Irving Lewis explique que l’ACUFC a déterminé plusieurs pistes pour améliorer la rétention des personnes formées à l’étranger, comme le mentorat ou une collaboration accrue entre les conseils scolaires et les universités pour favoriser la formation continue.
«Pour les enseignants issus de l’immigration, l’environnement de vie et de travail canadien peut être un choc. Ils atterrissent dans un système scolaire dont ils ne maitrisent pas les codes», explique le directeur du continuum de l’éducation à l’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne (ACUFC), Irving Lewis.
Le 22 janvier, l’ACUFC consacre son Forum d’action 2025 à la rétention du personnel enseignant immigrant formé à l’étranger.
Dans le cadre du projet Objectif 2036, lancé en 2020, l’organisme a mené de nombreuses recherches pour comprendre la pénurie d’enseignants et d’enseignantes tout en cernant les pistes d’action pour mieux retenir et intégrer les nouvelles recrues.
D’après plusieurs études, une personne sur cinq en enseignement au Canada quitte en effet la profession au cours des cinq premières années de pratique. Si les chiffres exacts ne sont pas connus pour celles et ceux qui viennent de l’étranger, de nombreux défis peuvent les conduire à abandonner le métier.
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Les nouveaux enseignants et nouvelles enseignantes peuvent être confrontés à des «difficultés d’adaptation culturelle et sociale», selon le directeur général de l’Association canadienne des professeurs de langue seconde (ACPLS), Francis Potié.
Pour Francis Potié, les membres du personnel enseignant issus de l’immigration peuvent être aux prises avec des «difficultés d’adaptation culturelle et sociale» à leurs débuts.
«Les trois premières années de pratique, c’est toujours une période de survie. Et c’est dupliqué à la puissance quatre pour les immigrants», confirme la professeure en éducation au Campus Saint-Jean de l’Université de l’Alberta, Marianne Jacquet. Certains doivent «non seulement construire leur identité professionnelle, mais aussi s’adapter à de nouvelles valeurs».
Les relations avec les directions d’école, entre collègues, les liens avec les élèves et les parents, le rapport à la langue française, «tout est à réapprendre», souligne-t-elle.
«Ils peuvent être désemparés et se décourager, car ils n’ont pas l’expérience à laquelle ils s’attendaient», appuie la directrice générale de la Fédération nationale des conseils scolaires francophones (FNCSF), Valérie Morand.
Francis Potié évoque également des différences sur le plan pédagogique : «Ça peut être une pente d’apprentissage importante, car dans certains pays les méthodes sont plus magistrales, centrées sur l’enseignant, alors qu’au Canada, on est plus centrés sur l’élève.»
Pour enseigner au Canada, une personne formée à l’étranger doit obtenir l’aval de l’ordre des enseignants de la province ou du territoire où elle réside.
Cette reconnaissance des acquis professionnels et des diplômes étrangers s’apparente à un véritable parcours du combattant, selon Valérie Morand de la FNCSF : «C’est un processus long, compliqué et couteux, avec aucune garantie d’obtenir une approbation à la fin.»
Résultat, des personnes comptant plus de 20 ans d’expérience en enseignement dans leur pays d’origine se retrouvent à nouveau sur les bancs des universités canadiennes.
Pour soutenir plus adéquatement les personnes immigrées et faciliter leur insertion professionnelle dans le milieu de l’enseignement, les organismes multiplient les initiatives partout au pays.
Depuis quatre ans, la FNCSF offre des formations sur le sujet aux directions d’école ainsi qu’aux conseillers et conseillères pédagogiques. La fédération leur communique les ressources existantes et les stratégies exemplaires connues d’intégration. Jusqu’à présent, 700 personnes en ont bénéficié.
L’ACPLS a de son côté lancé une initiative d’un an et demi afin d’élaborer des ressources écrites ainsi que de créer des formations et des boites à outils en ligne. Là aussi, l’idée est d’aider les directions d’école à mieux appuyer leur personnel issu de l’immigration.
L’association souhaite également encourager la création de communautés de pratique «avec des activités de réseautage à même de lutter contre l’isolement», détaille Francis Potié.
Le Centre franco-ontarien de ressources pédagogiques accompagne, lui, les personnes formées à l’étranger pendant le processus de reconnaissance des diplômes par l’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario.
L’organisme les familiarise avec la profession au Canada et les prépare aux entretiens. Quelque 300 personnes ont ainsi obtenu le feu vert de l’ordre et trouvé du travail de façon durable.
En Alberta, le Campus Saint-Jean a notamment mis en place un cours obligatoire pour les personnes formées à l’étranger qui suivent le baccalauréat en éducation. Dès le début de leur formation, ces étudiants et étudiantes sont envoyés dans les salles de classe en observation.
«On intègre cette dimension sur le terrain le plus tôt possible pour les familiariser avec la réalité scolaire. À plus long, cela permet aussi de favoriser leur insertion socioprofessionnelle», explique Marianne Jacquet.
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Plus largement, le Campus collabore étroitement avec les conseils scolaires francophones albertains, dont les comités de sélection du personnel enseignant comprennent désormais des personnes d’origine étrangère.
Les personnes immigrantes qui enseignent en Alberta se sont, elles, regroupées au sein d’un collectif afin d’apporter un soutien à leurs pairs récemment recrutés, confrontés à des défis similaires.
L’un des objectifs du Forum d’action de l’ACUFC consiste à mettre en commun toutes ces démarches isolées grâce à la mise en place d’un mécanisme pancanadien de concertation et de collaboration. Les différentes personnes du milieu interrogées voient la création d’un tel mécanisme d’un bon œil.
Valérie Morand accueille favorablement la création d’un mécanisme pancanadien pour mettre en commun les ressources dédiées au perfectionnement professionnel des personnes immigrantes en enseignement.
«Bien que l’éducation soit de compétence provinciale, nous avons des enjeux partagés à travers le pays. Nous rencontrons des barrières semblables et avons des solutions plutôt similaires», considère Valérie Morand.
Elle rappelle néanmoins qu’une réflexion comparable existe déjà au sein de la table de concertation nationale tripartite, composée de représentants et de représentantes de divers ordres de gouvernement et d’une douzaine de partenaires en éducation.
«Ce nouvel outil pourrait ajouter une pierre à l’édifice. Mais pour que ça fonctionne, il doit être assorti de ressources et d’une réelle volonté politique», souligne-t-elle.
«De par l’organisation du Canada, avec différentes juridictions et l’autonomie des conseils scolaires et des universités, ça va être un défi pour le créer», renchérit François Potié.
Une rencontre de suivi aura lieu le lendemain du Forum afin de jeter les bases plus précises du mécanisme national.
En décembre dernier, le gouvernement fédéral a annoncé la création du tout premier Conseil des vétéranes du Canada. Ce groupe formulera des recommandations au ministère des Anciens Combattants sur les enjeux qui touchent ces femmes, longtemps passées inaperçues.
«Les femmes ont des besoins différents, c’est clair, mais il faut y répondre. On est en 2024, bon Dieu», lâche Luc Desilets.
Le Conseil vise à déterminer les obstacles systémiques, à promouvoir l’équité et à améliorer les politiques, pratiques et recherches concernant la santé, les avantages et les droits des vétéranes.
Cette annonce suit la publication d’un rapport d’étude du Comité permanent des anciens combattants intitulé Plus jamais invisibles. Les expériences des vétéranes canadiennes.
«C’est un monde à part, qui n’évolue pas rapidement», concède le député bloquiste et vice-président du Comité, Luc Desilets.
L’étude a débouché sur 42 recommandations. «C’est le plus grand nombre de recommandations qu’on a jamais faites ici, poursuit l’élu. Mais c’est symptomatique, je pense, des besoins qu’elles ont. Les femmes vétéranes, comme les femmes dans l’armée, ont des besoins différents des hommes.»
Le Conseil aura du pain sur la planche. «On part de très loin», déplore Luc Desilets. Le député a d’ailleurs fait adopter le terme «vétérane» au Parlement, afin de remplacer l’expression «femmes vétérans» qui était jusque-là utilisée.
Au Québec, cela fait environ un an que l’élu milite pour rendre accessible le mot «vétérane» sur les plaques d’immatriculation, une question qui ne se pose pas dans le monde anglophone.
Pour l’instant, les plaques d’immatriculation en français peuvent seulement afficher le mot «vétéran».
«[Les plaques en français] sont identifiées avec le mot “vétéran”. Une femme qui va faire son épicerie se fait dire occasionnellement “vous féliciterez votre conjoint pour son service”. C’est blessant pour elle», raconte-t-il.
L’étude du comité parlementaire a permis de rassembler des témoignages percutants sur la condition des femmes dans l’armée. Par exemple, si les uniformes et équipements ont été récemment modifiés pour s’adapter au corps féminin, il reste encore du travail à faire.
«L’équipement adapté est de plus en plus [disponible], mais pas suffisamment, note Luc Desilets. Ça va jusqu’au point où des militaires ont demandé à des médecins l’ablation des seins pour pouvoir porter le kit militaire sans souffrir.»
Le rapport du comité montre aussi que la vie après l’armée est particulièrement difficile pour les femmes. Comparativement à leurs collègues masculins, elles peinent davantage à trouver un emploi et leurs revenus sont moindres.
Quant à l’accès aux services pour vétérans tels que les demandes d’indemnisation, Luc Desilets a appris que les délais pour les femmes étaient souvent supérieurs. Toutefois, «on est en train d’atteindre un équilibre», nuance le bloquiste.
Parmi les raisons expliquant les délais, le député a entendu que les évaluations nécessaires prenaient plus de temps en cas de traumatismes sexuels, car elles nécessitent l’intervention d’un gynécologue spécialisé.
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«Les gens ont souvent du mal à croire que je suis est une vétérane, que je suis allée en Afghanistan, que j’étais présente sur le terrain et qu’un engin explosif artisanal a détoné près de moi. Ils ont l’air de croire que je mens ou que je raconte l’histoire de quelqu’un d’autre.»
Selon la sénatrice Rebecca Patterson, malgré les problèmes persistants, «beaucoup a changé» pour les femmes dans l’armée.
Cet extrait du rapport est celui du témoignage de la capitaine à la retraite Hélène Le Scelleur. Il illustre un enjeu particulier auquel sont confrontées les vétéranes : le manque de reconnaissance, que ce soit pour la valeur du travail effectué, les séquelles, les raisons de départ ou autre chose.
Selon la sénatrice Rebecca Patterson, elle-même vétérane et témoin dans le rapport, plusieurs vétéranes ont occupé des rôles moins reconnus. «Notre définition de ce qui est le combat était très traditionnelle. Seule la personne qui tirait sur la gâchette était vraiment un soldat, un marin ou un aviateur», dit-elle en entrevue avec Francopresse.
Les infirmières, les cuisinières et les femmes à la logistique font partie de ces militaires perçues comme moins importantes, moins héroïques.
Ces femmes ont par la suite de la difficulté à aller chercher du soutien, explique la sénatrice : «Quand ces personnes deviennent des vétéranes, elles ne se voient pas vraiment comme des vétéranes. [Elles vont se dire :] “Comment pourrais-je avoir un syndrome posttraumatique? Je n’étais pas au front en Afghanistan, j’étais médecin dans une base opérationnelle avancée. J’ai des traumatismes de combat, mais ça ne compte pas vraiment. Je ne mérite donc pas de services pour les vétérans”.»
Parce que les vétéranes «ne se voient pas elles-mêmes», «on ne sait même pas combien ont besoin d’aide», constate Rebecca Patterson.
«On a des centaines et des centaines de monuments et d’œuvres d’art pour les vétérans au Canada», observe Luc Desilets, dont la demande pour l’édification d’une œuvre d’art dédiée aux vétéranes à Ottawa a été approuvée.
«Ça peut paraitre basique, mais c’est de la reconnaissance. Les femmes, globalement dans la vie, mais encore plus chez les militaires, sont dans l’ombre du travail des vétérans et des militaires.»
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Aujourd’hui directrice d’une école à l’Île-du-Prince-Édouard, Julie Gagnon a passé 13 ans comme assistante médicale au sein des Forces armées canadiennes (FAC). Mère monoparentale, elle a quitté les FAC pour s’occuper de sa fille.
À son époque, les femmes dans l’armée se faisaient plutôt rares. «Dans mon temps, les G.I. Joe – tant qu’il n’y a pas eu le G.I. Jane –, les bonhommes militaires, c’était tous des hommes, dit-elle. Quand je suis entrée, c’était comme pour prouver que oui, les femmes ont une place.»
Elle constate désormais une augmentation du nombre de femmes engagées, notamment de cadettes : «C’est comme une porte d’entrée. Après ça, elles peuvent aller dans la réserve ou dans les Forces armées canadiennes. J’ai vu une évolution.»
Néanmoins, selon elle, l’armée reste davantage un «monde d’hommes». «On associe encore beaucoup plus l’armée aux hommes qu’aux femmes, malgré qu’il y a des femmes qui sont rendues dans des hauts niveaux.»
Le portrait de la plus haute sphère des FAC a changé, remarque Rebecca Patterson. «[La plupart] des militaires sont des hommes, c’est normal qu’ils soient en position de leadeurship. Mais ils ont fait de la place pour les femmes, afin qu’elles puissent occuper des rôles plus séniors […], où on a une voix et où on est réellement vues et entendues.»
Mais avant de nous plonger dans Le vol de l’ange, Cherche rouquine, coupe garçonne et L’Obomsawin, parlons un peu de l’auteur.
Daniel Poliquin est originaire d’Ottawa, où il a fait carrière en tant que traducteur et interprète au Parlement canadien. Même avec cet emploi, il a eu le temps de se consacrer à l’écriture. Il a écrit 10 romans et a signé la traduction de nombreuses œuvres d’essayistes et romanciers canadiens-anglais connus.
Il a reçu de nombreux prix ainsi qu’un doctorat honorifique de l’Université Carleton et un autre de l’Université d’Ottawa. Il est chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres de la République française, chevalier de l’Ordre de la Pléiade et officier de l’Ordre du Canada.
Son œuvre a fait l’objet de plusieurs dizaines d’études, de commentaires d’universitaires et de chroniques.
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Le vol de l’ange, paru aux Éditions Boréal en 2014, a mérité le prix France-Acadie en 2017 et a été défendu par l’écrivain et juriste Blaise Ndala lors du Combat national des livres 2022 de Radio-Canada.
Ce roman se déroule en Acadie, où l’auteur s’est installé en 2009. Il raconte l’histoire d’un enfant qui, à la suite d’un encan paroissial, se retrouve engagé dans une famille. La paroisse paye cette famille pour accueillir l’enfant.
On dit «encan» parce que c’est la famille qui mise le montant le plus bas qui accueille l’enfant. Cette pratique était aussi utilisée pour placer des ainés sans moyens de subsistance dans des familles de la paroisse.
Nous rencontrons le personnage-narrateur alors qu’il est âgé et qu’il doit faire l’objet de son troisième encan. Il raconte sa vie, une vie dorée selon lui, durant laquelle il n’a subi aucuns sévices dans sa jeunesse et qui lui a permis de jouir d’une grande liberté à l’âge adulte.
Daniel Poliquin est un merveilleux conteur. Par la bouche de son narrateur, il raconte la vie des villages, des familles, des personnages qu’il a croisés. En parlant d’une histoire d’amour entre deux de ses personnages, Poliquin note : «On aurait dit que leur histoire avait été écrite par un romancier bienveillant.»
C’est exactement ce que l’on ressent en lisant Le vol de l’ange.
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Ce romancier bienveillant est d’ailleurs de retour dans Cherche rouquine, coupe garçonne, paru chez Boréal en 2017.
Dès le premier chapitre, nous assistons à la pendaison de William Blewett pour le meurtre de deux Américains en Gaspésie. Or, la plupart des témoins de cette pendaison sont convaincus de l’innocence de Blewett.
Surtout le jeune prêtre, Jean-Jacques Bouffard, chargé d’assister le condamné. Il sera tellement secoué par cet évènement qu’il quittera la prêtrise.
L’affaire Blewett, c’est la trame qui soutient tout le récit.
Lui-même originaire de la Gaspésie, Jean-Jacques Bouffard retournera vivre dans la maison de son enfance après le décès de ses parents. Il épousera une fille du coin, une espèce d’enfant gâtée qui lui pourrira l’existence jusqu’à ce qu’elle le quitte. Elle aura cependant eu le temps de lui donner une enfant, la rouquine du titre. C’est elle la narratrice du roman.
Le livre est truffé de personnages truculents, et Daniel Poliquin nous les présente avec toute la verve narrative qui le caractérise.
Il y a d’abord, Odette, jeune fille d’Ottawa qui quitte sa famille dysfonctionnelle pour s’installer à Montréal dès qu’elle atteint la majorité. Elle passera d’un emploi et d’un amant à l’autre avant de devenir la maitresse de Blewett. C’est d’ailleurs dans son appartement à elle qu’il sera arrêté.
Il y a aussi le chef de police qui a procédé à l’arrestation de Blewett, mais qui n’a jamais cru à la culpabilité de ce dernier. Et à ces personnages s’ajoute le défilé d’amoureux et d’amoureuses de la rouquine.
Et dans tout ça, une grande question demeure : Blewett était-il coupable?
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Reculons au début de sa carrière. Le roman L’Obomsawin, publié chez Prise de parole en 1987, est un des premiers de Daniel Poliquin. C’est l’histoire d’un vieux peintre Métis, l’Obomsawin, qui subit un procès parce qu’il est accusé d’avoir incendié sa maison dans la ville déchue de Sioux Junction dans le Nord de l’Ontario. Mais le roman raconte surtout l’histoire de ce lieu emblématique de plusieurs localités du Nouvel-Ontario.
Avec des œuvres autochtones exposées dans plusieurs grandes villes du monde, Thomas Obomsawin a déjà connu la gloire, tout comme Sioux Junction a déjà été une ville florissante.
Ses deux fondateurs, un prêtre québécois défroqué et un anglophone ancien officier de la Police montée du Nord-Ouest, ont su faire prospérer la communauté. À une époque, l’un des fondateurs possédait le moulin à scie et l’autre la mine, qui attiraient des travailleurs de partout avec leur famille.
Maintenant, Sioux Junction ne compte plus que quelques habitants, ce qui crée des situations assez cocasses. Ainsi, l’un des derniers résidents, Jo Constant, «fait tout ce que l’autorité fait normalement». Il est maire, chef de police, juge de paix, hôtelier et seul épicier de la ville. C’est lui qui a arrêté l’Obomsawin et qui l’a logé dans son hôtel.
Mais le procès de l’artiste connu chambardera la ville en attirant – en plus d’un vrai juge et des avocats – toute une flopée de journalistes, d’artistes et d’autres personnalités médiatiques. Quant à l’Obomsawin, il n’a soumis aucun plaidoyer et semble indifférent à son sort.
Comme dans tous ses romans, Daniel Poliquin utilise son talent de conteur pour nous présenter ses personnages et la vie locale. Et, dans ce livre, il le fait avec un petit sourire en coin qui nous charme.
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Réjean Grenier a travaillé dans les médias pendant 47 ans, comme journaliste, rédacteur principal à Radio-Canada/CBC, éditeur et propriétaire d’un journal et d’un magazine, et éditorialiste. Il a présenté une chronique littéraire sur les ondes de Radio-Canada pendant cinq saisons. Il est un avide lecteur depuis l’âge de 12 ans. Il a grandi dans un petit village du Nord de l’Ontario où il n’y avait pas de librairie, mais il a rapidement appris où commander des livres. Son type d’ouvrage préféré est le roman puisqu’«on ne trouve la vérité que dans l’imaginaire».
Deux thèmes étaient sur la table lors de la réunion du Conseil de la fédération, mercredi : renforcer les liens avec États-Unis et consolider le pouvoir de pression canadien sur l’économie américaine face aux menaces économiques du président désigné Donald Trump.
Tous les premiers ministres ont joué la carte de l’unité, Doug Ford à leur tête, l’actuel président du Conseil et premier ministre de l’Ontario.
Ce dernier a assuré, aux côtés du premier ministre canadien Justin Trudeau, que le Canada n’allait pas appliquer de tarifs douaniers sur les produits en provenance des États-Unis avant que Donald Trump ne mette ses menaces à exécution.
Aucun plan détaillé n’a été révélé, excepté une volonté de rassurer les Canadiens face aux menaces tarifaires et d’annexion économique de Donald Trump faites au cours des dernières semaines.
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Interrogé sur son avenir, Justin Trudeau a assuré qu’il restait «concentré» sur les enjeux avec les États-Unis.
Toutefois, l’absence de la première ministre de l’Alberta, Danielle Smith, à la table a attiré l’attention.
La première ministre de la province productrice de pétrole n’a pas approuvé le communiqué conjoint publié après la réunion, qui stipule que le Canada est uni dans une réponse qu’Ottawa livrera «étape par étape», a expliqué Justin Trudeau, si Donald Trump met ses menaces à exécution.
Interrogé sur le désaccord de l’Alberta, le premier ministre a répondu, en conférence de presse : «On est tous unis sur le fait qu’il faut répondre de façon robuste. […] Par rapport au communiqué, il faudrait que vous demandiez à Mme Smith pourquoi elle n’a pas voulu le signer. Nous sommes tous d’accord et je ne sais pas quel sera l’élément avec lequel elle serait en désaccord.»
Le secteur de l’automobile est le premier visé par le président Trump, pas le pétrole albertain, a assuré Justin Trudeau. «Vous n’entendez pas Doug Ford dire que, peu importe ce qui arrive, nous devons protéger [notre économie provinciale, NDLR] aux dépens des autres secteurs», a ajouté le premier ministre dans une flèche à Mme Smith.
Doug Ford a précisé : «Je respecte la première ministre Smith. Je respecte qu’elle ait des préoccupations sur la protection de son énergie. C’est son choix. Mais aucune province ou territoire ne sera exempt de ça. Rappelez-vous une chose, “Unis nous résistons, divisés nous tombons”.»
«J’espère qu’il y a du pride canadien dans le fait que vous pouvez avoir des libéraux et des conservateurs et des démocrates et des leadeurs non partisans qui se rassemblent pour se battre pour vos emplois et votre façon de vivre», a de son côté déclaré le premier ministre du Manitoba, Wab Kinew.
Justin Trudeau a également affirmé qu’un plan pour soutenir économiquement les secteurs touchés était en développement.
Le ministre François-Philippe Champagne a renoncé à se lancer dans la course à la chefferie libérale. Il avait demandé que le bilinguisme fasse partie intégrante de la course.
Il va de soi que le ou la prochaine chef du Parti libéral du Canada doit pouvoir s’exprimer autant en français qu’en anglais, les deux langues officielles du Canada.
— François-Philippe Champagne (FPC) 🇨🇦 (@FP_Champagne) January 11, 2025
Il est tout aussi important d’avoir un débat en français.
Le 9 mars, faites entendre votre voix! pic.twitter.com/3gABj8vLg1
Christy Clark se retire de la course à la chefferie libérale.
Toujours dans la liste des désistements, Christy Clark a déclaré sur son site Web, en anglais uniquement : «J’ai travaillé dur pour améliorer mon français, mais je ne suis pas encore au niveau où il faut être.»
L’ancienne première ministre de la Colombie-Britannique a menti lors d’une entrevue à CBC (en anglais uniquement), où elle disait ne jamais avoir été membre du Parti conservateur. Les preuves du contraire ont vite été débusquées. Elle a ensuite dit s’être «mal exprimée».
Une candidature officielle
Mark Carney a quant à lui déclaré sa candidature à Edmonton, en Alberta, jeudi, dans un discours en anglais et en français, qu’il a majoritairement lu.
Ce n’était plus un secret depuis des jours que Mark Carney lancerait sa candidature jeudi.
«Notre temps est tout sauf ordinaire, a-t-il lancé, dans les deux langues. Trop de gens sont laissés de côté, trop de jeunes, trop de personnes n’ont pas accès aux médecins.»
Tout en se positionnant comme un adversaire de Donald Trump, l’ancien gouverneur de la Banque du Canada en a profité pour critiquer le chef du Parti conservateur .
«Je vous donne une grosse différence entre Pierre Poilievre et moi : tandis que je me concentre sur l’importance de bâtir l’économie, il cherche le soutien de Donald Trump et Elon Musk.»
Son ton s’est voulu rassurant sur l’économie, lui qui dit «bien connaitre les marchés» : «Quand ils sont bien gérés, ils livrent les emplois et la croissance mieux que quiconque. Mais les marchés sont indifférents envers la souffrance humaine. S’ils sont mal gérés, ils vont livrer une richesse énorme à quelques chanceux.»
«On va gagner», a-t-il conclu, en anglais.
Vendredi, l’ancienne ministre des Finances, Chrystia Freeland, a aussi annoncé sur X qu’elle lancera sa campagne dimanche.
Lancement officiel dimanche. pic.twitter.com/kcImzuArg4
— Chrystia Freeland (@cafreeland) January 17, 2025
Karina Gould est aussi pressentie comme candidate, mais n’a pas encore officialisé sa campagne.
En conférence de presse mercredi, les ministres d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), Marc Miller, et de la Sécurité publique, David McGuinty, ont annoncé qu’Ottawa renforce actuellement la sécurité frontalière.
L’enjeu : Des mesures ont été prises pour réduire les entrées illégales et la fraude, améliorer l’échange d’informations et augmenter les renvois de demandeurs d’asile non admissibles.
Un budget de 1,3 milliard de dollars vise à augmenter la surveillance, avec l’utilisation de drones, de tours et de nouvelles technologies.
Des ressources supplémentaires sont déployées pour répondre aux besoins futurs. Des efforts coordonnés avec les provinces et territoires soutiennent ces initiatives.
Lors d’une conférence de presse en Colombie-Britannique, jeudi, le chef du Parti conservateur du Canada a déclaré qu’il abolira l’augmentation du taux sur les gains en capitaux.
La cible : La mesure annoncée par les libéraux lors du budget vise les gains en capital annuels dépassant 250 000 $ issus de la vente d’actifs, comme des actions, des parts d’entreprise, des terres agricoles, des logements locatifs ou des chalets.
Selon le gouvernement fédéral, ce changement rapporterait plus de 19 milliards de dollars sur cinq ans dans les coffres publics.
«Cette taxe libérale anti-emploi était une mauvaise idée avant la menace tarifaire du président Trump, elle est aujourd’hui une pure folie», a critiqué Pierre Poilievre, sur X.
Je dirigerai un gouvernement fédéral qui se mêle de ses affaires, respecte l'autonomie des provinces et rétablit la promesse du Canada qui unit les Canadiens d'un océan à l'autre. pic.twitter.com/QiwJnGtSQD
— Pierre Poilievre (@PierrePoilievre) January 15, 2025
Au retour des parlementaires, une motion de l’opposition pourrait permettre de reprendre les débats laissés en suspens. Mais comme tous les partis d’opposition semblent prêts à faire tomber le gouvernement, une élection pourrait être déclenchée très rapidement.
Qu’est-ce que c’est? : Le Programme de contestation judiciaire (PCJ) permet aux Canadiens d’obtenir un soutien financier devant les tribunaux pour présenter «des causes d’importance nationale liées à certains droits constitutionnels et quasi constitutionnels en matière de langues officielles et de droits de la personne».
Après de nombreuses controverses, notamment entre Québec et Ottawa, le programme a été réintroduit en 2017 et mis en œuvre en 2019.
En quoi est-ce important pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire (CLOSM)? : La Loi sur le ministère du Patrimoine canadien contient déjà un article qui permet au ministère d’accorder un soutien financier à un organisme chargé de le distribuer, dans le cadre «de causes types d’importance nationale qui visent à clarifier et à faire valoir des droits constitutionnels en matière de droits de la personne». Le projet de loi C-316 aurait précisé et protégé le PCJ et son financement.
Selon François Côté, avocat chez Droits collectifs Québec, en entrevue avec Francopresse en 2024 : «[Ce programme] a été aboli, rétabli, réaboli et rétabli depuis les années 1990 à plusieurs occasions. Certains pourraient dire que [C-316] est une manière d’éviter que [le PCJ] ne soit laissé au seul vent politique du prochain gouvernement au pouvoir.»
Plusieurs controverses ont entouré le Programme, notamment lorsque la Commission scolaire English-Montréal avait obtenu un financement en vertu du PJC, pour soutenir ses procédures de contestation de la Loi 21 au Québec.
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Qu’est-ce que c’est? : Les deux projets de loi ont le même but : modifier la Loi sur les compétences linguistiques pour rendre le bilinguisme obligatoire aux postes de gouverneur général du Canada et de lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick.
C’est le sénateur québécois Claude Carignan qui a déposé les deux pièces législatives en 2021.
En quoi est-ce important pour les CLOSM? : Ces textes garantissent le droit de communiquer avec le gouvernement et de recevoir des services dans l’une ou l’autre des deux langues officielles du Canada, au niveau du représentant de la Couronne.
Mary Simon est la première femme autochtone à occuper le poste de gouverneure générale du Canada. Sa nomination par Justin Trudeau, le 6 juillet 2021, ne garantissait justement pas le fait que les citoyens pouvaient s’adresser à elle en français, car elle ne maitrisait pas cette langue à son entrée en poste.
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Même polémique du côté du Nouveau-Brunswick, avec la nomination, toujours par Justin Trudeau, de la lieutenante-gouverneure anglophone Brenda Murphy, en 2019.
Dans ce dernier cas, la Cour d’appel fédérale s’est toutefois prononcée en faveur de l’unilinguisme anglophone, en 2024, parce que la Constitution canadienne n’exige pas le bilinguisme pour ce poste.
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Qu’est-ce que c’est? : Le projet de loi vise à contraindre le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) de consulter le gouvernement du Québec et ceux des autres provinces dès lors qu’une décision les touche.
En quoi est-ce important pour les CLOSM? : Il s’agit de garantir la consultation des communautés francophones au pays avant de prendre des décisions qui les affectent.
La Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) a toutefois demandé de modifier ce projet de loi pour que les organismes des communautés francophones et acadiennes «soient les premiers interlocuteurs du CRTC pour rendre compte des réalités des marchés francophones ailleurs qu’au Québec», à la place des gouvernements provinciaux, expliquait la présidente Liane Roy lors d’un comité parlementaire en juin 2024.
L’argument principal pour cet amendement tient à «la sensibilité que peuvent avoir ces gouvernements par rapport à la francophonie [qui] est à géométrie variable», alertait Liane Roy.
L’amendement avait été déposé par le Nouveau Parti démocratique (NPD) en comité, un peu plus tard dans l’année, mais faute de temps, il n’a jamais pu être adopté.
Qu’est-ce que c’est? : C’est le seul projet de loi déposé par le ministre de l’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, Marc Miller, au printemps 2024. Il propose d’étendre la citoyenneté canadienne aux enfants nés à l’étranger de parents qui ont déjà la citoyenneté.
En quoi est-ce important pour les CLOSM? : L’immigration francophone étant en hausse au pays, ce projet de loi permettrait aux francophones de faire en sorte que leurs enfants nés à l’étranger soient Canadiens, à condition que les parents aient obtenu la nationalité canadienne.
De même pour les enfants nés hors des frontières du pays et adoptés par un parent canadien au-delà de la première génération.
«Les femmes francophones en situation minoritaire sont les grandes oubliées, leurs difficultés à accéder à des services dans leur langue maternelle ne sont pas prises en compte», regrette la criminologue à l’Université de Moncton et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en violence sexuelle, prévention et intervention, Madeline Lamboley.
Pour Valerie Roy-Lang, en matière de violences fondées sur le sexe, «les sanctions ne sont pas assez sévères» : «Ça laisse sous-entendre que ce n’est pas un crime grave et ça n’encourage pas les victimes à porter plainte.»
D’après le dernier rapport d’étape, moins de 3 % des mesures du Plan d’action national pour mettre fin à la violence fondée sur le sexe ont concerné les femmes issues de minorités linguistiques.
«C’est choquant, ça démontre le manque d’intérêt des politiques à aider les communautés francophones», dénonce la directrice générale du Réseau des services pour victimes de violence du Nouveau-Brunswick, Valerie Roy-Lang.
Pour la présidente de l’Alliance des femmes de la francophonie canadienne (AFFC), Nour Enayeh, Ottawa ne respecte pas ses obligations en vertu de la Loi sur les langues officielles : «Le gouvernement fédéral se doit d’offrir à toutes les femmes au pays un accès adéquat et équitable à des services dans leur langue.»
Dans un communiqué publié en décembre, l’AFFC estime que les femmes francophones et acadiennes sont «laissées pour compte».
La violence fondée sur le sexe est commise contre des personnes en raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leur genre ou de leur identité de genre. Elle peut prendre la forme de violence physique, sexuelle, psychologique, émotionnelle ou financière, et elle peut être facilitée par la technologie. Elle sévit dans les foyers, les espaces publics, les lieux de travail et en ligne.
Le Plan d’action national pour mettre fin à la violence fondée sur le sexe, adopté en 2022 par le gouvernement fédéral et d’une durée de 10 ans, repose sur cinq piliers, dont le soutien aux survivantes, la prévention, un système judiciaire réactif et les approches dirigées par les Autochtones.
Sur le terrain, l’insuffisance des ressources en français est criante, particulièrement dans l’Ouest. En Alberta, selon la Coalition des femmes de l’Alberta, sur 50 maisons d’hébergement dans la province, seulement trois proposent des services d’interprétariat et aucune ne dispose de personnel bilingue.
À Winnipeg, la directrice du refuge Chez Rachel, Sonia Grmela, souligne l’isolement linguistique et géographique des Franco-Manitobaines dans les régions rurales de la province.
Au Manitoba, un seul organisme francophone, basé à Winnipeg, soutient les femmes et les enfants victimes de violence domestique. Chez Rachel existe depuis 30 ans et peut accueillir cinq familles pendant un maximum d’un an et demi. Deux conseillères offrent des programmes de guérison.
«On aide les femmes à accéder à des services qui devraient être bilingues, mais ne le sont pas. C’est toujours une question de chance, on peut tomber par hasard sur une personne qui parle français», déplore la directrice générale de Chez Rachel, Sonia Grmela.
La responsable mène ainsi une étude de faisabilité afin d’ouvrir un second refuge en zone rurale, où la pénurie est «encore plus sévère».
Ces deux provinces de l’Ouest disposent néanmoins d’associations de juristes d’expression française à même de donner des conseils juridiques aux survivantes.
Au Nouveau-Brunswick, le Réseau des services pour victimes de violence dessert, lui, cinq régions francophones avec notamment cinq maisons de transitions et quatre logements de deuxième étape.
En revanche, dans les zones anglophones de la province, en particulier autour de Fredericton et de Saint-Jean, le soutien en français est quasi inexistant, remarque Madeline Lamboley.
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S’exprimer dans sa langue maternelle reste pourtant vital pour des survivantes, «dans une situation de choc, déjà stressante et traumatisante», souligne la chercheuse. «C’est dangereux, car elles risquent de ne pas sortir du cycle de violences par peur de se retrouver face à des interlocuteurs anglophones qui les comprennent mal.»
En Alberta, Mariama Gueye explique que la Coalition des femmes organise dans les écoles et les communautés des ateliers de prévention, mais aussi sur les droits des victimes.
«Il y a des risques d’incompréhensions qui peuvent avoir des conséquences très graves. Si la plainte est mal comprise par la police et les faits sont faussés, ça peut affecter l’issue du procès en cour», ajoute Sonia Grmela.
La Coalition des femmes de l’Alberta constate plus que jamais cet isolement linguistique, surtout chez les nouvelles arrivantes. «Elles se sentent prisonnières, car elles ne savent pas vers qui se tourner. Elles se disent : “Est-ce que ça vaut la peine d’appeler à l’aide? Personne ne m’entendra”», alerte la présidente de l’organisme, Malaïka Ogandaga.
«Il faut faire un travail psychologique intense pour les convaincre qu’elles ont le droit d’être servies en français, qu’elles sont des individus qui ont de la valeur même si elles ne maitrisent pas l’anglais», ajoute à ses côtés la directrice générale, Mariama Gueye.
Les services francophones souffrent en plus d’un déficit chronique de financement et l’adoption du Plan d’action national n’a pas changé la donne. «On a toujours l’impression que nos défis ne sont pas une priorité. On a déjà songé à offrir un espace d’hébergement provisoire, mais l’argent n’est pas là», relève Malaïka Ogandaga.
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La Coalition des femmes de l’Alberta dispose de quatre employées pour couvrir un territoire grand comme la France, la Belgique, les Pays-Bas et la Suisse réunis.
Nour Enayeh de l’AFFC regrette que le Plan d’action national ne prenne pas en compte la réalité des femmes francophones en situation minoritaire.
En 2023, Ottawa a pourtant signé avec les provinces et les territoires des accords de financements bilatéraux afin d’assurer la mise en œuvre du plan.
Valerie Roy-Lang considère que l’entente avec le Nouveau-Brunswick a permis «d’aider au jour le jour, de maintenir l’existant, mais n’a pas donné accès à des lits supplémentaires».
«Ce n’est pas suffisant pour répondre aux besoins des victimes. Les maisons de transition doivent faire appel à des dons communautaires, car elles sont toujours dans le rouge à la fin de l’année», indique-t-elle.
La directrice pointe par ailleurs le manque de campagnes de prévention en français à l’extérieur du Québec : «Les services sont dirigés vers les situations de crise. Il faut mettre plus d’emphase sur la sensibilisation aux relations saines, aux violences émotionnelles et verbales, auprès des élèves, des employeurs, des professionnels de santé.»
On fait des choses ponctuelles, il y a plein de projets-pilotes, mais pas d’investissement récurrent. Un atelier une fois par an à l’école, c’est insuffisant. Pour que ça marche, il faut répéter le message.
À Ottawa, l’AFFC espère rencontrer prochainement la ministre fédérale des Femmes et de l’Égalité des genres et de la Jeunesse pour «réouvrir la conversation». «On ne peut pas laisser les femmes à la merci du bon vouloir des provinces. Ottawa doit prendre le leadeurship», insiste Nour Enayeh.
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Jusqu’à la semaine dernière, Pierre Poilievre aurait peut-être pu espérer reproduire l’exploit de l’ancien premier ministre conservateur Brian Mulroney, qui avait remporté 50,0 % des suffrages lors de l’élection fédérale de 1984. Du jamais vu depuis l’élection de John Diefenbaker en 1958 (celui-ci avait alors obtenu 53,7 % des votes).
Mais les choses viennent de prendre une nouvelle tournure. Non pas un, mais deux évènements majeurs se sont produits : la démission de Justin Trudeau, puis les déclarations fracassantes de Donald Trump se disant prêt à recourir à la «force économique» pour faire plier le Canada en matière d’échanges commerciaux.
Certes, la victoire conservatrice est encore très probable, mais le raz-de-marée bleu pourrait déferler moins fort qu’initialement prédit par les sondages. Les conservateurs vont devoir redoubler d’ardeur.
Il est indéniable que la démission de Justin Trudeau vient changer la donne pour les conservateurs. Jusqu’à présent, leurs attaques ciblaient presque exclusivement la personnalité et les politiques du premier ministre actuel, et cela semblait donner d’excellents résultats.
En quittant la scène politique, Justin Trudeau force donc le Parti conservateur à revoir sa stratégie. C’est d’ailleurs ce qu’espéraient les libéraux qui réclamaient le départ de M. Trudeau.
Le départ annoncé de Justin Trudeau force déjà les conservateurs à réorienter leur message.
Toutefois, les conservateurs étaient prêts. On a d’ailleurs pu constater que leurs messages ont rapidement été ajustés : ce n’est plus Justin Trudeau qu’ils ciblent, mais bien ses ministres (les Chrystia Freeland, François-Philippe Champagne et autres) ou ses proches conseillers (Mark Carney). Les candidats pressentis sont ainsi coupables par association.
Cette stratégie est de bonne guerre. Un gouvernement sortant, peu importe qui le dirige, doit être capable de défendre son bilan. Et les partis d’opposition sont en droit d’attaquer ce bilan.
Par contre, on sent que les conservateurs ont été pris par surprise par les déclarations de Donald Trump, et c’est là l’élément central de ce qui a changé. Pourtant, ils auraient dû y être préparés.
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Un aspirant premier ministre doit avoir comme principale préoccupation la défense des intérêts du pays.
C’est ici que Pierre Poilievre a malheureusement échoué. On l’a peu entendu si ce n’est que pour se rallier finalement aux propos des autres chefs politiques, Justin Trudeau en tête, qui ont unanimement dénoncé la suggestion du prochain président américain. Non, le Canada ne sera pas le 51e État américain.
En fait, ce que l’on peut reprocher à Pierre Poilievre, c’est à la fois sa lenteur d’action et sa propension à réagir plutôt qu’à agir comme meneur.
En ce qui concerne la lenteur, Pierre Poilievre agit exactement comme l’a fait Justin Trudeau lors de situations de crise majeure. Pourtant, Justin Trudeau n’est certainement pas l’exemple à suivre.
Notre premier ministre a toujours eu beaucoup de difficultés à prendre rapidement des décisions, ce qui nous a régulièrement menés à des drames politiques inutiles ou tout près de catastrophes nationales.
Pensez à l’affaire SNC-Lavalin, au blocage des chemins de fer par des communautés autochtones en appui aux revendications des Wet’suwet’en, à l’instauration de l’État d’urgence face au convoi des camionneurs, à la controverse liée à l’organisme caritatif UNIS (WE Charity), à la grève dans les ports de la côte ouest, etc.
Un premier ministre doit être capable d’agir dans le feu de l’action et savoir prendre des décisions difficiles qui servent les intérêts du pays. Pierre Poilievre pourra-t-il faire mieux? Il ne l’a pas encore montré alors qu’il aurait dû le faire.
S’il a finalement fait les mêmes déclarations que ses adversaires politiques («Le Canada ne sera jamais le 51e État. Point à la ligne», «Je me battrai pour le Canada», «Nous mettrons le Canada d’abord»), Pierre Poilievre n’a cependant présenté aucun plan pour la suite des choses.
Donald Trump a multiplié les menaces contre le Canada depuis l’annonce de la démission de Justin Trudeau. L’imposition possible de tarifs douaniers de 25 % occupe tout l’espace en ce moment.
En fait, il est étonnant que l’on ait plus entendu des chefs de gouvernements provinciaux ou d’anciens politiciens que le chef conservateur – et que le premier ministre – proposer des stratégies de négociation pour tenir tête aux Américains.
Pensez à Doug Ford de l’Ontario, que l’on surnomme maintenant «Capitaine Canada», ou à Danielle Smith de l’Alberta, qui a rencontré Donald Trump à Mar-a-Lago les 11 et 12 janvier en plus de réussir à se faire inviter à la cérémonie d’assermentation à Washington le 20 janvier, ou encore à Jean Chrétien qui vient de signer une lettre ouverte combattive dans les médias.
Pourtant, les déclarations de Donald Trump auraient dû inciter Pierre Poilievre à présenter davantage sa stratégie. Selon le président américain élu, si Pierre Poilievre est élu premier ministre, ça ne changera rien à son désir d’imposer des sanctions au Canada.
Pierre Poilievre a ainsi raté une belle occasion de dire à la population canadienne que oui, cela changerait les choses et expliquer pourquoi.
Depuis des mois, Pierre Poilievre demande que des élections soient déclenchées sur le thème de la taxe carbone. Toute sa stratégie de communication ciblait ce thème, à commencer par son slogan, qu’il martèle sur toutes les tribunes («Axe the Tax», soit «abolissons la taxe carbone»).
On le voyait encore au début de janvier alors qu’il commentait l’état des relations canado-américaines. Malheureusement, ce ne sera plus l’enjeu électoral, mais cette réalité, il ne semble pas encore vouloir l’accepter.
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Un nouveau portail, Projet Santé Mentale Étudiants (SME), rassemble désormais des ressources d’aide pour prévenir et contrôler les détresses psychologiques des étudiants étrangers francophones inscrits dans les universités canadiennes. Les personnes intéressées peuvent aussi remplir un questionnaire d’évaluation.
Selon le professeur Idrissa Beogo, les étudiants étrangers francophones ne maitrisent souvent pas l’anglais, ce qui «limite leurs interactions sociales» et contribue à leur isolement.
Actuellement disponible sur le site Web de l’Université Laval, la plateforme devrait, à terme, être accessible via les sites de l’Université d’Ottawa et du Campus Saint-Jean, en Alberta.
Quelque 12 balados doivent être également réalisés afin de donner la parole à des étudiants, des professeurs et des professionnels de la santé mentale. L’occasion pour eux de partager leurs vécus et les stratégies qu’ils ont utilisées pour s’en sortir.
Ces nouvelles ressources s’inscrivent dans le cadre d’un projet de recherche sur la santé mentale des étudiants étrangers francophones dans des universités de l’Ontario, de l’Alberta et du Québec.
L’objectif des chercheurs est de pallier le manque de prise en charge adaptée. Car, quelles que soient leurs difficultés, les jeunes en souffrance ont rarement accès aux ressources existantes.
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«Ils ont de la misère à rentrer dans le système, ils ne peuvent pas toujours bénéficier des soins de santé publics, relève le professeur adjoint à l’École des sciences infirmières de l’Université d’Ottawa et coauteur du projet de recherche, Idrissa Beogo. Et ils ont peur, peur de l’inconnu, peur d’être victimes de racisme.»
Le doctorant à l’Université Laval, Claude Dakuyo, explique que la santé mentale reste un tabou dans de nombreux pays africains.
Selon le doctorant en psychoéducation à l’Université Laval au Québec et coordinateur du projet de recherche, Claude Dakuyo, les maladies mentales demeurent également «un tabou» persistant : «Les étudiants internationaux, originaires d’Afrique, ne sont pas très à l’aise à l’idée de parler de santé mentale. Il y a encore beaucoup de préjugés et de clichés autour de ces questions.»
«Plusieurs étudiants m’ont dit qu’ils souffraient en silence, car ils n’étaient pas habitués à en parler, encore moins à un psychologue», ajoute-t-il.
Face à la difficulté de certains jeunes à exprimer leur malêtre, il considère que les ressources offertes dans les universités canadiennes ne sont pas toujours adaptées. Il y a pourtant urgence devant l’ampleur des besoins, en particulier depuis la pandémie de COVID-19.
«Aujourd’hui, ils rentrent chez eux avec une santé mentale meurtrie. Les universités ne prennent pas le temps de les accompagner», confirme Idrissa Beogo.
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«Ils sont loin de chez eux, de leur culture d’origine, de leur cercle social et familial, ça les rend plus vulnérables», poursuit le professeur à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université Laval, coauteur du projet, Jean Ramdé.
Le psychologue Jean Ramdé explique que les étudiants étrangers sont plus vulnérables, car ils sont loin de chez eux et de leur culture d’origine.
Ce dernier parle d’«acculturation» : «Ils doivent s’adapter à un nouvel environnement, acquérir une nouvelle culture, apprivoiser un nouveau système d’enseignement. C’est loin d’être évident et ça affecte leur santé mentale.»
Aux yeux du psychologue, le «discours accusateur» des derniers mois a par ailleurs pesé sur une jeunesse étudiante déjà fragilisée : «Les étudiants étrangers ont été pointés du doigt pour tous les problèmes que vivent les Canadiens, le manque de logement notamment, ça n’aide pas.»
À cela s’ajoute pour beaucoup d’entre eux la précarité financière, qui les oblige à travailler durant leurs études et à vivre dans des logements exigus.
«Ils ont la pression de réussir, car leurs proches restés au pays ont souvent consenti de lourds investissements financiers pour qu’ils puissent venir au Canada et payer les frais de scolarité très élevés», observe Jean Ramdé.
Dans les communautés francophones en situation minoritaire, la maitrise de l’anglais constitue une «autre couche de défi», remarque Idrissa Beogo. «Les étudiants parlent peu l’anglais, ça limite leurs interactions sociales à l’extérieur de l’université. C’est source d’isolement et ça peut être un obstacle à leur réussite.»
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