le Mardi 30 mai 2023

Le rapport du Commissariat aux langues officielles (CLO) 2022-2023, publié mardi, recense 1 788 plaintes au total. Une baisse drastique comparativement à l’année précédente qui en comptait 5 409.

La raison : le discours unilingue anglais au Québec du PDG d’Air Canada, Michael Rousseau, qui avait déclenché la fureur des francophones du pays.

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Cette année, le Commissariat préfère mettre l’accent sur la hausse des plaintes dans le domaine des services au public, qui ne remplissent toujours pas leurs obligations linguistiques. En tout, le rapport en recense 810, dont 497 concernant les services aux voyageurs.

Les cinq endroits avec le plus de plaintes en 2022—2023

Région d’Ottawa : 893 plaintes
Le Québec : 306 plaintes
L’Ontario : 165 plaintes
Région de Québec : 109 plaintes
Nouveau-Brunswick : 78 plaintes

Cette hausse vise d’autant plus Air Canada, qui fait l’objet de 276 plaintes. Un «sommet sur 10 ans», dans le domaine du voyage et pour la compagnie aérienne, sans compter la polémique de l’an dernier, affirme le CLO.

Photo : Capture d'écran rapport annuel du CLO 2022-2023

Les autres institutions qui fournissent des services aux voyageurs (Via Rail, les administrations aéroportuaires, l’Agence des services frontaliers du Canada et l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien) ne dépassent pas les 77 plaintes chacun.

Problèmes non résolus depuis 10 ans

Selon le CLO, les causes principales de cette hausse de plaintes dans le domaine des services au public sont attribuables aux problèmes non résolus depuis 2012-2013 ; ces «enjeux répétitifs et systémiques» dans les aéroports du pays.

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Le commissaire aux langues officielles Raymond Théberge a déposé son rapport annuel 2022—2023 le 30 mai au Parlement.

Photo : Courtoisie CLO

Les institutions fédérales ne proposent pas une offre active dans les deux langues aux voyageurs. Par exemple, plusieurs échouent à communiquer en anglais et en français sur les affiches d’indications aux voyageurs dans les aéroports.

À cela s’ajoute un manque d’affichage bilingue et de personnel formé dans les deux langues officielles. C’est le manque de communication verbale qui compte pour le plus de plaintes, soit 36 cette année.

 

Le manque de maitrise des institutions dans le domaine de la technologie défavorise également les deux langues officielles, que ce soit le système de réservation en ligne ou l’application d’Air Canada.

On croyait il y a 10 ans que le recours aux technologies numériques permettrait aux institutions fédérales de combler certaines lacunes en matière des langues officielles. […] Force est d’admettre que cette vision ne s’est pas encore pleinement réalisée.

— Raymond Théberge

Le CLO recommande ainsi au Conseil du Trésor et au ministère des Transports de présenter des «outils et lignes directrices» sur les obligations linguistiques des administrations aéroportuaires et de les présenter à ces dernières avant la fin mars 2024.

Le ministre des Transports aura en outre deux ans pour exiger de ces administrations un plan sur leurs obligations envers le public.

Du travail sur la planche du Conseil du Trésor

Après les communications et les services au public, les exigences linguistiques liées aux postes sont à la traine en matière de langues officielles, puisqu’elles comptent pour 714 des 1788 plaintes, «un nombre trois fois plus élevé que celui enregistré l’an passé (204)», note le document.

Photo : Capture d'écran rapport annuel du CLO 2022-2023

Ces 714 plaintes visent le «manquement sérieux» des institutions à établir un profil linguistique de certains postes «de manière objective», note le CLO.

«Une institution prend le risque, ultimement, d’affaiblir sa capacité à mettre en place un milieu de travail bilingue et à offrir des services en français et en anglais de qualité au public», peut-on lire.

C’est pourquoi le Commissariat écorche légèrement le Conseil du Trésor, qui lui a présenté une stratégie en décembre 2022 pour répondre à cette problématique.

J’aurais nettement préféré que cette date marque la fin de la mise en œuvre du plan “article 91” par cet organisme central plutôt que le début. Je demande au Secrétariat d’accélérer la cadence.

— Raymond Théberge

Une stratégie «dès les prochains mois» est attendue.

Dans sa troisième recommandation, le Commissariat propose un «plan triennal» au Conseil du trésor pour corriger le tir d’ici à juin 2025.

La langue de travail dans le sens de la modernisation de la Loi

La langue de travail, soit le droit des employés des institutions fédérales de travailler dans la langue officielle de leur choix, collige 207 plaintes.

C’est pourquoi le commissaire recommande à la présidente du Conseil du Trésor, à la ministre des Langues officielles et à la greffière du Conseil privé de mettre sur pied un plan d’action pour faire de la place aux langues officielles dans la fonction publique sous deux ans.

Il demande aussi qu’au lieu de sonder les institutions fédérales sur la possibilité de rédiger des documents dans la langue de leur choix, le Secrétariat du Conseil du Trésor sonde les employés.

Selon Raymond Théberge, «c’est l’un des principaux indices qui permettent de savoir si les mesures que prennent les institutions fédérales sont efficaces et permettent le respect des droits linguistiques des employés».

Le CLO s’est d’ailleurs réjoui d’un amendement adopté par le Comité permanent des langues officielles des Communes qui permet aux employés le droit d’être supervisés dans la langue officielle de leur choix dans les régions désignées bilingues.

En attendant la nouvelle loi

Alors que le projet de loi C-13 sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles est actuellement en seconde lecture au Sénat, l’année 2022-2023 a enregistré le plus de plaintes dans les services au public et les exigences linguistiques.

Pour Raymond Théberge, cela traduit le fait que «les Canadiens ont très bien assimilé les langues officielles comme étant une valeur fondamentale canadienne», a déclaré le commissaire en conférence de presse mardi.

«Les manquements qu’on constate cette année démontrent que nos institutions n’ont pas encore assimilé au sein de leurs organisations l’importance des langues officielles et [le fait] qu’on doit résoudre des problèmes systémiques. Je souhaite qu’avec C-13, on puisse adresser certains de ces problèmes systémiques.»

Plus sur la francophonie

Le ministre de la Santé Jean-Yves Duclos a annoncé du financement supplémentaire pour améliorer la formation des professionnels de santé en français dans trois établissements et un organisme communautaire du Nord de l’Ontario.

Photo : Inès Lombardo – Francopresse

15,4 millions de dollars sur cinq ans. C’est la somme qui sera répartie entre le Collège Boréal, l’Université Laurentienne de Sudbury, l’Université de Hearst et l’organisme communautaire Réseau du mieux-être francophone du Nord de l’Ontario, pour former et maintenir en poste les professionnels de santé francophones dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire (CLOSM).

«L’accès aux services de santé en français, notamment pour les francophones en situation minoritaire, ajoute un autre obstacle, le premier [étant] de trouver un professionnel de la santé», a reconnu le ministre fédéral de la santé Jean-Yves Duclos, lors de l’annonce du financement.

Ce dernier a souligné que le manque d’accès aux services en français avait un «impact sur la qualité et la sécurité des soins que l’on reçoit».

Il a également reconnu «beaucoup de progrès à faire» sur la reconnaissance des diplômes du personnel de santé formé à l’étranger, promettant un engagement sur «la reconnaissance nationale des compétences des médecins, des infirmières et autres professionnels de la santé qui auront été formés ailleurs».

À lire aussi : Les provinces et les territoires responsables d’offrir des soins de santé en français

Le financement annoncé mardi découle du Programme pour les langues officielles en santé, inscrit dans le Plan d’action pour les langues officielles 2023-2028.

La ministre de l’Immigration québécoise, Christine Fréchette, a dévoilé les deux pistes que propose le gouvernement québécois sur les cibles de l’immigration économique de la province. 

Photo : Twitter Christine Fréchette

Rester au même seuil de résidents permanents ou augmenter à 60 000 nouveaux arrivants d’ici 2027 : ce sont les deux pistes que propose Québec et qui déboucheront sur des consultations cet automne pour mettre à jour la Réforme réglementaire de planification pluriannuelle de l’immigration au Québec de 2024 à 2027.

Le seuil actuel au Québec est fixé à 50 000 nouveaux arrivants dans la catégorie de l’immigration économique. Son maintien reprendrait la promesse de François Legault lors de sa campagne électorale, l’an dernier.

Le deuxième scénario propose que la cible passe de 50 000 à 60 000 immigrants progressivement d’ici à 2027, avec la catégorie Programme de l’expérience québécoise (PEQ).

La ministre québécoise de l’Immigration, Christine Fréchette, s’est dit «fière d’une réforme importante et inégalée» qui changera «la donne pour l’avenir du français».

Ainsi, en plus des cibles, le gouvernement du Québec s’attèle à changer tous ses programmes d’immigration économique pour faire de la connaissance du français le cœur de ce changement, imposant la capacité orale du français au niveau 7.

Quatre volets sont créés : le volet hautes compétences ; celui des compétences intermédiaires et manuelles (formation secondaire générale) ; les professions règlementées (régies par des ordres professionnels) et les talents d’exception (expertises rares et pointues).

Le Programme de l’expérience québécoise (PEQ) est un programme d’immigration populaire pour les étudiants et étudiantes étranger(e)s titulaires d’un diplôme admissible et qui a été obtenu au Québec ainsi que pour les personnes ayant de l’expérience de travail au Québec.

Pas d’enquête publique sur l’ingérence chinoise et des provinces mauvaises élèves dans la protection de la nature

Les partis d’opposition la réclamaient, ils ne l’ont pas obtenue. En lieu et place d’une enquête publique sur l’ingérence chinoise dans les élections fédérales de 2019 et 2021, le rapport de David Johnston recommande «des audiences publiques» plutôt qu’une enquête publique.

Ces audiences seraient «organisées le plus tôt possible et elles le seront, dans le cadre de la deuxième phase de mon mandat», a-t-il affirmé, dans un communiqué.

David Johnston, ancien gouverneur général nommé rapporteur spécial indépendant par Justin Trudeau en début d’année pour éclaircir l’affaire, a justifié qu’«une enquête publique portant sur les documents ayant fait l’objet d’une fuite ne pourrait pas être menée en public, compte tenu du degré de sensibilité du renseignement». La sécurité des Canadiens y serait engagée selon lui.

Les principaux partis d’opposition, soit le Bloc québécois, le Parti conservateur du Canada, et le NPD ont tous critiqué cette décision. Le premier ministre Trudeau a quant à lui indiqué qu’il suivrait le rapport.

David Johnston a néanmoins reconnu que «des gouvernements étrangers tentent d’influencer les candidats et les électeurs au Canada», sans mentionner précisément s’ils le faisaient dans le cadre précis des élections fédérales de 2019 et de 2021.

En outre, selon le rapport, «certains reportages médiatiques» auraient mal interprété plusieurs «documents divulgués». Ce que déplore le Bloc québécois dans un communiqué.

Il blâme l’appareil média d’avoir braqué les projecteurs sur l’ingérence chinoise plutôt que de recommander de s’en prendre à l’ingérence elle-même.

— Le Bloc québécois

C’est ce que révèle un rapport publié mardi par la Société pour la nature et les parcs du Canada (SNAP Canada).

Le Canada s’est fixé l’objectif de protéger 30 % des terres et océans d’ici 2030, en décembre dernier à la COP15.

Pour atteindre cette cible, le rapport recommande que «les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux doivent collaborer avec les peuples autochtones afin de changer la donne pour la nature au Canada».

Certaines provinces ont enregistré trop peu, voire pas du tout de progrès. C’est le cas de la Saskatchewan, qui stagne à 0 % de progrès depuis 2021, de même que l’Alberta et l’Ontario, qui n’ont pas avancé depuis 2021.

En Ontario, «l’irremplaçable réserve agricole de Duffins Rouge est sacrifiée au profit de logements et les habitats et les espaces verts réparateurs sont ciblés pour la construction d’autoroutes couteuses et polluantes pour le climat», déplore le document.

Les meilleurs élèves restent le Québec, la Nouvelle-Écosse, le Yukon et la Colombie-Britannique. Au Yukon, le rapport salue une entente avec le gouvernement fédéral qui prévoit un «engagement de protéger 25 % du territoire d’ici à 2025 et 30 % d’ici à 2030, avec un financement pour la planification de la conservation menée par les Autochtones».

Les élections turques montrent plus que jamais la polarisation du pays. Les résultats du deuxième tour qui se déroule le 28 mai ne sont pas seulement importants pour l’avenir démocratique du pays, mais aussi pour la région dans son ensemble.

Résultats des élections

Le séisme d’Antakya, en février dernier, qui a fait plus de 42 000 morts a exposé au grand jour l’incurie du régime d’Erdogan et le niveau très élevé de corruption dans le pays.

Ajoutez à cela l’explosion des prix, comme un peu partout sur la planète, et on sentait un vent de colère inédit en Turquie.

Par ailleurs, pour une fois, plusieurs partis d’opposition s’étaient accordés sur une candidature commune afin de maximiser les chances de se débarrasser de Recep Erdogan, un président dont les tendances autoritaires se multiplient.

À la veille du premier tour, non seulement il ne faisait plus aucun doute qu’un second tour serait nécessaire, mais les observateurs commençaient à croire que Kemal Kiliçdaroglu, le candidat représentant une bonne partie de l’opposition, pourrait remporter les élections.

Une remontée de dernière minute

Las, dans les derniers miles, Erdogan et tout son système ont mis le paquet pour renverser la tendance. Il faut dire que, à force de virer des dizaines de milliers de fonctionnaires pour placer des fidèles, le président sortant a atteint un contrôle sans précédent sur les appareils non seulement sécuritaires mais aussi, sociaux, économiques, éducatifs, bureaucratiques et médiatiques du pays.

En répétant sans cesse que l’inflation n’était pas un problème mais que le vrai problème était les questions de genre et la menace que cela faisait peser sur la Turquie et sa culture, Erdogan a tenu un discours surréaliste qui a réussi à rentrer dans la tête de nombreux Turcs.

Résultats des courses : Recep Erdogan a récolté 49,5% des voix contre 44,9% pour Kemal Kiliçdaroglu.

Erdogan rate donc d’un coche son pari d’être élu au premier tour, mais le résultat est serré et le troisième candidat, Sinan Ogan, avec ses 5%, se place donc en faiseur de roi.

Cela n’a rien d’une bonne nouvelle puisqu’Erdogan est qualifié d’ultranationaliste à faire pâlir une Marine Le Pen. Il veut que la Turquie expulse quelque 3,5 millions de réfugiés.

— Aurélie Lacassagne, chroniqueuse - Francopresse

La question kurde comme symbole des polarisations de la société turque

Plus que jamais la société turque apparait polarisée avec des lignes de divisions nombreuses : population urbaine contre population rurale, personnes instruites contre population non instruite, religieux contre laïcs, démocrates contre partisans d’un régime fort, etc.

Les jeunes en particulier ont fait les frais des politiques conservatrices d’Erdogan, que ce soit le contrôle des universités, l’interdiction des festivals qui a créé un très grand mécontentement, le resserrement des droits fondamentaux, une économie au ralenti.

— Aurélie Lacassagne, chroniqueuse - Francopresse

Tout cela fait en sorte qu’un grand nombre de jeunes Turcs choisissent la voie de l’exil. Le désenchantement est grand pour toute une génération qui vote pour la première fois et qui n’a connu qu’Erdogan au pouvoir.

Ces divisions de la société turque ne sont pas nouvelles, tout comme la question kurde. Les Kurdes sont en fait, on le sait, une force politique de premier plan qui peut véritablement faire pencher la balance.

Contrairement à ce que diffusent les médias occidentaux qui définissent le parti du HDP comme le parti prokurde, la situation politique est plus complexe.

En effet, le parti du HDP (dont le coprésident, Selahattin Demirtas, a été emprisonné pour des raisons fallacieuses par Erdogan) recueille aussi un appui chez les Turcs non kurdes grâce à ses prises de position progressistes, féministes, écologistes et prônant la démocratie participative.

Toujours est-il que les Kurdes, qui ont soutenu ce partisan d’un apaisement (et notons qu’il a effectivement mis en place dans les années 2000 des politiques de libéralisation pour les Kurdes), se sont détournés d’Erdogan depuis qu’il est revenu aux bonnes vieilles habitudes de répression dans le contexte du conflit syrien.

Par conséquent, une mobilisation forte des Kurdes (et de la diaspora) en faveur du candidat de l’opposition pourrait changer la donne, d’autant que Kiliçdaroglu, pourtant à la tête du parti héritier d’Atatürk, a tenu pendant la campagne un discours plutôt favorable aux Kurdes.

Turquie : une puissance régionale au pouvoir de nuisance important

Une chose est sure : quels que soient les résultats, l’avenir de la Turquie ne sera pas synonyme de stabilité.

Si Kemal Kiliçdaroglu remporte les élections, il devra gouverner avec un Parlement acquis au parti d’Erdogan, qui a raflé 266 sièges, avec les 50 sièges du MHP (Parti d’action nationaliste), ce qui lui assure une majorité confortable.

Pas facile dans de telles conditions de détricoter le système mis en place pour revenir à des institutions au fonctionnement démocratique.

Si Erdogan l’emporte, il pourra continuer à transformer la Turquie en démocratie illibérale, voire en régime vraiment autoritaire. Et cela aurait des conséquences sur la scène politique régionale.

En effet, depuis 20 ans qu’Erdogan est aux manettes politiques, il a su habilement accroitre l’influence de son pays partout au Moyen-Orient. Il a usé et abusé de la traditionnelle politique étrangère multivectorielle de la Turquie pour tirer tous azimuts, quitte à opérer des renversements d’alliances fulgurants.

Il tient en joue l’Union européenne en se servant de l’arme migratoire. En échange de gros chèques, Erdogan promet à Bruxelles de prévenir des entrées massives de réfugiés sur le sol européen.

Dans le conflit ukrainien, Ankara s’est posé en médiateur incontournable pour permettre les livraisons de céréales et ainsi éviter une grande famine mondiale et une flambée des prix encore plus importante.

En ouvrant des bases militaires en Lybie et en apportant son soutien depuis 2020 au Gouvernement d’union nationale contre l’Armée nationale libyenne, la Turquie fait partie intégrante du blocage institutionnel du pays qui attend encore des élections.

Dans la crise qui sévit actuellement au Soudan, là encore, la Turquie est une des forces médiatrices qui pourrait être acceptée par les deux parties.

Dans le conflit du Haut-Karabagh, le pouvoir turc reste un allié fidèle et de poids à l’Azerbaïdjan.

Et puis bien sûr, les autorités turques sont toujours prêtes à mater les rébellions kurdes, que ce soit en Syrie ou en Irak.

Si l’Union européenne reste de très loin le premier partenaire commercial de la Turquie, les échanges commerciaux ont été multipliés par dix avec l’Afrique, de même qu’avec la Russie depuis 2003.

On le voit la Turquie est devenue un acteur géopolitique incontournable.

Cependant, étrangement, mais pas inhabituellement, Bruxelles est inaudible dans le dossier turc.

Or, plus que jamais, il aurait fallu envoyer un signal clair aux quelque 64 millions d’électeurs turcs, et encore plus à la jeunesse turque, indiquant qu’ils ont une place en Europe, que le destin de la Turquie et de l’Europe est inextricablement lié, comme il l’est depuis des siècles. Encore une occasion ratée.

Notice biographique

Aurélie Lacassagne est politicologue de formation et doyenne des facultés de Sciences humaines et de Philosophie de l’Université Saint-Paul à Ottawa. Elle est membre du Comité de gouvernance du Partenariat Voies vers la prospérité.

Réflexions à la croisée des chemins

Afin de célébrer ses 10 ans de carrière, l’auteur-compositeur-interprète Simon Daniel, originaire du Nouveau-Brunswick, nous propose un troisième opus Sans titre (for now), mais avec beaucoup de substance. Il est de retour avec une musique pop alternative captivante.

Pochette de l’album Sans Titre (for now)

Photo : Annie France Noël

Grâce à la réalisation du Fransaskois Mario Lepage, Simon Daniel nous arrive avec un son pop inventif et rafraichissant, qui colle bien à sa plume toujours aussi créative et intimiste. De sa voix puissante, l’Acadien remet en question le temps passé et nous interpelle avec retenue sur le futur. 

Il nous invite dans son univers où se côtoient nostalgie et appréhension. Les orchestrations, justes et solides, mettent en valeur la qualité des musiciens qui accompagnent l’artiste. 

Un des sujets forts de l’album est la place de l’artiste dans l’univers. Ce questionnement transparait dans Hey moi, Vague radio ou encore 10 ans. Cette dernière chanson est assez profonde : Simon Daniel fait un survol de ses 10 ans de carrière avec une certaine mélancolie enveloppante.

L’Acadien nous livre également une superbe pièce instrumentale au piano, Archibald. C’est un beau moment de tendresse et de nostalgie qui révèle un côté moins connu de l’artiste.

En attendant
Album : Sans titre (for now)

Se dévoiler sous la surface

Jadis membre de la formation franco-manitobaine Madrigaïa, Ariane Jean poursuit sa carrière artistique sous le nom de Sala. Elle nous propose ici un deuxième album de six chansons. Surface nous démontre à nouveau le grand talent de cette artiste franco-manitobaine.

Pochette de l’album Surface

Photo : salamusique.com

L’auteure-compositrice-interprète signe toutes les paroles et musiques de l’album, dont trois morceaux avec une ancienne collègue de Madrigaïa, Annick Brémault.

Sala a toujours cette voix puissante, dont elle varie les intensités selon les émotions désirées.

Du point de vue musical, Sala nous offre des univers pop riches et solides. Que ce soit la pièce titre Surface, Nos secrets, ou encore Les pieds dans le béton, l’auditeur est interpelé par une musicalité des plus accrocheuses qui enveloppe le fruit d’une plume intimiste et profonde.

Deux pièces maitresses sont à noter, Je ne veux pas grandir et Je ne dors plus, qui dévoilent toute la pureté d’une voix unique.

Sala est l’un des beaux diamants de la francophonie canadienne auquel il faut tendre l’oreille.

Les Pieds dans le béton
Album : Surface

Souvenir d’un paysage intérieur 

Voilà déjà cinq ans que l’auteure-compositrice-interprète franco-ontarienne Joëlle Roy nous invitait dans son Paysage intérieur. L’album est une invitation à arrêter le temps.

Pochette de l’album Paysage intérieur

Photo : joelleroy.ca

L’auteure-compositrice-interprète de la Baie Géorgienne nous interpelle avec des mélodies parfois zydeco, parfois country-folk, mais toujours agréables. Les textes font beaucoup référence à l’intégrité, aux relations humaines et à nos sentiments les plus profonds envers les autres.

Dès la première plage, Identité épaillée, on est interpelé par des arrangements organiques, qui dressent une nostalgie familière sur laquelle on se laisse bercer.

Il y a de beaux petits bijoux sur ce disque dont Ça me fait chier de toublier, un country-folk à la Harvest Moon de Neil Young. Plus jamais de détour est un petit univers jazz dixie des plus accrocheurs et charmants. Insatiablement est la pièce la plus rock de cet opus.

La pièce titre Paysage intérieur et la belle reprise de J’entre, qu’elle a écrit en début de carrière, nous amènent à ressentir des émotions encore plus intenses. Autant la force des mélodies que la puissance des textes nous touchent au plus profond de nous-mêmes avec des sentiments de quiétude et de sérénité. L’album se termine en beauté sur une belle reprise du classique de CANO, Dimanche après-midi.

Extrait du lancement de l'album Paysage intérieur
Album : Paysage intérieur

Marc Lalonde, dit Lalonde des ondes, est chroniqueur musical depuis plus de 25 ans au sein de la francophonie musicale canadienne et animateur de l’émission radiophonique Can-Rock. Il se fait un malin plaisir de partager cette richesse dans 16 stations de radio à travers le pays chaque semaine.

«C’était vraiment un bon moment de rassemblement entre tellement des personnes différentes, mais qui se rejoignent dans une seule chose qui est une langue», raconte Pamela Pascal, monitrice de français langue première à Windsor, dans le Sud de l’Ontario.

«[Je suis surprise] qu’il y ait autant de diversité dans les communautés d’Amérique latine qui sont francophones. Il y a des pays que je n’aurais pas soupçonnés qu’ils parlaient aussi bien français, en fait.»

Elle cite en exemple le Costa Rica, où l’apprentissage du français est obligatoire.

Assumer son accent

Après avoir vécu en France, Pamela Pascal est revenue au Canada. Pendant la semaine d’ateliers à l’Université d’été, elle a voulu partager son amour de la langue et faire découvrir toutes ses variantes.

«Ce n’est pas vrai que le bon français c’est celui de la France. Tous les francophones et francophiles ont le bon français. Mais il y a une bonne structure de la langue et il y a aussi les diversités de la littérature. Je cherche à partager aussi toutes les œuvres qui sont en français qui nous permettent d’approfondir nos connaissances», déclare-t-elle.

En Louisiane, dans les années 1900 les élèves n’avaient pas le droit de parler français, sinon le risque était d’écrire «I don’t speak french» 100 fois, raconte Pamela Pascal.

Photo : Courtoisie

Justin LeBlanc est directeur du développement économique et du tourisme pour la Ville régionale de Cap-Acadie, au Nouveau-Brunswick. Pour lui, sa participation à l’Université d’été lui permet de faire des liens entre sa francophonie est celles des autres participants. «Quelle belle opportunité d’apprendre davantage, non seulement sur la francophonie en entier, mais plus précisément sur le français cajun qu’on connait un peu, mais pas beaucoup en Acadie.»

Tout comme Pamela Pascal, il croit en l’importance de ne pas porter de jugement sur les accents francophones. «Il faut accepter qu’il n’y a pas nécessairement un français qui est meilleur que l’autre et une fois qu’on sera capables de faire ça, je pense que les gens seront moins hésitants et moins gênés d’exprimer leur francophonie», explique-t-il.

Des histoires francophones marquantes

Pamela Pascal a été marquée par l’histoire des francophones de la Louisiane. «Les francophones n’avaient pas le droit de parler français dans les écoles. Il fallait qu’ils écrivent sur les tableaux et sur leurs ardoises “I don’t speak french” 100 fois parce que c’était interdit.»

Justin LeBlanc déclare admirer l’intérêt apporté par les francophonies de l’Amérique pour préserver le français.

Photo : Courtoisie

Pour Justin LeBlanc, c’est le sens de l’initiative de francophones de partout pour préserver leur langue.

«Un moment marquant de mon passage ici en Louisiane à ce jour c’était vraiment le témoignage du chanteur [louisianais] Jourdan Thibodeaux qui nous a parlés pourquoi il était important pour lui de parler le français et puis d’apprendre le français. Ce n’est vraiment pas évident ici aux États-Unis. Je l’ai trouvé vraiment courageux, c’était vraiment touchant de voir ça», ajoute-t-il.

«J’ai ressenti un attachement encore plus fort, confie Pamela Pascal, ça m’a permis d’être plus militante pour la survie de la langue française.»

À lire aussi : Aux États-Unis, la francophonie n’a pas dit son dernier mot

Pouvoir s’ouvrir sur le monde

«Ç’a vraiment ouvert mon esprit, puis mes yeux, de voir la francophonie à l’extérieur des endroits qu’on connait, comme le Québec, l’Acadie», déclare Justin LeBlanc qui se dit encore étonné d’avoir appris qu’il y avait des communautés francophones au sud du Chili.

«Les gens doivent plus s’ouvrir sur le monde et s’ouvrir sur nos différences», ajoute Pamela Pascal.

Le premier ministre Justin Trudeau a demandé au ministre de la Justice, David Lametti, de créer la Stratégie.

Photo : Inès Lombardo – Francopresse

Dans sa lettre de mandat de décembre 2021, le premier ministre rappelle au ministre de la Justice et procureur général du Canada, David Lametti, la nécessité de «réformer et moderniser le système de justice pénale, notamment en soutenant des stratégies visant à mettre fin au racisme systémique et à la représentation disproportionnée des Autochtones, des Canadiens noirs et des membres de communautés marginalisées».

Une demande qui fait suite à une déclaration de 2020 du Caucus des parlementaires noirs qui pressait le gouvernement «de mettre en œuvre une stratégie de justice pour les Canadiens noirs en collaborant avec des Canadiens noirs ayant une expérience et une expertise en matière de justice pénale».

Une situation qui ne s’améliore pas

Fernando Belton est membre du Groupe directeur de la Stratégie. «C’est une initiative qui vient de plusieurs constats concernant le système de justice canadien. C’est-à-dire lorsqu’on est en mesure de regarder de quelle façon, au niveau des interpellations et arrestations, le taux des personnes noires versus leur poids dans la population, on retrouve une surreprésentation des personnes noires tous les niveaux de la justice.»

Pour l’avocat, d’importantes disparités raciales et ethniques existent à toutes les étapes de la procédure pénale.

Aussi, d’après les données de l’Enquête canadienne (ESG) de 2019 sur la sécurité des Canadiens (victimisation), environ une personne noire sur 3 (30 %) avait «une perception négative d’au moins un aspect du travail des services de police». Des proportions plus élevées que celles observées chez les non-Autochtones n’appartenant pas à une minorité visible (19 %).

En novembre 2022, un rapport du Bureau de l’enquêteur correctionnel affirmait en outre que «la situation des Noirs dans les pénitenciers fédéraux canadiens ne s’est pas améliorée depuis dix ans».

Le rôle du groupe directeur

«Notre travail est de venir avec des idées sur plusieurs types d’enjeux différents qui touchent la question de la justice pour les personnes noires, explique Me Fernando Belton, membre du groupe. Ensuite, on a la responsabilité de travailler avec les organismes communautaires qui auront à mener des consultations publiques partout au Canada sur ces enjeux-là.»

«On va ensuite travailler avec les auteurs pour peaufiner et alimenter leurs réflexions sur le terrain. On va aussi devoir relire le rapport final et émettre nos suggestions.»

«Racisme antinoir»

Pour Fernando Belton, la surreprésentation des personnes noires dans le système pénal canadien est le visage le plus visible d’un problème social plus grand : le «racisme antinoir», qui structure les rapports entre les personnes racisées et le système de justice criminelle canadien.

Il y a une jurisprudence, et très claire, au niveau de l’action politique, que la source de cela n’est pas seulement la question de criminalisation. Il n’y a pas nécessairement un problème de criminalité au sein des communautés noires, la source vient aussi du racisme antinoir qui existe depuis longtemps au Canada.

— Fernando Belton

On observe aussi un manque de données désagrégées substantielles sur la race ou l’ethnicité, par exemple, en ce qui concerne les interpellations policières.

«Les données nationales ventilées sur l’identité raciale des personnes qui ont des démêlés avec le système de justice pénale demeurent assez limitées, ne sont pas suffisamment déclarées», selon une fiche d’information du ministère de la Justice présentée en décembre 2022.

«Oui, il y a un manque de données à certains égards, consent Fernando Belton. Par exemple au niveau des interpellations routières au Québec. Elles ne sont pas colligées de manière systématique, mais les recherches montrent que le problème des interpellations est réel et perdure depuis longtemps au Canada.»

Mais Fernando Belton veut rester optimiste : «S’il est vrai qu’il y a un manque de données, il faut être conscient que la Cour suprême prend bien soin de le préciser dans plusieurs jugements rendus.»

Les rapports qui traitent de la question de disproportion au niveau des interpellations des personnes noires, au cours des dix dernières années, arrivent toujours aux mêmes conclusions, ce qui amène à croire que c’est un problème qui perdure. C’est un problème beaucoup plus large qui touche l’Amérique du Nord et l’Europe.

— Fernando Belton

Pour l’avocat, «l’ouverture et l’écoute sont là, les fonctionnaires du ministère de la Justice sont à l’écoute de nos réflexions et je pense qu’il y a de la bonne volonté».

«Il faudra rester à l’affut du travail du comité. Après ça, le politique embarque et il aura le loisir de mettre en vigueur nos recommandations», explique-t-il.

58 % des répondantes au sondage âgées de 18 à 54 ans ont déclaré que leur situation financière leur causait des défis de santé mentale.

Des résultats qui n’étonnent pas Nour Enayeh, présidente de l’Alliance des femmes de la francophonie canadienne (AFFC).

«On sort d’une pandémie et on sait ce que les femmes ont dû vivre pendant cette pandémie, que ce soit de la violence ou la charge mentale. Plus, il y a l’inflation. Je ne suis pas du tout surprise de ce chiffre.»

«Dès qu’il y a une situation financière qui change ou qui baisse, ce sont les femmes qui sont impactées le plus dès le début», poursuit-elle.

L’inégalité salariale toujours d’actualité

En 2022, un rapport sur les écarts salariaux de Statistique Canada révélait qu’entre 1998 et 2021, les femmes canadiennes âgées de 25 à 54 ans «gagnaient 0,89 $ pour chaque dollar gagné par les hommes.» Une différence moyenne de 3,79 $ l’heure.

Pour Nour Enayeh, présidente de l’Alliance des femmes de la francophonie canadienne, il faudrait davantage outiller les femmes pour vaincre les inégalités salariales. 

Photo : Courtoisie

«Les femmes éduquées, les femmes qui se trouvent dans les centres-villes sont moins affectées par cette situation», explique Roger Gervais, professeur agrégé en sociologie à l’Université Sainte-Anne en Nouvelle-Écosse. «Les femmes qui travaillent dans des emplois où l’éducation est peu importante gagnent beaucoup moins que les hommes qui travaillent dans des domaines simliaires.»

Une situation qu’observe aussi Sophie Rousseau, chargée de projets au Réseau-Femmes Colombie-Britannique. «Les femmes sont, beaucoup plus que les hommes, amenées à combiner une série de plusieurs emplois qui sont des emplois à temps partiel et qui sont souvent plus précaires, pas permanents, avec moins de protection de syndicats et moins de bénéfices.»

Nour Enayeh de son côté défend la nécessité de «s’assurer qu’on offre des salaires égaux pour les emplois à valeur égale. La présidente de l’AFFC appelle aussi les personnes à s’outiller pour qu’elles réclament des salaires plus adéquats.

«On sait que beaucoup de femmes sont toujours hésitantes à demander des salaires plus élevés de peur de perdre leur travail», constate-t-elle.

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Double journée de travail

Pour Sophie Rousseau, chargée de projet à Réseau-Femmes Colombie-Britannique, en raison de leurs ressources limitées, les femmes ont plus de difficultés à accéder à des soins de santé mentale. 

Photo : Courtoisie

«On n’a pas accès aux soins de santé mentale parce qu’on a des emplois précaires et donc ça se précipite, note Sophie Rousseau. On devient de moins en moins capables de soutenir tout ce surmenage et cette charge mentale et on finit par être malades, perdre son emploi et là, tout de suite, c’est immédiat, ça prend un mois et on a perdu son logement parce qu’on ne peut plus payer son loyer», analyse-t-elle.

«On a beaucoup de femmes qui vivent des crises de santé mentale et qui ne peuvent pas se permettre parce qu’elles ont dans des emplois à temps partiel et précarisé et non syndiqué, sans plan de bénéfice, sans plan d’assurance maladie supplémentaire».

«Les femmes se trouvent souvent à travailler juste pour ne pas perdre leur job et pour payer la garderie. Ce qui impose un stress financier incroyable», observe Sophie Rousseau.  

«Il y a surtout le travail qui se poursuit après le travail, à la maison, ajoute Nour Enayeh. La charge mentale, le travail invisible. Beaucoup de travail qu’elles font est non rémunéré. Ça rajoute un poids en plus du stress salarial. Il y a des femmes qui travaillent presque une deuxième journée de travail.»

Le travail non rémunéré à reconnaitre

Dans un rapport de 2021, le Comité permanent de la condition féminine recommande une reconnaissance du travail non rémunéré chez les femmes.

«La répartition inégale du travail non rémunéré peut avoir une incidence négative sur l’égalité entre les sexes ainsi que sur les femmes, notamment en ce qui a trait à leur salaire, à leur participation au marché du travail, à leur avancement professionnel et à leur sécurité financière à diverses étapes de leur vie.»

Le rapport recommande notamment une meilleure collaboration du fédéral avec les provinces et territoire afin de reconnaitre, réduire et redistribuer la responsabilité disproportionnée des femmes au chapitre du travail non rémunéré et de la prestation des soins.

En 2021, Roger Gervais s’est penché sur la question de la double journée de travail pour le compte de la Fédération des femmes acadiennes de la Nouvelle-Écosse (FFANE).

«Pour expliquer la double journée de travail de la femme, une première idée récurrente est liée à la perception que les hommes sont incapables de bien faire le travail domestique et que, pour économiser du temps, c’est plus facile pour la femme de le faire», indique le rapport auquel 49 femmes de la province ont participé.

Selon Roger Gervais, professeur adjoint en sociologie à l’Université Sainte-Anne, les femmes avec peu d’éducation gagnent moins que les hommes qui ont le même niveau d’études. 

Photo : Courtoisie

Selon le chercheur, les perceptions qui existent encore aujourd’hui sur la charge de travail réservée aux hommes et aux femmes à l’extérieur du milieu professionnel trouvent leurs sources profondes dans l’histoire sociale.

«Lorsqu’elles sont arrivées sur le marché du travail, [les femmes] l’ont fait en maintenant le travail à domicile que leurs mères faisaient avant elles. Elles le maintiennent encore aujourd’hui», indique Roger Gervais.

Selon lui, la reconnaissance et la prise de conscience de notre histoire sociale fait partie de la solution. «Il y a une société qui nous influence, et cette société historiquement avait des structures sexistes. Ces structures ont un impact sur moi, ont un impact sur toi, et en même temps ce sont des choix et des comportements, des fois de manière non conscientes et des fois de manière très conscientes qui vont nous faire continuer à reproduire ces structures», déclare-t-il.

Plus sur la francophonie

La ministre des Langues officielles a vu son projet de loi C-13 sur la modernisation des langues officielles passer au Sénat cette semaine.

Photo : Inès Lombardo – Francopresse

Lundi, tous les partis de la Chambre des Communes ont voté en faveur du projet de loi C-13 portant la modernisation de la Loi sur les langues officielles.

La ministre des Langues officielles Ginette Petitpas Taylor n’a toutefois pas eu l’unanimité au sein de son parti, puisque le député libéral anglo-québécois Anthony Housefather a voté contre le projet de loi.

Selon lui, le texte contient des références à la Charte de la langue française. Ce à quoi l’élu s’était opposé.

Jeudi, le Sénat a entrepris la seconde lecture.

À lire aussi : Langues officielles : le Sénat ne sera pas qu’une formalité

 

Le ministre des Transports Omar Alghabra a annoncé mardi la nomination de Mario Péloquin comme président et chef de la direction de VIA Rail Canada Inc., une entreprise assujettie à la Loi sur les langues officielles. Il entrera en fonction le 12 juin prochain.

Ce dernier aurait une expertise de 40 ans dans le secteur du transport.

VIA Rail amorce un virage après la polémique visant Air Canada et son PDG unilingue anglophone Michael Rousseau à la fin de 2021.

Cette polémique avait notamment conduit le Bloc québécois à proposer un amendement au Comité permanent des langues officielles pour que les administrateurs ou «tout autre responsable administratif de l’institution fédérale», ainsi que les premiers dirigeants de grandes entreprises assujetties à la Loi sur les langues officielles comprennent le français au moment de leur nomination.

L’amendement avait été appuyé par le NPD, mais rejeté par les libéraux et les conservateurs en comité.

La sénatrice franco-manitobaine Raymonde Gagné est la troisième femme à accéder à la présidence du Sénat dans l’Histoire du Canada.

Photo : Courtoisie Sénat du Canada

Vendredi dernier, la sénatrice franco-manitobaine Raymonde Gagné a été nommée présidente du Sénat par la gouverneure générale Mary Simon, sur recommandation du premier ministre Justin Trudeau. Elle succède à George J. Furey, sénateur de Terre-Neuve-et-Labrador, qui prend sa retraite.

Ce dernier a été nommé au Conseil privé du Roi pour le Canada, «en reconnaissance des nombreuses années qu’il a consacrées au service des Canadiens», rapporte le communiqué du bureau du premier ministre.

Raymonde Gagné est la deuxième Manitobaine à occuper ce poste et la troisième femme à être présidente du Sénat. Cela n’avait pas été le cas depuis 44 ans.

Les libertés sous caution réformées et rejet d’une motion sur les seuils d’immigration

Le gouvernement fédéral doit «décourager les passages irréguliers à la frontière par le chemin Roxham et ailleurs» concernant les demandeurs d’asile. C’est l’essence d’un rapport de 13 recommandations déposé mardi par le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration (CIMM).

Le document dresse le bilan de 2022, avec «un nombre potentiellement record de 50 000 demandeurs d’asile [qui] auront traversé la frontière du Canada de façon irrégulière», notamment via le chemin Roxham.

Les constats du rapport ont été émis avant l’élargissement de l’Entente sur les tiers pays sûrs entre le Canada et les États-Unis. Le 25 mars dernier, les deux pays se sont entendus pour fermer la frontière canado-américaine aux traversées irrégulières et renvoyer les immigrants au poste frontalier le plus proche. Le Canada a affirmé qu’il allait recevoir toutefois 15 000 migrants réguliers en provenance des pays des Amériques.

Le rapport enjoint toutefois le fédéral à affirmer que «les États-Unis sont un tiers pays sûrs», afin que les immigrés clandestins arrivés aux États-Unis demandent «une protection à titre de réfugiés aux États-Unis au lieu du Canada».

Des recommandations visant la poursuite de traite des personnes et des exceptions pour celles visées par des discriminations fondées sur le genre nuancent le rapport.

C’est le ministre de la Justice David Lametti qui porte la réforme des libertés sous caution.

Photo : Inès Lombardo – Francopresse

Le gouvernement Trudeau a déposé mardi son projet de loi C-48 sur les libertés sous caution visant principalement à rendre ces libérations plus complexes pour certains récidivistes. Notamment dans les affaires impliquant l’usage d’armes à feu et de couteaux.

Les provinces et territoires, qui s’étaient réunis en mars pour exprimer leurs «préoccupations» quant à la récidive violente, attendaient ce projet de loi.

L’inversion du fardeau de la preuve est l’un des éléments centraux de ce projet de loi. Actuellement, ce sont les procureurs qui ont la tâche d’apporter la preuve qui justifierait que le détenu reste en prison en attendant la suite de la procédure judiciaire.

Avec le nouveau texte, ce serait à l’accusé d’apporter la preuve de sa libération sous caution. Cette mesure est élargie aux crimes présumés avec violence sur un ou une partenaire intime.

Adopté en troisième lecture à la Chambre des Communes jeudi, le controversé projet de loi C-21 a été envoyé en première lecture au Sénat.

Après un rétropédalage du gouvernement fédéral en février à la suite de la levée de boucliers venant d’Autochtones et de chasseurs, le gouvernement a introduit, début mai, une nouvelle définition des armes prohibées.

Mais celles-ci ne seront interdites sur le marché que lors de l’entrée en vigueur du projet de loi C-21. Les armes qui circulent actuellement sur le marché ne sont donc pas concernées, ce que plusieurs groupes, dont PolySeSouvient, ont dénoncé.

Jeudi, le groupe a envoyé un communiqué assurant que malgré des «mesures solides pour améliorer la protection des victimes de violence conjugale contre la violence armée […], le plus désolant pour nous, c’est l’absence dans le C-21 de la mesure maintes fois promise aux survivants et aux familles des victimes de fusillades de masse, soit l’interdiction des armes d’assaut».

C’est une première depuis l’atteinte de son sommet à 8,1 % en juin 2022. En avril, l’indice des prix à la consommation a grimpé à 4,3 %, progressant ainsi de 0,7 % en avril, après avoir crû de 0,5 % en mars.

Après une annonce de la réduction de la production de pétrole des pays de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole Plus (OPEP+), les prix sur l’essence ont augmenté de 6,3 % en avril.

La motion portée par le Bloc québécois pour rejeter les seuils d’immigration proposés par l’Initiative du siècle a été rejetée lundi par la Chambre des Communes. Le groupe de pression avait conseillé au gouvernement de cibler une population de 100 millions de Canadiens d’ici 2100.

Les libéraux et le NPD ont voté contre la motion totalisant 170 voix. Le Bloc et les conservateurs ont ensemble voté en faveur, avec 138 voix.

«Il ne faut pas voir l’immigration comme une menace», a commenté Pablo Rodriguez, ministre du Patrimoine canadien, en mêlée de presse mercredi.

Le ministre a pris l’exemple de sa propre famille, qui a quitté l’Argentine pour le Canada, pour insister sur le fait qu’il ne «faut pas mettre en contradiction intégration et fait français. On peut travailler collectivement avec Québec au niveau de la francisation et avoir un plus grand nombre d’immigrants à l’expression du Québec».

À moins que les élus républicains et démocrates ne parviennent à s’entendre d’ici le 1er juin, les États-Unis pourraient se retrouver en défaut de paiement. C’est l’équivalent pour un État de déclarer faillite. Les conséquences économiques advenant que la première puissance mondiale ne parvienne plus à payer les intérêts sur sa dette de plus de 31 billions (31 mille-milliards) de dollars sont difficiles à imaginer.

Cela causerait une crise financière majeure qui entrainerait assurément une récession aux États-Unis, la mise à pied de millions de travailleurs, une chute radicale des indices boursiers ainsi qu’une forte hausse des taux d’intérêt. De plus, le statut exceptionnel de devise de réserve dont jouit le dollar américain serait mis à mal.

Les États-Unis n’ont pourtant aucune difficulté à financer leur dette à cout très bas. Ceci n’est pas une crise économique, mais une crise politique créée de toute pièce par les républicains. Il est dur de croire que les élus à Washington risqueraient une telle catastrophe, et pourtant…

Rehaussement du plafond de la dette 101

Dans la plupart des pays, le Parlement n’a pas à rehausser le plafond de la dette. C’est le cas au Canada où il n’existe pas de tel plafond. Lorsque les élus votent le budget, ils approuvent les dépenses du gouvernement.

À moins d’un grave imprévu, ils savent déjà dans quelle mesure le budget sera déficitaire ou non. Le gouvernement s’endette ensuite au besoin pour acquitter ses obligations.

Mais aux États-Unis, les membres du Congrès, en plus de voter le budget, doivent augmenter le plafond de la dette. La limite de la dette fédérale a été augmentée 78 fois depuis 1960. C’est donc une simple formalité.

Vous vous rappelez la crise entourant le rehaussement du plafond de la dette sous Donald Trump? Non? Et bien c’est normal, il n’y en a pas eu.

Lorsque les républicains ont le contrôle du Congrès et de la présidence, ils augmentent le plafond de la dette sans broncher. Mais lorsqu’ils ont le contrôle du Congrès et que la présidence est démocrate, comme c’est le cas actuellement, ils se servent de ce pouvoir pour faire du chantage et tenter d’imposer leurs priorités budgétaires.

Cette dynamique est renforcée par la division de la société américaine depuis l’émergence du Tea Party et ensuite de Donald Trump et de ses partisans du mouvement Make America Great Again (MAGA).

Une crise qui prend ses racines sous Obama

Déjà en 2011, les États-Unis avaient frôlé la catastrophe. Joe Biden, alors vice-président de Barack Obama, était parvenu à une entente in extrémis avec les élus républicains qui avaient forcé le gouvernement à réduire ses dépenses de centaines de milliards de dollars. Ces compressions avaient mis un frein à l’importante bonification du filet social entamée par le président Obama.

Même si les États-Unis avaient évité le défaut de paiement, la réaction des marchés à cette incertitude et au recul des dépenses avait été très négative. Les principaux indices boursiers avaient dégringolé et l’agence Standard and Poor’s avait réduit la cote de crédit des États-Unis, ce qui a augmenté le cout des emprunts du gouvernement. Joe Biden s’était promis qu’on ne le reprendrait plus à faire des concessions aussi importantes.

Aujourd’hui, Joe Biden est président et les républicains sont encore plus radicaux qu’il y a douze ans. En échange d’augmenter le plafond de la dette, ils exigent que l’administration Biden abandonne la plupart de ses mesures phares, notamment les centaines de milliards que le gouvernement a promis d’investir pour lutter contre les changements climatiques.

Les premières rencontres entre le président Biden et le leadeurship républicain n’ont servi qu’à montrer le gouffre qui sépare les deux parties. Plus que jamais, l’impasse politique pourrait mener les États-Unis vers un défaut de paiement, même si cette option reste peu probable.

Les constitutionnalistes et les économistes débattent depuis déjà plusieurs semaines de voies de contournement possibles. Est-ce que le Trésor américain pourrait frapper une pièce de 1 billion de dollars? Est-ce que le gouvernement pourrait contester la constitutionnalité du pouvoir du Congrès à rehausser le plafond de la dette?

Plusieurs possibilités sont sur le tapis, mais il serait étonnant que l’administration Biden risque les conséquences désastreuses d’un défaut.

Pourquoi s’en faire au Canada?

L’adage veut que quand les États-Unis éternuent, le Canada attrape la grippe. C’est une façon imagée d’exposer la relation de dépendance économique du Canada avec son voisin du Sud.

Malgré tous les efforts de diversification économique déployés par nos gouvernements, les États-Unis sont la destination de la grande majorité de nos exportations (76,4 %). C’est le principal marché pour l’exportation du pétrole canadien, la vache à lait du gouvernement fédéral.

Les succursales et les filiales de multinationales américaines sont très présentes au pays. Les réserves en devises étrangères du gouvernement fédéral sont principalement en dollars américains (71 %).

Si l’impensable venait à se produire, la première répercussion au Canada serait une hausse des taux d’intérêt parce que les chaines de crédit entre institutions financières seraient déstabilisées.

La hausse des couts d’emprunt réduirait la croissance. La baisse des exportations suivrait rapidement et réduirait encore l’activité économique au Canada. Les épargnants devraient s’attendre à voir la valeur de leur portefeuille grandement affectée par la chute des indices boursiers et de la valeur des bons du Trésor américain.

L’ampleur de ces chocs éventuels est difficile à prévoir. Une chose est certaine, le Canada se tire plutôt bien d’affaire malgré la hausse des taux d’intérêt actuelle et n’a pas les moyens de subir un tel choc.

Il reste à souhaiter que les élus républicains retrouvent la raison et que le gouvernement américain trouve une solution à long terme à ces crises récurrentes et auto-infligées.

David Dagenais est journaliste économique indépendant et entrepreneur. Auparavant, il a été journaliste à Radio-Canada après avoir terminé des études supérieures en économie politique à l’Université du Québec à Montréal et à l’Université d’Ottawa.

«Tu n’es pas insecure, tu le deviens», explique Laurence Arrighi, sociolinguiste et professeure à l’Université de Moncton.

Pour Laurence Arrighi, sociolinguiste et professeure à l’Université de Moncton, il est encore trop tôt pour statuer sur l’évolution actuelle du français au Canada.

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Le discours sur le déclin du français nourrit l’insécurité linguistique selon Julie Boissonneault, professeure émérite à l’Université Laurentienne de Sudbury et chercheuse en résidence au Centre de recherche sur les francophonies canadiennes (CRCCF). «Les locuteurs, les francophones, ont l’impression qu’ils parlent mal ou qu’ils ne savent pas parler.»

«En contexte informel en milieu minoritaire, l’usage du franglais est tout à fait fonctionnel et est même nécessaire chez les jeunes par exemple, décrit Sandrine Hallion, professeure de linguistique à l’Université de Saint-Boniface, au Manitoba. Mélanger les langues c’est normal, c’est fonctionnel, dans le cadre où ça remplit une fonction de cohésion sociale».

Si le français arbore parfois des teintes d’anglais, cela ne change pas sa couleur principale. «Ce n’est pas parce que l’usage d’une langue se développe que cela se fait au détriment d’une autre», nuance Laurence Arrighi.

Sentiments de «frustration», voire de «rejet»

«Pour le francophone en milieu minoritaire, il va y avoir un sentiment de non-légitimité d’être francophone sous prétexte qu’on mélange les langues. On leur refuse une identité francophone, on les identifie à des anglophones», complète Sandrine Hallion.

La sociolinguiste cite un exemple que lui rapportent souvent ses étudiants. Quand ils se rendent en contexte majoritaire, comme au Québec, et parlent français, on leur répond en anglais.

Ce genre de situation peut créer un sentiment de «frustration», voire de «rejet», de «non-acceptation de soi», note la professeure.

«Ça leur dit : “Tu n’es pas francophone ou tu n’as pas un niveau de français qui, je pense, est assez bon pour que je te parle en français”. […] Ces formes de comportements délégitiment l’identité et les pratiques linguistiques des francophones en milieu minoritaire.»

Répondre dans la même langue

Dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux, l’artiste fransaskoise Alexis Normand évoque une anecdote où, lors d’un séjour à Québec, elle a commandé un café en français et on lui a répondu en anglais.

«Une chose qui me tape vraiment sur les nerfs, c’est quand j’adresse la parole à quelqu’un en français et qu’on me réponde en anglais», partage l’autrice-compositrice-interprète.

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Attention aux chiffres

Pourtant, les chiffres ne sont pas très engageants. Selon le dernier recensement de Statistique Canada, les francophones hors Québec représentaient 3,3 % de la population canadienne en 2021, alors qu’ils formaient 3,6 % de la population en 2016, soit un recul de 0,3 %.

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Pour la sociolinguiste Julie Boissonneault, le discours sur le déclin du français participe à l’insécurité linguistique.

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Le pourcentage baisse, mais la nombre de francophones augmente en raison de la croissance de la population, relativise Julie Boissonneault. «Il y a de plus en plus de francophones, de gens qui parlent français. Ils peuvent le parler comme langue première, comme l’une de leurs langues premières ou comme langue seconde.»

Aussi, ce n’est pas parce qu’une personne ne déclare pas parler français à la maison qu’elle ne le parle pas du tout.

«Souvent, les gens vont dire que les jeunes ou tel groupe ou telle personne parlent de plus en plus l’anglais. En effet, il y a peut-être des mots, des expressions qui se glissent dans la langue, mais on oublie de vérifier quel est le maintien de l’autre langue. […] On ne tient pas compte que le répertoire linguistique d’une personne peut comprendre plusieurs langues», explique la chercheuse.

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«Ça fait que, donc, alors, en tous cas, so, anyway, like.»

Julie Boissonneault a analysé et comparé l’utilisation de ces marqueurs langagiers chez des francophones du nord-est de l’Ontario, entre 1970 et 2020.

«Depuis plus de 50 ans, les chercheurs, surtout les linguistes, s’intéressent à ces marqueurs pour savoir lesquels on choisit, quel usage on en fait», a amorcé la chercheuse lors de la présentation de ses travaux le 5 avril dernier.

L’objectif de cette recherche était de vérifier le maintien ou la perte de certains de ces marqueurs dans le parler de ces Franco-Ontariens. «Tous les marqueurs de langue anglaise sont en croissance, mais ceux de langue française se portent bien», a-t-elle résumé à l’issue de la rencontre.

«À partir de 2005 jusqu’en 2015, on confirme la variation intergénérationnelle de so qui se produit les jeunes […] On va remarquer que “ça fait que” est en train de s’étioler au profit de so qui prend de la croissance», a détaillé Julie Boissonneault. Mais le marqueur «donc» revient aussi en force.

Like est également plus utilisé chez les plus jeunes générations.

«Les marqueurs français se maintiennent davantage chez ceux qui sont scolarisés en français et ceux qui habitent dans les communautés francomajoritaires», a toutefois nuancé l’universitaire.

Un déclin à nuancer

Pour Sandrine Haillon, si la notion de «déclin» du français peut être légitime, ce terme, dépréciatif, renvoie également au «spectre permanent de la disparition qui pèse sur le Canada» et participe à une vision négative de la francophonie.

Quand, régulièrement, à la suite des recensements de la population, on répète et on ressasse le fait que les communautés francophones sont de plus en plus petites et en proportion de moins en moins importantes, ça renvoie l’image qu’il y a un déclin et une disparition probable. Mais en fait, c’est toujours les statistiques, on peut bien leur faire dire ce qu’on veut.

— Sandrine Haillon, sociolinguiste

Quant au fait que le français aurait perdu en qualité — une autre façon d’envisager le «déclin» — Laurence Arrighi y croit peu. «En Acadie, comme ailleurs, à partir des années 70, il y a eu une augmentation de la scolarisation générale. On voit pas mal comment. L’éducation ne cessant d’augmenter […] le français perdrait en qualité.»

Bilinguisme et assimilation

Sandrine Hallion est professeure de linguistique au Département d’études françaises, de langues et de littératures de l’Université de Saint-Boniface, au Manitoba.

Photo : Dan Harper

Pour Sandrine Hallion, le bilinguisme ne doit pas forcément être déprécié. «C’est simplement le fait d’une certaine réalité. […] Les francophones sont bilingues. Est-ce que si on se définit davantage comme bilingue que comme francophone, c’est le signe de déclin? Je ne crois pas», tranche la spécialiste.

«On a toujours cette idée que l’anglais c’est l’ennemi, ça, c’est très enraciné dans l’imaginaire linguistique», ajoute la sociolinguiste.

Or, d’après elle, «il y a d’autres moyens de rester francophone et de pratiquer la langue que de faire peser la culpabilité sur le francophone qui devrait utiliser la langue française, qui devrait ne pas mélanger.»

Gare aussi aux conclusions trop hâtives. «Faire un lien direct entre la perte d’une identité francophone pour une identité bilingue et y voir un signe inéluctable d’assimilation, je crois qu’il faut être prudent par rapport à ça», souligne Sandrine Hallion.

Être bilingue, ça ne veut pas dire être en voie d’assimilation.

— Sandrine Hallion, sociolinguiste

Identités francophones

Et si le déclin ne se trouvait pas nécessairement dans la langue? Pour Sandrine Hallion, la question du déclin se situe davantage du côté de la transmission de la langue aux générations futures, plutôt que dans le jugement de sa qualité ou du degré de présence de l’anglais.

«On a toutes sortes de pratiques de la langue. Rien n’empêche qu’au niveau identitaire, on est francophone même si on pratique moins notre langue au quotidien, il y a d’autres facteurs qui font qu’on se considère comme francophones.»

L’utilisation d’un idiome dépend en outre du contexte, autant professionnel que personnel. «Les situations sont multiples. La langue s’adapte à nos situations et pas l’inverse, analyse Sandrine Hallion. Si on n’a pas besoin d’un français standard dans notre vie quotidienne, on va parler un français plus informel, qui nous est utile, qui est fonctionnel.» Un français bien vivant, pas encore disparu.