Lorsqu’il était vice-président des étudiants internationaux de l’Association des universitaires de la Faculté Saint-Jean, Yves Kouassi et son équipe organisaient des activités sociales pour répondre aux préoccupations des étudiants étrangers.
Participer et intégrer les services de l’université permet d’avoir un effet dans la communauté étudiante, de gagner de l’expérience et de faire plein de rencontres, énumère Yves Kouassi, diplômé en baccalauréat de sciences biologiques à l’Université de Saint-Jean et ancien vice-président des étudiants internationaux au sein de l’Association des universitaires de la Faculté Saint-Jean, à Edmonton, en Alberta.
«Car ce n’est pas en [faisant la même routine de] rentrer à la maison, manger, dormir, étudier, que la vie en tant qu’étudiant international va s’améliorer», ajoute le jeune homme, originaire de la Côte d’Ivoire.
Depuis mars 2023, Yves Kouassi est jeune ambassadeur itinérant de l’Alliance Jeunesse-Famille de l’Alberta society.
Engagement communautaire
Joviale Orlachi Osundu, étudiante à l’Université de Moncton en Travail social, est la présidente de l’Association des Étudiant-e-s Internationaux du Campus Univ. de Moncton. En 2023, elle a été choisie parmi les 23 personnalités marquantes par le journal Acadie Nouvelle.
Avec son parcours, Joviale Orlachi Osundu souhaite montrer qu’il est possible de vivre et d’avoir des opportunités en tant qu’étudiant étranger francophone dans un contexte minoritaire.
Elle décrit cette nomination comme la «victoire de la jeunesse immigrante, de la jeunesse canadienne, et d’une jeunesse qui est présente, qui revendique, qui pose des questions et qui veut qu’il y ait des changements».
«[Aujourd’hui] je pense que les jeunes francophones ont besoin de jeunes leadeurs comme eux, qui existent afin qu’ils comprennent qu’on n’a pas besoin nécessairement de parler anglais pour pouvoir défendre des enjeux», dit l’étudiante originaire du Nigéria.
En participant à la vie de son université, Jovial Orlachi Osundu souhaite faire comprendre aux étudiants étrangers qu’il est possible de vivre en français et de profiter de plusieurs opportunités dans un milieu minoritaire.
Nouvelle famille
Jovial Orlachi Osundu n’est pas la seule à s’épanouir en français. Du côté de l’Ontario, à l’Université d’Ottawa, Samar Mohamed Ahmed a débuté son engagement comme directrice des affaires francophones à l’association étudiante de l’École de gestion Telfer.
Pour remercier les étudiants de leur participation, le syndicat étudiant de l’Université d’Ottawa a organisé, le 24 février, un gala à l’occasion du Mois de l’histoire des Noirs.
Samar Mohamed Ahmed a reçu le prix de l’engagement communautaire. «Nous étions cinq qui ont été nominés et les étudiants ont voté pour moi, c’est une énorme fierté», témoigne-t-elle.
L’étudiante d’Ottawa a commencé par être bénévole dans différents services pendant qu’elle étudiait et travaillait. L’espace entre chaque cours était consacré à sa participation à la vie étudiante, dévoile-t-elle.
L’engagement étudiant «représente ma vie tout simplement, parce que je n’ai pas ma famille ici», dit-elle, émue.
«C’est ces étudiants avec qui j’ai interagi qui deviennent une famille. J’ai pu redéfinir ce qu’était réellement vivre des moments conviviaux.»
Lors d’un gala organisé par le syndicat étudiant de l’Université d’Ottawa à l’occasion du Mois de l’histoire des Noirs, Samar Mohamed Ahmed a reçu le prix de l’engagement communautaire.
Appuyer et défendre la francophonie
Originaire du Djibouti, Samar Mohamed Ahmed a toujours baigné dans un environnement francophone. Sa mère était professeure de français, elle regardait des films en français, confie-t-elle.
En arrivant au Canada, l’étudiante en gestion internationale s’informe sur l’histoire des francophones au pays. Il devient indispensable pour elle de mettre les francophonies canadiennes au cœur de ses revendications.
«La francophonie représente mon identité, alors au-delà d’être femme, au-delà d’[être] noire, au-delà d’être tout ceci, la francophonie fait partie d’un environnement dans lequel j’ai grandi», déclare-t-elle.
Être engagé comme étudiant international, c’est aussi aider les nouveaux arrivants francophones à s’intégrer plus facilement, remarque Yves Kouassi. «Pour quelqu’un qui quitte par exemple l’Afrique ou bien l’Asie, rentrer ici, au Canada, c’est embrasser un autre système.»
Yves Kouassi et son équipe organisaient des activités et des évènements pour permettre aux étudiants de se rencontrer et de faire du réseautage.
Quand il était membre de L’Association des universitaires, ils écoutaient les préoccupations et les inquiétudes des étudiants. La plupart du temps, c’était sur «les conditions de vie invivable, en parlant des [frais] de scolarités», précise-t-il.
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Réseautage et opportunités
Jovial Orlachi Osundu et Samar Mohamed Ahmed soulignent toutefois qu’il faut être bien organisé et savoir gérer son temps pour se lancer dans de telles aventures, car il ne faut pas négliger ses études, puisque c’est pour cette raison qu’ils sont là, ajoute Samar Mohamed Ahmed.
Être active à l’université donne le sentiment à l’étudiante d’Ottawa de faire quelque chose «d’utile et d’amusant». «Je rencontre du monde incroyable.»
Samar Mohamed Ahmed était au départ une étudiante plutôt réservée et ne connaissait pas encore son plein potentiel, confie-t-elle. En s’impliquant, elle a découvert qu’elle était «capable de prendre des postes avec des responsabilités». «Le fait de ne pas le faire m’avait gardé dans une bulle qui me semblait tout simplement étouffante.»
Les nombreuses heures de bénévolat de l’étudiante lui ont permis d’agrandir son cercle et de trouver des offres d’emplois qui se rapprochent davantage de ses intérêts.
Elle est actuellement superviseure d’évènements au Centre d’administration des clubs pour le Syndicat étudiant de l’Université d’Ottawa et ambassadrice au Centre des carrières de la faculté de gestion de Telfer.
Samar Mohamed Ahmed encourage quant à elle les étudiants à s’impliquer comme elle le fait actuellement. «Parce que c’est quelque chose qui a vraiment changé ma vie universitaire.»
Alors qu’il était accompagné de l’ancienne ministre des Langues officielles, Ginette Petitpas Taylor, à Dieppe, au Nouveau-Brunswick, le ministre actuel, Randy Boissonnault, a annoncé le 1er mars une bonification du financement de base accordé aux organismes communautaires.
«La protection de nos langues officielles est au cœur de notre action chaque jour», a réitéré l’ancienne ministre des Langues officielles, Ginette Petitpas Taylor.
Trois-cents-huit organismes recevront une augmentation de 12,5 % de leur financement pour l’année financière 2023-2024.
«Je suis heureux de voir le financement record se concrétiser sur le terrain et faire une différence pour les Canadiens et Canadiennes», a déclaré le ministre des Langues officielles.
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Ce financement tant attendu découle du Plan d’action pour les langues officielles 2023-2028, dévoilé le 26 avril 2023.
«Il permet au gouvernement du Canada d’appuyer des initiatives qui touchent l’immigration francophone, le développement économique, l’éducation, la justice, la santé, les arts et la culture», détaille Patrimoine canadien dans un communiqué de presse.
Un peu de répit pour les organismes
Ce financement amène un vent de répit pour Marie-Christine Morin, directrice générale de la Fédération culturelle canadienne-française (FCCF), car, selon elle, ces organismes ont «historiquement été pour la plupart sous-financés».
«Oui, c’est bienvenu parce que, évidemment, on connait une hausse galopante des couts, une situation qui est inflationniste présentement, il y a une pénurie de main-d’œuvre, etc., énumère la directrice. Le secteur artistique culturel a encore peine à se remettre d’une pandémie où les activités ont été arrêtées complètement.»
La directrice générale de la Fédération culturelle canadienne-française, Marie-Christine Morin, accueille favorablement l’augmentation du financement.
Dans cette optique, elle croit que le financement fédéral permettra aux organismes, entre autres, de faire face à l’augmentation du cout de la vie, d’offrir de meilleures conditions de travail à leurs employés ainsi que d’accroitre leurs services et leurs activités.
Même son de cloche chez le responsable des communications et du plaidoyer à La Boussole, Aurélien Derozier. D’après lui, la bonification viendra soulager «un peu» la pression sur les finances que subit cet organisme de bienfaisance basé à Vancouver, en Colombie-Britannique.
En plus de l’inflation et des problèmes socioéconomiques auxquels font face les Canadiens, les subventions qui avaient été octroyées pendant la pandémie ont pris fin cette année. La pression économique est alors très forte sur La Boussole.
«La philosophie derrière cette [annonce], on l’a appuyée favorablement et c’est plutôt pertinent», soutient Aurélien Derozier.
«Ça ne va pas forcément permettre de répondre à tous les besoins»
Mais pour le responsable, bien que cette augmentation soit bienvenue, elle reste toutefois insuffisante. «La pression est tellement grande que, malgré l’enveloppe qui a été attribuée, ça ne va pas forcément permettre de répondre à tous les besoins.»
Aurélien Derozier affirme que cette augmentation, bien que bénéfique, reste insuffisante pour son organisme.
Les exigences économiques demeurent importantes dans toutes les sphères, que ça soit au niveau du recrutement, de la rétention, du cout du loyer, du cout des ressources ou même dans les services offerts aux clients.
«En parallèle [il y a] une augmentation des demandes, et de plus en plus de personnes sont en situation de précarité», explique-t-il.
La Boussole a vu une augmentation de plus de 30 % des personnes qui font appel à leurs services. «La situation ne s’améliore pas, se désole Aurélien Derozier. On fait des projections et on va avoir plus de demandes, plus de besoins.»
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Possible augmentation jusqu’à 25 %
Randy Boissonnault a affirmé que cette bonification pourrait atteindre jusqu’à 25 % pour des projets jugés novateurs.
Par ailleurs, le ministre a aussi ajouté qu’une partie du financement pourrait être utilisée pour subventionner d’autres organismes communautaires dans les années à venir.
NDLR : Parmi les organismes qui bénéficieront de cette première part du gâteau, on retrouve Réseau.Presse, éditeur de Francopresse.
«Je me suis intéressé aux femmes, car elles ne sont pas assez valorisées dans les sports d’aventure et de plein air. Dans ces métiers, on a plus le cliché de l’homme blanc trentenaire et barbu», explique Patrick Lac, coordonnateur de Franc Ouest.
La seconde saison de Franc Ouest s’intitule NATURE+ELLES.
Pour la deuxième saison du balado franco-colombien, intitulée NATURE+ELLES, il est allé à la rencontre de 15 femmes francophones passionnées de plein air dans la région des Kootenays Ouest, dans le sud-est de la Colombie-Britannique.
Quatre épisodes sont déjà disponibles, le cinquième sort le 8 mars, à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, et un nouvel épisode sera dévoilé tous les vendredis suivants.
Patrick Lac travaille d’arrachepied sur ce projet depuis juin 2023. Pour trouver les 15 élues, il a sondé son entourage, ses collègues de l’AFKO, mais aussi la population avec une question simple : à quelles personnalités incontournables doit-il absolument parler?
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Histoire de succès
La première saison de Franc Ouest, sortie en 2022, a enregistré environ 6 500 écoutes, dont 4 000 la première année, majoritairement au Québec et en Colombie-Britannique. Certaines radios communautaires ont également diffusé le balado.
Selon Patrick Lac, les niveaux d’écoute des quatre premiers épisodes de la deuxième saison sont encore meilleurs.
«Cet engouement montre que nous répondons à une forte demande, car il n’y a pas de contenu francophone régional. Radio-Canada se déplace à peu près jamais dans la région», souligne le coordonnateur, qui a déjà des idées pour une troisième saison.
Se permettre des silences
Après une phase de présélection et une série de préentrevues, le choix a été facile. «Parfois, elles n’ont eu besoin que de quelques secondes au téléphone pour me convaincre», assure le Franco-Ontarien d’origine.
En décembre dernier, Patrick Lac est parti à la rencontre d’Alexandra Pronovost, dans les montagnes, où elle fait de la planche à neige.
Le projet a rapidement séduit Alexandra Pronovost, que les auditeurs découvrent dans le quatrième épisode.
«Au départ, j’étais un peu intimidée et gênée, mais je suis toujours ouverte à participer à des projets qui font rayonner les francophones de la région», témoigne celle qui est notamment bénévole à l’AFKO et animatrice dans une radio communautaire.
Pendant les entretiens, Patrick Lac prend le temps et n’hésite pas à poser son microphone pendant plusieurs heures : «Les conversations informelles sont notre marque de fabrique. Dans cette nouvelle saison, je me permets encore plus de silences et de moments gênants.»
Pour Alexandra Pronovost, l’enregistrement s’est déroulé en deux temps. Une première entrevue a été réalisée dans une bibliothèque, une seconde chez elle, dans les montagnes, où elle fait de la planche à neige sur le territoire des grizzlis.
«Être plus fière et confiante dans ce que je suis»
Patrick Lac sonde l’âme, recueille les confidences, écoute des histoires de vie, tantôt cabossées, tantôt complexes et sinueuses. Il commence toujours par parler de sport et de carrière, mais, rapidement, il enchaine sur des questions beaucoup plus intimes.
Patrick Lac, le coordonnateur du balado, songe déjà à une troisième saison.
«Je m’intéresse à l’individu en premier. Le sport est un prétexte, je vais toujours une coche plus loin pour que les femmes se révèlent en profondeur», souligne celui qui est titulaire d’un baccalauréat en psychologie à l’Université du Québec à Montréal (UQAM).
Les femmes interrogées partagent ainsi leurs défis, leurs peurs et leurs perspectives. Elles racontent les raisons qui les ont poussées à partir si loin de leurs proches, restés au Québec ou en Europe, la distance parfois difficile à supporter, leur amour des Rocheuses, leur désir d’avoir des enfants ou non, etc.
Avant l’entrevue, Alexandra Pronovost avait «de la misère à trouver un fil conducteur entre les différentes décisions de sa vie», avec l’impression d’être «une touche à tout, spécialiste de rien».
Le balado a agi comme un révélateur. «J’ai réalisé que je devais être plus fière et confiante dans ce que je suis, ce que je fais, où j’en suis rendue», confie cette anthropologue de formation, engagée auprès des Autochtones, également matelot, DJ et artiste de burlesque.
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«Moments de frisson»
De son côté, Patrick Lac promet «plusieurs moments de frisson», à l’écoute de femmes «attachantes» qui possèdent de nombreuses cordes à leur arc.
Pour la deuxième saison, un volet vidéo s’ajoute au balado. Un court-métrage, montrant les coulisses des entrevues, sera bientôt dévoilé.
Le coordonnateur évoque des activistes comme Mélanie Mercier, qui lutte contre le développement d’un projet minier. L’ancienne géologue, passionnée de planche à roulettes et de planche à neige, a également lancé sa compagnie d’horticulture.
Il évoque des entrepreneuses comme Sabrina Hémond, qui a fondé Hot Poc, une société de chauffe-main réutilisable. La Québécoise, venue se ressourcer dans les Rocheuses après un passage à vide, n’en est jamais repartie.
Il y a aussi des sportives de haut niveau, comme Mélanie Bernier, ancienne membre de l’équipe nationale de ski alpin, aujourd’hui architecte.
«C’était une rencontre fabuleuse. Elle m’a répondu avec une telle honnêteté, j’en avais presque les larmes aux yeux», se remémore Patrick Lac.
Cette année, grâce au soutien de WebOuest, un volet vidéo a été ajouté au balado. Une accroche de 60 secondes précède le lancement de chaque épisode qui dure entre 35 et 40 minutes.
Un court-métrage, montrant les coulisses des entretiens, sera également bientôt dévoilé. Il sera disponible sur les sites Internet de l’AFKO et de WebOuest, ainsi que sur YouTube.
Généralement, il n’est pas facile pour les victimes de violence conjugale de tenter de demander de l’aide, alors quand s’ajoute le fait d’être en milieu rural et francophone, ça devient presque hors de portée, explique Simon Lapierre, professeur à l’École de service social de l’Université d’Ottawa.
La violence conjugale a pourtant des conséquences sérieuses sur la victime, qui peuvent aller, «dans les cas les plus extrêmes, [jusqu’à la mort]. Il peut [aussi] y avoir des conséquences d’ordre physique, il peut y avoir des conséquences sur le plan de la santé mentale», ajoute-t-il.
Des femmes isolées et des enfants en détresse
Pour les femmes en milieu rural, il est difficile d’avoir accès à un service d’hébergement, explique Nadia Losier, directrice de l’Accueil Sainte-Famille, à Tracadie-Sheila, au Nouveau-Brunswick.
Nadia Losier, directrice de l’Accueil Sainte-Famille, au Nouveau-Brunswick, précise que son organisme cherche constamment à atteindre les femmes en utilisant des moyens de communication comme la radio pour les sensibiliser.
Ces femmes doivent trouver un moyen de se soustraire à l’emprise de leur conjoint sur leurs déplacements, explique Simon Lapierre. Cette emprise peut aussi s’exercer sur le plan financier, ce qui précarise davantage la femme, ajoute-t-il.
Par conséquent, «si elle n’a pas accès à des proches, si elle n’a pas un travail, si elle n’a pas de moyens de transport, elle peut se retrouver complètement isolée», s’inquiète-t-il.
Dans la région de l’Accueil Sainte-Famille, par exemple, «il n’y a pas d’autobus, il n’y a pas de taxi, [ce qui peut] être des barrières pour l’accès au service», déplore Nadia Losier.
La présence d’un service d’aide dans une petite collectivité n’est pas pour autant une bouée de sauvetage garantie. Une femme pourrait hésiter à s’adresser à un tel service parce que «tout le monde va savoir qu’elle est [à la maison d’hébergement]», témoigne Mme Losier.
Aussi, les mères qui souhaitent se réfugier en maison d’hébergement pourraient hésiter par crainte des conséquences sur l’avenir de leurs enfants, ajoute-t-elle.
Pourtant, rester dans un climat de tension et de peur quotidien, «ça a des impacts à court, moyen et long termes pour les enfants», prévient Simon Lapierre.
Pénurie de services en français
Le manque de services en français pousse des femmes à se diriger vers des services en anglais, se désole le professeur.
Selon Simon Lapierre, professeur à l’École de service social de l’Université d’Ottawa, il faut des services francophones mis en place par des femmes francophones pour des femmes francophones qui connaissent la réalité du milieu pour que les services soient bien adaptés.
Or, aller vers des services qui ne sont pas offerts dans sa langue première n’est pas sans conséquence. Ces services pourraient ne pas bien évaluer la situation «parce qu’ils auront peut-être des informations qui vont être moins saisies», avertit Simon Lapierre.
Par ailleurs, une partie de l’information donnée en anglais aux femmes francophones pourrait leur échapper. Elles pourraient ne pas comprendre les instructions ou les services offerts, ajoute-t-il.
Pour répondre aux besoins des femmes victimes de violence conjugale en milieu rural, il faut des organismes «qui sont généralement mis sur pied par des femmes francophones pour des femmes francophones, qui connaissent la réalité du milieu et qui peuvent vraiment développer des services qui sont adaptés aux besoins», soutient Simon Lapierre.
Atteindre les populations rurales
Le Centre Victoria pour femmes, dans le Nord de l’Ontario, a des intervenants en région qui représentent des organismes d’aide aux femmes dans leur milieu, explique Mireille Charlebois, directrice adjointe des communications et des technologies du Centre.
C’est important pour nous d’aller faire du développement communautaire […] pour justement aller rencontrer des femmes et parler des services qui sont offerts [et] plus généralement de la violence contre les filles.
Le centre a aussi «des groupes de soutien et des sessions d’information pour les communautés», ajoute-t-elle.
Au Nouveau-Brunswick, l’Accueil Sainte-Famille offre aussi des services de soutien et d’hébergement pour les femmes et leurs enfants victimes de violence conjugale et familiale.
Pour informer la population rurale de ses services, l’Accueil Sainte-Famille mise sur un travail permanent de sensibilisation, mentionne la directrice Nadia Losier.
«Par exemple, on passe des annonces à la radio communautaire pratiquement à l’année. On a maintenant le texto pour donner comme une autre avenue pour une femme à communiquer avec nous. Les victimes peuvent nous appeler.»
Informer et sensibiliser
L’Accueil Sainte-Famille héberge des mères et leurs enfants pendant des périodes pouvant aller de deux semaines à deux mois, selon les besoins, indique Nadia Losier.
Le service évalue la sécurité de la mère et de ses enfants. Si ces derniers ne sont pas en danger, ils peuvent continuer à aller à l’école et à voir leurs amis, précise-t-elle.
Mireille Charlebois, directrice adjointe des communications et des technologies du Centre Victoria pour femmes, en Ontario, rappelle que les services ne servent pas à dire aux femmes quoi faire, mais plutôt à les informer et à les laisser prendre leurs propres décisions.
Elle mentionne que le centre d’hébergement est doté de systèmes de sécurité. Au moindre soupçon de menace ou si l’agresseur se présente au centre, le personnel appelle la police.
Les femmes victimes de violence conjugale peuvent aussi toujours s’adresser à un centre seulement pour se renseigner ou profiter de certains des services, sans vouloir entrer en maison d’hébergement, rassure Mireille Charlebois.
Son centre organise d’ailleurs des groupes de soutien et des séances d’information dans les collectivités afin de sensibiliser les femmes aux relations saines, au consentement et de les conscientiser aux dangers.
Mireille Charlebois tient à rappeler que leur but est de faire de la prévention et non de dicter aux femmes ce qu’elles doivent faire.
Elle signale au passage que la ligne Fem’aide en Ontario offre des services de soutien en français à toutes les femmes victimes de violence, par téléphone et par texto, à toute heure du jour et de la nuit.
Plus sur la francophonie
Le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté Canada (IRCC), Marc Miller, a annoncé le mercredi à Sudbury un programme pilote d’immigration dans les communautés rurales et francophones en situation minoritaire.
Le programme, qui sera lancé à l’automne 2024, a pour but de garantir l’accès aux services destinés à contrer la pénurie de main-d’œuvre dans ces communautés.
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«Il offrira des voies d’accès à la résidence permanente aux nouveaux arrivants qui peuvent aider à remédier aux pénuries de main-d’œuvre critiques et qui souhaitent vivre à long terme dans ces petites communautés», peut-on lire dans le communiqué d’IRCC.
Cette initiative s’inscrit dans le plan fédéral pour augmenter le poids démographique des francophones hors Québec.
La présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA), Liane Roy, accueille favorablement cette annonce.
«C’est une des premières retombées concrètes de la nouvelle Politique en matière d’immigration francophone annoncée par le ministère en janvier, et ça démontre le sérieux du gouvernement», déclare-t-elle dans un communiqué.
Selon la FCFA, «jusqu’à sept communautés francophones et acadiennes seront sélectionnées pour accueillir un total de 2750 immigrants et immigrantes d’expression française par année sous ce nouveau programme».
Le ministre des Langues officielles et de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre, Randy Boissonnault, a annoncé le 6 mars une enveloppe de près de 5 millions de dollars pour appuyer les langues officielles en Alberta.
Ce financement s’inscrit dans le programme d’appui aux langues officielles de Patrimoine canadien.
Il y aura 2,5 millions de dollars alloués aux initiatives qui visent à améliorer l’accès aux services, aux infrastructures et à l’éducation en français dans les communautés francophones de la province.
Le gouvernement de l’Alberta recevra près de 2 millions pour, entre autres, la rénovation du Campus Saint-Jean, le campus francophone de l’Université de l’Alberta.
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Randy Boissonnault annonce un financement pour soutenir les communautés francophones de l’Alberta et une bonification du financement pour les organismes francophones en milieu minoritaire.
Le 1er mars, en compagnie de l’ancienne ministre des Langues officielles, Ginette Petitpas Taylor, Randy Boissonnault a annoncé une augmentation de 12,5 % des financements de base de 308 organismes communautaires en situation minoritaire recevront, soit 62,5 millions de dollars sur 5 ans.
Cette annonce s’inscrit dans le Plan d’action pour les langues officielles 2023-2028, dévoilé en avril 2023.
«Il permet au gouvernement du Canada d’appuyer des initiatives qui touchent l’immigration francophone, le développement économique, l’éducation, la justice, la santé, les arts et la culture», peut-on lire dans le communiqué de presse de Patrimoine canadien.
Les organismes francophones en milieu minoritaire réclament une augmentation du financement de base depuis quelques années, alors que ces derniers font face à de nombreux défis liés à l’inflation, le cout de la vie et la pénurie de main-d’œuvre.
Le gouvernement fédéral renouvèle l’Initiative de journalisme local pour trois nouvelles années. Annoncé par la ministre de Patrimoine canadien, Pascale St-Onge.
La ministre de Patrimoine canadien, Pascale St-Onge, a annoncé un réinvestissement de 58,8 millions de dollars pour prolonger l’Initiative de journalisme local (IJL) jusqu’en 2027.
«Cet important investissement vise à soutenir la création d’un journalisme local original qui répond aux besoins diversifiés des communautés mal desservies au Canada», peut-on lire dans un communiqué.
Ce financement porte l’enveloppe totale consacrée à cette initiative à 128,8 millions de dollars depuis 2019.
Le Consortium des médias communautaires de langues officielles en situation minoritaire se réjouit de cette annonce, mais se dit aussi soulagé.
«C’est une grande avancée pour nos médias, car ce programme a permis de stabiliser leurs ressources en journalisme local et de rehausser la qualité de leur information locale produite», ont soutenu les coprésidents de Réseau.Presse, membre du Consortium et éditeur de Francopresse, René Chiasson et Nicolas Jean.
Taux directeur et élections partielles en Ontario
La Banque du Canada a annoncé mercredi qu’elle maintenait son taux directeur pour la cinquième fois consécutive à 5 %.
Selon la banque centrale canadienne, l’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation (IPC) est descendue à 2,9 % en janvier.
«La hausse des frais de logement reste élevée et est le facteur qui contribue le plus à l’inflation», rapporte-t-elle dans un communiqué.
Le candidat conservateur Jamil Jivani a remporté lundi l’élection partielle dans la circonscription ontarienne de Durham, avec 57,4 % des voix.
Le candidat libéral Robert Rock a pour sa part obtenu 22,5 % des voix, alors que le candidat néodémocrate, Chris Borgia, s’est classé en troisième position avec 10,4 % des suffrages.
La victoire de Jamil Jivani fait écho aux sondages d’intentions de votes des Canadiens qui placent le Parti conservateur devant le Parti libéral si des élections étaient déclenchées au niveau fédéral.
Jamil Jivani remplace ainsi Erin O’Toole, qui avait annoncé sa démission en mars 2023.
Des élections partielles sont aussi attendues dans les circonscriptions de LaSalle—Émard—Verdun au Québec et de Toronto—St. Paul’s en Ontario, pour remplacer respectivement l’ancien ministre de la Justice David Lametti et la députée libérale Carolyn Bennett.
Dans le Nord de l’Ontario, la plupart des gens se rappellent que la voix de Denis St-Jules les a réveillés tous les matins, puisqu’il a animé l’émission du matin à la station régionale de Radio-Canada pendant environ 20 ans, jusqu’en 2008.
Gaston Tremblay est ami avec Denis St-Jules depuis la fin des années 1960. Ils ont ensemble participé à Moé j’viens du Nord, ’stie et créé les Éditions Prise de parole.
Mais le natif de Sault-Sainte-Marie était plus qu’un animateur et un journaliste. Il était aussi poète et comédien. Même avant son entrée à Radio-Canada, il était déjà dans l’action et voulait donner à la culture franco-ontarienne la place qui lui revenait.
«Denis n’était jamais à l’avant-plan. C’est un gars qui était humble, très efficace», et qui croyait à la cause franco-ontarienne, relate son ami de longue date, l’auteur Gaston Tremblay.
Pour Normand Renaud, collègue à la radio pendant plusieurs années et ami, le mot qui résume le mieux la personnalité de Denis St-Jules, c’est «imperturbable». «C’est le genre de gars qui était en contrôle de ses affaires, qui avait l’air cool en surface, peu importe la folie qui se passait dans les coulisses.»
Gaston Tremblay lui attribue une autre qualité. «Il a écrit un poème qui dit : “Je t’entends rentrer chez moi / par le grincement de la porte.” Ça en dit beaucoup sur Denis, parce qu’il était extrêmement attentif aux autres.»
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La Troupe universitaire en 1970. Denis St-Jules est au centre, entouré de Carole Morissette, Jean-Paul Gagnon, Thérèse Boutin, André-Paiement, Denis Courville et Gaston Tremblay.
Participant à l’histoire
Le désir de connaitre et de faire connaitre la culture des Franco-Ontariens s’est manifesté dès le passage de Denis St-Jules à l’Université Laurentienne. Avec d’autres, il a été de tous les évènements qui ont mené à la création de plusieurs organismes culturels, maintenant regroupés sous le toit de la Place des Arts du Grand Sudbury.
À l’époque, il fait partie des étudiants qui demandent qu’on leur enseigne autre chose que des auteurs français. Il participe à la toute première production originale de la Troupe universitaire en 1969-1970.
L’année suivante, il est de la production de la pièce Moé j’viens du Nord, ’stie, perçue comme un des éléments déclencheurs de l’affirmation culturelle francophone nord-ontarienne, qui mènera à la fondation du Théâtre du Nouvel-Ontario. Il participe aussi à l’organisation de la toute première Nuit sur l’étang.
Denis St-Jules raconte ses souvenirs du Happening ontarien à Johanne Melançon, lors du lancement de L’Exposition Moé, j’viens du Nord, ’stie!.
Puis, en 1973, il est l’un des auteurs du recueil de poésie Lignes-Signes. Avec Gaston Tremblay et Jean Lalonde, ils créeront les Éditions Prise de parole afin de le publier.
Denis St-Jules ne s’est pas arrêté là. Au fil des ans, il a été membre du conseil d’administration de plusieurs organismes culturels. Même après sa retraite et son déménagement à Ottawa, il était encore actif dans la vie culturelle nord-ontarienne.
Aujourd’hui traducteur à son compte, Normand Renaud pouvait compter sur l’aide de son ami Denis St-Jules pour de la révision. Ils ont aussi travaillé ensemble pendant plusieurs années à la station sudburoise de Radio-Canada.
L’engagement qui l’habitait dans sa jeunesse universitaire ne l’a jamais quitté. «C’était encore le même homme 10 ans plus tard, ou 20 ans plus tard, quand il était animateur, raconte Normand Renaud. C’était le même engagement. Je n’avais pas l’impression de travailler avec un fondateur de la culture, mais avec un travailleur de la culture, quelqu’un qui avait encore les deux manches relevées et qui continuait de faire sa contribution.»
Lorsque l’Université Laurentienne a coupé 24 programmes en français en 2021, Denis St-Jules avait été particulièrement bouleversé. «Que restera-t-il alors de cette université qui n’a évidemment plus les moyens de ses prétentions?», avait-il écrit dans une lettre.
Une voix en héritage
Michel Laforge est un musicien indépendant basé à Sudbury. Il a fait une maitrise en histoire sur l’identité franco-ontarienne à Sudbury entre 1968 et 1975 – c’est là qu’il a vu le nom de Denis St-Jules pour la première fois.
«Je gravite beaucoup autour de la Place des Arts et les organismes qui l’ont fondée. En quelque part, c’est grâce à Denis et plein d’autres mondes. Mais si ce n’était pas d’eux, je n’aurais probablement pas de carrière. Il aurait fallu que je déménage de Sudbury pour faire ce que je fais aujourd’hui», dit-il.
Sans des pionniers comme Denis St-Jules, Michel Laforge croit qu’il ne pourrait pas être musicien indépendant dans le Nord de l’Ontario.
De ses rencontres avec Denis St-Jules, il se souvient d’un homme bienveillant et plein de bonne volonté. Sa théorie, c’est que sa passion devait être contagieuse et a influencé ceux qui se trouvaient dans la même pièce.
Alex Tétreault a aussi travaillé dans les organismes culturels de Sudbury. Il a rencontré Denis St-Jules à travers le Salon du livre. Même si c’était «un vieux de la vieille, il n’était pas une tête grise», dit-il d’un ton un peu moqueur.
«Il était toujours ouvert à la nouveauté. Il était allumé, il était le fun. C’était un homme qui était incroyablement généreux… vraiment juste une bonne personne.» Il semblait toujours intéressé par ce que préparaient les nouvelles générations d’artistes, ajoute Alex Tétreault.
Alex Tétreault a été marqué par la curiosité de Denis St-Jules pour les projets des jeunes artistes de la relève.
Pour lui, il était évident que Denis St-Jules faisait ce qu’il faisait «par amour de la chose, par amour pour sa communauté».
Gaston Tremblay prépare présentement le troisième tome de sa série de romans d’autofiction autour de l’effervescence à laquelle lui, Denis St-Jules, André Paiement, Robert Paquette et bien d’autres ont participé.
La présence de son ami Denis lui manquera doublement, puisqu’il devait l’aider à la relecture et à construire le personnage qui le représentera.
«La dernière chose que je lui ai dite dans ma lettre : “maintenant il ne me reste qu’à créer un personnel à la hauteur de ta personne”», conclut M. Tremblay.
Le ministre d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), Marc Miller, a annoncé le 6 mars de nouveaux programmes pilotes d’immigration, dont le Programme pilote d’immigration dans les communautés francophones.
Ce dernier s’inscrit dans la Politique d’immigration francophone annoncée en janvier et sera lancé à l’automne 2024.
Le programme aidera «ces communautés à attirer et à retenir des nouveaux arrivants d’expression française grâce à l’immigration économique régionale», a déclaré le ministre en conférence de presse.
Cette déclaration reflète la réalité de l’immigration francophone au pays, qui repose surtout sur l’immigration économique. En 2022, l’immigration économique représentait 80 % des résidents permanents d’expression française admis à l’extérieur du Québec.
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L’initiative fait partie des efforts d’IRCC pour rétablir, et éventuellement augmenter, le poids démographique des francophones hors Québec qui est actuellement en chute libre.
«On veut raffiner un peu notre façon de faire les choses, évidemment pour s’assurer que ce taux de rétention soit plus efficace, surtout avec des gens qui parlent français, étant donné la fragilité de la langue surtout à l’extérieur du Québec», a affirmé Marc Miller.
Jusqu’à sept communautés francophones et acadiennes seront sélectionnées pour accueillir 2750 immigrants d’expression française par année, a précisé le ministre.
Pour la présidente de la FCFA, Liane Roy, cette annonce est une retombée concrète de la Politique en matière d’immigration francophone.
«Ça démontre le sérieux du gouvernement»
«Pour la FCFA, cette initiative coche deux cases : elle favorise la croissance de la francophonie tout en s’adressant aux pénuries de main-d’œuvre dans nos communautés», se réjouit dans un communiqué la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA).
L’ampleur de cette pénurie demeure toutefois un mystère. Malgré des recommandations formulées à cet égard par le Conseil des ministres sur la francophonie canadienne en 2021, le nombre d’offres d’emploi ne trouvant pas preneurs dans ces communautés n’est toujours pas connu.
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La présidente de la FCFA, Liane Roy, estime que le programme pilote est «une des premières retombées concrètes de la nouvelle Politique en matière d’immigration francophone» et que «ça démontre le sérieux du gouvernement».
«D’ailleurs, une des pièces maitresses de cette politique, c’est la création éventuelle d’un programme économique distinct en immigration économique permanent; la mise en place d’un programme pilote sera une rampe de lancement parfaite à cet égard», ajoute-t-elle dans le communiqué.
Selon Marc Miller, les deux programmes annoncés favoriseront la rétention des immigrants.
Un programme permanent dans les communautés rurales
Marc Miller a aussi annoncé la création du Programme pilote d’immigration dans les communautés rurales.
Celui-ci «vise à garantir que les communautés rurales continuent d’avoir accès aux programmes destinés à remédier aux pénuries de main-d’œuvre et à aider les entreprises locales à trouver les travailleurs dont elles ont besoin», lit-on dans le communiqué d’IRCC.
Le ministre prévient qu’il faudra encore quelques mois au gouvernement afin de finaliser ce programme, dont l’élaboration sera inspirée par le Programme pilote d’immigration dans les communautés rurales et du Nord (PPICRN), qui prendra fin en aout 2024.
«Ce programme permettra de poursuivre le travail important de rétention des travailleurs étrangers talentueux», a assuré le ministre.
Selon le communiqué, «IRCC ouvrira le processus de candidature des communautés au printemps pour sélectionner les communautés qui participeront aux programmes pilotes».
En 1984, Brian Mulroney, sous la bannière du Parti progressiste-conservateur, obtient le plus grand nombre de sièges de l’histoire aux élections fédérales avec 211.
Même avant son élection comme premier ministre du Canada, le politicien d’origine québécoise prenait des positions importantes en ce qui a trait à la francophonie, notamment concernant ce qui se passait du côté du Manitoba, explique le professeur en sciences politiques à l’Université de l’Alberta au Campus Saint-Jean, Frédéric Boily.
En 1987, le premier ministre Brian Mulroney propose l’Accord constitutionnel du lac Meech afin de réconcilier le Canada anglais et le Canada français.
«Il y avait tout un débat sur le bilinguisme au Manitoba», renchérit pour sa part le professeur agrégé à la Cité universitaire francophone de l’Université de Regina, Michael Poplyansky. «Il y avait beaucoup de gens au sein du Parti conservateur, tant fédéral que provincial évidemment, qui s’opposaient au bilinguisme au Manitoba.»
Le gouvernement de Pierre Elliot Trudeau de l’époque avait conclu une entente avec le gouvernement du Manitoba qui ne l’obligeait pas à traduire toutes les lois adoptées depuis 1890, mais il devrait «donner des services en français et devrait même enchâsser ce caractère bilingue dans la constitution canadienne», ajoute Michael Poplyansky.
Alors que de nombreux conservateurs, tant au niveau provincial que fédéral, s’opposent à cette demande, Brian Mulroney se lève à la Chambre des communes pour se ranger du côté du premier ministre Trudeau et du chef du Nouveau Parti démocratique de l’époque, Ed Broadbent.
«Tous les trois avaient la même position, soit que le Manitoba devait accepter de se bilinguiser au niveau provincial», explique Michael Poplyansky.
Cette histoire ira jusqu’à la Cour suprême qui, finalement, donnera raison aux Franco-manitobains.
Selon le professeur Poplyansky, la Cité universitaire francophone de l’Université de Regina a été rendue possible grâce à un financement de près de 10 millions de dollars émergeant d’une entente entre Brian Mulroney et la communauté fransaskoise en 1988.
Selon Frédéric Boily, Brian Mulroney a réussi à réconcilier les conservateurs et les francophones hors Québec.
Le réconciliateur
Selon Frédéric Boily, jusqu’à l’arrivée de Brian Mulroney comme premier ministre, les conservateurs suscitaient beaucoup de méfiance chez les communautés francophones hors Québec.
«Brian Mulroney représente un premier ministre conservateur qui, d’une certaine façon, réconcilie les conservateurs avec les enjeux francophones, soutient Frédéric Boily. […]Les conservateurs avaient beaucoup de difficulté à prendre en considération la place particulière des francophones dans l’espace politique canadien.»
Ses prises de position lors de plusieurs débats en lien avec les enjeux de la francophonie et du bilinguisme ont été un élément fondamental de cette redéfinition de la relation entre les conservateurs et les francophones afin de démontrer «que les francophones ne seraient pas oubliés avec un gouvernement conservateur».
1988 : première modernisation de la Loi sur les langues officielles
Michael Poplyansky considère que Brian Mulroney n’a pas eu la tâche facile lorsqu’il défendait la dualité linguistique du pays, car il y avait un mouvement, tant au niveau provincial que fédéral, contre le bilinguisme.
Brian Mulroney a toujours démontré qu’il était sensible à l’idée d’un Canada bilingue et au principe que le gouvernement fédéral devait offrir les services dans les deux langues partout au pays, soutient le professeur agrégé Michael Poplyansky.
Dans cette optique, Brian Mulroney désire consolider la Loi sur les langues officielles 19 ans après son entrée en vigueur en 1969 afin de mieux représenter la dualité linguistique du pays.
«La Loi de 1988 est venue donner un nouvel élan à la dualité linguistique, peut-on lire dans une publication du Commissariat aux langues officielles (CLO), notamment en cristallisant les droits en matière de langue de travail et en reconnaissant l’importance de la promotion du français et de l’anglais ainsi que de l’épanouissement des communautés de langue officielle en situation minoritaire.»
Des funérailles d’État sont prévues le 23 mars prochain pour l’ancien premier ministre du Canada, Brian Mulroney.
Un vaste chantier, selon ONU Femmes, qui estime qu’il faudra près de 300 ans pour atteindre cette égalité si nous n’accélérons pas les efforts. Mais ce thème m’inspire également une tout autre réflexion, plus personnelle, sur l’importance vitale du repos dans nos luttes.
Depuis que j’ai souffert d’épuisement l’année dernière et depuis les épisodes dépressifs qui ont suivi, j’éprouve beaucoup de difficultés à me concentrer. Mon rythme de vie s’en est trouvé fortement affecté.
Finies les longues périodes de travail intensif. Terminé l’agenda rempli du matin au soir. Au revoir les sorties organisées plusieurs mois à l’avance.
Je passe désormais plus de temps à scroller sur Instagram qu’à lire des essais sociologiques, et mes leçons de piano se sont faites aussi rares que des prévisions budgétaires exactes au Nouveau-Brunswick.
Certaines activités, cependant, ont pris davantage de place dans ma vie : jardiner, écrire, cuisiner, discuter avec mes amies et amis, danser, faire l’amour. Des choses simples, qui s’inscrivent dans la durée et la répétition.
J’ai réalisé que ce rythme me convenait davantage et me permettait de mieux ressentir la joie, dans le sens spinozien du terme, c’est-à-dire comme un état mental profond qui découle de ma compréhension de la façon dont le monde fonctionne, plutôt que de mes possessions matérielles ou de l’assouvissement de mes désirs.
Qu’allons-nous faire collectivement de notre surmenage?
L’épuisement professionnel n’est pas simplement le résultat d’une charge de travail excessive ou de responsabilités accablantes. C’est le symptôme d’un système capitaliste malade.
Dans nos sociétés où la productivité et la réussite sont constamment valorisées, il est facile de se retrouver piégé dans un cycle incessant de travail et de stress. Dans un sentiment d’urgence qui nous donne l’impression d’exister, le cerveau noyé sous les endorphines.
Mais combien d’entre nous font face à de réelles urgences? Un rapport administratif à remettre ou une présentation n’ont rien de foncièrement urgent, selon moi.
Nous sommes constamment poussés à en faire plus, à être plus performants, sans jamais prendre le temps de nous reposer ou de nous ressourcer. Résultat : aujourd’hui, au Canada, un adulte sur quatre souffre de dépression, d’anxiété ou de trouble de stress posttraumatique.
Le paradoxe est frappant : nos sociétés sont de plus en plus riches matériellement, mais nous-mêmes sommes de plus en plus déprimés et épuisés. Nous sommes conditionnés à croire que notre valeur dépend de notre productivité et de notre succès matériel, ce qui entraine un sentiment constant d’insatisfaction et d’anxiété.
Le repos comme un acte de résistance radical
La poétesse et militante américaine Tricia Hersey, également connue sous le nom de Nap Bishop, défend le repos comme un acte de résistance radical contre la culture de l’hyperproductivité actuelle.
Selon elle, le repos est bien plus qu’un simple moment de détente : c’est une affirmation de notre droit fondamental à une existence pleine et équilibrée. Dans son ouvrage Rest is Resistance: A Manifesto (Le repos est résistance : un manifeste), elle explore comment le repos perturbe et repousse les systèmes oppressifs du capitalisme et de la suprématie blanche.
Elle avance que le repos est une pratique qui nous permet de nous reconnecter avec notre humanité profonde. En choisissant de nous reposer, nous affirmons notre autonomie et notre valeur intrinsèque en tant qu’êtres humains. C’est un refus de nous laisser définir par notre productivité et notre utilité aux yeux des autres.
En cette Journée internationale des droits des femmes, alors que nous investissons en faveur des femmes et de leur émancipation, rappelons-nous l’importance vitale du repos dans cette lutte.
Le repos nous permet de reprendre notre pouvoir, de réclamer notre temps et notre énergie pour nous-mêmes. C’est une forme de résistance contre les systèmes oppressifs qui cherchent à nous exploiter et à nous aliéner.
Ainsi, en célébrant le 8 mars, engageons-nous à accélérer le rythme vers l’égalité des genres, certes, mais aussi, et peut-être surtout, à nous reposer lorsque cela est nécessaire. Car dans ce repos réside une puissante forme de résistance, une affirmation de notre humanité et de notre droit à une vie pleine de joie, de créativité et de connexion avec nous-mêmes et avec les autres.
Originaire de Belgique, Julie Gillet est titulaire d’une maitrise en journalisme. Militante éprise de justice sociale, voici près de quinze ans qu’elle travaille dans le secteur communautaire francophone et s’intéresse aux questions d’égalité entre les genres. Elle tire la force de son engagement dans la convergence des luttes féministes, environnementales et antiracistes. Elle vit aujourd’hui à Moncton, au Nouveau-Brunswick.
C’est en 2015 que les chemins de James Natsis (ou Jim, pour les intimes) et de Patrick Litanga se croisent, au sein du cercle francophone de Louisville. Le premier, américain d’origine grecque, est un fervent francophile. Le second, originaire de la République démocratique du Congo, vit aux États-Unis depuis 2003.
Quelques années plus tard, pendant la pandémie de COVID-19, James Natsis propose à son acolyte de créer un balado dans la langue de Molière. Selon lui, ce créneau reste à prendre.
James Natsis (à gauche) est professeur de langues à l’Université d’État de Virginie-Occidentale et Patrick Litanga (à droite) est professeur de sciences politiques à l’Université du Kentucky de l’Est.
«Il n’y a pas vraiment de balados francophones aux États-Unis, remarque James Natsis. Il y en a en anglais ou avec un petit peu de français, mais les gens n’osent pas vraiment faire ça complètement en français.»
L’idée ne tombe pas dans l’oreille d’un sourd. «Il n’y avait pas un genre de forum où les francophones et les francophiles de tous niveaux, de toutes aspirations, pouvaient participer directement. C’est pourquoi, lorsque Jim m’a parlé de ça, avant même qu’il ne termine, je me suis dit “oui, je veux le faire!”», se souvient Patrick Litanga.
Le premier épisode des Récits Francophones au Cœur de l’Amérique sort ainsi en aout 2021. Aujourd’hui, le compteur du balado affiche 69 épisodes.
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«On est invisibles ici»
Toutes les deux semaines, le duo va à la rencontre de francophones vivant aux États-Unis, au Canada, mais aussi en Amérique du Sud.
«En créant ce forum, on donne l’opportunité à des francophones, à des étudiants, à des gens qui parlent très bien le français, à des gens qui apprennent le français, engagés avec la langue française» de prendre le micro, détaille Patrick Litanga.
Le balado est aussi une occasion de mettre en lumière ces personnes.
On est invisibles ici. Il ne faut pas oublier que pour la plupart des gens, le français est la deuxième, troisième langue. Et ce n’est pas évident, quand on rencontre quelqu’un, de savoir s’il parle français si on n’a pas un contexte.
Le duo d’animateurs classerait les invités du balado dans trois catégories : ceux qui ont une longue histoire avec la francophonie américaine, ceux qui apprennent ou ont appris le français, et les nouveaux arrivants.
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Effet domino
«Le Canada m’a beaucoup influencé», confie James Natsis.
Ce professeur de langues admire la capacité des Franco-Canadiens à trouver des équivalents français de mots en anglais dans l’espace public, comme «courriel», «stationnement», «balado», «magasiner», etc.
Le francophile s’est également inspiré des Louisianais, «fiers» de parler français, peu importe leur accent.
«L’influence des Canadiens est une inspiration pour nous. Puis quand les dominos tombent, c’est la Louisiane, après, qui nous a donné, encouragés», illustre James Natsis.
«Nous avons associé à [l’influence du Québec et du Canada] le pragmatisme américain : c’est-à-dire qu’on vit avec. On commence là où on est, avec ce qu’on peut, et on va voir là où ça va nous amener», ajoute Patrick Litanga.
En français, s’il vous plait
Tout le monde est invité à s’exprimer, y compris les débutants. «Notre seule règle, c’est que ça doit être en français», insiste James Natsis.
Parler couramment français ou avec beaucoup d’hésitations, peu importe.
Au Canada, vous êtes jugé parfois quand ce n’est pas parfait, donc je n’ose pas postuler pour un travail par exemple. Mais ici, aux États-Unis, on n’a rien à perdre.
«J’aime pas quand on mélange. On essaie de trouver les mots en français, même si ce ne sont pas des bons mots […] On ne peut pas ouvrir la porte vers le bilinguisme», lance-t-il, sous peine d’être engloutis par Shakespeare. Le duo reste fier d’avoir réussi ce pari linguistique.
«Notre intention, c’est d’explorer ces différentes francophonies dans leurs originalités, tout en oubliant un peu les côtés de la sécurité linguistique. […] On se rencontre avec des francophones américains qui ont des accents, des patois différents, et c’est un peu ça la beauté de notre structure», note Patrick Litanga.
«En tant que francophone de l’Afrique vivant aux États-Unis, je n’étais pas informé de la manière dont il y a les différentes francophonies ici, aux États-Unis […] J’avais peut-être une idée que la Louisiane avait été achetée par les Américains ou les Français, des histoires pareilles, mais j’étais complètement ignorant qu’il y avait des francophones d’origine américaine qui essayaient de garder leur histoire, de maintenir leur langue», raconte-t-il.
Pas question pour autant d’en faire une arène politique, ou du moins politicienne. «C’est raconter simplement des histoires de chacun, sans rentrer dans les débats», explique James Natsis. Même si certains sujets comme la présence du français en Louisiane sont abordés.
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Un écosystème rayonnant
Le symbole de Louisville est une fleur de lis.
Le binôme a pourtant bel et bien conscience d’appartenir à un «écosystème», dont le point névralgique est le Québec et le Canada. «Et puis, ça rayonne.»
«Nous sommes dans ce que j’appelle “la périphérie de la francophonie nord-américaine”, témoigne Patrick Litanga. Mais il y a un tas d’autres gens qui parlent français qui sont isolés. Par exemple, ici au Kentucky, il y a un bon nombre d’immigrants, des Français, des Africains; il y a même des Sud-Américains qui vous parlent français. Notre tâche, c’est de créer cette possibilité qu’eux sachent que cette francophonie existe encore.»
«Avant, on boudait les gens qui sont dans les coins perdus. Mais c’est l’Internet qui nous relie», complète James Natsis.
Une «folie»?
Les deux comparses définissent eux-mêmes leur entreprise comme une «folie».
«C’est un peu comme si vous êtes en train de marcher quelque part et vous voyez quelque chose qui n’a pas de sens, dit James Natsis en riant. Il y a ces deux gars qui font un balado en français aux États-Unis, au milieu de nulle part. C’est fou, c’est dingue!»
Pourtant, ces hurluberlus ont toute leur tête. «Nous nous engageons dans cette histoire parce que nous pensons que c’est important», rapporte Patrick Litanga, comparant leur démarche à un «sacerdoce».
Le duo songe désormais à créer un site Web ou une plateforme nord-américaine, dont leur balado ferait partie. «Et s’il y a des gens qui s’intéressent à explorer ces possibilités, qu’ils se mettent en contact avec nous!»