«Nous estimons que 2,4 millions de ménages ont actuellement des besoins impérieux en matière de logement, et nous projetons que 2,6 millions de ménages en auront d’ici 2027», écrivait le directeur parlementaire du budget dans un rapport en décembre 2024.
Ottawa a sabré dans le financement du logement social vers le milieu des années 1990, laissant ainsi plus de place au privé, raconte Louis Gaudreau.
«Il y a cette idée que si on est dans une crise du logement aujourd’hui, c’est parce qu’on n’a pas suffisamment construit», rappelle le professeur à l’École de travail social de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), Louis Gaudreau. Mais construire des logements que personne ne peut se payer ne règle aucune crise, dit-il.
Au Québec, par exemple, le taux de construction était élevé au début des années 2000. L’enjeu de l’abordabilité ne se réglait pas pour autant. «C’est parce qu’on a privilégié des produits résidentiels – au départ, c’était le condo, qui était axé sur la propriété – qui n’étaient pas là où les besoins se font le plus sentir», prévient le chercheur.
Le Québec a ensuite vu apparaitre des tours d’appartements à louer, mais où les loyers sont chers. Le logement abordable est tombé aux oubliettes.
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Revenir en arrière?
Maya Kambeitz est présidente-directrice générale de Norfolk, une association qui fournit du logement communautaire à Calgary, en Alberta. Elle remarque un désinvestissement de la part d’Ottawa dans ce type de logement et dans des fournisseurs comme Norfolk.
Pourtant, entre les années 1950 et 1970, le gouvernement fédéral investissait dans des fournisseurs de logements communautaires pour les aider à construire et à acquérir de vieux bâtiments.
On s’est tellement concentrés sur la construction qu’on a perdu de vue les logements qui occultent naturellement sur le marché. Lorsque vous ne permettez pas au secteur du logement communautaire de jouer un rôle dans l’acquisition de certains de ces bâtiments mis en vente, ce sont des investisseurs privés qui achètent.
«Le privé, et c’est sa job, cherche à maximiser ses profits. Donc il augmente les loyers, poursuit Maya Kambeitz. Nous, on n’a pas cet incitatif à faire du profit.» Avec son maigre budget annuel, Norfolk ne peut pas compétitionner avec le privé et ce sont les Canadiens à faible revenu qui paient le prix.
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La clé, selon Louis Gaudreau, reste le financement des logements sociaux. Comment trouver cet argent? La France, le Danemark et l’Autriche ont des modèles de financement intéressants, considère-t-il.
Une étude de ces trois modèles a été réalisée en 2023 par la Fédération des OSBL d’habitation de Montréal (FOHM). Au Danemark, par exemple, pour ce qui est du logement social, «on a entièrement nationalisé le secteur des prêts hypothécaires», remarque le professeur.
Vienne, la capitale de l’Autriche, est une vedette en matière de logement abordable. Le professeur et directeur de l’Institut d’infrastructure de l’Université de Toronto, Matti Siemiatycki, explique que le gouvernement autrichien a joué un grand rôle dans la construction de logements, qui sont apparus sous diverses formes.
Plus de 60 % de la population viennoise habite en logement social qui échappe à la logique du profit. La ville prélève une taxe spécifique pour alimenter ses programmes d’habitation et elle noue des partenariats avec des organismes sans but lucratif depuis les années 1970.
Quand Matti Siemiatycki a visité Tokyo il y a deux ans, il a été saisi par la densité. «Une densité construite de manière tellement différente que chez nous… Ce n’est pas haut et étalé comme nous, se souvient-il. Il y a des bâtiments de 10 à 30 étages à perte de vue.»
«On retrouve de grands bâtiments sans stationnement souterrain, ajoute-t-il. C’est quelque chose qui rend la construction de logement chère, de creuser un stationnement souterrain.» Le secret : la capitale japonaise a un système de transport public étendu, permettant aux gens d’habiter loin des grands centres sans être pénalisés.
Le transport est le revers de la médaille en matière de logement, et des villes en Asie ont réussi à rendre le logement abordable en partie en le densifiant et en veillant à ce que tous les ménages ne soient pas obligés de posséder une voiture.
L’État joue un grand rôle dans le logement à Singapour. Il possède une grande part des terrains, fournit du logement social et octroie des subventions pour l’achat de logements. Une société d’État se charge de la coordination du système, allant de la construction à l’attribution de logements. Le cout des logements est ainsi contrôlé.
Les logements sociaux appartiennent d’ailleurs souvent à ceux qui y habitent, car le gouvernement vend des baux emphytéotiques de longue durée, généralement de 99 ans.
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Leçons canadiennes
Selon Matti Siemiatycki, au Canada, la Colombie-Britannique mène la danse en matière de politiques de logement. «Elle est contrainte en termes d’espace, parce qu’elle est enclavée entre océan, montagnes et frontières. Elle a mis de l’avant des mesures ambitieuses, surtout autour du rôle du secteur public.»
En augmentant la densité au sein des mêmes terrains, les habitants peuvent se servir des services existants, comme les épiceries ou les bibliothèques. C’est le pari que fait la ville d’Edmonton.
Lorsque le premier ministre provincial, David Eby, a annoncé le programme BC Builds en 2024, il a avoué s’être inspiré de Vienne et Singapour. En mobilisant des terrains sous-utilisés, possédés par des gouvernements, des communautés et des organismes à but non lucratif, l’objectif est d’aligner les couts avec des revenus moyens.
La capitale albertaine fait beaucoup jaser, affirme Matti Siemiatycki. Elle a récemment révisé ses règles de zonage afin de permettre des logements plus denses.
«Pendant longtemps au Canada, on a limité de grandes parties de nos villes à des logements unifamiliaux. C’est alors très difficile de densifier, explique M. Siemiatycki. Le zonage change, non pas pour permettre des gratte-ciels de 20 étages, mais plutôt ce qu’on appelle la densification douce. Souvent, on permet un duplex ou un triplex, par exemple.»
Edmonton a aussi commencé à faire appel à des technologies, dont l’intelligence artificielle, pour automatiser et accélérer l’approbation de permis de construction.
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«Nous voulons avant tout favoriser le maintien à domicile des personnes âgées pour qu’elles continuent à vivre en français et à recevoir des soins et des services dans leur langue», affirme le président de l’Association des Francophones de l’âge d’or de l’Île-du-Prince-Édouard (FAOÎPÉ), Claude Blaquière.
En Ontario, Michel Tremblay aimerait que davantage de fonds fédéraux soient alloués aux associations d’âge d’or.
L’organisme insulaire est l’une des onze associations membres de la Fédération des ainées et ainés francophones du Canada (FAAFC). À l’occasion de l’élection fédérale, la FAAFC a publié un document de 12 pages intitulé Agissons maintenant!, qui présente les revendications des 50 ans et plus.
La FAAFC réclame notamment la mise en place d’une politique nationale sur le vieillissement. En mai, des États généraux sur le vieillissement auront lieu à Moncton, au Nouveau-Brunswick. Plus de 250 ainés francophones seront consultés pour identifier les éléments à inclure dans cette politique. Un livre blanc sera alors rédigé et présenté au gouvernement fédéral.
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«Ça prend une politique intersectorielle pour garder les ainés en santé chez eux, avec des relations sociales», assure le directeur général de la Fédération des ainés et des retraités francophones de l’Ontario (FARFO), Michel Tremblay.
Ça nous donnera un cadre législatif important. À partir de là, d’autres lois et règlements pourront être promulgués, et ça permettra d’exercer plus de pression pour obtenir des services et des programmes en français.
L’Acadien insiste sur le besoin de «changer d’approche» afin de répondre adéquatement au défi du vieillissement. Depuis 2016, la population âgée de 65 ans et plus dépasse celle des enfants de moins de 14 ans. En 2023, près de 19 % de la population canadienne avait 65 ans ou plus, et ce chiffre pourrait atteindre plus de 23 % d’ici 2030.
«Plutôt que d’envoyer les plus âgés dans des foyers ou des hôpitaux anglophones, il faut investir dans les soins à domicile, estime Claude Blaquière. C’est moins de stress pour les ainés, et ça coute beaucoup moins cher.»
Éric Lefol dénonce l’absence de maison de retraite francophone en Saskatchewan et plaide pour la construction de petites unités pouvant accueillir une dizaine de personnes exclusivement en français.
Aujourd’hui, d’après la FAAFC, seulement 17 % du budget fédéral de la santé est consacré aux soins à domicile, contre par exemple 80 % dans les pays scandinaves.
«Nos ainés se retrouvent dans des maisons de retraite anglophones et on les perd, poursuit le directeur général de l’organisme Vitalité 55+ en Saskatchewan, Éric Lefol. À cause de ça, pas mal d’entre eux se sentent isolés et intimidés et développent des problèmes de santé mentale.»
Le Fransaskois exige par ailleurs plus de financements pour les services d’aide à domicile : «S’occuper des soins de santé, c’est essentiel, mais c’est insuffisant. Si l’on veut qu’une personne en perte de mobilité reste chez elle, il faut l’aider à faire le ménage, la cuisine, à tondre le gazon, à pelleter la neige.»
Quelle que soit la province, les responsables dénoncent le manque criant de services en français, en particulier dans le domaine de la santé.
C’est de compétence provinciale, mais le fédéral transfère de l’argent aux provinces. Ottawa doit donc augmenter les sommes réservées aux soins de santé en français et préserver les clauses linguistiques lorsque les ententes de financement bilatérales sont négociées.
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Pouvoir être soigné chez soi implique également de vivre dans un logement adapté à ses besoins. À cet égard, la majorité des ainés habite dans des maisons «trop grandes à étage qui ne sont plus fonctionnelles», selon Michel Tremblay.
À l’Île-du-Prince-Édouard, Claude Blaquière constate de la même manière que la plupart des personnes âgées avec des problèmes de mobilité demeurent «souvent seules et isolées, en milieu rural, loin des grands centres».
«Mais elles ne peuvent malheureusement pas déménager, car elles ne trouvent pas de logements plus petits à des prix abordables», déplore Éric Lefol.
La FAAFC demande ainsi la construction de davantage de logements abordables adaptés. Pour les représentants du secteur, encourager les ainés à retourner sur le marché du travail constitue un autre enjeu clé.
Prendre sa retraite ne veut pas dire nécessairement arrêter de travailler ou de s’engager, on a besoin de se sentir utiles à la société. Il faut rester occupés mentalement et physiquement, avoir des projets, continuer à sociabiliser, c’est ce qui nous maintient en vie quand on vieillit.
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Favoriser l’employabilité des ainés, «ne serait-ce que quelques heures par semaine», reste également une manière de «pallier l’actuelle pénurie de main-d’œuvre dans les communautés francophones en situation minoritaire», considère Claude Blaquière.
À l’Île-du-Prince-Édouard, Claude Blaquière assure que «des emplois à temps partiel» intéressent les ainés, à condition de ne pas être «pénalisés au niveau des impôts».
«Ça doit néanmoins se faire selon des conditions précises et flexibles, au rythme des ainés, en fonction de leur emploi du temps, de leurs compétences, de leurs envies», précise-t-il, avant d’évoquer des postes de suppléants dans l’enseignement.
La FAAFC suggère notamment la mise en place d’un programme «Ainés Canada au travail», sur le modèle de Jeunesse Canada au travail.
Michel Tremblay appelle pour sa part à inciter financièrement les employeurs à embaucher des personnes âgées : «Avec leur expérience, les plus vieux peuvent aussi devenir des mentors pour les plus jeunes, c’est un atout pour une entreprise.»
Les enjeux des ainés francophones en situation minoritaire étant «complètement invisibles» durant cette campagne électorale, selon les mots d’Éric Lefol, les organismes tentent d’agir au niveau local et de sensibiliser les candidats dans leur province respective.
«On multiplie les rencontres, on leur envoie des sondages», détaille Claude Blaquière.
Le Fransaskois Éric LeFol dénote, lui, «un manque d’intérêt des candidats» : «On sent de l’impatience quand en on parle, ça ne semble pas une question d’importance pour eux.»
Pour le moment, seul le Bloc Québécois a proposé des incitatifs fiscaux pour les ainés qui choisissent de rester sur le marché du travail. De son côté, le Parti conservateur du Canada a annoncé que les ainés pourraient gagner jusqu’à 34 000 dollars non imposables.
«La guerre commerciale avec les États-Unis est inquiétante pour beaucoup de monde, y compris pour moi-même, mais les autres enjeux deviennent trop invisibles», déplore Geneviève Stacey, à Toronto, en Ontario.
Bien que l’étudiante franco-ontarienne comprenne «le focus» mis sur les relations avec le voisin du Sud pendant cette campagne, elle aimerait des «plateformes électorales plus claires», afin de mieux connaitre «les plans des partis».
J’aimerais qu’on parle de tous les autres enjeux plutôt que du tête-à-tête avec Donald Trump. Les États-Unis ont beaucoup d’influence, mais ça ne doit plus être le centre de gravité du monde.
Le trentenaire se dit conscient du caractère «historique» de ce scrutin et de l’importance de «la représentation du Canada sur la scène internationale». «Mais maintenant, il est aussi temps de s’occuper de nous plutôt que du reste du monde», plaide le Néoécossais.
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Il mentionne notamment les investissements dans les infrastructures de transport, en vue de faciliter les déplacements avec de meilleures routes et de nouvelles lignes de train à grande vitesse.
La Franco-Ontarienne Geneviève Stacey explique que de nombreux étudiants qu’elle connait «appliquent pour des centaines de jobs ces derniers mois et ne reçoivent pas d’offres».
Les relations entre le gouvernement fédéral et ses homologues provinciaux, responsables de l’éducation et de la santé, sont un autre sujet capital selon lui.
«On doit parler de l’argent qu’Ottawa donne aux provinces et de la façon dont elles le gèrent, ça nous affecte beaucoup au jour le jour, souligne-t-il. Je veux un premier ministre qui ait de bonnes relations et de meilleures discussions avec les provinces.»
En Saskatchewan, le retraité James MacGregor aura, au contraire, les droits de douane en tête lorsqu’il glissera son bulletin dans l’urne : «Avec la bourse qui fait des montagnes russes, j’ai perdu beaucoup d’économies pour ma retraite. Ici, au Canada, on doit mieux protéger notre économie contre le protectionnisme sauvage des Américains.»
Geneviève Stacey et Samou se disent, eux, préoccupés par les récentes annonces de relance d’oléoducs et de mines. «Les partis pourraient avoir une réaction plus verte pour répondre au bras de fer avec l’administration Trump et améliorer la situation économique», estime Samou.
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L’angoisse climatique est bien présente chez Samou : «L’extinction de la biodiversité, la montée des eaux vont au-delà de ce qui se passe aux États-Unis. Tarifs ou non, chaque été, la planète devient de plus en plus chaude.»
Je comprends pourquoi les candidats pensent aux projets miniers, aux pipelines, mais ça m’angoisse. Ils devraient plutôt proposer plus de recherches pour développer les énergies renouvelables et résoudre le problème du changement climatique.
James MacGregor se montre pour sa part moins sensible aux arguments écologiques. «Ce n’est pas la priorité du moment, on a besoin de nos ressources naturelles pour résister. Et on doit le faire de façon intelligente.»
Au regard de la situation des droits de l’homme aux États-Unis, Geneviève Stacey aimerait de son côté voir plus d’annonces sur la protection des droits des femmes et de la communauté 2SLGBTQIA+ : «Il y a un retour en arrière en ce moment dans le monde sur ces questions, le Canada peut jouer un rôle de leadeur.»
L’employabilité des jeunes et le manque de logement abordable constituent deux autres préoccupations majeures pour la Franco-Ontarienne, qui se dit «inquiète» pour son avenir.
La jeune femme habite encore chez ses parents, mais planifie de travailler dans le secteur des arts : «La paie n’est pas idéale, alors je suis nerveuse de ce qui va se passer après mes études. Vu le prix des logements dans la région de Toronto, j’ai peur de ne jamais trouver à me loger.»
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Quelles que soient leurs priorités et leurs craintes, les trois électeurs se retrouvent sur la nécessité de continuer à défendre la francophonie à l’extérieur du Québec.
«C’est important que des francophones soient représentés dans le prochain cabinet ministériel pour que les enjeux des francophones en situation minoritaire soient adressés», appuie Samou.
«Améliorer l’accès aux services en français, dans la santé, le postsecondaire, mieux partager la culture et la langue dans les écoles francophones, tout ça me tient à cœur», poursuit Geneviève Stacey.
En revanche, le niveau de français des candidats n’est pas une source d’inquiétude à leurs yeux.
Ce n’est pas la plus grande affaire pour moi et je n’aime pas la rhétorique sur l’accent anglophone. Si t’apprends le français, si tu es capable de faire un débat, tu as des capacités linguistiques bilingues et faut le respecter.
«On a besoin de quelqu’un qui puisse communiquer raisonnablement en français, mais on en fait un enjeu plus grand que c’est», renchérit Samou.
Pour James MacGregor, «ce n’est pas la question de l’urne» : «Je suis moi-même un anglophone qui parle français, ce qui compte, c’est de faire l’effort.»
Dans l’Est, Geneviève Stacey et Samou n’ont pas encore décidé à qui ils donneraient leur vote. «C’est la première fois que je sens que mon vote pourra faire une différence», observe Samou Mais le trentenaire s’interroge encore : «Est-ce que je vais voter pour le candidat qui sera le meilleur premier ministre ou pour celui qui représentera le mieux ma circonscription?»
Avec les informations de Julien Cayouette et Marianne Dépelteau
Quatre chefs ont croisé le fer en français mercredi, à Montréal, pour faire connaitre ou rappeler leurs idées sur des sujets cruciaux, tels que le conflit commercial avec les États-Unis, la défense, l’environnement ou le logement.
Toutefois, les francophones en situation minoritaire n’ont eu droit qu’à une question, alors que le reste du débat sur la langue française s’est seulement concentré sur le Québec.
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Libéraux et conservateurs : Pendant le débat, Mark Carney et Pierre Poilievre ont assuré vouloir augmenter l’immigration francophone en dehors du Québec, avec des cibles entre 10 et 12 %.
Verts : Après le Bloc québécois et le Parti populaire du Canada, le Parti vert a dévoilé sa plateforme jeudi. Ils veulent moderniser la nouvelle Loi sur les langues officielles, pour «notamment renforcer les droits des communautés de langue officielle en situation minoritaire» et «assurer des services linguistiques partout au Canada».
Le chef néodémocrate Jagmeet Singh avait des promesses taillées sur mesure pour les Franco-Ontariens du Nord de l’Ontario samedi dernier, de passage dans la région. Comme la protection et l’élargissement des services dans les deux langues officielles, surtout en santé et en éducation, et un appui au postsecondaire francophone. Le communiqué mentionne seulement le Collège Boréal et l’Université de Hearst.
Le débat en anglais n’a donné lieu à aucun échange à propos de la minorité francophone du Canada, sauf lorsqu’il était question du Québec. Les Premières Nations n’ont pas eu droits à beaucoup plus de temps. La conférence de presse prévu après de débat a été annulée La cause exacte n’est pas claire, mais des disputes entre des représentants de médias associé à l’extrême droite et des journalistes d’autres médias ont éclaté dans la salle de presse avant et après le débat.
Les chefs des partis conservateur (Pierre Poilievre, à gauche) et libéral (Mark Carney, à droite), lors du débat en français.
Culture et nature : Le laissez-passer «Un Canada fort» permettra aux moins de 18 ans d’avoir accès gratuitement aux galeries et musées nationaux, d’obtenir des sièges gratuits dans les trains de VIA Rail, de juin à aout 2025. Les Canadiens et Canadiennes de 18 à 24 ans pourraient aussi bénéficier de réductions. Le PLC prévoit aussi réduire le prix des emplacements de camping dans les parcs nationaux pour tous les citoyens.
Forces armées : Lundi, Mark Carney a réitéré réitéré sa volonté d’atteindre la cible de l’OTAN de dépensé 2 % du PIB d’ici 2030 pour la défense. Il prévoit aussi de renforcer la sécurité dans le Nord avec de nouveaux sous-marins et brise-glaces, de donner un nouveau mandat à la Garde côtière canadienne et de maintenir les chantiers navals en marche en utilisant de l’aluminium et de l’acier canadiens.
Travail : Les libéraux promettent une nouvelle prestation pour former des travailleurs qualifiés. Celle-ci offrirait jusqu’à 15 000 $ aux travailleurs des secteurs prioritaires, comme la fabrication, les soins de santé ou la construction. Les travailleurs canadiens touchés par les tarifs recevront de l’aide pour obtenir des emplois.
Énergie : Vendredi dernier, l’équipe conservatrice a dévoilé un plan économique sur l’énergie qui prévoit d’abroger deux lois instaurées par les libéraux, d’éliminer le plafond sur l’énergie canadienne, d’abandonner toutes les taxes carbones et de créer un «corridor énergétique national». Une baisse d’impôts pour l’investissement des Canadiens au pays ainsi qu’une approbation rapide des projets de pipeline font aussi partie du plan.
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Criminalité : Le Parti conservateur assure qu’il utilisera la disposition de dérogation de la constitution canadienne – également connue sous le nom de clause nonobstant – pour permettre aux tribunaux d’imposer des peines consécutives aux auteurs de multiples crimes graves.
Lobbys : Les conservateurs exigeront de toute personne conseillant le gouvernement ou un parti politique au pouvoir «susceptible de tirer un avantage financier de ses conseils» de s’inscrire en tant que lobbyiste. Les ministres fédéraux devront se retirer totalement des paradis fiscaux et divulguer leurs actifs au Bureau du commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique.
Protéger les ainés des fraudes financières : Le PCC promet de veiller à ce que les compagnies de téléphone cellulaire canadiennes détectent mieux les fraudes, alertent les victimes, signalent et bloquent les fraudes présumées en temps réel. Il prévoit des amendes et peines d’emprisonnement pour les fraudeurs.
Le chef du parti néodémocrate (NPD) accuse Pierre Poilievre de n’avoir construit que «six maisons» lorsque ce dernier était responsable de la société canadienne d’hypothèque et de logements (SCHL), ce qui est inexact : il fait référence aux logements communautaires à but non lucratif construits exclusivement par le gouvernement Harper en 2015. Le chiffre gonfle à 3700 si les logements à but non lucratif construits par des promoteurs avec l’aide du fédéral sont inclus.
Santé : Mieux rémunérer les médecins pour les inciter à pratiquer en région, embaucher davantage de travailleurs autochtones dans les soins en santé, simplifier l’obtention des permis pour les médecins formés à l’étranger et réduire le fardeau administratif : telles sont quelques-unes des mesures proposées par le parti pour améliorer l’accès aux soins. Jagmeet Singh entend aussi lier les transferts fédéraux en santé à des stratégies concrètes d’embauche et réinvestir les 1,5 milliard de dollars versés aux agences privées dans le réseau public.
Transport : La portion de la route transcanadienne qui passe entre autres par Hearst, dans le Nord de l’Ontario, est de plus en plus dangereuse, surtout en hiver. Le NPD veut s’attaquer au problème en améliorant l’entretien des routes en hiver dans la région de Hearst et en adoptant des normes nationales pour les personnes qui conduisent les camions de transport.
Gains en capital : Mardi, Jagmeet Singh a ramené la hausse du taux d’imposition des gains en capitaux sur la table. Un gouvernement NPD augmenterait le taux d’imposition de 50 à 66 %. Cette mesure faisait partie du budget 2024-2025 du Parti libéral, mais n’a jamais été adoptée en Chambre.
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Au lendemain du débat, le chef du Bloc québécois Yves-François Blanchet s’est dit prêt à abolir la Commission des débats des chefs, après plusieurs décisions controversées.
Criminalité : Le Bloc veut empêcher les abandons de procès pour crimes graves en vertu de l’arrêt Jordan, en donnant «plus d’outils» aux forces de l’ordre contre le crime organisé.
Santé : En prenant l’exemple de l’Hôpital Rosemont à Montréal, le Bloc demande plus de transferts fédéraux en santé pour investir et rénover les infrastructures publiques, notamment de soins.
Laïcité : Faisant référence aux prières tenues dans un lieu public – en l’occurrence l’aéroport de Montréal – le Bloc Bloc demande qu’une étude soit menée sur l’encadrement des prières dans les lieux publics relevant du fédéral.
Le cochef du Parti vert a appelé la Commission du débat des chefs à démissionner de son rôle.
Exclusion du débat des chefs : Mercredi, la Commission des débats des chefs a exclu le Parti vert le matin même, car il n’a finalement pas de candidats dans «au moins 90 % des circonscriptions». La Commission s’est ainsi exposée à des critiques et à la colère du cochef Jonathan Pedneault, qui a demandé la «démission» de la Commission.
Cadre financier : Le directeur parlementaire du budget a rendu publique jeudi son évaluation du cadre financier du PVC; le premier parti à le faire. Plusieurs tableaux indiquent que le parti ira chercher plus de revenus en augmentant les impôts des plus riches, des entreprises et des géants du Web des États-Unis. Ceci inclut la fin de la déduction d’impôts pour les publicités achetées sur des sites Web étrangers.
Le faux pas de la semaine : des critiques des conservateurs se retournent contre eux
Selon l’Investigative Journalism Foundation, sept députés conservateurs sortants, dont trois ex-ministres, ont déclaré détenir des actions chez Brookfield ou ses filiales, l’entreprise anciennement pilotée par le premier ministre libéral actuel, Mark Carney.
Le Parti conservateur critique le chef libéral pour ses décisions lorsqu’il était président de l’entreprise, comme l’utilisation de techniques d’évitement fiscale légales, mais qui soulèvent des questionnements éthiques.
Ces investissements de la part des sept conservateurs, dépassant 10 000 $ chacun, ont été signalés au Commissariat aux conflits d’intérêts et à l’éthique.
Parmi les députés concernés se trouve Melissa Lantsman, cheffe adjointe du parti, qui a indiqué qu’elle possèderait des actions avec sa conjointe auprès de la firme Brookfield Renewable Partners L.P., enregistrée aux Bermudes.
La Banque du Canada a annoncé mercredi qu’elle maintenait son taux directeur à 2,75 %. La politique des États-Unis en matière de droits de douane a contraint la banque centrale à opter pour un scénario d’incertitude, d’où le maintien du taux, après une baisse de 3 % à 2,75 % en mars.
Lors du débat en anglais, aucun des chefs n’a fait mention de la francophonie. Les discours se sont plutôt concentrés sur deux grands enjeux : la sécurité, notamment à la frontière avec les États-Unis et les mesures de protection contre les diverses conséquences des tarifs imposés au Canada par l’administration Trump.
Mark Carney souhaite ralentir le taux de croissance des dépenses de fonctionnement du gouvernement fédéral, une mesure qui pourrait toucher des programmes liés aux langues officielles.
En lien avec ces deux sujets, c’est Jagmeet Singh (Nouveau Parti démocratique) qui a évoqué la crise des opioïdes, qui n’avait pas été soulevée lors du débat en français.
Le chef néodémocrate a aussi reproché à Mark Carney (Parti libéral du Canada) et Pierre Poilievre (Parti conservateur du Canada) de vouloir «réduire les services de l’État».
Ces derniers s’en sont défendus, mais Mark Carney a tout de même déclaré qu’il entendait «réduire le taux de croissance des dépenses de fonctionnement [de l’État…], qui est de 9 % par année, à 2 %». Il a cependant assuré ne pas vouloir «toucher aux transferts» aux provinces, notamment en santé.
Cote de sécurité
Sur la forme, Mark Carney a principalement dû répliquer aux tirs groupés contre lui de Jagmeet Singh et Pierre Poilievre. Il a tout de même attaqué ce dernier en lui demandant pourquoi il n’avait pas obtenu de cote de sécurité.
Pierre Poilievre s’est défendu en affirmant qu’il n’aurait «pas pu parler librement», sous peine d’être poursuivi, s’il avait obtenu cette cote de sécurité.
La carte québécoise pour collaborer, sans régner
Seul francophone du débat, Yves-François Blanchet (Bloc québécois) n’a pourtant pas choisi de jouer cette carte pour se différencier.
Yves-François Blanchet a accusé Mark Carney d’empiéter sur les champs de compétence du Québec dans le cadre de certaines de ses propositions, notamment en matière de santé et de garde d’enfants.
Sans même mentionner la force linguistique du français au Québec comme il s’était gardé de le faire au débat en français la veille, Yves-François Blanchet a encore moins accordé de mots pour la francophonie en situation minoritaire.
«Je ne veux pas être premier ministre du Canada, je veux être un partenaire du premier ministre», a-t-il plutôt affirmé.
Le chef du Bloc québécois a martelé, encore plus qu’au débat de la veille, que le fédéral devait cesser de s’ingérer dans les affaires du Québec, notamment en matière d’énergie et de transferts pour les soins en santé.
Il a aussi reproché au premier ministre de ne pas l’avoir «appelé» ni lui avoir «adressé la parole avant-hier».
«Vous êtes légitime, mais plus représentatif avec notre aide que seul dans votre petit royaume. Une semaine après les élections, quel que soit le résultat, je propose qu’on se réunisse pour faire face à la crise ensemble», a proposé le chef bloquiste.
Pierre Poilievre a défendu son projet d’utiliser la clause dérogatoire dans le cadre de son plan pour lutter contre le crime.
Crise économique et riposte aux États-Unis
Sur la crise économique, Pierre Poilievre a demandé à Mark Carney de s’excuser en direct auprès de la population canadienne pour les «politiques inflationnistes» qu’il aurait conseillées à Justin Trudeau dans son rôle de conseiller auprès de l’ancien premier ministre.
À ce sujet, le chef libéral a répondu à son adversaire conservateur : «Je sais que vous aimeriez vous présenter [aux élections] contre Justin Trudeau, mais Justin Trudeau n’est plus là. Ce ne sont pas les conseils que j’ai donnés.»
Les quatre chefs ont ensuite chacun dit ce qu’ils pensaient être la plus grande menace du Canada. Pour Pierre Poilievre, il s’agit des crimes commis avec des armes à feu; Mark Carney a évoqué la sécurité; Jagmeet Singh, les armes illégales et les drogues à la frontière; et Yves-François Blanchet, la dépendance québécoise et canadienne vis-à-vis des Américains.
Jagmeet Singh a tenté de mettre en valeur les mesures prises sous le gouvernement libéral de Justin Trudeau liées à l’entente avec le NPD, telles que le programme national des soins dentaires.
L’avenir climatique, une priorité abordée différemment
Les solutions indirectes pour répondre aux contremesures tarifaires des États-Unis ont fait partie des solutions avancées à la crise climatique, avec le plan de Pierre Poilievre de construire un pipeline d’est en ouest pour détourner le transport du pétrole et du gaz des États-Unis et d’exporter le gaz en Europe pour qu’elle ne soit plus dépendante de la Russie.
Le thème de la crise climatique a également été l’occasion pour Pierre Poilievre d’assurer à la population que la lutte au changement climatique faisait bien partie des priorités de son parti.
Les chefs des autres partis ont mis en doute cette affirmation puisque, selon eux, la lutte conservatrice pour le climat se traduira par la construction de pipelines nationaux.
Ces derniers éviteraient que la production d’énergie canadienne soit «poussée» vers des pays qui «empirent» la situation climatique en émettant des gaz à effet de serre, comme l’Inde, a cité Poilievre, en exemple.
Mark Carney, en faveur du pétrole lui aussi, a toutefois nuancé en affirmant cibler des projets et en favorisant la participation des Autochtones.
Sans vouloir que le Québec paie pour les pipelines, Yves-François Blanchet s’est montré favorable à l’exploitation de minerai québécois, et Jagmeet Singh à celle de minerai canadien.
Les journalistes ont attendu les explications du directeur général de la Commission des débats des chefs, Michel Cormier, au sujet de l’annulation des points de presse qui devaient suivre le débat. Le directeur général n’a répondu à aucune question.
Pour la première fois, la conférence de presse qui devait se dérouler après le débat en anglais a été annulée.
La cause exacte n’est pas claire, mais le directeur général de la Commission des débats des chefs, Michel Cormier, a expliqué devant les journalistes présents qu’il n’était pas en mesure «d’assurer un environnement propice».
Des disputes entre des représentants de Rebel News et des journalistes d’autres médias ont éclaté dans la salle de presse avant et après le débat.
Ce débat sera l’occasion pour les principaux partis fédéraux de défendre leurs engagements et de clarifier leurs positions sur la défense du français au Canada et la place des francophones dans l’identité canadienne.
Il sera diffusé en direct à 20 h (heure avancée de l’Est) sur des sites Web de médias écrits membres de Réseau.Presse, sur Francopresse.ca, ainsi que sur les différentes chaines et plateformes de Radio-Canada partout au pays. Une écoute en différé sera également possible sur l’ensemble des plateformes en ligne.
La soirée sera animée par le chef d’antenne du Téléjournal Ottawa-Gatineau, Mathieu Nadon. Des questions seront aussi posées par des citoyennes, des chefs d’antenne d’ailleurs au pays, le rédacteur en chef du Nunavoix, Brice Ivanovic, et la correspondante parlementaire de Francopresse, Inès Lombardo.
Les discussions porteront notamment sur la garde d’enfants, l’éducation, l’immigration, l’emploi, l’économie et les médias.
Les participants seront :
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Avec les information de Marianne Dépelteau
C’est la question de l’immigration qui a mis d’accord les chefs des deux principaux partis fédéraux, Mark Carney (Parti libéral du Canada) et Pierre Poilievre (Parti conservateur du Canada).
Le chef libéral Mark Carney a rappelé à quelques reprises qu’il était prêt à discuter avec les pays européens pour établir de nouveaux partenariats économiques.
À la question posée par l’animateur Patrice Roy à propos du poids démographique des francophones, le premier a mentionné vouloir «augmenter le taux d’immigrants hors du Québec avec la langue maternelle française de 10 à 12 %».
Rare fait, lors de la période de questions qui a suivi le débat, Pierre Poilievre a abondé dans le sens de son adversaire. «Ce sont des cibles raisonnables […], je suis d’accord avec lui.»
Il a précisé que son parti était en faveur «d’élargir le nombre d’immigrants francophones au Canada, y compris à l’extérieur du Québec, pour ajouter du poids démographique». Il s’est dit également prêt à travailler en collaboration avec les communautés sur cet enjeu.
Les libéraux ont atteint leur cible d’immigration francophone deux fois de suite : en 2023 et en 2024, atteignant 7,21 %, alors que l’objectif initial était de 6 %.
En décembre dernier, pourtant, le ministre d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada de Justin Trudeau, Marc Miller, avait assuré que son ministère ne pouvait pas forcément suivre la cadence.
Pour protéger le français en milieu minoritaire, le chef conservateur Pierre Poilievre mise surtout sur l’augmentation de l’accès à un programme d’immersion.
Pour renverser le déclin démographique des francophones au Canada, Pierre Poilievre a réaffirmé son intention d’investir dans les programmes d’immersion pour les jeunes anglophones, afin qu’ils puissent venir pratiquer leur français au Québec.
Le chef conservateur souhaite également donner au Québec plus de contrôle sur la sélection des immigrants pour «mieux choisir ceux qui peuvent être francisés».
En période de questions avec les médias, le chef du Parti conservateur s’est toutefois montré moins précis concernant la construction d’écoles francophones au Canada, rappelant que la gestion des écoles relève des provinces.
«Ce sont elles qui décident […] je suis prêt à travailler avec les provinces.»
En matière de protection du français, outre l’immigration, les quatre chefs ont répondu à des questions sur la protection du français.
Si Jagmeet Singh (Nouveau Parti démocratique) a assuré «adorer la langue française», il n’a présenté aucune mesure lors du débat. «Le Québec est une force pour tout le Canada», a-t-il affirmé, faisant référence à la protection du français.
Pendant la période de questions après le débat, le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a dit avoir remarqué – et trouvé dommage – que les enjeux des Premières Nations n’aient pas été abordés pendant le débat. Surtout en tant que partenaire économique important pour faire face aux menaces américaines.
Les chefs ont également dû débattre de l’utilisation de la clause dérogatoire, ou «clause nonobstant», qui permet aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux d’adopter des lois même si elles contreviennent à certaines dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés. Le Québec l’a utilisée à quelques reprises pour protéger la langue française.
Mark Carney a assuré en début de campagne qu’il n’avait «pas de problème» avec la Loi 96 (réforme Charte de la langue française au Québec), mais qu’il en avait un avec l’utilisation de la disposition de dérogation de manière préventive, soit avant que la loi ait été soumise à une révision par la Cour suprême.
Pour le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, «c’est la seule façon de préserver la souveraineté des parlements du Québec et des provinces. Ce n’est pas le type d’usage, mais la manière de le faire. La Cour suprême l’a déjà tranché. M. Carney veut demander à la Cour suprême de défaire un jugement de la Cour suprême contre le Québec», a-t-il fustigé.
Le chef du Nouveau Parti démocratique, Jagmeet Singh, souhaite augmenter les transferts aux provinces en santé.
Sur un autre enjeu francophone : Mark Carney a fustigé la promesse controversée de son principal rival, Pierre Poilievre, le financement de CBC/Radio-Canada.
«On va augmenter le financement et renforcer la gouvernance», en mettant également l’accent sur le renforcement financier de Téléfilm Canada et du Conseil des arts canadien.
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Pierre Poilievre a réitéré qu’il «protègerait Radio-Canada», puisque le média propose des contenus uniquement en français. «CBC peut se financer avec ses propres revenus, comme un organisme à but non lucratif», a-t-il suggéré.
«Le principe, a-t-il poursuivi, c’est que le gouvernement devrait faire ce que le marché ne peut pas faire. Le marché ne fournira jamais un service exclusivement en français aux communautés à travers le Canada.»
Exclu par la Commission des débats des chefs le matin du débat pour ne pas avoir de candidats dans «au moins 90 % des circonscriptions», le chef du parti, Jonathan Pedneault, a dénoncé une décision «antidémocratique».
Le site Rebel News, connu pour propager des idées d’extrême droite, a envoyé plusieurs journalistes poser des questions aux chefs lors de la conférence de presse qui a suivi le débat. Des journalistes sur place se sont plaints de leur surreprésentation.
Interrogé par ce média sur la protection des médias indépendants, Pierre Poilievre a affirmé que le Parti conservateur était «le seul parti disposé à protéger la liberté de la presse de tous les médias». Il a rappelé son objectif de «repousser» la loi C-11 «de censure». «Nous allons réagir contre toutes les formes de censure orwelliennes».
Jagmeet Singh, pour sa part, a refusé de répondre aux questions de Rebel News, qu’il accuse de propager de la désinformation.
«Souvent, les arts et la culture sont considérés comme une espèce de dessert dont on peut se passer si on a trop mangé ou si on manque d’argent. Mais dans les communautés en situation minoritaire, c’est un plat de résistance», lâche d’emblée la présidente de la FCCF, Nancy Juneau, en entrevue avec Francopresse.
Protéger et investir davantage dans les arts et la culture : telles sont les deux priorités mises de l’avant par l’organisme francophone dans ses demandes, lancées le 1er avril.
La FCCF réclame une meilleure reconnaissance des artistes et des mesures concrètes pour lutter contre leur précarité. L’organisme demande aussi aux partis fédéraux de garantir un financement stable pour un secteur à bout de souffle.
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La FCCF propose six «actions concrètes» :
Comme le rappelle Nancy Juneau, le rapport «Éviter le point de rupture» de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA), publié en 2022, fait état d’un important manque à gagner pour les organismes francophones et demande 300 millions de dollars supplémentaires. Un déficit que le Plan d’action pour les langues officielles 2023-2028 n’est pas parvenu à combler.
Le financement des organismes a augmenté, mais pas à la hauteur des besoins. Donc ce manque-là reste entier et il est plus prononcé dans le secteur culturel.
Car, contrairement à d’autres domaines soutenus par plusieurs ministères, celui de la culture dépend quasi exclusivement de Patrimoine canadien, explique Nancy Juneau.
La FCCF réclame aussi une meilleure rémunération des artistes. La présidente cite le cas des artistes visuels, qui consacrent d’innombrables heures à créer en atelier sans être payés.
«Lui ou elle n’auront sa rémunération qu’une fois qu’il ou elle aura vendu son œuvre. […] C’est un peu comme si on ne finançait pas la recherche en sciences», illustre-t-elle.
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Selon l’Analyse de l’impact économique de la communauté culturelle canadienne-française en 2022, publiée en 2024, le secteur artistique et culturel de la francophonie canadienne a contribué pour 5,83 milliards de dollars au PIB du Canada en 2022 et généré plus de 36 100 emplois en 2021.
Dans un contexte de guerre commerciale, mais aussi culturelle avec les États-Unis, Nancy Juneau rappelle que la francophonie canadienne a une contribution importante à apporter au débat sur la souveraineté culturelle.
La francophonie est un des traits distinctifs de notre pays. C’est ce qui nous distingue, entre autres, des États-Unis. Les arts et la culture sont les véhicules qui viennent nourrir cette identité […] Cela n’aura jamais été aussi important de nous donner les moyens pour continuer à jouer ce rôle-là.
La présidente de la FCCF veut croire que les demandes des francophones seront entendues au fédéral, comme ce fut le cas dans certaines provinces. Elle évoque le Québec, qui a récemment augmenté son budget à destination des arts, et du Nouveau-Brunswick, qui, «malgré une situation difficile et un déficit anticipé, a quand même augmenté de 2 millions l’enveloppe des arts et de la culture».
La FCCF plaide également pour un renforcement du rôle et du mandat national de CBC/Radio-Canada.
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De gauche à droite : l’animatrice Johane Despins, Steven Guilbeault (Parti libéral du Canada), Martin Champoux (Bloc québécois) et Marwan El-Attar (Nouveau Parti démocratique) lors du débat sur les enjeux culturels organisé à Montréal le 14 avril.
Le Bloc promet de moderniser CBC/Radio-Canada et de renforcer son rôle de couverture régionale, en particulier pour les communautés francophones hors Québec.
Le Bloc québécois d’Yves-François Blanchet veut faire en sorte que 40 % du financement fédéral en culture soit réservé au contenu francophone.
Le parti d’Yves-François Blanchet veut aussi rediriger les revenus de la taxe sur les produits et services (TPS) et la taxe sur les services numériques vers le milieu culturel et offrir des avantages fiscaux à des œuvres mettant en valeur la culture québécoise, francophone et autochtone. Il souhaite en outre soutenir les projets visant la découvrabilité du contenu francophone, comme la plateforme MUSIQC.
Le Bloc entend également bonifier les programmes de subventions pour les arts et faire en sorte que 40 % du financement soit réservé au contenu francophone. Il propose par ailleurs de contraindre Ottawa à consulter le Québec, les communautés franco-canadiennes et les nations autochtones avant d’adopter toute nouvelle règlementation.
Pour le parti du Québec, la culture reste «un investissement» et non une dépense, a répété le député Martin Champoux, lors de l’unique débat en français sur le sujet coorganisé par la Coalition pour la diversité des expressions culturelles (CDEC), à Montréal, le 14 avril.
Il milite aussi pour une réforme de la Loi sur l’assurance-emploi, comme le suggère entre autres la FCCF, et l’étalement des revenus des travailleurs culturels, afin d’atténuer leur charge fiscale.
Le Bloc propose en outre de revoir la répartition des financements fédéraux en fonction des réalités régionales.
Le parti a choisi de ne pas participer aux deux débats sur la culture (en français à Montréal et en anglais à Toronto, le 16 avril), proposé par plusieurs organismes, dont le CDEC.
Néanmoins, le porte-parole conservateur en matière de langues officielles, Joël Godin, affirme dans une réponse écrite à Francopresse que le parti veut garantir «le maintien du financement pour la culture francophone et québécoise».
De son côté, le chef conservateur, Pierre Poilievre, a réitéré sa promesse de couper le financement de la CBC, mais de bonifier celui de Radio-Canada, afin de continuer à desservir le Québec et les communautés francophones.
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«Protéger le Canada et notre identité, ça passe par protéger notre culture», a déclaré Mark Carney lors d’une annonce le 4 avril, à Montréal, où il a promis d’augmenter le financement de CBC/Radio-Canada de 150 millions de dollars par année.
Mark Carney promet d’augmenter le financement de CBC/Radio-Canada de 150 millions de dollars par année.
Les langues officielles et la culture ne seront jamais sur la table des négociations avec les États-Unis, a insisté le ministre actuel de la Culture et de l’Identité canadiennes, Steven Guilbeault, lors du débat en français sur la culture du 14 avril.
Il a défendu le bilan libéral, mettant de l’avant une hausse de 50 % des budgets culturels fédéraux depuis 2015. Le ministre s’engage à réformer le filet social et de faire «tout ce qu’[il] peut» pour augmenter de 140 millions de dollars le financement du Conseil des arts du Canada et celui des programmes de Patrimoine canadien.
Pour Marwan El Attar, candidat pour le NPD au Québec, la culture est éclipsée de la campagne électorale. «On préfère parler de pipelines», a-t-il lâché lors du débat coorganisé par la CDEC.
Le parti se dit prêt à accorder au moins 1 % du budget fédéral au secteur. Il propose de fixer la prestation d’assurance-emploi à 60 % du revenu, contre 55 % actuellement. Côté impôt, le NPD est favorable à un étalement des revenus.
Pour financer ces promesses, le NPD veut «aller chercher dans les subventions des compagnies pétrolières» et s’attaquer à l’évasion fiscale, a détaillé Marwan El Attar.
Au moment de publier, le Parti vert n’avait pas annoncé son plan pour la culture. Mais il a dit vouloir augmenter le financement des médias et garantir celui de CBC/Radio-Canada.
«Le sport, une affaire d’État(s)?» Fin juin 2012, c’était la question posée à tous les candidats et candidates au concours d’entrée d’une prestigieuse école de sciences politiques en France.
Je faisais partie de ces personnes et je me triturais les méninges pour mettre à profit, de la façon la plus pertinente possible, mes connaissances sportives. Dans mes souvenirs, je m’en étais sorti honorablement.
Treize ans plus tard, me revoilà devant ma copie, avec un nouvel exemple pertinent en tête. J’étais devant ma télé pour les deux matchs de hockey entre le Canada et les États-Unis qui se sont déroulés en février à l’occasion de la Confrontation des 4 nations.
Ce minitournoi, organisé par la Ligue nationale de hockey (LNH) pour la première fois cette année pour remplacer le Match des étoiles, s’annonçait plutôt anecdotique. C’était sans compter sur la réélection de Donald Trump et sa nouvelle politique commerciale, qui a mis le feu aux poudres.
D’un seul coup, ces deux rencontres sont devenues une affaire d’États.
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«C’est plus qu’un sport : c’t’une métaphore de notre sort», chante le groupe de rap québécois Loco Locass dans sa chanson Le but, un hymne à l’équipe des Canadiens de Montréal. La métaphore de la guerre était toute trouvée.
Sur les réseaux sociaux, les deux généraux, Donald Trump et Justin Trudeau, haranguent leurs troupes. Les patinoires sont, elles, transformées en champ de bataille.
Hymne national américain hué et trois échanges de coups de poing en quelques minutes lors de la première rencontre, au Centre Bell, à Montréal, le 16 février. Victoire américaine.
Quatre jours plus tard, pour la finale à Boston, c’était au tour de l’hymne canadien d’être conspué. Le TD Garden a été le théâtre d’une des rencontres les plus intenses de l’histoire. En prolongation, le Canada l’emporte, grâce au joueur de centre Connor McDavid.
Cerise sur le sundae : le micromessage rageur de Justin Trudeau, que l’on imagine préparé avant le match : «Vous ne pouvez pas prendre notre pays – et vous ne pouvez pas prendre notre sport.»
La victoire sportive s’efface devant une autre victoire, symbolique. À nos yeux, ce ne sont pas les joueurs des États-Unis qui ont perdu. C’est Donald Trump et sa politique agressive à notre égard. Ceux que le président nargue en disant qu’ils seraient un bon «51e État» ont battu les 50 autres.
Au lendemain de la victoire, les grands titres des médias étaient très éloquents : «Une victoire du Canada sous le signe de la résistance» (Radio-Canada), «Une victoire pour 40 millions de Canadiens» (Le Journal de Montréal), «Connor McDavid et Jordan Binnington, héros canadiens en prolongation» (RDS).
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Les Jeux, épicentre des liens entre sport et diplomatie
L’incursion de la géopolitique sur le terrain du sport ne date pas d’aujourd’hui. Ni même d’hier. Dès leur origine, au VIIIe siècle avant Jésus-Christ, les Jeux olympiques étaient une compétition entre États grecs et offraient déjà la fameuse trêve olympique, qui permettait aux participants de traverser sans être inquiétés les zones de conflit.
Depuis le création par les Grecques, les Jeux olympiques sont plus qu’une compétition sportive.
Dans notre ère moderne, les Jeux olympiques constituent l’épicentre des liens entre sport et diplomatie. De l’opération séduction menée par Adolf Hitler aux Jeux de Berlin en 1936, à la marginalisation des athlètes russes aujourd’hui, les exemples pullulent.
Le plus marquant est sans doute celui de la guerre froide. Le sport a servi de terrain de confrontation directe entre deux superpuissances militaires, idéologiques et sportives.
Aux Jeux de Munich en 1972, l’URSS a battu les États-Unis lors de la finale du tournoi de basketball après une fin de match hautement controversée. Les Américains ont refusé leur médaille d’argent. Huit ans plus tard, les États-Unis ont boycotté les Jeux de Moscou. En 1984, c’est au tour de l’URSS de snober ceux de Los Angeles.
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Mais pourquoi diable le sport, plus que tout autre divertissement, titille-t-il autant notre fierté nationale et fait-il autant ressurgir nos pulsions les plus guerrières?
L’historien Patrick Clastres, que j’avais interrogé à l’occasion du rapprochement diplomatique entre les deux Corées lors des Jeux olympiques d’hiver de Pyeongchang, en 2018, propose un élément de réponse :
Le sport est à l’image des autres formes de culture. Il peut être au service des plus nobles causes ou des pires régimes. Il déchaine des passions plus vives parce que ses expressions sont nationales. Quand on a des compétitions de cinéma ou de littérature, les artistes ne viennent pas avec un maillot aux couleurs du pays. Les créateurs se sont, depuis très longtemps, dégagés de l’impératif national, sauf dans le cas des dictatures. Le monde du sport n’y arrive pas.
Mais le sport doit-il vraiment s’affranchir de cet impératif? Finalement, laisser nos frustrations et notre nationalisme s’exprimer dans un cadre règlementé et sécuritaire n’est-il pas un moindre mal?
Vous avez quatre heures pour y répondre.
Timothée Loubière est journaliste pupitreur au quotidien Le Devoir. Avant de poser ses valises au Québec en 2022, il était journaliste sportif en France, notamment au journal L’Équipe.