le Jeudi 13 novembre 2025

«Ce métier est sous pression en ce moment. Ce sont des temps durs pour être journaliste», laisse tomber le psychiatre Anthony Feinstein qui s’intéresse à la santé mentale des journalistes depuis plus de 20 ans.

Nafissa Ismail est titulaire de la Chaire de recherche sur le stress et la santé mentale de l’Université d’Ottawa. 

Photo : Faculté des Sciences Sociales – Université d'Ottawa

Si le métier a toujours eu ses défauts, le professeur à l’Université de Toronto remarque une intensification de la pression : «Il y a de moins en moins de ressources. On demande aux journalistes de faire de plus en plus avec moins de ressources parce qu’il y a des coupures partout. Et pour couronner le tout, les nouvelles sont intenses. Un article après l’autre. Pas de temps mort. Pas de répit. Pas de pause.»

Et même quand vient l’heure de la pause, les journalistes sont confrontés à une bête noire : les réseaux sociaux. 

«S’ils veulent prendre une pause du travail, indique-t-il, et qu’ils consultent leur messagerie personnelle, leur Twitter, peu importe, ils sont assaillis de gens qui abusent d’eux avec les propos des plus ignobles.»

Tirer sur le messager

Le rapport «Prenez soin de vous» du Forum des journalistes canadiens sur la violence et le traumatisme de 2022 révèle que «56 % des travailleurs des médias canadiens ont déclaré avoir été harcelés ou menacés sur les médias sociaux».

L’enquête, menée sous les conseils d’Anthony Feinstein, parle d’une «haine des médias», une réalité qui a déjà fait couler de l’encre auparavant, notamment lors des manifestations du «Convoi de la liberté».

«Les journalistes sont ciblés de manière très vicieuse par plusieurs personnes en colère, rapporte Anthony Feinstein. Le harcèlement des journalistes canadiens est incroyable. C’est stupéfiant de voir le degré de haine dont [ils] sont victimes. Dans un pays sain et civilisé comme le Canada, il y a beaucoup de colère, et ils deviennent un paratonnerre.»

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En 2024, difficile d’y échapper. Pour Nafissa Ismail, professeure de psychologie à l’Université d’Ottawa, «il y a beaucoup de pression pour les journalistes au niveau des médias sociaux, d’être actifs, d’être connus, d’avoir des [abonnés]. Ça les aide aussi dans leur carrière».

«On veut une présence dans les médias sociaux, et on a besoin de cette présence-là. Mais en même temps, on dirait que le public, surtout depuis la pandémie, est devenu assez intolérant. Dans ses propos, [les gens] deviennent aussi un peu plus agressifs, un peu plus directs. Surtout depuis la pandémie.»

Un lien avec la crise des médias

La chercheuse rappelle que malgré la compétition qui existe entre les médias, «il ne faut pas qu’on oublie que nos journalistes, ce sont des personnes humaines aussi».

«Je pense, en quelque sorte, qu’il y a aussi la pression au niveau de l’employeur, dit-elle. On est en compétition avec d’autres chaines de radio, d’autres chaines de nouvelles, à la télévision, on essaye de couvrir le plus d’informations possible pour avoir le plus de visionnements, le plus d’intérêt du public.» 

Si cette compétition a toujours existé, les compressions qui ravagent le milieu de l’information depuis quelque temps ont «définitivement» un impact sur la santé mentale des journalistes, confirme-t-elle. «Parce que ç’a un impact financier, un impact personnel, un impact familial.»

L’année 2023 n’a pas été celle des bonnes nouvelles pour le secteur des médias. Les annonces de centaines de postes supprimés se sont enchainées, notamment à CBC/Radio-Canada, au Groupe TVA et chez Bell Canada.

«Tout est tellement incessant (le travail, les nouvelles) et même si nos patrons se soucient de nous et veulent que tout aille bien […] à la fin de la journée, le travail doit être effectué et il n’y a pas assez de ressources pour donner une pause à quiconque. J’envisage sérieusement de quitter le secteur parce que je ne sais tout simplement pas si ce travail vaut le stress qu’il me cause»,

– Témoignage d’un producteur de CBC dans le rapport «Prenez soin de vous» paru en 2022.

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Nafissa Ismail, qui travaille entre autres sur le stress lié au travail, rappelle qu’avant même les compressions, «l’emploi des journalistes est déjà stressant. C’est un emploi où le temps est serré, il y a des choses à couvrir très rapidement».

Selon Anthony Feinstein, les médias doivent trouver une solution pour mieux gérer le rythme effréné : «Ce n’est pas le seul métier sous pression, regardez le mien. […] Comment on garde les médecins en forme? On fait une rotation. Je pense qu’il existe des moyens pour les organismes de presse d’être créatifs et de réfléchir à cette question d’une manière différente, tout en reconnaissant qu’ils doivent diffuser les informations rapidement.»

«Les attitudes ont changé»

Anthony Feinstein remarque malgré tout une amélioration dans l’approche des employeurs qui, il y a environ 20 ans, étaient beaucoup moins patients et plus «punitifs» à l’égard des journalistes qui n’allaient pas bien : «Si vous vous leviez pour dire : « je suis traumatisé », vous étiez considéré comme endommagé, et ils ne vous utilisaient plus.»

Anthony Feinstein a étudié la santé mentale de journalistes de plusieurs pays et est l’auteur de quelques livres portant sur la couverture de la guerre. 

Photo : Doug Nicholson

«L’une des choses les plus gratifiantes dans mon travail, soutient l’expert, est de voir comment les attitudes ont changé grâce à la recherche qui a montré que c’était important, se réjouit-il. Je pense que les organismes de presse reconnaissent désormais qu’il est dans leur intérêt d’avoir des journalistes en bonne santé.»

«Le bon journalisme dépend de journalistes en bonne santé», poursuit-il. «Mettez en place des services de conseil confidentiels s’ils en ont besoin, discutez de la santé mentale au travail, organisez des sessions d’éducation sur [le sujet], essayez de normaliser la situation et d’éliminer la stigmatisation.»

Il insiste aussi sur l’importance de donner aux journalistes du temps de répit, pour se reposer, pour vivre et pour passer du temps avec ses proches.

D’ailleurs, au fil de ses recherches, le psychiatre arrive à une conclusion importante : il faut entretenir de bonnes relations.

«Ça cadre parfaitement avec la littérature psychiatrique générale, on sait que les bonnes relations sont bénéfiques. Elles soutiennent la vie émotionnelle, sont utiles, nourrissent, aident à traverser les périodes difficiles et aident à célébrer les bons moments», fait-il valoir. 

«En ce qui concerne les journalistes, de bonnes relations constituent le principal facteur de protection. Peu importe que vous soyez afghan, canadien, israélien, mexicain ou kényan. Cela n’a pas d’importance. Il y a un point commun, une universalité dans ces données.»

Plus sur la francophonie

La Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) et la Commission nationale des parents francophones (CNPF) ont lancé mercredi une campagne d’action auprès des députés fédéraux pour voter en faveur d’un amendement au projet de loi C-35 garantissant le financement à long terme des services de garde en français.

L’amendement a été adopté par le Sénat en décembre dernier après avoir été rejeté par le comité sénatorial, Affaires sociales, sciences et technologie, responsable de la révision du projet de loi.

La FCFA et la CNPF implorent le gouvernement d’approuver la Loi sur les services de garde telle qu’amendée.

Photo : Chantallya Louis – Francopresse

Aujourd’hui, le «manque de clarté sur les intentions du gouvernement» préoccupe grandement la FCFA et la CNPF.

«Le silence du gouvernement nous inquiète beaucoup. Si le projet de loi C-35 devait être adopté sans l’amendement du Sénat, ce serait pire qu’une occasion ratée», a lancé la présidente de la FCFA, Liane Roy, lors d’une conférence de presse.

Bien que les discussions avec les députés des différents partis semblaient favorables à la motion, Liane Roy a soutenu qu’il est «difficile de savoir où les gens se situent par rapport à l’amendement».

Ottawa met en place un plafond temporaire de deux ans pour nombre de permis d’études au Canada.

Marc Miller établit un plafond de deux ans sur le nombre de permis d’études émis par Ottawa.

Photo : Marianne Dépelteau – Francopresse

Environ 360 000 étudiants étrangers seront admis en 2024, une baisse de 35 % par rapport à l’année 2023.

Le ministre de l’Immigration, Marc Miller, a confirmé que les provinces et des territoires devront déterminer comment les permis d’études seront distribués parmi leurs établissements postsecondaires. Une affirmation qui inquiète l’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne (ACUFC).

Selon Martin Normand, directeur de la recherche stratégique et des relations internationales à l’ACUFC, cette stratégie pourrait causer préjudice aux établissements francophones hors Québec qui dépendront des décisions arbitraires des provinces.

«Pour nous, le gouvernement fédéral doit garder une responsabilité qui est celle d’appuyer l’épanouissement des communautés francophones.»

Loi sur les mesures d’urgence, ingérence étrangère et caucus libéral

La Cour fédérale a déterminé que le recours à la Loi sur les mesures d’urgence par Ottawa lors du convoi de la liberté en février 2022 a été «déraisonnable et illégal».

Le juge Richard Mosley a toutefois reconnu que l’occupation et le barrage dans le centre-ville d’Ottawa étaient une situation préoccupante et nécessitait une action gouvernementale et policière.

De plus, le tribunal soutient que les mesures imposées par Ottawa violaient l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives.

Le gouvernement fédéral a annoncé qu’il porterait la décision en appel.

La Commission d’enquête publique sur l’ingérence étrangère débutera à Ottawa le 29 janvier.

«Les audiences [de la première semaine] d’une durée de cinq jours, permettront de déterminer les défis, les limites et les effets préjudiciables potentiels sur la sécurité nationale associés à la divulgation au public d’informations et de renseignements classifiés», indique le communiqué.

Au cours de la première semaine, le ministre de la Sécurité publique, Dominic LeBlanc et le directeur du Service canadien du renseignement de sécurité, David Vigneault figurent sur la liste des témoins.

L’ancien ministre de la Justice, David Lametti, quitte le caucus libéral. 

Photo : Inès Lombardo – Francopresse

L’ancien ministre de la Justice David Lametti, qui avait perdu son portefeuille lors du remaniement en aout dernier, quitte son rôle de député.

Député dans la circonscription de LaSalle-Émard-Verdun à Montréal, au Québec, depuis près de 9 ans, David Lametti a informé ses collègues qu’il ne reviendrait plus au caucus dès le 1er février.

David Lametti a été surpris d’être exclu du Conseil des ministres l’été dernier, déclare-t-il dans une lettre qu’il a fait parvenir à certains médias.

Pendant son mandat comme ministre de la Justice, il a fait adopter 13 projets de loi, dont la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et la réforme du régime d’aide médicale à mourir.

Maintien du taux directeur et nouvelle sénatrice pour l’Île-du-Prince-Édouard

La Banque du Canada a annoncé, mercredi, qu’elle maintenait son taux cible de financement à 5 %.

Bien que les conditions du marché du travail se soient assouplies avec le nombre de postes vacants et une création d’emploi plus lente que la croissance démographique, «l’augmentation des salaires demeure autour de 4 à 5 %», peut-on lire dans le communiqué.

Selon la Banque, la croissance économique devrait reprendre progressivement vers le milieu de l’année 2024.

La gouverneure générale du Canada, Mary Simon, a nommé Mary Robinson au Sénat pour combler le poste vacant pour l’Île-du-Prince-Édouard.

Mary Robinson devient sénatrice indépendante pour l’Île-du-Prince-Édouard.

Photo : Courtoisie Canadian Centre for Food Integrity

Reconnue principalement dans le secteur agricole, Mary Robinson est vice-présidente de l’Organisation mondiale des agriculteurs et directrice associée du Robinson Group of Companies.

Elle a aussi été la première femme à avoir occupé le poste de présidente au sein de la Fédération canadienne de l’agriculture.

«L’expérience que possède Mme Robinson dans les secteurs de l’agriculture et des affaires apportera une perspective importante au Sénat, où elle sera une voix forte pour le Canada atlantique», a affirmé le premier ministre Justin Trudeau par voie de communiqué.

La FCFA et la CNPF lancent une campagne d’action auprès des élus fédéraux afin qu’ils appuient un amendement garantissant le financement à long terme des services de garde en français adopté par le Sénat dans le projet de loi C-35 sur l’apprentissage et la garde d’enfants.

Liane Roy et Jean-Luc Racine réclament une réponse claire et favorable face à l’amendement du projet de Loi C-35. 

Photo : Chantallya Louis – Francopresse

En décembre dernier, le Sénat avait adopté en troisième lecture un amendement à l’article 8 du projet de loi qui protège le financement des services de garde dans les communautés francophones et anglophones en situation minoritaire.

Cependant, depuis que le projet de loi amendé a été retourné à la Chambre des communes, le gouvernement de Justin Trudeau refuse d’indiquer s’il appuie ou rejette la proposition du Sénat.

C’est en raison du «manque de clarté sur les intentions du gouvernement» que la FCFA et la CNPF ont décidé de faire campagne auprès des élus.

«La FCFA et la CNPF ont travaillé très fort avec le Sénat pour que cet amendement passe, a affirmé la présidente de la FCFA, Liane Roy en conférence de presse mercredi matin. Pourquoi? Parce que, plus souvent qu’autrement, les francophones sont les grands oubliés lorsque les provinces et les territoires créent des places en garderie.»

Liane Roy a aussi rappelé que cette motion, proposée par le Sénateur René Cormier, avait été rejetée initialement par le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie en novembre 2023 à la suite de nombreuses objections.

À lire aussi : Garde d’enfant : les demandes des minorités linguistiques écartées

«Le silence du gouvernement nous inquiète beaucoup, a-t-elle lancé. Si le projet de loi C-35 devait être adopté sans l’amendement du Sénat, ce serait pire qu’une occasion ratée».

De son côté, le directeur général de la CNPF qualifie la situation des parents francophones hors Québec d’«alarmante».

«Selon le recensement de 2021, 141 000 enfants de 0 à 4 ans ont droit à l’éducation en français à l’extérieur du Québec, a expliqué Jean-Luc Racine. Cependant, il existe des places autorisées en français pour seulement 20 % de ces enfants.»

Le bureau de la ministre de la Famille, Jenna Sudds, examine les considérations juridiques liées à l’amendement. 

Photo : Marianne Dépelteau – Francopresse

Les discussions se poursuivent avec les députés

La FCFA confirme que les conversations entreprises avec les partis d’opposition démontrent une certaine ouverture vers l’appui à l’amendement. «On n’a pas plus de détails que ça, déplore Liane Roy.

«C’est difficile de savoir où les gens se situent par rapport à l’amendement», a-t-elle observé. 

Des représentants de la FCFA et la CNPF ont pu discuter de l’amendement avec le personnel du bureau de la ministre de la Famille. Ils auraient toutefois souhaité avoir la conversation directement avec la ministre Jenna Sudds.

«Les fonctionnaires examinent les considérations juridiques liées à l’acceptation de cet amendement et nous aurons bientôt plus d’informations à ce sujet», a précisé par courriel Soraya Lemur, attachée de presse de la ministre de la Famille.

La FCFA a aussi discuté avec le ministre des Langues officielles, Randy Boissonnault sur l’amendement au projet de loi C-35. «Je pense qu’ils sont très ouverts à écouter, conclut-elle de ces discussions. Mais on n’a pas eu de réponses officielles comme telles du parti, c’est ça qui nous inquiète.»

Le débat se poursuivra-t-il sur l’amendement?

Par ailleurs, il est impossible de savoir si les députés continueront le débat sur l’amendement, ou s’ils se contenteront d’un vote.  

La Chambre des communes pourrait décider de rejeter ou de modifier l’amendement du projet de loi, ce qui engendrerait un renvoi au Sénat.

La Chambre des communes et le Sénat échangeraient donc ainsi plusieurs messages afin qu’ils parviennent à un accord sur une version identique du projet de Loi avant de recevoir la sanction royale.

Une autre annonce faite au même moment aurait mérité que l’on s’y attarde. Cette annonce a été faite par le ministre fédéral de l’Immigration, Marc Miller, qui a dévoilé la nouvelle stratégie de son gouvernement pour accueillir les nouveaux arrivants francophones hors Québec.

Ce plan veut principalement favoriser le recrutement d’une main-d’œuvre étrangère francophone. On peut supposer que le gouvernement cherche notamment à pourvoir des postes francophones en santé et en éducation.

Le gouvernement affirme aussi vouloir aider des communautés à «bâtir des milieux propices à l’intégration économique et socioculturelle des nouveaux arrivants francophones».

Près d’une trentaine de communautés bénéficieront de ce programme. Cependant, sans plus de détails, il est difficile de savoir de quoi il s’agit exactement pour l’instant.

Une annonce bien accueillie

Cette annonce a cependant été bien accueillie par des représentants de communautés francophones. Comme le soulignait la présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, Liane Roy, «on est quand même content[s] de voir que le gouvernement fédéral nous a entendus».

Mais vous aurez peut-être remarqué comme moi le «quand même» dans cette déclaration. C’est que cette annonce a de bons et de moins bons aspects.

Commençons par les éléments intéressants.

Ce qui est bien dans l’approche du gouvernement fédéral, c’est qu’il semble reconnaitre l’importance d’appuyer des initiatives locales, et que ces initiatives locales peuvent différer les unes des autres, notamment d’une région à l’autre.

Cette flexibilité n’est pas une chose qui vient naturellement aux gouvernements, qui sont souvent critiqués pour leur manque de souplesse.

Avec cette annonce, on a l’impression que le gouvernement a compris que les besoins des francophones en situation minoritaire étaient multiples et variés d’un bout à l’autre du pays et qu’il était important de tenir compte de cette diversité.

On peut aussi se réjouir que l’attention du gouvernement se porte pour le moment sur les domaines de la santé et l’éducation, deux secteurs aux prises avec d’importants défis. On rapporte régulièrement des cas de personnes qui n’ont pas pu recevoir des services en santé ou en éducation en français.

Un rapport présenté l’automne dernier par le directeur de la responsabilité financière de l’Ontario indique, par exemple, que le nombre de places disponibles dans le réseau d’éducation francophone de cette province ne permettait d’accueillir que 59 % des enfants ayant droit à une éducation en français.

L’immigration, la solution au déclin du français?

C’est une chose d’accueillir de nouveaux arrivants francophones, mais cela en est une autre de montrer qu’il est possible de faire sa vie en français au Canada.

Si on a beaucoup présenté l’immigration comme étant une solution pour freiner le déclin de la population francophone au pays, on ne s’est pas encore sérieusement pencher sur la véritable question : est-ce que cette stratégie peut fonctionner?

Peu de données existent pour répondre à cette question. Celles du recensement permettent de constater que l’usage du français est en déclin partout au pays depuis de nombreuses années, mais sans plus. Heureusement, il semble que Statistique Canada commence à se pencher plus sérieusement sur cette question.

Ainsi, l’agence fédérale a publié en décembre 2023 les premiers résultats d’une enquête sur les changements de comportement linguistique à la maison.

Ces résultats proviennent d’un sondage mené auprès de 36 000 répondants de 15 ans et plus entre avril 2022 et juin 2023. Bien que l’ensemble des données ne soit pas encore publié (elles le seront probablement dans deux ou trois ans), on nous présente déjà quelques éléments d’analyse intéressants.

Pour commencer, nous apprenons que près de 12 % de la population canadienne ne parlait ni français ni anglais à la maison il y a cinq ans. Sans surprise, les immigrants forment la majorité de ce groupe (80 %).

Au cours des cinq dernières années cependant, 15 % de ces immigrants ont adopté l’une des deux langues officielles du Canada à la maison. Ces changements s’observent surtout chez les jeunes immigrants ainsi que chez les immigrants arrivés récemment au pays.

Le pouvoir d’attraction de l’anglais

Les résultats de l’enquête indiquent aussi que l’anglais exerce un fort pouvoir d’attraction, même au Québec. Dans cette province, 9 % des immigrants qui n’utilisaient aucune des deux langues officielles à la maison ont adopté le français au cours des cinq dernières années, mais 4 % ont tout de même adopté l’anglais.

C’est donc une personne immigrante sur deux qui choisit l’anglais comme langue d’usage à la maison au Québec.

Ailleurs au Canada, les écarts sont nettement plus substantiels : 15 % des immigrants ont adopté l’anglais à la maison contre 0,1 % pour le français durant la même période.

Par ailleurs, les francophones hors Québec (qu’ils soient immigrants ou non) sont plus susceptibles de modifier leur comportement linguistique à la maison que ceux du Québec : ils sont 13 % à avoir choisi d’utiliser l’anglais à la maison au cours des cinq dernières années, comparativement à moins de 2 % de francophones au Québec.

Ces données ne sont pas complètes et il est à espérer que d’autres enquêtes seront menées sur les questions linguistiques. Il serait notamment très utile de savoir si ces tendances s’observent dans toutes les régions du pays, dans tous les milieux socioéconomiques, dans tous les contextes familiaux, etc.

Cependant, ce que cette enquête révèle clairement c’est que certains changements se produisent après l’établissement des nouveaux arrivants au pays. Pourquoi ces changements surviennent-ils et comment peut-on les anticiper? Le gouvernement devrait aussi se pencher sur ces questions lorsqu’il élabore ses politiques linguistiques.

Geneviève Tellier est professeure à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa. Ses recherches portent sur les politiques budgétaires des gouvernements canadiens. Elle commente régulièrement l’actualité politique et les enjeux liés à la francophonie dans les médias de tout le pays.

Lundi, le ministre d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, Marc Miller, a annoncé que le gouvernement fédéral instaurera un plafond temporaire de deux ans pour le nombre d’étudiants postsecondaires qui viennent de l’étranger.

«Dans un souci d’équité, des plafonds provinciaux et territoriaux ont été fixés, pondérés en fonction de la population, ce qui se traduira par des diminutions beaucoup plus importantes dans les provinces où la population d’étudiants étrangers a connu la croissance la plus insoutenable», rapporte IRCC dans un communiqué de presse.

De ce fait, Ottawa approuvera environ 360 000 permis d’études en 2024, ce qui représente une baisse de 35 % par rapport à 2023.

Martin Normand soutient qu’il est de la responsabilité du fédéral de protéger les établissements francophones face au plafonnage annoncé. 

Photo : Guillaume Lamy

Pour Martin Normand, directeur de la recherche stratégique et des relations internationales à l’ACUFC, cela représente une baisse très importante pour les provinces et les territoires.

Bien qu’il dit comprendre la volonté du ministre Marc Miller de protéger l’intégrité du système d’éducation du pays, selon lui, tous les établissements sont à risque, particulièrement les établissements francophones.

«[Les universités et les collèges] comptent pour très peu dans le portrait global des étudiants internationaux au Canada, mais, en contrepartie, contribuent directement à l’atteinte des cibles en matière d’immigration francophone», assure Martin Normand en entrevue avec Francopresse.

«Il va falloir être très vigilant»

Lors du point de presse, le ministre Marc Miller a soutenu qu’il sera de la responsabilité des provinces et des territoires de déterminer comment le nombre de permis d’études sera distribué parmi leurs institutions postsecondaires.

Cependant, Martin Normand croit que cette stratégie est préoccupante. Selon lui, les provinces et les territoires pourraient faire le choix de réduire ou de ne pas distribuer de permis d’études aux établissements francophones. «Il va falloir être très vigilant, si ça se déploie comme c’est annoncé», lance-t-il.

Pour nous, le gouvernement fédéral doit garder une responsabilité qui est celle d’appuyer l’épanouissement des communautés francophones.

— Martin Normand

De plus, Martin Normand affirme que ce plafonnement va à l’encontre des nouvelles mesures annoncées par IRCC la semaine dernière pour dynamiser l’immigration francophone.

«Dans la politique en matière d’immigration francophone, un des objectifs c’est de maximiser et de bonifier le nombre d’étudiants internationaux francophones qui s’installent à l’extérieur du Québec, explique Martin Normand. Donc il faut que le ministre trouve une façon de réconcilier les deux annonces.»

Le responsable est d’avis que cette nouvelle politique pourrait nuire aux «efforts collectifs en matière d’immigration francophone».

À lire aussi : Le rôle du ministre des Langues officielles dans l’immigration francophone

Un cadre en cours d’élaboration

Ottawa s’engage à travailler avec les provinces et les territoires pour mettre en place une politique pour établir un cadre pour déterminer des établissements «reconnus».

Selon un porte-parole du bureau d’IRCC, ces institutions devront ainsi prouver qu’elles sont en mesure de subvenir aux besoins des étudiants internationaux dans plusieurs secteurs, comme en logement, en santé mentale et en soins.

«On s’entend que la grande majorité des établissements au Canada vont se conformer à ce modèle-là», s’agace Martin Normand.

Il n’y a rien qui garantit que les établissements francophones vont pouvoir maintenir leurs acquis en matière d’accueil des étudiants internationaux francophones.

— Martin Normand

Le directeur milite ainsi pour que le gouvernement fédéral instaure en ce sens des directives plus claires en matière d’accueil des étudiants internationaux dans ces établissements.

D’autres mesures annoncées

À partir du 1er septembre 2024, «les étudiants étrangers qui commencent un programme d’études faisant partie d’un accord d’utilisation des programmes d’études ne seront plus admissibles à un permis de travail postdiplôme à la fin de leurs études», peut-on lire dans le communiqué de presse d’IRCC.

Cependant, les diplômés de programmes de maitrise et d’autres courts programmes d’études supérieures pourront demander un permis de travail valide pendant trois ans.

Par ailleurs, le conjoint d’un étudiant étranger dans un programme de maitrise ou de doctorat pourra demander un permis de travail ouvert. Par contre, ce ne sera pas le cas pour un étudiant étranger à un autre niveau de scolarité, y compris dans un programme collégial ou de premier cycle.

Les nouvelles mesures n’auront aucune incidence sur le renouvèlement des permis d’études actuel.

La semaine dernière, le ministre d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), Marc Miller, a annoncé la mise en œuvre d’une nouvelle politique en matière d’immigration francophone, un programme d’appui et le renouvèlement de l’initiative des communautés francophones accueillantes.

À lire aussi : Immigration francophone : Ottawa dépasse sa cible et annonce de nouvelles mesures

Pour Randy Boissonnault, ces annonces permettraient d’atteindre l’un des objectifs du Plan d’action pour les langues officielles 2023-2028, soit un poids démographique francophone hors Québec de 6,1 %.

Dans cette optique, le ministre des Langues officielles assure travailler de concert avec IRCC.

On a des équipes de travail interministérielles qui sont très importantes aussi parce qu’on veut livrer la marchandise.

Il met l’accent sur le volet économique de ces projets, dans le but de soutenir les francophones qui veulent s’installer au Canada. «Parce qu’on a une pénurie de main-d’œuvre dans tous les secteurs, que ce soit la santé, en éducation, en économie verte, ou en construction», déclare-t-il en entrevue avec Francopresse. 

Pénurie de main-d’œuvre et reconnaissance des acquis

Étant aussi ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre, Randy Boissonnault soutient qu’il est encore essentiel de travailler sur la reconnaissance des acquis chez les nouveaux arrivants.

À ce sujet, il est donc primordial, selon lui, de travailler avec les provinces et les territoires, surtout avec les ministres chargés des dossiers des communautés linguistiques en situation minoritaire.

«Nous avons des ententes de transferts [avec les provinces] en matière de développement de main-d’œuvre», rappelle-t-il.

Le fédéral investit 3,5 milliards de dollars canadiens par an pour aider les provinces et les territoires à former la relève directement sur le terrain, «parce que les provinces sont plus près des gens».

D’ailleurs, plus tôt la semaine dernière, le ministre fédéral, ainsi que ses homologues provinciaux et territoriaux se sont réunis à Winnipeg, au Manitoba, pour discuter des priorités en lien avec la pénurie de main-d’œuvre.

Lors de la réunion du Forum des ministres du marché du travail (FMMT), le ministre Randy Boissonnault a soutenu continuer de travailler avec le ministre Marc Miller «pour s’assurer qu’on n’a pas des empêchements pour les gens d’accéder au marché du travail», que ce soit pour les réfugiés, les demandeurs d’asile ou les résidents permanents.

Cependant, sous le chapeau des Langues officielles, Randy Boissonnault est conscient de devoir respecter les obligations liées à la nouvelle Loi sur les langues officielles.

«Il ne faut pas seulement aider les gens à former en garderie, secondaire, postsecondaire, etc., mais aussi que la formation de la main-d’œuvre soit faite en français à l’extérieur du [Québec] et en anglais au Québec», ajoute-t-il fermement.

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Service d’intégration pour les nouveaux arrivants

Pour Randy Boissonnault, l’accueil des immigrants francophones passe par la mise en place de services d’intégrations disponibles partout au pays.

On a des communautés accueillantes […] et moi ma tâche, c’est de faire certain que l’intégration de ces gens sur le terrain est faite de la bonne manière avec l’appui du ministère de l’Immigration.

D’ailleurs, lors de son annonce, Marc Miller a souligné le renouvèlement du financement des 14 communautés accueillantes existantes et l’ajout d’une dizaine de nouvelles communautés à travers le pays.

Le rôle du ministre des Langues officielles, selon Randy Boissonnault, c’est encore une fois de travailler de très près avec les provinces et territoires du pays afin d’assurer que les communautés aient les services disponibles suffisants pour accueillir les nouveaux arrivants.

Et si, cette fois, c’était la bonne?

Après les disparitions successives de la Ligue nationale de hockey féminin (1999-2007), de la Ligue canadienne de hockey féminin (2007-2019) et de la Fédération première de hockey (2015-2023), les hockeyeuses professionnelles ont, depuis le 1er janvier, une nouvelle organisation : la Ligue professionnelle de hockey féminin (LPHF).

Pas facile de s’y retrouver avec tous ces changements?

Pour la faire courte, la LPHF regroupe six équipes (Ottawa, Montréal, Toronto, Boston, New York et Minnesota), qui s’affrontent durant 24 matchs de saison régulière. Les quatre plus performantes rejoindront les séries, qui seront disputées au meilleur des cinq matchs. Un fonctionnement somme toute classique pour une ligue sportive nord-américaine.

Ce qui m’a semblé plus inattendu, c’est l’engouement qui l’entoure. Pour être tout à fait honnête, je n’avais que vaguement entendu parler de la ligue qui la précédait, la Fédération première de hockey, même si une équipe de la ville où j’habite, Montréal, en faisait partie.

En revanche, à l’approche du lancement de la saison de la LPHF, le 1er janvier, je n’ai pu que constater l’abondance d’articles entourant l’évènement qui ont fleuri dans les médias spécialisés – comme le site américain The Athletic, qui a une journaliste pour couvrir à plein temps la compétition, Hailey Salvian – mais aussi dans ceux d’actualité générale.

J’ai ainsi lu avec intérêt ces différents articles. Dans celui du Devoir, la vice-présidente principale des opérations hockey de la LPHF, Jayna Hefford, n’hésite pas à qualifier le lancement de cette nouvelle compétition comme «le moment le plus important» à ce jour pour le hockey féminin.

Guylaine Demers, professeure au Département d’éducation physique de l’Université Laval, à Québec, estime même qu’en cas de réussite, cette nouvelle ligue pourrait avoir un «effet boule de neige» sur tout le sport féminin canadien.

Des records d’affluence

Les premiers matchs de la saison ont montré que cette belle ambition n’est pas que le fruit de l’imagination des organisateurs. Le public est au rendez-vous.

Dès le deuxième jour de compétition, la rencontre entre Ottawa et Montréal avait réuni 8 318 spectateurs dans les gradins de la Place TD, à Ottawa, un record pour un match de hockey féminin professionnel. Un record qui a depuis été largement battu par le match entre Minnesota et Montréal, avec une affluence de 13 316 personnes.

La couverture télé est, elle, à la hauteur de l’évènement, surtout du côté canadien. Plusieurs chaines diffusent les rencontres (CBC/Radio-Canada, RDS, TSN, Sportsnet). Aux États-Unis cependant, la compétition est cantonnée aux chaines régionales.

Malgré un développement express – il n’y a eu que six mois entre l’annonce de la création de la LPHF, fin juin 2023, et le premier match de la compétition, le 1er janvier dernier –, la nouvelle organisation repose sur des bases solides, du moins en apparence.

Propriété de l’homme d’affaires américain Mark Walter, qui est également copropriétaire de la franchise de baseball des Dodgers de Los Angeles, la LPHF a reçu le soutien de l’ex-joueuse de tennis Billie Jean King, figure majeure du développement du sport féminin (je ne peux d’ailleurs que vous recommander le très bon film sur son combat, La Bataille des sexes).

De plus, les joueuses ont été inscrites au centre du processus de création de la nouvelle compétition. Fait rarissime, elles se sont mises d’accord sur leur convention collective, avant même que la ligue soit sur pied. «Le soutien que ces athlètes recevront ne ressemble à rien de ce que nous avons vu auparavant dans notre sport», estime Jayna Hefford.

Les filles s’offrent le droit de rêver

Toutefois, pour assurer un succès à long terme, il reste beaucoup de travail. Pour le moment, aucune équipe na encore de nom et de logo, éléments indispensables à un développement marketing.

D’autre part, le hockey féminin ne pourra sans doute pas s’épanouir totalement sans la création d’un Championnat du monde de hockey junior, comme il y en a un du côté masculin.

Cette compétition, qui s’adresse aux joueurs de moins de 20 ans, offre la possibilité de continuer à progresser et à montrer sa valeur avant de passer au monde professionnel. L’exemple de Connor Bédard, qui avait survolé la compétition en 2023, est une preuve de l’importance de ce championnat.

Surtout que la LPHF a offert la possibilité aux filles de rêver en grand et c’est une très bonne chose.

«Mon objectif, avant, c’était de faire les Jeux du Québec. Là, ça me donne un autre objectif d’une couche plus haute, et ça me permet de m’entrainer plus fort», se réjouit Victoria Beaudoin, joueuse de 14 ans des Remparts de Richelieu, au Québec, interrogée par Radio-Canada.

Il y a désormais un avenir pour elles, la possibilité de vivre de leur passion.

Pour finir, je ne peux m’empêcher d’établir une comparaison avec la première division de soccer féminin en France, qui fait également figure de fer de lance du sport professionnel féminin dans l’Hexagone.

Malgré une longue existence – elle a été créée en 1974 – et la présence de deux clubs d’envergure internationale (l’Olympique lyonnais et le Paris Saint-Germain), la compétition a traversé une zone de turbulences l’an passé. La qualité des pelouses et de la retransmission des matchs ont été pointées du doigt, et le milieu n’a de cesse de réclamer plus de considération.

Le niveau des rencontres s’améliore incontestablement, mais le soccer féminin peine encore à atteindre la popularité du soccer masculin en Europe, à cause d’infrastructures défaillantes, mais pas seulement.

Même quand les Espagnoles triomphent sur la scène mondiale, leur heure de gloire passe au second plan à cause de lagression du président de la Fédération contre l’une de ses joueuses. Le chemin pour une vraie égalité des sexes dans le sport est encore long…

Je ne peux que souhaiter à la LPHF d’éviter tous ces écueils. Elle y gagnera un temps précieux dans son ambitieux développement.

Timothée Loubière est journaliste pupitreur au quotidien Le Devoir. Avant de poser ses valises au Québec en 2022, il était journaliste sportif en France, notamment au journal L’Équipe.

Plus sur la francophonie

Le Canada a dépassé sa cible d’immigration francophone hors Québec, passant de 4,4 % en 2022 à 4,7 % en 2023. C’est ce qu’a confirmé le ministre d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), mardi, lors de l’annonce de nouvelles mesures pour favoriser l’immigration francophone à Caraquet, au Nouveau-Brunswick.

Marc Miller annonce de nouvelles mesures pour favoriser l’immigration francophone. 

Photo : Capture d’écran CPAC

Marc Miller a affirmé que son ministère mettra en place une nouvelle politique en immigration francophone, un nouveau programme d’appui et le renouvèlement et l’expansion de l’initiative des communautés francophones accueillantes.

De ce fait, les 14 communautés accueillantes existantes continueront de recevoir un financement, alors qu’Ottawa prévoit en sélectionner jusqu’à 10 communautés additionnelles pour «bâtir des milieux de vie propices à l’intégration économique et socioculturelle des nouveaux arrivants francophones».

Cette annonce a été bien accueillie par la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA). «On est quand même content de voir que le gouvernement fédéral nous a entendus», a indiqué sa présidente, Liane Roy.

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Plus sur l’immigration, transfert de responsabilités au Nunavut et inflation en hausse

D’après le bureau du ministre de l’Immigration, Marc Miller, Ottawa songe à instaurer un plafond pour le nombre d’étudiants internationaux admis au pays.

Selon des informations obtenues par Radio-Canada, le ministre souhaite réduire le nombre d’étudiants étrangers qui pourront être admis dans certaines provinces, dont l’Ontario, la Colombie-Britannique et la Nouvelle-Écosse.

Le bureau du ministre soutient qu’aucune décision n’a encore été prise et qu’il s’agit du début d’un «processus de considération».

À la lueur de ces informations, Collèges et instituts Canada (CICan) rappelle que les étudiants internationaux apportent une contribution essentielle dans la sphère universitaire.

«L’augmentation des inscriptions d’étudiants internationaux au fil des ans a procuré un soutien financier bien nécessaire», rapporte l’organisme dans un communiqué.

Comprenant que la crise du logement et le cout de la vie au Canada rendent la situation complexe, CICan soutient que les mesures qui seront prises doivent éviter «des conséquences imprévues sur un secteur porteur de diversité pour nos collectivités».

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Justin Trudeau signe l’entente avec le Nunavut sur le transfert des responsabilités liées aux terres et aux ressources du territoire. 

Photo : Chantallya Louis – Francopresse

Jeudi, le premier ministre Justin Trudeau a signé l’entente avec le gouvernement du Nunavut et Nunavut Tunngavik inc. (NTI) sur le transfert des responsabilités liées aux terres et aux ressources du Nunavut à Iqaluit.

Cette entente met fin à cinq ans de négociations formelles avec le territoire, alors qu’une entente de principe sur le transfert des responsabilités liées aux ressources naturelles du Nunavut et de NTI avait été signée en 2019.

«Grâce à cette entente, le Nunavut et ses habitants pourront désormais prendre des décisions sur la façon dont le territoire utilise les terres publiques, l’eau douce et les ressources non renouvelables qui se trouvent à l’intérieur de ses frontières», selon le bureau du premier ministre.

Le ministre des Affaires du Nord, Dan Vandal, le premier ministre du Nunavut, P.J. Akeeagok et la présidente de NTI, Aluki Kotierk, étaient aussi présents lors de la cérémonie.

La Banque du Canada a annoncé mardi que le taux d’inflation était passé de 3,1 % en novembre à 3,4 % en décembre 2023.

«La forte inflation reste un défi pour la plupart des consommateurs, révèle l’enquête de la Banque du Canada, et le cout de la vie demeure leur première préoccupation. En même temps, les effets négatifs des taux d’intérêt plus élevés se sont accentués ce trimestre, laissant davantage de consommateurs dans une moins bonne situation financière.»

Pour l’année 2023, le taux d’inflation s’est établi à 3,9 % au pays, alors qu’en 2022, il avait atteint 6,8 %.

Des visas pour des Palestiniens et retraite ministérielle

Le bureau du ministre de l’Immigration a confirmé à Francopresse qu’Ottawa a commencé le traitement de demande de visas de 144 Palestiniens qui vivent à Gaza.

Cependant, le processus reste complexe, selon un porte-parole du bureau. Les personnes identifiées doivent notamment être en mesure de traverser la frontière pour notamment surbir un examen biométrique.

La semaine dernière, le ministre Marc Miller avait annoncé une nouvelle voie d’accès à la résidence temporaire pour des Gazaouis qui font partie de la famille élargie d’un citoyen canadien ou d’un résident permanent.

Le ministre avait soutenu que ce programme prendrait fin en janvier 2025 ou lorsque 1 000 demandes auraient été examinées. Toutefois, le ministère pourrait faire preuve de flexibilité sur le nombre de demandes.

La rencontre, qui aura lieu à Montréal du 21 au 21 janvier, portera sur «les efforts visant à soutenir la classe moyenne et à bâtir une économie centrée sur le bienêtre de tous», a indiqué le bureau du premier ministre..

Il sera aussi question du cout de la vie, de la construction de nouveaux logements, de la création d’emplois «bien rémunérés», de l’amélioration du système de santé et de la sécurité des communautés.

«[Les ministres] discuteront également de la relation entre le Canada et les États-Unis dans la perspective de l’élection présidentielle de cet automne», précise le communiqué.  

Pour de nombreux actes de destruction environnementale, il ne suffit pas de parler de pollution.

Le terme d’écocide a été utilisé pour parler de la disparition des caribous en Abitibi, au Québec; de la destruction de milieux humides et de tourbières; de la dégradation à grande échelle et à long terme de l’environnement autour des sites d’exploitation des sables bitumineux; ou encore de l’inondation de territoires et du déplacement de populations à la suite de la construction de mégabarrages.

Aucune définition officielle n’existe pour l’écocide.

L’organisme Stop Ecocide définit l’écocide comme «une destruction et un dommage massifs des écosystèmes, un dommage grave à la nature, qui est étendu ou durable».

À Vienne, l’European Law Institute le définit plutôt comme la «dévastation et la destruction de l’environnement au détriment de la vie».

Le Parlement européen parle quant à lui «d’infractions comparables à l’écocide avec des conséquences catastrophiques telles qu’une pollution généralisée ou des incendies de forêt à grande échelle».

Si la définition reste à déterminer, c’est que le concept demeure en cours d’élaboration, tant au niveau de la pensée que dans le droit international.

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Criminaliser plutôt que régulariser

Le défi essentiel de toute législation contre l’écocide est de criminaliser la destruction proprement dite de l’environnement, peu importe les lois et règles en place, plutôt que de seulement punir les entreprises qui contreviennent à des lois possiblement vagues ou trop étroites.

Une telle criminalisation est dite nécessaire parce que les entreprises polluantes tendent à planifier le cout des amendes, qui deviennent une forme de taxe aux pollueurs. C’est sans compter que très peu de délits reçoivent des sanctions, comme on peut le voir dans le secteur minier en Abitibi.

Et même dans le cadre d’un projet législatif à l’échelle européenne, les amendes ne sont pas suffisamment lourdes pour être dissuasives. Mais le dommage sur les écosystèmes est souvent irréparable.

Et ces dommages sont souvent volontaires, c’est-à-dire que les personnes qui prennent des décisions qui les causent savent que leurs actions entraineront une destruction environnementale.

Or, la criminalisation au niveau des entreprises a ses limites, étant donné qu’elle ne touche pas directement les personnes responsables des décisions destructrices… ni celles qui bénéficient des profits qui en découlent.

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L’écocide et ses liens au génocide

L’écocide est aussi lié indirectement au génocide dans le contexte du Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Si la destruction d’un environnement est un moyen de cibler un groupe que l’on cherche à détruire, cette destruction devient une attaque et un crime de guerre.

D’ailleurs, au niveau des relations entre nations, l’écocide a d’abord été vu comme une arme de guerre, en réaction à l’utilisation par les États-Unis de l’agent orange au Vietnam, un défoliant qui a eu des conséquences à long terme.

Les actions qui pourraient être vues comme constituant un écocide dans le cadre de conflits armés apparaissent donc dans le droit international comme un crime de guerre dommageable à l’environnement.

L’Ukraine a accusé la Russie d’écocide en relation à la destruction d’un barrage et à la contamination des sols, et mène une enquête criminelle à ce sujet suivant ses propres lois.

Au Canada comme ailleurs, la destruction d’écosystèmes est par ailleurs liée au génocide des peuples autochtones. Après tout, elle contribue à la destruction des conditions d’existence de certaines formes de vie et de culture, et avant tout des modes de vie qui dépendent de la relation à la terre et à un environnement spécifique pour la transmission des connaissances et de la langue.

Mais la destruction d’écosystèmes continue aussi de gravement plomber les économies autochtones – pourtant névralgiques pour atteindre l’autonomie face à l’État colonial –, comme cela a été le cas lors de l’élimination des bisons sur les plaines.

Cette dévastation force plusieurs communautés ou peuples entiers à abandonner leur territoire pour vivre ailleurs. Et les désastres continuent.

Un crime contre la vie

Des destructions de cette ampleur, qui ont lieu régulièrement, menacent ainsi la vie elle-même, qu’elle soit végétale ou animale (et humaine), ainsi que les processus liés aux sols et aux eaux.

Étant donné que le changement climatique n’est que l’une des neuf limites planétaires, nous devons développer une réponse à la destruction d’environnements et d’écosystèmes. Parler d’écocide nous permet de le faire et de prendre la mesure de la gravité de notre situation actuelle.

Au final, le problème de la lutte contre l’écocide n’est peut-être pas tant, ou seulement, de légiférer afin de mieux pouvoir le sanctionner ou le punir, ou même de le prévenir.

Le problème semble plutôt être le manque de volonté de l’État d’empêcher de telles destructions.

Pire encore, au Canada, c’est l’État qui subventionne les mêmes entreprises qui détruisent des écosystèmes et créent des dangers pour la vie (et ce également hors du pays). Tandis que ces subventions doivent se tarir en 2024, il nous reste encore à en voir véritablement la fin – et l’écocide est loin d’être perpétré par les seules industries fossiles.

Sans une volonté claire à tous les niveaux de gouvernement, nous ne sommes pas près de voir la fin des écocides.

Jérôme Melançon est professeur agrégé en études francophones et interculturelles ainsi qu’en philosophie à l’Université de Regina. Ses recherches portent notamment sur la réconciliation, l’autochtonisation des universités et les relations entre peuples autochtones et non autochtones, sur les communautés francophones en situation minoritaire et plus largement sur les problèmes liés à la coexistence. Il est l’auteur et le directeur de nombreux travaux sur le philosophe Maurice Merleau-Ponty, dont «La politique dans l’adversité. Merleau-Ponty aux marges de la philosophie» (Metispresses, 2018).

Après avoir évolué comme artiste dans les arts de la scène, fondé le Théâtre Catapulte et cofondé la Nouvelle Scène Gilles Desjardins à Ottawa, Patrick Leroux s’est tourné vers une carrière universitaire. En plus d’avoir enseigné en littérature, il a aussi été doyen de la Faculté des arts et sciences à l’Université Concordia.

Francopresse : Expliquez-nous comment la francophonie a toujours pris une place importante dans votre parcours professionnel et universitaire ?

Louis Patrick Leroux : Par le hasard des choses, j’ai obtenu un poste à l’Université Concordia, donc en anglais, dans un contexte minoritaire ou j’étais aussi professeur au département d’Études françaises. J’ai donc toujours été extrêmement conscient et sensible à la question de la francophonie, mais aussi des minorités généralement.

Ça me fait vraiment plaisir de rentrer dans mon milieu nourricier à Ottawa. C’est retrouver justement un milieu qui m’a défini, qui m’a permis de développer mon engagement communautaire, mon engagement envers la société, que je n’aurais jamais développé si je n’avais pas été en contexte minoritaire et fier d’être francophone en Ontario.

Comment votre parcours artistique vient-il rejoindre votre rôle en tant que recteur à l’Université Saint-Paul, une université qui se spécialise plutôt en sciences sociales?

J’ai été créateur intellectuel, mais j’ai aussi été administrateur à un niveau important à l’Université Concordia. J’ai développé des stratégies de leadeurship où je me sers de mon background artistique, de ma créativité pour saisir les enjeux assez rapidement, entrer en dialogue, en communication avec les gens autour de moi. Je suis quelqu’un qui est d’abord et avant tout à l’écoute et en dialogue.

Ce que je peux apporter, je pense, c’est essentiellement une université qui sera de plus en plus engagée dans les dialogues de l’art, dans les discours et les sujets de l’art.

Est-ce qu’il y a des projets ou des programmes que vous aimeriez mettre de l’avant à l’Université Saint-Paul?

 Sans annoncer de programme, ce qui m’interpelle, c’est vraiment cette question d’éthique par rapport à la société.

On est dans une époque où on reproduit essentiellement l’ADN humain. Avec les projets sur le génome, on comprend plus que jamais comment manipuler l’ADN et je me dis que ce serait bien aussi qu’il y ait un contrepoids, peut-être en bioéthique. C’est quelque chose qui m’interpelle beaucoup. Même chose pour l’intelligence artificielle, il me semble que ce serait vraiment l’occasion rêvée d’avoir un groupe de recherche ou un centre de recherche ou de réflexion.

Un autre aspect qui vaudrait la peine d’être exploré, c’est la question de la réconciliation avec les Premières Nations, surtout dans le contexte d’une institution catholique. Je pense qu’on serait bien placé pour vraiment entamer un dialogue essentiel de réconciliation.

Et peut-être deux derniers aspects, je viens du milieu du théâtre et de l’art et j’ai beaucoup travaillé du côté du théâtre social et je serais vraiment intéressé de voir quelles sont les possibilités de créer un environnement où l’art social a également sa place. Par art social, je veux dire un art engagé, impliqué par rapport à la communauté et qui est en dialogue constant avec elle.

Finalement, la population a vieilli et on a besoin d’outils, de réflexion, de possibilité d’apprendre qu’est-ce que le care. Non seulement les soins palliatifs, mais aussi la question de soins à domicile, de soins envers les autres.

Comment voyez-vous votre rôle dans un processus de réconciliation avec les Premières Nations?

Je pense qu’il faudrait d’abord le faire en collaboration avec les Premières Nations. Ce n’est pas à nous de déclarer qu’on va faire ça, mais je pense qu’on peut certainement et on doit annoncer qu’on est ouvert, qu’on veut avoir ce dialogue-là.

Dans les premiers mois, je vais chercher à voir qui sont les interlocuteurs principaux qui ont envie d’avoir cette conversation-là et comment allons-nous ensemble construire un contexte où cette réconciliation, assez précise quand même, assez nichée dans le contexte catholique, puisse avoir lieu.

On apprenait récemment qu’au moins la moitié des universités de l’Ontario éprouvent de grandes difficultés financières. Quelle sera votre approche à cet égard?

Évidemment je dois faire un certain lobby auprès des instances gouvernementales. Mais ce qu’on peut faire, concrètement, c’est de développer des programmes qui attirent des étudiants qui autrement ne seraient pas venus à l’Université Saint-Paul.

D’autre part, il y a toute la question du financement privé et c’est quelque chose que j’ai déjà fait dans le passé et je compte être très actif du côté des dons, du côté des fondations, du côté du développement d’un sentiment d’appartenance et de continuité avec les anciens étudiants de l’Université Saint-Paul au fil des années et les étudiants actuels aussi.

Quel rôle pensez-vous que l’Université Saint-Paul peut jouer dans l’épanouissement de la francophonie canadienne?

L’Université Saint-Paul a un rôle important à jouer avec les autres universités francophones en Ontario et à l’échelle du pays. Il faut plus que jamais qu’on travaille ensemble et qu’on trouve des moyens de s’unir, je ne dirais pas formellement, mais de s’unir dans nos efforts de déploiement et nos efforts de lobbying. Il y a aussi un certain partage de connaissances et d’expériences qui doit faire ça.

Je vois vraiment d’un très bon œil la place de l’Université de Saint-Paul au cadre de cette francophonie-là, mais une place quand même particulière parce que c’est une université bilingue qui doit quand même maintenir un dialogue à la fois avec la francophonie, mais aussi avec l’anglophonie.

Les propos ont été réorganisés pour des raisons de longueur et de clarté