Malgré ses promesses en campagne électorale, le premier ministre a souvent été absent de l’action, des débats et des annonces touchant la minorité francophone.
Pour un chef accusé – par les anciens ministres Marc Garneau et Bill Morneau – de concentrer le pouvoir décisionnel au sein du cabinet du premier ministre, Justin Trudeau semble pourtant avoir laissé toute la place à sa ministre Ginette Petitpas Taylor lors de la refonte de la Loi sur les langues officielles.
À d’autres occasions, le gouvernement de Justin Trudeau a cependant oublié que les communautés francophones en situation minoritaire doivent être protégées.
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Le postsecondaire francophone, un des grands oubliés
L’un des plus récents exemples d’oubli remonte à janvier 2024, quand le ministre d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, Marc Miller, a annoncé une réduction du nombre de permis d’études délivrés aux personnes étrangères.
Les établissements postsecondaires francophones ont alors tiré la sonnette d’alarme, parce que la diminution des revenus apportés par ces étudiants et étudiantes allait lourdement diminuer leurs revenus.
Dans les semaines suivantes, il a été impossible de savoir comment la mesure affecterait les établissements postsecondaires francophones; jusqu’à l’annonce d’un nouveau programme pour eux.
En 2021, Justin Trudeau faisait campagne avec la promesse de financer les établissements postsecondaires francophones à hauteur de 80 millions de dollars par an de manière permanente. Un financement qui ne s’est jamais concrétisé dans le Plan d’action pour les langues officielles.
Important, mais pas toujours…
Quand Justin Trudeau n’était pas absent des débats, il semblait tout simplement oublier les besoins des communautés francophones en situation minoritaire.
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En 2019, il a nommé une lieutenante-gouverneure unilingue anglophone dans la seule province officiellement bilingue du Canada.

Lors de son entrée en fonction comme gouverneure générale du Canada, Mary Simon avait promis d’apprendre le français.
En 2021, Justin Trudeau a persisté et signé avec l’installation d’une gouverneure générale qui ne parle pas français, Mary Simon. Certes, elle est autochtone et sa nomination représente un geste louable pour se rapprocher des Premières Nations, mais la population francophone du pays s’est sentie, encore une fois, oubliée.
D’ailleurs, la prorogation du Parlement au début de l’année a rejeté dans les limbes deux projets de loi qui auraient modifié la Loi sur les compétences linguistiques et rendu obligatoire le bilinguisme pour les postes de gouverneur général du Canada et de lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick.
Autre exemple d’oubli, au début de la pandémie de COVID-19, le premier ministre a défendu la décision contestée de Santé Canada d’autoriser l’étiquetage unilingue en anglais afin d’accélérer la production de certains produits désinfectants, antiseptiques et d’entretien.
Dans ce dernier cas, le commissaire aux langues officielles a cependant conclu que la mesure avait été «raisonnable».
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Comment ne pas montrer l’exemple
Tous ces exemples d’oublis n’ont pas la même portée grave que d’autres préjudices passés subis par les francophones en situation minoritaire. Ils ne se comparent pas au Règlement 17 ou aux difficultés d’obtenir des écoles de langue française. Ils n’ont pas fait reculer les droits des francophones.
Ils démontrent cependant un manque de leadeurship qui envoie un très mauvais message à la fonction publique et à la population, tant francophone qu’anglophone.
Le commissaire aux langues officielles indiquait d’ailleurs dans son rapport annuel de 2024 que des institutions fédérales «ne semblent ni adhérer à la vision d’une fonction publique bilingue ni appuyer la création de milieux de travail dans lesquels les fonctionnaires se sentent habilités à travailler dans la langue officielle de leur choix».
Un très vieux problème qui disparaitra seulement lorsque la personne à la tête du gouvernement canadien offrira plus qu’un bilinguisme d’apparence, plus que des discours dans les deux langues officielles.
Elle montrera que le français est aussi important que l’anglais. Elle rappellera que les francophones ont aussi aidé à construire le pays. Elle n’oubliera pas que les communautés minoritaires ont des enjeux spécifiques.
Justin Trudeau en avait peut-être l’intention, mais il n’a pas été cette personne.
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