La règlementation de la nouvelle mouture de la Loi sur les langues officielles se fait attendre.
Raymond Théberge craint les effets potentiels de prochaines élections fédérales sur la règlementation de la loi.
«Je dirais qu’au début du processus, à mon avis, c’était clair. On voulait aller rapidement. Maintenant, on tombe dans une période de préconsultations et de consultations, et j’ai l’impression que ce n’était pas nécessairement prévu», a déploré le commissaire aux langues officielles, Raymond Théberge, en comité sénatorial le 25 novembre.
Le projet de règlement doit être déposé au Parlement au début de l’année 2025, un délai critiqué par tous les partis d’opposition.
«Le temps n’est pas notre ami, étant donné le contexte dans lequel on se trouve présentement», a ajouté le commissaire, faisant allusion à d’éventuelles élections fédérales à venir, qui pourraient chambouler la composition du Parlement ainsi que celle du comité chargé d’étudier le règlement de la Loi.
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Lucie Moncion, sénatrice de l’Ontario, et René Cormier, sénateur du Nouveau-Brunswick, dénoncent les lourdeurs administratives qui compliquent la livraison de services fédéraux aux organismes francophones.
«Lorsqu’il y a des changements de gouvernement, plusieurs travaux sont arrêtés en attendant que les nouvelles personnes soient nommées […] C’est là qu’on peut voir d’autres dossiers prendre priorité», confirme, en entrevue avec Francopresse, la sénatrice Lucie Moncion. La règlementation pourrait dès lors être «mise aux oubliettes».
D’autres sénateurs ont également souligné la nécessité d’agir rapidement. Lors du comité du 25 novembre, René Cormier a fait part d’un contexte actuel «où il y a des urgences évidemment pour les communautés de langue officielle [en situation minoritaire]».
«Ça commence à être urgent», a pour sa part insisté la sénatrice Bernadette Clément, toujours en comité.
En entrevue avec Francopresse, René Cormier élabore sa pensée : «Il faut se rappeler que la loi a été adoptée au mois de juin 2023. Certaines mesures doivent être mises en œuvre dans les deux ans de l’entrée en vigueur de la loi. Par exemple, la question du bilinguisme [des] gestionnaires et les superviseurs dans les régions bilingues et dans la capitale nationale.»
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Pourquoi la règlementation est importante?
Comme l’explique le professeur de droit François Larocque, la règlementation permettra de préciser comment la Loi sera mise en œuvre. Sans elle, les communautés ne peuvent pas en profiter pleinement.
«Ça peut être assez détaillé, dit-il. Par exemple, l’obligation de prendre des mesures positives pour assurer le dénombrement des ayants droit.»
Un autre exemple concerne les mesures positives pour soutenir l’éducation en français, de la petite enfance au postsecondaire, pour lesquelles des modalités d’exécution seront détaillées dans un règlement.
Selon François Larocque, professeur de droit de l’Université d’Ottawa, le gouvernement peut déjà être proactif pour la francophonie, comme il l’a fait en augmentant les cibles d’immigration francophone hors Québec.
François Larocque rappelle que la nouvelle loi sur les langues officielles s’applique déjà, même sans règlementation.
Mais l’immigration francophone bat des ailes face à une lourdeur administrative, remarque René Cormier en entrevue.
«On aimerait que le gouvernement use de son pouvoir de dépenser, donc investir dans les programmes, signale Lucie Moncion. Il peut aussi réduire la lourdeur administrative qui est associée à l’accès aux différents programmes par les organismes.»
De son côté, le ministre fantôme des Langues officielles, Joël Godin, presse le gouvernement de déposer les décrets nécessaires, notamment celui qui octroie de nouveaux pouvoirs au CLO.
«De plus, nous devons garantir que les employés puissent travailler en français au Québec et dans les régions à forte présence francophone, qui seront définies par règlement», écrit-il dans une réponse par courriel.
Il ajoute qu’en attendant la règlementation, «les organismes qui œuvrent activement sur le terrain devraient bénéficier d’un financement prévisible, afin de faciliter leur planification et de leur permettre de se concentrer pleinement sur leur mission première».
Mais il existe des «retards dans la distribution du financement», rappelle René Cormier en entrevue. Selon lui, l’aide immédiate aux communautés passe par les fonds du Plan d’action pour les langues officielles, qui peinent à atteindre les organismes.
Il y a une immense lenteur. Ça pénalise les organismes et ça rend difficile leur fonctionnement et la libération de leur mandat.
En comité, Raymond Théberge a affirmé avoir entendu des propos similaires lors de récentes consultations : «C’était l’enjeu qui était soulevé presque partout.»
«Ce n’est pas comme si les organismes ont des grosses lignes de crédit sur lesquelles ils peuvent fonctionner. On a besoin de ces argents-là pour travailler et pour livrer des programmes.»
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«Les communautés de langue officielle en situation minoritaire ont suffisamment attendu», estime le député conservateur Joël Godin.
Pour Joël Godin, la priorité demeure la règlementation de la partie VII, qu’il surnomme le «cœur de la Loi sur les langues officielles».
«On l’attend incessamment», a insisté Raymond Théberge en comité. «[Elle] touche les communautés tout de suite.» Cette partie porte surtout sur les obligations linguistiques des institutions fédérales.
«On est toujours inquiet par rapport au délai, parce que la partie VII va préciser comment les institutions fédérales vont s’acquitter de leurs obligations pour favoriser la progression vers l’égalité du statut d’usage du français et de l’anglais», appuie Lucie Moncion en entrevue.
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Quant au contenu du règlement de la partie VII, François Larocque s’attend notamment à voir des précisions sur les «fameuses clauses linguistiques».
«Il y a des transferts d’argent du fédéral vers les provinces et les territoires, explique-t-il. Les communautés ont toujours revendiqué que ces ententes-là contiennent des clauses qui engagent la province ou les territoires à tenir compte des langues officielles et des besoins des communautés de langue officielle en situation minoritaire.»
La partie VII de la nouvelle Loi leur accorde une semi-victoire : lors des négociations d’ententes, le gouvernement fédéral devra tenter de convaincre les provinces et territoires d’inclure des clauses linguistiques.
«Ce n’est pas une obligation de résultat, mais c’est au moins une obligation de processus», remarque le juriste, qui attend de voir comment un règlement va encadrer cette nouvelle obligation du fédéral.
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La situation est critique pour un grand nombre de Canadien·nes.
L’indice des prix à la consommation a augmenté de 3,4 % en 2021, 6,8 % en 2022 et 3,9 % en 2023, tandis que le prix des aliments a augmenté de 9,8 % en 2022 et 7,8 % en 2023.
Les taux d’inflation de 2022 ont d’ailleurs accru le pourcentage de personnes vivant sous le seuil officiel de la pauvreté au Canada de 7,4 % en 2021 à 9,9 %. Or, un revenu au seuil de la pauvreté demeure encore bien en deçà du revenu viable, qui permettrait de sortir de la pauvreté, par exemple en déménageant ou en faisant des études.
L’augmentation des couts touche davantage les personnes pauvres, puisqu’une plus grande part de leurs revenus est consacrée au logement et à l’alimentation. On voit ainsi une plus grande fréquentation des banques alimentaires ainsi qu’une baisse plus générale de la consommation.
N’oublions pas que les revenus des personnes pauvres augmentent beaucoup moins que ceux des mieux nantis, qu’elles ont moins accès au crédit et qu’elles ont moins accès aux avantages sociaux qui viennent avec les emplois de la classe moyenne.
Ce sont ces mêmes personnes qui bénéficient le moins des réductions de taxes ou d’impôt, puisqu’elles dépensent moins.
Pour bien comprendre à quel point la situation est critique, il faut faire attention aux données et aux tableaux. D’abord, bien que la croissance de l’inflation diminue, cela ne signifie rien d’autre qu’une hausse des prix un peu plus lente.
Ensuite, bien que les salaires moyens aient augmenté, ce qui aurait compensé l’augmentation du cout de la vie, ils ne sont pas une mesure indicative de la vie réelle des gens. D’autant plus que cette mesure inclut les augmentations importantes des salaires des mieux nantis.
Mentionnons également que le cout des loyers continue de monter, mais que le cout le plus pertinent est celui des logements disponibles, qui augmente beaucoup plus rapidement que celui des loyers que les locataires continuent d’occuper.
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Plusieurs des expressions dont nous nous servons pour aborder le problème sont trompeuses.
L’idée de crise nous envoie dans la mauvaise direction. Celle-ci n’existe que pour certains groupes socioéconomiques, mais en la généralisant, nous donnons la possibilité aux partis politiques de chercher à améliorer le sort d’autres segments de la population que celui des personnes pauvres.
Tandis qu’il est facile d’attribuer la situation actuelle à la pandémie et ses effets sur les chaines de distribution, nous devons nous rappeler que la vie n’était pas plus facile avant la pandémie pour la plupart des gens qui sont affectés par le cout actuel de la vie.
En fait, le seul moment où la pauvreté a véritablement reculé correspond aux prestations liées à la COVID-19.
En nous éloignant des raisonnements liés à l’imaginaire de la crise, nous pourrons mieux faire face aux problèmes causés par les structures de notre économie et, au minimum, le manque de règlementation.
Pour la plus grande partie de la population, l’accès à la nourriture est contrôlé par quelques oligopoles. Les chaines d’épiceries et les fournisseurs rivalisent déjà pour maximiser leurs profits, tout en blâmant les initiatives des gouvernements ou les marchés mondiaux pour les prix à la caisse.
Il est difficile de ne pas sentir de préjudice lorsque nos dépenses augmentent et que la réduflation fait que nous arrivons à la maison avec de plus petites quantités des mêmes produits que nous achetions auparavant.
Ajoutons à cela le scandale de la fixation des prix du pain, les compressions dans les salaires du personnel des magasins d’alimentation, les négociations interminables autour d’un code de conduite des épiceries ou encore les mesures anticoncurrentielles incluses dans les contrats de location.
Mais au-delà de ces frustrations, nous devons bien comprendre que les profits des chaines d’épicerie ont doublé après la pandémie alors que la quantité de nourriture vendue a diminué.
L’accès à un logement stable et la dignité qui vient avec la possibilité de demeurer en un endroit et de décider de sa manière d’y vivre sont grandement limités par la financiarisation du logement.
Lorsque le logement devient avant tout une question de rentabilité et de profit, il devient beaucoup plus difficile au marché de répondre aux besoins des locataires, ce qui devrait pourtant être sa première raison d’être.
De manière plus générale, la hausse du PIB depuis la pandémie est surtout attribuable aux profits des entreprises; la proportion du PIB que représentent les salaires du personnel a en fait baissé légèrement en 2022.
Il est ainsi clair que les intérêts des grandes compagnies sont contraires à ceux de la population. Ce n’est pas seulement que les unes s’enrichissent pendant que davantage des autres s’appauvrissent; c’est que l’enrichissement dépend de l’appauvrissement, qu’il y a une relation directe entre les deux.
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Des boycottages aux mobilisations contre la vie chère, quelques initiatives sont mises en pratique pour que l’inflation soit vécue comme un problème collectif et non seulement individuel.
Des solutions existent à plus long terme, allant d’un plus grand contrôle collectif du système alimentaire à une sortie du pétrole ou encore à un revenu minimum garanti.
Des remèdes collectifs à la situation critique actuelle exigent toutefois que l’on se défasse d’abord de nombreux mythes. C’est ainsi que les prestations d’aide contre l’inflation et l’augmentation du salaire minimum pourront être plus aisément acceptées, puisqu’elles n’entrainent ni chômage ni inflation.
Surtout pour l’instant, à l’inverse des baisses d’impôts actuelles, qui mènent à un affaiblissement des infrastructures sociales, il faut plutôt développer ces dernières afin d’assurer la dignité et l’égalité de tous et toutes.
Jérôme Melançon est professeur titulaire en philosophie à l’Université de Regina. Ses recherches portent généralement sur les questions liées à la coexistence, et notamment sur les pensionnats pour enfants autochtones, le colonialisme au Canada et la réconciliation, ainsi que sur l’action et la participation politiques. Il est l’auteur et le directeur de nombreux travaux sur le philosophe Maurice Merleau-Ponty, dont La politique dans l’adversité. Merleau-Ponty aux marges de la philosophie (MétisPresses, 2018).
«Les salons du livre, c’est une question de survie de la langue : il s’agit de transmettre l’amour de la lecture à la prochaine génération», affirme la présidente du Salon du livre de l’Île-du-Prince-Édouard, Diane Ouellette.
À Dieppe, au Nouveau-Brunswick, Morgane Bonamy explique que la fréquentation du salon a retrouvé les niveaux d’avant la COVID-19.
Après trois ans de pause à cause de la pandémie, l’évènement bisannuel a rassemblé, en juin dernier, plus de 5000 lecteurs et accueilli 100 visites de classe. Deux librairies et vingt-trois maisons d’édition étaient présentes.
«Avec la COVID-19, nous avions un peu perdu le momentum, mais on l’a retrouvé, les gens sont revenus en nombre», assure la présidente.
Même son de cloche du côté du Salon du livre de Dieppe, au Nouveau-Brunswick qui a reçu 14 000 visiteurs, dont 2000 écoliers et tout-petits, en octobre. Ils ont pu découvrir une quarantaine d’exposants et une centaine d’auteurs qui avaient fait le déplacement.
«On est retourné à une fréquentation d’avant la COVID-19», observe la directrice générale, Morgane Bonamy, qui a tenu à ce que l’entrée soit gratuite, «pour rendre le livre accessible à tous».
«En situation minoritaire, nous sommes une porte d’entrée essentielle sur les livres. Les visiteurs peuvent feuilleter les ouvrages, rencontrer les auteurs», ajoute-t-elle.
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Du côté du Salon du livre de Sudbury, en Ontario, la directrice générale, Geneviève LeBlanc note, elle, une légère baisse de fréquentation. Lors de la plus récente édition en mai dernier, le salon a attiré environ 6700 visiteurs, contre un peu plus de 7700 deux ans plus tôt pour la 10e édition de l’évènement.
En mai dernier, le Salon du livre de Sudbury a attiré 6700 visiteurs.
«Nous restons un rendez-vous attendu, mais il y a un essoufflement de la part des écoles avec moins de visites scolaires et la fermeture de programmes francophones à l’Université Laurentienne a aussi eu un impact», détaille-t-elle.
Pour continuer à capter le grand public et contrer les achats sur Internet, les salons doivent se réinventer en permanence.
«Il faut imaginer une programmation qui sort de l’ordinaire, ajouter d’autres formes de culture, notamment pour attirer les jeunes adultes qui se mettent à lire en anglais», confirme Morgane Bonamy.
Le Salon du livre de Dieppe propose ainsi des ateliers de théâtre, de danse, des lunchs littéraires avec des auteurs, des soirées d’improvisation, ou encore des projections de films.
Diane Ouellette estime également qu’il faut redoubler d’efforts pour séduire un «public fragile». «On doit vraiment choisir avec soin des auteurs qui connaissent notre situation linguistique minoritaire, c’est la clé si l’on veut inciter les gens à lire.»
En Saskatchewan, la librairie Nation fransaskoise tente, elle aussi, «de maintenir coute que coute la proximité avec le livre en français», note son responsable, Alexandre Chartier. Depuis l’hiver 2024, la librairie se rend plusieurs fois par an dans des écoles francophones et d’immersion pour «développer le bonheur par le livre».
En Saskatchewan, Alexandre Chartier souhaiterait créer un salon du livre pour le grand public dans les années à venir, hors des écoles.
Jusqu’à maintenant, environ 3000 élèves ont reçu la visite d’Alexandre Chartier et de sa camionnette de bouquins pleine à craquer. Le temps d’une journée, Nation fransaskoise s’installe dans une bibliothèque, un gymnase ou un couloir.
«Ça va au-delà de l’école, on touche les communautés dans leur ensemble, on contribue au développement identitaire», souligne le responsable.
Magasinage, présentation de livres, organisation de lectures, animation d’ateliers pour parler du métier de libraire et de la chaine du livre, «en termes d’expérience, c’est la même chose qu’un spectacle», appuie le libraire.
Afin de mieux retenir l’attention des jeunes, il a opté pour «une approche plus contemporaine de ces minisalons» et propose de nombreux jeux de société et mangas (bandes dessinées japonaises).
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Faire vivre le livre en français se heurte néanmoins à d’importants défis financiers. Les équipes des salons littéraires sont souvent réduites au minimum. À l’Île-du-Prince-Édouard, ce sont seulement des bénévoles tandis qu’à Dieppe, une seule employée gère toute l’organisation.
Pour Diane Ouellette (à gauche), choisir des auteurs qui connaissent la situation linguistique minoritaire reste essentiel : «C’est la clé si l’on veut inciter les gens à continuer à lire.»
«Les fonds disponibles sont très rares et pas du tout adaptés», déplore Alexandre Chartier.
«Les couts de fonctionnement ont explosé et c’est un casse-tête d’aller chercher des subventions, c’est ce qui nous prend le plus de temps», renchérit Diane Ouellette.
Dans le nord de l’Ontario, la COVID-19 a «planté le dernier clou dans le cercueil» du Salon du livre de Hearst, selon les mots de son ancien coprésident, Jean-Pierre Boutin. Le salon bisannuel a disparu en 2023.
«On était déjà fragilisé, on avait du mal à trouver des bénévoles et c’était de plus en plus difficile d’attirer les maisons d’édition et distributeurs en région alors même qu’on leur offrait les kiosques», explique-t-il.
«C’était un fardeau financier impossible à tenir sur le long terme, nous n’avions pas assez de financements récurrents pour nous le permettre», poursuit l’ancien bénévole.
Pour combler le vide, le Salon du livre de Sudbury aura désormais lieu chaque année.
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Si les salons peuvent compter sur le soutien des 15 maisons d’édition francophones présentes hors Québec, tous évoquent la difficulté de faire venir les acteurs du livre québécois.
En Saskatchewan, Nation fransaskoise organise des minisalons du livre dans les écoles depuis l’hiver 2024.
«Ils ne se déplacent plus hors du Québec et loin des métropoles depuis une dizaine d’années», regrette Geneviève LeBlanc.
«Depuis la pandémie, les couts de transport et d’hébergement ont flambé et ils sont encore moins portés à se rendre dans les petits salons. On doit redoubler d’efforts pour les convaincre», abonde dans le même sens Diane Ouellette, qui a décidé avec son conseil d’administration de payer le transport des livres aux libraires.
En dépit du manque de ressources financières, le Fransaskois Alexandre Chartier aimerait créer un salon du livre ouvert au grand public, hors des écoles. Il parle de monter à cet effet un collectif composé d’éditeurs et d’auteurs.
Dans les premières années, il ne s’attend pas à des miracles au niveau de la fréquentation, «mais s’il n’y a pas de salon, le besoin va se perdre et les gens vont arrêter de lire».
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Le Bureau de la traduction (BT) attend 9 607 583 $, inclus dans le Budget supplémentaire des dépenses. Ce dernier doit d’abord être adopté par les députés.
Les travaux de la Chambre des communes sont cependant bloqués depuis la fin septembre en raison d’un bras de fer entre le gouvernement libéral et les partis d’opposition.
«De manière générale, au Canada, le Parlement a à la fois le pouvoir et la responsabilité d’approuver les dépenses du gouvernement», rappelle le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada (SCT) dans une réponse écrite.
Le 21 novembre, la présidente du Conseil du Trésor, la ministre Anita Anand, a déposé le Budget supplémentaire des dépenses (B) 2024-2025 qui, conformément à la procédure parlementaire, a été renvoyé aux comités permanents pour un examen plus approfondi.
Ce budget comprend 21,6 milliards de dollars en crédits proposés pour divers programmes et services.
Ces crédits proposés ne seront pas accordés tant qu’un projet de loi n’aura pas été déposé et adopté, explique le SCT.
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Un scandale entourant Technologies du développement durable Canada (TDDC) est à l’origine de la paralysie du Parlement. Ce fonds vert fédéral public a été rebaptisé «Green Slush Fund» par les conservateurs.
Depuis juin dernier, les partis d’opposition demandent la publication des documents liés à la mauvaise utilisation du fonds. Selon les libéraux, ce serait une ingérence dans le travail des policiers qui enquêtent sur le fonds.
Mais une motion obligeant la remise de documents a tout de même été adoptée. Les libéraux étaient les seuls à la rejeter. Puis en septembre, le président de la Chambre des communes, Greg Fergus, a annoncé que les documents remis étaient incomplets.
À la suite de cette annonce, les conservateurs ont présenté une motion de privilège, qui a préséance sur le reste des travaux, afin de demander la remise de tous les documents au Parlement.
Les dépenses supplémentaires pour le BT «appuient les interprètes qui fournissent un service essentiel pour que les parlementaires canadiens puissent travailler dans la langue officielle de leur choix», rapporte un porte-parole du ministre de Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC), Guillaume Bertrand, dans une réponse par courriel.
Le ministre de Services publics et Approvisionnement Canada, Jean-Yves Duclos.
Celui-ci accuse les conservateurs de Pierre Poilievre d’être responsables du blocage des travaux, et ainsi du blocage des sommes destinées au BT. «Le bilan des conservateurs de Pierre Poilievre parle pour lui-même quand vient le temps de défendre les langues officielles sur la colline parlementaire», écrit-il.
Guillaume Bertrand assure que «des solutions d’atténuation des impacts sont présentement à l’étude».
Le BT tombe sous le portefeuille de SPAC. Par courriel, ce ministère confirme qu’il évalue «ses options d’atténuation, y compris une stratégie de saine gestion de la trésorerie».
Le BT, créé en 1934, regroupe les traducteurs, interprètes et terminologues qui œuvrent au sein du gouvernement fédéral. Au sein de l’administration publique centrale. Il répond à environ 75 % de la demande de services de traduction, selon une réponse écrite de SPAC.
Toujours selon SPAC, les demandes de traduction des ministères et des organismes sont de l’anglais vers le français environ 90 % du temps. Au Parlement, la demande de traduction est d’environ 80 % de l’anglais vers le français.
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Le Budget supplémentaire sert à couvrir de nouvelles dépenses, non anticipées dans le Budget principal adopté en mars dernier, explique la professeure d’études politiques à l’Université d’Ottawa et chroniqueuse pour Francopresse, Geneviève Tellier.
Geneviève Tellier est curieuse de savoir pourquoi le Bureau de la traduction a besoin de 9,6 millions de dollars supplémentaires.
«Dans le cas de la traduction, la question que j’aurais pour le Bureau de la traduction, c’est : qu’est-ce qui est arrivé de particulier?»
Au moment de publier, Francopresse n’a pas pu savoir pour quelle raison le BT a besoin de cette somme supplémentaire de 9,6 millions de dollars.
En attendant la somme, explique la politologue, le BT peut tenter d’économiser l’argent dont il dispose déjà. «J’ose espérer que ce qu’on ne peut pas payer en ce moment, c’est ce qui est peut-être considéré moins important», dit-elle.
Mme Tellier estime que les travaux parlementaires reprendront d’ici janvier ou février 2025. «L’obstruction de la part des conservateurs» ne va pas s’éterniser, car elle est limitée par un nombre d’heures précises.
SPAC est loin d’être le seul ministère affecté par la paralysie des travaux.
«Les ministères demandant ce financement devront prendre des décisions au cas par cas sur la manière de gérer entretemps, explique le SCT dans sa réponse écrite. Ils pourraient notamment retarder la mise en œuvre de nouveaux programmes, utiliser les fonds existants ou demander au Conseil du Trésor des fonds pour éventualités, qui servent à fournir des ressources urgentes lorsque d’autres fonds ne sont pas disponibles.»
D’autres exemples de fonds bloqués incluent 2,9 milliards de dollars de dépenses en personnel, 1,2 milliard d’aide militaire et financière à l’Ukraine et 1,8 milliard en approvisionnement et en dépenses militaires.
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«Le portrait de la francophonie canadienne a beaucoup évolué en 20 ans et les besoins ont changé», souligne Ajà Besler du Réseau dialogue.
«On doit engager un dialogue entre toutes les diversités des communautés canadiennes, qui ne sont plus aussi homogènes qu’avant», estime la directrice générale de Réseau dialogue, Ajà Besler.
Pour la responsable, la fondation doit «s’outiller et évoluer» pour répondre à de nouveaux besoins : «De plus en plus de gens ont des identités multiples et ne savent pas où se situer, il faut changer nos mentalités sur ce qu’est être francophone.»
L’organisation a voulu marquer cette évolution avec un changement de nom. La Fondation dialogue est devenue Réseau dialogue à la fin novembre.
Ajà Besler prend notamment l’exemple des élèves en classe d’immersion, à cheval entre «l’anglophonie et la francophonie». Le Réseau dialogue mène actuellement une recherche avec l’Université d’Ottawa afin d’identifier les barrières qui empêchent ces jeunes de faire partie de la communauté francophone.
«Il ne s’agit pas de forcer le français dans la gorge des anglophones, le but est que les francophones et les anglophones puissent s’épanouir et être servis partout dans leur langue maternelle», considère Guy Matte.
«Par les francophones, mais pour un plus grand public»
L’organisme a également lancé cette année un forum jeunesse en leadeurship intersectionnel, «afin de créer des communautés plus inclusives et de permettre aux jeunes d’être des acteurs du changement», détaille Ajà Besler.
Aux yeux du premier directeur général de la Fondation dialogue, Guy Matte, cette nouvelle diversité est une «opportunité unique» pour renforcer les liens entre les différentes composantes de la société canadienne.
«Le but premier de la fondation n’était pas de se regarder entre nous, mais de s’ouvrir aux autres, de faire le pont avec les anglophones et les Premières Nations et d’en faire des alliés», rappelle-t-il.
C’est vraiment une particularité, nous sommes une organisation par les francophones, mais pour un plus grand public. Nous faisons beaucoup de travail de sensibilisation à destination des anglophones
En 2004, la Fondation a commencé «sans personnel, sans bureau et sans financement», se souvient Guy Matte : «Tout était à faire, il n’y avait que l’envie de promouvoir la dualité linguistique, cette idée fondamentale qui sous-tend le Canada.»
Dès 2005, l’organisme reprend en main l’organisation des Rendez-Vous de la Francophonie (RVF). L’analyste politique de l’Assemblée communautaire fransaskoise (ACF), Marc Masson, salue à cet égard les efforts entrepris pour faire connaitre la francophonie, «pas mal invisible autrement».
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En Saskatchewan, Marc Masson souligne les retombées positives des RVF pour la francophonie en situation minoritaire.
Renforcer les liens avec le Québec
«On est sur la place publique pendant un mois chaque année. C’est très bénéfique, ça nous rapproche des francophiles», souligne le Fransaskois.
Réseau dialogue a également créé avec Canadian Parents for French et le Français pour l’Avenir le Réseau de la dualité linguistique.
«Une grande partie de la population canadienne veut s’assurer que cette dualité linguistique soit respectée, comme en témoigne l’engouement extraordinaire pour les écoles d’immersion», assure Guy Matte.
Le rapprochement avec le Québec constitue désormais un autre cheval de bataille du Réseau dialogue. Ajà Besler constate à ce propos l’«ignorance» d’une partie de la population québécoise : «Il y a encore du cheminement à faire. Ce n’est pas de la mauvaise volonté, mais ils ne savent pas que le français existe ailleurs, ils ne l’ont pas appris à l’école, les médias n’en parlent pas.»
Elle note néanmoins une volonté politique de consolider les liens, avec l’adoption récente du Plan d’action gouvernemental en francophonie canadienne 2022-2025 au Québec.
«Il y a un éveil des Québécois à la francophonie, une ouverture pour travailler ensemble à défendre le français, confirme le directeur général du Centre de la francophonie des Amériques, Sylvain Lavoie. Si la langue est vivante à l’extérieur du Québec, elle sera aussi vivante en son sein.»
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Pour Sylvain Lavoie, «il y a un éveil des Québécois à la francophonie, une ouverture pour travailler ensemble».
L’art pour tisser des liens
Le Centre, création du gouvernement du Québec, collabore régulièrement avec le Réseau dialogue.
«Nos expertises et nos offres de programmation sont complémentaires pour faire rayonner la francophonie», considère Sylvain Lavoie.
«On a des objectifs communs et la tâche est tellement énorme, qu’on n’est jamais assez à créer du dialogue», poursuit Ajà Besler.
Lors de l’édition 2022 des RVF, la Fransaskoise Alexis Normand a pu ainsi présenter son documentaire Assez French au Québec, grâce à un partenariat entre le Réseau dialogue et le Centre de la francophonie des Amériques. Son court-métrage sur l’amour du français d’une famille exogame a notamment été projeté à Québec et Montréal.
À l’inverse, de nombreux artistes québécois se rendent dans des communautés francophones en situation minoritaire à l’occasion des RVF.
«Il y a un effet de sensibilisation, ils ramènent dans leurs bagages ce qu’ils ont vu et entendu. L’art est l’une des meilleures façons d’en apprendre plus sur les différentes réalités à travers le pays», appuie Ajà Besler.
En Saskatchewan, Marc Masson juge le travail du Réseau dialogue «encore plus nécessaire» à l’heure où l’immigration atteint des sommets. Selon lui, les nouveaux arrivants anglophones n’ont pas nécessairement conscience de la francophonie en situation minoritaire.
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La célèbre flèche de la cathédrale en flammes, peu avant son effondrement, en 2019. Elle a été reconstruite et couronne à nouveau l’édifice.
Au lendemain du terrible incendie du 15 avril 2019, Emmanuel Macron prenait un engagement solennel : «Nous rebâtirons la cathédrale Notre-Dame, plus belle encore. Et je veux que cela soit achevé d’ici cinq années. Nous le pouvons.»
Et la France a pu. Pari tenu. Le défi pouvait sembler impensable, compte tenu des énormes dommages subis par l’édifice.
Le brasier a fait tomber la flèche construite au milieu du XIXe siècle, constituée d’une charpente de 500 tonnes de bois et de 250 tonnes de plomb, que le feu a réussi à faire fondre.
L’autre grande section dévastée a été, en majeure partie, la toiture. Sa charpente en bois de chêne datait du XIIIe siècle. Une partie des voutes a aussi été réduite en cendres.
Les deux tours carrées emblématiques sont restées intactes, ainsi que les précieux vitraux des XIIe et XIIIe siècles. D’autres vitraux plus récents ont cependant subi des dommages importants.
Tous ces dégâts ont laissé des plaies béantes à un vestige d’une autre époque.
Si on connait assez bien les détails de la construction de la cathédrale Notre-Dame, ses antécédents demeurent un peu imprécis. Certains croient qu’à l’origine, un temple païen dédié à Jupiter avait été érigé sur le site à l’époque gallo-romaine de Paris, qui s’appelait alors Lutèce.
Du temps de l’empereur Auguste, la ville romaine de Lutèce prend forme sur l’ile de la Cité (où s’érigera la cathédrale) et sur la rive gauche de la Seine. Elle succède à la Lutèce gauloise fondée par la tribu des Parisii et qui aurait été située où se trouve aujourd’hui Nanterre, en banlieue de Paris.
Gravure du XVIe siècle.
Plusieurs édifices religieux seront construits sur le site de la cathédrale actuelle ou dans les environs, notamment la cathédrale «primitive» Notre-Dame de Paris et la basilique Saint-Étienne.
Au XIIe siècle, à l’instigation de l’évêque de Paris, Maurice de Sully, la basilique Saint-Étienne est détruite afin d’entreprendre, sous le règne de Louis VII, l’ambitieux projet de construction de Notre-Dame, motivé en partie par la forte augmentation de la population de la ville.
La construction se fait en plusieurs étapes pendant deux grandes périodes échelonnées sur près de 200 ans. L’évêque Sully mourra bien avant la fin des travaux, en 1345.
C’est à cette époque qu’apparait l’art gothique, qui succède à l’art roman et précède la Renaissance. La cathédrale Notre-Dame de Paris sera l’une des premières manifestations grandioses de ce style nouveau.
Plusieurs évènements importants s’y dérouleront : dépôt de la (présumée) Sainte Couronne (celle d’épine qui aurait ceint la tête de Jésus au moment de sa crucifixion), procès de réhabilitation de Jeanne d’Arc, mariage de Marie Stuart d’Écosse – future victime d’Elizabeth 1re – et de François II, et mariage d’Henri de Navarre – futur Henri IV – et de Marguerite de Valois (la reine Margot).
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Tombée en désuétude, la cathédrale subit plusieurs modifications et rénovations à partir du règne de Louis XIII jusqu’à celui de Louis XVI (mais surtout sous Louis XIV).
Première page du manuscrit du roman Notre-Dame de Paris, de Victor Hugo. L’ouvrage a sauvé la cathédrale d’un délabrement total.
Tout bascule avec la Révolution française et ses attaques à l’endroit de ce qui entoure la religion, son organisation et ses édifices. Pendant ces années troubles, Notre-Dame de Paris est victime de vandalisme. Nombreuses de ces statues sont détruites ou décapitées et une partie de son trésor disparait.
Avec l’arrivée de Bonaparte au pouvoir, la France et l’Église catholique se réconcilient. Napoléon est sacré empereur dans la cathédrale en présence du pape Pie VII. Mais Notre-Dame n’est plus l’ombre d’elle-même.
Un homme la sauvera avec sa plume : Victor Hugo. Grâce à son chef-d’œuvre Notre-Dame de Paris, publié en 1831, l’auteur suscite un intérêt nouveau pour le vieux monument. La trame se déroule à la fin du XVe siècle et gravite autour de personnages tels que la gitane Esmeralda, le sonneur de cloches Quasimodo, le prêtre Frollo et le poète Gringoire.
L’histoire sera réinventée à la fin des années 1990 dans la comédie musicale Notre-Dame de Paris, signée Luc Plamondon et Richard Cocciante.
Trois ans après la sortie du roman de Victor Hugo, la restauration de la cathédrale est décidée.
Notre-Dame, pendant la grande restauration du milieu du XIXe siècle.
C’est un chantier colossal qui intègrera des éléments nouveaux, qui deviendront indissociables de Notre-Dame, tels que les 54 chimères – statues fantastiques à l’allure diabolique – installées au sommet de la façade, ainsi que la nouvelle flèche remplaçant l’originale, qui avait dû être démontée en raison de son piètre état vers 1792.
Après la restauration menée entre 1845 et 1864 sous la direction d’Eugène-Emmanuel Viollet-le-Duc, le monument vit des années paisibles. Il reste intact lors des deux guerres mondiales, sauf lors d’un raid mené par des avions allemands en 1914 qui ne laisse que très peu de dégâts.
D’importants travaux d’entretien sont effectués à l’occasion du 850e anniversaire de l’édifice, en 2013. Mais rien d’une ampleur comparable à celle qui suivra l’incendie de 2019.
Plus de 175 scientifiques sont réunis pour appuyer les architectes dans le chantier de reconstruction. Les travaux permettent de parfaire les connaissances sur les cathédrales médiévales et redonnent au monument son caractère unique et grandiose.
Lors de fouilles préventives, effectuées en vue de placer les échafaudages, un jubé est découvert, un mur du XIIIe siècle qui séparait le chœur et la nef. Des sculptures sont également mises au jour pendant les travaux.
Pour faire revivre Notre-Dame, il a fallu restaurer la pierre, le mortier, les vitraux les plus récents, des murs, des voutes, des colonnes et l’imposante charpente qui surplombait la nef. Tout un «écosystème numérique» a été créé pour assister les experts.
Avec la tenue des Jeux olympiques d’été, l’année 2024 aura été pour Paris, et pour la France, l’année des grands exploits, mais aussi de dépenses vertigineuses, alors que, comme ailleurs, le pays fait face à de grands défis.
Il est revenu le temps… de Notre-Dame.
Dans son roman Le baiser de Nanabush, traduction de Motorcycles & Sweetgrass publiée chez Prise de parole, Drew Hayden Taylor promet d’emblée qu’il nous racontera toute une histoire. Et il tient merveilleusement parole.
Drew Hayden Taylor est un auteur prolifique avec des racines ojibwées; il a écrit autant de la fiction que des chroniques et des essais. Avec Le baiser de Nanabush, qui a d’ailleurs représenté la littérature autochtone au Combat des livres de Radio-Canada en 2023, il se hisse au niveau des grands conteurs.
Dans le premier chapitre, on découvre une jeune Anishinabe de la réserve de Lac-aux-Loutres qui nage avec un copain. On sent tout de suite une grande attirance entre les deux, mais on sent aussi que ce copain n’est pas un être ordinaire. Et il y a un problème. La jeune femme a décidé de poursuivre ses études dans un pensionnat autochtone.
Au pensionnat, on l’affublera d’un nouveau nom chrétien, Liliane, et pendant les deux ans qu’elle passera dans cet établissement, elle sera témoin des maltraitances subies par ses copensionnaires. Toute sa vie, elle restera cependant la dévote Liliane qui mêle ses croyances chrétiennes et autochtones.
L’intrigue commence vraiment 80 ans plus tard. Sur son lit de mort, Liliane convoque son ancien copain. Il réapparait sous les traits d’un beau jeune motocycliste qui sèmera la pagaille dans sa famille et dans la réserve. Surtout auprès des femmes.
La fille de Liliane, Maggie, est cheffe de la Nation de Lac-aux-Loutres. Elle tente de régler un différend territorial avec la communauté blanche avoisinante, a un fils qui aime faire l’école buissonnière, un frère ermite qui vit sur une ile et un conjoint décédé depuis quelques années.
Maggie est stressée. L’arrivée de John chamboulera sa vie et celle de sa famille.
Au fil de l’intrigue, on apprendra qui est vraiment celui qui se fait appeler John, mais dont le nom de famille change en fonction de chaque interlocuteur.
Dans ce livre, Drew Hayden Taylor réussit à faire se côtoyer la vie moderne dans une réserve autochtone et les traditions et la mythologie de ses habitants. Tout ça dans un roman haletant qui mêle surnaturel, séduction, amour, chicane territoriale, combat épique et même une bataille avec des ratons laveurs.
Du plaisir pour tous!
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Les deux prochains livres sortent de la plume de Tomson Highway, un Cri du nord du Manitoba qui a connu une carrière internationale de pianiste ainsi que de dramaturge et de romancier renommé.
Le premier livre, Le baiser de la Reine blanche (trad. de Kiss of the Fur Queen), est un roman et le deuxième, Éternel émerveillement : Grandir au pays de la neige et du ciel infini (trad. de Permanent Astonishment: Growing Up Cree in the Land of Snow and Sky), une autobiographie.
Les deux ouvrages racontent la vie de deux jeunes garçons cris qui grandissent pendant cinq ans au sein de leur famille de chasseurs/pêcheurs avant d’être envoyés dans un pensionnat autochtone.
Dans Le baiser de la Reine blanche, l’auteur se permet plus de fantaisie. D’ailleurs, il écrit : «l’histoire […] au fil des années, devenait de plus en plus incroyable, exagérée, selon la manière des Cris de raconter des histoires, de fabriquer des mythes.»
Le roman commence par une scène emblématique du Grand Nord : une course de traineau à chiens. Après trois jours et 150 miles (240 km), Abraham Okimasis et ses chiens sont complètement épuisés. Un mile avant l’arrivée, il a la vision d’une Dame blanche qui le soutiendra et lui fera gagner la course.
Au fil d’arrivée, Abraham, complètement dans les vapes, verra même un fœtus surgir du diadème de la Dame blanche. La femme d’Abraham accouchera de son fils ce même jour.
L’auteur nous fait vivre la naissance de ce fils ainsi que de son jeune frère trois ans plus tard. Le roman décrit le parcours des deux petits garçons qui accompagnent leur famille à la chasse et la pêche dans le Grand Nord. Jusqu’à leur départ au pensionnat.
Ils reviendront au village pendant les vacances d’été, mais leur vie ne sera plus jamais pareille.
Dans cette école, on tente de leur interdire leur langue, on leur inculque la chrétienté à coups de règles sur les doigts et on les agresse sexuellement. Mais la Reine blanche veille sur eux, et ils s’en sortiront grâce à la musique. L’ainé des garçons deviendra pianiste et le cadet, danseur.
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En lisant Éternel émerveillement, ouvrage publié 15 ans après la version originale du Baiser de la Reine blanche, on comprend que tout ce que Tomson Highway avait décrit dans son roman était fondé sur sa réalité.
Dans cette autobiographie, il délaisse le surnaturel et nous raconte sa naissance dans un banc de neige, la vie familiale dans un village autochtone près de la frontière du Manitoba et des Territoires du Nord-Ouest (aujourd’hui le Nunavut) et, bien sûr, ses années dans un pensionnat autochtone.
À tous égards, la vie dans ce livre est difficile, mais ce qui en ressort, c’est justement l’éternel émerveillement de Tomson Highway devant la vie.
Il nous raconte la vie du village avec humour, il nous amène dans des parties de pêche et de chasse trépidantes, et il passe rapidement sur les exactions subies au pensionnat. Il nous fait plutôt vivre son amour de sa famille, sa fierté envers son peuple et, surtout, sa passion pour la musique.
Ces deux livres racontent en somme la même histoire, mais il est intéressant de les lire tous les deux pour comprendre la relation entre la réalité et le romanesque.
Réjean Grenier a travaillé dans les médias pendant 47 ans, comme journaliste, rédacteur principal à Radio-Canada/CBC, éditeur et propriétaire d’un journal et d’un magazine, et éditorialiste. Il a présenté une chronique littéraire sur les ondes de Radio-Canada pendant cinq saisons. Il est un avide lecteur depuis l’âge de 12 ans. Il a grandi dans un petit village du Nord de l’Ontario où il n’y avait pas de librairie, mais il a rapidement appris où commander des livres. Son type d’ouvrage préféré est le roman puisqu’«on ne trouve la vérité que dans l’imaginaire».
En comité parlementaire, le commissaire aux langues officielles, Raymond Théberge, a également assuré que «toutes les communautés [de langue officielle] minoritaires» devaient être prises en compte par la loi sur les langues officielles modernisée.
Le commissaire aux langues officielles, Raymond Théberge, s’est exprimé devant le Comité permanent des Langues officielles du Sénat lundi, puis devant celui de la Chambre, mardi. Il a réitéré son impatience quant à l’application de trois décrets de la nouvelle Loi sur les langues officielles, adoptée en juin 2023.
La source de l’impatience : Le commissaire fait notamment référence à la Partie VII de la loi, qui porte sur le rôle des institutions fédérales et l’épanouissement des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Selon lui, les institutions doivent faire une étude d’impact à ce propos.
Le règlement, qui devrait préciser ces points, se fait toujours attendre. «Le temps n’est pas notre ami», a-t-il insisté.
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La semaine dernière, le Parti libéral et le Nouveau Parti démocratique (NPD) ont proposé conjointement un projet de loi pour suspendre temporairement la taxe sur les produits et services (TPS) sur certains biens afin de donner du répit aux Canadiens et aux Canadiennes pendant les Fêtes.
Adopté : Ce projet de loi a été adopté jeudi tard dans la soirée jeudi avec l’appui des deux parties. Les conservateurs et le Bloc québécois s’y sont opposés.
L’enjeu : La suspension de deux mois de la TPS prendra effet le 14 décembre. Les produits et services visés sont entre autres des vêtements pour bébés et enfants, des couches, des bancs d’auto, ainsi que des boissons alcoolisées et encore certains produits d’épicerie. Le cout de cette perte de revenus est estimé à 1,6 milliard de dollars.
La seconde partie du projet de loi initial – un chèque de 250 $ envoyés à toutes personnes qui gagnent moins de 150 000 $ par an – n’était pas incluse, puisque les trois partis d’opposition critiquent l’exclusion des ainés.
Marie-Philippe Bouchard a répondu qu’elle «étudiera» la question de la prime aux cadres de CBC/Radio-Canada.
La future présidente-directrice générale de CBC/Radio-Canada, Marie-Philippe Bouchard, a tenu tête aux députés conservateurs à plusieurs reprises devant le Comité permanent du patrimoine canadien, mercredi. Ces derniers l’ont questionnée sur la prime accordée à sa prédécesseuse – Catherine Tait – ainsi qu’à plusieurs cadres de la société d’État.
Ce qu’ils disent : La future PDG a répondu qu’elle «évaluera avec son conseil d’administration» si ces primes seront applicables ou non.
«Je comprends que vous n’êtes pas fermée», lui a lancé le député conservateur québécois Joël Godin. «J’étudierai la question», a simplement répété Marie-Philippe Bouchard.
Depuis qu’il est chef du Parti conservateur du Canada, Pierre Poilievre assure qu’il souhaite «définancer» la CBC. Il a toutefois soutenu que la tête francophone de la société sera épargnée.
Marie-Philippe Bouchard a cependant sous-entendu que les «conséquences sur les services» de Radio-Canada se feraient aussi ressentir.
Le directeur parlementaire du budget (DPB), Yves Giroux, a assuré devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales que le budget supplémentaire des dépenses devrait être voté d’ici deux semaines par les parlementaires. La paralysie de la Chambre des Communes risque cependant de l’empêcher.
Ce qu’il a dit : «Les parlementaires ont deux semaines à compter d’aujourd’hui pour approuver le budget supplémentaire de dépenses (B), sinon les ministères devront financer à même leurs propres fonds», a déploré Yves Giroux.
«C’est un problème qu’on signale depuis plusieurs années, a-t-il souligné devant les sénateurs. On vous demande d’approuver des dizaines de milliards sans savoir comment le gouvernement parvient à ces résultats, combien il a dépensé pour une année qui a pris fin il y a huit mois.»
La semaine dernière, la présidente du Conseil du Trésor, la ministre Anita Anand, a déposé une demande de budget supplémentaire de 21,6 milliards de dollars pour financer des programmes liés au logement, aux soins dentaires et le programme national d’alimentation scolaire.
Le montant le plus important (970,8 millions) concerne les ajustements de rémunération des fonctionnaires résultant des conventions collectives.
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Justin Trudeau se prépare à faire face à la prochaine administration Trump dès janvier 2025.
Donald Trump a menacé lundi d’imposer des tarifs douaniers de 25 % sur les produits canadiens et mexicains importés aux États-Unis. Le futur président américain a précisé qu’ils resteraient en vigueur jusqu’à ce que «les drogues, en particulier le fentanyl, et tous les immigrants illégaux arrêtent cette invasion de notre pays!», a-t-il déclaré sur Thruth Social.
L’unité entre les provinces et le gouvernement fédéral reste essentielle face à ce risque, a déclaré mardi la vice-première ministre canadienne, Chrystia Freeland, à l’issue d’une réunion d’urgence des premiers ministres.
Ce qu’ils disent : Néanmoins, des tensions subsistent, notamment avec le Québec, qui demande des actions concrètes pour sécuriser les frontières et limiter l’immigration illégale.
Les premiers ministres provinciaux ont globalement critiqué l’inaction du gouvernement fédéral et demandé des mesures urgentes pour sécuriser la frontière, lutter contre le trafic de drogues et d’armes, et protéger l’économie.
En Ontario, Doug Ford a appelé Ottawa à une approche proactive, tandis que Wab Kinew au Manitoba et Danielle Smith en Alberta ont insisté sur des investissements dans la sécurité et l’application de la loi.
Les partis d’opposition ont également réclamé un plan concret pour protéger les secteurs économiques stratégiques et diversifier les échanges commerciaux, afin de limiter l’impact des tarifs prévus.
L’émotion était palpable parmi les députés et sénateurs acadiens réunis au Parlement d’Ottawa, le 27 novembre, lors du lancement de l’Association acadienne des parlementaires du Canada (AAPC). Celle-ci verra officiellement le jour le 11 février 2025.
Dans un rapport, commandé par plusieurs parlementaires acadiens et présenté cet été dans le cadre du Congrès mondial acadien, deux chercheurs, Rémi Léger et Michelle Landry, ont conclu que le pouvoir politique acadien avait besoin d’une représentation accrue.
L’AAPC a pour objectif principal de faire reconnaitre le peuple acadien «comme une minorité nationale, avec un statut particulier au sein de la Fédération canadienne», a déclaré le sénateur acadien néoécossais Réjean Aucoin, lors de l’annonce.
En entrevue avec Francopresse, ce dernier explique que l’AAPC a été créée pour répondre à un manque.
Le sénateur Réjean Aucoin est coprésident intérimaire de l’AAPC, avec Chris d’Entremont.
«On n’était pas nécessairement réunis en groupe. On ne se concertait pas toujours sur des dossiers touchant l’Acadie. Et ce n’est pas juste qu’on ne se consultait pas, c’est qu’il n’y avait pas de mécanisme pour se consulter sur des dossiers, des projets de loi qui auraient touché l’Acadie.»
«Le constat que nous avons fait, c’est qu’il y a peut-être un manque de concertation et de vision commune sur les priorités que nous devrons mettre de l’association. Un de ses objectifs de travail, c’est de prioriser, d’identifier là où on peut intervenir davantage pour renforcer le pouvoir politique du peuple acadien», appuie le sénateur acadien du Nouveau-Brunswick René Cormier.
Il assure que ce sont davantage les provinces de l’Atlantique qui sont la priorité. «Ce sont là que sont les institutions et les établissements qui permettent d’ancrer le pouvoir politique du peuple acadien.»
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Dans son discours, Darrell Samson, député acadien néoécossais, a exprimé la «solitude» d’être un élu acadien.
René Cormier évoque de son côté «une grande responsabilité mise sur les épaules».
«Comment assumer mes responsabilités, comment travailler avec la société civile? C’était des questions qui m’animaient dès mon arrivée au Sénat, il y a huit ans, puis en fait, c’était vraiment aussi ce qui me motivait à échanger avec mes collègues pour dire : “Est-ce qu’il ne faudrait pas qu’on crée une association?”»
Des ponts transpartisans au Canada et à l’international
L’association ne souhaite toutefois exclure aucun parlementaire, quel que soit son parti.
L’un des souhaits du sénateur néobrunswickois René Cormier est que l’association «fasse en sorte que la société civile acadienne soit davantage mobilisée et concertée autour de priorités communes».
«On s’est toujours dit qu’on travaillerait sur ce qui fait consensus au sein de l’association, puisqu’on ne veut pas que des barrières partisanes viennent entraver nos travaux. C’est absolument déterminant», affirme le sénateur Cormier.
Le député conservateur et vice-président de la Chambre des Communes, Chris d’Entremont, admet que la non-partisanerie pourrait être parfois «difficile», mais finit par nuancer : «On essaie d’avoir la discussion et de voir ce qu’on peut supporter, comment on va travailler ensemble.»
Au-delà des partis, l’AAPC tendra à rassembler tous les parlementaires canadiens, quelles que soient leurs origines.
«Il n’y a pas d’examen sanguin, vous n’êtes pas obligé d’être un Boudreau, Gallant, Cormier ou Thériault pour rejoindre cette association. Ce message-là est fondamental si nous voulons réussir à travailler ensemble et surtout à reconnaitre la contribution de tout le monde à ce grand projet», a assuré René Cormier, ému, lors de l’annonce.
«Je pense qu’il y a là matière, pas seulement pour l’avenir du peuple acadien, mais pour l’avenir de notre pays. Je pense qu’on est dans une époque où on doit reconnaitre toute la diversité du Canada», a-t-il ajouté en entrevue avec Francopresse.
«Même si je connaissais Darrell [Samson] du Parti libéral, ce n’était pas évident comment vraiment nous parler, de supporter des projets de loi fédéraux, comment parler à la société civile», affirme le député conservateur Chris d’Entremont, sur le sentiment de solitude d’être un élu acadien.
L’AAPC aspire également à faire connaitre l’Acadie aux parlementaires anglophones, «mais aussi aux nouveaux arrivants et à ceux et celles qui ont moins la chance de côtoyer des Acadiens et des Acadiennes», poursuit le sénateur. «Je pense que c’est une occasion de faire ces ponts avec eux.»
L’organisation cherche aussi à s’étendre au-delà des frontières canadiennes. Elle est notamment en contact avec des parlementaires français, souligne René Cormier.