Certes, on n’a plus entendu le fameux «wacko» que Pierre Poilievre a lancé à Justin Trudeau au printemps dernier et qui lui avait valu son expulsion de la Chambre. Mais on ne sent pas non plus une volonté de baisser le ton.
Les partis d’opposition ont devant eux un gouvernement fragilisé qui manifestement sera battu aux prochaines élections. Du moins, c’est ce que nous disent systématiquement les sondages, mois après mois, depuis plus d’un an.
Mais les libéraux n’ont pas encore jeté l’éponge. Même s’il ne fait plus autant l’unanimité auprès de ses troupes qu’auparavant, Justin Trudeau compte bien être là lors de la prochaine campagne électorale. Mieux encore, son parti semble avoir maintenant accepté le fait que le premier ministre sollicitera un quatrième mandat.
La crise qui a secoué le Parti libéral cet automne n’aura donc été que passagère. Du moins en public, car en privé on sent que plusieurs se préparent à une future course au leadeurship.
Plusieurs ont interprété ainsi la publication la semaine dernière d’un article du New York Times consacré à la ministre Mélanie Joly. On y peignait le portrait d’une battante qui pourrait possiblement succéder à Justin Trudeau.
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Le chef conservateur, Pierre Poilievre, a réussi à assoir solidement – pour ne pas dire fermement – son autorité à la tête de son parti.
Il est aussi parvenu à se faire connaitre de la population. Les Canadiens savent maintenant très bien qu’il est contre les taxes – surtout la taxe carbone –, qu’il veut régler en priorité la crise du logement et qu’il veut combattre la criminalité, notamment celle en lien avec les drogues dures.
Il aura aussi réussi à faire oublier certaines bourdes, comme ses propos vantant les cryptomonnaies ou attaquant le gouverneur de la Banque du Canada. C’est le signe d’un chef maintenant en pleine maitrise de la situation.
Le message répété sans cesse par les conservateurs à propos de l’abolition de la taxe carbone («Axe the tax») donne des résultats. Les baisses d’impôts et de taxes séduisent l’électorat. Plus que jamais? Peut-être. Si c’est le cas, c’est le résultat d’une campagne de communication conservatrice extrêmement efficace.
Le Parti libéral comprend maintenant l’attrait des baisses d’impôts auprès de la population. Après avoir temporairement suspendu la taxe carbone sur le mazout dans les provinces de l’Atlantique l’automne dernier, voici qu’il suspend temporairement la TPS sur une grande qualité de produits durant deux mois.
Comme on le voit, le Parti conservateur est maintenant capable d’influencer les politiques du gouvernement libéral, sans être au pouvoir.
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Pendant plus de deux ans, le NPD a été le principal partenaire du gouvernement grâce à l’entente formelle signée avec les libéraux. Il pouvait ainsi imposer certaines de ses volontés.
Des projets de loi qui lui étaient chers ont ainsi été adoptés, comme l’assurance dentaire, l’aide au logement et plus récemment la loi anti-briseurs de grève et l’assurance médicaments.
En déchirant l’entente, le chef néodémocrate Jagmeet Singh a peut-être fait des gains à court terme, comme conserver la circonscription d’Elmwood–Transcona au Manitoba lors de l’élection partielle de septembre dernier.
Mais la hausse de popularité tant espérée avec la fin de cette entente ne s’est jamais concrétisée. Le principal problème, c’est que Jagmeet Singh n’a jamais expliqué pourquoi son parti serait plus efficace s’il mettait fin à l’entente. D’autant plus qu’il refuse de renverser le gouvernement.
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Le Bloc québécois pourra dire que la patience a finalement porté ses fruits. Après avoir dû ronger son frein pendant plusieurs années, voilà qu’il peut maintenant marchander son appui auprès des autres partis. D’ailleurs, la rapidité avec laquelle il a présenté ses exigences au gouvernement illustrait bien qu’il a gagné en importance.
Par contre, cette influence est encore très théorique. Les libéraux refusent de collaborer avec ce parti indépendantiste, qui est leur grand adversaire au Québec.
Ils ne sont pas seuls. Les conservateurs, eux aussi, n’ont montré aucune ouverture à travailler avec les bloquistes pour défaire le gouvernement. Encore une fois, l’explication se trouve dans les intentions de vote au Québec.
Contrairement à ce qui se passe dans le reste du Canada, les conservateurs ne dominent pas au Québec. C’est le Bloc qui est et demeure bon premier dans les intentions de vote. La personnalité de Pierre Poilievre serait la principale raison des déboires conservateurs dans cette province. On n’aime pas son ton trop agressif, voire abrasif.
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Le chef conservateur sera-t-il capable de changer de style au cours des prochains mois? La question se pose après qu’il a vécu l’une de ses pires semaines depuis qu’il est à la tête du Parti conservateur.
Beaucoup d’observateurs lui ont reproché de ne pas avoir eu à cœur les intérêts du pays depuis l’annonce fracassante du président désigné Donald Trump d’imposer des tarifs douaniers au Canada comme mesure de représailles face à l’immigration illégale.
Au lieu de se serrer les coudes avec le reste de la classe politique et aussi avec les milieux d’affaires, Pierre Poilievre a continué à attaquer les libéraux, soulignant la faiblesse du gouvernement Trudeau. Était-il nécessaire de donner des munitions supplémentaires au futur président américain?
Le rôle du chef de l’opposition officielle est double. D’une part, il a la responsabilité de surveiller le gouvernement et de lui demander de rendre compte de sa gestion. D’autre part, il doit se présenter comme une solution de rechange au gouvernement actuellement au pouvoir.
Au cours de la dernière année, Pierre Poilievre s’est très bien acquitté de son premier rôle, mais pas du deuxième. L’année 2025 sera celle où il devra montrer qu’il a l’étoffe d’un chef d’État. Qu’il a à cœur les intérêts de chaque personne au Canada, qu’elle ait voté pour lui ou non.
Geneviève Tellier est professeure à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa. Ses recherches portent sur les politiques budgétaires des gouvernements canadiens. Elle commente régulièrement l’actualité politique et les enjeux liés à la francophonie dans les médias de tout le pays.
Le jeune réseau social Bluesky est passé d’environ 10 millions d’utilisateurs et utilisatrices en septembre à plus de 20 millions à la fin de novembre. Threads, créé par Meta, en aurait gagné plus de 35 millions en novembre.
Au même moment, mais dans une moindre mesure, un nombre record de personnes ont tiré une croix sur X.
Dans les trois cas, les plus grands bonds ont été observés après la réélection de Donald Trump à la présidence des États-Unis. Depuis, le nombre de personnes abonnées à Bluesky aux États-Unis a augmenté de 519 %, par exemple.
Un premier grand mouvement a eu lieu lorsque Elon Musk a acheté Twitter. Promettant d’en faire un haut lieu de la liberté d’expression, l’homme d’affaires a éliminé toute forme de modération sur la plateforme et, ironiquement, suspendu les comptes des personnes qui avaient des opinions différentes des siennes ou qui se moquaient de lui.
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Twitter n’a jamais été un réseau social représentant uniquement les valeurs progressistes, mais l’arrivée du milliardaire à sa tête a décomplexé davantage les trolls et les réactionnaires racistes, misogynes et homophobes, qui se sont mis, en plus grand nombre, à répondre violemment à tout propos ou point de vue contraire à leur vision du monde.
Le journal The Guardian a cessé de publier sur X le 13 novembre, indiquant que les bénéfices d’être sur X étaient maintenant moins importants que les désavantages.
Ce climat oppressant a incité de nombreuses personnes à faire la transition vers Bluesky. Certaines ont peut-être été encouragées par le quotidien The Guardian, qui a annoncé le 13 novembre qu’il ne publierait plus sur X, ajoutant que «la campagne électorale américaine n’a fait que mettre en évidence ce que nous sentions depuis longtemps : X est une plateforme toxique» [trad.].
Le Guardian et d’autres médias baissent donc les bras. Ils ont décidé de quitter ce champ de bataille contre la désinformation et de continuer leur combat ailleurs.
Difficile de trop leur en vouloir. Qui aime passer ses journées à se faire injurier et dénigrer? Ne vaut-il pas mieux dépenser son énergie ailleurs et de façon plus constructive?
D’un autre côté, les propagateurs de «faits alternatifs» ont maintenant le chemin libre sur X. Moins de personnes pour remettre en question cette autre version du monde.
La division existait sur X. Désormais, elle sera entre, d’une part, X et, d’autre part, Bluesky, Threads et…
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Il est facile sur les réseaux sociaux de s’enfermer dans ce qui s’appelle une chambre d’écho, c’est-à-dire un lieu où circulent seulement des opinions semblables aux siennes et des informations qui nous rassurent.
X avait au moins le mérite de confronter ses utilisateurs et utilisatrices plus fréquemment à des opinions différentes. Elles étaient cependant trop souvent exprimées sans décorum ou empathie.
Le réseau social produira donc encore plus d’écho entre ses murs, et Bluesky le fera tout autant pour d’autres lignes de pensée. Et peut-être pour longtemps, puisque cette plateforme permet un contrôle accru sur ce qu’on veut voir; l’algorithme est (pour l’instant peut-être) moins envahissant.
Cela n’aidera en rien le fossé qui se creuse au sein de l’électorat au sud de notre frontière ni celui qui s’élargit au Canada. Impossible de se comprendre si on ne se parle pas de façon civilisée.
Les médias d’information rigoureux sont une solution, même s’ils ont contribué au problème en ignorant les questions et les inquiétudes d’une partie de la population.
Ce sera long, mais les médias traditionnels devront créer des ponts, offrir une voix à plus de points de vue dans un esprit d’ouverture. Il faut tout de même trouver des intervenants et des intervenantes qui se fondent sur des faits démontrables, qui ne tombent pas dans la conspiration ou qui ne cherchent pas à nourrir des peurs irréfléchies.
Tout est un cycle. Une période s’est terminée et la suivante s’amorce; celle où les opinions comptent plus que les faits pour une tranche élargie de la population. Lorsque nous nous rendrons compte que la nouvelle solution n’est pas plus magique que la précédente pour régler tous nos problèmes, nous voudrons essayer autre chose.
Et pour répondre à votre question, oui, Francopresse publie encore sur X, mais aussi sur Bluesky.
Je débute ce top 10 par une belle découverte un peu plus intense. Ils n’en sont qu’à un deuxième EP, mais les jeunes musiciens de la formation Messe offrent un son mature et très intéressant. Avec J’mettrai le feu, la formation de Bathurst se classe dans un univers particulier, où l’on retrouve des groupes acadiens comme Les Hôtesses d’Hilaire, la Patente ou encore Aubin pi la S.C.B.
Dans un autre spectre musical, en 9e position, on a un tête-à-tête avec un membre de Radio Radio. Gabriel Malenfant, dit GABIO, auteur-compositeur, faiseur de beat, nous présente une facette plus personnelle avec son album Vers la mer. Un rendez-vous où les rythmes sont toujours aussi entrainants. Ses rythmes endiablés se font sentir aussi dans l’élocution du verbe.
La 8e position fait place à une autre belle découverte. Girlz with Guitarz est un trio féminin de la région de Plamondon, en Alberta. Composé des sœurs Tracy et Karen et de leur tante Michèle. Ces multi-instrumentistes aux voix harmonieuses nous captivent avec un univers folk dont la richesse se trouve dans les arrangements musicaux. Les harmonies vocales sont souvent la force maitresse des chansons proposées.
D’un trio féminin à un autre, la 7e place revient aux Sœurs Marleau qui œuvrent en chansons depuis 1979. Sous le nom Diadem à leurs débuts, elles nous reviennent sous le signe de l’espérance. Osons l’espérance nous interpelle avec une douzaine de textes sur des thèmes universels. Le tout est un bouquet de souhaits universels et de musiques contemporaines.
Pour terminer ce premier bloc de cinq albums, j’ai une proposition fort intéressante. Il s’agit d’un guitariste originaire d’Edmunston au Nouveau-Brunswick, RenzRossi (René Rossignol). Il offre le fruit d’une expérience de création entre lui et l’artiste visuel Luc A. Charrette. S’inspirant des tableaux de ce dernier, RenzRossi a lancé son tout dernier EP, Tableaux, un univers jazz des plus captivants. Chaque pièce est une émotion musicale inspirée d’une œuvre d’art visuel. Le tout devient un moment de grâce.
On débute le top 5 avec un retour sur disque d’un Franco-Ontarien qui a connu bien du succès à la radio. L’auteur-compositeur-interprète de Sudbury, Dayv Poulin, met au placard son alter ego du Paysagiste et nous offre un album avec des mélodies puissantes et très accrocheuses. Tout est relatif est un album qui tombe à point grâce à ses nombreux vers d’oreille captivants.
Dans le carré d’as du top 10 de 2024, on retrouve une voix des plus familières en Acadie, que ce soit en tant que membre de la formation Baie que comme musicien pour plusieurs artistes. L’auteur-compositeur-interprète, Matt Boudreau, natif de Petit-Rocher, est inévitable. Sur l’album Yellow Mellow, il a toujours ce son pop-rock qui le démarque, ce timbre de voix qui nous enveloppe texte après texte. Il nous invite à une rencontre exceptionnelle.
Sur la 3e marche du podium, c’est un nom familier au sein de la famille des auteurs-compositeurs franco-ontariens : Brian St-Pierre. Il est une inspiration pour toute la communauté francophone de l’Ontario d’est en ouest. L’album Malgré tout se démarque du lot et nous offre de magnifiques mélodies qui accompagnent de superbes textes remplis de vérité.
En deuxième place, c’est l’un des grands de sa génération, c’est un coup de cœur à chaque album. Monette revient aux sources et nous offre un cinquième opus à saveur country-folk avec une voix solide comme du roc. Le diable dans le corps est une autre preuve de son grand talent. Monette nous séduit à nouveau avec des mélodies fortes et des textes puissants.
Mon top de 2024 est une caresse pour l’âme. Depuis une quinzaine d’années, Alexis Normand nous invite dans un univers folk aux nuances de blues et de jazz, qui nous charme note après note. Avec Empreintes, elle nous livre toute la sensibilité de son art.
L’auteure-compositrice-interprète fransaskoise nous amène au plus profond de son âme avec des mélodies puissantes, qui révèlent toute la richesse de sa plume. La douceur de sa voix mielleuse nous livre toute la puissance de chaque mot. L’artiste a su se forger un parcours musical qui démontre toute la richesse de son talent.
Eh bien voilà, 10 albums à découvrir ou à redécouvrir. Encore une fois, une preuve tangible de la beauté et du dynamisme de la francophonie musicale canadienne. Tendez l’oreille et encouragez cette belle francophonie.
La situation est critique pour un grand nombre de Canadien·nes.
L’indice des prix à la consommation a augmenté de 3,4 % en 2021, 6,8 % en 2022 et 3,9 % en 2023, tandis que le prix des aliments a augmenté de 9,8 % en 2022 et 7,8 % en 2023.
Les taux d’inflation de 2022 ont d’ailleurs accru le pourcentage de personnes vivant sous le seuil officiel de la pauvreté au Canada de 7,4 % en 2021 à 9,9 %. Or, un revenu au seuil de la pauvreté demeure encore bien en deçà du revenu viable, qui permettrait de sortir de la pauvreté, par exemple en déménageant ou en faisant des études.
L’augmentation des couts touche davantage les personnes pauvres, puisqu’une plus grande part de leurs revenus est consacrée au logement et à l’alimentation. On voit ainsi une plus grande fréquentation des banques alimentaires ainsi qu’une baisse plus générale de la consommation.
N’oublions pas que les revenus des personnes pauvres augmentent beaucoup moins que ceux des mieux nantis, qu’elles ont moins accès au crédit et qu’elles ont moins accès aux avantages sociaux qui viennent avec les emplois de la classe moyenne.
Ce sont ces mêmes personnes qui bénéficient le moins des réductions de taxes ou d’impôt, puisqu’elles dépensent moins.
Pour bien comprendre à quel point la situation est critique, il faut faire attention aux données et aux tableaux. D’abord, bien que la croissance de l’inflation diminue, cela ne signifie rien d’autre qu’une hausse des prix un peu plus lente.
Ensuite, bien que les salaires moyens aient augmenté, ce qui aurait compensé l’augmentation du cout de la vie, ils ne sont pas une mesure indicative de la vie réelle des gens. D’autant plus que cette mesure inclut les augmentations importantes des salaires des mieux nantis.
Mentionnons également que le cout des loyers continue de monter, mais que le cout le plus pertinent est celui des logements disponibles, qui augmente beaucoup plus rapidement que celui des loyers que les locataires continuent d’occuper.
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Plusieurs des expressions dont nous nous servons pour aborder le problème sont trompeuses.
L’idée de crise nous envoie dans la mauvaise direction. Celle-ci n’existe que pour certains groupes socioéconomiques, mais en la généralisant, nous donnons la possibilité aux partis politiques de chercher à améliorer le sort d’autres segments de la population que celui des personnes pauvres.
Tandis qu’il est facile d’attribuer la situation actuelle à la pandémie et ses effets sur les chaines de distribution, nous devons nous rappeler que la vie n’était pas plus facile avant la pandémie pour la plupart des gens qui sont affectés par le cout actuel de la vie.
En fait, le seul moment où la pauvreté a véritablement reculé correspond aux prestations liées à la COVID-19.
En nous éloignant des raisonnements liés à l’imaginaire de la crise, nous pourrons mieux faire face aux problèmes causés par les structures de notre économie et, au minimum, le manque de règlementation.
Pour la plus grande partie de la population, l’accès à la nourriture est contrôlé par quelques oligopoles. Les chaines d’épiceries et les fournisseurs rivalisent déjà pour maximiser leurs profits, tout en blâmant les initiatives des gouvernements ou les marchés mondiaux pour les prix à la caisse.
Il est difficile de ne pas sentir de préjudice lorsque nos dépenses augmentent et que la réduflation fait que nous arrivons à la maison avec de plus petites quantités des mêmes produits que nous achetions auparavant.
Ajoutons à cela le scandale de la fixation des prix du pain, les compressions dans les salaires du personnel des magasins d’alimentation, les négociations interminables autour d’un code de conduite des épiceries ou encore les mesures anticoncurrentielles incluses dans les contrats de location.
Mais au-delà de ces frustrations, nous devons bien comprendre que les profits des chaines d’épicerie ont doublé après la pandémie alors que la quantité de nourriture vendue a diminué.
L’accès à un logement stable et la dignité qui vient avec la possibilité de demeurer en un endroit et de décider de sa manière d’y vivre sont grandement limités par la financiarisation du logement.
Lorsque le logement devient avant tout une question de rentabilité et de profit, il devient beaucoup plus difficile au marché de répondre aux besoins des locataires, ce qui devrait pourtant être sa première raison d’être.
De manière plus générale, la hausse du PIB depuis la pandémie est surtout attribuable aux profits des entreprises; la proportion du PIB que représentent les salaires du personnel a en fait baissé légèrement en 2022.
Il est ainsi clair que les intérêts des grandes compagnies sont contraires à ceux de la population. Ce n’est pas seulement que les unes s’enrichissent pendant que davantage des autres s’appauvrissent; c’est que l’enrichissement dépend de l’appauvrissement, qu’il y a une relation directe entre les deux.
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Des boycottages aux mobilisations contre la vie chère, quelques initiatives sont mises en pratique pour que l’inflation soit vécue comme un problème collectif et non seulement individuel.
Des solutions existent à plus long terme, allant d’un plus grand contrôle collectif du système alimentaire à une sortie du pétrole ou encore à un revenu minimum garanti.
Des remèdes collectifs à la situation critique actuelle exigent toutefois que l’on se défasse d’abord de nombreux mythes. C’est ainsi que les prestations d’aide contre l’inflation et l’augmentation du salaire minimum pourront être plus aisément acceptées, puisqu’elles n’entrainent ni chômage ni inflation.
Surtout pour l’instant, à l’inverse des baisses d’impôts actuelles, qui mènent à un affaiblissement des infrastructures sociales, il faut plutôt développer ces dernières afin d’assurer la dignité et l’égalité de tous et toutes.
Jérôme Melançon est professeur titulaire en philosophie à l’Université de Regina. Ses recherches portent généralement sur les questions liées à la coexistence, et notamment sur les pensionnats pour enfants autochtones, le colonialisme au Canada et la réconciliation, ainsi que sur l’action et la participation politiques. Il est l’auteur et le directeur de nombreux travaux sur le philosophe Maurice Merleau-Ponty, dont La politique dans l’adversité. Merleau-Ponty aux marges de la philosophie (MétisPresses, 2018).
Dans son roman Le baiser de Nanabush, traduction de Motorcycles & Sweetgrass publiée chez Prise de parole, Drew Hayden Taylor promet d’emblée qu’il nous racontera toute une histoire. Et il tient merveilleusement parole.
Drew Hayden Taylor est un auteur prolifique avec des racines ojibwées; il a écrit autant de la fiction que des chroniques et des essais. Avec Le baiser de Nanabush, qui a d’ailleurs représenté la littérature autochtone au Combat des livres de Radio-Canada en 2023, il se hisse au niveau des grands conteurs.
Dans le premier chapitre, on découvre une jeune Anishinabe de la réserve de Lac-aux-Loutres qui nage avec un copain. On sent tout de suite une grande attirance entre les deux, mais on sent aussi que ce copain n’est pas un être ordinaire. Et il y a un problème. La jeune femme a décidé de poursuivre ses études dans un pensionnat autochtone.
Au pensionnat, on l’affublera d’un nouveau nom chrétien, Liliane, et pendant les deux ans qu’elle passera dans cet établissement, elle sera témoin des maltraitances subies par ses copensionnaires. Toute sa vie, elle restera cependant la dévote Liliane qui mêle ses croyances chrétiennes et autochtones.
L’intrigue commence vraiment 80 ans plus tard. Sur son lit de mort, Liliane convoque son ancien copain. Il réapparait sous les traits d’un beau jeune motocycliste qui sèmera la pagaille dans sa famille et dans la réserve. Surtout auprès des femmes.
La fille de Liliane, Maggie, est cheffe de la Nation de Lac-aux-Loutres. Elle tente de régler un différend territorial avec la communauté blanche avoisinante, a un fils qui aime faire l’école buissonnière, un frère ermite qui vit sur une ile et un conjoint décédé depuis quelques années.
Maggie est stressée. L’arrivée de John chamboulera sa vie et celle de sa famille.
Au fil de l’intrigue, on apprendra qui est vraiment celui qui se fait appeler John, mais dont le nom de famille change en fonction de chaque interlocuteur.
Dans ce livre, Drew Hayden Taylor réussit à faire se côtoyer la vie moderne dans une réserve autochtone et les traditions et la mythologie de ses habitants. Tout ça dans un roman haletant qui mêle surnaturel, séduction, amour, chicane territoriale, combat épique et même une bataille avec des ratons laveurs.
Du plaisir pour tous!
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Les deux prochains livres sortent de la plume de Tomson Highway, un Cri du nord du Manitoba qui a connu une carrière internationale de pianiste ainsi que de dramaturge et de romancier renommé.
Le premier livre, Le baiser de la Reine blanche (trad. de Kiss of the Fur Queen), est un roman et le deuxième, Éternel émerveillement : Grandir au pays de la neige et du ciel infini (trad. de Permanent Astonishment: Growing Up Cree in the Land of Snow and Sky), une autobiographie.
Les deux ouvrages racontent la vie de deux jeunes garçons cris qui grandissent pendant cinq ans au sein de leur famille de chasseurs/pêcheurs avant d’être envoyés dans un pensionnat autochtone.
Dans Le baiser de la Reine blanche, l’auteur se permet plus de fantaisie. D’ailleurs, il écrit : «l’histoire […] au fil des années, devenait de plus en plus incroyable, exagérée, selon la manière des Cris de raconter des histoires, de fabriquer des mythes.»
Le roman commence par une scène emblématique du Grand Nord : une course de traineau à chiens. Après trois jours et 150 miles (240 km), Abraham Okimasis et ses chiens sont complètement épuisés. Un mile avant l’arrivée, il a la vision d’une Dame blanche qui le soutiendra et lui fera gagner la course.
Au fil d’arrivée, Abraham, complètement dans les vapes, verra même un fœtus surgir du diadème de la Dame blanche. La femme d’Abraham accouchera de son fils ce même jour.
L’auteur nous fait vivre la naissance de ce fils ainsi que de son jeune frère trois ans plus tard. Le roman décrit le parcours des deux petits garçons qui accompagnent leur famille à la chasse et la pêche dans le Grand Nord. Jusqu’à leur départ au pensionnat.
Ils reviendront au village pendant les vacances d’été, mais leur vie ne sera plus jamais pareille.
Dans cette école, on tente de leur interdire leur langue, on leur inculque la chrétienté à coups de règles sur les doigts et on les agresse sexuellement. Mais la Reine blanche veille sur eux, et ils s’en sortiront grâce à la musique. L’ainé des garçons deviendra pianiste et le cadet, danseur.
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En lisant Éternel émerveillement, ouvrage publié 15 ans après la version originale du Baiser de la Reine blanche, on comprend que tout ce que Tomson Highway avait décrit dans son roman était fondé sur sa réalité.
Dans cette autobiographie, il délaisse le surnaturel et nous raconte sa naissance dans un banc de neige, la vie familiale dans un village autochtone près de la frontière du Manitoba et des Territoires du Nord-Ouest (aujourd’hui le Nunavut) et, bien sûr, ses années dans un pensionnat autochtone.
À tous égards, la vie dans ce livre est difficile, mais ce qui en ressort, c’est justement l’éternel émerveillement de Tomson Highway devant la vie.
Il nous raconte la vie du village avec humour, il nous amène dans des parties de pêche et de chasse trépidantes, et il passe rapidement sur les exactions subies au pensionnat. Il nous fait plutôt vivre son amour de sa famille, sa fierté envers son peuple et, surtout, sa passion pour la musique.
Ces deux livres racontent en somme la même histoire, mais il est intéressant de les lire tous les deux pour comprendre la relation entre la réalité et le romanesque.
Réjean Grenier a travaillé dans les médias pendant 47 ans, comme journaliste, rédacteur principal à Radio-Canada/CBC, éditeur et propriétaire d’un journal et d’un magazine, et éditorialiste. Il a présenté une chronique littéraire sur les ondes de Radio-Canada pendant cinq saisons. Il est un avide lecteur depuis l’âge de 12 ans. Il a grandi dans un petit village du Nord de l’Ontario où il n’y avait pas de librairie, mais il a rapidement appris où commander des livres. Son type d’ouvrage préféré est le roman puisqu’«on ne trouve la vérité que dans l’imaginaire».
Depuis que ces initiatives ont été annoncées, les commentaires négatifs fusent de toutes parts. On dénonce une manœuvre électoraliste indécente, injuste et improvisée qui ne cible pas les bonnes personnes.
Les personnes qui n’ont pas travaillé en 2023, comme les personnes retraitées, et celles qui n’achèteront pas de produits visés par le congé de taxe ne bénéficieront pas de la «pause de la TPS» (taxe sur les produits et services), qui sera en vigueur du 14 décembre 2024 au 15 février 2025.
Par contre, les personnes qui gagnent un bon revenu profiteront de cette pause et recevront aussi, pour la plupart, le chèque promis.
Plusieurs se demandent s’il est pertinent d’envoyer un chèque à des personnes bien nanties. Le montant maximal de 150 000 $ – après impôts – fait sourciller bien des gens. Pourquoi n’est-il pas de 100 000 $ par exemple?
Environ 1,6 million de personnes ayant un emploi gagnent entre 100 000 et 150 000 $ par année au Canada. Le gouvernement économiserait ainsi un demi-milliard de dollars.
Enfin, cette décision est annoncée tardivement, alors que le temps des Fêtes est à nos portes. Les entreprises auront-elles le temps de s’ajuster d’ici l’entrée en vigueur du congé de TPS? Les personnes qui aiment les décorations de Noël pourront-elles attendre jusqu’au 14 décembre pour acheter leur sapin?
Malgré tous ces reproches, on ne sent pas une révolte de fond au sein de la population.
Le temps des fêtes est toujours une des périodes de l’année difficile financièrement pour plusieurs personnes.
Si la question du cout de la vie est réellement préoccupante pour bien des gens, ce que les sondages semblent indiquer, l’annonce serait le coup de pouce financier tant attendu de la part de ce gouvernement.
En octobre, le premier ministre conservateur de l’Ontario, Doug Ford, annonçait qu’il prolongeait la réduction de la taxe provinciale sur l’essence et qu’il enverrait un chèque de 200 $ à tous les Ontariens et Ontariennes, peu importe leur âge, leur situation d’emploi et leurs revenus.
Si vous voulez profiter du congé de TPS pour acheter votre sapin de Noël, il faudra attendre jusqu’au 14 décembre.
Le premier ministre du Québec, François Legault, relativement centriste, a lui aussi remis des chèques de 200 $ (ou 275 $ pour les personnes seules), comme il l’avait promis en 2021. En Saskatchewan, le premier ministre Scott Moe a envoyé des chèques de 500 $ en 2022. Les deux premiers ministres seront éventuellement réélus. Notons aussi la réduction de la taxe sur les carburants en Alberta et au Manitoba.
Est-il surprenant de voir des gouvernements d’idéologie différente proposer des mesures fiscales similaires? À première vue, oui.
Les partis de droite préfèrent des États qui n’interviennent pas beaucoup dans la vie de tous les jours et, donc, qui taxent peu. En revanche, les partis plus à gauche mettent l’accent sur des services publics généreux, ce qui requiert de percevoir plus de revenus auprès des contribuables.
De voir des chefs conservateurs, comme Pierre Poilievre ou Doug Ford, vouloir réduire les taxes et impôts n’est donc pas surprenant. Ce qui l’est plus, c’est d’observer un comportement similaire de la part de Justin Trudeau et de Jagmeet Singh.
Effectivement, étant minoritaires à la Chambre des Communes, les libéraux ont besoin du soutien d’au moins un autre parti pour que leurs initiatives puissent être adoptées. Le Nouveau Parti démocratique semble plus qu’heureux d’appuyer les deux mesures fiscales que viennent d’annoncer les libéraux.
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Si nous avions atteint un seuil d’imposition trop élevé, nous comprendrions pourquoi les partis politiques, peu importe leur idéologie, appuient l’idée de réduire la charge fiscale des contribuables canadiens.
Mais les données nous montrent que ce n’est pas le cas. La population canadienne n’est ni la plus taxée ni la moins taxée de la planète.
Si on compare le Canada à l’ensemble des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) par exemple, on constate que notre fardeau fiscal correspond à la moyenne de celui des contribuables des autres pays.
Par contre, il existe très certainement une méfiance envers les impôts et les taxes depuis très longtemps au pays. À un point tel que même le Parti libéral du Canada a refusé la plupart du temps d’augmenter les impôts lorsqu’il était au pouvoir. Même s’il créait de nouveaux programmes sociaux.
Toutefois, cette méfiance envers les impôts et les taxes a été remise en question par Justin Trudeau lui-même. Lors de la campagne électorale de 2015, il promettait de baisser les impôts de la classe moyenne, mais d’augmenter ceux des mieux nantis. Une promesse qu’il a rapidement concrétisée.
Cette décision a été importante, car elle a attiré l’attention sur la question de la redistribution du fardeau fiscal. En d’autres termes, il faut se demander qui doit financer les services publics. À l’époque, le premier ministre laissait entendre que si on veut s’offrir des programmes publics, il faut réfléchir à leur financement.
Malheureusement, ce message n’a été que de très courte durée. Par la suite, surtout depuis le départ de son ministre des Finances Bill Morneau, le gouvernement libéral s’est lancé dans la création de grands programmes (soins dentaires, assurance médicaments, construction de logements sociaux, etc.) sans aborder la question de leur financement.
Il y a bien eu quelques tentatives timides, comme l’augmentation du taux d’imposition sur le gain de capital, annoncée dans le dernier budget libéral, mais le gouvernement fédéral ne les présente jamais avec grandes convictions.
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L’annonce du congé de TPS et l’envoi de chèques offrent une réponse. C’est tout simplement parce que les gens préfèrent les baisses d’impôts et les congés de taxes plutôt que d’amorcer une véritable discussion collective sur le financement des services publics.
Je ne vois pas d’autres raisons qui expliqueraient l’unanimité des différents partis à applaudir les cadeaux fiscaux, même si cela met à mal la viabilité financière de nos services publics.
Ainsi, avant de reprocher aux gouvernements leurs comportements électoralistes, demandons-nous pourquoi ils pensent que cette stratégie est payante politiquement.
Geneviève Tellier est professeure à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa. Ses recherches portent sur les politiques budgétaires des gouvernements canadiens. Elle commente régulièrement l’actualité politique et les enjeux liés à la francophonie dans les médias de tout le pays.