Steven MacKinnon a annoncé des financements additionnels pour 14 organismes à travers le pays, dont 13 francophones en situation minoritaire, pour aider à favoriser des marchés du travail bilingues.
Lundi, la députée francophone d’Ottawa–Vanier, Mona Fortier, a dévoilé que le gouvernement fédéral avait dépassé le seuil de 6 % d’immigrants francophones qu’il s’était fixé pour 2024, atteignant 7,21 %.
Marché du travail francophone
L’élue a également annoncé plusieurs financements pour la francophonie, prévus pour la plupart dans le Plan d’action pour les langues officielles 2023-2028.
Le programme «Nouvel élan», financé à hauteur de 836 000 $ sur deux ans, soutient le recrutement de talents francophones qualifiés, en mettant en relation des employeurs et candidats à Paris en France, Douala au Cameroun et en ligne.
Une enveloppe de 909 000 $ sur quatre ans doit répondre à la pénurie de main-d’œuvre dans le Nord de l’Ontario. L’Ontario accueillera 90 réfugiés et travailleurs qualifiés francophones ainsi que leurs familles.. Ce montant cible aussi les secteurs prioritaires dans les communautés francophones rurales.
Le président-directeur général du RDÉE Canada, Yan Plante, a affirmé vouloir voir plus de données liées à la francophonie économique, en plus du recensement.
Mercredi, le gouvernement du Canada a ajouté 20,5 millions de dollars sur cinq ans (2023-2028) au Fonds d’habilitation pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire (FH-CLOSM), en plus du financement des 74,5 millions déjà prévus.
L’annonce a été faite par le ministre fédéral de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et du Travail, Steven MacKinnon.
Ce fonds soutient 14 organismes à travers le pays pour renforcer le développement économique. Treize d’entre eux sont dédiés aux francophones hors Québec et un aux anglophones du Québec.
Yan Plante, le président-directeur général du Réseau de développement économique et d’employabilité (RDÉE) Canada a confirmé en entrevue avec Francopresse que son organisme avait des «attentes» sur les données des francophones et l’emploi, en plus du recensement des ayants droit.
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Appui à la petite enfance francophone
Une étude faite par la Commission nationale des parents francophones (CNPF), avec 592 000 $ sur trois ans, vise par ailleurs à faciliter la reconnaissance des diplômes étrangers en petite enfance.
Cette enveloppe fait partie des 47,7 millions de dollars alloués à la CNPF pour mettre sur pied le Réseau d’intervenants en petite enfance, qui coordonnera la mise en place d’initiatives spécifiques pour les communautés francophones en situation minoritaire partout au Canada.
L’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne (ACUFC) reçoit quant à elle 16,3 millions de dollars afin d’élargir et poursuivre le développement de programmes de formation initiale, continue et spécialisée de la petite enfance.
La députée Mona Fortier a souligné le recrutement de 100 éducateurs francophones formés à l’étranger en petite enfance par l’Association francophone à l’éducation des services à l’enfance en Ontario (AFÉSEO). L’appui fédéral s’élève à 525 000 $ sur quatre ans.
Des fonds pour la vie communautaire en français
Mercredi, le député d’Ottawa–Centre, Yasir Naqvi, a débloqué les 8,5 millions de dollars prévu dans le Plan d’action pour les langues officielles pour cinq organismes qui appuient l’enseignement et les études en français.
Enfin, Mona Fortier a annoncé le même jour que le programme Nouveaux Horizons pour les ainés reçoit un montant maximal de 342 805 $ pour financer 16 projets communautaires dans la région d’Ottawa–Vanier. Un appui qui aidera les ainés à vieillir avec une meilleure sécurité financière.
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les mercredis et samedis
À la veille de l’application des 25 % de taxes américaines désirées par Donald Trump sur les biens canadiens, Justin Trudeau a affiché un ton plus dur.
Mercredi, lors d’un appel entre Justin Trudeau et Donald Trump – que le premier ministre canadien a qualifié de «coloré» – et en pleine semaine d’application des tarifs douaniers américains de 25 % sur les biens canadiens, les premiers ministres des provinces et territoires et le fédéral ont décidé de lever tout obstacle interprovincial, en signe d’unité face aux États-Unis.
Jeudi, Donald Trump a signé un décret pour finalement exempter jusqu’au 2 avril les biens canadiens et mexicains inclus dans l’Accord Canada-États-Unis-Mexique. Ce qui se profile : Les premiers ministres ont ainsi décidé de réduire les barrières au commerce et à la mobilité de la main-d’œuvre afin de faciliter la libre circulation des biens, des services et des travailleurs au Canada. Le Québec conservera des mesures adaptées à ses spécificités linguistiques.
Pierre Poilievre s’est quant à lui porté à la «défense» des Canadiens, mardi, dans un message destiné à Donald Trump.
Ils ont aussi insisté sur la reconnaissance mutuelle des compétences professionnelles entre provinces et territoires, avec l’objectif de réduire à 30 jours maximum le délai de validation des titres de compétences. Un plan pancanadien devrait voir le jour le 1er juin prochain.
Ils ont aussi encouragé la consommation de biens canadiens en réduisant les différences règlementaires entre provinces.
Jeudi, Justin Trudeau a rappelé que cette guerre commerciale était «injustifiée». Plus tôt dans la semaine, il avait déclaré que la décision du président Trump sur les tarifs était «stupide».
Le même ton dur a été employé par Pierre Poilievre mardi. «Le président Trump a trahi le meilleur ami des États-Unis», a fustigé le chef conservateur.
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Justin Trudeau a annoncé jeudi un prolongement de cinq ans, de 2026 à 2031, du programme fédéral de garderies, avec des ententes totalisant près de 37 milliards de dollars signées pour l’instant avec 11 provinces et territoires.
Enjeu : L’objectif est de créer plus de places à 10 $ par jour et d’augmenter le financement de base de 3 % par an dès 2027-2028 pour couvrir les couts d’exploitation.
L’ancien député libéral d’Halifax Andy Fillmore a été élu maire de la ville l’automne dernier.
L’Ontario a confirmé sa participation, mais des négociations sont encore en cours avec l’Alberta et la Saskatchewan.
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Une élection partielle fédérale se tiendra le 14 avril prochain dans la circonscription d’Halifax, en Nouvelle-Écosse. L’annonce a été faite par Justin Trudeau, dans la foulée de la démission du député Andy Fillmore, élu maire d’Halifax à l’automne dernier.
Si des élections fédérales sont déclenchées avant le 14 avril, l’élection partielle sera toutefois annulée, a précisé Élections Canada plus tôt cette semaine.
«Pendant un accouchement, le niveau de stress est déjà super haut. Alors quand ça n’est pas dans sa langue, c’est super difficile. On ne peut pas nécessairement dire ce que l’on veut et ce que l’on ressent […] On espère se faire comprendre», confie la Franco-Canadienne, Adeline Dubreuil-Mahé, qui habite aujourd’hui dans la région d’Halifax.
Vanessa April-Gauthier est une doula postnatale bilingue dans la région d’Halifax.
La mère de famille, arrivée au Canada il y a 18 ans, a donné la vie à son premier enfant en Colombie-Britannique. Son accouchement a duré 36 heures, et les médecins ont dû pratiquer une césarienne en urgence.
Adeline Dubreuil-Mahé n’a pas oublié l’anxiété ressentie par rapport aux termes médicaux inconnus, son «air ahuri» devant le personnel médical purement anglophone, les questions continuelles qu’elle posait sur les produits qu’il lui injectait.
«On n’a pas toujours la force de penser vite dans une langue qui n’est pas la sienne. J’ai réussi tant bien que mal à comprendre, car je m’étais préparée. J’avais lu des livres en anglais pour m’éduquer», témoigne-t-elle.
«Quand on accouche, on n’est pas nécessairement en contrôle de son cœur et de son cerveau. Si en plus ce n’est pas dans sa langue, on se sent encore plus vulnérable et sous pression», abonde dans le même sens la doula postnatale à Halifax, Vanessa April-Gauthier.
Le second bébé d’Adeline Dubreuil-Mahé est né à Halifax trois ans et demi plus tard, en pleine pandémie de COVID-19.
On ne nous a jamais proposé de services en français, car ils n’ont pas de staff bilingue. Ce n’est pas normal. Il y a un très grand manque.
Durant le premier trimestre de grossesse, des saignements l’obligent à se rendre aux urgences. Elle doit attendre sept heures à l’hôpital, «seule et complètement terrorisée», avant de voir un médecin : «Il a essayé de me rassurer avec quelques mots de français, mais c’était largement insuffisant.»
La sagefemme Elizabeth LeBlanc, originaire du Nouveau-Brunswick, a également «perdu» son anglais durant son deuxième accouchement en Ontario.
«La plupart des fournisseurs de soins sont surchargés et ont de moins en moins de temps à passer avec les patientes», regrette la sagefemme Elizabeth LeBlanc.
«Pour moi, c’est une langue apprise. Je n’étais plus capable d’exprimer mes besoins, mes émotions. Heureusement que mon mari était là pour me traduire», raconte l’Acadienne.
«Ça m’a vraiment marqué. J’ai réalisé l’importance d’avoir des soins dans sa langue maternelle. C’est tellement bénéfique pour la qualité des soins», poursuit-elle.
Des services de traduction sont disponibles dans la plupart des hôpitaux, mais les gens préfèrent souvent faire appel à des proches, rapporte la professeure au Département de médecine familiale de l’Université d’Ottawa et chercheuse à l’Institut du savoir Montfort à Ottawa, Marie-Hélène Chomienne.
Elle ne recommande cependant pas cette pratique : «La patiente ne voudra pas forcément tout dire à un ami. Si un résultat d’échographie est inquiétant, c’est très délicat de le dire d’abord à un tiers qui va ensuite le traduire. Il n’aura pas toujours les bons mots.»
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Installée à l’Île-du-Prince-Édouard depuis juillet dernier après avoir exercé comme sagefemme plusieurs années en Ontario, Elizabeth LeBlanc est devenue pour sa part une «militante». Elle met un point d’honneur à proposer des services en français de façon proactive.
Quand il y a des complications pendant une naissance, on n’a souvent pas le temps d’expliquer et de traduire ce qui se passe. Chaque seconde compte. Ça peut être source de traumatisme.
«On en est rendu au point où les francophones doivent demander des soins en français. Ce n’est pas proposé, ce n’est pas normal», dénonce Adeline Dubreuil-Mahé en Nouvelle-Écosse.
«Il peut y avoir des bris de communication quand le professionnel de santé ne parle pas la même langue maternelle, même si la patiente est bilingue. Les conséquences peuvent être très graves», confirme Marie-Hélène Chomienne.
«Les femmes peuvent se sentir mal à l’aise et mises de côté. Les médecins ont tendance à ne pas tout leur expliquer en détail, car elles sont francophones», ajoute-t-elle.
À ses yeux, la «concordance de la langue» est d’autant plus importante pour détecter des problèmes de santé mentale, comme la dépression postpartum.
Elizabeth LeBlanc insiste à cet égard sur l’importance de partager en amont le plus d’informations possible sur les urgences et les ennuis pouvant survenir pendant et après une naissance.
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De nombreuses femmes enceintes n’ont néanmoins pas la chance d’être suivies par une sagefemme durant leur grossesse.
«Nous ne sommes pas assez nombreux et, en français, c’est pire. Il y a des listes d’attente partout, que ce soit ici à l’île[-du-Prince-Édouard] ou dans le reste du Canada», affirme Elizabeth LeBlanc.
La situation s’est fortement aggravée depuis la fermeture, en 2021, du programme de formation de sagefemmes de l’Université Laurentienne, en Ontario. Il s’agissait du seul et unique cursus en français à l’extérieur du Québec.
«L’accouchement est parfois le moment le plus douloureux de ta vie. Ce n’est pas un moment où tu as la force de parler dans une langue qui n’est pas la tienne», affirme la sagefemme Kim Cloutier Holtz.
Selon Kim Cloutier Holtz, sagefemme depuis quinze ans dans la région du Témiscamingue dans le Nord de l’Ontario, les universités d’Ottawa et de Lakehead montreraient de l’intérêt pour relancer le programme.
«Mais ça ne va pas se faire du jour au lendemain. Ça prendra quatre à cinq ans avant d’avoir la première vague de gradués capables d’exercer», prévient Kim Cloutier Holtz.
En attendant, la Franco-Ontarienne est seule pour servir une population de quelque 16 000 personnes. Elle accompagne environ 40 futures mamans chaque année et doit refuser de nombreuses clientes. «Je pourrais embaucher deux autres sagefemmes pour répondre à la demande», relève-t-elle.
Forte de son expérience, Adeline Dubreuil-Mahé a, elle, décidé de se reconvertir comme doula postpartum. Avec l’envie de soutenir les jeunes mamans dans la période qui suit la naissance.
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Rachel Bendayan : Je sais que c’est très attendu, par mes conversations avec les parties prenantes. J’ai pu rencontrer la ministre [Ginette] Petitpas-Taylor pour en parler. On travaille de concert là-dessus évidemment.
C’est le Conseil du Trésor qui est responsable, mais je suis le dossier de très près, étant donné que j’ai les deux autres règlements qui sont également attendus.
On veut s’assurer que tous nos règlements, les trois, soient vraiment à la hauteur. Évidemment, il y a énormément d’exigences en matière de consultations et pour bien les faire, ça prend du temps, mais nous serons prêts pour les déposer en temps et lieu en Chambre.
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Je pense qu’il faut commencer par trouver un nouveau chef et ensuite on verra. Effectivement, moi, mes instructions – et je pense que c’est le cas également pour la ministre Petitpas Taylor – c’est d’être prête [à aller en élections] si jamais.
On a eu notre première rencontre [avec les provinces et territoires, NDLR] le 20 février et c’était une très belle rencontre. Je vois une volonté incroyable de faire avancer le fait français partout à travers le pays.
Pour ce qui est des ententes bilatérales, la Colombie-Britannique a signé. J’ai vraiment hâte de voir la réaction de la communauté francophone dans la province parce que je sais qu’il y a des parents sur des listes d’attente pour envoyer leurs enfants dans des écoles bilingues ou de français et c’est très important de continuer à promouvoir et à encourager cette volonté de notre population pour l’éducation en français.
D’autres annonces sont prévues dans les prochains jours et semaines et, vraiment, la réaction de mes homologues à date était très positive.
Bien au contraire, quant à moi, elle a toute sa place. Renforcer notre identité est exactement de ce dont on parle en ce moment, renforcer notre identité canadienne, ce qui nous rend si spécial en tant que pays. C’est assurer nos valeurs et, pour moi, c’est très d’actualité.
C’est important de s’en rappeler dans ces moments où notre souveraineté est menacée. On se pose la question : «Qu’est-ce qu’on pourrait perdre?»
Et on peut perdre énormément. Nous avons nos propres forces, nos propres richesses en tant que Canadiens et de ce que je vois et ce que j’entends sur le terrain, c’est que les Canadiens veulent aller au front pour les défendre.
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De un, moi je ne l’entends pas ici au Québec. De deux, je dirais que notre gouvernement a sorti un plan afin de financer Radio-Canada. Je ne vois pas comment les gens qui ont à cœur nos deux langues officielles peuvent même considérer de voter pour un parti qui veut fermer [CBC].
Nous avons davantage besoin de nos institutions publiques comme [CBC/Radio-Canada] pour non seulement s’assurer de la diffusion dans nos deux langues des informations, mais aussi comme enjeu de sécurité nationale et de souveraineté canadienne.
Je n’aime pas trop me fier aux sondages, mais on sent quand même un vent de changement. Puis c’est clairement ce que j’entends sur le terrain.
Les propos ont été réorganisés pour des raisons de longueur et de clarté.
Pendant 160 ans, le gouvernement canadien et plusieurs églises chrétiennes ont mené un projet d’assimilation culturelle et linguistique à l’endroit des peuples autochtones. Ils ont forcé environ 150 000 enfants à vivre, étudier et travailler en anglais ou en français.
Des conditions similaires existaient dans les externats (ou écoles de jour), où régnaient les mêmes enseignements racistes et dégradants et les mêmes interdictions de parler les langues autochtones.
Hors du Québec, là où des francophones géraient les écoles ou enseignaient aux enfants en anglais, les adultes pouvaient parler français et continuer de vivre en français. Une énorme masse de documents atteste que les catholiques francophones travaillaient la plupart du temps en français.
Les enfants les entendaient donc se parler en français et pouvaient apprendre quelques mots de la langue… surtout ceux qui les dénigraient (on m’a ainsi souvent parlé de l’impact négatif du mot «sauvage»).
Au-delà des pensionnats, les autorités politiques, religieuses et sociales ont également mené une attaque en règle contre les langues et les cultures autochtones.
Les économies autochtones ont été décimées, notamment par l’occupation et l’exploitation des terres par les Européens, par la mise en place du système de laissez-passer et par la pratique systématique de destruction des efforts de développement économique au niveau communautaire. Sans oublier les épidémies.
Pour avoir la possibilité de participer à la société dominante, là où il n’y avait pas de pensionnats ou d’externats, les enfants autochtones devaient aller à l’école hors des réserves. Il leur était donc impossible de recevoir une éducation dans leur langue qui serait reconnue par la société dominante. Cette possibilité est en fait très récente.
À lire : Comment mieux informer les nouveaux arrivants sur les communautés autochtones?
Ceci dit, le terme «assimilation» ne suffit pas pour parler de ces politiques d’éducation. Il serait trop facile de mettre côte à côte les politiques à l’endroit des peuples autochtones et celles à l’endroit des communautés issues de l’immigration européenne – canadienne-française, françaises, belges, certes, mais également d’Europe centrale et de l’Est, visées par la même politique d’éducation en anglais.
Il est question ici de génocide. La Commission de vérité et réconciliation du Canada a parlé de «génocide culturel» pour nommer la logique des pensionnats et leurs conséquences sur les peuples autochtones.
Toutefois, nous devons voir les pensionnats comme une seule institution aux côtés des autres : les externats, les écoles mixtes, le système de laissez-passer, la Loi sur les Indiens, l’interdiction des pratiques spirituelles et culturelles, la destruction des économies, l’emprisonnement et la criminalisation, les déplacements forcés…
Dans les pensionnats autochtones anglophones, pendant que les jeunes ne pouvaient pas utiliser leur langue, les francophones qui leur enseignaient pouvaient parler français.
L’assimilation linguistique est ainsi l’une des composantes du génocide des peuples autochtones qui continue aujourd’hui, bien au-delà de la culture. Les langues autochtones ne sont pas «en danger», elles ne «disparaissent» pas : elles ont été longtemps attaquées directement, suivant l’objectif de les faire disparaitre avec les peuples autochtones.
Aujourd’hui, le manque d’un appui sérieux à leur développement limite les moyens pour contrer leur destruction et solidifier leur transmission.
Un déséquilibre important existe entre l’appui au français en situation minoritaire, et l’appui aux langues autochtones. Si les sommes d’argent peuvent paraitre comparables, il faut se rappeler que le soutien à l’éducation en français s’ajoute aux budgets provinciaux, tandis que le gouvernement fédéral finance entièrement les écoles dans les réserves.
Plus grave encore, ces écoles sont sous-financées et plusieurs ont besoin de rénovations importantes, et les gouvernements dépensent moins pour les enfants autochtones que pour les enfants qui vivent hors des réserves.
À lire : Langues autochtones : C-13 a «manqué le bateau»
Nous avons certes appris à reconnaitre «la présence et l’apport millénaire des peuples autochtones sur le continent nord-américain». Après tout, les langues autochtones font partie du patrimoine culturel immatériel de l’humanité, mais surtout des peuples autochtones eux-mêmes. Par la manière dont elles nomment, décrivent et présentent l’environnement non humain, elles permettent de sortir des relations coloniales avec les territoires occupés par le Canada.
Toutefois, entre une reconnaissance, un rappel symbolique et un appui, voire une véritable solidarité, assez de pas ont été faits : il est plutôt temps de se mettre en marche et de commencer le travail.
Un véritable soutien aux langues autochtones commence évidemment par la création de relations, de liens plus serrés et de solidarités entre les groupes minorisés au niveau linguistique.
Ce soutien doit servir les objectifs déjà décidés et partagés par les peuples autochtones, et avoir lieu dans le respect de leur souveraineté en tant que peuples.
Après tout, de nombreuses initiatives existent déjà : rassemblements de gardiens et gardiennes des langues, forums en milieu urbain, sommets internationaux, écoles d’immersion et maints projets de revitalisation au niveau des communautés, dont les programmes de mentorat ainsi que la Décennie internationale des langues autochtones.
Ainsi, la création de politiques linguistiques communautaires qui incluent explicitement une solidarité avec les peuples autochtones du territoire de chaque communauté francophone permettrait de contribuer à la défense des droits des peuples autochtones, qui incluent les droits linguistiques. Aussi d’envisager ce que pourraient signifier des réparations de la part des francophones.
Bref, nous devons repenser les langues officielles. Celles-ci ont été, et demeurent, des langues de colonisation. Les penser en isolement des langues autochtones, c’est continuer les aspects linguistiques du colonialisme.
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Jérôme Melançon est professeur titulaire en philosophie à l’Université de Regina. Ses recherches portent généralement sur les questions liées à la coexistence, et notamment sur les pensionnats pour enfants autochtones, le colonialisme au Canada et la réconciliation, ainsi que sur l’action et la participation politiques. Il est l’auteur et le directeur de nombreux travaux sur le philosophe Maurice Merleau-Ponty, dont La politique dans l’adversité. Merleau-Ponty aux marges de la philosophie (MétisPresses, 2018).
Au lendemain du dévoilement du dépassement de la cible en immigration francophone, la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) se dit «satisfaite» en entrevue, par la voix de sa présidente, Liane Roy.
En 2003, Stéphane Dion, ancien ministre responsable des Langues officielles au début des années 2000, avait établi la cible d’immigrants francophones en dehors du Québec à 4,4 % pour 2008. Celle-ci avait été atteinte puis dépassée pour la première fois par le gouvernement fédéral en 2023.
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Changement de volonté
Pour Liane Roy, le dépassement récent de la cible s’explique à la fois par un changement dans la volonté politique du gouvernement, un changement de culture gouvernementale, ainsi qu’une meilleure prise en compte des revendications de la FCFA à ce sujet.
Liane Roy se dit confiante quant à l’atteinte de la cible de 10 % d’ici deux ans, mais la FCFA pousse encore pour atteindre un objectif de 12 %, ce qui permettrait de rétablir le poids démographique des francophones hors Québec.
«Ils ont compris qu’il faut mettre des mesures en place. Et qu’on ne peut pas faire du recrutement francophone dans nos régions comme on en fait pour l’immigration en général», ajoute la présidente.
Liane Roy salue ici les Programmes pilotes annoncés par le gouvernement fédéral en 2024, qui disposent d’une «lentille francophone» selon la FCFA, ainsi que l’annonce toute récente de 909 000 $ sur quatre ans pour répondre au besoin de main-d’œuvre dans le Nord de l’Ontario, en liant des réfugiés et des travailleurs qualifiés avec des employeurs locaux.
Si elle reconnait que le travail se poursuit «sur une bonne voie», la FCFA pousse encore pour que le Canada atteigne 12 % d’immigrants francophones en dehors du Québec afin de rétablir le poids démographique des francophones de 1971, qui était de 6,1%.
«C’est inscrit dans la Loi [sur les langues officielles, NDLR] maintenant», rappelle Liane Roy.
Marc Miller a annoncé une série de mesures en faveur de l’immigration francophone hors Québec depuis l’atteinte de la toute première cible de 4,4 %, en janvier 2024.
«Le problème, c’est la rétention»
Pourtant, le ministre fédéral d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), Marc Miller, avait affirmé en novembre à Francopresse qu’une cible de 10 % serait «trop demander» à son ministère, justifiant que l’immigration n’est pas l’unique solution pour rétablir le poids démographique des francophones hors Québec.
«Atteindre les 10% d’immigration francophone n’est pas un problème en soi,. En revanche, le problème, c’est la rétention, c’est de s’assurer que les immigrants [francophones] ont des emplois, des ressources. On veut qu’ils soient bien soutenus, affirme la directrice des communications du bureau du ministre Miller, Aïssa Diop, en entrevue avec Francopresse.
IRCC veut s’assurer que les francophones qui s’installent au Canada aient des ressources pour ensuite augmenter les cibles «au fur et à mesure», souligne encore Aïssa Diop.
Du côté des conservateurs, le député québécois chef de file en matière de Langues officielles, Joël Godin, assure que «c’est un pas», mais «pas la solution magique pour faire en sorte de stopper le déclin français au Canada».
«Si on réduit les cibles [générales en immigration], mais qu’on augmente le pourcentage de francophones hors Québec, celui-ci va diminuer. C’est probablement de la poudre aux yeux pour mettre la table pour une prochaine campagne électorale.»
Les cibles en immigration francophones
Dans son Plan des niveaux d’immigration 2025-2027, le gouvernement fédéral a relevé les cibles en immigration francophone tout en réduisant celles de l’immigration totale.
Les cibles en admissions de résidents permanents d’expression française ont été fixées à 8,5 % en 2025; 9,5 % en 2026 et 10 % en 2027.
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Services en français : «On ne peut pas les financer tous»
Au pays, plus de 250 points de service d’établissement offrent des services en français – parfois partiellement – pour les nouveaux arrivants dans les régions à majorité anglophone.
Les communications du ministre rappellent qu’au pays, «IRCC prévoit d’investir environ 1,2 milliard de dollars pour répondre aux besoins des nouveaux arrivants en matière d’établissement hors Québec».
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Ce financement vise toutefois les services francophones et anglophones. Le chiffre dédié aux francophones hors Québec uniquement n’a pas été communiqué à Francopresse avant de publier cet article.
Par ailleurs, malgré l’assurance d’IRCC concernant sa volonté de fournir des ressources pour accueillir et retenir les immigrants francophones, certains points de services francophones ont essuyé des refus de financement de la part du ministère.
«On a beaucoup de demandes de la part des services d’établissement, répond le bureau du ministre. Il faut qu’on soit honnêtes avec les gens pour dire qu’on va financer des services d’établissement, mais on ne peut pas les financer tous. C’est une question de l’offre présente dans la région.»
L’attachée de presse du ministre Miller assure que, si dans une même région, il y a deux points qui offrent le même type de services en français, il faut faire un choix entre les deux.
De son côté, Liane Roy répond prudemment que l’essentiel est «d’avoir les services adéquats».
«Nous constatons avec inquiétude un climat hostile à l’égard de la communauté facultaire francophone, marqué non seulement par des microagressions chroniques et persistantes, mais aussi par la suppression ou la fusion de postes sans remplacement équitable par rapport à la contrepartie anglophone», précise la lettre adressée au provost de l’Université, Jacques Beauvais, et envoyée le 21 février.
Le vice-recteur associé, Francophonie de l’Université, Yves Pelletier, a aussi reçu une copie conforme de cette lettre.
Cette communication ainsi qu’une autre envoyée le 15 janvier 2025 au doyen de la Faculté de médecine soulevait les inquiétudes de membres du personnel francophone quant au «leadeurship facultaire» et aux décisions qui «semblent mener à un démantèlement progressif des Affaires francophones».
Les deux lettres ont été signées par une soixantaine de médecins, de membres du corps professoral et du personnel ainsi que de partenaires francophones qui forment la «grande équipe des Affaires francophones».
Francopresse a déjà rapporté les inquiétudes de la «grande équipe» par rapport au déclin progressif de la place du français à la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa.
«Speak white»
«Je n’étais plus capable d’être dans un environnement où le leadeurship n’était pas de notre côté. […] Tout ce que [je faisais] de mes journées, c’était essayer de défendre notre présence», explique une ancienne employée de la Faculté de médecine.
Francopresse a accepté de protéger son identité, car elle craint des représailles. Nous donnerons à cette personne le nom fictif de Claudine.
La «grande équipe des Affaires francophones» présente tout de même quelques points positifs dans ses lettres, comme les cours délocalisés à l’Hôpital Montfort pour les francophones.
Comme elle, plusieurs autres francophones ont quitté la Faculté, en particulier la section des Affaires francophones, au cours des deux dernières années, indiquent trois personnes avec qui Francopresse a discuté. «Pratiquement tout le monde est parti, dit Claudine. L’incertitude constante, l’environnement mauvais, un peu toxique» expliquent en grande partie son propre départ.
En plus «des bâtons dans les roues» qui empêchaient de donner plus de place à la francophonie au sein de la Faculté, Claudine a entendu des commentaires désobligeants au fil des années.
Comme exemple classique, elle cite que les francophones se font demander de parler anglais lors de réunions. À l’Université d’Ottawa, un établissement officiellement bilingue, le personnel a le droit de parler dans la langue officielle de son choix. «Ce n’est pas [un commentaire] énorme, mais c’est un peu insultant», explique Claudine.
Employé actuel, Xavier (nom fictif) dit avoir déjà entendu pire : un collègue francophone s’est déjà fait dire «speak white» par un collègue anglophone.
Dans leur lettre au provost, les signataires demandent «un environnement exempt d’hostilité au sein de la Faculté de médecine, incluant des mesures concrètes contre les microagressions et un soutien institutionnel renforcé aux programmes francophones, garantissant leur pleine autonomie dans la gestion de leur formation ainsi que les ressources humaines et financières adéquates».
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Lors d’une rencontre avec le doyen de la Faculté de médecine de l’époque, Bernard Jasmin, la doyenne intérimaire actuelle, Melissa Forgie, et le vice-doyen Alan Chaput, les membres de la «grande équipe» ont dénoncé les microagressions.
Cette rencontre a eu lieu le 5 février. Francopresse a obtenu copie du sommaire de la discussion rédigé par la «grande équipe» et envoyé à tous ses membres.
Le document commence par une reconnaissance des progrès pour la francophonie à la Faculté de médecine, comme l’augmentation du nombre d’étudiants et d’étudiantes dans le volet francophone et la possibilité de cours délocalisés à l’Hôpital Montfort pour les francophones. Situé à Ottawa, cet établissement est le seul hôpital universitaire francophone de l’Ontario.
«Bien que la Faculté ait fait des avancées pour étendre l’usage du français, plusieurs médecins, étudiants et membres de la communauté francophone ne se sentent pas respectés», poursuit le sommaire.
Ils continuent malheureusement de faire face à de nombreuses microagressions et subissent les conséquences de décisions prises sans consultation avec les acteurs du volet francophone.
La lettre envoyée au provost fait mention des échanges entre des signataires, Bernard Jasmin, Melissa Forgie et Alan Chaput : «La discussion a été franche, et un retour par courriel de la Dre Forgie nous assure qu’une attention particulière sera portée à la lutte contre les microagressions […].»
«Bien que ces engagements constituent un premier pas, ils demeurent insuffisants», insistent les signataires.
Bernard Jasmin, dans une réponse par courriel à Francopresse, a fourni des précisions sur les décisions administratives qui inquiètent la «grande équipe», mais il n’a pas répondu aux questions concernant le climat hostile et les microagressions. Il a remis une lettre de démission le 28 janvier sans évoquer un lien avec cette situation. Sa démission a pris effet le 2 mars.
Yves Pelletier et Jacques Beauvais n’ont pas fourni de réponses aux questions de Francopresse.
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Une vieille histoire
Ce n’est pas la première fois que la discrimination envers les francophones fait l’objet de dénonciations à l’Université d’Ottawa. En 2021, un rapport produit par une firme externe à la demande de l’Université mettait en lumière une hausse de la francophobie, de moins en moins de personnel bilingue et des entraves à l’accès à des cours en français.
Selon le média ONFR, ce rapport précise que des centaines de membres de la communauté étudiante, du corps professoral et du personnel administratif ont livré des témoignages faisant état de droits «bafoués», de «propos irrespectueux et parfois dénigrants» et d’une «certaine hostilité».
En 2020, ONFR avait déjà publié un texte sur le climat antifrancophone qui régnait à l’Université d’Ottawa selon des membres du corps professoral.
La Faculté de médecine en est à la dernière année de son plan stratégique de 2020-2025, dans lequel elle s’engageait notamment à «assurer un environnement respectueux», à «promouvoir la francophonie», à «cultiver un environnement francophile» et à «élargir l’offre de programmes bilingues».
«La Faculté souhaite améliorer son image bilingue», prévoyait le plan. «L’objectif est de créer un environnement de respect et d’encouragement pour tous les membres du groupe minoritaire francophone, afin qu’ils puissent s’épanouir sur le plan intellectuel et personnel dans leur langue maternelle.»
Dans son plan stratégique de 2025-2030, la Faculté de médecine précise que la francophonie fait partie de ses cinq priorités unifiantes.
«Plusieurs décisions récentes, prises sans concertation, suscitent de vives inquiétudes», est-il écrit dans une lettre envoyée le 15 janvier au doyen de l’époque de la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa, Bernard Jasmin.
Ce dernier a démissionné de son poste le 28 janvier. Dans l’annonce de son départ à ses collègues, que Francopresse a obtenu, il n’évoque aucune raison en lien avec les Affaires francophones. Sa démission a pris effet le 2 mars.
Le 21 février, le provost de l’Université d’Ottawa, Jacques Beauvais, a lui aussi reçu une lettre : «Au nom des Affaires francophones de la Faculté de médecine, nous souhaitons exprimer notre profonde préoccupation quant aux développements survenus ces trois dernières années, qui semblent mener à un démantèlement progressif des Affaires francophones.»
Le vice-recteur associé, Francophonie, de l’Université d’Ottawa, Yves Pelletier, a été mis en copie conforme sur ces deux lettres, dont Francopresse a obtenu copie.
Les signataires de ces lettres, qui se décrivent comme la «grande équipe des Affaires francophones», se composent d’environ une soixantaine de médecins, de membres du corps professoral et du personnel ainsi que de partenaires francophones.
«On perd des joueurs importants»
Dans la lettre au provost, la «grande équipe» dénonce la «suppression ou la fusion de postes sans remplacement équitable par rapport à la contrepartie anglophone».
L’organisation des unités, depuis longtemps chapeautées par une équipe de deux directeurs, l’un anglophone et l’autre francophone, sera maintenant dirigée par une seule personne “bilingue”
Cette lettre fait aussi état du transfert de certaines responsabilités, dont possiblement certaines des activités de formation médicale continue, vers le bureau anglophone de développement professionnel continu. Un stage francophone en santé mondiale au Bénin, mis en place par les Affaires francophones et géré par cette même équipe depuis une vingtaine d’années, a été transféré au Bureau international.
La «grande équipe» doute de la capacité de ces bureaux et du personnel anglophone de bien comprendre la réalité francophone. Elle rappelle, dans sa lettre au doyen, qu’«historiquement, les secteurs majoritairement anglophones ont eu du mal à gérer l’offre francophone et ont même préféré laisser les [Affaires francophones] en être les maitres d’œuvre».
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Dans sa lettre au doyen, la «grande équipe» a indiqué qu’elle n’hésiterait pas à «impliquer» «l’ensemble de la communauté franco-ontarienne» dans le débat «pour obtenir les garanties et les moyens nécessaires à la protection des droits des francophones».
Accélération des efforts de «démantèlement»
Trois personnes de la «grande équipe» se sont confiées à Francopresse, qui a accepté de protéger leur identité parce qu’elles craignent des représailles. Des noms d’emprunt seront utilisés.
Si tout pouvait se faire en français il y a dix ans dans la Faculté de médecine, ce n’est plus le cas aujourd’hui, dit Xavier, en entrevue avec Francopresse. C’est la première fois qu’il remarque de manière si «flagrante et évidente» une telle tentative de «démantèlement».
Les trois sources affirment qu’une dizaine de personnes ont récemment quitté la Faculté ou les Affaires francophones de la Faculté volontairement à cause des circonstances devenues difficiles pour les francophones. Plusieurs de ces personnes occupaient des rôles clés, en gestion et en finances par exemple, et n’ont tout simplement pas été remplacées. Leur départ fait qu’il sera plus difficile pour l’équipe de remplir son mandat francophone, disent les sources.
Une ex-employée, Claudine, a quitté la Faculté en partie parce qu’elle était «tannée» de devoir «défendre la présence» des francophones. Dominique, qui est toujours en poste, parle d’une tentative d’«assimilation» mise en action il y a quelques années.
Tous les trois pointent la gouvernance de la Faculté. Ils sont aussi inquiets quant au poste de vice-doyen consacré aux Affaires francophones de la Faculté, qui est vacant depuis plusieurs semaines.
Dans leurs lettres, les signataires formulent plusieurs demandes pour que les francophones reprennent le contrôle de la formation en français.
Selon Xavier, il est difficile de cerner les raisons pour justifier un tel «démantèlement», même si des motifs économiques ont été avancés par les gestionnaires. «Depuis quelques années, beaucoup des postes qu’on avait, soi-disant parce qu’il y a des coupures budgétaires à faire, ont été fusionnés avec le volet anglophone», dit-il.
Les défis budgétaires ayant toujours existé, Xavier s’explique mal l’accélération récente du «démantèlement».
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Défis de recrutement pour la Faculté
En réponse aux questions de Francopresse, l’Université d’Ottawa a envoyé une déclaration de Bernard Jasmin, qui était encore doyen à cette date. Il indique que la Faculté prend le temps d’assurer une «sélection rigoureuse» d’un vice-doyen ou d’une vice-doyenne, un «processus important qui ne peut pas se faire du jour au lendemain».
La faculté est consciente que le recrutement de membres francophones du corps professoral pour enseigner et superviser étudiants·tes et résidents·tes a été, et reste toujours, un défi critique. Il s’agit d’une priorité essentielle pour les Affaires francophones et la Faculté de médecine.
Bernard Jasmin a aussi assuré que dans sa «gouvernance actuelle», la Faculté compte à des postes clés des Franco-Ontariens, des Québécois «très sensibilisés à la francophonie en milieu minoritaire», des étrangers «bien installés au Canada en provenance de pays francophones» et des «gens parfaitement bilingues».
«Tous et toutes, sans exception, font la promotion de la francophonie, soutiennent et développent d’importants programmes et initiatives en français, précise-t-il. Nous sommes déterminés à faire rayonner la francophonie dans tous les aspects du travail de la faculté, à améliorer continuellement la qualité de nos programmes et à assurer d’excellents soins aux patients.»
Plusieurs questions posées par Francopresse sont restées sans réponse, de même que des questions envoyées à Jacques Beauvais et à Yves Pelletier.
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Des étudiants mécontents
Des étudiants francophones de la Faculté de médecine ont aussi adressé une lettre à Bernard Jasmin.
La «grande équipe» en fait mention au provost dans sa propre lettre : «[Les étudiants] dénoncent le manque de ressources académiques et humaines nécessaires pour assurer un enseignement équivalent en français, ce qui les amène à se sentir moins valorisés que leurs homologues anglophones et à s’inquiéter pour la qualité de leur formation.»
En entrevue, Xavier confirme qu’il y a un «impact» sur la population étudiante francophone. Par exemple, de plus en plus de cours leur sont donnés en anglais, faute de personnel francophone, déplore-t-il, ou le contenu des cours est en anglais. C’est notamment le cas lorsqu’un professeur francophone doit s’absenter et qu’il n’y a pas de remplaçant francophone.
Le corps étudiant a préféré ne pas partager sa lettre avec Francopresse.
Une discussion «franche» a eu lieu
Des membres de la «grande équipe» ont rencontré l’ancien doyen de la Faculté de médecine, Bernard Jasmin, la doyenne intérimaire actuelle, Melissa Forgie, et le vice-doyen Alan Chaput, le 5 février.
Francopresse a obtenu une copie du sommaire des discussions rédigé par des membres de la «grande équipe» et transmis aux autres signataires. Ce document souligne des avancées, notamment l’augmentation du nombre d’étudiants inscrits dans le volet francophone.
Mais le ton change rapidement : «Nos droits sont souvent bafoués, et la Faculté doit prendre des mesures concrètes pour y remédier afin que notre autonomie et notre compétence soient reconnues et respectées. Il faudra voir à protéger nos droits avec un cadre juridique clair.»
Dans la lettre envoyée au provost le 21 février, la «grande équipe» fait mention de cette rencontre, qualifiant la discussion de «franche».
«Un retour par courriel de la Dre Forgie nous assure […] que les termes de référence du poste de vice-doyen·ne aux Affaires francophones nous seront soumis pour consultation. Bien que ces engagements constituent un premier pas, ils demeurent insuffisants», précise la lettre.
Si on connait le nom d’Agnes Macphail, première femme élue à la Chambre des communes en 1921, ceux de Louise McKinney, élue en juin 1917 à l’Assemblée législative de l’Alberta, et de Roberta MacAdams, qui l’a rejointe plus tard cette même année, sont moins présents dans la mémoire collective.
L’Ontarienne Agnes (Campbell) Macphail a brisé le plafond de verre pour les femmes en politique canadienne en devenant la première députée fédérale, en 1921.
Agnes (Campbell) Macphail fait son entrée aux Communes deux ans après que les femmes furent autorisées à se porter candidates aux élections fédérales. Oratrice talentueuse, elle était organisatrice pour les Fermiers unis de l’Ontario. Elle siègera jusqu’en 1940, mais il faudra attendre 14 ans pour qu’une deuxième femme soit élue à Ottawa, soit Martha Louise Black.
Née à Chicago, cette dernière s’est présentée aux élections de 1935 dans une circonscription du Yukon qui était représentée par son mari, George Black. Celui-ci avait été élu en 1921 et était devenu président de la Chambre des communes, mais il avait renoncé à se porter candidat aux élections de 1935 parce qu’il souffrait d’une dépression.
Quant à Agnes Macphail, elle poursuivra sa carrière politique à l’Assemblée législative de l’Ontario, où elle est élue en 1940. Elle est l’une des deux premières femmes à avoir siégé en Ontario. Elle sera l’autrice d’un premier projet de loi sur l’équité salariale, luttera pour la création des allocations familiales et le droit des femmes à demander le divorce.
Entretemps, le Sénat canadien accueillera une première femme en 1930. Il s’agit de Cairine Wilson (née Cairine Reay Mackay), de Montréal. Elle était la fille de Robert Mackay, sénateur et ami personnel de Wilfrid Laurier. Sa nomination par le premier ministre William Lyon Mackenzie King survient quatre mois seulement après le dénouement de la célèbre affaire «personne».
Même si les femmes pouvaient être candidates aux élections fédérales, elles n’étaient pas admissibles à une nomination au Sénat.
Le mouvement des suffragettes pour le droit de vote des femmes a débuté en Grande-Bretagne au début du XXe siècle. Ici à Londres.
En 1928, la Cour suprême du Canada avait statué que les femmes n’étaient pas des «personnes» selon les termes de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, première constitution canadienne. Elles ne pouvaient ainsi pas être nommées au Sénat.
Cinq suffragettes albertaines, surnommées les «Célèbres cinq» (Famous Five), réussissent à faire pression sur le gouvernement fédéral pour que cette affaire soit soumise au comité judiciaire du Conseil privé de Londres, qui constituait à l’époque le plus haut tribunal d’appel pour le Canada et toutes les colonies britanniques.
Le 18 octobre 1929, le comité judiciaire infirme la décision de la Cour suprême du Canada.
Malgré ces grandes premières, la présence des femmes dans la sphère politique canadienne évolue lentement. Le Québec sera la dernière province à accorder le droit de vote aux femmes, en 1940.
Ce n’est qu’en 1957 qu’une première femme, Ellen Louks Fairclough, est nommée à un cabinet fédéral.
Caricature d’Arthur Racey dans le Montreal Star montrant une Québécoise devant une affiche indiquant que la Turquie permet aux femmes de voter en 1934 alors qu’au Québec, ce droit ne leur sera accordé qu’en 1940.
Au début des années 1970, cinquante ans après l’élection d’Agnes Macphail, il n’y a que cinq femmes députées aux Communes, soit un maigre 2 % des membres de la Chambre. Cette proportion augmente lentement pour atteindre 5 % en 1980, puis 20 % lors du scrutin de l’an 2000.
La proportion de députées fédérales fait pratiquement du surplace au cours de la décennie suivante; elle n’atteint même pas tout à fait les 25 % en 2011. Le rythme s’accélère par la suite et, aux élections de 2021, plus de 30 % des parlementaires à la Chambre des communes sont des femmes.
Entretemps, le premier ministre Justin Trudeau a fait avancer les choses plus rapidement à l’exécutif en nommant, pour la première fois au Canada, un cabinet paritaire en 2015, avec 15 femmes et 15 hommes. Amené à expliquer sa décision, Justin Trudeau avait eu cette réplique qui avait beaucoup retenu l’attention : «Parce qu’on est en 2015.»
Cela dit, aucune femme n’a jusqu’à présent été élue première ministre du Canada, même si on est en 2025. Seule l’éphémère Kim Campbell a occupé ce poste pendant quatre mois en succédant au premier ministre Brian Mulroney comme cheffe du Parti progressiste-conservateur en 1993.
Scène fédérale :
1972 : Élection des trois premières francophones à la Chambre des communes, soit les Québécoises Monique Bégin, Albanie Morin et Jeanne Sauvé (Jeanne Sauvé fera œuvre de pionnière à bien des égards, en devenant la première femme francophone nommée au cabinet fédéral [1972], la première femme à la présidence de la Chambre des Communes [1980] et enfin la première femme au poste de gouverneur général du Canada [1984].)
1988 : Élection et entrée au Cabinet fédéral de la première francophone de l’extérieur du Québec, soit la Franco-Ontarienne de Sudbury Diane Marleau.
1997 : Élection de la première Acadienne, Claudette Bradshaw (née Arsenault), de Moncton.
1998 : Claudette Bradshaw devient la première Acadienne au cabinet ministériel.
Scène provinciale :
1987 : Élection des deux premières francophones à l’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick, soit Pierrette Ringuette et Aldéa Landry (cette dernière deviendra la même année la première Acadienne à entrer au Cabinet du Nouveau-Brunswick)
1999 : Élection de la première francophone à l’Assemblée législative de l’Ontario, soit Claudette Boyer
2024 : Élection de la première francophone à l’Assemblée législative de la Saskatchewan, soit Jacqueline Roy
La quête vers l’égalité des sexes en politique se poursuit toujours, mais celles et ceux qui croient que le Canada est avant-gardiste dans ce domaine, détrompez-vous.
En 1997, Claudette Bradshaw (née Arsenault), devenait la première Acadienne élue députée à la Chambre des communes. L’année suivante, elle devenait la première Acadienne ministre fédérale.
Selon le palmarès du pourcentage de femmes dans les parlements nationaux que met à jour mensuellement l’Union interparlementaire, le Canada n’arrivait qu’au 69e rang dans le monde en janvier 2025, avec environ 30 % de femmes à la Chambre des communes.
Ce classement montre qu’à peine six pays dans le monde ont déjà atteint la parité hommes-femmes à leur parlement national : le Rwanda (avec près de 64 % de femmes), Cuba (56 %), le Nicaragua (55 %), le Mexique (50 %), l’Andorre (50 %) et les États arabes unis (50 %).
Les États-Unis, quant à eux, font encore pire figure que le Canada. Ils arrivent au 77e rang de ce palmarès, avec 28,7 % de femmes élues au Congrès.
De toute évidence, l’œuvre des suffragettes est loin d’être terminée…
Après une absence de huit ans, voilà que l’auteur-compositeur-interprète franco-ontarien Damien Robitaille est de retour. Il offre Ultraviolet, un opus des plus intéressants à la hauteur de son talent lancé le 14 février.
Pochette de l’album Ultraviolet.
Ce nouvel album aux allures dance-pop renferme de belles orchestrations qui rendent chaque pièce extrêmement puissante. Il débute avec un dance-pop bilingue, (She’s Got That) Je ne sais quoi, dont la musicalité des mots en fait un ver d’oreille irrésistible.
Dans la même veine, Kaléidoscope vous fera danser dès les premiers accords. Tout au long du disque, mélodie après mélodie, le charme opère. Des pièces comme Limousine ou Désynchronisé témoignent de la plume unique de Robitaille.
Paruline, Paruline est un folk acoustique savoureux, alors que Point de non-retour est une autre belle trame dance-pop et que la pièce titre, Ultraviolet, nous transporte dans un univers reggae.
Mon coup de cœur est Aurores boréales, une courte ballade piano-voix qui crée un moment de tendresse avec l’artiste. L’album se termine avec Superhéroïne, autre belle ballade, anglophone cette fois-ci.
Huit ans se sont écoulés depuis l’album Univers parallèles de Damien Robitaille. Ultraviolet démontre encore une fois toute la richesse de la plume de l’artiste. Il offre un 6e album où la force des arrangements donne vie à de superbes mélodies. Damien Robitaille est plus que jamais en contrôle de son univers.
Pour suivre leur excellent album éponyme, La légende de Calamity Jane revient avec le remarquable Avant l’aurore. Ce trio fransaskois, composé d’Annette et Michelle Campagne (du groupe Hart-Rouge) et d’André Lavergne (du groupe Dans l’Shed), captive dès les premiers accords avec un son country folk aux essences de blues qui les démarque.
Pochette de l’album Avant l’aurore.
Dès la pièce titre, Avant l’aurore, nous sommes témoins de l’intensité des orchestrations. Nous sommes éblouis par cette force organique que nous livrent les guitares et le banjo. À cela s’ajoute des harmonies vocales d’une richesse hors du commun.
Quelques extraits irrésistibles sont entre autres 300 pieds, un hymne contre l’oppression et un désir de liberté. Je t’appartiens est une déclaration de fidélité alors qu’avec Dans la montagne, Annette Campagne et André Lavergne livrent une des grandes chansons du disque.
J’aimerais faire une mention spéciale pour la pièce instrumentale, Vent et poussière. Elle nous berce au plus profond de notre âme.
Grâce à l’intensité des arrangements, grâce aux guitares folk et country auxquelles s’ajoute un soupçon de blues, le trio nous captive une nouvelle fois.
En souvenir je vous présente Yao. Ce mois-ci, le slameur d’Ottawa fera pour la deuxième fois la première partie du rappeur Grand Corps Malade. Il y a quelques années, Yao, artiste né en Côte d’Ivoire, déposait sa plume sur une toile de fond pop aux teintes afrobeat, électro et jazz, qui nous transportaient dans une gamme d’émotions.
Pochette de l’album Kintsugi.
Chaque pièces de l’album Kintsugi était très bien construite afin de créer un univers sonore absolu. De Funambule à Comme il est là, un esprit de compassion, de vérité et de fragilité emporte l’auditeur. On est témoin d’une plume d’intériorité profonde. Les naufragés est l’un des meilleurs textes de l’album.
La plume de Yao est poétique et engagée. Sa musique pop aux multiples teintes nous berce et nous accompagne comme une brise sonore envoûtante. Le propos de chaque plage de l’album Kintsugi est un délice pour notre ouïe.