le Dimanche 25 mai 2025

Publiée en 2014 dans The British Journal of Politics and International Relations, l’étude en question se penche sur les commentaires et la couverture médiatique entourant la nomination de Mark Carney comme gouverneur de la Banque d’Angleterre.

Les chercheurs, Chris Clark et Adrienne Roberts, démontrent que Mark Carney est présenté «comme un superhéros sexy et élégant de la banque centrale, capable de stimuler l’économie britannique grâce à ses pouvoirs monétaires magiques».

Ce narratif, selon eux, contribue à normaliser la domination masculine en économie et en finances. La gouvernance de Mark Carney aurait aussi contribué «à faire taire et en partie à reproduire les schémas d’inégalités de genre dans le secteur financier».

Retournons au début.

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Le Clooney de la finance ou Mark «Clooney»

Depuis janvier, on entend que Mark Carney ne possède ni le charisme ni la beauté de Justin Trudeau. Pourtant, lors de son passage à la Banque d’Angleterre, il était surnommé le George Clooney du monde bancaire.

Mark Carney en 2011, alors qu’il était encore gouverneur de la banque du Canada. 

Photo : Jolanda Flubacher – CCA_ShareAlike2 – Wikimedia

Plusieurs articles de presse faisaient référence «à la personnalité charmante du “nouveau gouverneur tiré à quatre épingles” qui aurait une ressemblance frappante à George Clooney», écrivent les auteurs dans leur étude.

M. Carney a été décrit tour à tour comme une «“idole de cinéma” dotée de qualités messianiques, un “banquier rockstar” et un “père de quatre enfants qui joue au hockey et qui a étudié à Harvard et à Oxford”», ajoutent-ils.

Les politologues citent un article de The Standard de 2013, dans lequel un haut fonctionnaire du Trésor avait témoigné : «Mark Carney incarne “le parfait homme de Davos”».

«À chaque fois qu’un grand sourire blanc marquait les traits indéniablement séduisants de Carney, les députés – tous adultes – semblaient presque rougir», écrivait The Independant.

Et dans The Guardian, Mark Carney décroche le titre de «jeune prince». «Le prince» est, par coïncidence, aussi le titre d’un livre sur Justin Trudeau, écrit par le journaliste canadien Stephen Maher.

Freeland commente l’arrivée de Carney à Londres

Les auteurs de l’étude citent, entre autres, un texte écrit par nulle autre que Chrystia Freeland.

La ministre canadienne actuelle des Transports et du Commerce intérieur – dont la démission des postes de ministre des Finances et de vice-première ministre a fait couler beaucoup d’encre – a longtemps été journaliste.

«Ces commentaires [sur son physique, notamment] normalisent le sex appeal masculinisé de Carney auprès de ses collègues, mais ils naturalisent aussi la dominance des hommes en finances», lit-on dans l’étude. Photo : Julien Cayouette – Francopresse

En 2013, Mme Freeland écrivait pour l’agence de presse Reuters. Elle publie dans le New York Times un article sur l’arrivée de Mark Carney à la tête de la Banque d’Angleterre intitulé «Banker Steps Into the Role of Superhero» [Un banquier entre dans le rôle de superhéros].

Elle parle notamment des «pouvoirs financiers magiques» de M. Carney et de son «charisme de vedette».

Douze ans plus tard, Chrystia Freeland l’a affronté dans la course à la chefferie du PLC, a perdu et a fini par rejoindre le cabinet du nouveau premier ministre. Mark Carney est également le parrain du fils de Chrystia Freeland.

«Alors que les banquiers centraux ont longtemps été dépeints comme de vieux sages qui sont des “oracles” cartésiens, responsables et indépendants, le récit entourant Carney allie de manière exceptionnelle ces traits avec ceux du charme et de l’esprit», écrivent les chercheurs.

Mark Carney, la finance privée et les inégalités de genre

L’étude met de l’avant deux idéaux types de la masculinité à partir desquels est analysé le narratif entourant M. Carney : la «masculinité bourgeoise traditionnelle» et la «masculinité d’affaires transnationale». L’ancien gouverneur aurait des caractéristiques des deux catégories.

Les années qui ont mené à la crise financière de 2008 étaient teintées d’une masculinité caractérisée par une «prise de risque dictée par la testostérone», commentent les politologues. Il y avait donc besoin d’une figure plus «conservatrice et paternelle pour reprendre le contrôle de la folie financière», suggèrent-ils.

Traduction d’un tableau présenté dans l’étude de Chris Clark et d’Adrienne Roberts. Ces idéaux types ont été développés par une poignée de théoriciens. 

Photo : Capture d’écran

«Construire des narratifs pour présenter quelqu’un comme le prochain gouverneur de la Banque [d’Angleterre], c’est déjà s’inscrire dans un discours qui vient naturaliser les caractéristiques associées aux hommes et aux femmes», explique l’économiste et professeure associée à la retraite de l’Université Laval Sylvie Morel.

«Ce sont des mythes», ajoute-t-elle. Les crises et la manière dont on les a gérées «ne sont pas réductibles à des comportements individuels». «L’entrée dans la crise, par exemple, n’est pas réductible aux folies d’une masculinité d’affaires transnationale. […] C’est structurel.»

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L’étude conclut aussi que la manière de gouverner de Mark Carney a «contribué à créer un système financier qui accentue les inégalités» économiques entre genres.

D’abord, parce que c’est ce qui arrive généralement lorsque les intérêts de la finance privée influencent l’élaboration de politiques financières. Les chercheurs rappellent ainsi le passage de M. Carney à la banque d’investissement Goldman Sachs.

L’étude cite Andrea Leadsom, qui était député au Parlement britannique et qui avait dit en 2013 que Mark Carney est «assurément ennuyeux malgré son allure de vedette de cinéma».

Photo : Richard Townshend – Wikimedia Commons

«Il est difficile de documenter de manière explicite les liens entre Carney et ses anciens collègues de Goldman Sachs, mais selon un ancien banquier d’investissement, la firme jouit d’un pouvoir mondial et de relations influentes sans égal, dont elle tire pleinement parti», écrivent-ils, en citant le livre How Goldman Sachs Came to Rule the World.

Ensuite, parce que Mark Carney «dépolitisait» l’économie. La logique est la suivante : M. Carney misait, selon eux, sur une vision indépendante, neutre et technocratique de l’économie et des finances. Or, ces domaines ne sont pas neutres, car ils ont des incidences souvent disproportionnées sur les femmes. La neutralité de Mark Carney ignorait donc la réalité pourtant genrée de l’économie.

Et enfin, parce que Mark Carney réglait la crise financière d’une manière qui renforce certaines inégalités, par exemple en menant une politique monétaire centrée sur la stabilité des prix et le contrôle de l’inflation, des décisions qui peuvent aggraver les inégalités entre genres, soulignent les politologues.

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L’histoire se répète

«Mark Carney joue beaucoup de sa crédibilité actuellement, il se veut rassurant. On fait beaucoup valoir son expérience, son expertise. Il y a tout le narratif de la rationalité», fait remarquer Sylvie Morel sur l’arrivée de l’ancien banquier à Ottawa, en 2025. «On l’amène un peu comme un sauveur.»

En même temps, il joue de l’autre idéal type lorsqu’il dit : «Je suis capable de montrer de gros bras, je suis capable de parler à Trump, de l’affronter.»

— Sylvie Morel

Mark Carney tomberait donc toujours dans les deux idéaux types.

Contrairement à 2013, Mark Carney est désormais engagé dans la vie politique et en campagne électorale : il est scruté. «Il recueille les critiques, observe-t-elle. On dit qu’on ne le connait pas vraiment, qu’il n’est pas clair sur ses actifs financiers […], les histoires avec Brookfield, son incohérence sur la loi 96.»

La glace a très rapidement été brisée par François Choquette (Nouveau Parti démocratique), qui n’a pas hésité avant d’interrompre Steven MacKinnon (Parti libéral du Canada) pour lui rappeler qu’il reste de nombreux besoins à combler en matière de garderies francophones.

Aucun parti n’a expliqué clairement comment ils combleraient ces besoins. M. MacKinnon a simplement répondu que si réélus, les libéraux garantiraient des places francophones en garderie.

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Joël Godin a assuré que le Parti conservateur du Canada augmentera l’immigration francophone hors Québec à 20 %, sans toutefois donner d’échéance pour atteindre cette cible. 

Photo : Olivier Plante – Radio-Canada

Sur le financement du postsecondaire francophone, Joël Godin (Parti conservateur du Canada) a promis de la «prévisibilité» aux établissements. Son adversaire libéral a vanté le Plan d’action pour les langues officielles (PALO) 2023-2028, mais n’a annoncé rien de nouveau pour le secteur.

M. Choquette a insisté sur le fait qu’il fallait tenir compte des établissements de petite taille, comme l’Université de Hearst et l’Université de l’Ontario français. Martin Champoux (Bloc québécois) a rappelé que l’éducation est de compétence provinciale, et que le fédéral devrait «équiper» les provinces.

L’éducation n’était que l’échauffement.

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Bilan libéral attaqué

Le cochef du Parti vert du Canada, Jonathan Pedneault, a profité de cette invitation pour dénoncer un manque d’action libéral en matière de francophonie.

«Il y a une richesse culturelle que moi, en tant que Québécois, je découvre maintenant dans mon rôle de politicien fédéral. J’aimerais que chaque Québécois soit au courant des luttes, des pérégrinations des francophones à travers le pays», a déclaré Jonathan Pedneault.

Photo : Olivier Plante – Radio-Canada

«En quoi c’est suffisant?», a-t-il demandé deux fois plutôt qu’une à M. MacKinnon, qui vantait le PALO de 1,4 milliard de dollars. «C’est insuffisant», a ajouté François Choquette, qui souhaite bonifier les fonds octroyés aux organismes francophones.

Attaquant le bilan libéral en matière de bilinguisme et estimant lui aussi que la bonification du PALO par les libéraux était insuffisante, Joël Godin stipule que pour protéger le français, «c’est très simple» : «On va nommer une gouverneure générale qui parle français. On va permettre de comptabiliser tous les ayants droit dans le recensement.»

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M. MacKinnon a aussi été questionné sur la disparition du titre de ministre des Langues officielles dans le Cabinet ministériel formé par le nouveau chef libéral et premier ministre du Canada, Mark Carney, en mars dernier. Ce à quoi il a répondu : «Steven Guilbeault est le ministre des Langues officielles» et «tout sera à refaire après les élections».

Steven MacKinnon a défendu le bilan de son gouvernement et affirme que l’intégration des immigrants francophones reste une «priorité». 

Photo : Olivier Plante – Radio-Canada 

M. Guilbeault est responsable des Langues officielles, mais le portefeuille ne figure pas dans son titre : ministre de la Culture et de l’Identité canadiennes, Parcs Canada et lieutenant du Québec.

Steven MacKinnon a également essuyé des critiques concernant les récentes compressions annoncées au Bureau de la traduction. Selon lui, le Bureau doit être conservé et l’intelligence artificielle doit aussi en faire partie, mais avec un encadrement humain.

L’IA «n’a pas sa place dans la fonction publique de cette manière-là», a rétorqué Jonathan Pedneault. «Il faut protéger [le Bureau de la traduction], pas le couper.»

Martin Champoux s’est aussi positionné contre l’intégration de l’IA au Bureau, évoquant le besoin de «talents humains». «On est loin d’être prêts à laisser [à l’IA] autant de place pour des sujets aussi importants. Ce serait une grave erreur.»

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Couper sans blesser

Questionné sur les compressions prévues par son parti dans la fonction publique, Joël Godin a promis que le cadre financier conservateur «n’indique aucune coupure au niveau des organismes de langue française». Pour ce qui est des fonctionnaires, il y aura une réduction par attrition, mais surtout, une demande de «résultats», affirme le candidat.

Martin Champoux a affirmé que le Bloc québécois était un allié des francophones en situation minoritaire et affirme que couper le financement de CBC sans toucher à Radio-Canada est une «lubie». 

Photo : Olivier Plante – Radio-Canada

Et lorsque Jonathan Pedneault a accusé les conservateurs de vouloir couper dans le postsecondaire francophone, M. Godin a indiqué que cela était faux et qu’il fallait contrer l’antisémitisme. Il faisait ici référence à la condition que le Parti conservateur veut imposer au financement des établissements postsecondaires : l’application des normes de l’article 2 de la Charte sur la liberté d’expression.

Joël Godin estime aussi qu’il est possible de définancer CBC et de protéger sa jumelle francophone, une proposition dénoncée par tous ses adversaires. Les quatre autres candidats ont réitéré leur soutien envers Radio-Canada et les médias locaux francophones.

Pour les autres médias en milieu minoritaire, M. Choquette veut d’ailleurs bonifier l’Initiative de journaliste local (IJL). M. Pedneault aimerait quant à lui voir plus de contenu francophone hors Québec à la «télévision nationale».

Martin Champoux en a profité pour rappeler que la Loi sur la diffusion continue en ligne est présentement devant le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) et occasionnera «des résultats tangibles pour la participation des géants du numérique au contenu canadien et en matière de découvrabilité du contenu francophone».

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Les journaux francophones en milieu minoritaire ont participé au débat par la voix du rédacteur en chef du Nunavoix, Brice Ivanovic. Les verts et le NPD ont promis plus d’investissements. 

Photo : Olivier Plante – Radio-Canada

Nouvelles cibles en immigration francophone

Dans sa plateforme électorale, le Parti libéral promet une cible d’immigration francophone hors Québec de 12 % d’ici 2029, un objectif que le chef conservateur Pierre Poilievre a qualifié de «raisonnable» lors d’une conférence de presse la semaine dernière. Malgré ce compliment, les conservateurs ne donnent pas de cible dans leur plateforme.

Néanmoins, Joël Godin a annoncé lors du débat que les conservateurs iraient jusqu’à 20 % d’immigration francophone, mais a refusé de dire pour quelle année.

Pour les ainés, François Choquette mise sur les soins de santé à domicile, et ce, en français. Il propose une augmentation des transferts en santé pour ce faire. 

Photo : Olivier Plante – Radio-Canada 

M. MacKinnon a de son côté vanté la cible de 12 % promise par son parti, tout en prétendant que c’était la demande de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA). Mais comme l’a rectifié Martin Champoux, celle-ci demandait 12 % dès 2026.

M. Choquette a reconnu le besoin de cibles plus ambitieuses, mais n’a pas eu le temps de détailler les promesses néo-démocrates en la matière. Jonathan Pedneault a reconnu le besoin d’augmenter l’immigration francophone, mais il n’a pas non plus donné de cible.

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«Plus de mordant» pour le CLO

Un prochain commissaire aux langues officielles sera bientôt nommé, et François Choquette demande que des consultations soient menées en prévision. Il espère aussi qu’il s’agira d’«une personne qui va avoir du mordant».

Joël Godin a quant à lui rappelé que le commissaire attend toujours un décret dans le cadre de la modernisation de la Loi sur les langues officielles. Il a demandé à M. MacKinnon une échéance pour le dépôt de ce décret, mais n’a pas obtenu de réponse.

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Ce débat est le fruit d’une collaboration entre Radio-Canada, Les médias écrits membres de Réseau.Presse et Francopresse, qui ont participé à l’élaboration des questions du débat.

Radio-Canada, Réseau.Presse et Francopresse ont organisé un débat en français sur les enjeux qui préoccupent toujours la francophonie canadienne, comme l’éducation et l’accueil des immigrants et immigrantes, pour n’en nommer que deux.

Martin Champoux du Bloc québécois, François Choquette du Nouveau Parti démocratique, Joël Godin du Parti conservateur du Canada, Steven MacKinnon du Parti libéral du Canada et Jonathan Pedneault du Parti vert du Canada répondront aux questions.

«Nous estimons que 2,4 millions de ménages ont actuellement des besoins impérieux en matière de logement, et nous projetons que 2,6 millions de ménages en auront d’ici 2027», écrivait le directeur parlementaire du budget dans un rapport en décembre 2024.

Ottawa a sabré dans le financement du logement social vers le milieu des années 1990, laissant ainsi plus de place au privé, raconte Louis Gaudreau. 

Photo : Courtoisie

«Il y a cette idée que si on est dans une crise du logement aujourd’hui, c’est parce qu’on n’a pas suffisamment construit», rappelle le professeur à l’École de travail social de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), Louis Gaudreau. Mais construire des logements que personne ne peut se payer ne règle aucune crise, dit-il.

Au Québec, par exemple, le taux de construction était élevé au début des années 2000. L’enjeu de l’abordabilité ne se réglait pas pour autant. «C’est parce qu’on a privilégié des produits résidentiels – au départ, c’était le condo, qui était axé sur la propriété – qui n’étaient pas là où les besoins se font le plus sentir», prévient le chercheur.

Le Québec a ensuite vu apparaitre des tours d’appartements à louer, mais où les loyers sont chers. Le logement abordable est tombé aux oubliettes.

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Revenir en arrière?

Maya Kambeitz est présidente-directrice générale de Norfolk, une association qui fournit du logement communautaire à Calgary, en Alberta. Elle remarque un désinvestissement de la part d’Ottawa dans ce type de logement et dans des fournisseurs comme Norfolk.

Pourtant, entre les années 1950 et 1970, le gouvernement fédéral investissait dans des fournisseurs de logements communautaires pour les aider à construire et à acquérir de vieux bâtiments.

On s’est tellement concentrés sur la construction qu’on a perdu de vue les logements qui occultent naturellement sur le marché. Lorsque vous ne permettez pas au secteur du logement communautaire de jouer un rôle dans l’acquisition de certains de ces bâtiments mis en vente, ce sont des investisseurs privés qui achètent.

— Maya Kambeitz

«Le privé, et c’est sa job, cherche à maximiser ses profits. Donc il augmente les loyers, poursuit Maya Kambeitz. Nous, on n’a pas cet incitatif à faire du profit.» Avec son maigre budget annuel, Norfolk ne peut pas compétitionner avec le privé et ce sont les Canadiens à faible revenu qui paient le prix.

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Leçons d’ailleurs

La clé, selon Louis Gaudreau, reste le financement des logements sociaux. Comment trouver cet argent? La France, le Danemark et l’Autriche ont des modèles de financement intéressants, considère-t-il.

Une étude de ces trois modèles a été réalisée en 2023 par la Fédération des OSBL d’habitation de Montréal (FOHM). Au Danemark, par exemple, pour ce qui est du logement social, «on a entièrement nationalisé le secteur des prêts hypothécaires», remarque le professeur.

Vienne, la capitale de l’Autriche, est une vedette en matière de logement abordable. Le professeur et directeur de l’Institut d’infrastructure de l’Université de Toronto, Matti Siemiatycki, explique que le gouvernement autrichien a joué un grand rôle dans la construction de logements, qui sont apparus sous diverses formes.

Plus de 60 % de la population viennoise habite en logement social qui échappe à la logique du profit. La ville prélève une taxe spécifique pour alimenter ses programmes d’habitation et elle noue des partenariats avec des organismes sans but lucratif depuis les années 1970.

Quand Matti Siemiatycki a visité Tokyo il y a deux ans, il a été saisi par la densité. «Une densité construite de manière tellement différente que chez nous… Ce n’est pas haut et étalé comme nous, se souvient-il. Il y a des bâtiments de 10 à 30 étages à perte de vue.»

«On retrouve de grands bâtiments sans stationnement souterrain, ajoute-t-il. C’est quelque chose qui rend la construction de logement chère, de creuser un stationnement souterrain.» Le secret : la capitale japonaise a un système de transport public étendu, permettant aux gens d’habiter loin des grands centres sans être pénalisés.

Le transport est le revers de la médaille en matière de logement, et des villes en Asie ont réussi à rendre le logement abordable en partie en le densifiant et en veillant à ce que tous les ménages ne soient pas obligés de posséder une voiture.

— Matti Siemiatycki

L’État joue un grand rôle dans le logement à Singapour. Il possède une grande part des terrains, fournit du logement social et octroie des subventions pour l’achat de logements. Une société d’État se charge de la coordination du système, allant de la construction à l’attribution de logements. Le cout des logements est ainsi contrôlé.

Les logements sociaux appartiennent d’ailleurs souvent à ceux qui y habitent, car le gouvernement vend des baux emphytéotiques de longue durée, généralement de 99 ans.

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Leçons canadiennes

Selon Matti Siemiatycki, au Canada, la Colombie-Britannique mène la danse en matière de politiques de logement. «Elle est contrainte en termes d’espace, parce qu’elle est enclavée entre océan, montagnes et frontières. Elle a mis de l’avant des mesures ambitieuses, surtout autour du rôle du secteur public.»

En augmentant la densité au sein des mêmes terrains, les habitants peuvent se servir des services existants, comme les épiceries ou les bibliothèques. C’est le pari que fait la ville d’Edmonton. 

Photo : Carl David – Pexels

Lorsque le premier ministre provincial, David Eby, a annoncé le programme BC Builds en 2024, il a avoué s’être inspiré de Vienne et Singapour. En mobilisant des terrains sous-utilisés, possédés par des gouvernements, des communautés et des organismes à but non lucratif, l’objectif est d’aligner les couts avec des revenus moyens.

La capitale albertaine fait beaucoup jaser, affirme Matti Siemiatycki. Elle a récemment révisé ses règles de zonage afin de permettre des logements plus denses.

«Pendant longtemps au Canada, on a limité de grandes parties de nos villes à des logements unifamiliaux. C’est alors très difficile de densifier, explique M. Siemiatycki. Le zonage change, non pas pour permettre des gratte-ciels de 20 étages, mais plutôt ce qu’on appelle la densification douce. Souvent, on permet un duplex ou un triplex, par exemple.»

Edmonton a aussi commencé à faire appel à des technologies, dont l’intelligence artificielle, pour automatiser et accélérer l’approbation de permis de construction.

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«Nous voulons avant tout favoriser le maintien à domicile des personnes âgées pour qu’elles continuent à vivre en français et à recevoir des soins et des services dans leur langue», affirme le président de l’Association des Francophones de l’âge d’or de l’Île-du-Prince-Édouard (FAOÎPÉ), Claude Blaquière.

En Ontario, Michel Tremblay aimerait que davantage de fonds fédéraux soient alloués aux associations d’âge d’or. 

Photo : Courtoisie

L’organisme insulaire est l’une des onze associations membres de la Fédération des ainées et ainés francophones du Canada (FAAFC). À l’occasion de l’élection fédérale, la FAAFC a publié un document de 12 pages intitulé Agissons maintenant!, qui présente les revendications des 50 ans et plus.

La FAAFC réclame notamment la mise en place d’une politique nationale sur le vieillissement. En mai, des États généraux sur le vieillissement auront lieu à Moncton, au Nouveau-Brunswick. Plus de 250 ainés francophones seront consultés pour identifier les éléments à inclure dans cette politique. Un livre blanc sera alors rédigé et présenté au gouvernement fédéral.

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«Changer d’approche»

«Ça prend une politique intersectorielle pour garder les ainés en santé chez eux, avec des relations sociales», assure le directeur général de la Fédération des ainés et des retraités francophones de l’Ontario (FARFO), Michel Tremblay.

Ça nous donnera un cadre législatif important. À partir de là, d’autres lois et règlements pourront être promulgués, et ça permettra d’exercer plus de pression pour obtenir des services et des programmes en français.

— Claude Blaquière

L’Acadien insiste sur le besoin de «changer d’approche» afin de répondre adéquatement au défi du vieillissement. Depuis 2016, la population âgée de 65 ans et plus dépasse celle des enfants de moins de 14 ans. En 2023, près de 19 % de la population canadienne avait 65 ans ou plus, et ce chiffre pourrait atteindre plus de 23 % d’ici 2030.

Les soins à domicile, «ça coute beaucoup moins cher»

«Plutôt que d’envoyer les plus âgés dans des foyers ou des hôpitaux anglophones, il faut investir dans les soins à domicile, estime Claude Blaquière. C’est moins de stress pour les ainés, et ça coute beaucoup moins cher.»

Éric Lefol dénonce l’absence de maison de retraite francophone en Saskatchewan et plaide pour la construction de petites unités pouvant accueillir une dizaine de personnes exclusivement en français. 

Photo : Courtoisie

Aujourd’hui, d’après la FAAFC, seulement 17 % du budget fédéral de la santé est consacré aux soins à domicile, contre par exemple 80 % dans les pays scandinaves.

«Nos ainés se retrouvent dans des maisons de retraite anglophones et on les perd, poursuit le directeur général de l’organisme Vitalité 55+ en Saskatchewan, Éric Lefol. À cause de ça, pas mal d’entre eux se sentent isolés et intimidés et développent des problèmes de santé mentale.»

Le Fransaskois exige par ailleurs plus de financements pour les services d’aide à domicile : «S’occuper des soins de santé, c’est essentiel, mais c’est insuffisant. Si l’on veut qu’une personne en perte de mobilité reste chez elle, il faut l’aider à faire le ménage, la cuisine, à tondre le gazon, à pelleter la neige.»

Quelle que soit la province, les responsables dénoncent le manque criant de services en français, en particulier dans le domaine de la santé.

C’est de compétence provinciale, mais le fédéral transfère de l’argent aux provinces. Ottawa doit donc augmenter les sommes réservées aux soins de santé en français et préserver les clauses linguistiques lorsque les ententes de financement bilatérales sont négociées.

— Michel Tremblay

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Besoin de logements adaptés

Pouvoir être soigné chez soi implique également de vivre dans un logement adapté à ses besoins. À cet égard, la majorité des ainés habite dans des maisons «trop grandes à étage qui ne sont plus fonctionnelles», selon Michel Tremblay.

À l’Île-du-Prince-Édouard, Claude Blaquière constate de la même manière que la plupart des personnes âgées avec des problèmes de mobilité demeurent «souvent seules et isolées, en milieu rural, loin des grands centres».

«Mais elles ne peuvent malheureusement pas déménager, car elles ne trouvent pas de logements plus petits à des prix abordables», déplore Éric Lefol.

La FAAFC demande ainsi la construction de davantage de logements abordables adaptés. Pour les représentants du secteur, encourager les ainés à retourner sur le marché du travail constitue un autre enjeu clé.

Prendre sa retraite ne veut pas dire nécessairement arrêter de travailler ou de s’engager, on a besoin de se sentir utiles à la société. Il faut rester occupés mentalement et physiquement, avoir des projets, continuer à sociabiliser, c’est ce qui nous maintient en vie quand on vieillit.

— Michel Tremblay

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Silence radio au national

Favoriser l’employabilité des ainés, «ne serait-ce que quelques heures par semaine», reste également une manière de «pallier l’actuelle pénurie de main-d’œuvre dans les communautés francophones en situation minoritaire», considère Claude Blaquière.

À l’Île-du-Prince-Édouard, Claude Blaquière assure que «des emplois à temps partiel» intéressent les ainés, à condition de ne pas être «pénalisés au niveau des impôts». 

Photo : Courtoisie

«Ça doit néanmoins se faire selon des conditions précises et flexibles, au rythme des ainés, en fonction de leur emploi du temps, de leurs compétences, de leurs envies», précise-t-il, avant d’évoquer des postes de suppléants dans l’enseignement.

La FAAFC suggère notamment la mise en place d’un programme «Ainés Canada au travail», sur le modèle de Jeunesse Canada au travail.

Michel Tremblay appelle pour sa part à inciter financièrement les employeurs à embaucher des personnes âgées : «Avec leur expérience, les plus vieux peuvent aussi devenir des mentors pour les plus jeunes, c’est un atout pour une entreprise.»

Les enjeux des ainés francophones en situation minoritaire étant «complètement invisibles» durant cette campagne électorale, selon les mots d’Éric Lefol, les organismes tentent d’agir au niveau local et de sensibiliser les candidats dans leur province respective.

«On multiplie les rencontres, on leur envoie des sondages», détaille Claude Blaquière.

Le Fransaskois Éric LeFol dénote, lui, «un manque d’intérêt des candidats» : «On sent de l’impatience quand en on parle, ça ne semble pas une question d’importance pour eux.»

Pour le moment, seul le Bloc Québécois a proposé des incitatifs fiscaux pour les ainés qui choisissent de rester sur le marché du travail. De son côté, le Parti conservateur du Canada a annoncé que les ainés pourraient gagner jusqu’à 34 000 dollars non imposables.

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«La guerre commerciale avec les États-Unis est inquiétante pour beaucoup de monde, y compris pour moi-même, mais les autres enjeux deviennent trop invisibles», déplore Geneviève Stacey, à Toronto, en Ontario.

Bien que l’étudiante franco-ontarienne comprenne «le focus» mis sur les relations avec le voisin du Sud pendant cette campagne, elle aimerait des «plateformes électorales plus claires», afin de mieux connaitre «les plans des partis».

 

J’aimerais qu’on parle de tous les autres enjeux plutôt que du tête-à-tête avec Donald Trump. Les États-Unis ont beaucoup d’influence, mais ça ne doit plus être le centre de gravité du monde.

— Samou, à Halifax, en Nouvelle-Écosse

Le trentenaire se dit conscient du caractère «historique» de ce scrutin et de l’importance de «la représentation du Canada sur la scène internationale». «Mais maintenant, il est aussi temps de s’occuper de nous plutôt que du reste du monde», plaide le Néoécossais.

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«Mieux protéger notre économie contre le protectionnisme sauvage»

Il mentionne notamment les investissements dans les infrastructures de transport, en vue de faciliter les déplacements avec de meilleures routes et de nouvelles lignes de train à grande vitesse.

La Franco-Ontarienne Geneviève Stacey explique que de nombreux étudiants qu’elle connait «appliquent pour des centaines de jobs ces derniers mois et ne reçoivent pas d’offres». 

Photo : Courtoisie

Les relations entre le gouvernement fédéral et ses homologues provinciaux, responsables de l’éducation et de la santé, sont un autre sujet capital selon lui.

«On doit parler de l’argent qu’Ottawa donne aux provinces et de la façon dont elles le gèrent, ça nous affecte beaucoup au jour le jour, souligne-t-il. Je veux un premier ministre qui ait de bonnes relations et de meilleures discussions avec les provinces.»

En Saskatchewan, le retraité James MacGregor aura, au contraire, les droits de douane en tête lorsqu’il glissera son bulletin dans l’urne : «Avec la bourse qui fait des montagnes russes, j’ai perdu beaucoup d’économies pour ma retraite. Ici, au Canada, on doit mieux protéger notre économie contre le protectionnisme sauvage des Américains.»

Geneviève Stacey et Samou se disent, eux, préoccupés par les récentes annonces de relance d’oléoducs et de mines. «Les partis pourraient avoir une réaction plus verte pour répondre au bras de fer avec l’administration Trump et améliorer la situation économique», estime Samou.

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«Tarifs ou non, chaque été, la planète devient de plus en plus chaude»

L’angoisse climatique est bien présente chez Samou : «L’extinction de la biodiversité, la montée des eaux vont au-delà de ce qui se passe aux États-Unis. Tarifs ou non, chaque été, la planète devient de plus en plus chaude.»

Je comprends pourquoi les candidats pensent aux projets miniers, aux pipelines, mais ça m’angoisse. Ils devraient plutôt proposer plus de recherches pour développer les énergies renouvelables et résoudre le problème du changement climatique.

— Geneviève Stacey

James MacGregor se montre pour sa part moins sensible aux arguments écologiques. «Ce n’est pas la priorité du moment, on a besoin de nos ressources naturelles pour résister. Et on doit le faire de façon intelligente.»

Au regard de la situation des droits de l’homme aux États-Unis, Geneviève Stacey aimerait de son côté voir plus d’annonces sur la protection des droits des femmes et de la communauté 2SLGBTQIA+ : «Il y a un retour en arrière en ce moment dans le monde sur ces questions, le Canada peut jouer un rôle de leadeur.»

L’employabilité des jeunes et le manque de logement abordable constituent deux autres préoccupations majeures pour la Franco-Ontarienne, qui se dit «inquiète» pour son avenir.

La jeune femme habite encore chez ses parents, mais planifie de travailler dans le secteur des arts : «La paie n’est pas idéale, alors je suis nerveuse de ce qui va se passer après mes études. Vu le prix des logements dans la région de Toronto, j’ai peur de ne jamais trouver à me loger.»

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Choix encore indécis

Quelles que soient leurs priorités et leurs craintes, les trois électeurs se retrouvent sur la nécessité de continuer à défendre la francophonie à l’extérieur du Québec.

«C’est important que des francophones soient représentés dans le prochain cabinet ministériel pour que les enjeux des francophones en situation minoritaire soient adressés», appuie Samou.

«Améliorer l’accès aux services en français, dans la santé, le postsecondaire, mieux partager la culture et la langue dans les écoles francophones, tout ça me tient à cœur», poursuit Geneviève Stacey.

En revanche, le niveau de français des candidats n’est pas une source d’inquiétude à leurs yeux.

Ce n’est pas la plus grande affaire pour moi et je n’aime pas la rhétorique sur l’accent anglophone. Si t’apprends le français, si tu es capable de faire un débat, tu as des capacités linguistiques bilingues et faut le respecter.

— Geneviève Stacey

«On a besoin de quelqu’un qui puisse communiquer raisonnablement en français, mais on en fait un enjeu plus grand que c’est», renchérit Samou.

Pour James MacGregor, «ce n’est pas la question de l’urne» : «Je suis moi-même un anglophone qui parle français, ce qui compte, c’est de faire l’effort.»

Dans l’Est, Geneviève Stacey et Samou n’ont pas encore décidé à qui ils donneraient leur vote. «C’est la première fois que je sens que mon vote pourra faire une différence», observe Samou Mais le trentenaire s’interroge encore : «Est-ce que je vais voter pour le candidat qui sera le meilleur premier ministre ou pour celui qui représentera le mieux ma circonscription?»

Avec les informations de Julien Cayouette et Marianne Dépelteau

FRANCOPHONIE

Quatre chefs ont croisé le fer en français mercredi, à Montréal, pour faire connaitre ou rappeler leurs idées sur des sujets cruciaux, tels que le conflit commercial avec les États-Unis, la défense, l’environnement ou le logement.

Toutefois, les francophones en situation minoritaire n’ont eu droit qu’à une question, alors que le reste du débat sur la langue française s’est seulement concentré sur le Québec.

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Libéraux et conservateurs : Pendant le débat, Mark Carney et Pierre Poilievre ont assuré vouloir augmenter l’immigration francophone en dehors du Québec, avec des cibles entre 10 et 12 %.

Verts : Après le Bloc québécois et le Parti populaire du Canada, le Parti vert a dévoilé sa plateforme jeudi. Ils veulent moderniser la nouvelle Loi sur les langues officielles, pour «notamment renforcer les droits des communautés de langue officielle en situation minoritaire» et «assurer des services linguistiques partout au Canada».

Le chef néodémocrate Jagmeet Singh avait des promesses taillées sur mesure pour les Franco-Ontariens du Nord de l’Ontario samedi dernier, de passage dans la région. Comme la protection et l’élargissement des services dans les deux langues officielles, surtout en santé et en éducation, et un appui au postsecondaire francophone. Le communiqué mentionne seulement le Collège Boréal et l’Université de Hearst.

Le débat en anglais n’a donné lieu à aucun échange à propos de la minorité francophone du Canada, sauf lorsqu’il était question du Québec. Les Premières Nations n’ont pas eu droits à beaucoup plus de temps. La conférence de presse prévu après de débat a été annulée La cause exacte n’est pas claire, mais des disputes entre des représentants de médias associé à l’extrême droite et des journalistes d’autres médias ont éclaté dans la salle de presse avant et après le débat.

Les chefs des partis conservateur (Pierre Poilievre, à gauche) et libéral (Mark Carney, à droite), lors du débat en français. 

Photo : Sean Kilpatrick – POOL

PROMESSES-PHARES

Culture et nature : Le laissez-passer «Un Canada fort» permettra aux moins de 18 ans d’avoir accès gratuitement aux galeries et musées nationaux, d’obtenir des sièges gratuits dans les trains de VIA Rail, de juin à aout 2025. Les Canadiens et Canadiennes de 18 à 24 ans pourraient aussi bénéficier de réductions. Le PLC prévoit aussi réduire le prix des emplacements de camping dans les parcs nationaux pour tous les citoyens.

Forces armées :  Lundi, Mark Carney a réitéré réitéré sa volonté d’atteindre la cible de l’OTAN de dépensé 2 % du PIB d’ici 2030 pour la défense. Il prévoit aussi de renforcer la sécurité dans le Nord avec de nouveaux sous-marins et brise-glaces, de donner un nouveau mandat à la Garde côtière canadienne et de maintenir les chantiers navals en marche en utilisant de l’aluminium et de l’acier canadiens.

Travail : Les libéraux promettent une nouvelle prestation pour former des travailleurs qualifiés. Celle-ci offrirait jusqu’à 15 000 $ aux travailleurs des secteurs prioritaires, comme la fabrication, les soins de santé ou la construction. Les travailleurs canadiens touchés par les tarifs recevront de l’aide pour obtenir des emplois.

Énergie : Vendredi dernier, l’équipe conservatrice a dévoilé un plan économique sur l’énergie qui prévoit d’abroger deux lois instaurées par les libéraux, d’éliminer le plafond sur l’énergie canadienne, d’abandonner toutes les taxes carbones et de créer un «corridor énergétique national». Une baisse d’impôts pour l’investissement des Canadiens au pays ainsi qu’une approbation rapide des projets de pipeline font aussi partie du plan.

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Criminalité : Le Parti conservateur assure qu’il utilisera la disposition de dérogation de la constitution canadienne – également connue sous le nom de clause nonobstant – pour permettre aux tribunaux d’imposer des peines consécutives aux auteurs de multiples crimes graves.

Lobbys : Les conservateurs exigeront de toute personne conseillant le gouvernement ou un parti politique au pouvoir «susceptible de tirer un avantage financier de ses conseils» de s’inscrire en tant que lobbyiste. Les ministres fédéraux devront se retirer totalement des paradis fiscaux et divulguer leurs actifs au Bureau du commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique.

Protéger les ainés des fraudes financières : Le PCC promet de veiller à ce que les compagnies de téléphone cellulaire canadiennes détectent mieux les fraudes, alertent les victimes, signalent et bloquent les fraudes présumées en temps réel. Il prévoit des amendes et peines d’emprisonnement pour les fraudeurs.

Le chef du parti néodémocrate (NPD) accuse Pierre Poilievre de n’avoir construit que «six maisons» lorsque ce dernier était responsable de la société canadienne d’hypothèque et de logements (SCHL), ce qui est inexact : il fait référence aux logements communautaires à but non lucratif construits exclusivement par le gouvernement Harper en 2015. Le chiffre gonfle à 3700 si les logements à but non lucratif construits par des promoteurs avec l’aide du fédéral sont inclus. 

Photo : Sean Kilpatrick – POOL

Santé : Mieux rémunérer les médecins pour les inciter à pratiquer en région, embaucher davantage de travailleurs autochtones dans les soins en santé, simplifier l’obtention des permis pour les médecins formés à l’étranger et réduire le fardeau administratif : telles sont quelques-unes des mesures proposées par le parti pour améliorer l’accès aux soins. Jagmeet Singh entend aussi lier les transferts fédéraux en santé à des stratégies concrètes d’embauche et réinvestir les 1,5 milliard de dollars versés aux agences privées dans le réseau public.

Transport : La portion de la route transcanadienne qui passe entre autres par Hearst, dans le Nord de l’Ontario, est de plus en plus dangereuse, surtout en hiver. Le NPD veut s’attaquer au problème en améliorant l’entretien des routes en hiver dans la région de Hearst et en adoptant des normes nationales pour les personnes qui conduisent les camions de transport.

Gains en capital : Mardi, Jagmeet Singh a ramené la hausse du taux d’imposition des gains en capitaux sur la table. Un gouvernement NPD augmenterait le taux d’imposition de 50 à 66 %. Cette mesure faisait partie du budget 2024-2025 du Parti libéral, mais n’a jamais été adoptée en Chambre.

À lire : Budget 2024 : les riches paieront les nouvelles dépenses d’Ottawa (chronique)

Au lendemain du débat, le chef du Bloc québécois Yves-François Blanchet s’est dit prêt à abolir la Commission des débats des chefs, après plusieurs décisions controversées. 

Photo : Sean Kilpatrick – POOL

Criminalité : Le Bloc veut empêcher les abandons de procès pour crimes graves en vertu de l’arrêt Jordan, en donnant «plus d’outils» aux forces de l’ordre contre le crime organisé.

Santé : En prenant l’exemple de l’Hôpital Rosemont à Montréal, le Bloc demande plus de transferts fédéraux en santé pour investir et rénover les infrastructures publiques, notamment de soins.

Laïcité : Faisant référence aux prières tenues dans un lieu public – en l’occurrence l’aéroport de Montréal – le Bloc Bloc demande qu’une étude soit menée sur l’encadrement des prières dans les lieux publics relevant du fédéral.

Le cochef du Parti vert a appelé la Commission du débat des chefs à démissionner de son rôle. 

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Exclusion du débat des chefs : Mercredi, la Commission des débats des chefs a exclu le Parti vert le matin même, car il n’a finalement pas de candidats dans «au moins 90 % des circonscriptions». La Commission s’est ainsi exposée à des critiques et à la colère du cochef Jonathan Pedneault, qui a demandé la «démission» de la Commission.

Cadre financier : Le directeur parlementaire du budget a rendu publique jeudi son évaluation du cadre financier du PVC; le premier parti à le faire. Plusieurs tableaux indiquent que le parti ira chercher plus de revenus en augmentant les impôts des plus riches, des entreprises et des géants du Web des États-Unis. Ceci inclut la fin de la déduction d’impôts pour les publicités achetées sur des sites Web étrangers.

Le faux pas de la semaine : des critiques des conservateurs se retournent contre eux

Selon l’Investigative Journalism Foundation, sept députés conservateurs sortants, dont trois ex-ministres, ont déclaré détenir des actions chez Brookfield ou ses filiales, l’entreprise anciennement pilotée par le premier ministre libéral actuel, Mark Carney.

Le Parti conservateur critique le chef libéral pour ses décisions lorsqu’il était président de l’entreprise, comme l’utilisation de techniques d’évitement fiscale légales, mais qui soulèvent des questionnements éthiques.

Ces investissements de la part des sept conservateurs, dépassant 10 000 $ chacun, ont été signalés au Commissariat aux conflits d’intérêts et à l’éthique.

Parmi les députés concernés se trouve Melissa Lantsman, cheffe adjointe du parti, qui a indiqué qu’elle possèderait des actions avec sa conjointe auprès de la firme Brookfield Renewable Partners L.P., enregistrée aux Bermudes.

AILLEURS DANS L’ACTUALITÉ

La Banque du Canada a annoncé mercredi qu’elle maintenait son taux directeur à 2,75 %. La politique des États-Unis en matière de droits de douane a contraint la banque centrale à opter pour un scénario d’incertitude, d’où le maintien du taux, après une baisse de 3 % à 2,75 % en mars.

Lors du débat en anglais, aucun des chefs n’a fait mention de la francophonie. Les discours se sont plutôt concentrés sur deux grands enjeux : la sécurité, notamment à la frontière avec les États-Unis et les mesures de protection contre les diverses conséquences des tarifs imposés au Canada par l’administration Trump.

Mark Carney souhaite ralentir le taux de croissance des dépenses de fonctionnement du gouvernement fédéral, une mesure qui pourrait toucher des programmes liés aux langues officielles. 

Photo : Adrian Wyld, POOL

En lien avec ces deux sujets, c’est Jagmeet Singh (Nouveau Parti démocratique) qui a évoqué la crise des opioïdes, qui n’avait pas été soulevée lors du débat en français.

Le chef néodémocrate a aussi reproché à Mark Carney (Parti libéral du Canada) et Pierre Poilievre (Parti conservateur du Canada) de vouloir «réduire les services de l’État».

Ces derniers s’en sont défendus, mais Mark Carney a tout de même déclaré qu’il entendait «réduire le taux de croissance des dépenses de fonctionnement [de l’État…], qui est de 9 % par année, à 2 %». Il a cependant assuré ne pas vouloir «toucher aux transferts» aux provinces, notamment en santé.

Cote de sécurité 

Sur la forme, Mark Carney a principalement dû répliquer aux tirs groupés contre lui de Jagmeet Singh et Pierre Poilievre. Il a tout de même attaqué ce dernier en lui demandant pourquoi il n’avait pas obtenu de cote de sécurité.

Pierre Poilievre s’est défendu en affirmant qu’il n’aurait «pas pu parler librement», sous peine d’être poursuivi, s’il avait obtenu cette cote de sécurité.

La carte québécoise pour collaborer, sans régner

Seul francophone du débat, Yves-François Blanchet (Bloc québécois) n’a pourtant pas choisi de jouer cette carte pour se différencier.

Yves-François Blanchet a accusé Mark Carney d’empiéter sur les champs de compétence du Québec dans le cadre de certaines de ses propositions, notamment en matière de santé et de garde d’enfants. 

Photo : Adrian Wyld, POOL

Sans même mentionner la force linguistique du français au Québec comme il s’était gardé de le faire au débat en français la veille, Yves-François Blanchet a encore moins accordé de mots pour la francophonie en situation minoritaire.

«Je ne veux pas être premier ministre du Canada, je veux être un partenaire du premier ministre», a-t-il plutôt affirmé.

Le chef du Bloc québécois a martelé, encore plus qu’au débat de la veille, que le fédéral devait cesser de s’ingérer dans les affaires du Québec, notamment en matière d’énergie et de transferts pour les soins en santé.

Il a aussi reproché au premier ministre de ne pas l’avoir «appelé» ni lui avoir «adressé la parole avant-hier».

«Vous êtes légitime, mais plus représentatif avec notre aide que seul dans votre petit royaume. Une semaine après les élections, quel que soit le résultat, je propose qu’on se réunisse pour faire face à la crise ensemble», a proposé le chef bloquiste.

Pierre Poilievre a défendu son projet d’utiliser la clause dérogatoire dans le cadre de son plan pour lutter contre le crime. 

Photo : Christopher Katsarov, POOL

Crise économique et riposte aux États-Unis

Sur la crise économique, Pierre Poilievre a demandé à Mark Carney de s’excuser en direct auprès de la population canadienne pour les «politiques inflationnistes» qu’il aurait conseillées à Justin Trudeau dans son rôle de conseiller auprès de l’ancien premier ministre.

À ce sujet, le chef libéral a répondu à son adversaire conservateur : «Je sais que vous aimeriez vous présenter [aux élections] contre Justin Trudeau, mais Justin Trudeau n’est plus là. Ce ne sont pas les conseils que j’ai donnés.»

Les quatre chefs ont ensuite chacun dit ce qu’ils pensaient être la plus grande menace du Canada. Pour Pierre Poilievre, il s’agit des crimes commis avec des armes à feu; Mark Carney a évoqué la sécurité; Jagmeet Singh, les armes illégales et les drogues à la frontière; et Yves-François Blanchet, la dépendance québécoise et canadienne vis-à-vis des Américains.

Jagmeet Singh a tenté de mettre en valeur les mesures prises sous le gouvernement libéral de Justin Trudeau liées à l’entente avec le NPD, telles que le programme national des soins dentaires. 

Photo : Adrian Wyld, POOL

L’avenir climatique, une priorité abordée différemment

Les solutions indirectes pour répondre aux contremesures tarifaires des États-Unis ont fait partie des solutions avancées à la crise climatique, avec le plan de Pierre Poilievre de construire un pipeline d’est en ouest pour détourner le transport du pétrole et du gaz des États-Unis et d’exporter le gaz en Europe pour qu’elle ne soit plus dépendante de la Russie.

Le thème de la crise climatique a également été l’occasion pour Pierre Poilievre d’assurer à la population que la lutte au changement climatique faisait bien partie des priorités de son parti.

Les chefs des autres partis ont mis en doute cette affirmation puisque, selon eux, la lutte conservatrice pour le climat se traduira par la construction de pipelines nationaux.

Ces derniers éviteraient que la production d’énergie canadienne soit «poussée» vers des pays qui «empirent» la situation climatique en émettant des gaz à effet de serre, comme l’Inde, a cité Poilievre, en exemple.

Mark Carney, en faveur du pétrole lui aussi, a toutefois nuancé en affirmant cibler des projets et en favorisant la participation des Autochtones.

Sans vouloir que le Québec paie pour les pipelines, Yves-François Blanchet s’est montré favorable à l’exploitation de minerai québécois, et Jagmeet Singh à celle de minerai canadien.

Les journalistes ont attendu les explications du directeur général de la Commission des débats des chefs, Michel Cormier, au sujet de l’annulation des points de presse qui devaient suivre le débat. Le directeur général n’a répondu à aucune question. 

Photo : Marianne Dépelteau – Francopresse

Pour la première fois, la conférence de presse qui devait se dérouler après le débat en anglais a été annulée.

La cause exacte n’est pas claire, mais le directeur général de la Commission des débats des chefs, Michel Cormier, a expliqué devant les journalistes présents qu’il n’était pas en mesure «d’assurer un environnement propice».

Des disputes entre des représentants de Rebel News et des journalistes d’autres médias ont éclaté dans la salle de presse avant et après le débat.

Ce débat sera l’occasion pour les principaux partis fédéraux de défendre leurs engagements et de clarifier leurs positions sur la défense du français au Canada et la place des francophones dans l’identité canadienne.

Il sera diffusé en direct à 20 h (heure avancée de l’Est) sur des sites Web de médias écrits membres de Réseau.Presse, sur Francopresse.ca, ainsi que sur les différentes chaines et plateformes de Radio-Canada partout au pays. Une écoute en différé sera également possible sur l’ensemble des plateformes en ligne.

La soirée sera animée par le chef d’antenne du Téléjournal Ottawa-Gatineau, Mathieu Nadon. Des questions seront aussi posées par des citoyennes, des chefs d’antenne d’ailleurs au pays, le rédacteur en chef du Nunavoix, Brice Ivanovic, et la correspondante parlementaire de Francopresse, Inès Lombardo.

Les discussions porteront notamment sur la garde d’enfants, l’éducation, l’immigration, l’emploi, l’économie et les médias.

Les participants seront :

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