le Vendredi 26 Décembre 2025

«Les milieux ruraux seront les plus pénalisés par la suppression des bureaux de poste», dénonce le président de l’Association francophone des municipalités du Nouveau‑Brunswick, Yvon Godin.

Le responsable craint l’émergence d’un système postal «à deux vitesses», avec les villes d’un côté et les campagnes de l’autre, «où les gens devront se déplacer sur de grandes distances pour aller chercher leur courrier».

Dans un rapport déposé le 15 mai, la Commission d’enquête sur les relations de travail chez Postes Canada recommande la levée des moratoires sur la fermeture des bureaux de poste ruraux et la conversion vers des boites postales communautaires.

Le commissaire William Kaplan conseille également l’élimination progressive de la livraison quotidienne du courrier à domicile aux adresses individuelles.

Le rapport découle d’une demande d’Ottawa faite lorsque le gouvernement a mis fin à la grève qui perturbait la livraison du courrier à l’approche des Fêtes, l’an dernier. Le gouvernement avait fait appel à la Commission fédérale des relations de travail et de l’emploi afin d’ordonner le retour des employés des postes au travail.

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Rapport sur fond de conflit social

Le rapport de la commission d’enquête sur les relations de travail examine la situation financière de Postes Canada. Selon William Kaplan, la société d’État fait face à une crise existentielle. Elle est insolvable ou en faillite, mentionne-t-il. «Sans changements réfléchis, mesurés, échelonnés, mais immédiats, sa situation financière continuera à se détériorer.»

Le PDG de Postes Canada, Doug Ettinger, a salué les recommandations du rapport. Elles arrivent à un «moment crucial», d’après lui, et offrent «une évaluation franche et directe» des défis.

Pendant ce temps, les négociations se poursuivent entre les négociateurs syndicaux et patronaux en vue de conclure un accord pour une nouvelle convention collective.

Le jeudi 22 mai, le syndicat des 55 000 travailleurs et travailleuses de Postes Canada a finalement opté pour une grève du temps supplémentaire afin de laisser davantage le temps aux négociateurs d’examiner les dernières offres patronales.

 

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Un «rôle social» essentiel

«On se bat pour maintenir notre présence dans les zones rurales et éloignées, ce sont celles qui ont le plus besoin de nous. On les aide à maintenir une connexion avec le reste du pays», réagit la négociatrice pour le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) de Montréal, Anny Lesage.

«La Loi [sur la Société canadienne des postes] exige des livraisons tous les jours. On pense que la livraison doit être quotidienne et à la porte», affirme Anny Lesage du STTP. 

Photo : Courtoisie

À ses yeux, les compagnies privées «n’atteindront jamais les régions éloignées au même prix» que Postes Canada, qui est une société d’État.

Pour le professeur agrégé d’études sur le travail à l’Université du Manitoba, David Camfield, les bureaux de poste jouent également un «rôle social» essentiel : «Dans de nombreuses zones rurales, où la population est très dispersée, ce sont des espaces communautaires et la principale institution liée au gouvernement fédéral.»

«C’est important d’offrir des services de proximité aux personnes âgées qui habitent dans ces régions. Elles ne sont pas dans le monde informatique, elles ont besoin d’un bureau de poste», renchérit Yvon Godin.

Le professeur à l’École de gestion Sprott de l’Université Carleton, Ian Lee, juge aussi qu’Ottawa doit «continuer à assurer l’accès au courrier et aux colis dans les régions rurales et les réserves des Premières Nations où il n’y a pas d’entreprises privées capables de prendre le relai.»

«Postes Canada est insolvable, elle doit réduire ses effectifs et restructurer ses activités en se concentrant sur les communautés rurales et éloignées qui n’ont pas d’alternative», déclare-t-il.

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Des facteurs au chevet des ainés

En revanche, Ian Lee considère que des «franchises rurales de Postes Canada, installées dans de petites épiceries ou pharmacies», doivent remplacer à terme les boites postales communautaires et les bureaux de poste détenus et gérés par la société de la Couronne.

Yvon Godin de l’Association francophone des municipalités du Nouveau‑Brunswick craint une baisse de la qualité des services postaux disponibles dans les régions rurales. 

Photo : Courtoisie

«Ce modèle coutera moins cher. Les habitants iront chercher leur courrier au bureau de poste de la franchise où ils se rendent de toute façon pour acheter leur nourriture ou leurs médicaments», avance-t-il.

Yvon Godin ne se montre pas totalement opposé à cette idée de points de service dans des entreprises : «Ça peut être envisageable pour être plus rentable et compétitif. Ce qu’il faut, c’est absolument trouver des solutions innovantes sans nuire aux employés.»

Pour engranger des revenus supplémentaires, Anny Lesage plaide plutôt en faveur d’un «élargissement et d’une diversification de la gamme de services» qu’offre Postes Canada dans les communautés rurales et éloignées.

Elle mentionne notamment la création d’un bureau de poste de type carrefour communautaire à Membertou, en Nouvelle-Écosse, en partenariat avec la Première Nation mi’kmaq locale.

Location de salles de réunion, accès à Internet sans fil, à des ordinateurs, autant de services qui «aident les gens à se rassembler», selon Anny Lesage.

Propositions «irréalistes»

La négociatrice cite par ailleurs la France en exemple. Depuis 2015, les facteurs de l’Hexagone se rendent chez les ainés isolés, même sans courrier, afin de s’assurer qu’ils se portent bien.

«C’est une forme de soutien à la population que l’on pourrait implanter chez nous, soutient-elle. On pourrait aussi imaginer que les facteurs livrent des produits d’épicerie à domicile.»

Le professeur à l’Université du Manitoba, David Camfield, défend une «expansion et une diversification des services» qu’offre Postes Canada aux communautés rurales et éloignées. 

Photo : Courtoisie

Anny Lesage évoque enfin l’option des services bancaires. Postes Canada a lancé cette année un projet pilote, MonArgent, un compte d’épargne et de dépenses destiné aux Canadiennes et Canadiens mal desservis.

«Bon nombre de personnes en région rurale ou éloignée sont confrontées à des obstacles systémiques pour l’accès à des services financiers. Il y a donc une demande en dehors du système bancaire traditionnel», assure-t-elle.

Le commissaire William Kaplan juge néanmoins toutes ces propositions du STTP «irréalistes». «À mon avis, compte tenu de la crise financière, Postes Canada doit se concentrer sur la sauvegarde de son activité principale et non sur l’offre de nouveaux services», écrit-il dans son rapport.

Au Manitoba, David Camfield estime pour sa part que le débat actuel «devrait être lié à une redéfinition de la société d’État en tant que service public». «Postes Canada fournit des services vitaux auxquels tous les habitants du pays devraient avoir accès.»

Steven Guilbeault dit avoir déjà pris en compte le dossier du règlement d’application de la Loi sur les langues officielles. 

Photo : Marianne Dépelteau – Archives Francopresse

À deux pas de la salle de réunion des libéraux, un Steven Guilbeault pressé a affirmé à Francopresse, dimanche, qu’il «travaillait rapidement» sur les décrets nécessaires pour appliquer la Loi sur les langues officielles, adoptée il y a maintenant deux ans.

«J’ai déjà parlé avec les fonctionnaires, avec l’équipe. Je veux que ça aille très rapidement parce que ça fait quand même un bout de temps et Ginette Petitpas Taylor [ex-ministre des Langues officielles sous laquelle la Loi modernisée a été adoptée, NDLR] a fait beaucoup de travail. Je ne peux pas vous donner de date, mais ça s’en vient», dit le ministre responsable des Langues officielles.

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Les premiers gestes de Carney…

Mark Carney a répété que le premier geste portera sur un projet de loi qui fera baisser les impôts pour la classe moyenne canadienne.

La semaine précédente, le gouvernement Carney s’était attiré les foudres des différents partis d’opposition pour avoir signalé qu’aucun budget complet ne serait présenté en 2025, seulement une mise à jour économique à l’automne. Le premier ministre a rétropédalé quelque jour plus tard, annonçant un budget cet automne.

Le directeur parlementaire du budget avait affirmé, début mars, avant l’élection de Mark Carney, que si «les politiques actuelles sont maintenues» il prévoyait «46,8 milliards de dollars de déficit budgétaire».

Le Parlement fera une session-éclair entre le 26 mai et le 20 juin. 

Photo : Inès Lombardo – Francopresse

«Notre gouvernement a été élu pour ne rien faire de moins que définir une nouvelle relation économique et sécuritaire avec les États-Unis et construire la meilleure économie qui fonctionne pour tout le monde», a déclaré le premier ministre devant ses députés et les journalistes.

Une autre «législation immédiate», selon le premier ministre, sera introduite au Parlement dans les prochaines semaines pour mettre en œuvre des «projets d’intérêt national» et pour «éliminer toutes les barrières fédérales pour les traités libres au Canada».

Les libéraux veulent aussi légiférer concernant le Code pénal à l’égard de «ceux qui menacent la sécurité des Canadiens en rendant plus difficile l’obtention d’une caution» pour certains délits ou crimes.

«Dans toutes nos actions, nous serons guidés par une nouvelle discipline fiscale. Notre gouvernement va dépenser moins pour que les Canadiens puissent investir plus», a affirmé le premier ministre.

Contrairement aux conservateurs il y a deux semaines, les députés libéraux ne se sont pas donné le droit de déloger leur chef par un vote interne s’ils sont insatisfaits de son travail.

Au début d’une nouvelle législature, tous les partis peuvent se donner cette option en raison de la Loi de 2014 instituant des réformes.

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Les objectifs des conservateurs

Côté conservateur, le chef Pierre Poilievre a aussi mentionné le durcissement du Code pénal pour alourdir plusieurs types de peines de prison comme l’un de ses objectifs pour les quatre prochaines semaines.

La priorité des conservateurs reste toutefois la présentation d’un budget, qu’ils veulent voir bien avant l’automne. Selon le ministre du cabinet fantôme pour le Revenu, Gérard Deltell, les conservateurs sont «prêts à travailler cet été» pour qu’un budget voie le jour.

Pierre Poilievre a réaffirmé qu’il était prêt à aider le gouvernement à éteindre les tensions commerciales avec les États-Unis tout en se concentrant pour équilibrer l’économie canadienne.

Accélérer la construction des logements et contrôler l’immigration font aussi partie des objectifs du prochain mois.

Le Parlement reprend ce lundi 26 mai, avec l’élection de la présidence de la Chambre des Communes, suivie le lendemain du discours du Trône, qui sera lu par le roi Charles III. 

«En consultant les comparutions à l’audience publique à ce jour, ce qui ressort de manière particulièrement préoccupante est l’absence quasi totale de considération visant les communautés francophones en situation minoritaire dans les échanges», a lâché la directrice générale de l’Association des producteurs francophones du Canada (APFC), Carol Ann Pilon, lors d’une audience publique du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) le 23 mai.

Le CRTC tient présentement des audiences publiques sur la définition du contenu canadien. L’APFC en a profité pour sonner l’alarme sur la production de contenu francophone, en particulier celui conçu pour la jeunesse.

Sur les 65 comparutions depuis le début des audiences, l’APFC est le deuxième organisme francophone en milieu minoritaire à être entendue, après l’Office des télécommunications éducatives de langue française de l’Ontario. CBC/Radio-Canada est à l’horaire le lundi 26 mai.

Mme Pilon dit avoir noté qu’une grande partie des entreprises accueillies par le CRTC jusqu’à présent ont demandé des «allègements considérables, une souplesse presque illimitée, allant jusqu’à l’exemption totale d’obligations de contribution en programmation canadienne et de laisser dicter les forces du marché dans lesquelles elles opèrent au Canada». 

Pour protéger le contenu francophone, l’APFC demande au contraire plus de règlementation.

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«Vouée à disparaitre»

«Les entreprises étrangères tournent leur contenu au Canada parce qu’elles y tirent des avantages financiers : crédits d’impôt, valeur du dollar canadien, expertise des équipes entre autres», énumère Carol Ann Pilon devant le CRTC. Selon elle, pas besoin de règlementer dans ce secteur, «les forces du marché» sont activées.

Carol Ann Pilon est directrice générale de l’Association des producteurs francophones du Canada. 

Photo : Capture d’écran – CPAC

«Par contre, poursuit-elle, la programmation canadienne originale de langue française produite par les producteurs des CLOSM a besoin d’une intervention règlementaire sans quoi elle sera certainement vouée à disparaitre.»

Lors de son intervention, la directrice générale a beaucoup insisté sur la production indépendante de contenu francophone en milieu minoritaire, dont la protection passe par des outils comme des obligations de dépenses en émissions canadiennes. Ce n’est pas la première fois que l’APFC le demande.

Plus précisément, l’organisme implore au CRTC d’imposer à toutes les entreprises de télédiffusion des exigences minimales et contraignantes en matière de dépense de programmation originale de première diffusion, en langue française, produite par et pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire.

Dans le cas des entreprises qui ne pourraient pas le faire, l’APFC demande une contribution équivalente versée dans des fonds qui soutiennent la création de tel contenu francophone.

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Les jeunes et l’anglais

En 2024-2025, le contenu jeunesse produit en français à l’extérieur du Québec était à son plus bas, annonce Mme Pilon. Soutenu par le Fonds des médias du Canada, ce contenu représentait 23 % des projets effectués par les communautés francophones en situation minoritaire, selon les chiffres de l’APFC présentés au CRTC.

En comparaison, le contenu jeunesse était à son plus élevé en 2018-2019, avec 37 % des projets effectués.

«La jeunesse, en commençant par la petite enfance, est exposée à des contenus de langue anglaise dans nos communautés très très très tôt», rappelle Carol Ann Pilon. Pour rejoindre les jeunes, mais aussi les publics de manière générale, elle explique que les contenus doivent être accessibles où se trouvent les publics : sur les plateformes numériques.

Dans un document déposé auprès du CRTC dans le cadre de ces audiences publiques, l’APFC écrivait que les documentaires sont, eux aussi, «considérablement menacés».

Dans le cadre des audiences publiques, le CRTC entend divers acteurs du secteur de la production et de la diffusion. De nombreuses propositions sont formulées afin de définir et de réguler le «contenu canadien».

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Porté par Black Women Film! Canada (BWF), ce programme bilingue et pancanadien vise à favoriser le réseautage, le développement de projets cinématographiques, le mentorat sur mesure et les coproductions entre créatrices francophones et anglophones noires, trans et non binaires partout au pays, notamment par l’entremise de formations et d’ateliers.

«Ça renforce la sécurité économique des femmes noires en leur offrant un accès accru aux ressources et aux opportunités professionnelles», explique la directrice nationale de Reel Change, Sabine Daniel. Elle précise que les participantes sont payées pendant leur période de formation.

Un programme pancanadien de 17 mois

Lancé initialement à Toronto, le programme Reel Change a ensuite été étendu à d’autres régions du pays où les besoins sont pressants : Montréal, Vancouver, Winnipeg et Halifax. Il s’étend sur 17 mois.

À l’hiver, un appel à candidatures a été lancé auprès des productrices afrodescendantes désireuses de prendre part à ce programme et les résultats ont été annoncés en avril.

La phase de formation, sous forme d’une résidence de plusieurs semaines, a débuté à Montréal et s’y tiendra jusqu’au 21 juin. Les suivantes auront lieu à Vancouver, du 21 juillet au 19 septembre, puis à l’automne à Winnipeg et Halifax.

En plus de verser une allocation mensuelle aux participantes, ces résidences proposent un accès gratuit à un espace de travail partagé, un mentorat personnalisé et la prise en charge de la garde d’enfants pour les participantes qui en ont besoin.

Des stages régionaux se tiendront jusqu’en février 2026. Le programme doit aussi mener à la création de vidéos de formation destinées à l’industrie. Il se conclura en juin 2026 par une rencontre nationale et un concours de pitch réunissant les participantes et les partenaires.

Lever les obstacles systémiques

Ce programme a aussi pour but de lever les obstacles qui empêchent ces femmes d’accéder à des postes clés, comme ceux de productrice, de réalisatrice ou de scénariste.

«Ce sont les trois métiers qui sont des postes décisionnels où les femmes sont souvent moins représentées. Il y a eu beaucoup d’avancées dans le secteur de réalisatrice, mais on voit quand même très peu de femmes noires», observe la productrice.

«Ce n’est pas l’expérience qui manque, c’est l’expérience dans des postes décisionnels.»

Un problème que connaissent bien toutes les femmes, rappelle-t-elle. «Pourquoi on ne voit pas beaucoup d’autres femmes productrices ou des femmes scénaristes? Parce que des fois, à la place d’écrire un scénario, elles doivent s’occuper de l’enfant ou de la famille. Elles n’ont pas assez de sous.» 

Sabine Daniel ajoute que «malheureusement, si on se compare aux hommes, mariés ou pas, ils continuent à être réalisateurs, producteurs. Ils n’ont pas les barrières qu’une femme a.»

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«On doit travailler plus ensemble»

Outre les femmes noires, trans ou non binaires, Sabine Daniel souligne que tous les cinéastes gagneraient à miser sur les coproductions interrégionales – particulièrement dans un contexte de guerre commerciale avec les États-Unis : «On doit travailler plus ensemble.»

«Ça demande d’ajuster le budget, de savoir comment travailler avec des crédits d’impôt d’une autre province. Ça minimise aussi le cout des boites de production. Il y a une force qui est exploitée, mais pas à son plein potentiel.»

L’Ottavienne remarque d’ailleurs que bien des gens ignorent les crédits d’impôt ou même les occasions qui s’offrent dans leur région.

Elle rappelle par exemple que le Canada demeure un lieu de tournage prisé pour les films de Noël de Hallmark. «Ça se tourne à Ottawa, Hamilton, puis Winnipeg. Parfois les gens ne sont pas au courant de ces réalités. Ils n’y pensent même pas.»

Souvent, les coproductions qu’on voit, c’est le Québec et une autre province, poursuit-elle. Les francophones en milieu minoritaire doivent davantage travailler en coproduction. Avec le programme [Reel Change], on essaie de prendre des personnes qui viennent d’ailleurs pour qu’il y ait des synergies.

— Sabine Daniel

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L’atout francophone

Les boites de production en milieu minoritaire peinent parfois à recruter dans leur région, ajoute-t-elle. «Une [de ces boites] m’a dit : “Il faut que j’aille chercher quelqu’un à Toronto ou à Ottawa pour venir à Winnipeg pour l’été.” Ça leur coute plus cher parce qu’[elles] doivent faire venir [des gens], payer leur logement.»

Lorsque des cinéastes travaillent sur un projet de film, Sabine Daniel les invite à explorer d’autres possibilités que des endroits comme Toronto ou Montréal, où il faut habituellement jouer des coudes pour trouver les ressources nécessaires vu que la concurrence est vive dans ces grandes villes.

En tant que francophone en milieu minoritaire, notre force c’est qu’on connait chez nous.

— Sabine Daniel

Une personne qui vit dans une communauté minoritaire sera plus susceptible d’être au courant des occasions peut-être méconnues qui s’offrent dans sa région pour le monde du cinéma.

Par ailleurs, la productrice remarque que, partout au pays, les cinéastes noirs sont également souvent intéressés «à faire des films qui vont à l’international».

Selon elle, «ils les filment au Canada, mais ils les exportent ailleurs, dans leur pays. Il y a beaucoup d’autres possibilités dont [le milieu du cinéma] ne parle pas, parce que ce n’est pas une réalité pour l’industrie blanche.»

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Des environnements de travail plus inclusifs

«La prochaine étape, c’est qu’on va former nos mentors et aussi nos conférenciers, qu’ils soient Blancs ou pas, parce qu’on veut s’assurer que ces mentors-là savent comment parler à ces femmes pour qu’elles ne se sentent pas encore plus fermées», développe Sabine Daniel.

On veut vraiment créer des environnements de travail plus inclusifs, en favorisant des pratiques équitables et diversifiées au sein de l’industrie

— Sabine Daniel

Le programme Reel Change propose des ateliers adaptés aux besoins de chaque région. Parmi eux, Sabine Daniel cite «la volonté de savoir comment monter un budget de coproduction, comment pitcher à la lumière d’utiliser les techniques de l’IA, comment faire la lecture de son script par des comédiens».

La productrice exprime son admiration pour ces femmes passionnées par le cinéma, soulignant la diversité des participantes, âgées de la mi-vingtaine jusqu’à 75 ans.

Avec des informations de Julien Cayouette

CANADA

Discours du Trône : Les 26 et 27 mai, Ottawa accueillera le roi Charles III d’Angleterre et la reine consort Camilla. Le souverain lira le discours du Trône mardi, au Sénat, ouvrant ainsi la 45e législature du Parlement canadien.

Le premier ministre Mark Carney a été assermenté comme député de Nepean, jeudi. 

Photo : Inès Lombardo – Francopresse

Retour du Parlement : La première tâche des députés sera d’élire la présidence de la Chambre des Communes. Seuls les députés assermentés pourront voter. Jeudi, le premier ministre Mark Carney a été assermenté comme député de Nepean (dans la banlieue d’Ottawa). Il a prêté serment devant près d’une quarantaine de personnes. À l’heure d’écrire ces lignes, environ la moitié des 343 députés de la Chambre ont été assermentés.

Un minibudget ou pas? Lors d’une réunion technique sur la prochaine législature, jeudi, le greffier du parlement a expliqué que pour l’instant, c’est la gouverneure générale Mary Simon qui autorise les dépenses du gouvernement. «On s’attend à une ou plusieurs mesures budgétaires avant l’été. Le gouvernement a besoin de cet ordre permanent de crédits.» De son côté, le Bloc québécois a réaffirmé cette semaine qu’un budget devait être déposé rapidement. Mark Carney, pour sa part, a indiqué que celui-ci ne serait présenté qu’à l’automne.

Ce qui change pour le NPD : Le Nouveau Parti démocratique (NPD) – qui n’a plus le statut de parti officiel après sa défaite à l’élection fédérale fin avril, en passant de 26 députés à 7 – ne prendra plus part aux discussions entre les partis d’opposition pour la période des questions. Les partis doivent s’entendre sur une motion pour donner aux députés du NPD une voix dans les comités, mais ils ne sont pas obligés de le faire.

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Le Parti conservateur du Canada a fait connaitre les membres de son cabinet fantôme mercredi. Il présente 62 ministres et ministres associés pour donner la réplique aux 38 ministres et secrétaires d’État du gouvernement de Mark Carney.

Le nombre plus élevé de ministres fantômes s’explique par l’ajout de titres qui n’ont pas d’équivalent du côté du gouvernement, comme le ministre du cabinet fantôme responsable de la Réduction des formalités administratives ou celui de la Lutte contre les dépendances.

C’est quoi un cabinet fantôme?

Le cabinet fantôme est en quelque sorte le cabinet des ministres de l’opposition officielle. Des députés ont la tâche de suivre un dossier particulier afin que l’opposition soit aussi bien informée que le gouvernement sur les dossiers prioritaires. Leur but est aussi de trouver les failles dans les politiques et les projets de loi qui concerne leur dossier. Ce titre ne donne pas de pouvoir en lien avec le gouvernement ou le parlement.

Poids lourds : Deux députés conservateurs se divisent les tâches qui reviennent à Steven Guilbeault, ministre de l’Identité et de la Culture canadiennes et responsable des Langues officielles. Rachael Thomas, députée de Lethbridge en Alberta, sera ministre pour l’Identité canadienne et de la Culture tandis que Joël Godin, député québécois, hérite du dossier des langues officielles.

Le député d’Acadie–Annapolis en Nouvelle-Écosse, Chris d’Entremont, sera ministre du cabinet fantôme responsable de l’Agence de promotion économique du Canada atlantique (APECA). De son côté, le nouvel élu francophone dans Kapuskasing–Timmins–Mushkegowuk en Ontario, Gaétan Malette, sera ministre associé du cabinet fantôme responsable des Ressources naturelles (mines et forêts).

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Le ministre fantôme responsable des Langues officielles au Parti conservateur sera Joël Godin. 

Photo : Olivier Plante – Radio-Canada

Rachael Thomas, députée de Lethbridge en Alberta, sera ministre du cabinet fantôme de l’Identité canadienne et de la Culture. 

Photo : Courtoisie Chambre des Communes

Postes Canada a reçu des préavis de grève du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) pour les unités de négociation urbaine et des FFRS (factrices et facteurs ruraux et suburbains). Les avis indiquaient que le STTP a l’intention de déclencher une grève le vendredi 23 mai à minuit, heure de l’Est.

Finalement, en fin de soirée jeudi, le STTP a publié un communiqué demandant à ses membres de ne pas faire d’heures supplémentaires. «Pour l’instant, le Syndicat a décidé d’interdire les heures supplémentaires en guise de geste de bonne foi afin de minimiser les perturbations pour la population et les pertes de salaire pour nos membres», indique le syndicat dans son communiqué.

Une «incidence durable» : C’est ce qu’a signifié Postes Canada dans un communiqué lundi, si une grève est déclenchée.

Le syndicat représentant environ 55 000 employés de Postes Canada avait avancé, jeudi matin, que les dernières offres du service postal étaient insuffisantes.

Les conditions de travail sont au cœur des négociations de la nouvelle convention qui prenait fin le 22 mai. Le syndicat avait demandé à la base une augmentation salariale cumulative de 24 % sur quatre ans, mais Postes Canada, déjà dans le rouge financièrement, a refusé.

Le mécontentement vient aussi du dernier rapport de la Commission d’enquête sur les relations de Postes Canada, qui recommande d’arrêter les livraisons quotidiennes à la porte. Le syndicat indique que d’autres moyens de pression pourraient être utilisés si l’employeur modifie les conditions de travail.

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INTERNATIONAL

Mercredi, le ministère des Affaires étrangères du Canada a confirmé que quatre Canadiens en visite diplomatique en Cisjordanie auraient été la cible de tirs «de prévention» israéliens, ce que le premier ministre Mark Carney a qualifié «d’inacceptable».

À la suite de cet incident, la ministre des Affaires étrangères, Anita Anand, a convoqué l’ambassadeur d’Israël.

Cet évènement survient au lendemain d’un communiqué conjoint du Canada, de l’Allemagne et de la France, dans lequel les trois pays préviennent qu’ils prendront des «mesures concrètes» si le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, ne laissait pas rentrer davantage d’aide humanitaire dans Gaza.

Cette semaine, 100 camions ont pu rentrer dans l’enclave palestinienne, un chiffre jugé «insuffisant» par plusieurs organisations non gouvernementales (ONG), alors que la population fait face à une famine depuis que le gouvernement israélien bloque l’aide humanitaire, début mars.

En réaction à cette déclaration, le premier ministre israélien a affirmé que les trois pays faisaient «un énorme cadeau» au Hamas, mais a ouvert la porte à un cessez-le-feu temporaire.

En outre, à Washington mercredi, un couple de diplomates israéliens a été assassiné par un homme de 30 ans, qui aurait crié de «libérer la Palestine».

«Dôme d’Or» et cie : La veille, Mark Carney a indiqué lors d’une conférence de presse qu’il était intéressé à ce que le Canada participe au «Dôme d’Or», un système de défense antimissile annoncé par le président des États-Unis. Donald Trump avait déjà indiqué lundi qu’ils étaient prêts à travailler avec le Canada sur ce point.

Les ministres des Finances des pays du G7 se sont réunis deux jours cette semaine à Banff, en Alberta, pour discuter à huis clos sur des enjeux pressants, dont l’économie mondiale et la guerre en Ukraine.

Cette réunion survient après l’imposition de droits de douane par les États-Unis en avril, suscitant des tensions commerciales. Le ministre des Finances du Canada, François-Philippe Champagne, s’est dit optimiste malgré l’incertitude sur un éventuel accord. Il a évoqué des progrès, notamment sur la reconstruction de l’Ukraine, saluant l’unité du G7 sur ce dossier.

«Après huit ans à la retraite, je m’ennuyais un peu de ma communauté. Je voulais bâtir de nouveaux réseaux et je ne voulais plus vivre en retrait», raconte le consultant Jean-Paul Arsenault, résident de l’Île-du-Prince-Édouard.

À l’Île-du-Prince-Édouard, l’Acadien Jean-Paul Arsenault assure que les «gens apprécient l’expérience d’une vieille tête grise». 

Photo : Courtoisie

À 72 ans, l’Acadien a repris du service auprès de diverses organisations de la province. Après 38 ans et demi de carrière, l’insulaire a d’abord profité de ses premières années d’inactivité pour voyager avec son épouse.

Mais, en 2021, il décroche un premier contrat en vue d’établir un service de ressources humaines pour les organismes communautaires francophones. Depuis, il n’a jamais arrêté.

«Ça me fait constamment réfléchir, ça m’oblige à apprendre de nouvelles technologies, ce sont des défis intéressants. Ça me donne beaucoup de satisfaction», confie-t-il.

Jean-Paul Arsenault est loin d’être le seul ainé francophone, officiellement à la retraite, qui exerce une activité professionnelle. «Le pourcentage des revenus des retraités provenant du marché du travail a augmenté au cours des dernières décennies», confirme le professeur d’économie à l’Université de Moncton, Pierre-Marcel Desjardins.

Des ainés francophones moins actifs

Selon les données du recensement de 2016, le taux d’emploi des francophones de l’extérieur du Québec est autour de 10 %, plus faible que celui des anglophones, qui se hisse à près de 16 %.

«Malgré l’avantage du bilinguisme, les ainés francophones en situation minoritaire vivent souvent dans des régions rurales, où les opportunités professionnelles sont plus rares. Ça peut les désavantager dans leur recherche d’emplois», analyse l’économiste Pierre-Marcel Desjardins.

Des ainés moins pauvres

Avec l’allongement de l’espérance de vie, les gens entre 60 et 65 ans, qui approchent de l’âge traditionnel de la retraite, sont également «en très bonne santé et ne souhaitent pas nécessairement arrêter leur activité», explique Pierre-Marcel Desjardins.

L’économiste constate ainsi que l’âge moyen de la retraite, qui avait tendance à diminuer depuis une vingtaine d’années, recommence à augmenter. En 2024, il a atteint (hommes et femmes confondus) près des 65 ans, alors que dix ans plus tôt, il s’approchait plus des 60 ans.

L’envie d’arrondir ses fins de mois motive une grande partie des salariés aux tempes argentées, en particulier «avec la récente flambée de l’inflation», avance Pierre-Marcel Desjardins.

Cependant, pour la professeure titulaire au Département de communication de la Faculté des arts de l’Université d’Ottawa, Martine Lagacé, il ne s’agit pas d’un «facteur contraignant». «C’est un moyen vers une fin. Je travaille parce que ça me permet de garder un certain standing de vie, parce que ça me permet de voyager.»

Il y a toujours des ainés en situation de précarité, mais la pauvreté a globalement diminué depuis la mise en place du régime de pension du Canada et de la sécurité de vieillesse.

— Pierre-Marcel Desjardins.

À la recherche de flexibilité

Aux yeux de Martine Lagacé, auteure d’une étude menée auprès de 450 femmes francophones âgées de 45 à 72 ans encore sur le marché de l’emploi, la volonté de «transmettre son expertise et sa longue expérience» est également au centre des préoccupations des ainés actifs.

«On est sorti d’un mode de pensée retraite en mode loisir. Il y a un facteur de réalisation personnelle qui joue. Ils veulent se réaliser au travail, sentir qu’ils peuvent apporter quelque chose à leur communauté», observe-t-elle.

La chercheuse évoque enfin l’importance de l’aspect «socialisation pour briser l’isolement», que ce soient les relations avec les collègues ou l’interaction avec les clients.

Quelles que soient leurs motivations, les salariés âgés recherchent avant tout de la flexibilité et acceptent volontiers des temps partiels.

Ce sont des gens qui veulent garder du temps pour faire autre chose, voyager, s’occuper des petits-enfants. Les employeurs doivent s’adapter et modifier leur modèle traditionnel; 35 heures par semaine, deux semaines de vacances par an, pour tenir compte de cette nouvelle réalité.

— Pierre-Marcel Desjardins

Martine Lagacé appelle de son côté les entreprises à «changer de regard» et à «voir les ainés comme un plus, une mémoire à garder et non comme un poids lourd à gérer».

«Le vent tourne tout doucement, mais les ainés sont encore victimes de stéréotypes en raison de leur âge, déplore-t-elle. Il faut sortir du discours qui voit le vieillissement sur un mode déclin et valoriser leur contribution.»

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Solution à la pénurie de personnel

Sur le terrain, Martine Lagacé regrette le manque de mentorats : «Il faudrait que ça aille dans les deux sens, que les ainés transmettent leurs connaissances aux plus jeunes et inversement.»

«En plus de combler des postes, les ainés disposent d’un bagage d’expérience et de connaissances profitables aux entreprises. C’est bon pour l’économie», insiste le professeur Pierre-Marcel Desjardins. 

Photo : Courtoisie

«Il ne faut pas nourrir les clashs entre les générations, ajoute-t-elle. Le travail des ainés n’entre pas en compétition avec celui des jeunes, il y a une certaine complémentarité, ils ne sont pas à la recherche du même type d’emploi.»

Au-delà des préjugés, les retraités sont «financièrement découragés» de reprendre une activité, estime Pierre-Marcel Desjardins. «S’ils gagnent de petites sommes en travaillant, ils peuvent perdre de l’argent par ailleurs, se faire amputer certains revenus gouvernementaux.»

En pleine pénurie de personnel, les ainés qui persistent à travailler sont pourtant essentiels au dynamisme de l’économie, insistent les chercheurs.

«Nonobstant la situation immédiate où beaucoup d’employeurs hésitent à embaucher à cause du contexte international, la pénurie s’accentuera dans les dix prochaines années et les ainés représentent une solution», considère Pierre-Marcel Desjardins.

À l’Île-du-Prince-Édouard, Jean-Paul Arsenault compte poursuivre son activité «encore quelques années» : «Ça dépendra de ma santé, mais j’aime vraiment ça, je n’ai pas l’intention d’arrêter à court terme.»

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«Tous les ainés veulent vieillir chez eux quelle que soit leur langue, mais c’est d’autant plus important pour les francophones. Loin de chez eux, ils se retrouvent souvent dans des foyers de soins anglophones», affirme la directrice du Centre d’études du vieillissement de l’Université de Moncton et professeure titulaire à l’École de science infirmière, Suzanne Dupuis-Blanchard.

«Le maintien à domicile des ainés permet de désengorger les foyers de soins saturés et coute moins cher. Ce sont des arguments supplémentaires pour y investir», déclare Antoine Désilets de la SSF. 

Photo : Courtoisie

La chercheuse explique les nombreux avantages que représente le maintien à domicile : «Les ainés restent dans la communauté linguistique et culturelle où ils ont toujours vécu, ils peuvent continuer à s’engager. C’est bon pour leur santé physique et mentale.»

Les établissements de soins de longue durée dans la langue de la majorité contribuent, au contraire, à leur «isolement social», estime le directeur général de la Société Santé en français (SSF), Antoine Désilets.

«Ils sont déracinés, n’arrivent pas à communiquer, car ils ont vécu toute leur vie en français et sont contraints de vivre leurs derniers moments en anglais. Ça a un cout sur leur mieux-être», poursuit le responsable.

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«Ne pas vieillir chez soi à tout prix»

Pouvoir rester chez soi n’écarte pas pour autant le risque d’isolement. Suzanne Dupuis-Blanchard rapporte que 35 % des ainés francophones vivant dans leur logement éprouvent un sentiment de solitude.

Jean-Luc Racine de la FAAFC rappelle que le Canada consacre seulement 4 % de son budget de soins de longue durée aux soins et services à domicile; en France, c’est 50 %, au Danemark, 75 %. Par ailleurs, environ 8 % des 65 ans et plus au Canada sont dans des foyers de soins.

Photo : Chantallya Louis, Francopresse

«Ce niveau assez élevé est inquiétant. Des études démontrent l’impact négatif de l’isolement sur la santé physique, y compris sur les maladies cardiovasculaires, avertit-elle. Il ne faut pas vieillir chez soi à tout prix, mais avec une bonne qualité de vie.»

Suzanne Dupuis-Blanchard insiste sur la nécessité de planifier son maintien à domicile, qu’il s’agisse de repenser l’accessibilité de son logement ou de réfléchir au soutien social et familial à proximité ainsi qu’aux transports accessibles.

À cet égard, le directeur général de la Fédération des ainées et ainés francophones du Canada (FAAFC), Jean-Luc Racine, réclame davantage d’habitations de «type logement communautaire adapté aux besoins des plus âgés.»

D’après une étude réalisée par la FAAFC en 2023, la moitié des ainés demeurent dans des maisons familiales inadaptées et seront amenés à déménager dans les dix prochaines années.

Ils veulent continuer à vivre en français, mais souvent dans les communautés rurales où ils habitent, il n’y a pas d’options intermédiaires entre les grandes maisons et les foyers de soins. Ils sont alors obligés de partir.

— Suzanne Dupuis-Blanchard

Des services en français «à peu près inexistants ou très précaires»

Quelles que soient les stratégies mises en place par les ainés, ils se heurtent systématiquement au manque de services et de soins à domicile en français.

«Ils sont à peu près inexistants ou très précaires. Un jour vous l’avez, le lendemain c’est en anglais, confirme Jean-Luc Racine. Quand vous introduisez quelqu’un dans votre intimité, le français est pourtant essentiel pour faciliter le lien de confiance et garantir la qualité de la prestation de soins.»

Antoine Désilets rappelle pour sa part que les francophones perdent leur langue acquise avec l’âge : «Si les soins à domicile sont en anglais, ils ont besoin de leurs proches pour communiquer. Ça veut dire se reposer davantage sur des proches aidants, qui eux-mêmes n’ont pas d’appui.»

À l’automne 2024, Suzanne Dupuis-Blanchard a mené une recherche au Nouveau-Brunswick qui révèle la grande «anxiété» des ainés francophones sur le sujet.

Ils savent qu’ils devront accepter des services en anglais. Pour nettoyer la cour, le déneigement ou l’entretien de la maison c’est correct, mais ils ne sont pas prêts à l’accepter pour des soins personnels. Ça doit être absolument en français.

— Suzanne Dupuis-Blanchard

Pour changer la situation et disposer de plus de personnel bilingue, l’experte appelle à «mieux planifier les ressources humaines». Pour elle, «il faut absolument parler du vieillissement de la population dans nos écoles, encourager les jeunes à faire carrière dans ce secteur».

«Le bilinguisme doit être reconnu comme une compétence professionnelle, renchérit Antoine Désilets. Après, il faudra faire concorder la capacité linguistique des professionnels et des usagers, et là-dessus on doit encore améliorer la collecte de données.»

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Repenser les villes

Même lorsqu’il y a de rares services en français, les francophones, «installés dans des régions rurales éloignées ou [des secteurs] invisibles en milieu urbain», sont en effet «plus difficiles à rejoindre», déplore Jean-Luc Racine.

La FAAFC lancera ainsi en juillet un projet d’éclaireur de proximité. Des personnes recevront une formation pour repérer les signes de vulnérabilité chez les ainés et les ainées (problème de mobilité, démence, désorganisation, etc.) en vue de les adresser à un service de soutien approprié.

La chercheuse Suzanne Dupuis-Blanchard insiste sur l’importance «des activités sociales et physiques» pour la santé des ainés. 

Photo : Courtoisie

Depuis deux ans, la FAAFC propose aussi des services de soutien à domicile bénévoles dans neuf provinces et territoires. Transport, visites amicales, ménage, déneigement, l’éventail de services est large.

Au Nouveau-Brunswick, Suzanne Dupuis-Blanchard est, elle, à l’origine de l’initiative Foyer de soins sans mur. Le programme permet à des personnes âgées de recevoir une panoplie de services à domicile. Adopté par près de 30 établissements néobrunswickois, il sera nationalisé à la fin de l’année.

Aux yeux de la chercheuse, les villes doivent aussi s’adapter aux enjeux du vieillissement. Elle incite notamment les communautés à devenir des collectivités-amies des ainés, un concept mis au point en 2006 par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).

Repenser les politiques de transports, d’habitat, d’emploi, de soutien communautaire et de services de santé… au total l’OMS cible huit domaines dans lesquels les collectivités peuvent améliorer leur accessibilité.

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Une étude de Santé Canada publiée en début d’année met en évidence un déficit actuel de près de 23 000 médecins de famille pour répondre aux besoins dans toutes les régions du pays.

Selon la présidente du Collège des médecins de famille du Canada (CMFC), la Dre Carrie Bernard, cette situation est encore plus critique pour les francophones en milieu minoritaire.

L’un des principaux défis réside dans la dispersion de ces communautés, souvent établies en milieu rural ou dans des régions éloignées. «Si vous êtes francophone et que vous vivez dans ces zones, les difficultés d’accès aux soins sont multipliées», souligne la médecin.

Un constat partagé par le directeur général de la Société Santé en français (SSF), Antoine Désilets : «Un francophone a nettement moins de chances de trouver un médecin qui parle sa langue qu’un anglophone. Ce jumelage repose plus sur la chance que sur une véritable organisation des services de santé.»

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Des conséquences médicales 

Cette difficulté d’accès à des soins dans sa langue a des répercussions directes sur leur qualité. Selon la Dre Carrie Bernard, des recherches menées par des chercheurs de l’Université Laurentienne de Sudbury, en Ontario, montrent que les résultats médicaux sont moins efficaces lorsque la langue du patient et celle du médecin ne correspondent pas.

Antoine Désilets note que de tomber sur un professionnel de la santé francophone relève plus de la chance que d’une planification. 

Photo : Courtoisie

«Une mauvaise communication peut entrainer des erreurs de diagnostic et des traitements inappropriés», explique-t-elle.

Au-delà des risques médicaux, l’absence d’un médecin parlant la langue du patient nuit à la relation de confiance, essentielle pour un suivi efficace. «Quand un patient ne peut pas s’exprimer dans sa langue maternelle avec son médecin, il est plus difficile d’établir une relation de confiance», ajoute la médecin.

Elle constate que face à cette situation, de nombreux patients sont laissés à eux-mêmes pour trouver des réponses à leurs questions.

«Environ 6,5 millions de Canadiens n’ont pas de prestataires de soins primaires et se tournent vers Internet pour trouver des solutions à leurs problèmes de santé», rappelle la présidente de l’Association médicale canadienne (AMC), Dre Joss Reimer. Ils risquent ainsi d’être exposés à des informations trompeuses ou erronées.

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Manque de diplômés

D’après le rapport sur l’effectif en santé au Canada, le pays ne forme qu’environ 1500 nouveaux médecins par an. Un nombre bien inférieur aux besoins pour combler le manque rapidement.

Et pour les francophones encore, l’accès à une formation en médecine est plus limité.

Actuellement, peu d’institutions offrent un programme de médecine entièrement en français hors Québec. Seulement l’Université d’Ottawa et le Centre de formation médicale du Nouveau-Brunswick – un campus de l’Université de Sherbrooke à Moncton – en ont un.

Santé Canada confirme à Francopresse qu’un plan de formation mis en place en 2023 prévoit, sur 5 ans, 25 nouvelles places en médecine au Nouveau-Brunswick, 10 en Nouvelle-Écosse et 40 à l’Université d’Ottawa, dans le cadre d’une initiative de l’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne (ACUFC)-Consortium national de formation en santé (CNFS).

«Ces places en médecine s’ajoutent à celles déjà financées par les provinces en question et ces médecins sont, pour la plupart, bilingues (français et anglais)», précise Santé Canada.

Dre Carrie Bernard rappelle que les finissants en médecines ont tendance à s’installer près de leur lieu d’étude. 

Photo : Courtoisie

Cependant, ces initiatives restent insuffisantes pour combler les besoins. «Ce manque de diversité géographique est problématique, car les médecins s’installent souvent là où ils ont étudié. Il est crucial que d’autres provinces développent des formations en médecine francophone», commente Dre Carrie Bernard.

Elle souligne également que l’École de médecine du Nord de l’Ontario (NOSM), à Sudbury, tente de répondre à ce défi en offrant, depuis 2022, un programme de 4 ans spécifiquement dédié aux francophones, avec une priorité d’admission et un apprentissage progressif en français.

«Toutefois, des défis persistent. L’école possède deux campus. À Sudbury, où la communauté francophone est bien implantée. À Thunder Bay, où les francophones sont moins nombreux, une immersion dans un environnement médical francophone est plus difficile», décrit-elle.

Par ailleurs, le système de santé n’est pas adapté aux besoins des francophones et pénalise aussi les professionnels.

«Dans certaines cliniques, un seul médecin francophone prend en charge tous les patients parlant français. Il doit aussi rédiger ses dossiers en anglais pour que ses collègues puissent les consulter. Cela alourdit considérablement leur charge de travail et génère une grande frustration», déplore la Dre Carrie Bernard.

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Médecins francophones hors du Québec : où sont-ils?

Certaines autorités médicales, comme les collèges des médecins et chirurgiens de l’Alberta, de la Nouvelle-Écosse et de l’Ontario, proposent des outils de recherche en ligne permettant d’identifier les médecins qui parlent français. Cependant, cette solution reste imparfaite.

«L’exactitude de ces informations n’est pas toujours vérifiée. Certains médecins indiquent parler français, mais ne maitrisent que quelques mots», nuance la Dre Carrie Bernard.

Dans un rapport, Statistique Canada fait écho aux propos de la présidente de la CMFC. «Environ 60 % des omnipraticiens/omnipraticiennes et médecins en médecine familiale et des travailleurs sociaux/travailleuses sociales [du Nouveau-Brunswick] connaissaient le français. Cependant, une connaissance de la langue suffisante pour soutenir une conversation n’est pas équivalente à l’aisance requise pour prodiguer des services professionnels dans cette langue.»

Pour ce qui est de la proportion des médecins francophones, selon les données du recensement de 2021 de Statistique Canada, il y avait 1720 omnipraticiens/omnipraticiennes et médecins en médecine familiale «ayant le français comme première langue officielle parlée» dans l’ensemble du Canada, sans le Québec. Soit 200 de plus qu’en 2016.

La grande majorité se trouve en Ontario (825) et au Nouveau-Brunswick (490). Les autres provinces et territoires en partagent 385.

Le dernier pape français a été élu à une époque très perturbée de l’Église catholique, lors de laquelle deux papautés se disputaient la légitimité de la succession de saint Pierre.

Cette période a été nommée le «grand schisme d’Occident», en référence à une autre rupture, permanente celle-là, soit celle du «grand schisme d’Orient», en 1054, qui a vu la séparation de l’Église catholique romaine et de l’Église orthodoxe grecque.

Pour bien comprendre le schisme d’Occident, il faut explorer la période qui l’a précédée, soit la papauté d’Avignon, une autre période très particulière de l’Église, lors de laquelle les papes étaient français et le siège du pouvoir pontifical n’était plus à Rome, mais dans le sud de la France.

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Entre Rome et Avignon

Sept papes français vont se succéder entre 1305 et 1378. Le premier de cette lignée, Clément V, arrive après des années de conflits acerbes entre le roi de France Philippe le Bel et le pape Boniface VIII.

Clément VII, premier des antipapes d’Avignon. 

Photo : Wikimedia Commons, partage dans les mêmes conditions, 4,0 international

Clément V refuse de gagner Rome, où règne le chaos. Il tient une cour itinérante dans le sud de la France pendant tout son pontificat. Son successeur, Jean XXII, est celui qui installe le siège de la papauté à Avignon.

Les sept prélats français qui se succèderont à Avignon sont des papes légitimes, mais qui dirigent l’Église catholique depuis la France au lieu de Rome. Au fil des pontificats, un véritable palais sera érigé, agrandi et fortifié à Avignon.

Le sixième de ces papes, Urbain V, décide de ramener la papauté à Rome, mais une reprise des conflits avec la France le pousse à revenir à Avignon.

Son successeur, Grégoire XI, dernier pape français, choisit lui aussi de retourner à la Ville éternelle pour diriger l’Église catholique, malgré l’opposition du roi de France et de la majorité des cardinaux. Mais ce retour ne sera pas heureux, et Grégoire XI prendra la décision de regagner Avignon. Il mourra cependant avant même de quitter la Ville éternelle.

À sa mort, en 1378, l’élection d’un premier pape italien depuis 75 ans, Urbain VI, irrite au plus haut point les cardinaux français, qui ont grandi en nombre et en influence pendant la papauté d’Avignon. Ils élisent la même année un autre pape, le Français Clément VII.

De un à deux

Le schisme d’Occident débute. Pendant les 40 années qui suivent, il y aura donc deux papes à la fois – un à Avignon et un à Rome –, qui s’excommunieront mutuellement.

Grégoire XI, né Pierre Roger de Beaufort, couronné par l’archevêque de Lyon, Guy de Boulogne. C’est le dernier Français à avoir été pape. 

Photo : Wikimedia Commons, domaine public

Les papes siégeant à Avignon pendant cette période seront considérés par l’Église comme des «antipapes».

À cette rupture au sein de l’Église catholique s’ajoute une division de toute l’Europe de l’Ouest. Dans le camp d’Avignon se trouvent évidemment la France et le royaume de Naples, soit le sud de l’Italie actuelle, sur lequel règnent des Français, ainsi que la Castille, l’Écosse, la Lorraine, l’Autriche et le Luxembourg.

Les papes de Rome peuvent quant à eux compter sur les royaumes de l’Italie du Nord, de Hongrie, de Pologne, d’Angleterre et des Flandres.

Le premier antipape à Avignon, Clément VII, tente en vain de renverser son rival à Rome, Urbain VI. Quand ce dernier meurt en 1389, ses cardinaux élisent un nouveau pape qui siège à Rome.

Cinq ans plus tard, en 1394, c’est au tour de Clément VII de rendre l’âme. Lui succède Pedro de Luna, né au royaume d’Aragon, qui prend le nom de Benoît XIII.

Celui-ci promet de mettre fin au schisme et même de renoncer à la papauté pour y arriver, mais il persiste à rester en poste. Il se met à dos la France et ses alliés. Assiégé, il quitte Avignon en mars 1403 pour regagner sa patrie.

De deux à trois

La situation en reste là jusqu’à ce qu’un important groupe de cardinaux, souhaitant ramener la paix dans l’Église, se rencontrent à Pise pour un concile, en 1409.

Après une quarantaine d’années de luttes à l’intérieur de l’Église catholique, l’élection de Martin V en 1417 met fin au grand schisme d’Occident. Portrait présumé de ce pape réunificateur. 

Photo : Wikimedia Commons, domaine public

Cette assemblée «démet» les papes de Rome et d’Avignon et élit un nouveau pape, Alexandre V. Mais les deux autres pontifes refusent de renoncer à la tiare. On se retrouve donc avec trois papes. Jamais deux sans trois, dit le dicton.

Alexandre V lève des troupes pour s’emparer de Rome et chasser le pape déchu. Il y parvient en 1410, mais préfère s’installer à Bologne, où il meurt.

Il est suivi par Jean XXIII, que l’on soupçonne d’avoir fait empoisonner son prédécesseur. Ces deux pontifes seront appelés «papes de Pise» et seront également considérés comme des antipapes.

Alors que l’Église semble courir à sa perte, l’empereur romain germanique Sigismond 1er prend les choses en main. Il se substitue au Sacré Collège et convoque un concile à Constance, dans l’Allemagne actuelle, qui s’amorce en 1414 et qui durera quatre ans.

Les actions sont cependant rapides et décisives. Proclamant sa supériorité au pape, le concile décide de la destitution du pape de Rome et des deux antipapes d’Avignon et de Pise.

Au printemps 1415, les trois papes en poste vont tous s’écarter. Jean XXIII, pape de Pise, sent arriver la fin forcée de son pontificat et tente de fuir, mais il est arrêté et déposé.

À peu près au même moment, le pape de Rome Grégoire XII est forcé de démissionner.

Sigismond 1er envoie ses troupes en Aragon pour écraser les partisans de Benoît XIII, qui finalement décide de renoncer à son rôle.

À l’automne de 1417, le concile de Constance nomme Oddone Colonna seul pape.

Et de trois à un

L’arrivée de Martin V met fin au schisme, à une exception près. Les antipapes d’Avignon et de Pise ne figureront pas dans la liste formelle de succession de l’évêque de Rome. D’autres papes adopteront leur nom, comme ce fut le cas de Jean XXIII à la fin des années 1950.

Comme si ces antipapes n’avaient jamais existé…