le Lundi 10 novembre 2025

Justin Labelle est doctorant en anthropologie linguistique à l’Université de Montréal. Il s’intéresse aux vestiges des tensions entre, d’une part, les francophones en situation minoritaire de l’Ouest canadien et de l’Ontario et, de l’autre, les francophones du Québec. Un ressentiment qui trouve ses origines dans l’histoire.

Pendant les États généraux du Canada français tenus entre 1966 et 1969, dans les Accords de Charlottetown et du lac Meech, et lors des référendums sur la souveraineté du Québec, entre autres, «les autres francophones ont été cachés, mis dans les marges, encore plus qu’ils ne l’étaient déjà», explique Justin Labelle, en entrevue avec Francopresse.

Des sentiments de rejet et d’abandon ont ainsi nourri une expression bien connue : le «maudit Québécois».

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Francopresse : C’est quoi le «maudit Québécois»?

Justin Labelle : C’est basé sur un stéréotype. Une personne hyper centrée sur elle-même qui ne veut pas entendre parler des autres, qui n’a même pas conscience que les autres existent. Je présente parfois dans mes résultats trois types du «maudit Québécois».

Le premier, c’est celui qui reste au Québec, super nationaliste, qui ne veut même pas entendre qu’il y a d’autres francophones ailleurs. […] Le deuxième est un peu plus ouvert. Il va aller sur les lieux, quitte le Québec et visite le Canada, [mais ne comprend pas pourquoi il y a des francophones là-bas].

J’ai une anecdote pour le type deux : j’étais au Café postal à Winnipeg, où ça se déroule en français. Une Québécoise est entrée et a dit «bonjour» pour tenter sa chance. Le barista a répondu «bonjour», et la cliente a répondu «tu parles en français? Comment ça? T’es au Manitoba. Tu fais quoi ici?» Il a répondu qu’il est né là et que sa vie se passe en français, ce à quoi la cliente a répondu «tes parents viennent d’où alors?» C’est un manque de compréhension.

Le troisième, ben c’est Denise Bombardier. C’est le puriste.

Ce qui a causé les grands conflits à cause du documentaire Denise au pays des francos, c’est qu’elle est allée voir des gens, ils lui parlaient en français, pis elle leur disait «ta francophonie est en train de mourir». […] Denise Bombardier a fait de bonnes choses, mais dans ce documentaire, on lui parle en français et, à la fin, sa conclusion c’est «la francophonie se perd».

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Quelle place occupe le discours du «maudit Québécois» aujourd’hui?

Il existe encore. Ce n’est pas quelque chose qui appartient simplement au passé, mais les francophones du Canada ont changé. Ils se rendent compte maintenant que c’est un stéréotype, pour la plupart. Ça appartient à un héritage, à la mémoire collective.

Il y a encore un petit quelque chose. La preuve : le discours du «maudit Québécois» est ressorti en réaction au documentaire Denise au pays des francos.

De plus en plus, c’est une blague. Quelqu’un à Sudbury [en Ontario] m’a dit à la blague : «C’est quoi la différence entre un Québécois et un crisse de Québécois? Le Québécois reste chez lui.»

En tant que Québécois, je n’ai pas été dérangé là-bas. Personne ne m’a mis de côté. [La relation] se passe de mieux en mieux. D’une certaine façon, parce que le Québec a fait des tentatives de rapprochement avec des affaires comme le Secrétariat du Québec aux relations canadiennes. D’une autre façon, parce que les communautés francophones en situation minoritaire ont elles-mêmes beaucoup changé.

Quelqu’un a utilisé le mot «indépendantisé», un jeu de mots avec [l’indépendantisme revendiqué au] Québec. Ils ont acquis leur souveraineté d’une certaine façon dans le Canada. Au lieu de se voir maintenant à côté ou en dessous du Québec, ils se voient pour eux-mêmes. L’idéologie du «par et pour» est très présente.

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Pourquoi avoir choisi ce sujet d’étude?

Je viens de Rouyn-Noranda [au Québec] et j’ai de la famille à Sudbury. Je me rendais compte qu’il y avait souvent des problèmes de compréhension entre les deux communautés […] pis j’entendais de plus en plus une espèce de discours… pas une haine, mais le manque de compréhension causait des conflits.

J’ai pensé à faire une étude pancanadienne, d’est en ouest. Ça aurait été un gros travail et je n’ai pas obtenu [beaucoup de financement]. J’ai fait ce voyage en char. […] Je ne suis pas allé en Acadie parce que j’ai l’impression que la francophonie en Acadie est différente. Les rapports entre francophones c’est culturel, plus que simplement linguistique.

Les territoires et la Colombie-Britannique, non seulement c’est loin, mais en regardant les statistiques […], je me suis rendu compte que le bagage culturel qui cause les conflits avec le Québec… [c’est beaucoup avec des personnes d’origine canadienne française].

Là-bas, à cause de la mondialisation et des changements de population, ce sont beaucoup des Européens et des Africains. Il y a encore des anciens Canadiens français, mais j’ai l’impression que ceux qui sont là maintenant ont moins ce bagage, cet héritage avec les Québécois.

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Vous avez passé du temps dans sept villes : Ottawa, Sudbury, Hearst, Winnipeg, Saskatoon, Regina et Edmonton. Qu’en retenez-vous?

Tout l’aspect de la résilience. […] Ils ont des beaux organismes qui existent, comme l’ACUFC [Association des collèges et universités de la francophonie canadienne]. Ça me donne envie de continuer de travailler avec eux. Il y a de belles choses qui se font.

La francophonie canadienne, ce n’est pas une [seule] chose. Ce n’est pas basé tout sur le modèle de la francophonie québécoise avec ses dictionnaires pis ses grammaires. Le mélange de l’anglais et du français, c’est ça, la francophonie canadienne.

Tous ces grands discours, toute cette belle résilience, c’est quelque chose qui a été vraiment plaisant à voir.

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Les propos ont été réorganisés pour des raisons de longueur et de clarté.

Le Commissariat aux langues officielles (CLO) confirme qu’un total de 43 plaintes ont été déposées en raison d’un manque de services en français.

L’Ontario en recense le plus grand nombre, avec 14 plaintes, suivi de 11 au Manitoba et de 5 au Québec.

Les communications du CLO indiquent que sur les 43 plaintes, «23 ont été réglées par des mesures prises par [Élections Canada] […], 19 sont sous enquête et une est en analyse avant enquête».

Le bureau du Commissaire précise par courriel à Francopresse que c’est l’indisponibilité du service en français en personne, l’absence d’offre active, ainsi que des enjeux d’affichage ou de communication écrite qui constituent les trois motifs principaux des plaintes.

Si le nombre de plaintes reçues à l’égard d’Élections Canada en 2025 a augmenté d’une dizaine par rapport à l’élection fédérale de 2021, la quantité est bien moindre que pour celle de 2019. Cette année-là, 120 plaintes avaient été recensées concernant la partie IV de la Loi sur les langues officielles, soit les services en français.

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Dépouillements judiciaires

Autre difficulté notable au lendemain de l’élection fédérale : le nombre de votes très serré dans certaines circonscriptions qui mènent à des recomptages judiciaires. Au moment d’écrire ces lignes, l’exemple de Terrebonne, une circonscription aux alentours de Montréal, au Québec, reste emblématique.

La libérale Tatiana Auguste l’a finalement remporté par une seule voix au cours de la fin de semaine du 10 mai, contre sa rivale du Bloc québécois, Nathalie Sinclair Desgagné, élue à la Chambre des Communes à Ottawa en 2021.

Un nouveau rebondissement est survenu dans les jours qui ont suivi : une électrice a signalé que son vote par la poste avait été refusé parce que l’enveloppe, fournie par Élections Canada, n’avait pas la bonne adresse. Elle dit avoir voté pour le Bloc québécois.

Le 14 mai, le Bloc a fait savoir par communiqué qu’il étudiait «toutes les options» pour que le droit de vote soit «pleinement respecté». Le parti précise qu’il voit cette situation comme une «irrégularité».

En Ontario, Irek Kusmierczyk, député libéral sortant de Windsor–Tecumseh–Lakeshore, a demandé, le 9 mai, un recomptage judiciaire pour des «bulletins rejetés à tort», alors que 77 votes le séparaient de son adversaire conservatrice, Kathy Borelli.

Ce recomptage ne commencera que le 20 mai, six jours avant la reprise du Parlement.

Même chose dans une autre circonscription ontarienne, celle de Milton-Est–Halton Hills-Sud, où l’écart est de 29 votes entre Parm Gill, candidat conservateur, et Kristina Tesser Derksen, donnée gagnante quelques jours plus tôt comme députée libérale.

Et 12 votes uniquement séparent le libéral Anthony Germain du conservateur Jonathan Rowe dans la circonscription de Terra Nova–Les Péninsules (Terre-Neuve-et-Labrador).

Les recomptages judiciaires se font automatiquement lorsque l’écart entre le nombre de voix obtenu et le nombre de suffrages exprimés est inférieur à un millième, selon le site d’Élections Canada.

URL: https://x.com/Irek_K/status/1920901429159436350

Le Parti conservateur a non seulement laissé filer l’avance considérable qu’il détenait sur les libéraux avant le déclenchement des élections, mais surtout il ne se présente plus comme un parti national. Il est devenu – ou plus exactement est redevenu – un parti régional. Difficile alors de gagner une élection fédérale.

Pourtant, l’ancien premier ministre Stephen Harper avait bien essayé de repositionner son parti. À vrai dire, il est celui qui a le mieux réussi à le faire de tous les chefs conservateurs qui se sont succédé à la tête des partis de droite depuis Brian Mulroney.

Le grand fait d’armes de Stephen Harper aura été d’avoir réussi à unir les forces de la droite au pays et d’avoir pu présenter son parti comme un autre choix que le Parti libéral.

Loin de l’époque Harper

Le Parti conservateur de Stephen Harper était un parti qui savait qu’il fallait «parler» aux électeurs de partout au pays. Un parti qui voulait faire entendre les voix de l’ouest du pays à Ottawa; qui se présentait comme le parti de l’économie pour l’électorat de l’Ontario; qui appuyait les revendications décentralisatrices du Québec; qui venait en aide économiquement et socialement aux gens de l’Atlantique.

Le parti de Stephen Harper n’a pas été un parti qui s’était rapproché des libéraux, comme l’avait fait à l’époque Brian Mulroney. C’était un parti véritablement de droite, mais qui savait néanmoins faire preuve de souplesse.

— Geneviève Tellier

Une stratégie qui avait donné des résultats.

Le succès de cette stratégie a été mis en évidence lors des élections générales de 2011. Le Parti conservateur avait alors finalement gagné la majorité des sièges à la Chambre des communes.

Il avait aussi remporté le vote populaire dans dix des treize provinces et territoires. Seuls Terre-Neuve-et-Labrador, le Québec et les Territoires-du-Nord-Ouest lui avaient échappé.

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Des propositions conservatrices trop peu souples

Cette fois-ci, le Parti conservateur n’a pas donné l’impression qu’il cherchait à rejoindre les électeurs et électrices des différentes régions du pays.

Oui, bien sûr, il a abordé des thèmes qui préoccupent une grande majorité de la population : le cout de la vie, la hausse de la criminalité, l’établissement des seuils d’immigration, la question de l’approvisionnement en énergie, les investissements dans les forces armées, sans oublier l’imposition des tarifs douaniers américains.

Mais les solutions offertes ont été des solutions très «conservatrices» : baisses d’impôt, abolition de la règlementation, durcissement des peines pour les coupables d’un acte criminel, imposition d’un corridor énergétique, etc. Ces propositions plaisent à une certaine base conservatrice, mais pas à la majorité de la population canadienne.

Elles sont aussi des solutions «mur à mur». Elles ne ciblent pas des problématiques locales.

Il ne suffit pas de promettre d’abolir le péage sur le Pont de la confédération entre l’Île-du-Prince-Édouard et le Nouveau-Brunswick ou encore de s’engager à financer le remplacement du pont de la rivière Coquitlam en Colombie-Britannique.

— Geneviève Tellier

Il faut offrir une stratégie d’avenir pour le développement économique et le bienêtre des collectivités, que ce soit celles de l’Atlantique, de la côte ouest ou d’ailleurs au pays.

Bref, la souplesse qui avait fait la force de Stephen Harper n’a pas été au rendez-vous.

Par conséquent, les conservateurs n’ont remporté le vote populaire que dans trois provinces et territoires (Manitoba, Saskatchewan, Alberta) aux dernières élections, même si un nombre record de personnes ont voté pour le Parti conservateur.

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Pourquoi la population canadienne n’élit-elle pas le Parti conservateur?

Mais ce qui est plus inquiétant pour les conservateurs, c’est que plusieurs parmi eux ne semblent pas comprendre pourquoi le public votant n’a pas voulu les appuyer. Certains même ne se gênent pas pour reprocher aux électeurs et électrices de ne pas avoir voté pour eux.

La récente sortie de Danielle Smith, première ministre de l’Alberta, est très révélatrice à cet égard.

Elle met en garde le pays, disant pour l’essentiel qu’en continuant à ne pas élire un gouvernement fédéral conservateur, la population canadienne ne devrait pas se surprendre si de plus en plus de personnes en Alberta songeaient à appuyer l’indépendance de leur province.

Il s’agit ni plus ni moins d’une forme de chantage : «Voter pour nous, sinon…»

Jouer à l’autruche

Mais la première ministre Smith n’est pas la seule à refuser d’examiner les causes réelles de l’échec du Parti conservateur. Son chef, Pierre Poilievre, semble, lui aussi, ne pas voir la réelle source du problème.

Pas question pour lui de changer le message. Il estime plutôt que c’est la manière dont ce message a été transmis qui est à revoir. Il attribue donc sa défaite à un problème de communication.

Une telle attitude explique sans doute pourquoi il a jugé bon de se présenter dans une circonscription très conservatrice de l’Alberta pour retrouver un siège à la Chambre des communes.

Pourtant ce n’est pas en s’éloignant de l’Ontario qu’il va réussir à être plus à l’écoute des gens d’un peu partout au pays. En fait, il ne fait que renforcer l’idée que son parti est, tout compte fait, un parti régional.

— Geneviève Tellier

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Les instances du Parti conservateur pourront-elles rectifier le tir?

Ici aussi, le doute est permis. Les députés conservateurs se sont octroyé le pouvoir de contester le leadeurship de Pierre Poilievre à n’importe quel moment d’ici la prochaine élection. Il s’agit de la même disposition qui avait été adoptée et utilisée rapidement contre Erin O’Toole après la défaite électorale de 2021.

Mais Erin O’Toole avait été renvoyé par son caucus parce qu’on avait estimé qu’il avait amené le Parti conservateur trop au centre.

La leçon à tirer est probablement que tant que Pierre Poilievre gardera son parti à droite, il pourra compter sur l’appui de son caucus. Mais ce n’est pas ça qui aidera à refaire l’image du Parti conservateur pour qu’il soit réellement perçu comme étant un parti national vers lequel l’électorat canadien a envie de se tourner.

Geneviève Tellier est professeure à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa. Ses recherches portent sur les politiques budgétaires des gouvernements canadiens. Elle commente régulièrement l’actualité politique et les enjeux liés à la francophonie dans les médias de tout le pays.

Le ministre responsable des Langues officielles sera Steven Guilbeault, qui détient aussi le portefeuille de l’Identité et de la Culture canadiennes.

Photo : Inès Lombardo – Francopresse

Avec des informations de Julien Cayouette

Le ministre des Langues officielles redevient un portefeuille officiel, mais reste entre les mains du Québécois Steven Guilbeault, qui garde également le ministère de l’Identité et de la Culture canadiennes. Le portefeuille des Langues officielles avait été intégré à ce ministère lors du précédent cabinet de Mark Carney.

Dans un communiqué, la présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA), Liane Roy, affirme : «Avec le rétablissement du portefeuille des Langues officielles, on a l’impression d’avoir été entendus.»

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Geneviève Tellier, professeure à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa et chroniqueuse pour Francopresse, observe aussi une «déception» du côté des ministres francophones hors Québec : «On n’a pas envoyé un message que la francophonie canadienne est importante.»

La professeure Tellier souligne que le ministre responsable des Langues officielles est Québécois.

Le ministre acadien Dominic LeBlanc, proche de Justin Trudeau, reste au gouvernement Carney en tant que président du Conseil privé du Roi pour le Canada et ministre responsable du Commerce Canada–États-Unis, des Affaires intergouvernementales et de l’Unité de l’économie canadienne. 

Photo : Inès Lombardo – Francopresse

Cinq ministres francophones hors Québec

Dominic LeBlanc devient président du Conseil privé du Roi pour le Canada et ministre responsable du Commerce Canada–États-Unis, des Affaires intergouvernementales et de l’Unité de l’économie canadienne, un nouveau titre pour l’élu acadien.

Shafqat Ali, élu en 2021, mais nouveau venu au Cabinet, sera à la tête du Conseil du Trésor, auparavant confié à l’Acadienne Ginette Petitpas Taylor. Cette dernière a pour sa part été évincée du Conseil des ministres.

Rebecca Alty, élue cette année députée aux Territoires du Nord-Ouest (T. N.-O.), devient ministre des Relations Couronne-Autochtones. Elle a été mairesse de Yellowknife.

Rebecca Chartrand, nouvelle députée franco-manitobaine Anishinaabe, a œuvré au sein de la francophonie communautaire. Elle remplace un autre franco-manitobain autochtone, Dan Vandal, qui avait renoncé à se représenter dans la circonscription Saint-Boniface–Saint-Vital, à Winnipeg. Elle sera chargée du ministère des Affaires du Nord et de l’Arctique et ministre responsable de l’Agence canadienne de développement économique du Nord.

Rebecca Chartrand est une Anichinabée bilingue et a été nommée ministre des Affaires du Nord et de l’Arctique et ministre responsable de l’Agence canadienne de développement économique du Nord. 

Photo : Inès Lombardo – Francopresse

La cinquième ministre francophone en situation minoritaire est Lena Metledge Diab, ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté (IRCC). Députée fédérale depuis 2021 en Nouvelle-Écosse, elle a déjà été ministre de l’Immigration au niveau provincial.

L’Ontarien David J. McGuinty, bilingue, passe de la Sécurité publique à la Défense nationale.

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Autres portefeuilles d’importance

La plupart des portefeuilles importants restent chez d’anciens ministres de Justin Trudeau, notamment Dominic LeBlanc et Mélanie Joly (ministre de l’Industrie), tous deux impliqués dans les négociations avec Donald Trump.

Le Québécois François-Philippe Champagne hérite des Finances et du Revenu national, nouveau titre accolé aux Finances.

Sean Fraser, ancien ministre de l’Immigration puis du Logement, devient ministre de la Justice et procureur général du Canada, ainsi que ministre responsable de l’Agence de promotion économique du Canada atlantique.

Shaqfan Ali, qui fait partie des nouveaux venus au Cabinet, sera le président du Conseil du Trésor. 

Photo : Inès Lombardo – Francopresse

Il avait annoncé quitter la politique en décembre 2024 pour des raisons familiales, mais il a décidé de revenir en politique lors de la dernière campagne électorale pour la circonscription de Nova-Centre, en Nouvelle-Écosse.

Chrystia Freeland reste aux Transports et au Commerce intérieur.

C’est Steven MacKinnon qui sera leadeur du gouvernement à la Chambre. Ce bureau coordonne les activités du gouvernement en Chambre et de gérer le programme législatif.

L’Emploi, les Familles et la responsabilité de l’Agence fédérale de développement économique pour le Nord de l’Ontario vont à Patty Hajdu, auparavant responsable des Relations Couronne-Autochtones.

Les nouveaux venus avec de gros ministères sont Gregor Robertson, ministre du Logement et de l’Infrastructure et ministre responsable de Développement économique Canada pour le Pacifique.

La Québécoise Marjorie Michel, ancienne cheffe adjointe au bureau de Justin Trudeau, devient ministre de la Santé.

La ministre des Services aux Autochtones, Mandy Gull-Masty, a été la première femme à être élue à la tête du Grand Conseil des Cris du Québec.

Sean Fraser devient ministre de la Justice et procureur du Canada et Steven McKinnon sera le leadeur du gouvernement en Chambre. 

Photo : Inès Lombardo – Francopresse

Un cabinet «plus petit et concentré»

Lors de son discours, le premier ministre Mark Carney a commencé par souligner que l’électorat canadien lui avait donné le mandat fort pour redéfinir une nouvelle relation économique et sécuritaire avec les États-Unis et construire l’économie «la plus forte du G7».

Il a l’intention de mettre en place une réduction des impôts d’ici le 1er juillet. Ses autres priorités comprennent le logement, la défense, la justice et l’immigration.

«Notre gouvernement va livrer son mandat pour le changement avec urgence et détermination. Nous allons le faire avec une nouvelle équipe, construite spécifiquement pour ça. Un cabinet plus petit et concentré que ceux des gouvernements précédents.»

Au moment de l’assermentation, le Parti libéral était à deux sièges d’une majorité. Mark Carney a dit vouloir travailler en collaboration avec tous les partis pour atteindre ses objectifs.

Selon Geneviève Tellier, Mark Carney a «réussi» une «démarcation claire» avec son prédécesseur, Justin Trudeau, en nommant ce Cabinet.

Pour la politologue, «on a rebrassé les cartes […] on n’a à peu près rien gardé de Trudeau». «Les ministres qui performaient ont gardé un portefeuille, pas nécessairement le même», ajoute-t-elle.

Tout le pays représenté?

Sans compter les secrétaires d’État, neuf provinces sur dix sont représentées, ainsi que les Territoires du Nord-Ouest.

La politologue Geneviève Tellier affirme que Mark Carney aurait pu mieux faire sur ce point. «Est-ce qu’on n’aurait pas pu aller chercher la Saskatchewan? Je pense que oui.»

Elle trouve notamment préoccupant que Buckley Bélanger soit seulement secrétaire d’État : «Ça veut dire qu’il ne sera pas de suite à toutes les réunions du Cabinet. La voix de la Saskatchewan ne sera pas toujours entendue.»

Geneviève Tellier affirme aussi qu’un ministre de plus issu de l’Alberta aurait été envisageable.

Elle reconnait toutefois que, au vu des autres équilibres à respecter dans la composition du Cabinet, comme la parité – atteinte parmi les ministres –, elle «peut comprendre». Un point que Mark Carney a lui-même souligné en conférence de presse, insistant sur la «difficulté» de choisir.

François-Philippe Champagne conserve son siège de numéro deux du gouvernement, au ministère des Finances et du Revenu national. Mélanie Joly devient ministre de l’Industrie et responsable de Développement économique Canada pour les régions du Québec. Joanne Thompson, à gauche, est ministre des Pêches. 

Photo : Inès Lombardo – Francopresse

Des secrétaires d’État réintroduits

Le titre de secrétaire d’État n’a pas été utilisé depuis le gouvernement de Stephen Harper. Contrairement aux ministres, les secrétaires d’État ne siègent pas au Cabinet, mais peuvent y être invités – ainsi qu’aux comités parlementaires – lorsqu’une question liée à leur dossier est débattue en Chambre.

Dix ont été nommés aujourd’hui. Le seul francophone originaire de l’extérieur du Québec est Buckley Belanger, secrétaire d’État pour le Développement rural. Il a été député provincial de la Saskatchewan dans la circonscription Desnethé–Missinippi–Rivière Churchill pour le Nouveau Parti démocratique (NPD) jusqu’en 2021, avant de se lancer en politique fédérale.

Les Québécoises Nathalie Provost, survivante de la tuerie de Polytechnique, et Anna Gainey deviennent respectivement secrétaires d’État à la Nature et secrétaire d’État de l’Enfance et de la Jeunesse.

En plus de demander un ministre des Langues officielles, la Fédération de la jeunesse canadienne-française (FJCF) appelait à la création d’un ministère de la Jeunesse. Une possibilité qui n’a pas été évoquée par le Parti libéral pendant la campagne, avait regretté le président de l’organisme, Simon Thériault.

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Les nouveaux venus

Le fait qu’il y ait autant de nouveaux venus – 15 sur 28 ministres – n’est pas un désavantage, selon la professeure Geneviève Tellier. «Ce sont des personnes qui sont nouvelles en politique ne sont pas nouvelles ailleurs. Il y en a qui ont eu des postes importants.»

La politologue fait aussi remarquer que Tim Hodgson, ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, était un proche collaborateur de M. Carney. «Il a été président d’Hydro One. Là il s’en va pour l’Énergie, donc il connait le dossier.»

Ministres

Secrétaires d’État

Au Nouveau-Brunswick, province officiellement bilingue, les patientes et patients francophones font encore face à d’importants obstacles linguistiques dans le système de santé, en dépit des obligations légales.

Une étude exploratoire sur la discordance linguistique a mis ces obstacles en lumière. Elle a été présentée le mardi 6 mai lors d’un colloque tenu dans le cadre du 92ᵉ Congrès de l’Acfas.

«Les patients se sentent souvent coupables de demander un service en français, même lorsqu’ils connaissent leurs droits», ont affirmé les autrices de l’étude, Shayna-Eve Hébert et Isabelle Violette, chercheuses à l’Université de Moncton.

Reposant sur 12 entrevues qualitatives, menées entre juin et novembre 2024 avec des francophones atteints de maladies chroniques, cette recherche met l’accent sur l’expérience vécue, les émotions et les stratégies de contournement déployées par les patients pour accéder à des soins dans leur langue.

L’étude révèle que la discordance linguistique – c’est-à-dire un décalage entre la langue du patient et celle utilisée par le professionnel de la santé – entraine des effets concrets, mais souvent invisibles.

«Cette discordance ne se limite pas à la langue parlée : elle inclut aussi un vocabulaire trop technique ou un accent difficilement compréhensible, notamment dans les échanges avec certains spécialistes», précise Shayna-Eve Hébert, doctorante en sociolinguistique.

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Le 92ᵉ Congrès de l’Acfas en bref

Le congrès annuel de l’Acfas est le plus grand rassemblement scientifique multidisciplinaire de la francophonie. Il a eu lieu cette année à Montréal du 6 au 10 mai 2025. Il y a eu plus de 240 colloques scientifiques et conférences en ligne et en présentiel ainsi que des activités spéciales, grand public et de vulgarisation scientifique.

Impact sur la santé

«Au-delà des difficultés de communication, la discordance linguistique provoque des effets émotifs, identitaires, mais aussi physiques», relève pour sa part Isabelle Violette, professeure de sociolinguistique au campus de Moncton.

Selon Isabelle Violette (en noir), le manque d’information claire dans leur langue maternelle compromet la capacité des patients à prendre des décisions éclairées. 

Photo : Courtoisie

Les chercheuses rapportent des témoignages de patients évoquant de l’anxiété accrue ou une hausse de la pression artérielle.

«Plus on progresse dans le système de santé – notamment vers les soins spécialisés –, plus il faut faire des concessions linguistiques. Dans ces services, il n’y a souvent plus d’option pour recevoir des soins en français», résume Isabelle Violette.

Selon elle, le fardeau repose en grande partie sur les épaules des patients francophones, qui doivent s’adapter à un système «anglo-dominant», marqué par une distribution inégale du bilinguisme, surtout dans les régions rurales ou éloignées.

«Cette discordance n’est pas qu’un obstacle pratique : elle s’inscrit dans une dynamique plus large de minorisation linguistique, où les patients francophones doivent constamment s’ajuster, parfois au détriment de leur santé», a souligné Mme Violette.

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Réaffirmer l’offre active

Les chercheuses insistent sur l’importance de renforcer l’offre active, un principe qui veut que les services en français soient proposés de manière proactive, sans que les patients aient à les réclamer. «Cela permettrait de recentrer la responsabilité sur le système de santé, plutôt que sur les individus eux-mêmes», insiste Shayna-Eve Hébert.

Le colloque sur l’offre des services de santé dans les langues minoritaires du 92e congrès de l’Acfas a mis en lumière les défis et avancées liés à l’accès aux soins dans la langue du patient. 

Photo : Courtoisie

Parmi les recommandations avancées figurent l’affichage de la langue de préférence sur les bracelets hospitaliers, la création d’un répertoire linguistique du personnel et un meilleur jumelage linguistique entre soignant et patient.

Pour améliorer la collecte de données sur la réalité linguistique des soins, les chercheuses proposent également la mise en place d’une base de données administrative contenant des variables linguistiques et l’instauration d’un journal de bord tenu par les patients, afin de mieux documenter leur parcours linguistique dans le système de santé.

Mesurer autrement l’accès aux soins linguistiques

Une autre étude, présentée au même colloque par Patrick Timony de l’Université Laurentienne de Sudbury en Ontario, propose de repenser la façon dont est mesuré l’accès aux soins de santé dans la langue du patient.

En ce sens, Patrick Timony critique les approches traditionnelles qui utilisent les ratios de médecins francophones par nombre de francophones et qui, selon lui, surestiment l’accès réel des francophones aux soins en français.

«Les francophones ne sont pas les seuls à consulter les médecins francophones. Il faut tenir compte de la concurrence linguistique intergroupe pour évaluer l’accès réel», explique-t-il.

Se basant sur les données du recensement de 2021 ainsi que sur celles de l’Ordre des médecins et chirurgiens de l’Ontario, l’étude prend cette province comme exemple.

La nouvelle approche présentée par Patrick Timony a révélé qu’il y a, en Ontario, 0.09 médecin francophone par 1000 habitants. 

Photo : Courtoisie

Ainsi l’approche suggérée propose des ratios ajustés et des probabilités d’accès réelles. Selon ses calculs, les anglophones sont assurés à 100 % d’être servis dans leur langue tandis que les francophones, eux, n’ont que 11,4 % de chances d’être jumelés à un médecin francophone.

«En d’autres mots, un anglophone a 8,8 fois plus de chances d’être servi dans sa langue qu’un francophone», souligne Patrick Timony.

Le chercheur note que paradoxalement, dans les régions à forte densité francophone, l’accès s’améliore, même si le nombre absolu de médecins francophones diminue, note le chercheur.

«Cela s’explique par une réduction de la concurrence linguistique : dans un environnement plus homogène, les soins en français sont plus facilement accessibles», relève ce doctorant en santé dans les milieux ruraux et du Nord à Université Laurentienne.

«Ces résultats remettent en cause l’idée que les francophones sont suffisamment desservis dans certaines régions. Le sentiment de sécurité linguistique ne suit pas toujours la concentration démographique», conclut le chercheur.

Il appelle à repenser les outils de planification en santé et à développer une cartographie linguistique fine des médecins et des communautés pour améliorer le jumelage linguistique patient-prestataire.

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Le Conseil des arts du Canada, la Société du Centre national des arts (CNA), le Musée des beaux-arts du Canada, le Musée canadien de l’histoire, entre autres, sont censés voir leurs dépenses diminuer au cours des prochaines années.

Patrimoine canadien, le ministère responsable, projette une baisse générale des financements accordés à ces entités. Deux raisons principales sont identifiées par le ministère dans une réponse par courriel : la fin des fonds d’urgence et temporaires liés à la pandémie de COVID-19 et le resserrement du budget général annoncé en 2023.

Le programme Cadre du marché culturel, qui doit favoriser «la création de contenu culturel canadien diversifié prisé ici et à l’étranger et l’accès à ce contenu», par exemple, devrait voir son financement coupé de moitié entre 2019 et 2027.

Des projections revues à la baisse

Pour l’enveloppe Créativité, arts et culture, Ottawa projette une diminution des dépenses de 100 millions de dollars entre 2019 et 2027. Le Fonds du livre du Canada, le Fonds de la musique du Canada et le Fonds des médias du Canada figurent parmi les programmes financés par cette enveloppe.

Yves Bergeron attend de voir le prochain budget fédéral. Il rappelle que les musées ont historiquement participé aux efforts diplomatiques du Canada. 

Photo : UQAM – cycles supérieurs en muséologie

Pour l’Apprentissage de l’histoire canadienne, le gouvernement estime que les dépenses vont diminuer jusqu’à environ 4,3 millions de dollars en 2026-2027. Le montant était de 9,2 millions en 2019-2020. Il s’agit d’une remise au niveau de financement régulier après des années de fonds supplémentaires, explique Patrimoine canadien dans un courriel.

Ottawa prévoit aussi une baisse des dépenses pour l’Office national du film (ONF) : une prévision de dépenses de 66,8 millions de dollars en 2026-2027. Depuis 2019, l’ONF présente des dépenses réelles plus basses que ses autorisations. 

Ces données sont publiées sur le site web du gouvernement du Canada.

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En temps de guerre

La réduction du financement a cependant été commandée à une époque différente. Avant que le président des États-Unis parle de tarifs douaniers et d’un 51e État.

«On pousse tellement l’identité canadienne récemment», remarque le professeur et expert en politiques culturelles de l’Université Saint-Paul, Christopher Gunther. «Je n’ai aucun doute que les musées vont pousser [dans] ce sens, si ce n’est pas déjà fait. […] Nos musées publics et institutions culturelles font la promotion et renforcent l’unicité canadienne.»

C’est ce qui, dans le cadre du contexte actuel avec les États-Unis, porte le professeur et expert en muséologie de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), Yves Bergeron, à croire qu’Ottawa va revoir ses dépenses.

Je répète aux directeurs et directrices de musées : «Oui, c’est vrai, ça va mal, mais attendez. On va voir quelle position vont adopter les différents paliers de gouvernement.» Les gouvernements ont besoin des musées. C’est une institution qui rapporte beaucoup aux plans économique et social.

— Yves Bergeron

«Là, on est dans une guerre commerciale, économique, et qui touche la souveraineté, rappelle-t-il. Dans toutes les périodes de conflits, crises économiques, je peux le démontrer depuis la Deuxième Guerre mondiale et même avant dans les années 1930, les gouvernements investissent en culture.»

Car les musées jouent un rôle politique et diplomatique, explique le chercheur. Historiquement, lors de moments comme la Seconde Guerre mondiale, les musées «se rangent toujours du côté du gouvernement».

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«Ça ne couvre pas l’inflation»

Dans sa plateforme électorale, le Parti libéral du Canada (PLC) de Mark Carney s’est engagé à augmenter le financement du Conseil des arts du Canada, du Fonds des médias du Canada, de l’ONF et de Téléfilm Canada.

Le Parti libéral du Canada n’avait pas répondu à nos questions au moment de publier.

Les prévisions actuelles de Patrimoine canadien projettent environ 37 millions de dollars de plus pour le Conseil des arts entre 2019 et 2025. «À mon avis, ça ne couvre pas l’inflation», estime Yves Bergeron.

Le Conseil n’a pas répondu à nos questions sur la suffisance des fonds, mais une porte-parole souligne par courriel les résultats d’un sondage mené par le Conseil en 2024 : «La majorité des répondants ont indiqué vivre une instabilité financière depuis deux ans […] Les répondants s’entendaient pour dire qu’il fallait du financement public supplémentaire pour aider le secteur à se transformer, à s’adapter et à s’inscrire dans la durée.»

La directrice générale, Stratégie et communication du CNA, Annabelle Cloutier, rappelle en entrevue que le CNA a un devoir de neutralité en tant que société d’État.

Ce sera intéressant de voir, une fois qu’un ministre sera nommé et que le cabinet sera formé, quels seront les engagements. On demeure en attente un peu comme tout le monde.

— Annabelle Cloutier

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Pandémie : la plaie est toujours ouverte

Pour les musées nationaux, dit Yves Bergeron, «il faudra surveiller de près le nouveau budget du gouvernement libéral». Il doute que les augmentations prévues à cette date soient suffisantes.

Non seulement à cause de l’inflation, mais aussi parce que «les musées n’ont pas tout à fait retrouvé le niveau de fréquentation de 2019 avant la pandémie. Ça veut dire moins de visiteurs, moins de revenus autonomes».

«Ça fait un bout que les musées [de façon générale] ne reçoivent pas un financement gouvernemental adéquat», déplore Christopher Gunther. 

Photo : École d’innovation sociale Élisabeth-Bruyère

Le Musée de l’histoire a refusé nos demandes d’entrevues, car il attend de voir ce que fera le nouveau gouvernement fédéral. Le Musée des beaux-arts nous a redirigés vers Patrimoine canadien, après avoir précisé par courriel qu’il complète le financement fédéral par ses propres moyens.

Dans son rapport annuel 2023-2024, ce musée écrit : «Les niveaux de financement posent des difficultés pour nos programmes publics, nos recherches, nos collections et notre capacité à préserver la collection nationale.»

«Nous avons besoin de financement supplémentaire pour les nouvelles exigences, comme la numérisation et les programmes virtuels, les programmes autochtones, le rayonnement national et l’accessibilité. L’inflation entraine une hausse des couts et une réduction de notre pouvoir d’achat (les crédits parlementaires ne sont pas indexés) et les ajustements salariaux visant à attirer et maintenir en poste le personnel ne sont financés que partiellement», lit-on encore.

Les crédits parlementaires constituaient 71 % du budget total en 2023-2024.

Les musées ne dépendent pas uniquement du financement fédéral, rappelle Christopher Gunther. Celui-ci estime tout de même que les financements publics devront être revus, «surtout si l’on regarde notre volonté de développer nos industries culturelles et nos musées».

Il y a une différence entre se tenir la tête au-dessus de l’eau et développer, dit-il. «Je me demande ce que ça pourrait vouloir signifier pour les futurs plans de diversifier [les projets] ou d’inclure de nouveaux services.»

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Quand on parle de réfugiés climatiques, on pense rarement au Canada. Pourtant, ici aussi, des milliers de personnes sont contraintes de fuir leur maison à cause des incendies, des inondations, des tempêtes ou de phénomènes plus longs, comme l’érosion et la montée des eaux.

Peut-on parler de «réfugiés climatiques»?

Si l’appellation «réfugié climatique» n’existe pas au sens juridique du terme, l’Office québécois de la langue française (OQLF) parle aussi de «migrant climatique» pour désigner «une personne ayant quitté son lieu d’habitation, de façon temporaire ou permanente, à cause d’une dégradation environnementale spécifiquement liée aux changements climatiques et bouleversant gravement ses conditions de vie».

D’Ouest en Est

«À l’Ouest, il y a beaucoup de communautés dans les montagnes qui sont exposées à des risques multiples, comme les incendies de forêt, les inondations, les glissements de terrain», amorce Robert McLeman, professeur au Département de géographie et d’études environnementales à l’Université Wilfrid-Laurier à Waterloo, en Ontario.

S’il s’agit généralement de petites villes isolées, toutes les provinces et tous les territoires sont touchés par ce type d’évènements extrêmes, précise-t-il.

«Ces évènements se produisent régulièrement. L’Ouest canadien a connu de nombreux incendies terribles ces dernières années.»

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Témoignage d’une évacuée francophone

«Ça s’est fait très précipitamment. On a été mis sur un pied d’alerte vers 5 h le soir, puis peut-être une heure après, tout le monde a été évacué», se souvient Julie Cayouette, résidente francophone de Labrador City, à Terre-Neuve-et-Labrador.

L’été dernier, face à la progression rapide d’un incendie de forêt, toute la population de la ville a dû être évacuée en urgence. Près de 10 000 personnes ont dû se rendre à Happy Valley-Goose Bay, 530 km plus loin.

Pour cette native de la région, c’était une première : «On a toujours eu des feux, mais on n’avait pas d’opportunité d’évacuation. On était ici, tout était contrôlé.»

Cette fois, les vents violents et la sècheresse ont rendu la situation incontrôlable : «Le feu se rapprochait rapidement. Il ventait énormément», raconte-t-elle.

L’évacuation vers Happy Valley-Goose Bay a duré près de 11 heures pour certains, en raison notamment des longues files d’attente dans les stations-service : «Il y avait tellement de monde… c’était malade.»

Puis la population a été prise en charge par la municipalité et la Croix-Rouge. «Il y avait des lits, des draps, une cantine mobile. Ils nous ont vraiment très bien accueillis.» Le retour à Labrador City n’a pu se faire qu’au bout de dix jours.

En tant que francophone, Julie Cayouette souligne l’importance dans ces moments de crise «de faire passer l’information en français». Elle prévoit siéger au comité d’urgence pour faire avancer cette cause.

Si, dans la plupart des cas, ces déplacements sont temporaires et les gens peuvent regagner leur domicile rapidement, certaines communautés subissent plus durement les effets de ces désastres naturels.

Les inondations posent de très graves problèmes pour les communautés autochtones du centre et du nord du Manitoba. Les personnes peuvent être déplacées pendant de très longues périodes, parfois des années, parce que leur communauté a été inondée et que le gouvernement a été très lent à reconstruire.

— Robert McLeman

Donald Jardine souligne que les résidents des Îles-de-la-Madeleine, au Québec, sont également touchés par les changements climatiques. 

Photo : Courtoisie

L’est du pays n’est pas en reste. «L’intensité des tempêtes s’est accrue avec le changement climatique», remarque Donald Jardine, chercheur au sein du laboratoire sur le climat de l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard, faisant notamment référence au cyclone posttropical Fiona qui a ravagé les provinces de l’Atlantique en 2022.

«Et comme nous sommes une ile et que notre substrat rocheux est sédimentaire, composé de grès et de sable, nous n’avons pas de fondations très solides. Nous sommes donc très sensibles aux ravages des tempêtes qui frappent notre littoral.»

La Première Nation de Lennox Island, à l’Île-du-Prince-Édouard, est particulièrement à risque. Ces dernières années, le quai a fait l’objet d’importants travaux de modernisation, car il a été plusieurs fois inondé, rendant l’ile inaccessible en cas de tempête, explique le chercheur.

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Les populations autochtones à risque

Selon Services aux Autochtones Canada, entre 2009 et 2013, les Premières Nations vivant en réserve ont été touchées par en moyenne 28 incendies de forêt par an. Entre 2018 et 2023, ce nombre a augmenté de 127 %, atteignant en moyenne 63 incendies par année.

Les Premières Nations sont affectées de manière disproportionnée par les situations d’urgence et les évacuations. Entre 2009 et 2023, plus de 177 000 membres vivant dans une réserve ont dû être évacués en raison d’un danger naturel.

«Pour l’instant, les réfugiés climatiques au Canada sont presque uniquement les peuples autochtones», confirme la chercheuse Isabelle Côté.

Des solutions «au cas par cas»

Les solutions proposées aux populations déplacées se font souvent «au cas par cas», constate Robert McLeman.

Il prend l’exemple de la Première Nation du lac Saint-Martin, au Manitoba. «Elle a été inondée et il a été décidé que l’endroit était trop dangereux et que les gens ne devaient pas reconstruire là.»

Pendant près de deux ans, les membres de cette communauté ont vécu dans des hôtels à Winnipeg et ailleurs, en attendant que le gouvernement tente de trouver une solution.

«Dans les montagnes de la Colombie-Britannique, nous voyons des gens construire de grandes maisons et des complexes touristiques dans des zones exposées aux incendies, aux inondations et aux glissements de terrain», déplore Robert McLeman.

Photo : Courtoisie

«Le problème avec les communautés des Premières Nations, c’est qu’il y a plusieurs niveaux de gouvernement impliqués : le national, le fédéral, le provincial et celui des communautés.»

«Il y a un certain nombre de petites communautés des Premières Nations au Canada qui vont devoir déménager», ajoute Robert McLeman, citant Tuktoyaktuk, un village Inuvialuit situé aux Territoires du Nord-Ouest, menacé par les tempêtes, la montée des eaux et l’érosion.

«Le gouvernement commence déjà à planifier l’endroit où il va déplacer la communauté. Il s’agira probablement d’un endroit situé plus à l’intérieur des terres, sur un terrain plus élevé, et il faudra reconstruire une grande partie des infrastructures.»

D’autres communautés dans le Nord du pays seront dans la même situation dans les 20 à 30 prochaines années, prévient le professeur.

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Un trauma supplémentaire

«Les Autochtones ont des liens de longue date avec la terre, l’eau, la chasse, la pêche, la spiritualité. C’est donc un véritable défi pour eux s’ils doivent être déplacés», rappelle le professeur Robert McLeman.

La plupart d’entre eux ont déjà été contraints de quitter leur territoire par le passé. Le chercheur cite le cas des habitants de Tuktoyaktuk, qui ont été déplacés dans ce village des Territoires du Nord-Ouest par le gouvernement canadien dans les années 1950.

«Les personnes réinstallées ont subi beaucoup de traumatismes et de difficultés. Aujourd’hui, leurs descendants, leurs petits-enfants, se retrouvent dans une situation où ils devront à nouveau déménager.»

«Les membres de la communauté doivent être activement impliqués dans le processus, alerte-t-il. Le gouvernement ne peut pas se contenter de dire : “OK, vous devez tous déménager. Maintenant, allez ici.” Cela ne peut plus fonctionner de cette manière.»

Le cas des relocalisations à Terre-Neuve

Certaines régions commencent à envisager de mettre en œuvre des politiques de relocalisation pour les communautés exposées.

Selon la chercheuse Isabelle Côté, les relogements liés aux changements climatiques soulèvent des questions profondes sur notre lien au passé.

Photo : Courtoisie

Ce phénomène n’est pas nouveau à Terre-Neuve-et-Labrador, rapporte Isabelle Côté, professeure agrégée au Département de Science Politique à l’Université Memorial, à Terre-Neuve.

Pour des raisons économiques et de centralisation des ressources, le gouvernement de la province a déjà procédé à plusieurs programmes de réinstallation depuis les années 1950.

Elle prend l’exemple récent du petit village insulaire de Little Bay Islands, dont les habitants ont été relocalisés en 2019. Les résidents permanents ont accepté de quitter leur ile en échange d’une compensation financière de 250 000 dollars. L’objectif était double pour la province : réduire les couts de services – comme le traversier – et permettre aux habitants de se réinstaller ailleurs.

Avec l’érosion côtière grandissante, la question des relocalisations refait surface dans l’actualité dans les Maritimes, cette fois pour des raisons climatiques. «Il y a de plus en plus de communautés dont les maisons sont vraiment sur les façades et peuvent être emportées par les marées», souligne Isabelle Côté.

Des solutions et des illusions

«Il est important de renforcer la coordination entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux pour s’assurer de la planification des urgences, car nous connaissons les risques […] Ces évènements se multiplieront à l’avenir», avance Robert McLeman.

Ce qui se passe souvent à l’heure actuelle, c’est que nous nous en rendons compte au fur et à mesure. Nous devons être plus proactifs dans notre planification. Les autorités locales doivent essayer de décourager le développement d’infrastructures dans des endroits exposés à des risques.

— Robert McLeman

Le chercheur rappelle aussi que toute personne a la responsabilité de se préparer aux urgences.

«D’après mon expérience, plus il s’écoule de temps entre la dernière tempête et la suivante, plus la mémoire des gens s’effrite», soulève Donald Jardine. Cependant, la hausse des primes d’assurance les ramène à la réalité.

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Le premier ministre canadien aurait réussi sa mission, selon plusieurs analystes politiques, lors de sa visite avec le président des États-Unis, Donald Trump.

Point de départ : Alors que Mark Carney avait brisé la tradition en allant avant tout voir les chefs d’État européens et non son homologue américain, il a fini par aller à la Maison-Blanche, mardi.

Le premier ministre avait limité les attentes avant de se rendre à Washington. Il ressort de sa rencontre sans avoir convaincu Donald Trump de mettre fin aux tarifs douaniers sur des produits canadiens ou d’arrêter de parler de 51e État.

Mais il a tenu tête au président sur certains points tout en évitant de le confronter sur d’autres. Il a notamment rappelé que «le Canada n’est pas à vendre, il ne le sera jamais».

Un pari réussi pour les premiers ministres des provinces réunis dès le lendemain. Ils se sont aussi mis d’accord sur une approche «un projet, un examen», rapporte le bureau du premier ministre Carney, pour accélérer les projets provinciaux.

Le premier ministre du Québec, François Legault, a rappelé de son côté qu’il comptait sur une aide fédérale pour l’extraction des minerais québécois ou le projet d’un pipeline.

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Pierre Poilievre brigue la circonscription albertaine de Battle River–Crowfoot. 

Photo : Inès Lombardo – Francopresse

Les députés conservateurs ont choisi Andrew Scheer comme leadeur parlementaire pour la reprise des travaux à la Chambre des Communes. Chef du parti en 2017 et 2020, il s’était fait montrer la porte en 2020 par son caucus.

Réchauffer la chaise : Ce proche de l’actuel chef du Parti conservateur, Pierre Poilievre, mènera la période de questions face à Mark Carney en attendant que ce dernier retrouve, s’il est élu lors d’une élection partielle, son siège aux Communes. Ayant été défait dans sa circonscription lors de la dernière élection fédérale, Pierre Poilievre briguera celle de Battle River–Crowfoot, que le député conservateur Damien Kurek lui a cédée.

Le caucus a également voté à la majorité une disposition leur permettant de montrer la porte à Pierre Poilievre, en vertu de la Loi sur la réforme des partis, adoptée en 2014.

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Don Davies a pris l’intérim de la direction du Nouveau Parti démocratique (NPD) après la défaite et la démission de Jagmeet Singh. 

Photo : Courtoisie Facebook

Le député de Vancouver Kingsway Don Davies, réélu à la Chambre des Communes sous la bannière du Nouveau Parti démocratique (NPD), est devenu chef intérimaire du parti, après la démission de Jagmeet Singh.

Ce dernier a perdu sa circonscription de Burnaby Sud, en périphérie de Vancouver, face aux libéraux.

La semaine dernière, le Collectif canadien de journalisme (CCJ) a confirmé que 108 médias écrits ont reçu leur premier paiement venant des 100 millions de dollars versés par Google. Le géant du Web remet en raison de son accord de dérogation à la Loi sur les nouvelles en ligne, adoptée en 2023. 

L’enjeu : La Loi contraint les géants du Web à compenser les médias canadiens pour la redistribution de leurs contenus sur leurs plateformes.

«Aujourd’hui, nous démontrons que notre modèle de référence mondial est en action, garantissant que les géants du Web rémunèrent les médias d’information de manière équitable et juste dans tout l’écosystème de l’information du Canada», a déclaré la directrice générale du Collectif canadien de journalisme, Sarah Spring, par communiqué.

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Une marche pro-vie a réuni plus de 1000 personnes sur la Colline du Parlement, à Ottawa, le 8 mai. 

Photo : Inès Lombardo – Francopresse

En conférence de presse sur la Colline mardi – et à l’origine de la Marche pour la vie –, la Coalition nationale pour la vie (CNV) a demandé à Mark Carney de cesser «de laisser mourir des bébés qui ont survécu à l’avortement», selon George Buscemi, le porte-parole de la branche québécoise du groupe d’influence. Il demande la «protection de toute vie humaine dès la conception».

Un autre responsable de la CNV a affirmé en conférence de presse plus tôt que son mouvement avait soutenu des candidats de tous les partis, mais «aucun n’a été élu». Il a ajouté que si Pierre Poilievre a perdu, c’est parce qu’il a laissé du «ressentiment» s’enraciner parmi ses députés et la population pro-vie.

La directrice mondiale d’Amnistie internationale, Agnès Callamard, a tenu une conférence de presse lundi, Journée de la robe rouge au Canada (en hommage aux femmes, aux filles et aux personnes 2LGBTQI+ autochtones disparues et assassinées) et la veille de la rencontre de Mark Carney et de Donald Trump à la Maison-Blanche, pour lancer son «alerte maximale sur l’état des droits de la personne» dans le monde.

L’appel : «Nous appelons le monde à se réveiller sur la réalité, sans quoi ce moment historique se transformera en une dévastation historique», a-t-elle lancé, d’emblée.

Agnès Callamard fait état de la dégradation continue des droits de la personne, qui sont en chute libre, notamment au Soudan et à Gaza au premier rang.

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Le coup de canon a retenti le 23 mars. L’élection canadienne a été lancée et les efforts des partis fédéraux pour rejoindre l’électorat canadien ont commencé. Un projet qui est largement passé par les plateformes de Meta, comme Facebook et Instagram.

Lors des quatre dernières semaines de la campagne électorale, entre le 30 mars et le 28 avril, le Parti conservateur du Canada (PCC) a dépensé 2,7 millions de dollars en publicité auprès du géant du numérique. La facture du Parti libéral du Canada (PLC) était semblable, s’élevant à 2,6 millions.

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Mark Carney en tête

Si le PCC est le parti qui a le plus dépensé, parmi les chefs, c’est le libéral qui l’emporte. Mark Carney a déboursé 1,4 million de dollars entre le 30 mars et le 28 avril, loin devant son principal adversaire, le conservateur Pierre Poilievre, qui a dépensé 8 200 dollars.

Toutes ces données sont toutes disponibles sur le site Web de Meta.

Il a malheureusement été difficile d’obtenir des données pour la première semaine de campagne, c’est-à-dire du 23 au 29 mars. Toutefois, les informations recueillies par Who Targets Me permettent de brosser le portrait suivant pour cette période :

 

Par courriel, le Bloc québécois confirme avoir dépensé au total 116 000 dollars sur les plateformes de Meta durant la campagne électorale.

Le parti s’était fixé l’objectif de doubler ce montant pour l’investir dans des médias imprimés, numériques, télévisuels et radiophoniques québécois. «Dans les faits, nous avons quasiment triplé nos investissements faits au cours de cette campagne dans ces médias», écrit un porte-parole du parti.

Des dépenses critiquées

L’achat de publicités auprès de Meta est un sujet controversé et politisé, notamment depuis que le géant bloque les médias d’information sur ses plateformes au Canada.

La Presse canadienne a recensé plus de 900 000 dollars de publicités achetées dans la semaine qui a précédé le déclenchement de l’élection. Ces dépenses ont été durement critiquées par la présidente de Réseau.Presse – l’éditeur de Francopresse et qui regroupe une vingtaine de médias francophones en milieu minoritaire –, Maryne Dumaine.

Ce n’était pas la première fois qu’elle se désolait de voir la classe politique canadienne privilégier Meta par rapport aux médias d’information, qui eux, souffrent d’un manque de revenus publicitaires.

En début d’année, lorsque le gouvernement fédéral a recommencé à acheter de la publicité chez Meta pour la première fois depuis le début du blocage des nouvelles sur ses plateformes, Mme Dumaine a relevé une «contradiction» de la part d’Ottawa. Car si Meta bloque les médias, c’est parce qu’elle refuse de se soumettre à la Loi canadienne sur les nouvelles en ligne.

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Les radios communautaires ont aussi dénoncé les 900 000 dollars dépensés avant la campagne. Dans un communiqué, l’Association des radiodiffuseurs communautaires du Québec (ARCQ), l’Alliance des radios communautaires du Canada (ARCC) et l’Association des radios régionales francophones (ARRF) parlent d’une «incohérence des partis politiques fédéraux».

Elles estiment que les médias locaux auraient pu se partager la somme et rappellent que tous les partis soutiennent l’achat local, «un sentiment de patriotisme qui ne semble pas atteindre les politiciens dans leurs achats de publicités», peut-on lire dans leur déclaration.

Quebec Community Groups Network (QCGN) n’a pas souhaité commenter, mais dit par courriel qu’il comprend «que les campagnes politiques se déroulent de plus en plus sur les médias sociaux et que les partis intelligents doivent aller là où se trouvent les gens», faisant référence aux réseaux sociaux.

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«Rien de significatif», dit le NPD

«Nous avons délibérément investi beaucoup plus (des millions de dollars, NDLR) dans la télévision numérique, les services de diffusion en continu et la vidéo en ligne plutôt que sur les plateformes de Meta», assure de son côté un porte-parole du Nouveau Parti démocratique (NPD) dans une réponse par courriel. Selon lui, en comparaison, les dépenses du parti sur Meta ne représentent «rien de significatif».

Les partis conservateur, libéral et vert n’avaient pas répondu à nos questions au moment d’écrire ces lignes.

Les dépenses d’Élections Canada

Selon ses rapports préliminaires, Élections Canada a dépensé environ 1,4 million de dollars en publicité auprès de Meta pendant la campagne. Grâce aux données disponibles sur le site du géant américain, il est possible de constater que la page en français d’Élections Canada affiche des dépenses bien moins importantes que la page en anglais, «Elections Canada», qui fait état de plus d’un million de dollars.

«Le ratio de l’investissement des publicités dans les 2 langues officielles est représentatif de la population canadienne», explique l’institution dans une réponse par courriel.

Parmi les plateformes numériques étrangères où Élections Canada investit en publicité pour «s’assurer que tous les Canadiens disposent de l’information dont ils ont besoin pour s’inscrire et voter», Meta capte 9 % du budget, tandis que YouTube détient 5 % des parts.

Ces géants américains permettent de «joindre des clientèles moins exposées aux médias traditionnels et/ou médias canadiens», des clientèles spécifiques et de livrer beaucoup d’information (notamment dans une vidéo YouTube), justifie Élections Canada.

«Élections Canada privilégie les médias canadiens», écrit Élections Canada. 74 % des dépenses publicitaires prévues leur sont destinées.