a appris à l’école suffira pour toute notre vie. Il faut rester curieux, se former en continu, lire, écouter des balados, suivre des cours en ligne.»
Si l’IA ne va ni remplacer ni surpasser l’humain de sitôt, elle soulève néanmoins des défis majeurs, notamment en matière de régulation.
«L’IA actuelle est avant tout un outil d’optimisation, pas une entité consciente», dit Hugo Loiseau.
«Le problème, ce n’est pas la technologie elle-même, c’est son usage», souligne Hugo Loiseau. «Il faut se demander qui contrôle l’IA, qui en bénéficie et sous quel cadre. Le projet de loi C-27, qui devait mieux l’encadrer au Canada, est tombé avec la prorogation du Parlement. Pendant ce temps, l’Europe a déjà mis en place un cadre règlementaire basé sur différents niveaux de risques. Nous accusons un retard inquiétant.»
En l’absence de régulation stricte, l’IA peut être exploitée pour manipuler, tromper et amplifier les inégalités. Un encadrement clair devient donc une nécessité absolue.
Loin des scénarios de science-fiction, l’intelligence artificielle est avant tout un outil façonné par l’humain. Ni omnipotente ni hors de contrôle, elle reste une technologie à encadrer, adapter et comprendre. Ce n’est pas son existence qui pose problème, mais l’absence de garde-fous clairs, le manque de régulation et la vitesse à laquelle elle s’intègre dans tous les secteurs sans toujours mesurer les conséquences.
«Cette élection survient à un moment crucial de l’histoire. La stabilité économique du Canada dépendra du fait que les Premières Nations soient des partenaires égaux dans la prise de décision», affirme la cheffe nationale de l’Assemblée des Premières Nations (APN), Cindy Woodhouse Nepinak.
Elle parle de projets d’une valeur de 560 milliards de dollars qui devraient être lancés sur les terres traditionnelles autochtones au cours de la prochaine décennie.
Ces projets représentent la pierre angulaire de la future croissance économique du Canada. Les bénéfices potentiels se chiffrent en milliers de milliards de dollars. Mais rien n’avancera sans le soutien des Premières Nations.
Pour faire valoir ses préoccupations, l’APN a publié, mardi 1er avril, un document, intitulé Prospérité pour tous : Priorités des Premières Nations pour l’élection fédérale de 2025.
Ce rapport de 30 pages, envoyé à tous les partis, décrit les mesures attendues du prochain gouvernement en ce qui concerne la réconciliation économique, le commerce et la mobilité frontalière entre le Canada et les États-Unis, le bienêtre des enfants, des familles et des générations futures, les appels à l’action de la Commission de vérité et de réconciliation et les appels à la justice de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées.
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Besoins pour une stratégie d’entrepreneuriat autochtone
Tabatha Bull du Conseil canadien pour le commerce autochtone craint que cette élection fédérale «retarde l’élan» dans certains dossiers liés à l’économie autochtone.
Hausse du cout de la vie, manque de logements abordables, détérioration des soins de santé : les Autochtones partagent également les mêmes inquiétudes que le reste de la population canadienne, assure Cindy Woodhouse Nepinak.
La présidente et directrice générale du Conseil canadien pour le commerce autochtone, Tabatha Bull, réclame pour sa part une augmentation et une pérennisation des financements publics alloués au «développement et à l’innovation» des entreprises autochtones.
La responsable veut aussi faciliter leur accès aux marchés publics fédéraux. En 2021, Ottawa s’était engagé à attribuer un minimum de 5 % de la valeur totale des contrats publics à des compagnies possédées par des membres des Premières Nations, des Métis ou des Inuits.
«Les entreprises autochtones ont dépensé beaucoup de temps et d’énergie en déposant des offres, mais elles n’ont que très peu réussi», regrette Tabatha Bull.
Elle dénonce par ailleurs le manque d’infrastructures, qui «bloque le potentiel de l’économie autochtone».
Il faut absolument développer l’accès à l’Internet à haute vitesse dans les communautés rurales et éloignées.
À ses yeux, l’économie autochtone doit infuser l’ensemble des chapitres des plateformes électorales. Elle ne doit pas seulement être reléguée dans une section dédiée aux Autochtones.
Elle plaide ainsi en faveur d’une stratégie d’entrepreneuriat autochtone à cheval sur plusieurs ministères, afin d’éviter la «logique de silo» et le renvoi systématique des dirigeants d’entreprise vers Services aux Autochtones Canada.
Craintes de compressions budgétaires
En pleine guerre commerciale avec les États-Unis, les Autochtones veulent également être associés aux négociations.
Les Premières Nations doivent être des partenaires à part entière, car nous ne pouvons pas lutter contre le colonialisme des États-Unis en renforçant le colonialisme au Canada
«Il faut aider les entreprises autochtones à trouver de nouveaux marchés d’exportation, en leur garantissant un accès à des missions de vente et aux réseaux mondiaux d’entreprises autochtones», poursuit Tabatha Bull.
Pour elle, la période d’élection actuelle constitue en soi un facteur d’instabilité, parce que l’adoption de mesures économiques est mise sur la glace : «Nous craignons qu’en cas de changement de gouvernement, il nous faille à nouveau expliquer pourquoi l’économie autochtone est importante.»
Au-delà de l’économie, sujet central de ce scrutin, des organismes craignent que le financement d’initiatives autochtones liées à la vérité et à la réconciliation soit abandonné ou réduit.
Stephanie Scott du Centre national pour la vérité et la réconciliation constate une tendance inquiétante à la diminution du soutien et des financements fédéraux.
Dans une réponse écrite, la directrice générale du Centre national pour la vérité et la réconciliation (CNVR), Stephanie Scott, lance un message clair : «Nous attendons de tous les partis qu’ils fassent preuve d’un engagement concret et durable en faveur de notre travail.»
«Sans un financement adéquat, des initiatives cruciales risquent d’être abandonnées, ça freinera notre cheminement collectif vers la guérison et la réconciliation», ajoute-t-elle.
Stephanie Scott regrette à cet égard que la réconciliation soit encore trop traitée comme une «question périphérique», alors que le CNVR reçoit de plus en plus de demandes de la part des survivants et survivantes et de leurs familles pour obtenir des documents.
«Nous avons besoin de propositions politiques détaillées qui s’attaquent aux séquelles des pensionnats et du colonialisme, pas seulement de vagues promesses», écrit-elle.
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Changer le discours énergétique
Le directeur général d’Indigenous Clean Energy, James Jenkins, aimerait, lui, que les partis fédéraux parlent moins d’oléoducs et plus d’énergie propre. Selon l’organisme à but non lucratif, les Autochtones détiennent, en totalité ou en copropriété, près de 20 % des infrastructures de production d’électricité canadiennes.
«L’éolien, le solaire, les biocarburants sont de plus en plus abordables et contribuent à l’indépendance économique de toutes nos communautés au pays. Nous avons encore du travail à faire pour nous assurer qu’il s’agit d’une priorité visible.»
James Jenkins de l’Indigenous Clean Energy insiste sur le besoin d’investir dans les énergies propres, qui «génèrent de la richesse» dans des communautés autochtones.
Le responsable demande notamment la clarification des règles d’application du crédit d’impôt à l’investissement dans les énergies propres pour les entités non imposables, comme les sociétés appartenant aux Premières Nations.
Plus largement, Indigenous Clean Energy souhaite que les nombreux programmes de subventions fédéraux restent en place. «[Ils] ont permis aux communautés de planifier leur avenir énergétique et de faire preuve de beaucoup plus de leadeurship», relève James Jenkins.
À Winnipeg, au Manitoba, Cindy Woodhouse Nepinak encourage toutes les Premières Nations à «dialoguer» avec les candidats locaux afin de faire entendre leur voix d’ici le 28 avril.
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