Les dix lauréats de 2023 rejoignent ainsi la longue liste de quelque 80 artisans de la francophonie canadienne précédemment inscrits au palmarès annuel des dix personnalités influentes de la francophonie canadienne dressé par Francopresse.
«Les lauréats ont des parcours inspirants qui témoignent de l’ampleur des efforts et de l’engagement qu’ils consacrent à assurer la pérennité et le rayonnement des communautés francophones partout au pays», commente Martin Normand, directeur de la recherche stratégique et des relations internationales à l’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne et président d’honneur du Palmarès Francopresse de 2023. Il a lui-même été lauréat au Palmarès de 2022.
Des membres de l’équipe de Francopresse et des représentants des journaux membres de Réseau.Presse ont déterminé qui s’inscrirait dans le Palmarès final, s’appuyant sur les candidatures soumises par les journaux membres de Réseau.Presse, de Saint-Jean de Terre-Neuve à Whitehorse.
Rose-Aimée Bélanger a passé les 50 dernières années à créer du beau. Chaque biographie qui circule rappelle que la sculptrice a renoué avec l’art à l’aube de la cinquantaine, après avoir élevé une famille nombreuse. Son envolée tardive et sa discrétion n’ont cependant pas été un frein à une carrière internationale. De son studio lumineux d’Earlton, dans le Nord de l’Ontario, elle a créé des dizaines de femmes, ses «femmes rondes», qu’elle représente amoureuses, au repos ou à la cueillette de petits fruits, toujours dans des poses qui évoquent la douceur et la chaleur. Ses plus connues sont les «Chuchoteuses», trois femmes absorbées par leur conversation, installées sur un banc du Vieux-Montréal. Rose-Aimée Bélanger a souligné son 100e anniversaire de naissance en juillet en dévoilant une nouvelle œuvre dans une galerie de Banff, quelques mois avant de rendre son dernier souffle.
Depuis 25 ans, Luc Bussières se consacre à la vitalité de l’éducation universitaire dans le Nord de l’Ontario. À titre de recteur de l’Université de Hearst, poste qu’il occupe depuis 2017, il a chapeauté l’indépendance de l’établissement et joue un rôle déterminant dans la réflexion – très active – sur l’avenir de l’éducation postsecondaire en Ontario français. Le legs de Luc Bussières s’étend au-delà de l’année qui s’achève ou de son mandat de recteur. Toujours soucieux de la pérennité de l’offre universitaire à Hearst, Kapuskasing et Timmins, il a été l’un des maitres d’œuvre de la transformation de l’établissement en participant à la mise en place d’un modèle peu commun d’enseignement par bloc.
Trèva Cousineau est une figure de proue de la francophonie ontarienne. Aujourd’hui établie dans la région d’Ottawa, elle influence l’ensemble de la francophonie ontarienne et canadienne depuis 50 ans. Elle n’en est pas à un honneur près. En décembre 2023, elle a été l’une des sept personnes nommées membres honoraires du Centre de la francophonie des Amériques. Dans les dernières années, elle a aussi été reçue à l’Ordre de la Pléiade et à l’Ordre de la francophonie des Amériques. Enseignante, diététiste et administratrice à la retraite, cette lève-tôt demeure fortement engagée dans son milieu. À l’heure actuelle, Trèva Cousineau siège à plusieurs comités locaux, régionaux et nationaux; elle est notamment présidente du Conseil sur le vieillissement d’Ottawa.
L’engagement d’Olivier Hussein dépasse largement les frontières de Dieppe, où il habite. Arrivé au Canada comme réfugié en 2009, le Congolais d’origine milite depuis plusieurs années pour la diversité et l’inclusion. Ses causes? L’immigration francophone, l’intégration communautaire des immigrants et des réfugiés et l’engagement communautaire des jeunes, en particulier des jeunes racisés. En 2023, il a pressé la Ville de Fredericton de renforcer les relations avec l’Afrique francophone afin de stimuler l’immigration. Il a aussi été nommé ambassadeur du Canada au Salon de la Diaspora africaine, une plateforme qui s’intéresse au développement de l’Afrique. Il y a présenté un atelier sur l’importance du bénévolat dans l’intégration professionnelle des jeunes de la diaspora.
Dans le cadre de ses fonctions à la Garderie du petit cheval blanc de Whitehorse, Leslie Larbalestier a dû relever le défi du manque de personnel. Étant passée elle-même par le parcours de l’immigration, elle est en mesure d’appuyer, comprendre et épauler efficacement les nouveaux arrivants francophones qui s’installent au Yukon. En collaboration avec Jocelyne Isabelle, elle a développé une trousse d’accueil, participe activement à la recherche de logements et organise des activités sociales qui visent l’intégration des personnes immigrantes à la culture franco-yukonaise. Elle-même originaire de la Belgique, elle s’assure que l’expérience d’immigration des autres soit la plus plaisante possible. Par son approche très humaine, elle a une incidence concrète sur les nouveaux arrivants et un effet majeur sur la francophonie de Whitehorse. En février 2023, la garderie où elle travaille a reçu le prix Connexion employeurs Réseau de Développement Économique et Employabilité du Canada (RDÉE) pour son engagement envers les personnes immigrantes au Yukon.
Avocat et professeur franco-ontarien, François Larocque participe activement à la recherche sur les enjeux linguistiques et à la défense des droits linguistiques de la minorité francophone au Canada. Titulaire de la Chaire de recherche sur la francophonie canadienne en droits et enjeux linguistiques, renouvelée en 2023, il agit aussi comme conseiller dans les grandes causes linguistiques et auprès du milieu associatif et communautaire. Il a notamment contribué à faire figurer les minorités linguistiques dans le projet de loi sur l’apprentissage et les services de garde (C-35) et s’est engagé dans la réforme de la Loi sur les services en français de l’Ontario et la Loi sur les langues officielles du Canada.
Jean-Marie Nadeau a joué un rôle capital dans le débat entourant le changement de nom de l’Université de Moncton. Tout a commencé par une lettre ouverte, publiée en février 2023, dans laquelle il revendiquait que l’Université de Moncton soit renommée «Université de l’Acadie»; Robert Monkton, qui a donné son nom à l’établissement, a été l’un des maitres d’œuvre de la déportation des Acadiens. Militant de longue date, il a mobilisé l’Acadie et la francophonie canadienne et a provoqué un débat d’idées. L’établissement a rejeté le changement de nom en décembre, mais qu’à cela ne tienne : il demeure un co-porte-parole très actif et déterminé du Comité citoyen pour le changement de nom de l’Université de Moncton. Soulignons par ailleurs que Jean-Marie Nadeau a consacré sa vie à la cause acadienne et à la cause syndicale.
L’année 2023 «est un beau cru» pour l’autrice-compositrice-interprète jazz-folk et réalisatrice fransaskoise Alexis Normand. Son documentaire «Assez French» a mis en lumière le lien entre sa famille exogame et le français et il a été sacré meilleur film franco-canadien aux Rendez-vous Québec Cinéma. Elle a été porte-parole des Rendez-vous de la Francophonie 2023, au cours desquels son documentaire a été projeté. Toujours en 2023, elle a lancé son troisième album solo, «Mementos», un acte de validation de son identité linguistique dans le contexte anglodominant de la Saskatchewan. Elle a aussi mené une campagne dans les réseaux sociaux pour faire tomber les préjugés à l’égard des accents et lutter contre l’insécurité linguistique.
Natalie Robichaud porte plusieurs chapeaux : elle est directrice générale de la Société acadienne de Clare, vice-présidente du comité organisateur du Congrès mondial acadien 2024, réalisatrice et étudiante à la maitrise. Le jury du Palmarès a remarqué son souci pour la préservation du patrimoine local et acadien. À titre de directrice générale, par exemple, elle cherche depuis longtemps à comprendre, avec ses collègues, pourquoi au juste la Baie Sainte-Marie regorge de talents. En résultent plusieurs initiatives, comme la transcription et l’archivage de l’œuvre de musiciens. Natalie Robichaud travaille aussi à la réalisation d’un documentaire sur l’histoire de la musique de Clare et le retour des contes dans la région. La première du documentaire, produit par l’Office national du film, est espérée pour l’été 2024, soit pendant le Congrès mondial acadien.
Si l’engagement jeunesse avait un visage, il aurait celui de Marguerite Tölgyesi. Depuis 10 ans, elle s’investit dans la cause francophone et pour la jeunesse. Elle a entrepris son parcours bénévole au comité Jeunesse Franco-Yukon, dont elle a été présidente, avant de s’engager au sein de la Fédération de la jeunesse canadienne-française, d’abord à titre de vice-présidente puis de présidente. En 2023, on a pu la voir sur plusieurs plateformes, portant une trentaine de cocardes, pour montrer l’étendue des possibilités inhérentes à l’engagement citoyen. À 25 ans, elle demeure engagée dans divers organismes. Elle a notamment voyagé en Tunisie pour l’Organisation internationale de la Francophonie. Marguerite Tölgyesi siège au conseil d’administration de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) et œuvre comme gestionnaire, Jeunesse pour l’Association franco-yukonaise.
Le développement de stratégies nationales visant l’amélioration des conditions de travail des prestataires de soins et des proches aidants s’est retrouvé au cœur d’un Sommet organisé par la CCEA au début du mois de novembre.
«C’était la première fois où j’étais parmi des gens qui ont vécu la même expérience, qui ont fait face aux mêmes problèmes», témoigne Lise Cloutier-Steele, proche aidante pour ses parents et autrice d’un guide pour aider les aidants à gérer l’expérience des soins de longue durée.
Solitude
Pour Lise Cloutier-Steele, il faut beaucoup de détermination et de force mentale pour être proche aidant.
Selon elle, il faut beaucoup de détermination pour faire face à la solitude. Elle rappelle en outre l’importance de prendre soin de sa santé mentale, car il est «difficile d’être disponible pour quelqu’un d’autre quand tu es déjà fatigué et puis au bout de ta courbe».
Le jour de l’hospitalisation de son père au centre de soins palliatifs, Lise Cloutier-Steele s’est sentie pour la première fois moins seule quand elle s’est retrouvée en présence d’une infirmière.
«Je lui ai demandé tout de suite où je dois aller pour chercher des draps pour changer son lit, puis toutes les autres choses, l’infirmière m’a regardée et m’a dit : “ici, tu ne fais pas ça, nous faisons ça à ta place et ton rôle est d’être sa fille”. J’aurais aimé ça si quelqu’un m’avait dit ça au foyer, juste une fois.»
Manque de soignants
Pour Lise Cloutier-Steele, les proches aidants sont aussi confrontés à un cadre soignant insuffisant. Lorsqu’elle rendait visite à son père atteint de démence au foyer, elle raconte avoir toujours été inquiète. À son arrivée, elle témoigne avoir vu à plusieurs reprises le sac à urine de son père rempli.
«Je me demandais pourquoi ce n’était pas une aide à l’infirmier qui voyait le sac par terre. Mais ce n’est pas parce qu’ils ne le voient pas, c’est parce qu’ils n’ont pas le temps de le voir.»
Selon la prestataire de soin Juanite Forde, les femmes dans le métier sont plus à risque de développer un épuisement mental dû au double travail en résidence et chez elles.
Pour elle, l’explication est simple : le personnel est en sous-effectif et la plupart ne détiennent pas d’avantages sociaux dans leur contrat, car ils ne sont pas à temps plein.
«C’est qu’ils vont d’un foyer à l’autre, puis c’est là qu’arrive la transmission de virus et de maladies», ajoute-t-elle.
L’inquiétude de Lise Cloutier-Steele sur les conditions de vie de ses parents se transformait en sentiment de culpabilité. Elle avait l’impression qu’elle n’était jamais capable de répondre à tous leurs besoins.
Malgré le stress et à l’anxiété, celle-ci raconte n’avoir jamais reçu d’aide ou de ressources pour mieux vivre les évènements.
Des services en crise
Du côté des prestataires de soin, la situation est également critique, alerte Juanite Forde, qui travaille dans une résidence pour personnes âgées depuis 15 ans. Leur santé mentale et leur bienêtre physique ne cessent de se détériorer, signale-t-elle.
Nous étions des héros pendant la pandémie, et puis, une fois que la pandémie s’est arrêtée et qu’elle disparait lentement, nous sommes désormais oubliés.
Selon elle, les femmes dans le métier sont plus à risque d’être touchées par l’épuisement mental, à force de s’occuper des malades et de leurs proches à la maison.
Les femmes ciblées
En 2022, 52 % des femmes âgées de plus de 15 ans ont déjà fourni des soins rémunérés ou non à des enfants et des adultes.
Source : Statistique Canada
De plus, les services existants ne permettent pas d’offrir un service adapté aux malades physiques et aux personnes atteintes des troubles mentaux graves, estime Juanite Forde.
Ces dernières années le nombre de personnes avec une forte déficience intellectuelle ne cesse d’augmenter, et les prestataires ne sont pas entrainés à s’occuper des cas les plus violents, explique-t-elle. «Notre formation n’offre pas suffisamment de sécurité pour que nous nous sentions en sécurité au travail ou pour que nous soyons protégés pour faire face aux obstacles.»
«Les gens reçoivent des coups de poing, des coups de pied, des gifles, des objets leur sont lancés, ou sont étouffés», témoigne-t-elle.
Les blessures peuvent causer des conséquences à court comme à long terme, et malgré les rapports d’incidents, rien ne s’améliore au sein des services, indique Juanite Forde. «Les gens doivent donc être blessés, maltraités, mentalement et physiquement avant que des changements puissent se produire dans ces associations.»
Appel au gouvernement
Pour améliorer la condition des prestataires de soin, il est impératif que le gouvernement et le ministère financent des programmes pour aider les aides-soignants, déclare Juanite Forde.
Selon James Janeiro, chaque jour des prestataires de soins et des proches aidants passent leur temps à s’occuper des malades sans avoir de bonnes conditions de travail.
«Nous pourrions fournir un service aux personnes ayant une déficience intellectuelle et physique et une déficience mentale, mais nous devons séparer la déficience physique et intellectuelle et la santé mentale», propose-t-elle.
Le gouvernement doit aussi fournir des moyens pour aider les proches aidants à prendre soin de leur bienêtre, souligne James Janeiro, directeur de la politique et des relations gouvernementales au CCEA.
«Il y a toujours des histoires de gens qui passent leur journée à prendre soin d’autres avec aucune aide, pas de service, pas d’aide de l’État, pas d’aide de nos gouvernements fédéraux ou provinciaux ou même des villes, des municipalités», signale-t-il.
Pour l’instant, les conversations avec le fédéral avancent dans le but d’améliorer la vie des proches aidants et des prestataires de soins à travers le Canada, indique James Janeiro.
Sans l’objectif commun de pouvoir offrir une perspective nationale aux lecteurs des journaux locaux francophones, Francopresse n’existerait pas.
L’histoire commence en 1988 avec Yves Lusignan, le tout premier journaliste embauché par l’Association de la presse francophone (APF) qui a lancé le service de nouvelles à partir de zéro.
«J’avais un bureau, évidemment vide, un téléphone à brancher. Et ensuite, il a fallu débuter quelque part», se souvient celui qui a dû établir tous les contacts nécessaires pour faire connaitre ce nouveau service .
Pour Sylviane Lanthier, ancienne rédactrice en chef de La Liberté au Manitoba, l’apport de ce service était important pour le réseau.
«Évidemment, on trouvait ça important d’avoir un service de presse qui pouvait servir tous les Franco-Canadiens qui étaient dans tous les territoires et toutes les provinces qui pouvait acheminer de l’information, et faire des textes que les journalistes locaux ne pouvaient pas faire», indique celle qui fut également membre du conseil d’administration de l’APF.
La fondation du service de nouvelles
Pour en savoir plus sur les origines du service de nouvelles, consultez la vidéo ci-dessous, dans laquelle on retrouve Yves Lusignan, premier journaliste à Francopresse, Sylviane Lanthier, ancienne rédactrice en chef de La Liberté et Marcia Enman, directrice générale de La Voix acadienne, à l’Île-du-Prince-Édouard.
L’évolution technologique
Au cours des 35 dernières années, la technologie a transformé la transmission de l’information à tous les égards.
Du télécopieur au courrier électronique, les artisans de la presse écrite francophone ont dû adapter leurs méthodes de travail.
Marcia Enman, qui œuvre pour La Voix acadienne depuis 1978, se souvient de la machinerie qu’il fallait utiliser pour publier un journal à chaque semaine.
«Nous autres, on avait des grosses machines. Ça s’appelait des CompuGraph. C’était une grosse dactylo. Beaucoup plus gros qu’un ordinateur. Il y avait des liquides dans ça. On tapait un texte et quand ça sortait, il fallait coller ça sur des pages de montage, etc.»
«Ensuite, est arrivé le miracle d’Internet», se souvient Yves Lusignan qui a travaillé au service de nouvelles de l’APF pendant près de quinze ans. L’APF, se souvient-il, a été très rapide pour faciliter la connexion à Internet des journaux membres de son réseau.
«On était assez en avance pour ça, tellement que je me rappelle, qu’un journaliste de Radio-Canada à Ottawa était venu au bureau faire un reportage sur cette merveille qu’on appelait Internet», raconte Yves Lusignan avec le sourire.
Consultez les témoignages de Marcia Enman, Yves Lusignan, Étienne Alary, ancien journaliste de Francopresse et directeur intérimaire au journal Le Franco, en Alberta, et Odette Bussière, directrice du journal Le Goût de vivre dans la région de Simcoe, en Ontario.
Francopresse est né
Au fil du temps, le service de nouvelles de l’APF est devenu Francopresse. En 2009, le premier site Francopresse.ca était mis en ligne pour diffuser ses contenus dans toute la francophonie canadienne.
Dans un souci de donner une plus grande visibilité aux nouvelles locales d’un peu partout au pays, Francopresse est aussi devenu une plateforme de diffusion des nouvelles produites dans les journaux membres de Réseau.Presse.
«Le fait de pouvoir avoir accès à Francopresse et avoir accès à des articles qui se consacrent à cette francophonie canadienne, c’est essentiel, c’est incontournable», estime Étienne Alary, directeur intérimaire du journal Le Franco, en Alberta.
Pour Odette Bussière, directrice du Goût de vivre, dans la région de Simcoe, en Ontario, Francopresse a contribué au rapprochement des francophonies au pays.
«Avec tout ce qui est couvert à partir de Francopresse, avec toute l’information qu’on peut obtenir, c’est comme si le pays n’est pas aussi grand qu’avant. […] On se rend compte que même si on ne vient pas nécessairement de la même province ou du même territoire, on finit par connaitre les francophones d’un bout à l’autre. Ça permet ces liens-là entre les diverses communautés.»
Un impact francophone
Consultez les témoignages de Yves Lusignan, Odette Bussière, Syliane Lanthier, Étienne Alary et Marcia Enman.
Aujourd’hui, Francopresse compte une équipe de journalistes solide, installée dans quatre provinces; une équipe engagée pour qui le journalisme de qualité est une priorité.
«On incite les gens à déguster un café plutôt qu’à l’avaler, à redécouvrir ses qualités gustatives, aromatiques et olfactives. Ça fait partie de notre travail d’éducation», partage Pierre Tardiveau, patron du Sens Cafe à Kingston, en Ontario.
À Calgary, Phil Robertson et Sebastian Sztabzyb torréfient eux-mêmes les grains de café qu’ils vont chercher à l’autre bout du monde.
Le Français a immigré il y a un peu plus de deux ans au Canada pour ouvrir son bar à café. Le passionné est intarissable sur la saisonnalité des grains, leurs différences de gouts selon leur variété, leur terroir d’origine et leur torréfaction.
«Un grain du Brésil sera plus chocolaté, alors qu’un autre provenant d’Éthiopie sera plus fruité et moins sucré», détaille l’ancien ingénieur qui a suivi des formations en caféologie pour devenir barista.
Caféologie
Derrière le comptoir, Pierre Tardiveau et ses deux autres baristas réalisent leurs espresso, cappuccino, macchiato et autre latte avec la précision de véritables horlogers. Pour préserver les notes rondes et voluptueuses du café, ils utilisent des techniques d’extraction dites douces et des cafetières, appelées V60 ou encore Chemex.
L’eau chaude traverse lentement une mouture plus grossière et moins compactée et reste plus longuement au contact du café, «révélant des arômes qui chatouillent les papilles comme du bon vin», explique Pierre Tardiveau.
Pierre Tardiveau, originaire de France, a ouvert Sens Cafe il y a un peu plus de deux ans à Kingston en Ontario.
Le lait est également émulsionné à 65 degrés afin de faire ressortir le sucre présent naturellement dans le gras.
«C’est très difficile de trouver un bon barista, ça prend des années de perfectionnement pour maitriser toutes ces techniques», prévient-il.
Sens Cafe fait partie de ces bars qui proposent du café de spécialité : un grand cru, cultivé dans les champs d’Amérique latine ou d’Afrique, qui ne représente que 1 % de la production mondiale.
«Ces endroits attachent une grande importance à la traçabilité, ils s’approvisionnent directement auprès de petits cultivateurs qu’ils connaissent, relève John Manzo, professeur associé de sociologie à l’Université de Calgary en Alberta. Ils torréfient eux-mêmes leurs grains pour garantir la meilleure qualité et la plus grande fraicheur.»
«Nous avons aussi une relation de proximité avec nos clients, nous défendons des valeurs communautaires et de partage», ajoute Pierre Tardiveau.
Vancouver, capitale du café
Au Canada, ces lieux se multiplient depuis le début des années 2000. Le premier à avoir ouvert ses portes est le Cafe Artigiano à Vancouver.
Vancouver n’avait pas de traditions en la matière, tout restait à inventer. Cela a permis au café de spécialité de s’implanter et de se répandre par la suite dans le reste du pays.
Le sociologue souligne également la proximité de Seattle, où la compagnie Starbucks est née en 1971. Vancouver est la troisième ville au monde à avoir accueilli un établissement de l’enseigne américaine en 1987.
Les trois vagues
Dans les années 1900, le café est avant tout considéré comme un moyen de rester éveillé, explique le sociologue John Manzo. Le café soluble, rapide et peu cher, voit le jour. La première vague représente donc la découverte du café et son intégration dans le quotidien. Il s’agit alors d’une consommation de masse, où les gens boivent du café pour ses effets et non pour ses qualités.
La deuxième vague apparait dans les années 1970 avec l’arrivée des chaines comme Starbucks, poursuit le spécialiste. La qualité s’améliore et les grandes entreprises popularisent des produits dérivés à base de café, comme le latte ou le cappuccino. Le café filtre s’impose également. Le café est élevé au rang de plaisir.
Avec la troisième vague, née au début des années 2000, le café devient un art. «La provenance des grains, les techniques de torréfaction et d’extraction sont mises de l’avant», observe Marion Bidault, directrice des opérations chez Phil & Sebastian, en Alberta.
Nouvel or noir de l’Alberta
L’art du café de spécialité a eu du mal à s’emparer de Toronto et Montréal. La présence d’importantes communautés italiennes constituerait une partie de l’explication, selon John Manzo.
«Il y avait déjà du café partout dans ces deux villes. Elles avaient leurs façons de faire, à l’ancienne, avec de vieux grains importés d’Italie, torréfiés parfois des mois avant d’être moulus.»
À Calgary, Phil Robertson et Sebastian Sztabzyb utilisent des méthodes d’extraction douce et des cafetières Chemex pour préserver les arômes du café.
Plus de vingt ans plus tard, le paysage a bien changé. Le sociologue assure que les habitants de ces deux métropoles ont désormais une «fabuleuse scène du café» à portée de tasse.
«Certaines boutiques proposent sept types de grains différents à partir desquels vous pouvez faire votre espresso, c’est incroyable… Les propriétaires doivent investir des centaines de milliers de dollars dans l’achat de moulins et de machines à espresso très haut de gamme», rapporte-t-il.
À l’Ouest, l’Alberta est devenue le nouvel eldorado du café de spécialité. À Calgary, trois pionniers se taillent une place de choix dans le marché : Phil & Sebastian Coffee Roasters, Rosso Coffee Roasters et Monogram Coffee.
Là encore, comme à Vancouver, John Manzo attribue ce boum à l’absence de tradition du café : «Avec l’esprit d’entreprise qui caractérise la ville, ça a laissé de la place à plus d’innovation.»
Ce sont les acolytes Phil Robertson et Sebastian Sztabzyb qui ont lancé le bal. En 2007, ils ouvrent un premier café dans l’enceinte du marché fermier de Calgary. Seize ans plus tard, ils possèdent neuf établissements, emploient 45 baristas et deux maitres-torréfacteurs.
À lire aussi : Une entreprise de café dédiée à revitaliser la culture inuite (Le Nunavoix)
Des lieux de sociabilité
Le duo d’anciens ingénieurs maitrise toute la chaine de production du choix du grain vert jusqu’à la torréfaction. Une fois par an, ils se rendent dans des pays producteurs en Afrique et en Amérique latine pour visiter des plantations à la recherche de la nouvelle pépite.
À leur arrivée à Calgary, les grains sont congelés afin de «préserver leur qualité et de conserver leurs arômes pendant plusieurs mois, à l’abri des variations de température», précise Marion Bidault, directrice des opérations chez Phil & Sebastian.
À Calgary, Phil & Sebastian possède neuf établissements, emploie 45 baristas et deux maitres-torréfacteurs.
Ils sont ensuite torréfiés selon une méthode brune : une torréfaction légère qui donne un côté beaucoup plus doux au produit final.
Les grains torréfiés de Phil & Sebastian se retrouvent jusque dans les percolateurs de Montréal. «Notre réputation d’avant-gardisme a maintenant dépassé les frontières de la province, et ce, jusque sur la côte Est», assure Marion Bidault.
D’un bout à l’autre du pays, l’engouement pour le café de spécialité ne se dément pas.
«C’est un marché très dynamique, encore en pleine croissance chez les 25-40 ans. Les gens sont curieux et préfèrent de plus en plus consommer moins, mais mieux», affirme Pierre Tardiveau.
«Ces bars à café sont toujours très populaires. On y vient aussi pour bouquiner, se rencontrer, envoyer des courriels. C’est un espace de liberté, de bienêtre», confirme John Manzo.
Fous de café
Les Canadiens se classent sixième parmi les consommateurs de café dans le monde. Selon un récent rapport de l’Association canadienne du café, 71 % des Canadiens boivent au moins une tasse par jour.
Ils sont nombreux à la boire chez Tim Hortons. «Beaucoup de travailleurs vont là-bas pour avoir quelque chose de bon marché qui les maintient éveillés, c’est un mécanisme de distribution de caféine», considère John Manzo, sociologue à l’Université de Calgary.
Aux yeux du chercheur, c’est également un lieu de sociabilité pour les personnes âgées : «Elles sont là pour l’expérience sociale et veulent pouvoir rester assises longtemps pour discuter.»
Vous l’avez sans doute lu ou entendu quelque part. Le mercredi 29 novembre dernier, le Comité international olympique a annoncé ouvrir un «dialogue ciblé» avec la France pour les Jeux olympiques d’hiver de 2030.
Une manière polie d’annoncer que, sauf catastrophe majeure, les Alpes françaises succèderont à Milan et à Cortina d’Ampezzo, villes italiennes hôtes de l’édition de 2026.
Sans doute échaudés par les nombreux déboires que connait l’organisation des Jeux olympiques de Paris 2024, les Français n’ont pas sauté de joie en apprenant la nouvelle. Ils risquent de s’en mordre les doigts, car c’est peut-être bien une des toutes dernières fois que la France pourra accueillir cette prestigieuse compétition hivernale.
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En aout dernier, une étude a montré qu’avec un réchauffement de la planète de + 3 °C, 91 % des stations de ski européennes seraient menacées de fermeture d’ici 2100.
En France, où près de 150 stations font déjà partie de l’histoire ancienne, skier dans les Pyrénées pourrait devenir quasi impossible vu que 98 % des stations sont en danger.
En première ligne, les athlètes internationaux ont déjà dû faire évoluer leur pratique. Terminés les stages estivaux sur les glaciers alpins. L’Amérique du Sud est devenue la nouvelle destination privilégiée pour leurs entrainements de présaison.
Déjà limitées dans le temps, les compétitions annuelles sont, elles, de plus en plus incertaines. Si cette saison ce sont les chutes de neige et les fortes rafales qui les ont mises à mal, l’hiver dernier, c’était les températures anormalement élevées en Europe entre mi-décembre et mi-janvier qui ont entrainé des annulations en cascade.
À tel point que plusieurs athlètes, dont la vedette féminine américaine de ski alpin Mikaela Shiffrin, ont appelé la Fédération internationale de ski et de snowboard à faire plus d’efforts en faveur de l’environnement.
À tel point aussi que le biathlète français Quentin Fillon Maillet a dû ressortir ses skis à roulettes, qu’il n’utilise normalement que l’été, pour pouvoir s’entrainer lors de la période de Noël dans le massif du Jura.
Quelques arpents de neige… en moins
Si les canons à neige parviennent parfois à sauver les meubles, personne n’est dupe.
De plus en plus de compétitions de ski de fond se déroulent sur de minces pistes enneigées, dont la blancheur tranche singulièrement avec le reste du décor, presque printanier.
On se souvient aussi des controverses entourant les derniers Jeux olympiques d’hiver, qui se sont disputés à Pékin en 2022, dans une zone géographique qui ne reçoit que 3 cm de neige par année. Le monde à l’envers.
Au Canada, la problématique est plus difficile à saisir. De façon contrintuitive, certains chercheurs ont montré que le réchauffement climatique va de pair avec une hausse des chutes de neige, en raison du déplacement de l’air arctique vers le sud.
Une autre étude québécoise de 2019 prédit que les stations de ski vont devoir s’adapter d’ici 2050, parce que la saison risque d’être réduite de 10 à 20 jours et la longueur des pistes de 20 à 30 %.
Des athlètes de Nouvelle-Écosse ont témoigné l’hiver dernier de leurs difficultés à s’entrainer sur leurs terres et ont dû voyager au Nouveau-Brunswick ou au Québec pour se préparer convenablement.
«Nos centres de ski n’ont pas été en mesure de fabriquer assez de neige et de recevoir suffisamment de neige naturelle pour construire des parcours convenables», expliquait à Radio-Canada Alex Ryan, l’entraineur-chef de l’équipe provinciale de style libre et directeur technique de Planche à neige Nouvelle-Écosse.
Du ski au milieu du désert
Rassurez-vous néanmoins, le génie humain est en train de trouver la parade pour que nous puissions continuer à skier en toute tranquillité.
Puisque la neige se raréfie dans les régions où elle abondait historiquement, allons donc dans les pays où elle n’existait pas!
Vous avez surement entendu parler de la plus grande piste de ski intérieure, qui se situe dans un centre commercial de Dubaï? Et bien, ça a donné des idées au voisin saoudien, qui va accueillir les Jeux asiatiques d’hiver de 2029.
Oui oui, vous avez bien lu, des épreuves de ski, de planche à neige et de patins vont se dérouler dans un pays désertique, aux températures élevées, même si elles sont parfois légèrement négatives dans les montagnes du Nord-Est (mais les précipitations y sont faibles).
Pour cela, le pays du Golfe, qui ne se refuse rien, prévoit de construire une mégalopole futuriste nommée Neom, moyennant des centaines de milliards de dollars.
Tout cela n’est pas vraiment au gout de Greenpeace, qui dénonce un projet dangereux pour les écosystèmes de la région.
Polluer pour contrer les effets du réchauffement climatique, c’est le serpent qui se mord la queue. Skions donc dans la péninsule arabique. Cela nous permettra, dans quelques années, d’assister au Paris-Dakar dans les Rocheuses canadiennes.
Timothée Loubière est journaliste pupitreur au quotidien Le Devoir. Avant de poser ses valises au Québec en 2022, il était journaliste sportif en France, notamment au journal L’Équipe.
François Choquette veut protéger les langues officielles dans les investissements futurs en lien avec le numérique.
Après l’entente pour un investissement de 500 millions de dollars sur cinq ans entre Netflix et Patrimoine canadien (PCH) en 2017, François Choquette a accusé le ministère de ne pas avoir respecté la partie VII de la Loi sur les langues officielles (LLO).
L’entente réservait 25 millions de dollars de cette enveloppe pour le marché francophone. À ce jour, il n’est toujours pas possible de démontrer la somme réelle qui a été investie dans ces communautés.
François Choquette a alors déposé une plainte au Commissaire aux langues officielles (CLO) qui a jugé, en 2019, à la suite d’une enquête, qu’elle n’était pas fondée.
Remettant en question la rigueur de l’enquête, François Choquette a fait demande à la Cour fédérale pour un contrôle judiciaire.
«C’est important ce combat-là, pour le respect des langues officielles, pour le respect de la francophonie, qu’une décision soit prise d’une manière favorable aux francophones partout au pays», insiste François Choquette.
«Le CLO n’a pas enquêté sur les obligations prévues à l’article 43»
La tension était donc palpable mercredi matin, dans la salle d’audience de la Cour fédérale du Canada, sur la rue Sparks, à Ottawa.
L’avocate du demandeur, Me Millie Lefebvre, de Juristes Power, a fait de l’article 43 de la Loi sur les langues officielles son cheval de bataille. Selon elle, l’enquête du CLO a manqué de rigueur face à cet article.
«Durant son enquête portant sur l’entente Netflix, le CLO n’a pas enquêté sur les obligations prévues à l’article 43 de la LLO et a omis de traiter de cet article de manière distincte dans son rapport final d’enquête, peut-on lire dans le mémoire de l’avocate. […] Il n’a pas démontré être attentif et sensible à la question qui lui était soumise concernant l’article 43», affirme-t-elle.
«Il y a une aberration dans le déroulement de cette enquête-là», a lancé François Choquette en entrevue avec Francopresse.
Dans l’ancienne Loi sur les langues officielles, l’article 43 stipule que «le ministre du Patrimoine canadien [doit] prend[re] les mesures qu’il estime indiquées pour favoriser la progression vers l’égalité de statut et d’usage du français et de l’anglais dans la société canadienne».
La nouvelle Loi sur les langues officielles est entrée en vigueur en juin 2023. Bien que citée lors de l’audience à titre de comparaison, l’avocat de la défense s’est basé solennellement sur la version antérieure de la Loi, soit celle utilisée lors de l’enquête du CLO.
Lors de l’audience, Me Millie Lefebvre a aussi mentionné la section f) de l’alinéa 1 de l’article 43 qui se lit comme suit :
«Pour encourager les entreprises, les organisations patronales et syndicales, les organismes bénévoles et autres à fournir leurs services en français et en anglais et à favoriser la reconnaissance et l’usage de ces deux langues, et pour collaborer avec eux à ces fins».
«Pour une plainte qui vise Patrimoine canadien dans l’entente Netflix qui va fournir des services au Canada, a-t-elle dit, le demandeur est d’avis que l’article 43.1.f. devait être considéré dans l’enquête, parce que c’est l’exercice même de [l’article].»
Mieux encadrer la Loi sur investissement Canada
Selon François Choquette, il est tout de même important de prendre en compte l’article 43 afin de mettre en lumière la «dynamique canadienne» lorsqu’il s’agit d’investissements liés à la diffusion sur demande de plateformes numérique.
L’entente entre Netflix et PCH a été conclue en 2017 en vertu de la Loi sur investissement Canada. François Choquette croit que cette dernière «n’a prévu aucun mécanisme pour faire respecter les communautés des langues officielles partout au pays».
C’est pour ça qu’on veut que l’enquête soit refaite, pour que la prochaine fois qu’on va avoir des investisseurs, ils soient au courant de l’importance de la Loi sur les langues officielles et respectent le fait français au pays.
Il est d’avis que «si on avait tenu en compte l’article 43, la plainte aurait été encore fondée et l’enquête aurait pu suivre son cours», a-t-il insisté. «On n’a aucune recommandation du Commissariat à Patrimoine canadien pour qu’il encadre mieux les investissements futurs dans le numérique.»
«Je ne veux plus jamais que ça se reproduise», a soutenu François Choquette.
Le juge rendra sa décision au courant de l’année 2024.
Le président et chef de la direction de Médias d’Info Canada, Paul Deegan, a conclu une entente avec l’ACR et CBC/Radio-Canada pour assurer la distribution des redevances que Google a consenti à verser aux médias canadiens pour se conformer à la Loi sur les nouvelles en ligne (projet de loi C-18).
Malgré l’entente conclue entre Médias d’Info Canada, l’Association des radiodiffuseurs canadiens et la société CBC/Radio-Canada, Google confirme n’être encore arrivé à aucun accord avec un groupe de médias canadiens au sujet de la distribution des 100 millions de dollars de redevances qu’il s’est engagé à verser.
Médias d’Info Canada s’offre de recevoir directement les 100 millions de dollars de Google et d’ensuite remettre aux autres parties de l’entente la part qui leur revient.
«Google, d’après ce que nous avons compris, veut faire un seul chèque au collectif. Ce que nous avons dit, c’est que nous, Médias d’Info Canada, pouvons recevoir l’argent de Google, et ensuite nous ferons des chèques à l’Association canadienne des radiodiffuseurs et à CBC», a confirmé Paul Deegan à Francopresse.
«Nous avons eu une discussion rapide avec l’ACR et CBC et nous avons décidé que c’était la manière la plus rapide de procéder», précise-t-il.
Selon le règlement afférent à la Loi sur les nouvelles en ligne, qui est entrée en vigueur le 19 décembre, 7 % de l’enveloppe de Google iront à CBC/Radio-Canada, 30 % aux radiodiffuseurs et télédiffuseurs admissibles, titulaires d’une licence du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) et les 63 % restants aux médias imprimés et numériques admissibles.
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Aucun accord entre Google et un groupe de médias
L’annonce de Médias d’Info Canada a cependant fait réagir Google, qui a confirmé à Francopresse qu’il n’avait conclu aucun accord en ce sens avec quelque groupe de médias canadiens que ce soit.
Le bureau de la ministre du Patrimoine canadien se contente de réitérer que le règlement, dévoilé le 15 décembre, prévoit que le secteur des médias peut mettre en place un collectif qui assurera la distribution équitable des redevances.
Le chef de la direction de Médias d’Info Canada clame néanmoins que la solution qu’il propose permettra de distribuer les indemnisations rapidement aux médias admissibles.
«C’est dans l’intérêt de Google, car plus vite l’argent circulera, plus vite il obtiendra son exemption. […] Nous sommes donc convaincus que nous pouvons régler cette question entre nous et que les fonds seront versés relativement rapidement», assure Paul Deegan.
Les médias minoritaires s’opposent à la proposition
Si cette entente peut prévoir une distribution rapide des fonds, elle a été conclue sans consulter les médias en situation linguistique minoritaire.
Ces médias sont pourtant réunis depuis 2016 au sein du Consortium des médias communautaires de langues officielles en situation minoritaire, dont fait notamment partie Réseau.Presse, éditeur de Francopresse. Ce Consortium représente quelque 105 journaux et stations de radio en situation minoritaire aux quatre coins du Canada.
La coordonnatrice et agente autorisée du Consortium, Linda Lauzon, déplore que «malgré ce que la ministre St-Onge [de Patrimoine canadien] nous avait promis il y a deux semaines quant à l’indépendance d’un collectif responsable de l’attribution des fonds selon les critères établis, nous ayons été mis devant le fait accompli par News Media Canada [Médias d’Info Canada]».
Brenda O’Farrell craint que les médias communautaires en contexte minoritaire n’aient pas de voix dans la négociation des redevances.
Elle insiste cependant pour souligner que «pour la mise en œuvre de C-18, le gouvernement fédéral a des obligations qui découlent directement de la nouvelle loi sur les langues officielles» et elle entend bien les rappeler au gouvernement.
Pour sa part, Brenda O’Farrell, présidente de la Quebec Community Newspapers Association (QCNA), qui est aussi membre du Consortium et qui représente 28 journaux anglais au Québec, se dit très préoccupée si le scénario évoqué par Médias d’Info Canada venait à se concrétiser.
«Je pense qu’ils vont faire une grande erreur si la manière que les fonds sont distribués n’est pas faite comme il faut. […] Il n’y a personne à la table qui représente les médias communautaires, les médias de langue officielle en situation minoritaire. Ils devraient être là aussi.»
La nouvelle loi stipule que, pour être admissibles à une indemnisation, les médias doivent employer l’équivalent d’au moins deux journalistes à temps plein. Une condition qui préoccupe Brenda O’Farrell.
«Juste en regardant les critères, je dirais qu’une majorité de médias communautaires ne seront pas éligibles», s’inquiète la présidente de la QCNA.
«Les grands journaux, ils ont coupé déjà. Ils ont dit : “On ne fait pas de la petite nouvelle” dans des endroits partout au pays. Mais c’est ça que les journaux communautaires font, et ils risquent d’être bloqués si c’est News Media Canada qui gère tout ça.»
Des millions en frais administratifs
Le chef de la direction de Médias d’Info Canada soutient que son organisme ne réclamera pas de frais d’administration pour la distribution des 100 millions de dollars avec CBC/Radio-Canada et l’ACR. Il n’exclut toutefois pas le recouvrement de couts liés à la distribution des fonds aux médias écrits et numériques canadiens.
«Nous devrons voir ce que nous engageons en frais juridiques ou comptables, en frais bancaires et autres», indique Paul Deegan. Il laisse entendre que les sommes prélevées seraient cependant justifiées par les frais encourus.
Le règlement précise que les frais administratifs doivent être «raisonnables» et cite en exemple le Fonds des médias du Canada et le Conseil des arts du Canada qui «ont des frais administratifs variant entre 5 et 6 %». Un calcul rapide montre que les frais touchés par Médias d’Info Canada pourraient atteindre jusqu’à 3,78 millions de dollars.
Sur les réseaux sociaux, à la télévision et dans les journaux : des images de bébés morts et des corps empilés, des fake news, des stratégies médiatiques parfaitement huilées. La terreur envoyée directement dans nos rétines, qui nous empêche de réfléchir, de réagir.
L’ignorance, face à la complexité d’un conflit qui s’étale depuis 75 ans, qui nous empêche de prendre position. Par peur de mal dire, de mal faire, de mal comprendre. L’envie de laisser ça aux autres, à ceux et celles qui connaissent les enjeux, qui les maitrisent.
Mais nous ne pouvons rester sans rien dire, sans rien faire. Nous ne pouvons être complices.
Le 7 octobre dernier, Israël sombrait dans l’horreur. En l’espace de quelques heures, 1200 civils sont massacrés par le Hamas, aidé par d’autres groupes, dans les kibboutz frontaliers de Gaza.
Les représailles ne se font pas attendre : le gouvernement israélien lance une vaste offensive militaire sur l’enclave palestinienne.
Deux mois plus tard, les bombes continuent de pleuvoir. Près de 18 000 Gazaouis ont été tués depuis le début des hostilités, dont plus de 5 000 enfants. On estime à 50 000 le nombre de personnes blessées, et plus de 3 000 personnes sont portées disparues, probablement ensevelies sous les décombres.
Plus de la moitié de la population vit actuellement dans des tentes et autres abris de fortune.
Les tirs ciblent également les hôpitaux et les infrastructures vitales, tels que les routes, les réservoirs d’eau et les moyens de transport, ce qui a pour conséquences de priver la population de ses droits les plus élémentaires.
N’ayons pas peur des mots
Bien entendu, l’attaque du Hamas est impardonnable. Les crimes contre l’humanité perpétrés le 7 octobre, et notamment les violences sexuelles commises sur des femmes israéliennes, doivent être sanctionnés. Le recours au viol comme arme de guerre est une ignominie sans nom.
Mais nous assistons aujourd’hui à l’extermination pure et simple du peuple palestinien par les forces israéliennes. À ce qu’il nous faut nommer un génocide.
Nous pouvons à la fois condamner fermement les actes du 7 octobre et soutenir le peuple palestinien. Les deux positions ne sont pas antagonistes.
Bien au contraire, il est de notre devoir de rappeler que ces combats sont intrinsèquement liés : la libération des femmes et des minorités est indissociable de la libération des peuples opprimés.
Nous ne pouvons nous libérer du patriarcat sans renverser les systèmes coloniaux, capitalistes et suprématistes blancs du monde entier.
Voilà plus de sept décennies que la population palestinienne endure et résiste avec une détermination sans faille à l’occupation de ses terres et à la violation constante de ses droits fondamentaux.
Ces violations comprennent des déplacements forcés, des arrestations arbitraires, des restrictions sévères à la liberté de mouvement et un accès limité à l’eau potable et aux soins de santé.
Tout cela sous le regard complice de la communauté internationale.
Ne restons pas les bras croisés
Les décennies de tensions, de guerres, d’occupation et de revendications territoriales ont créé un cycle de violence difficile à rompre et ont mené aux conditions idéales du drame qui se joue sous nos yeux.
Nous ne pouvons plus aujourd’hui détourner le regard.
Nous devons exiger un cessez-le-feu absolu et la libération des otages israéliens et palestiniens.
Nous devons nous mobiliser et intervenir de toutes les manières dont nous en avons le pouvoir collectif, que ce soit par le boycottage des entreprises qui soutiennent Israël ou en tenant les personnes que nous portons au pouvoir responsables de leur absence de réaction.
Partout dans les rues, les mobilisations se multiplient. Rejoignons-les. Unissons nos voix.
«Je ne suis pas libre tant que n’importe quelle autre femme est privée de sa liberté, même si ses chaines sont très différentes des miennes», écrit la poétesse et militante féministe américaine Audre Lorde.
Nous ne serons jamais libres tant que la Palestine ne le sera pas. Agissons, maintenant.
Originaire de Belgique, Julie Gillet est titulaire d’une maitrise en journalisme. Militante éprise de justice sociale, voici près de quinze ans qu’elle travaille dans le secteur communautaire francophone et s’intéresse aux questions d’égalité entre les genres. Elle tire la force de son engagement dans la convergence des luttes féministes, environnementales et antiracistes. Elle vit aujourd’hui à Moncton, au Nouveau-Brunswick.
Les chiffres sont sans appel. En 2022, 6,9 millions de Canadiens (17,4 % de la population) vivaient dans des ménages en situation d’insécurité alimentaire dans les dix provinces. Ce qui représentait 1,1 million de plus qu’en 2021. C’est la conclusion du dernier rapport (en anglais) sur le sujet réalisé par le programme de recherche PROOF de l’Université de Toronto.
Selon un autre rapport de Banques alimentaires Canada publié en octobre dernier, les banques alimentaires du pays ont enregistré près de 2 millions de visites en mars 2023, soit une hausse de 32 % par rapport à l’année dernière. «Un niveau sans précédent», alerte l’organisme.
Qu’est-ce que l’insécurité alimentaire?
Cela peut aller de la crainte de manquer de nourriture, à l’incapacité de s’offrir une alimentation équilibrée, en passant par le fait d’avoir faim et dans les cas extrêmes, ne pas manger pendant plusieurs jours, décrit le programme de recherche PROOF dans son étude.
Mais l’insécurité alimentaire ne se limite pas à un problème de nourriture; elle reste le marqueur d’une «privation matérielle généralisée», signale le rapport.
Derrière les chiffres, les collectifs s’activent. «Au début, on avait entre 5 et 10 bénéficiaires […] Là, on est entre 20 et 25 personnes francophones qui viennent nous voir toutes les semaines pour nous solliciter pour les sacs de la banque alimentaire», raconte Khadim Khadim Gueye, responsable de l’engagement communautaire à La Boussole, un organisme qui vient en aide aux francophones en situation de précarité à Vancouver, en Colombie-Britannique.
Au sein de l’organisme franco-colombien La Boussole, la demande pour l’aide alimentaire est toujours plus forte.
«Nos bénéficiaires font de plus en plus appel à nos services, de plus en plus souvent», complète Aurélien Derozier, responsable des communications.
Pour s’adapter à la demande, La Boussole a mis en place un programme de sac alimentaire pour les personnes vivant dans des situations plus précaires. «On a essayé de nous adapter, de nous réinventer un petit peu», ajoute Khadim Gueye.
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Nouveaux visages
Les bénéficiaires affluent, et les profils changent. «Il y a de plus en plus de familles, ainsi que des personnes qui ont un emploi, un logement, qui viennent nous voir pour avoir accès notamment à l’alimentaire, parce qu’ils ont du mal à “joindre les deux bouts”», témoigne-t-il.
Car le simple fait d’avoir un emploi ne suffit pas, ou du moins ne suffit plus. Selon le rapport de PROOF, plus de la moitié des ménages en situation d’insécurité alimentaire (60,2 %) dépendent de revenus d’emploi.
«Nous, globalement, la seule chose qu’on peut faire, c’est d’essayer d’avoir plus de financement, de créer plus de partenariats pour pouvoir proposer plus de services», déclare Aurélien Derozier, responsable des communications à La Boussole.
«Il y a une augmentation de la précarité […] et pas uniquement sur l’alimentaire, c’est sur tous les secteurs», remarque Aurélien Derozier.
En cause, notamment, selon lui : le prix des loyers et le cout de la vie, qui atteignent des sommets.
Énoncé économique : priorité au logement (Chronique)
«C’est un besoin qui est relativement récent», commente Aurélien Derozier.
Selon un récent sondage Ipsos, 24 % des Canadiens s’attendent à avoir besoin de services de bienfaisance dans les six mois à venir pour répondre à leurs besoins essentiels. Parmi les personnes qui font déjà appel à ces aides, 7 sur 10 (69 %) disent que c’est la première fois.
«Plein de gens ont perdu leur emploi à cause du Covid et donc sont rentrés dans une vague de précarité à ce moment-là, relate le responsable. Il y avait des aides. Partout, les gouvernements ont injecté, notamment dans les organismes types La Boussole. […] Il y a eu une augmentation des services distribués. Et là, ces financements sont coupés.». Mais pas la demande.
Contexte minoritaire
Les bénéficiaires francophones de La Boussole ont de plus en plus de besoins, note-t-il. «Quand on ne maitrise pas parfaitement l’anglais […] il y a plein de services auxquels on a moins accès ou pas accès du tout. Tout devient plus difficile.»
Aurélien Derozier cite en exemple les délais administratifs qui s’allongent lorsqu’une traduction est nécessaire, ou les services médicaux non délivrés en français.
Quand tu vois que tu as la barrière de la langue, ben oui, tu as une précarité en plus.
«Le bassin de personnes vulnérables s’est largement accru», observe de son côté Carole C. Tranchant, professeure à l’Université de Moncton et coautrice du rapport Visages de l’insécurité alimentaire des francophones des Maritimes, publié en 2018. «C’est avant tout un problème de pauvreté économique», poursuit-elle.
Pour la chercheuse, le fait d’être francophone en contexte minoritaire peut être un facteur aggravant mais le déterminant majeur de l’insécurité alimentaire reste «le revenu disponible».
Nouveaux arrivants et personnes âgées
Parmi les populations les plus vulnérables, la chercheuse cite les étudiants, mais aussi les personnes âgées en milieu rural isolé avec un revenu fixe. «Il y a beaucoup de personnes âgées qui apparaissent maintenant dans les statistiques; des personnes qui sont à la retraite, mais qui doivent retourner au travail.»
Khadim Gueye est responsable de l’engagement communautaire à La Boussole, un organisme communautaire francophone à Vancouver, en Colombie-Britannique.
À La Boussole, Khadim Gueye évoque aussi le cas particulier des réfugiés. «Beaucoup sont déjà dans une situation précaire et quand ils arrivent ici, ils ne parlent pas bien français et pas anglais, donc ça fait que la précarité augmente.»
Aurélien Derozier s’interroge d’ailleurs sur la capacité du pays à accueillir toujours plus d’immigrants. «La précarité reste la même, alors que plus de personnes arrivent, et là où elles arrivent, il n’y a pas forcément la capacité de leur proposer le service dont elles ont besoin, ou l’emploi qu’elles sont venues trouver.»
Selon le rapport de Banques alimentaires Canada, 26,6 % des clients des banques alimentaires sont des nouveaux arrivants.
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Filet de sécurité sociale
Dans leur rapport, les chercheurs de PROOF recommandent aux décideurs publics de cibler «les causes profondes de l’insécurité alimentaire des ménages, et non ses symptômes» : «Ils doivent avant tout réexaminer les programmes qui constituent notre filet de sécurité sociale.»
L’organisme préconise ainsi d’augmenter les prestations d’aide sociale, mais surtout de les indexer sur l’inflation. Il propose en outre d’établir un programme de revenu de base.
«La réduction de l’insécurité alimentaire nécessitera des efforts concertés de la part des gouvernements fédéral et provinciaux», peut-on lire dans la conclusion du document.
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Revenu viable et dignité
L’organisme communautaire La Boussole propose une fois par semaine un service de banque alimentaire.
«Depuis des décennies les experts préconisent de régler le problème en s’attaquant à la pauvreté : le revenu minimum de base indexé au cout de la vie, puis à l’inflation», tranche Carole C. Tranchant.
Au lieu de toujours mettre à l’avant le revenu minimum, la professeure suggère plutôt de parler de «revenu viable» : «Un revenu qui permet de mener une vie digne, exempte de pauvreté économique.»
Selon elle, la dignité n’est jamais prise en compte dans les équations financières. «Il faut déstigmatiser le recours à l’aide alimentaire […] Il y a beaucoup de préjugés, comme quoi ces personnes-là seraient un fardeau pour l’économie.»
Car derrière les chiffres, se trouvent d’abord des humains.
«Notre territoire se réchauffe deux fois plus vite que le reste du monde», alerte Solomon Awa. Le maire d’Iqaluit, capitale du Nunavut, s’inquiète de la fonte du pergélisol, du manque chronique de précipitations et de l’érosion.
Marielle Papin, professeure en sciences politiques à l’Université MacEwan, en Alberta, explique que les villes canadiennes se sont mises à agir très tôt pour décarboner leur économie.
«Nous n’avons pas d’autres choix que d’agir pour le bienêtre de nos habitants», insiste l’édile.
Selon Marielle Papin, professeure adjointe en sciences politiques à l’Université MacEwan, à Edmonton en Alberta, les municipalités canadiennes se sont emparées du sujet climatique et ont commencé à agir «très tôt».
À cet égard, Toronto fait figure de précurseur. La ville Reine est la première au monde à avoir établi une cible de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) en 1990.
Historiquement, les municipalités ont concentré leurs efforts sur l’adoption de mode de vie plus sobres en carbone. En 2020, Halifax s’est dotée d’un plan climat, avec l’engagement d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050.
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«Pas de temps à perdre»
Certaines petites villes affichent des objectifs encore plus ambitieux. En Ontario, Halton Hills, agglomération de taille moyenne à deux pas de Toronto, vise zéro émission nette d’ici à 2030. À ce jour, c’est la cible la plus audacieuse au pays.
Jane Fogal, conseillère municipale d’Halton Hills, en Ontario, déplore le manque d’argent des municipalités pour agir sur le front climatique.
La multiplication des évènements météorologiques extrêmes, inondations et tempêtes de verglas, a convaincu le conseil municipal d’agir rapidement.
«Nous sommes conscients que nous avons mis la barre très haut, mais nous n’avons pas de temps à perdre, on ne peut pas se contenter de déclarer l’urgence climatique et se fixer de lointains objectifs», insiste Jane Fogal, l’une des conseillères municipales d’Halton Hills.
La municipalité a restructuré son administration en créant dans chaque département des postes dédiés à la lutte contre les changements climatiques. Elle a également adopté en 2021 une stratégie pour décarboner son économie et s’attaquer aux émissions des transports et des bâtiments, les deux principales sources de pollution.
Mise en place d’un système de transport en commun électrique, création d’un réseau de pistes cyclables, amélioration de l’efficacité énergétique des édifices municipaux, installation de systèmes géothermiques et solaires, construction de nouveaux bâtiments passifs; la liste des actions entreprises est longue.
Halton Hills a également développé ses propres normes de construction écologique et accorde des prêts à taux zéro pour inciter les habitants à effectuer des rénovations énergétiques.
Mieux comprendre les réalités des municipalités canadiennes
Les défis des Territoires
Les villes du Grand Nord canadien, aux avant-postes du dérèglement climatique, multiplient elles aussi les politiques afin de diminuer leur empreinte carbone.
«Notre territoire se réchauffe deux fois plus vite que le reste du monde. Nous n’avons pas d’autres choix que d’agir pour le bienêtre de nos habitants», affirme Solomon Awa, maire d’Iqaluit.
Pour réduire sa dépendance à l’électricité produite au diésel, Iqaluit encourage le développement des énergies renouvelables comme le solaire. En 2020, elle a par ailleurs installé un réseau de chauffage urbain utilisant la chaleur issue de la production d’électricité.
Ce réseau alimente quatre bâtiments, dont le centre aquatique, et l’usine de traitement d’eau potable. Le système devrait permettre d’économiser quelque 1 500 tonnes de GES par an.
Whitehorse a, elle, déclaré l’urgence climatique en 2019. Les résultats ne sont pourtant pas à la hauteur. La capitale du Yukon n’a pas réussi à atteindre l’objectif qu’elle s’était fixé en 2015, à savoir réduire de 10 % ses émissions de GES entre 2014 et 2020.
«Nos efforts se sont accélérés ces dernières années, il y a désormais un véritable désir de la population de réduire nos émissions», défend Mélodie Simard, directrice des parcs et du développement communautaire de Whitehorse.
Dans les quatre prochaines années, la ville électrifiera son parc automobile, mettra en place des bornes de recharge, étendra son réseau de transport en commun, procèdera à la rénovation énergétique de ces édifices et installera des systèmes de chauffage biomasse et des panneaux solaires sur certains d’entre eux.
L’atout de la proximité
Whitehorse travaille actuellement sur son premier plan de réduction des émissions et d’adaptation aux changements climatiques, «pour réévaluer nos cibles et nos actions en fonction de la réalité du terrain et mieux coordonner nos efforts», explique Mélodie Simard.
Pour Nathalie Bleau, la ville est le meilleur palier pour adopter des mesures d’adaptation au dérèglement climatique.
«Allier atténuation et adaptation, c’est la meilleure stratégie. Il faut penser la ville comme un écosystème, réfléchir à différentes échelles, du bâtiment jusqu’au quartier», salue Isabelle Thomas, professeure titulaire à l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage de l’Université de Montréal.
«Pendant trop longtemps, l’adaptation a été reléguée au second plan», regrette-t-elle.
Aux yeux de Nathalie Bleau, coordinatrice de programmation scientifique au sein d’Ouranos, consortium québécois en climatologie, la ville est pourtant le meilleur acteur en mesure d’agir dans le domaine.
«Elles sont les mieux placées pour diagnostiquer les risques, identifier les quartiers et les populations les plus vulnérables, car elles sont les plus proches des citoyens et des territoires», détaille-t-elle.
La spécialiste évoque les nombreux outils à portée de main des élus : le verdissement pour lutter contre les ilots de chaleur, la planification pour endiguer l’étalement urbain, ou encore la création de sols perméables pour limiter les risques d’inondation.
Toronto et Vancouver sont les deux premières municipalités canadiennes à avoir adopté des stratégies en la matière, respectivement en 2007 et 2009.
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L’argent manque
À Whitehorse, l’adaptation est devenue une priorité depuis que d’anormales chutes de neige ont contraint la ville à revoir une route d’accès majeure et à déplacer des conduites d’égouts. Sans parler de la nécessité de protéger les habitations du risque de feux de forêt démultiplié.
«Allier atténuation et adaptation, c’est la meilleure stratégie. Il faut penser la ville comme un écosystème», considère Isabelle Thomas, professeure à l’Université de Montréal.
«Ce sont des projets immenses pour une petite localité en croissance comme nous, on parle de plusieurs dizaines de millions de dollars, alerte Mélodie Simard. On a dû changer nos priorités de travail.»
La grande majorité des municipalités, de taille modeste, manque de ressources humaines et financières pour faire face à la crise.
«Nous n’avons pas assez d’argent, se désole Jane Fogal en Ontario. Nous allons devoir augmenter les impôts fonciers simplement pour continuer à faire le travail normal, alors comment pourrions-nous investir davantage dans la transition climatique et l’énergie verte?»
«Le modèle de financement actuel des municipalités reste désuet, nous avons besoin d’un soutien accru du gouvernement fédéral», confirme Scott Pearce, président de la Fédération canadienne des municipalités (FCM).
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Incohérence des politiques
L’organisme réclame des investissements supplémentaires dans le domaine des transports en commun et de la rénovation énergétique des bâtiments municipaux.
Mélodie Simard explique que la Ville de Whitehorse, au Yukon, travaille sur un plan de réduction et d’adaptation au changement climatique.
Ottawa alloue des fonds pour aider les collectivités, «mais ces programmes fédéraux ne répondent pas forcément aux besoins sur le terrain», relève Nathalie Bleau.
Aux budgets restreints s’ajoutent des limites liées au système institutionnel. «Les villes n’ont pas les compétences juridiques pour agir comme elles le voudraient dans tous les domaines», estime Marielle Papin.
«Nous sommes tributaires des règlementations provinciales et fédérales, abonde Jane Fogal. Notre objectif d’avoir 100 % d’électricité verte dépend aussi de la volonté du gouvernement provincial de ne plus investir dans des centrales électriques au charbon ou au gaz.»
L’élue appelle à une meilleure cohérence des politiques et à plus de collaboration avec les échelons fédéraux et provinciaux.
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Réconcilier les citoyens et l’action climatique
L’acceptation sociale constitue un défi pour de nombreuses municipalités.
«Ça demande beaucoup de courage politique, car on parle de risques complexes avec beaucoup d’incertitudes et d’imprévisibilité alors que la population veut avoir toutes les réponses tout de suite», analyse Marielle Papin, professeure à l’Université MacEwan.
Pour lever les résistances, la chercheuse estime également qu’il faut davantage lier politiques d’adaptation climatique et bienêtre des communautés.
Isabelle Thomas, professeure à l’Université de Montréal, considère de son côté que les citoyens doivent être impliqués dès l’origine des projets : «Les élus doivent communiquer avec des messages positifs et simples, accès sur la résilience, ancrés dans la réalité locale.»
Dans le Yukon, Whitehorse multiple les campagnes de sensibilisation. «On constate un gros changement dans le comportement des gens, il y a une meilleure compréhension des risques», assure Mélodie Simard, employée de la Ville.
Le Canada en villes
La série Le Canada en villes propose un regard sur les succès et les défis des municipalités canadiennes.