Une part importante des nouvelles dépenses de 13,4 milliards de dollars sur six ans annoncées dans l’énoncé économique du 21 novembre servira à financer la construction de nouveaux logements locatifs.
L’offre insuffisante de logements sur le marché explique en bonne partie l’envolée des prix qu’on observe au pays. Selon la Société canadienne d’hypothèques et de logement, il faudrait construire 3,5 millions de logements de plus que ce qui est prévu d’ici 2030 seulement pour retrouver l’équilibre sur le marché immobilier.
Pour s’attaquer à ce problème, le gouvernement bonifie de 15 milliards de dollars l’enveloppe du Programme de prêts pour la construction d’appartements. Le programme est maintenant doté d’une enveloppe de 40 milliards de dollars qui permet d’offrir un financement avantageux aux promoteurs immobiliers prêts à construire des logements locatifs.
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D’autres mesures bonifient des programmes qui financent l’établissement de coopératives d’habitation ou de logements abordables.
Le gouvernement a choisi une façon originale de s’attaquer au problème des logements locatifs à court terme (de type Airbnb ou Vrbo, par exemple). Les propriétaires de ces logements qui refusent de s’enregistrer ou qui font de la location dans des secteurs interdits par les municipalités ne pourront plus déduire leurs dépenses liées au logement.
En s’attaquant au portefeuille des propriétaires, le gouvernement espère voir ces logements retourner dans le parc locatif à long terme.
L’énoncé économique a aussi permis d’apprendre que le cout estimé du remboursement de la TPS aux promoteurs qui construisent des logements locatifs s’élèvera à 4,5 milliards de dollars sur six ans. Cette mesure annoncée en septembre est un des piliers du projet de loi C-56 que les libéraux souhaitaient faire adopter avant la fin de la session parlementaire.
Ces mesures sont certainement un pas dans la bonne direction. Le gouvernement prévoit qu’elles permettront d’ajouter des dizaines de milliers de logements dans le marché d’ici la fin de la décennie.
Cependant, vu l’ampleur du problème, elles apparaissent encore insuffisantes. Il s’est construit 270 000 logements au pays en 2022. Au rythme où croit la population, il faudrait en construire le double à chaque année.
La marge de manœuvre financière se rétrécit
Même si le gouvernement souhaitait en faire davantage pour s’attaquer à la pénurie de logements, sa marge de manœuvre financière ne le lui permettrait probablement pas.
Sans surprise, la hausse rapide des taux d’intérêt augmente aussi les charges de la dette fédérale. Lors de la présentation du budget en mars, le gouvernement prévoyait que les intérêts sur la dette en 2024-2025 s’élèveraient à 46 milliards de dollars.
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Dans l’énoncé économique de l’automne, ce montant est passé à 52,4 milliards. Ce sont plus de 6 milliards de dollars supplémentaires qui devront ainsi être absorbés par le gouvernement en intérêts par rapport à ce qui était prévu il y a seulement six mois!
Malgré un fort ralentissement économique causé par la hausse des taux d’intérêt, la situation financière du Canada est loin d’être catastrophique. Le pays devrait éviter la récession en 2024.
Le ratio de la dette par rapport au produit intérieur brut oscille autour de 40 % et devrait diminuer au cours des prochaines années, même si ce sera moins rapidement que prévu. C’est une situation enviable par rapport à la plupart des autres économies occidentales.
Mais il est peu probable que les conservateurs voient les choses d’un tel œil. La hausse des couts de la dette combinée aux nouvelles dépenses a fait perdre toute perspective de retour à l’équilibre budgétaire.
Cette nouvelle donne économique limite les capacités du gouvernement à intervenir et l’expose aux attaques de ses adversaires au moment où il apparait vulnérable.
Qu’adviendra-t-il de l’entente avec le NPD?
Il n’y a pas un mot dans l’énoncé économique sur le programme national d’assurance-médicaments souhaité par le Nouveau Parti démocratique (NPD). Ce dernier avait fait du financement de cette mesure une condition à son appui au gouvernement de Justin Trudeau.
La ministre des Finances, Chrystia Freeland, a esquivé les questions à ce sujet et a plutôt mis l’accent sur la prudence fiscale du gouvernement et sur l’efficacité des autres mesures mises en place dans le cadre de son accord avec le NPD, comme le régime d’assurance dentaire ou le programme national de garderies.
Selon le directeur parlementaire du budget, un programme national d’assurance-médicaments couterait annuellement de 12 à 13 milliards de dollars. Dans l’état actuel des finances publiques, il est presque acquis que ce programme ne verra pas le jour.
Dans ce contexte, il sera intéressant d’observer la réaction du chef du NPD, Jagmeet Singh, à l’énoncé économique. Le NPD pourrait-il renverser le gouvernement Trudeau sur une question de principe?
Cela apparait peu probable à court terme, mais l’illusion que le gouvernement pourra maintenir sa promesse de concrétiser le programme national d’assurance-médicaments ne pourra pas toujours tenir.
David Dagenais est journaliste économique indépendant et entrepreneur. Auparavant, il a été journaliste à Radio-Canada après avoir mené des études supérieures en économie politique à l’Université du Québec à Montréal et à l’Université d’Ottawa.