le Jeudi 22 mai 2025

Un son si particulier

Matt Boudreau est l’une des voix de plus en plus familières de l’Acadie. Membre de la formation Baie, musicien pour plusieurs artistes, l’auteur-compositeur-interprète, natif de Petit-Rocher comme Denis Richard, nous proposait à la fin septembre son 4e disque solo : Yellow Mellow.

Pochette de l’album Yellow Mellow

Photo : legreniermusique.com

Toujours avec ce son pop-rock qui démarque le musicien, l’album nous captive par une fraicheur hors du commun. Les arrangements sont des moments magiques, qui nous séduisent chaque seconde. Le tout compose un mélange fluide de claviers et de guitares qui donne ce son si particulier, propre à l’artiste, dont le timbre de voix reste enveloppant, texte après texte.

Tout au long de l’album, l’Acadien nous parle d’amour, d’évasion et de prendre le temps de vivre. On découvre de vrais petits bijoux. Dès Supernova la séduction opère. Sur les plages Chérie, Tes dents sont belles et Cerf-volant les chœurs de Maude Sonier ajoutent un peu de tendresse.

Parlant de tendresse, Matt Boudreau termine l’album avec une prestation guitare-voix sur la belle petite chanson Lou.

Supernova
Album : Yellow Mellow

Une voix qui traverse le temps 

L’auteur-compositeur-interprète Brian St-Pierre nous présentait à la fin septembre un 7e opus solo, Malgré tout, où l’on retrouve encore toute la magie de l’artiste. Il y a une trentaine d’années, le Franco-Ontarien épatait la galerie avec ses compositions pour le groupe Vice-Versa.

Pochette de l’album Malgré tout

Photo : lecanalauditif.ca

Du pop rock accrocheur à la ballade folk profonde, nous sommes à nouveau séduits par la puissance des mélodies. Chaque texte est accompagné d’un univers musical juste, qui interpelle sur des sujets aussi bien légers que profonds.

Avec toi je vole et Je te vois sont deux superbes textes sur la source de son inspiration. Te souviens-tu de moi et Coule le temps abordent la question du temps et des souvenirs.

Les yeux pleins d’eau est l’une des deux pièces maitresses du disque. Il s’agit d’une ballade aux sonorités des années 1950, qui rend un superbe hommage à une personne chère.

Il y a enfin la pièce-titre Malgré tout, un puissant arrangement piano-voix, supporté par un quatuor à corde qui saura vous soutirer une larme.

Malgré les années, malgré la pop moderne, l’artiste franco-ontarien sort du lot et nous offre de magnifiques mélodies, accompagnées de textes remplis de vérité. Cette voix réconfortante demeure une inspiration pour toute la communauté francophone de l’Ontario.

Beaucoup d’amour
Album : Malgré tout

Un tempo endiablé

Vincent Bishop, natif de Vancouver mais franco-ontarien d’adoption, nous proposait, en 2022, un premier album francophone au tempo endiablé : L’amour serait bienvenu, un bouquet de mélodies accrocheuses aux rythmes folkloriques.

Se basant sur des structures de musiques folkloriques et chansons à répondre, Vincent Bishop propose des trames accrocheuses bien construites, accompagnées d’excellents textes, livrés avec une énergie contagieuse.

Pochette de l’album L’amour serait bienvenu

Photo : vincentbishop.ca

Les thèmes de prédilection de l’auteur sont l’amour, les relations humaines et le courage. Il laisse souvent transparaitre une charmante touche d’humour.

Tout au long de son 3e opus, Vincent Bishop nous offre plusieurs vers d’oreille irrésistibles. Le premier en tête de liste est Dans l’air pur et clair. L’une des versions de cet extrait est presque à capella, avec seulement une petite trame de percussion.

Dansons la corona est un petit velours humoristique qui nous fait du bien, tout comme La vision 20/20. Je dois dire bravo à Vincent Bishop pour une autre version tellement rafraichissante de Mille après mille.

La pièce maitresse de l’album est selon moi Plus que tout. Elle se démarque non seulement par son style musical, mais aussi par la profondeur du texte et de la mélodie.

Il s’agit donc d’un opus francophone rafraichissant fort réussi, livré avec une énergie contagieuse. Vincent Bishop se permet quelques à-côtés qui viennent démontrer une facette plus profonde de l’auteur-compositeur-interprète.

Dans l’air pur et clair
Album : L’amour serait bienvenu

Rappelons que cette élection partielle avait été provoquée par le départ de Carolyn Bennett en décembre 2023. Ministre du gouvernement Trudeau depuis l’élection de 2015, députée de la circonscription depuis 1997, elle avait perdu son portefeuille lors du remaniement ministériel d’aout 2023 après avoir annoncé qu’elle ne se représenterait pas aux prochaines élections.

Carolyn Bennett n’a jamais eu de grandes difficultés à se faire élire dans sa circonscription, obtenant plus de 50 % des voix à chaque élection, sauf en 2021 où elle a récolté… 49 % des voix.

Au lendemain de la surprenante victoire du candidat conservateur dans Toronto–St. Paul’s cet été, plusieurs députés, surtout de la région de Toronto, ont demandé à Justin Trudeau de convoquer une réunion d’urgence.

On venait tout juste d’ajourner les travaux de la Chambre des communes pour l’été et tous les députés s’en retournaient dans leur circonscription pour plusieurs semaines.

Pour bon nombre de députés libéraux, il était néanmoins important d’analyser cette défaite, voire de préparer une nouvelle stratégie pour convaincre les électeurs d’appuyer le Parti libéral.

Une lettre signée par neuf députés sera même envoyée à Justin Trudeau demandant une telle rencontre. Mais le premier ministre jugera plus utile de discuter de la défaite dans Toronto–St. Paul’s avec ses ministres plutôt qu’avec ses députés.

À lire aussi : Partir ou rester : les inquiétudes des députés francophones libéraux

Une surprise pourtant annoncée

Les résultats dans Toronto–St. Paul’s étaient-ils vraiment une surprise?

Depuis des mois, les sondages indiquaient, les uns après les autres, que le gouvernement libéral était en chute libre dans les intentions de vote. Mais on ne pensait pas vraiment, du moins chez les libéraux, que cette baisse pourrait toucher des circonscriptions facilement gagnées par les candidats libéraux dans le passé.

Les résultats de l’élection partielle de Toronto–St. Paul’s en ont donc surpris plusieurs : les comtés jugés impossibles à perdre pour les libéraux, notamment dans les milieux urbains, ne le sont plus.

Ce n’est pas la première fois que les libéraux sont surpris. Ils l’ont été lors de l’élection générale de 2019, lorsqu’ils n’ont pas réussi à conserver leur majorité au Parlement. Ils avaient alors fortement sous-estimé la capacité du Bloc à séduire les Québécois.

Ils ont encore été surpris avec les résultats électoraux de 2021, malgré leur gestion de la crise sanitaire qu’avait approuvée une majorité de Canadiens. Mais les électeurs leur ont reproché d’avoir déclenché hâtivement des élections dont personne ne voulait.

À lire aussi : Des élections dès maintenant? (Chronique)

Une apparente déconnexion

Devant autant d’étonnement de leur part, on peut se demander si les instances du Parti libéral saisissent bien ce qui se passe sur le terrain.

Pour tout parti politique, il existe une tension inévitable entre le premier ministre et les députés.

Dans notre système politique, les gouvernements sont formés sur la base du nombre de députés qu’un parti peut faire élire. Ce sont aussi les députés qui font fonctionner nos institutions démocratiques, qui adoptent les projets de loi, qui posent des questions à la Chambre et qui représentent les intérêts de leur électorat.

Dans les faits cependant, le réel pouvoir se concentre autour du chef de parti. C’est la personnalité de ce chef, ses idées, ses ressources qui mènent ou non à la victoire aux élections.

On le comprend vite, chacun a besoin de l’autre : le premier ministre a besoin de l’appui de ses députés et surtout de leur connaissance du terrain alors que les députés tirent avantage des ressources et de la notoriété de leur chef.

On peut se demander si Justin Trudeau a bien compris l’aide que peuvent lui apporter ses députés.

Une question d’écoute

Et si Justin Trudeau avait accepté de rencontrer ses députés à la fin juin, tout juste après la défaite dans Toronto–St. Paul’s?

S’il avait rencontré son caucus plus tôt, les choses se seraient fort probablement passées autrement. Il n’y aurait pas eu d’appel formel à sa démission quelques mois plus tard, car Justin Trudeau aurait pu rassurer ses députés à propos de la stratégie envisagée par ses conseillers pour remonter dans les sondages.

Le chef libéral aurait pu aussi unir davantage ses troupes en démontrant qu’il partage le même objectif qu’eux, c’est-à-dire gagner les prochaines élections fédérales.

Et il n’aurait certainement pas donné des munitions au chef conservateur Pierre Poilievre, qui clame maintenant haut et fort que les gens ne font plus confiance à Justin Trudeau, même chez ses propres députés.

En examinant comment le premier ministre a géré la défaite dans Toronto–St. Paul’s – qui, au passage, laissait présager la défaite dans LaSalle–Émard–Verdun, au Québec, quelques semaines plus tard –, on ne peut s’empêcher de penser que Justin Trudeau est l’artisan de son propre malheur.

Il aurait dû manifester une plus grande écoute envers les préoccupations légitimes de ses députés.

À lire aussi : Feuilleton de la Colline : Justin Trudeau déstabilisé et ingérence étrangère

Aucun signe que la leçon a été apprise

La semaine dernière, plusieurs sources indiquaient l’existence d’une lettre signée par 24 députés libéraux qui demandait que le premier ministre prenne quelques jours pour réfléchir sérieusement à son avenir au sein du parti. Des discussions franches ont aussi eu lieu lors de la réunion du caucus.

En moins de 24 heures, le premier ministre a répondu qu’il entendait rester à la tête de son parti.

Plusieurs députés seront très certainement déçus de cette réponse. Pas forcément parce qu’ils espéraient qu’il démissionne, mais parce que le premier ministre n’a même pas daigné prendre les quelques jours qu’on lui offrait pour réfléchir à son avenir et à celui de son parti.

Encore une fois, le premier ministre n’a pas jugé bon de tenir compte des préoccupations de ces députés. Il pourrait éventuellement le regretter, car le temps qu’il doit passer à gérer les crises internes de son parti l’éloigne d’autres dossiers qui sont tous aussi importants et urgents.

Supposons qu’un politicien fasse une déclaration qui, disons, étire la vérité. Une partie de la population se demandera pourquoi personne ne dénonce ce mensonge flagrant. L’autre partie, elle, défendra le politicien.

Cette généralisation est un exemple parfait d’un biais de confirmation. Il s’agit de la tendance qu’a notre cerveau à chercher, à interpréter et à se rappeler les informations qui confirment – et confortent – notre vision du monde tout en rejetant celles qui la contredisent.

Ainsi, un mensonge a beau être irrationnel pour une partie de la population, s’il permet à une autre partie de dire «Ah ah! Je le savais», il sera accepté comme étant une vérité par cette dernière.

Le biais de confirmation n’est pas le seul des biais cognitifs qui nous empêche de naviguer objectivement l’océan d’informations dans lequel baigne le monde moderne. Il est cependant la source de beaucoup de tensions dans les publications sur les réseaux sociaux.

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Le monde depuis notre fenêtre

Pour fonctionner et survivre, l’être humain a dû développer la capacité de prendre des décisions rapidement. Les expériences antérieures et les connaissances acquises sont devenues essentielles à une prise de décision efficace.

Dans un monde stable et cohérent, il n’est pas nécessaire de tout remettre en question lorsque vient le temps de prendre une décision. D’où l’utilité du biais de confirmation. Il permet aussi de garder une certaine cohésion sociale dans des petits groupes.

Par contre, ce monde stable et cohérent n’existe (presque) plus. La vie dans une société composée de millions de personnes n’a rien à voir avec la vie des groupes nomades ou des petites cités-États. Les relations et les interactions entre tous les citoyens sont vertigineusement plus complexes.

Mais le biais de confirmation reste bien implanté. Notre subconscient a pris l’habitude de seulement prendre en compte notre point de vue, nos besoins, notre façon de voir le monde afin de pouvoir réagir rapidement.

À lire : Une «tempête parfaite» pour la désinformation électorale

Votre biais et vos réseaux sociaux

Les réseaux sociaux exploitent majestueusement bien notre biais de confirmation. Les algorithmes sont programmés pour nous présenter des informations de même nature que les précédentes dans le but de nous rendre accros et d’agir sur notre dopamine.

Très rapidement, l’internaute crée une bulle qui laisse entrer très peu ou pas de points de vue divergents au sien.

Celles et ceux qui ne prennent pas l’habitude d’aller voir ailleurs, de mettre leurs croyances à l’épreuve, se creusent une tranchée de plus en plus profonde d’où il peut être difficile de sortir.

Plus nos convictions sont fortes, plus il est ardu d’accepter les faits qui les contredisent.

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Contourner le biais grâce… aux médias

Les médias font en ce moment les frais des biais de confirmation.

Les données du Digital News Report 2024 soulignent que seulement 46 % des francophones – et à peine 39 % de l’ensemble de la population canadienne – font encore confiance aux médias. Une baisse importante en quelques années seulement, puisque le taux de confiance général s’élevait à 55 % en 2016.

La lecture des médias traditionnels a été remplacée chez certaines personnes par la consultation de sites Web et de vidéos qui présentent plus d’opinions que de faits. Les bulles se sont souvent construites autour de préjugés, de demi-vérités et de mensonges.

Il faut donc mener une lutte consciente contre notre biais de confirmation. Pour y arriver, il faut commencer par consulter des médias variés qui permettent d’obtenir plusieurs points de vue crédibles sur un enjeu.

Mais ce n’est pas suffisant. Il faut aussi garder un degré de scepticisme équivalent pour toutes les informations que l’on reçoit.

Le scepticisme à géométrie variable est très présent dans les cercles conspirationnistes. Les adeptes remettent en question toutes les déclarations des sources officielles, sans nécessairement chercher à analyser la véracité ou les intentions des sources qui confortent leurs croyances ou des messages à l’origine des théories du complot.

Si vous pensez avoir une intelligence supérieure à la moyenne et ainsi être à l’abri du biais de confirmation, détrompez-vous.

Une recherche a montré que les personnes qui ont une plus grande capacité de raisonnement s’en servent souvent pour dénicher les informations étayant leur conception du monde et pour rationaliser le rejet de tout ce qui ne fonctionne pas à leur avantage.

À vous de montrer que vous n’êtes pas à la merci de vos instincts.

Pour tous les jeunes trentenaires qui ont découvert le tennis au milieu des années 2000 – je fais partie de ce groupe –, c’est tout un chapitre de leur enfance qui s’est refermé la semaine dernière.

Roger Federer était un joueur de tennis extrêmement populaire auprès des spectateurs. 

Photo : Peter Meyer –  Wikimedia Commons

Deux ans après Roger Federer, Rafael Nadal a annoncé le jeudi 10 octobre qu’il prenait sa retraite en fin d’année. La veille, c’est le Français Richard Gasquet qui avait déclaré qu’il allait mettre un terme à sa carrière, après le tournoi de Roland-Garros 2025.

Il est toujours difficile de voir les idoles de son enfance quitter le devant de la scène. Immédiatement, une vague de nostalgie vous submerge. C’est ce qui m’est arrivé jeudi dernier. Et pourtant : je n’ai jamais considéré Nadal comme une idole, bien au contraire.

Pour moi, le Majorquin était un briseur de rêve, qui a trop souvent battu le joueur que j’admirais par-dessus tout, Roger Federer. Je peux même dire que, dans ma jeunesse, je le haïssais. Peut-être aussi parce que c’était le joueur préféré de mon petit frère.

Alors, pourquoi ce petit pincement au cœur au moment de l’annonce de sa retraite? Je me suis rendu compte que la perception de mes héros et de mes antagonistes de jeunesse a grandement évolué. Ce qui m’a conduit à m’interroger sur l’importance donnée à ces idoles pendant notre l’adolescence.

Plus jeune, j’ai pratiqué le tennis pendant une petite dizaine d’années. Mon niveau très modeste ne m’empêchait pas de rêver. Je me rappelle que, quand j’avais 11 ans, lors d’une rentrée scolaire, nous devions mettre sur une fiche quel métier nous voulions faire plus tard. J’avais alors répondu : «joueur de tennis».

L’influence de mes idoles expliquait forcément cette réponse fantasmée. J’étais admiratif de la classe de Federer, de l’impression de facilité qu’il dégageait. Le tennis paraissait si simple quand il jouait.

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De simples mortels

Je me disais qu’il y avait un certain mérite à ce que ce joueur soit si bon. Ce n’était pas simplement le talent qui était récompensé, mais aussi une forme de perfection morale. Toute sa vie semblait parfaitement orchestrée autour de sa passion et elle paraissait être celle dont on devait tous rêver.

Et puis les années ont passé. Au fur et à mesure que notre esprit critique s’affine, notre regard change.

Ce qui nous intéresse n’est plus seulement ce qui se passe entre les lignes d’un court de tennis, mais aussi l’homme ou la femme derrière l’athlète. Quelles valeurs renvoie-t-il? Utilise-t-elle sa notoriété à bon escient? Et, surtout, son image publique est-elle conforme à ses actions?

Je me souviens encore de ce moment où nous avons appris qu’Oscar Pistorius était accusé du meurtre de sa compagne. Le coureur sud-africain était un modèle à suivre pour ceux qui repoussent les limites imposées aux personnes ayant un handicap. Lui, l’amputé des deux jambes, rivalisait avec les meilleurs valides sur le tour de piste. Un modèle d’abnégation, de refus d’accepter la différence.

Depuis la funeste nuit du 13 au 14 février 2013, la figure du héros a laissé place à celle du paria.

Rafael Nadal a fait le cheminement inverse dans mon esprit. De «l’ennemi» dont on souhaite la défaite, il est devenu un exemple. Non pas pour son jeu – bien qu’on ne puisse pas nier sa bravoure et sa pugnacité – mais pour le respect qu’il témoigne à ceux qu’il côtoie. Les témoignages sont multiples, du chauffeur de taxi à l’hôtesse d’accueil, en passant par le ramasseur de balles.

Bottes aux pieds et balai à la main, il n’avait pas non plus hésité à donner de sa personne pour aider des sinistrés après d’importantes inondations sur l’ile de Majorque, dans la Méditerranée, où il est né et où il réside toujours.

Statue indéboulonnable

Qu’elles le veuillent ou non, les vedettes ont une responsabilité morale envers leurs admirateurs et le public. C’est bien ainsi, étant donné que leur influence ne cesse de grandir avec l’avènement des réseaux sociaux.

Après des mois à tenter de retrouver son meilleur niveau, Rafael Nadal a finalement annoncé mettre un terme à sa carrière à la fin de la saison. 

Photo : Mikelokok – Wikimedia Commons

Le documentaire du youtubeur français Inoxtag sur sa récente ascension de l’Everest, intitulé Kaizen et vu des millions de fois, en est l’illustration parfaite.

Si la performance du jeune influenceur a été saluée par beaucoup, à juste titre, d’autres n’ont pas manqué de faire des critiques, pour la plupart constructives, de son initiative : cout financier et environnemental, participation à un tourisme de masse, placements de produits peu évidents…

À lire : À chacun son Everest

«Il faut savoir séparer l’homme de l’artiste.» Cette affirmation n’a jamais semblé aussi anachronique qu’aujourd’hui.

À l’heure où les statues d’illustres personnages historiques sont retirées de leur piédestal et où le mouvement #MoiAussi rappelle à l’ordre certaines vedettes masculines qui se croyaient intouchables, les célébrités ne peuvent plus mystifier leurs admirateurs par leur simple talent.

Gageons néanmoins qu’en raison des accomplissements de l’homme qu’elle représente, la statue de Rafael Nadal, inaugurée en 2021 à Roland-Garros, ne devrait pas, elle, être déboulonnée de sitôt.

Timothée Loubière est journaliste pupitreur au quotidien Le Devoir. Avant de poser ses valises au Québec en 2022, il était journaliste sportif en France, notamment au journal L’Équipe.

La situation est très précaire en ce moment pour le Parti libéral et aussi pour le Nouveau Parti démocratique (NPD). Certains prédisent même que ce sera le Bloc québécois qui formera l’opposition officielle.

Mais si l’impatience des conservateurs, et aussi de leurs électeurs, se comprend, est-ce en soi un argument pour que des élections générales soient déclenchées dès maintenant, c’est-à-dire à un an de la date prévue des prochaines élections?

Dans notre système politique, on ne gouverne pas par sondage. Ce ne sont pas eux qui décident qui doit être à la tête du pays ni quand les élections doivent être déclenchées.

À lire aussi : Peu de francophonie et beaucoup d’élections au menu des partis fédéraux

L’importance des règles électorales

Comme dans toute démocratie digne de ce nom, ce sont les résultats des élections qui désignent le parti politique qui formera le prochain gouvernement.

Le processus électoral fixe à l’avance les règles qui déterminent le vainqueur (est-ce le parti qui a remporté le plus de circonscriptions?, le plus de voix?, un mélange des deux?) ainsi que la durée du mandat du gouvernement.

Au Canada, la Constitution stipule que des élections doivent avoir lieu au plus tard tous les cinq ans. Mais le gouvernement fédéral et les provinces choisissent généralement de réduire la durée des mandats à environ quatre ans.

Est-ce donc dire que le gouvernement devrait avoir la possibilité de gouverner pendant toute la durée de son mandat, peu importe sa popularité ou son impopularité? Dans certains pays, la réponse est oui.

— Geneviève Tellier

C’est le cas aux États-Unis, par exemple. Les élections présidentielles se tiennent tous les quatre ans, le mardi suivant le premier lundi de novembre, sans possibilité de changer la date.

Ainsi un président fortement impopulaire (pensons à Jimmy Carter à la fin de sa présidence) restera en poste jusqu’à la fin de son mandat. Personne ne s’en offusquera : ce sont les règles du jeu.

Appui de la majorité

Au Canada, gagner une élection n’est pas une condition suffisante pour rester au pouvoir, bien qu’elle soit nécessaire.

Dans notre système parlementaire, lorsqu’un parti politique est porté au pouvoir, il doit être capable de compter sur l’appui d’une majorité de députés à la Chambre des communes pour continuer à gouverner, sinon il devra remettre sa démission.

Si le gouvernement est majoritaire, l’appui d’une majorité de députés s’obtient sans difficulté. Il serait vraiment surprenant qu’un gouvernement tombe en raison d’un mécontentement chez ses propres députés.

Mais si le gouvernement est minoritaire, nous entrons alors en période d’incertitude. Le gouvernement doit former des alliances avec d’autres partis ou des députés indépendants, le cas échéant, pour espérer demeurer au pouvoir durant tout son mandat.

C’est évidemment le cas qui nous intéresse ici. Nous avons actuellement un gouvernement fédéral minoritaire, ce qui veut dire qu’une élection peut survenir avant la fin de son mandat. Mais ce ne sont pas les sondages qui décident, mais bien les élus à la Chambre.

Ces députés doivent donc décider ce qui est préférable : appuyer le parti au pouvoir en espérant que ce dernier mettra en œuvre certaines de leurs idées ou s’opposer à ce parti quitte à déclencher des élections hâtives.

Le jeu des alliances

Jusqu’à ce qu’ils mettent fin à l’entente conclue avec les libéraux en aout dernier, les néodémocrates avaient choisi la première voie. Fait assez rare en politique canadienne, ils avaient même négocié une entente de plusieurs années, portant sur plusieurs thèmes.

En moins de trois ans, le NPD a obtenu de nombreux gains : protection accrue pour les travailleurs, programmes de soins dentaires, d’assurance médicaments et d’aide au logement, surtout pour les plus démunis, imposition accrue des institutions bancaires, cibles plus ambitieuses pour combattre les changements climatiques, etc.

Selon une compilation effectuée par Le Devoir en mars dernier, seulement 3 des 27 initiatives négociées dans le cadre de cette entente n’avaient pas été réalisées.

Dans ces conditions, quels nouveaux avantages les néodémocrates peuvent-ils espérer arracher au gouvernement? Aucun qui obtiendrait l’appui des libéraux, semble-t-il.

En déchirant avec grand éclat l’entente qui le liait aux libéraux, Jagmeet Singh a lancé le message qu’il n’avait plus de bonnes raisons de continuer à appuyer les libéraux.

Le Bloc québécois, quant à lui, a essayé de prendre la place du NPD et d’obtenir des concessions du gouvernement libéral au cours des dernières semaines. Il a soumis les deux dossiers qu’il juge prioritaires : la bonification des pensions et la protection du système de la gestion de l’offre.

Mais les libéraux ont montré très peu d’empressement à répondre aux demandes du Bloc. À vrai dire, le Bloc est devenu la cible des attaques des libéraux, qui lui reprochent notamment de «comploter pour la souveraineté du Québec». Dans de telles circonstances, il est difficile de voir comment les deux partis pourraient trouver un terrain d’entente.

Par conséquent, des élections devraient-elles être déclenchées?

Logiquement, oui

Il faut décréter des élections maintenant, car manifestement aucune collaboration ne semble plus possible entre le gouvernement libéral minoritaire et un autre parti de la Chambre.

Il ne faut pas désirer des élections parce que l’opposition officielle le veut (elle le voudra toujours) ou encore parce que les sondages ne sont pas favorables au gouvernement.

Il faut des élections parce que le Parti libéral est maintenant incapable de tisser des alliances qui lui permettraient de compter sur l’appui d’une majorité de députés à la Chambre pour assumer pleinement les fonctions de gouvernement. C’est ainsi que notre système politique fonctionne.

Geneviève Tellier est professeure à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa. Ses recherches portent sur les politiques budgétaires des gouvernements canadiens. Elle commente régulièrement l’actualité politique et les enjeux liés à la francophonie dans les médias de tout le pays.

La motion a été présentée par la ministre de l’Enseignement supérieur du Québec, Pascale Déry, et quatre membres de l’Assemblée nationale. Elle affirme le principe de la laïcité de l’État et la compétence provinciale exclusive en matière d’éducation supérieure pour justifier cette demande.

La représentante spéciale a récemment envoyé une lettre aux directions des établissements d’enseignement supérieur du Canada dans laquelle elle leur suggérait d’embaucher davantage de professeur·es arabes, palestinien·nes ou musulman·es pour enseigner.

Leur absence se fait notamment sentir au niveau de la diversité des points de vue sur les questions liées au pluralisme religieux. 

Selon Amira Elghawaby, la présence de ces professeur·es permettrait aux universités d’aborder la relation du Canada à l’occupation de la Palestine par Israël sous des angles qui demeurent négligés. Les demandes de boycottage d’Israël, qui ont un soutien limité mais réel du milieu universitaire, pourraient aussi faire l’objet d’un examen plus approfondi.

Une autre motion contre la représentante spéciale, déposée le même jour à l’Assemblée nationale, demandait carrément l’abolition du poste de la représentante spéciale du Canada chargée de la lutte contre l’islamophobie. 

Cette motion n’a cependant pas pu passer au vote parce que le parti Québec solidaire s’y est opposé parce que la Coalition Avenir Québec au pouvoir et le Parti Québécois ont refusé un amendement réclamant que le Québec se dote de son propre plan pour lutter contre l’islamophobie.

À lire : La loi 21 et l’Islamophobie 

Un simple prétexte

La seconde motion laisse toutefois voir la véritable cible de la première : non pas Amira Elghawaby ni ses propos, mais bien la lutte contre l’islamophobie elle-même.

Dès 2019, le premier ministre québécois, François Legault, affirmait qu’«il n’y a pas d’islamophobie au Québec». Il avait toutefois dû donner l’impression de se reprendre dès le lendemain, tout en maintenant «qu’il n’y a pas de courant islamophobe au Québec».

Par ailleurs, dès la nomination d’Amira Elghawaby au poste de représentante spéciale en janvier 2023, le gouvernement québécois avait demandé sa démission. C’était alors l’affirmation d’un sentiment antimusulman au Québec, lié à l’adoption de la Loi 21 et aux résultats d’un sondage d’opinion, qui avait choqué certains parlementaires de l’Assemblée nationale. 

Leur riposte avait consisté à accuser Amira Elghawaby d’avoir des sentiments antiquébécois, mettant sur le même pied la simple critique d’une loi avec une peur et une haine pourtant présentes au Canada en général et d’une manière spécifique au Québec. Il y a déjà eu nombre de débats publics et parlementaires, ainsi que l’adoption de lois, sur le sujet.

Il est donc difficile de croire que la demande est une véritable réaction aux propos récents d’Amira Elghawaby. N’oublions pas que le gouvernement fédéral finance plusieurs services universitaires, des programmes de bourses d’études, des programmes de subventions de recherche ainsi que des postes par l’entremise des Chaires de recherche du Canada

Plusieurs de ces services sont accompagnés de directives visant à promouvoir l’équité, la diversité et l’inclusion dans la sélection des candidat·es et à l’embauche. Ces éléments pourraient tout aussi bien être la cible des élu·es du Québec.

Au-delà des lieux communs

Les critiques à l’endroit d’Amira Elghawaby se composent en fait de condamnations et de simples affirmations générales sans référence à des réalités concrètes. 

Par exemple, en 2023, 200 personnalités avaient demandé que son poste soit aboli. L’un de leurs motifs visait l’emploi du terme «islamophobie», qu’elles jugeaient – à tort – être un terme militant. 

Leur lettre présentait plusieurs des lieux communs des discours refusant la lutte contre l’islamophobie. Au contraire de leurs affirmations, dans les discours publics, toute critique de l’Islam n’est pas considérée comme étant islamophobe. 

Nul ne demande que les préceptes de l’Islam soient respectés par les non-musulmans et nul ne demande que toute offense à l’Islam devienne un crime. Par ailleurs, les intégristes musulmans ne sont pas les principaux porte-paroles de l’État canadien sur la question de l’islamophobie. 

La lettre affirmait faussement que la Loi 21 ne viserait pas les femmes musulmanes. Certes, la loi elle-même se présente comme générale, comme doit l’être toute loi. 

Toutefois, son histoire, les circonstances de son adoption, ainsi que les personnes visées ou touchées par son application montrent que, si la loi s’applique bien à toute personne dans une situation d’autorité employée par l’État provincial, elle affecte d’abord et avant tout les femmes musulmanes et ne touche aucunement la grande majorité du reste de la population.

Le besoin de lutter contre l’islamophobie

De tels faux débats et de telles accusations et demandes permettent tout simplement d’empêtrer les processus et d’empêcher les critiques ou la transformation des lois et des institutions. Ils dominent les échanges publics et masquent la réalité en empêchant de la nommer.

Le terme «islamophobie» renvoie pourtant à une réalité concrète. 

Selon la sociologue Jasmin Zine de l’Université Wilfrid-Laurier, en Ontario, l’islamophobie est «une peur et une haine de l’Islam et des personnes musulmanes (et de celles perçues comme musulmanes) qui se traduisent en des actions individuelles et formes idéologiques et systémiques d’oppression qui soutiennent la logique et les motifs de relation de pouvoir spécifiques*.» 

Il ne s’agit donc pas simplement d’une forme de discrimination ni de racisme, bien que des personnes perçues comme arabes soient souvent aussi perçues comme musulmanes et traitées comme telles. 

L’islamophobie touche avant tout aux attitudes à l’égard de la religion. La lutte contre le racisme n’inclut donc pas automatiquement la lutte contre l’islamophobie.

Pour comprendre et agir sur ces actions et sur l’oppression systémique, nous avons besoin d’Amira Elghawaby, de son poste, et de la parole de personnes musulmanes. 

Surtout, nous devons écouter les femmes musulmanes, qui ont diverses façons de vivre leur religion. Ce n’est qu’à partir de leur expérience et de leurs connaissances que nous pourrons mener une lutte contre l’islamophobie.

 

* Traduction libre de la définition incluse dans le livre de Jasmin Zine, Under Siege: Islamophobia and the 9/11 Generation, Montréal, McGill-Queen’s University Press, 2022, page 14.

Jérôme Melançon est professeur en études francophones et interculturelles ainsi qu’en philosophie à l’Université de Regina. Ses recherches portent notamment sur la réconciliation, l’autochtonisation des universités et les relations entre peuples autochtones et non autochtones, sur les communautés francophones en situation minoritaire et plus largement sur les problèmes liés à la coexistence. Il est l’auteur et le directeur de nombreux travaux sur le philosophe Maurice Merleau-Ponty, dont La politique dans l’adversité. Merleau-Ponty aux marges de la philosophie (MétisPresses, 2018).