Le Regroupement des éditeurs franco-canadiens et ses partenaires ont dévoilé le nom des lauréates le 21 février, à l’occasion du Salon du livre de l’Outaouais.
Le livre primé de Diya Lim, Éli Labaki et les gouttes de pluie, illustré par Jean-Luc Trudel et publié à la maison d’édition Bouton d’or Acadie, raconte l’histoire d’intégration d’une famille libanaise au Canada. Une façon pour l’autrice jeunesse de partager sa propre expérience d’immigration, puisqu’elle est elle-même née à l’étranger, à l’ile Maurice.
«Je ne suis pas libanaise, mais j’ai été inspirée par mes amies libanaises. Je suis allée vers elles et d’autres femmes libanaises et c’est en allant vers l’autre que l’autre vient vers nous», a-t-elle dit pendant son discours d’acceptation du prix.
Pour Diya Lim, les livres plurilingues permettent aux enfants de différentes cultures «de se sentir plus à l’aise».
Son travail de réviseure du programme d’éducation de l’Ontario l’amène à visiter plusieurs classes, et elle constate qu’il y a un besoin grandissant de livres pour enfants écrits en plusieurs langues ou présentant d’autres cultures, confie-t-elle en entrevue avec Francopresse.
«Ça aide à mieux inclure les élèves et aide les autres élèves qui sont déjà Canadiens, ou qui sont arrivés ici il y a quelques années et qui se sont bien intégrés, à s’ouvrir à d’autres cultures.»
L’intention de l’autrice a été comprise par le jury du Prix Champlain : «En adoptant une vision inclusive et réaliste, [ce livre] parvient à représenter fidèlement les expériences diverses de la société canadienne. C’est une célébration de l’unité dans la diversité», précise le communiqué.
Diya Lim signe des livres pour enfants depuis une quinzaine d’années. Son premier roman jeunesse, Amandine adore la cuisine, a remporté le prix littéraire Henriette-Major de 2011. Elle écrit en fait depuis qu’elle est toute jeune et a déjà beaucoup de titres à son actif.
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Le Prix Champlain a été créé en 1957 par le Conseil de la vie française en Amérique et met tous les ans à l’honneur des artistes littéraires qui, par leurs œuvres, contribuent à faire briller la langue française au Canada ainsi qu’à renforcer les liens entre le Québec et les francophones et francophiles de partout au pays.
Les lauréates de cette année ont été choisies par un jury composé de membres issus de divers horizons professionnels et des quatre coins du Canada.
Simone Chaput a remporté le volet adulte du Prix Champlain pour son roman Les mangeurs d’ortolans, publié chez Leméac Éditeur. Elle y raconte l’effondrement d’une famille, en apparence, idéale.
Elle n’était pas présente à la remise du prix. C’est son éditeur, Pierre Filion, qui a accepté cet honneur en son nom. Dans les remerciements lus par ce dernier, Simone Chaput déclare : «Le français est ma langue ancestrale. Le français est un pays que j’habite. Sa beauté, sa puissance, ne cesse de m’émerveiller.»
Simone Chaput n’a pas pu accepter son prix en personne, car elle était sur le point d’être grand-mère a dévoilé son éditeur, Pierre Filion.
Cette langue, elle la maitrise parfaitement, selon le jury : «C’est un roman écrit par une autrice en complète possession de ses moyens qui joue de la narration, de la profondeur comme d’autres peuvent jouer d’émotions simples et puériles.»
Née à Saint-Boniface, au Manitoba, Simone Chaput a étudié la littérature dans les établissements postsecondaires de sa province, à Toronto et en Europe. De retour chez elle, elle s’est consacrée à l’enseignement et a publié son premier roman, La Vigne arrière, en 1989.
L’autrice est une habituée des honneurs littéraires. Ses deux premiers romans ont reçu le prix littéraire La Liberté. Elle a déjà remporté le Prix Champlain, en 2014, pour son roman Un vent prodigue, qui lui a aussi valu le Prix des lecteurs Radio-Canada la même année.
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L’année 2024 a été la plus couteuse de l’histoire pour les assureurs canadiens. Elle s’est soldée par une facture de 8,5 milliards de dollars.
D’après les estimations de la firme CatIQ (Catastrophe Indices and Quantification), les évènements climatiques les plus onéreux de l’été 2024 ont été la tempête de grêle de Calgary, les inondations au Québec et dans le sud de l’Ontario, et les feux de forêt de Jasper, en Alberta. À elles seules, ces catastrophes ont couté plus de 7,1 milliards de dollars aux compagnies d’assurance.
Selon Sophie Guilbault, de plus en plus d’assureurs offrent des incitatifs financiers aux propriétaires qui rendent leur maison résiliente aux aléas. Elle évoque l’installation de clapets antirefoulement, de pompes de puisard contre les inondations ou encore de toitures résistantes à la grêle.
Le total des indemnisations pour les sinistres de 2024 s’élève à plus de dix fois le montant annuel versé entre 2001 et 2010 par les assureurs pour des désastres attribuables à des phénomènes météorologiques extrêmes, détaille Craig Stewart, vice-président, Changement climatique et Questions fédérales, du Bureau d’assurance du Canada (BAC).
«C’est une année exceptionnelle au niveau des pertes, et la tendance est très clairement à une hausse rapide depuis 2019», confirme la directrice des partenariats à l’Institut de prévention des sinistres catastrophiques, Sophie Guilbault. Cet organisme a été créé par l’industrie canadienne de l’assurance de dommages.
À l’accumulation des risques climatiques s’ajoute l’explosion des couts d’indemnisation, liée à l’inflation, à la croissance de la population et à la concentration de l’habitat dans des zones surexposées aux aléas.
«La proportion et la densité de la population dans les plaines inondables, le long des côtes ou en lisière de forêts augmentent», appuie Sophie Guilbault.
«C’est un accident historique. Les premiers colons européens ont fondé des communautés près des cours d’eau et, aujourd’hui, on continue de densifier ces communautés alors même que l’on connait les dangers», ajoute le directeur de la recherche en adaptation à l’Institut climatique du Canada (ICC), Ryan Ness.
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Dans son rapport Des risques à nos portes publié le 6 février, l’ICC appelle les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux à encadrer de façon rigoureuse le développement résidentiel et à favoriser les investissements dans le logement et les infrastructures dans les zones à faible risque.
En vertu des règles actuelles d’aménagement trop laxistes, environ 10 % des 5,8 millions de nouvelles habitations prévues au Canada d’ici 2030 seraient susceptibles de se retrouver dans des zones inondables, peut-on lire dans l’étude.
Selon Ryan Ness de l’ICC, il suffirait pour les gouvernements de rediriger un petit pourcentage des nouveaux bâtiments en lieu sûr, loin des risques d’inondations et de feux de forêt, pour prévenir des milliards de dollars de dommages et protéger la population.
Le responsable recommande une révision des programmes d’aide aux sinistrés pour décourager la construction risquée, en rendant inadmissibles à l’aide publique les maisons récemment construites dans les zones les plus à risque.
En toile de fond se pose la question de la capacité d’assurer les biens et les personnes dans un monde profondément affecté par le dérèglement climatique.
Craig Stewart explique que la hausse des primes d’assurance des dernières années est due à l’accroissement des dommages causés par les catastrophes naturelles, «mais aussi à l’augmentation des couts de reconstruction depuis la COVID-19».
Car pour assurer, il faut à la fois être capable d’estimer la probabilité qu’un sinistre se produise et pouvoir compter sur le fait que tous les aléas couverts ne surviennent pas simultanément.
«Si les catastrophes naturelles deviennent récurrentes, il arriverait un point critique où l’institution de l’assurance pourrait casser et devenir absolument inabordable», prévient Ryan Ness.
L’impossibilité de s’assurer est déjà une réalité pour une partie de la population. Selon Craig Stewart du BAC, à l’heure actuelle, environ 10 % des propriétaires au Canada qui sont exposés à un risque élevé d’inondation n’ont plus accès à une assurance contre ce type de calamité. Cela représente quelque 1,5 million de personnes.
«Les assureurs ont préféré se retirer de certaines régions près des rivières ou proches de l’océan, car la probabilité des risques d’inondation ou de submersion marine est rendue trop élevée», explique le professeur de finance à HEC Montréal et rédacteur en chef du Journal of Risk and Insurance, Martin Boyer.
Craig Stewart craint «que ces cas de figure se multiplient et qu’ils s’étendent à d’autres périls, aux feux de forêt, aux tempêtes, à la grêle».
La possibilité d’être assuré dans les zones à haut risque est de plus en plus compliquée. Ça ne s’est pas trop vu encore, mais il y a toujours une chance que certaines assurances quittent le marché canadien.
Martin Boyer se veut pour sa part plus optimiste : «L’assurance va rester. La grande majorité des territoires peut absorber les risques climatiques. C’est seulement un petit nombre d’individus qui vont subir de fortes hausses de primes.»
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Les compagnies d’assurance intègrent déjà les changements climatiques dans les tarifs appliqués à leurs clients.
Si les catastrophes naturelles continuent de se multiplier, l’industrie de l’assurance pourrait cesser d’être économiquement viable, prévient Ryan Ness.
«Elles ont toujours fondé leurs calculs sur les sinistres passés, et non sur les menaces futures. Mais ce modèle ne semble plus fonctionner, relève Craig Stewart. Elles cherchent maintenant à incorporer dans les primes la fréquence et l’intensité des aléas qui augmentent.»
Pour mutualiser les couts, le BAC plaide également en faveur de la création de partenariats public-privé s’appuyant sur la garantie financière de l’État. Craig Stewart évoque une association entre les gouvernements et le secteur «pour fournir une assurance abordable aux Canadiens à faible revenu dans les zones à haut risque».
Dans le monde, la France, le Royaume-Uni, les États-Unis et la Nouvelle-Zélande ont mis sur pied de tels partenariats pour couvrir les inondations, les tremblements de terre ou les feux de forêt. Les assureurs demeurent présents, mais en arrière-plan, l’État subventionne les primes afin qu’elles restent abordables.
Dans le budget fédéral de 2024, Ottawa s’est engagé à ce qu’un programme national d’assurance contre les inondations soit opérationnel dans un délai d’un an, mais pour l’instant rien n’a bougé.
Ce type d’assurance publique coute très cher s’il n’y a pas en même temps de stratégie pour réduire les risques liés au changement climatique.
Afin d’éviter l’issue extrême de l’inassurable, les spécialistes s’entendent sur l’importance d’investir massivement dans la prévention. «Autrement, les assurances deviendront inabordables ou impossibles à obtenir d’ici dix ans», tranche Craig Stewart.
En juin 2023, le gouvernement fédéral a lancé une stratégie nationale d’adaptation aux changements climatiques, «qui n’a malheureusement que peu progressé», déplore Craig Stewart.
Le professeur Martin Boyer n’est pas favorable à la mise en place de polices d’assurance largement subventionnées par l’État dans les zones les plus exposées : «Il y a un aveuglement de la population, les gens doivent accepter de quitter ces territoires.»
«Malgré les milliards de dollars mis sur la table pour la protection contre les aléas, il y a deux à quatre fois plus de demandes de financement que de fonds disponibles», abonde dans le même sens Ryan Ness.
Faire évoluer les codes du bâtiment, financer la rénovation des maisons afin de les rendre plus résistantes au vent, à la grêle, aux inondations ou aux incendies de forêt, «on connait les solutions techniques. Le défi, c’est la mise en œuvre, bien trop lente», affirme Sophie Guilbault, qui parle d’une «responsabilité partagée» entre les pouvoirs publics et les assureurs.
Martin Boyer estime carrément que la meilleure solution consiste à inciter les habitants à quitter les territoires les plus à risque.
«Si l’aléa est certain, les habitants doivent accepter de déménager. Ça coute moins cher que de reconstruire à chaque fois, considère-t-il. L’État les indemnise pour leurs pertes, mais ensuite, ils vendent leur terrain au gouvernement et reconstruisent ailleurs.»
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«Il n’y a pas assez d’efforts et d’argent mis sur la relocalisation, car c’est un sujet très controversé et émotionnel», poursuit Ryan Ness.
Sophie Guilbault insiste à cet égard sur le poids du «leadeurship municipal» pour «reconstruire mieux», en particulier durant les «périodes de rétablissement» après une catastrophe naturelle.
Le gouvernement fédéral semble vouloir s’investir davantage sur cette question. Il a récemment revu la façon dont il rembourse les provinces et les territoires après une catastrophe naturelle, en mettant l’accent sur le financement d’initiatives de reconstruction qui tentent d’éviter le même niveau de destruction lors d’un futur désastre.
À partir du 1er avril prochain, Ottawa offrira de rembourser aux gouvernements locaux jusqu’à 90 % de leurs couts de reconstruction s’ils misent sur la mitigation et l’atténuation. Cela pourrait vouloir dire, par exemple, la reconstruction sur un territoire moins sujet aux inondations.
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La ministre de Patrimoine canadien, Pascale St-Onge, a dévoilé le 20 février le rôle que les libéraux envisagent pour la société d’État Radio-Canada et son pendant anglophone, CBC.
La ministre propose que deux comités distincts de programmation soient formés – un anglophone et un francophone – pour que les deux puissent «siéger et opérer indépendamment l’un de l’autre».
Rien de précis pour les francophones en situation minoritaire
En revanche, très peu de détails sur le rôle que pourraient jouer les francophones en situation linguistique minoritaire ont filtré.
Interrogé par Francopresse sur la place des minorités linguistiques dans la nouvelle vision pour de Radio-Canada, le cabinet de la ministre St-Onge n’a pas apporté de précisions, répétant par courriel ce que l’élue avait dit en conférence de presse la veille au sujet de la création des deux comités distincts :
En ce qui concerne les comités de CBC/Radio-Canada, incluant ceux sur la radiodiffusion anglaise et française, leurs opérations relèvent de CBC/Radio-Canada, une société d’État indépendante et responsable de ses propres activités quotidiennes. Cela comprend toutes les décisions relatives au journalisme, à la créativité et à la programmation.
Le cabinet de la ministre ajoute que «cette proposition comprend également un objectif pour CBC/Radio-Canada d’offrir une couverture des nouvelles locales dans les communautés mal desservies du Canada, y compris les communautés de langue officielle en situation minoritaire.»
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Réaction de la culture francophone
Dans un communiqué, la présidente de la Fédération culturelle canadienne-française, Nancy Juneau, «applaudit les propositions prometteuses de la ministre Pascale St-Onge pour protéger et renforcer l’avenir de CBC/Radio-Canada».
Nancy Juneau rappelle que «les contenus du diffuseur national doivent mieux refléter les réalités des communautés francophones en situation minoritaire. La perspective de nos communautés francophones est fondamentale et doit être davantage prise en compte à tous les niveaux».
Un financement presque doublé
L’un des piliers de l’annonce de la ministre St-Onge portait sur le financement de CBC et Radio-Canada, un enjeu important dans un contexte où le chef conservateur Pierre Poilievre promet, s’il est porté au pouvoir, de sabrer dans l’entité anglophone du diffuseur public, sans toucher à Radio-Canada pour autant.
La ministre, elle, propose plutôt d’inscrire le financement de la Société d’État dans la loi, par le biais de crédits législatifs. Une manière de «sortir du cycle politique du financement de Radio-Canada».
Elle souhaite que le Canada se rapproche de la moyenne dépensée par les États du G7 pour leur diffuseur public, soit environ 62 $ par personne par an et que nous adoptions un système évolutif de financement sur plusieurs années.
Actuellement, le Canada ne consacre que 33 $ par an par personne à son diffuseur public, ce qui le place à l’avant-dernier rang des pays du G7 à cet égard.
On est le plus proche des États-Unis, et je ne crois pas qu’il faut qu’on ait les États-Unis pour référence.
Elle déplore le rôle des oligarques de la technologie américaine, «Zuckerberg ou Musk, qui contrôlent l’information». Pour elle, dans un tel contexte, «il faut miser sur nos institutions canadiennes».
La ministre St-Onge propose aussi le retrait de la publicité dans les bulletins de nouvelles et les émissions d’affaires publiques sur toutes les plateformes de la société d’État.
Les diffuseurs privés pourraient ainsi tenter d’aller chercher les revenus publicitaires que ne toucherait plus CBC/Radio-Canada. Le montant de ces revenus pourrait atteindre «entre 100 et 200 millions de dollars», a avancé la ministre.
Finalement, les plateformes de diffusion en ligne, Tou.tv et CBC Gem, seraient accessibles à tous gratuitement.
Indépendance accrue
Le plan libéral prévoit aussi la mise en œuvre de nouvelles normes au sein de CBC/Radio-Canada, comme celle de confier au conseil d’administration la tâche de nommer la présidence-direction générale du diffuseur. Actuellement, cette responsabilité incombe au gouvernement.
Pascale St-Onge veut voir inscrite dans la loi cette nouvelle façon de procéder pour donner plus de confiance au public et «enrayer la perception selon laquelle ce poste est redevable à un gouvernement».
La ministre souhaite aussi que la loi stipule que la société CBC/Radio-Canada est tenue de consulter le public canadien sur les questions de ses priorités et ses stratégies et de produire un rapport à ce sujet.
Le gouvernement propose aussi que la stratégie de Radio-Canada concernant la couverture des Inuits, des Métis et des Premières Nations, publiée en 2024, soit faite en collaboration avec eux, avec un rapport sur les résultats.
Pascale St-Onge a expliqué qu’elle était prête depuis l’automne à déposer un projet de loi plutôt qu’une «vision», comme elle l’a fait le 20 février, mais l’obstruction parlementaire qui règne depuis septembre l’en a empêchée.
«L’opportunité est toujours là, car notre vision est très claire», a-t-elle lancé. Celle qui a annoncé qu’elle ne se présenterait pas aux prochaines élections fédérales s’en remet au prochain chef libéral pour déposer une mesure législative. «Je m’attends à ce que tous les candidats aient un accord avec le type de vision que je propose», a conclu la ministre.
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Enseignement : plus d’un milliard de dollars
Lundi, la ministre des Langues officielles, Rachel Bendayan, a annoncé que la distribution de 1,4 milliard de dollars du fédéral dédiés à l’enseignement de la langue de la minorité et de la langue seconde était en cours de négociation avec les provinces et territoires.
Ces fonds sont principalement utilisés pour financer des établissements francophones ou anglophones en situation linguistique minoritaire, donc hors Québec ou au Québec dans le second cas.
Les ententes entre les provinces et territoires et le fédéral doivent être signées avant le 31 mars.
Rachel Bendayan est ministre des Langues officielles depuis le dernier remaniement, en décembre 2024. Avant cela, elle était secrétaire parlementaire des Finances, sous l’ex-ministre Chrystia Freeland.
Vitalité : vingt millions pour sept organismes
Lundi, le gouvernement fédéral a annoncé qu’il distribuait 20 millions de dollars pour appuyer les langues officielles à sept organismes consacrés aux francophones en situation minoritaire au pays.
Il s’agit de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA); de la Fédération culturelle canadienne-française (FCCF); de la Fédération de la jeunesse canadienne-française (FJCF); de l’Alliance des radios communautaires du Canada (ARCC); de l’Alliance nationale de l’industrie musicale (ANIM); de l’Association des théâtres francophones du Canada (ATFC) et de l’Alliance des femmes de la francophonie canadienne (AFFC).
Ces fonds proviennent des Programmes d’appui aux langues officielles et du Plan d’action pour les langues officielles 2023-2028.
Emplois et tourisme : près de 2 millions dans l’Ouest
Le gouvernement du Canada a octroyé près de 2 millions de dollars au Collège Éducacentre, à Vancouver, pour 2025 à 2028, dans le but d’appuyer la création de 213 emplois jeunesse en Colombie-Britannique, en Alberta et au Yukon.
L’objectif est de renforcer les connaissances des jeunes dans la langue seconde, le français, tout en leur permettant d’avoir une expérience de travail.
En plus de ce million, 131 000 $ ira à la Société de développement économique de la Colombie-Britannique pour aider 40 entreprises touristiques établies à Kelowna, Victoria et Prince George à communiquer dans les deux langues officielles.
Des formations, des ateliers et «une trousse de francisation» figurent parmi ces options de soutien.
La ministre de Patrimoine canadien a indiqué mardi qu’elle ne sollicitera pas un nouveau mandat aux prochaines élections fédérales.
Devenue maman avec sa conjointe en fin d’année dernière, la députée québécoise a indiqué qu’elle souhaitait passer plus de temps avec sa famille.
Donald Trump prévoit imposer des tarifs sur les véhicules importés aux États-Unis dès le 2 avril. Une mesure qui touche le Canada de plein fouet, car plusieurs usines au pays importent et exportent des pièces pour la construction de voitures.
Donald Trump a fait la blague lui-même : ce n’est pas un poisson d’avril. Le président américain a annoncé le 14 février son intention d’imposer des droits de douane sur l’ensemble des véhicules importés aux États-Unis, «peut-être» à compter du 2 avril.
Il avait déjà exprimé son souhait d’instaurer ces taxes, sans toutefois préciser de date.
La cible : Cette mesure concernera tous les pays, y compris le Canada, a-t-il dit. Ce serait une des mesures utilisées par Donald Trump en réponse aux tarifs qu’imposent les autres aux produits américains.
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Jeudi, la ministre de Patrimoine canadien, Pascale St-Onge, a énuméré des mesures pour renforcer et moderniser le mandat de Radio-Canada et de son pendant anglophone, CBC, pour les prochaines années.
La liste : Dans les grandes lignes, elle a dévoilé un plan de financement à inscrire dans la loi pour pérenniser le financement de la société d’État et prévenir d’éventuelles coupes par le gouvernement, peu importe le parti au pouvoir.
Le plan présenté par la ministre St-Onge suggère de solidifier le financement de CBC/Radio-Canada et de la protéger de toute ingérence gouvernementale.
La ministre propose aussi de ne pas diffuser de publicités pendant ses bulletins de nouvelles, d’information et d’affaires publiques sur tous ses services. Une façon d’éviter l’influence commerciale sur l’information, selon le ministère.
Cela dégagerait «entre 100 et 200 millions de dollars», au bénéfice du secteur privé, pour qui ces revenus publicitaires deviendraient alors accessibles, a affirmé la ministre St-Onge en conférence de presse jeudi.
Elle propose aussi d’interdire les frais d’abonnement pour rendre toutes les plateformes de diffusion numérique – comme Tou.tv – gratuites.
La ministre propose également une modification du système de gouvernance, avec la nomination de la direction générale par le conseil d’administration de la société d’État et non plus par le gouvernement. Le salaire serait également décidé par le CA.
Enfin, elle suggère de renforcer la distinction entre les programmations francophone et anglophone en créant deux comités permanents distincts, pour remplacer le comité actuel, et de l’inscrire dans la loi.
Un coup dans l’eau? : À quelques semaines d’une possible élection, Pascale St-Onge concède que ce plan devra sera entre les mains de la prochaine direction du Parti libéral ou d’un prochain gouvernement. Pierre Poilievre promet depuis 2022 qu’il abolira le financement de la CBC, mais pas celui de Radio-Canada.
Justin Trudeau a assuré mercredi que le TGV entre Québec et Toronto serait l’un des projets d’infrastructure les plus importants de l’histoire canadienne.
Ce serait, selon le premier ministre sortant, le «projet d’infrastructure le plus important de l’histoire canadienne». Près de quatre-milliards de dollars seront consacrés au cours des six prochaines années à la planification de la construction de ce train à grande vitesse (TGV) souhaité par Justin Trudeau entre Québec et Toronto.
Si le projet se réalise, le réseau de train s’étendra sur près de 1000 km. Les trains pourront atteindre 300 km/h. Les arrêts prévus seraient Toronto, Peterborough, Ottawa, Montréal, Laval, Trois-Rivières et Québec. Le temps de trajet Montréal-Toronto serait d’environ trois heures.
Le consortium Cadence, qui devrait bientôt signer une entente, sera responsable de la concrétisation de ce service ferroviaire, qui sera nommé Alto.
Ce qu’ils disent : Pierre Poilievre a vertement critiqué ce projet à l’heure où, a-t-il dit jeudi en conférence de presse, de nombreux Canadiens s’alimentent à la banque alimentaire.
Parmi ceux qui se démarquent figure Melchior Niyonkuru. Il est directeur général de la Communauté des Africains francophones de la Saskatchewan (CAFS) à Régina, un organisme fondé en 2008 pour accueillir et accompagner les nouveaux arrivants francophones dans leur intégration à la culture canadienne.
À la tête de la CAFS, Melchior Niyonkuru œuvre pour une meilleure inclusion des francophones noirs en Saskatchewan.
À l’occasion du Mois de l’histoire des Noirs, la CAFS propose une série d’évènements pour permettre au public de mieux comprendre la richesse et la diversité de l’histoire des Noirs au Canada. «L’histoire des Noirs est une mosaïque de faits importants qu’il est essentiel de mettre en lumière», explique Melchior Niyonkuru.
Dans cette optique, la CAFS organise, en collaboration avec les conseils scolaires, des spectacles humoristiques dans les écoles francophones de la Saskatchewan.
À Regina et Saskatoon, le public peut également assister à des ateliers de danse africaine, des conférences-débats sur la discrimination raciale, une exposition consacrée aux figures afro-canadiennes marquantes ainsi qu’à des présentations d’artistes africains et des défilés de mode africaine.
Ailleurs au pays, les jeunes sont aussi encouragés à prendre leur place sur le marché du travail, un engagement porté par Ingrid Broussillon, fondatrice de Griottes Polyglottes, à Vancouver. Son entreprise vise à renforcer la confiance en soi en milieu professionnel, en particulier chez les immigrants, grâce à des ateliers interactifs en entreprise.
Ingrid Broussillon utilise le théâtre pour renforcer la confiance en soi et lutter contre la discrimination.
«Je me suis installée à Vancouver pour améliorer mon anglais. Une fois sur place, j’ai trouvé un emploi, mais j’ai vite réalisé que je manquais cruellement de confiance en moi. Lors des réunions, j’hésitais à prendre la parole ou n’osais intervenir qu’en toute fin de discussion», raconte-t-elle.
C’est ainsi qu’elle développe l’idée d’utiliser le théâtre comme un outil d’apprentissage. «J’ai d’abord mis en place des ateliers ludiques axés sur les langues, le français et l’anglais, avant d’élargir mon approche à des thématiques comme le racisme, la discrimination et le harcèlement.»
Pour cette entrepreneure, le Mois de l’histoire des Noirs est une occasion essentielle de mettre en avant les contributions des communautés noires à la société canadienne.
«Certains critiquent ce mois, estimant que les Noirs ne sont visibles qu’en février. Mais c’est un moment nécessaire. Pour un enfant, voir une personne qui lui ressemble réussir peut être une source d’inspiration et lui donner confiance en son avenir», souligne-t-elle.
Pour Ingrid Broussillon, il est crucial que les entrepreneurs noirs exploitent toutes les ressources disponibles pour surmonter les obstacles systémiques. «Je me rends dans des organismes financés par le gouvernement qui offrent du soutien aux entrepreneurs noirs. Il existe aussi des structures d’accompagnement plus généralistes.»
Certains organismes appuient aussi en priorité les femmes ou les francophones.
Elle reconnait cependant que les personnes noires font face à de nombreux défis, notamment le racisme.
Cela m’est arrivé dans une entreprise où la moitié de l’équipe de direction a quitté la salle quand j’ai commencé à parler. Ils n’étaient pas prêts à entendre qu’il pouvait y avoir du racisme dans leur organisation.
Elle a simplement changé de cible. «J’ai alors compris que ce n’étaient pas les bonnes personnes avec qui travailler. Ceux qui sont restés étaient principalement des immigrants. Je me suis concentrée sur eux et, ensemble, nous avons accompli un travail remarquable», confie Ingrid Broussillon.
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Parmi les enjeux majeurs, l’identité occupe une place centrale, comme le souligne le professeur à l’Université de Nipissing, Amadou Ba : «Les jeunes Noirs nés au Canada se réfèrent souvent davantage à leurs pays d’origine, délaissant leur identité canadienne. Cette déconnexion peut influencer leur perception du pays et les amener à oublier qu’ils ont aussi un rôle à jouer dans la société canadienne.»
Amadou Ba plaide pour une meilleure intégration de l’histoire des Noirs dans l’éducation.
L’anthropologue met également en lumière l’importance de l’éducation. «Les Noirs apprennent l’histoire des autres, mais pas la leur. À force de se comparer, ils finissent par se minimiser et se dévaloriser, ce qui nuit à leur estime de soi et limite leurs ambitions. Cette méconnaissance de leur propre histoire peut aussi les rendre moins exigeants envers la société», analyse-t-il.
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Pour lui, une meilleure intégration de l’histoire des Noirs dans les programmes scolaires permettrait de déconstruire certains stéréotypes et de lutter contre des inégalités persistantes.
«La surreprésentation des Noirs dans la population carcérale, le taux de chômage élevé et les difficultés d’accès au logement sont, en partie, les conséquences de préjugés encore bien ancrés», précise-t-il.
Il plaide ainsi pour un investissement accru dans l’éducation. «Les autorités provinciales et fédérales doivent renforcer les initiatives éducatives pour faire de la diversité une réalité. Aujourd’hui, nous avons le Mois de l’histoire des Noirs, mais nous espérons aller plus loin en enseignant les 400 ans d’histoire des Noirs au Canada», suggère-t-il.
Amadou Ba ajoute que «les Noirs, qui représentaient 4,3 % de la population en 2021 selon Statistique Canada, ne demandent pas l’enseignement des langues africaines, puisqu’ils parlent déjà le français et l’anglais. Ce qu’ils veulent, c’est apprendre leur propre histoire».
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Les provinces et territoires ont jusqu’au 31 mars pour signer les ententes avec le fédéral issues du Protocole d’entente relatif à l’enseignement dans la langue de la minorité et à l’enseignement de la langue seconde, qui distribuera 1,4 milliard de dollars cette année, réparti entre les provinces.
L’argent destiné à la langue seconde s’élève à près de 678 millions de dollars, quand l’éducation postsecondaire dans la langue de la minorité obtient 104 millions de dollars et l’enseignement dans la langue de la minorité (écoles élémentaires et secondaires), plus de 700 millions de dollars.
La répartition du milliard entre les provinces et territoires est précisée dans le Protocole.
Provenance des sommes
Ce financement de 1,4 milliard est un mélange de fonds de base distribués annuellement et de fonds additionnels. Ce n’est pas de l’argent nouveau, car il est prévu dans le Plan d’action pour les langues officielles 2023–2028.
Cet argent est divisé entre quatre éléments :
En fonction de la nature de l’établissement et son emplacement (au Québec ou hors Québec), l’enseignement de la langue seconde ou de la langue de la minorité disposent de fonds fédéraux bien distincts.
Condition
Comment cet argent sera ensuite utilisé par les provinces, et pour quels établissements? Ce sera à elles de le déterminer.
Ce qui est toutefois déjà très clair, «ce sont les critères», affirme d’emblée une porte-parole de Patrimoine canadien, en entrevue avec Francopresse.
Cette dernière certifie que les établissements anglophones en dehors du Québec sont bel et bien admissibles à recevoir cet argent, «tout comme les établissements francophones au Québec», précise-t-elle.
À une condition toutefois : que l’argent serve à financer des programmes ou des cours enseignés dans la langue seconde.
Langue première ou langue seconde?
La langue seconde est définie comme «toute langue apprise suite à l’acquisition de la langue première», rapporte l’Encyclopédie canadienne. Dans le cas d’anglophones en dehors du Québec, ce serait le français, explique Patrimoine canadien.
L’enseignement dans langue de la minorité est destiné aux étudiants dont la langue maternelle est le français ou l’anglais, mais qui vivent dans une province où leur langue est minoritaire.
Par exemple, les francophones en dehors du Québec qui ont le français comme langue maternelle bénéficient des fonds fédéraux de la langue de la minorité.
Ainsi, les établissements choisis pour recevoir des fonds ont toute leur importance pour les communautés francophones en situation minoritaire, qui sont très souvent en manque d’écoles, d’université et de programmes de qualité dans leur langue.
Pour rappel en 2021, 292 000 enfants admissibles à une éducation en français sur 452 0000 ont fréquenté ou fréquentent une école de langue française minoritaire.
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Les provinces s’apprêtent à choisir les établissements qui recevront de l’argent pour les enseignements dans la langue de la minorité ou dans la langue seconde.
Une entente à signer avant le 31 mars
Un système de reddition de comptes existe pour que le fédéral – sans s’ingérer dans les compétences des provinces – ait accès à la répartition des fonds des provinces entre les établissements et programmes de langues officielles.
Pour le moment, Patrimoine canadien n’a pas accès à la répartition de l’argent entre les établissements et programmes, puisque les discussions entourant les ententes avec les provinces et territoires sont en cours. Ces dernières ont jusqu’au 31 mars pour les signer et absorber, puis distribuer l’argent selon leur choix, insiste le ministère.
À ce jour, seule la Colombie-Britannique a signé l’entente, mais les détails n’ont pas été dévoilés.
Dans un monde qui nous a longtemps dressées les unes contre les autres, s’aimer, se soutenir et se choisir n’est pas seulement un acte de bienveillance. C’est un acte politique.
Depuis des siècles, la société patriarcale a entretenu la rivalité entre les femmes. Nous avons grandi avec l’idée qu’il fallait être «la plus belle», «la plus désirée», «la plus vertueuse».
On nous a appris que nous devions nous méfier des autres femmes, qu’elles étaient des rivales, des menaces.
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Dans les contes de notre enfance, la belle princesse est souvent opposée à la méchante sorcière. Dans les films, la «garce» et la «sainte» se disputent les faveurs d’un homme.
Et que dire du «Tu n’es pas comme les autres filles», cette phrase qu’on nous a vendue comme un compliment?
Rien de plus efficace pour nous diviser.
Pendant que nous nous comparons, que nous nous épuisons à être «mieux» que les autres, nous restons distraites. Distraites des véritables rapports de pouvoir, des systèmes qui nous oppressent, des inégalités bien réelles qui nous maintiennent sous contrôle. Car cette rivalité entre femmes n’est pas qu’un dommage collatéral du patriarcat : c’est une stratégie.
Et comme toute bonne stratégie, elle a un complice de taille : le capitalisme. Un marché florissant s’est bâti sur nos insécurités savamment entretenues.
Le capitalisme nous pousse à voir les autres femmes non pas comme des alliées, mais comme des concurrentes pour une place dans un monde qui nous en laisse si peu. Il prospère sur notre isolement. Il nous veut dociles, convaincues que notre valeur dépend de notre apparence, de notre performance ou de notre capacité à nous conformer.
Mais soyons honnêtes : cette guerre entre femmes est un mensonge. Une illusion fabriquée pour nous maintenir à notre place.
La vérité, c’est que quand nous nous choisissons, quand nous nous soutenons, quand nous refusons de jouer le jeu, tout change. L’histoire l’a montré : les avancées féministes ne sont jamais venues de la compétition, mais toujours de la sororité.
L’histoire nous prouve que les femmes ont toujours su se réunir et s’organiser ensemble. Les suffragettes se battaient côte à côte pour obtenir le droit de vote. Les ouvrières du textile créaient des réseaux de soutien face à l’exploitation. Les féministes des années 1970 s’éduquaient mutuellement sur leurs droits et brisaient le silence sur les violences conjugales.
Aujourd’hui encore, l’entraide entre femmes est partout. Dans les groupes de discussion où l’on partage nos histoires et nos conseils. Dans les collectifs qui recueillent la parole des victimes de violence. Dans ces réseaux de mères qui s’organisent pour alléger la charge invisible qui leur pèse. Dans ces amies qui s’assurent qu’on est bien rentrée après une soirée, qui nous écoutent quand tout va mal, qui nous encouragent quand nous doutons de nous-mêmes.
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L’amitié féminine ne se contente pas de résister : elle transforme.
Elle permet de déconstruire ensemble le sexisme, le racisme, le validisme. Elle crée des espaces où l’on s’écoute, où l’on se soutient, loin des injonctions patriarcales et des rôles assignés. Des ilots de résistance et d’indépendance. Comme l’écrivait l’activiste et poétesse queer noire Audre Lorde : «Sans communauté, il n’y a pas de libération.»
En ce 8 mars, au-delà des slogans et des revendications, prenons un instant pour penser à celles qui nous ont portées, soutenues, aimées. Envoyons un message à une amie pour la remercier, organisons un cercle de discussion, soutenons des initiatives féministes locales.
Car au fond, le féminisme n’est pas qu’un combat. C’est aussi un refuge. Et nos amitiés en sont les remparts les plus précieux.
Originaire de Belgique, Julie Gillet est titulaire d’une maitrise en journalisme. Militante éprise de justice sociale, voici près de quinze ans qu’elle travaille dans le secteur communautaire francophone et s’intéresse aux questions d’égalité entre les genres. Elle tire la force de son engagement dans la convergence des luttes féministes, environnementales et antiracistes. Elle vit aujourd’hui à Moncton, au Nouveau-Brunswick.
Sur les Spotify et Apple Music de ce monde, il n’est pas toujours facile de tomber sur des morceaux en français. Pour y remédier, la Société professionnelle des auteurs, des compositeurs du Québec et des artistes entrepreneurs (SPACQ-AE) a lancé MUSIQC, une nouvelle plateforme accessible via le site Internet du même nom.
Celle-ci propose un vaste répertoire de listes de lecture conçues par des artisans du milieu musical, et non des algorithmes ou l’intelligence artificielle. Des listes qui peuvent ensuite être écoutées sur les principales plateformes d’écoute en ligne.
L’espace regroupe aussi une multitude de fiches d’artistes francophones, accompagnées de leurs titres les plus populaires et de liens vers leurs réseaux sociaux respectifs.
Selon l’Observatoire de la culture et des communications du Québec (OCCQ), en 2023, sur les 10 000 chansons les plus écoutées sur les services de diffusion en ligne, 8,5 % étaient interprétées en français, dont 3,5 % par des artistes de l’extérieur du Québec.
Au-delà de faire rayonner l’industrie musicale francophone, l’objectif de MUSIQC est aussi de «ralentir et d’inverser» le déclin du français, partage la directrice générale de la SPACQ-AE, Ariane Charbonneau.
«On parle aussi de défendre notre souveraineté culturelle et linguistique […] Je sais très bien comment, en une génération, le français peut se perdre», ajoute celle qui a grandi dans une famille d’origine franco-ontarienne.
Certaines listes de lecture de MUSIQC tendent le micro à des artistes francophones en situation minoritaire, comme «D’Est en Ouest» ou «Francophonie d’un océan à l’autre», concoctée par l’Alliance nationale de l’industrie musicale (ANIM).
Selon David Robquin, il reste encore un «gros travail d’éducation» à faire, notamment dans les écoles, auprès des jeunes francophones en situation minoritaire.
La directrice générale de la SPACQ-AE, Ariane Charbonneau, indique que toutes les francophonies ont voix au chapitre. «Sur les 2000 artistes, à peu près 15 % sont hors Québec. C’est une initiative qui touche toute la francophonie dans le monde […] On va aussi avoir des artistes francophones de l’Europe et de l’Afrique.»
«L’idée, c’est d’ouvrir les portes, de créer des opportunités d’affaires pour les artistes et les équipes qui les entourent pour pouvoir s’importer et s’exporter», renchérit la responsable.
«C’est sûr que ce qui manque quand on est un artiste francophone, c’est justement des listes de lecture faites par ce qu’on appellerait des influenceurs de la musique francophone», remarque David Robquin, chargé d’accompagnement et de la mise en marché numérique à Association des professionnel.le.s de la chanson et de la musique (APCM).
Les listes de chansons en français sont la plupart du temps faites par des utilisateurs de la francophonie européenne, indique-t-il. «Donc, souvent ils vont avoir un regard moins porté sur ce qui se fait de l’autre côté de l’océan.»
Il voit l’arrivée de MUSIQC d’un bon œil : «Ça vient renforcer une offre qu’il n’y a pas forcément, en espérant que ça profite à des artistes de la francophonie canadienne et qu’ils puissent avoir ce regard au Québec, de regarder ce qui se fait plus à l’ouest, plus à l’est aussi avec l’Acadie.»
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MUSICQ devrait dans un premier temps comprendre entre 150 et 200 listes de lecture. «Évidemment, on va bonifier l’offre», assure Ariane Charbonneau.
Les listes sont composées par trois types de programmateurs et programmatrices : des spécialistes des genres musicaux, des artistes reconnus – comme Corneille, porte-parole de la plateforme – et des partenaires (évènements, associations, festivals, etc.).
«L’idée c’est vraiment de créer des ponts, on ne veut pas juste rester cloitré dans notre industrie de la musique. On va vouloir avoir des athlètes, des personnalités publiques, des gens du monde culinaire, de la mode», énumère la responsable.
Pas question néanmoins de faire concurrence aux plateformes déjà existantes, comme Spotify ou Apple Music. «L’idée, ce n’est pas de changer comment les gens consomment la musique, mais bien ce qu’ils écoutent», nuance Ariane Charbonneau.
MUSIQC entend «bousculer les algorithmes, pour s’assurer que les gens écoutent de la musique d’ici».
«Avant, on comptait sur la radio, les journaux, la télévision, mais on a de moins en moins de place de nos musiques dans l’audiovisuel, à la radio, etc. Puis en streaming, c’est catastrophique», complète la directrice générale.
«L’idée c’est de créer un magasin de mise en vitrine de nos musiques. Vous allez dans un magasin pour aller chercher un chandail jaune, par exemple. Mais il n’est pas sur la vitrine, il n’est pas sur les étalages, il est dans le backstore. Tu ne vas jamais acheter ce chandail jaune si tu ne le vois pas. C’est le même principe avec la musique en ligne», illustre-t-elle.
«En termes d’accès, la musique francophone, elle est là, elle est bien vivante, souligne David Robquin. Les artistes sont tous distribués, sont tous disponibles.» Reste à se faire remarquer par les plateformes, mais aussi par le public.
«Il y a plusieurs instances qui vont financer la création de nos musiques, mais il faut que nos gouvernements puissent aussi contribuer à la promotion de notre musique», insiste Ariane Charbonneau.
Pour lui, il y a aussi un «gros travail d’éducation» à faire, notamment auprès de la jeunesse, grande consommatrice de contenu en ligne. «Nous, souvent, quand on va dans les écoles et qu’on demande “Qu’est-ce que vous écoutez en francophone?”, on nous sort des chansons de la France vieilles de 10-15 ans.»
«Cette plateforme et ses listes de lecture peuvent être vraiment un outil extraordinaire pour justement aller toucher des jeunes, aller toucher un public qui n’est pas forcément habitué à aller fouiller dans la marée des Spotify et des Apple Music», estime-t-il.
«Il y a aussi un travail de développement de terrain local, de rencontrer sa communauté, faire des spectacles, développer ses médias sociaux, etc. Et en fait, aujourd’hui, c’est ça qui est difficile pour les artistes, c’est qu’il faut être partout. Et ça peut être vertigineux.»
De son côté, l’artiste-compositeur-interprète Paul Cournoyer, directeur général du Centre de développement musical (CDM), en Alberta, avoue ne pas consacrer autant de temps qu’il le devrait à assurer sa présence sur les plateformes d’écoute en ligne. «Je n’ai juste pas le temps entre travailler un emploi à temps plein et puis avoir une famille.»
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Car sur les grosses plateformes, les acteurs de la musique indépendante doivent jouer des coudes. «C’est un défi d’être ajouté sur les listes de lecture», confirme Paul Cournoyer.
Pour Paul Cournoyer, MUSIQC reste une «belle initiative» : «C’est presque entièrement des artistes québécois, mais il y a une couple de listes qui ont des artistes de la francophonie canadienne. C’est certain que de ce côté-là, ça va être intéressant de voir comment ils réussissent à grandir ça.»
Il est difficile pour les artistes francophones en situation de minorité d’élargir leur audience et de se faire connaitre d’un nouveau public, poursuit-il.
«Les artistes majors dominent les listes de lecture. C’est un peu le problème qu’on voit à travers l’industrie : peu importe si on est indépendant, anglophone ou francophone, on voit une homogénéisation des listes de lecture par les maisons de disques.»
«Quand tu lances un album, tu peux seulement proposer une chanson pour les listes de lecture. Donc, si la chanson parait bien dans les algorithmes, ils viennent éventuellement la porter vers la personne éditoriale, sinon, t’as essentiellement raté ton seul coup pour te faire placer sur une liste.»
Il salue aussi l’initiative de MUSIQC de proposer des répertoires conçus par des artistes, des personnalités publiques ou des spécialistes. «Ça donne une perspective.»
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