le Dimanche 9 novembre 2025

Google ne veut plus être une entreprise de recherche. Elle veut être une entreprise d’intelligence artificielle.

Le géant du Web a en bonne partie confirmé cette intention lors de la conférence Google I/O – où l’entreprise dévoile chaque année ses intentions de développement – à la fin de mai en Californie.

Au moyen des «agents» d’intelligence artificielle (IA), l’entreprise veut être votre agent de voyage, votre maitre d’hôtel, votre serviteur, votre fournisseur de rêve… et votre geôlier.

L’objectif des services – en plus d’accroitre les revenus de l’entreprise, bien sûr – est de vous garder le plus longtemps possible prisonnier de l’écosystème de Google.

Désert informationnel à l’horizon

Ce qui est pour l’instant seulement un aperçu occupera de plus en plus de dans tout l’écosystème de Google. La société voudra que son IA soit tellement présente qu’elle nous l’imposera à tous les détours.

Il faudra redoubler d’efforts pour voir autre chose que les réponses de Gemini – le nom de l’IA de Google. La liste des sites qui contiennent, en réalité, les informations que vous cherchez sera moins mise en évidence. Autrement dit, une bonne dose de merdification.

À lire : L’IA ou la prochaine «merdification» (éditorial)

Pour garder le trafic dans son écosystème, Google doit le retirer à d’autres. Pourquoi aller sur le site Web de l’Agence du revenu du Canada si Gemini vous explique comment avoir accès à un crédit d’impôt?

La perte de trafic dans les sites du gouvernement est une chose, mais elle sera désastreuse pour les médias. Ceux du Canada sont déjà coupés d’un outil de découvrabilité depuis deux ans : Facebook. Apparaitre dans les résultats des moteurs de recherche était une des dernières façons d’espérer élargir son lectorat et d’intéresser la population à l’information locale.

Les médias d’information en milieu minoritaire seront encore plus perdants. Pourquoi consulter le site de La Voix acadienne, par exemple, si Gemini peut prétendument vous résumer l’information qui touche la francophonie de l’Île-du-Prince-Édouard?

Et si personne ne va sur le site de l’Express-ca de Toronto, qui payera les journalistes de ce média pour produire du nouveau contenu d’information?

Et si L’Eau vive en venait malheureusement à disparaitre, comment Gemini saura ce qui se passe en français en Saskatchewan?

C’est un cercle vicieux. En voulant tout récolter, Google assèchera le terreau fertile de l’information, créera une désertification et ne cultivera plus rien de nutritif, surtout pour la francophonie.

Les intelligences artificielles du type grands modèles de langage dépendent de l’information produite par des humains. Des tests ont montré que les réponses d’une intelligence artificielle entrainée à partir des réponses d’une autre intelligence artificielle perdent en qualité. 

Pas de boule de cristal

En réalité, il est difficile de prévoir à quel point Google réussira à changer les habitudes des «Googleux et Googleuses».

Les évènements comme I/O servent avant tout à épater les investisseurs et investisseuses à coup de rêve sur écrans géants. Les rêves ne se concrétisent pas tous. Pour l’instant, les réponses de l’IA sont loin d’être parfaites. Par contre, les plus jeunes adoptent quand même cette technologie.

Chose certaine, Google voudra imprimer Gemini sur nos rétines et dans nos cerveaux. L’entreprise gagnera en prudence seulement quand un nombre suffisant de vacanciers et de vacancières en colère se seront retrouvés à Sydney en Australie au lieu de Sydney en Nouvelle-Écosse, parce que l’agent IA a fait une mauvaise réservation.

À lire : Intelligence artificielle : les véritables enjeux au-delà des craintes

Pour se protéger

En attendant, si la bonne information vous tient à cœur, résistez à l’uniformisation. Continuez à consulter des sites de médias variés. Usez de votre esprit critique le plus affuté et ne croyez pas les promesses des prophètes de l’IA sur parole – ni l’IA elle-même d’ailleurs.

Si vous ne voulez pas que la production d’information de proximité disparaisse et que l’IA prenne toute la place en ligne, il faut éviter d’installer une dépendance.

Il est en fait déjà possible de ne pas voir les réponses générées par Gemini. Pour éviter les hallucinations ou pour ne pas gaspiller d’énergie, vous pouvez ajouter «-IA» à la fin de votre requête dans Google.

Vous pouvez aussi tourner le dos à Google. Ce n’est pas parce que cette entreprise est la plus connue qu’elle est la seule. DuckDuckGo et Ecosia, par exemple, n’ont pas encore intégré l’IA par défaut dans leur interface.

De leur côté, les médias ont aussi des devoirs à faire. Ils doivent – encore – trouver des solutions innovantes à un problème qu’ils n’ont pas créé. Et comme d’habitude, la tâche s’annonce plus complexe pour les médias francophones en milieu minoritaire.

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Est-ce qu’être francophone ou parler français, c’est suffisant pour déterminer une identité? «Pour certains oui, pour certains non», nuance le comédien Pascal Justin Boyer, animateur du documentaire Le dernier Canadien français.

L’animateur, né au Québec et ayant grandi en Ontario, se considère aujourd’hui comme «Montréalais», puisqu’il réside à Montréal. «Mais si demain je redéménage en Ontario, c’est sûr et certain que je vais remettre mes belles pantoufles franco-ontariennes», assure-t-il.

La diversité de la francophonie canadienne porte Pascal Justin Boyer à se demander «où est-ce qu’on trace la ligne entre célébrer notre histoire et intégrer les nouveaux Fransaskois, les nouveaux Franco-Ontariens, les nouveaux Franco-Manitobains?» 

Photo : Kevin Fouillet

Mais alors, qui peut donner ou s’approprier l’une des identités francophones du pays quand on vit en situation minoritaire? «C’est tellement compliqué de répondre à cette question-là», avoue-t-il.

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Au-delà du code postal

Pascal Justin Boyer donne deux définitions. La première­ : «Si ton code postal est en Ontario et que tu parles français, tu es Franco-Ontarien». L’autre est plus une affaire «de cœur» : «Est-ce que tu as fréquenté une école, est-ce que tu connais ton histoire, est-ce que tu participes aux évènements, est-ce que tu milites?»

Fut un temps, la frontière de l’identité canadienne-française était assez précise : francophone, catholique «et probablement inscrit dans une paroisse, une communauté francophone», explique l’Acadien d’origine Joseph Yvon Thériault, professeur de sociologie de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

Aujourd’hui, la définition généalogique ou celle de personne de «langue francophone qui habite le Canada […] pose énormément de problèmes», poursuit-il. La définition d’origine ne s’applique pas à tout le monde. De nombreuses personnes francophones du Canada sont issues de l’immigration ou ont appris le français plus tard dans leur vie.

«À la FJCF, on parle davantage de jeunes d’expression française, parce qu’on est conscients que ce ne sont pas tous les jeunes qui participent à nos évènements [ou] qui s’identifient comme jeunes francophones», dit Simon Thériault. 

Photo : Courtoisie

«Moi j’identifierais le francophone aujourd’hui comme celui qui a un lien avec la communauté francophone. Soit il est allé à l’école en français, soit il a des parents francophones, soit il travaille en français, soit il participe à la communauté franco-ontarienne ou acadienne.»

La position de la Fédération de la jeunesse canadienne-française (FJCF) est claire : les personnes qui s’identifient comme francophones le sont. Nul besoin de militer.

«On a évolué dans notre définition de la francophonie, explique son président, Simon Thériault. Si on veut s’assurer de l’avenir de notre francophonie, on veut s’assurer qu’on continue à être fiers de parler français. Je pense qu’on se doit d’être inclusifs.»

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«Francophones de la périphérie»

Selon Pascal Justin Boyer, plusieurs organismes élargissent la définition des personnes incluses dans la francophonie, «question qu’on ne soit pas découragés par les chiffres». «On ne se cachera pas que si on veut que ça dure, ce beau voyage-là de la francophonie au Canada, on compte beaucoup sur l’immigration», relève-t-il.

Leyla Sall n’hésite pas à parler de racisme : «C’est comme s’il y avait une hiérarchie entre les francophones qui sont légitimes, qui sont blancs, de tradition catholique, etc., et qui sont considérés comme des francophones de souche, ou des francophones qui nous viennent souvent d’Europe, et d’autres, qui viennent d’Afrique, mais qui sont considérés comme moins francophones.» 

Photo : Courtoisie

En réalité, dans certaines communautés, «les francophones et les nouveaux arrivants vont vivre en “juxtaposition”, observe Pascal Justin Boyer. On accepte qu’ils soient là, mais ils ne sont pas vraiment là à part entière, ce qui est un petit peu problématique.»

Les immigrants ont souvent l’impression d’être vus comme «des francophones de la périphérie», rapporte le professeur agrégé de sociologie à l’Université de Moncton, Leyla Sall. Il a rencontré des personnes qui se considéraient comme «des clients, comme une variable d’ajustement».

Le sociologue fait la différence entre les définitions de la population générale et les définitions officielles, qui sont, à son avis, «beaucoup plus inclusives».

«Il y a une sorte de schizophrénie, un double discours. Dans la pratique, il y a le nationalisme ethnique qui est très présent, mais dans les définitions officielles, symboliques, là, c’est très inclusif.»

«Les identités ne sont pas fixes dans le temps», affirme pour sa part le député fédéral acadien Guillaume Deschênes-Thériault. La langue française est un point commun, mais il y a aussi la culture et l’histoire. Pour les nouveaux arrivants, «la communauté d’accueil a un rôle à jouer pour partager notre culture, la rendre accessible aux nouveaux venus».

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«Ça dépend avec qui on parle»

Pour la professeure à la Faculté d’éducation de l’Université de Calgary Sylvie Roy, être ou ne pas être francophone, «ça dépend avec qui on parle».

Sylvie Roy observe une plus grande souplesse dans la définition de francophone établie par les milieux minoritaires comparativement à celle de la France ou du Québec. 

Photo : Courtoisie

«Si on prend la définition de la francophonie mondiale ou de la francophonie en général avec le grand “F”, tous ceux qui sont nés francophones ou qui parlent français ou qui l’ont appris comme langue seconde ou langue additionnelle peuvent faire partie de cette grande francophonie internationale», observe celle qui est née au Québec, a étudié en Ontario et vit en Alberta depuis 24 ans.

D’autres vont dire que le francophone, «c’est celui qui est né avec la langue maternelle», avec des parents eux-mêmes francophones. «Sauf que ça a changé, soutient-elle. Mes enfants sont nés à Toronto, mais ils diront qu’ils sont francophones, même si leur papa parlait anglais.»

«Certains anglophones qui apprennent le français ici, en Alberta, ne diront jamais qu’ils sont francophones», remarque-t-elle.

Tous ceux qu’elle a rencontrés, dans le cadre de ses recherches sur l’immersion en français, disent que les francophones, «c’est les autres, c’est ceux qui ont la langue [française] comme langue maternelle».

L’ambigüité acadienne

«On est beaucoup dans l’auto-identification. Les nouveaux arrivants, les anglophones qui apprennent le français sont les bienvenus de se dire Acadiens s’ils veulent contribuer à l’Acadie», estime de son côté le président de la Société nationale de l’Acadie (SNA), Martin Théberge.

«Une minorité de gens a peur que si l’on inclut trop de monde, on dilue l’authenticité du peuple acadien», admet Martin Théberge. Il rapporte l’existence de «microagressions», du type «tu n’es pas un vrai Acadien, mais on t’accepte parce que t’es bon». 

Photo : Courtoisie

À ses yeux, la définition du gouvernement fédéral selon laquelle les Acadiens et Acadiennes sont des francophones habitant au Canada atlantique n’est «pas la bonne».

«Ça exclut plein de monde. La langue n’est pas le seul déterminant, observe-t-il. On est certes un peuple francophone, mais tous les individus ne le sont pas nécessairement.» Il prend l’exemple d’anglophones ayant perdu le français, mais s’identifiant comme Acadiens en raison de leurs origines familiales.

Le recteur de l’Université Sainte-Anne, en Nouvelle-Écosse, Kenneth Deveau, adhère à cette vision «ouverte et inclusive» : «La personne doit d’abord s’auto-identifier, mais après il y a une double reconnaissance, la communauté doit aussi la reconnaitre.»

«Ce n’est pas facile, car l’identité acadienne a des racines historiques et traumatiques profondes» qui remontent au Grand Dérangement et à la Déportation et qui se transmettent à travers les générations, explique-t-il.

À la SNA, Martin Théberge veut porter un message d’ouverture : les personnes immigrantes et les apprenants du français «peuvent devenir Acadiens s’ils en ont envie. Ce traumatisme n’est peut-être pas le leur, mais il a permis de créer les valeurs d’aujourd’hui auxquelles ils adhèrent».

«Les Acadiens, il y a une grande ambigüité. On peut se définir par le territoire : les Acadiens sont ceux qui parlent français et qui sont intégrés dans le réseau de la francophonie dans les Maritimes. Ou alors on peut définir l’Acadie à partir de la mémoire de la Déportation. Elle est en Louisiane, chez les Acadiens des États-Unis, chez les Acadiens du Québec», analyse Joseph Yvon Thériault.

Pour l’anecdote

Joseph Yvon Thériault se souvient de l’époque où Bernard Lord, enfant d’un père anglophone et d’une mère francophone, était premier ministre du Nouveau-Brunswick. «Jamais un Acadien aurait dit que Bernard Lord n’était pas un Acadien francophone», assure-t-il. 

Pour Joseph Yvon Thériault, le simple fait de parler français n’est pas suffisant pour se dire francophone. Des gens qui ont, par exemple, appris la langue de Molière afin de décrocher un poste dans la fonction publique, «ce sont des bilingues», dit-il. 

Photo : Emilie Tournevache

À la même époque, l’Ontario avait comme premier ministre un certain Dalton McGuinty, frère de l’actuel ministre fédéral de la Défense nationale, David McGuinty. Les deux ont un père anglophone et une mère franco-ontarienne. «[Dalton McGuinty] ne s’identifiait pas comme francophone, mais on aurait pu se l’approprier […]. Je me demandais pourquoi les Franco-Ontariens ne se l’appropriaient pas.»

Pour les politiciens, Joseph Yvon Thériault estime qu’il est préférable d’attendre qu’ils se définissent eux-mêmes comme ayant un lien d’appartenance à une communauté francophone. «Mais ça ne veut pas dire que la communauté ne peut pas faire des avances pour qu’ils le fassent.» 

Choisir le français

Rachel Barber, doctorante en géographie à l’Université Queen’s, à Kingston, en Ontario, effectue actuellement un stage de recherche en France. Dans une école francophone de North Bay et à l’Université Laurentienne, elle a étudié en français de la 1re année jusqu’au baccalauréat. Celle qui s’identifie pleinement comme Franco-Ontarienne a lancé un album de chansons en français.

Pourtant, elle a l’anglais comme langue maternelle et est la seule personne de sa famille qui parle français.

Son parcours scolaire lui a permis «de vraiment comprendre c’est quoi l’identité et l’héritage franco-ontarien», raconte-t-elle. Elle se souvient avoir choisi sa propre identité lors d’un évènement de la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne (FESFO) : «C’était vraiment à ce moment-là que j’ai compris la partie un peu plus revendicatrice de la francophonie.»

Elle accepte que d’autres puissent avoir des critères différents. Aussi que l’on peut s’identifier comme francophone, mais pas nécessairement comme Franco-Ontarien ou Acadien. L’identité, selon elle, «c’est vraiment une question personnelle».

«La question de la francophonie est reléguée à une ou deux notes en bas de page dans le curriculum anglophone», illustre la professeure agrégée de science politique au Collège militaire royal du Canada, Stéphanie Chouinard.

Selon Stéphanie Chouinard, l’histoire provinciale est moins abordée dans le curriculum ontarien anglophone que francophone. Par exemple, aucun nom de premier ministre de l’histoire ontarienne n’y figure. Le programme anglophone insiste davantage sur l’histoire canadienne. L’histoire proprement ontarienne est peu présente. 

Photo : Courtoisie

Celle-ci effectue présentement, avec la professeure adjointe d’études politiques de l’Université d’Ottawa Jennifer Wallner, une comparaison des curriculums francophone et anglophone d’histoire de l’Ontario.

«Par exemple, le Règlement 17, c’est une évidence pour les Franco-Ontariens que c’est un moment fort de l’identité franco-ontarienne, dit Stéphanie Chouinard. Chez les jeunes anglophones en Ontario, le Règlement 17 est une note en bas de page. On n’en parle presque pas.»

Les résultats de l’analyse sont pour le moment préliminaires, mais Stéphanie Chouinard remarque déjà qu’«au sortir des écoles ontariennes, les Franco-Ontariens et les Anglo-Ontariens ont une vision diamétralement différente de ce que ça veut dire d’être Ontarien».

Selon elle, cette différence pose des «questions sérieuses» sur la perception qu’ont ces groupes linguistiques les uns des autres, ainsi que sur la compréhension qu’ont les anglophones lorsque leurs voisins francophones descendent dans la rue pour manifester.

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Du côté anglophone, les attentes liées à l’identité et à la citoyenneté sont «très multiculturelles», explique Marie-Hélène Brunet. Les francophones «sont vus dans une idée de multiculturalisme et pas spécifiquement comme groupe, alors que les Premières Nations, Métis et Inuits dans les programmes en anglais et en français depuis 2018 sont dans la totalité des attentes». 

Photo : Christine Cusack

Aucune obligation

Marie-Hélène Brunet, professeure agrégée de didactique des sciences humaines et sociales à l’Université d’Ottawa, et Raphaël Gani, professeur adjoint à la Faculté des sciences de l’éducation à l’Université Laval, ont comparé les curriculums francophone et anglophone en histoire pour les élèves de la 10e année de l’Ontario.

Résultat : la francophonie est absente des attentes dans le curriculum anglophone. La francophonie, en particulier ontarienne, est pourtant bien présente dans les attentes du curriculum en français.

Comme l’expliquent les chercheurs, les attentes sont «obligatoires» et «évaluées chez l’élève». La francophonie a beau se trouver ailleurs dans le programme en anglais, rien n’oblige le personnel enseignant à aborder le sujet.

Environ 80 % des deux curriculums est du contenu partagé, estiment les chercheurs. Les 20 % restant figurent surtout dans les attentes. 

Si les attentes contenues dans le programme anglophone restent muettes sur la perspective francophone, il existe une exception : «quand on parle des Québécois».

La professeure à l’Université du Québec à Chicoutimi, Catherine Duquette, a effectué une analyse des programmes anglophones d’histoire de toutes les provinces. Il s’agit de versions antérieures à 2013. Des révisions de ces programmes ont été effectuées depuis, ce qui a certainement occasionné des changements dans les résultats présentés. 

Photo : capture d’écran – Société Histoire Canada

La francophonie réduite au Québec

Aux yeux des anglophones, la francophonie se résume souvent à la Belle Province et à son histoire, explique le duo de chercheurs. «Le Québec va généralement aussi être présenté comme homogène et comme présentant une seule pensée : les séparatistes», ajoute Marie-Hélène Brunet.

Raphaël Gani a étudié le phénomène en Alberta, où le curriculum est le même en anglais et en français. Des francophones et des Autochtones ont participé à sa conception. «Ça a fait son œuvre», dit-il.

Car, lorsqu’une réforme entamée en 2019 par le gouvernement albertain de Jason Kenney menaçait de retirer des perspectives francophones, il y a eu des contestations, se rappelle Raphaël Gani.

Mais rien n’est parfait. Enseignées en anglais, les perspectives francophones sont souvent réduites au Québec, remarque le chercheur. «On parle de la Constitution? Ben, c’est la nuit des longs couteaux, c’est René Lévesque», donne-t-il en exemple. «Peu sur la francophonie hors Québec.»

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«Les enseignants font des choix»

«Ce qu’il y a dans le programme, ce n’est pas forcément ce qui est enseigné en classe», reconnait Raphaël Gani. Les enseignantes ont, pour tout dire, une certaine marge de manœuvre.

«Ça ne veut pas dire que personne n’en parle», nuance Stéphanie Chouinard. Malgré le manque d’attentes liées à la francophonie dans le curriculum anglophone de l’Ontario, l’histoire franco-ontarienne se fraie parfois quand même un chemin dans l’enseignement.

Entre le document de quelques pages que le gouvernement produit et ce que les enseignants et les enseignantes décident de présenter aux élèves en salle de classe, il peut y avoir des ajouts. Ce qu’on sait, c’est que ce n’est pas mandaté par la province de présenter ça aux élèves.

— Stéphanie Chouinard

Dans le projet «La pensée historique : Portraits de la pratique professionnelle» mené par Penser historiquement pour l’avenir du Canada, on peut lire Vincent Rivard, qui enseigne les sciences humaines dans une école francophone de la Colombie-Britannique et qui témoigne de sa liberté dans ce qu’il enseigne.                  

«Mes élèves viennent souvent d’un peu partout, ils n’ont pas nécessairement la conscience de pourquoi est-ce qu’il y a des écoles francophones dans l’Ouest, dit-il. J’essaie d’amener aussi des éléments de pourquoi est-ce qu’il y a des écoles, sur l’histoire des droits des francophones à l’accès aux écoles dans le reste du Canada.»

Le programme anglais manitobain pour la 11e année inclut un enseignement de «l’importance d’organismes francophones, dans le développement de la francophonie canadienne» et de la dualité linguistique, dit Joël Ruest. 

Photo : Université de Saint-Boniface

Au Manitoba, où les programmes sont «quasi identiques» dans les deux langues, le personnel enseignant peut décider d’insister sur certains points, explique le professionnel-enseignant de la Faculté d’éducation de l’Université Saint-Boniface, Joël Ruest. «Les enseignants font des choix. […] Si on enseigne dans une école de la région de Saint-Norbert où Louis Riel a grandi [et agi], l’approche pourrait être différente.»

Le contenu et les objectifs d’apprentissage sont les mêmes en anglais et en français au Manitoba, assure Joël Ruest. Des ressources particulières sont attribuées aux écoles de langue française et d’immersion pour nourrir la construction identitaire.

«Il faut qu’on amène les élèves à trouver leur place dans la francophonie, explique-t-il. Qu’ils reconnaissent les luttes qui ont lieu dans le passé, leurs rôles, le rôle de leurs parents, de leurs grands-parents, leurs ancêtres dans la construction de la communauté francophone au Manitoba.»

Un récit différent

D’autres différences entre les programmes anglophones et francophones ontariens se trouvent dans la terminologie. C’est ce que révèle une analyse des programmes de 7e et de 8e année effectuée en 2021 par une étudiante, Monica Szymczuk.

Marie-Hélène Brunet, bien au courant des résultats de ce travail, donne comme exemple la Conquête, qui désigne le moment où la Nouvelle-France tombe sous l’emprise britannique. «En anglais, ce n’est pas “the conquest”, c’est “the shift of power”.»

Il y a quelque chose derrière cette terminologie-là qui est fondamentalement différente au niveau du récit

— Marie-Hélène Brunet

Il y aussi des différences dans la manière dont sont présentés l’histoire de Louis Riel ou le rapport de Lord Durham. Ce rapport avait notamment conclu que la population canadienne-française formait un peuple sans culture et, pour cette raison notamment, il recommandait de l’assimiler et d’instaurer une domination anglaise.

Marie-Hélène Brunet donne un autre exemple : «Est-ce que c’est le gouvernement qui a mis en place le drapeau franco-ontarien et les conseils scolaires francophones? Ou est-ce que ce sont les luttes des Franco-Ontariens?»

Selon Stéphanie Chouinard, «ce n’est pas tant le matériel qu’on enseigne que la trame nationale qu’on présente aux étudiants et l’impact que ça peut avoir sur leur compréhension de leur propre identité».

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«Les communautés autochtones sont devenues des championnes des énergies renouvelables au cours des dix dernières années», se félicite le directeur général d’Indigenous Clean Energy (ICE), James Jenkins.

«Par rapport à la population, il y a beaucoup de projets dans les territoires, mais ils sont souvent à plus petite échelle», rapporte James Jenkins d’Indigenous Clean Energy. 

Photo : Courtoisie

Selon l’organisme à but non lucratif, les Autochtones détiennent, en totalité ou en copropriété, près de 20 % des infrastructures canadiennes de production d’électricité, tous systèmes confondus. Ils sont ainsi devenus «les deuxièmes plus grands détenteurs d’actifs après les sociétés d’État», souligne James Jenkins.

En 2023, l’éolien représentait environ 43 % des projets détenus ou codétenus par les Autochtones, suivi par le solaire, avec environ 29 %, et l’hydroélectricité et la biomasse avec 14 % chacune.

La Colombie-Britannique est la province qui a le plus grand nombre d’installations de plus d’un mégawatt (MW), suivis de l’Ontario et du Québec.

Dans le sud de la Saskatchewan, le premier système hybride d’énergie renouvelable du pays appartient à la Première Nation de Cowessess. Il produit de l’énergie solaire et éolienne, puis la stocke dans des batteries.

Dans les territoires, le Yukon est à la fine pointe des énergies renouvelables. En 2023, la Première Nation Kwanlin Dün a lancé le premier parc éolien autochtone dans le Grand Nord.

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Soutien capital d’Ottawa

Au Nunavut les choses avancent. Un programme autorise désormais la production indépendante d’électricité solaire et éolienne.

«Pour la première fois, nous avons une quantité mesurable d’énergies renouvelables sur nos réseaux, au lieu d’avoir 100 % de diésel, nous en avons 99,5 %», rapporte la membre du conseil d’administration de la Société d’énergie Qulliq, Martha Lenio.

Au Nunavut, 130 maisons alimentées au solaire

D’ici le printemps 2026, le nouveau projet solaire d’Ikayuut devrait fournir suffisamment de courant pour alimenter environ 130 maisons du hameau de Naujaat, pendant la période estivale. Un autre projet éolien, dont la construction doit commencer cet été, devrait réduire de moitié la dépendance au diésel des mille résidents du village de Sanikiluaq.

Au Canada atlantique, le professeur adjoint à l’Université Dalhousie, en Nouvelle-Écosse, Chad Walker, constate lui aussi que les communautés autochtones «jouent un rôle beaucoup plus important dans les énergies vertes.»

La Première Nation malécite Tobique, au Nouveau-Brunswick, est notamment propriétaire de deux parcs éoliens de grande envergure : quinze turbines au total produisent plus de 62 MW.

En début d’année, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a de son côté annoncé la construction de six nouveaux parcs éoliens en partenariat avec plusieurs Premières Nations. Au niveau national, ICE suit actuellement quelque 600 projets solaires, éoliens et de biocarburants.

Le professeur à l’Université de la Saskatchewan et codirecteur du partenariat international Community Appropriate Sustainable Energy Security (CASES), Bram Noble, estime que les programmes de financement d’Ottawa ont permis d’amorcer cette révolution énergétique. «C’est une voie vers la réconciliation économique.»

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Coincés dans les méandres de la bureaucratie

«Les subventions fédérales aident les entreprises autochtones qui peuvent avoir des difficultés à accéder à des prêts. Ça les aide à franchir les étapes les plus risquées», confirme James Jenkins.

Au Nunavut, Martha Lenio soutient que «sept ans ou plus» sont nécessaires pour développer un projet éolien. 

Photo : Courtoisie

Les projets mettent néanmoins du temps à voir le jour. La construction d’une petite installation solaire sur un toit ou d’un système de biomasse pour un bâtiment peut prendre un ou deux ans, mais «la phase d’examen peut prendre cinq ans ou plus», déplore James Jenkins.

Chad Walker considère que les monopoles publics d’électricité entravent la transition énergétique que mènent les Autochtones. «Les compagnies préfèrent largement être responsables de la production d’énergie. Les programmes qui permettent la participation et la propriété autochtone sont encore rares», observe-t-il.

Martha Lenio regrette également «le manque de leadeurship du gouvernement du Nunavut», qui n’a pas défini ses priorités en matière d’énergie renouvelable et n’a adopté aucun plan stratégique.

«Dans le Grand Nord, les prix de l’électricité sont largement subventionnés pour les maintenir à un niveau abordable. Ça cache le cout réel du diésel et peut étouffer la transition vers les énergies renouvelables», ajoute Bram Noble.

500 millions de dollars de revenus réinvestis par an

Confrontés à une demande énergétique croissante, «les compagnies et les gouvernements reconnaissent néanmoins de plus en plus la nécessité d’encourager un plus grand leadeurship autochtone», nuance James Jenkins.

L’initiative Call for Power au Manitoba favorise par exemple la création de parcs éoliens possédés majoritairement par des communautés autochtones.

La compagnie provinciale d’électricité saskatchewanaise, SaskPower, exige de son côté que tous les projets d’énergie renouvelable comportent un seuil minimum d’investissement de la part de partenaires autochtones.

À l’autre bout du pays, en Nouvelle-Écosse, le programme solaire communautaire autorise la propriété autochtone.

Cependant, «le manque de personnel autochtone qualifié», capable d’assurer le fonctionnement et la maintenance des équipements, demeure un autre obstacle aux yeux de Martha Lenio.

Ça ralentit déjà certaines initiatives. Si l’on veut poursuivre le rythme de croissance actuel, il est essentiel d’investir de l’argent public pour former les jeunes et assurer la transition des travailleurs vers des emplois dans le secteur de l’énergie propre.

— James Jenkins

En s’impliquant dans la production d’énergie renouvelable, les Premières Nations en retirent de nombreux avantages socioéconomiques.

L’ICE évalue qu’elles réinvestissent chaque année 500 millions de dollars de revenus, générés par la revente d’électricité verte, dans des programmes sociaux, de santé et d’éducation ou encore dans la construction de logements dans les communautés.

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Stocker l’énergie, «la dernière pièce du puzzle»

Chad Walker explique que la Première Nation Tobique au Nouveau-Brunswick a utilisé l’argent tiré de la revente d’électricité verte pour construire des logements et mettre en place des programmes d’aide sociale. 

Photo : Courtoisie

«L’approche des communautés est presque toujours multigénérationnelle. Elles réfléchissent à la manière de lutter contre le changement climatique et de créer un avenir durable pour les prochaines générations», affirme James Jenkins.

Chad Walker insiste pour sa part sur l’importance du «sentiment d’autonomie et de souveraineté énergétiques retrouvé, lorsque les communautés possèdent leurs propres infrastructures».

À cet égard, Bram Noble aimerait voir davantage d’investissements dans les 190 communautés autochtones éloignées – principalement dans le Grand Nord – qui ne sont pas raccordées aux réseaux électriques et qui dépendent encore du diésel.

«Elles sont en situation d’insécurité énergétique et ont besoin de renouvelable pour répondre à leurs besoins humains fondamentaux», dit-il.

Martha Lenio juge que pour réussir à se débarrasser du diésel, le «stockage de l’énergie» à long terme constitue «la dernière pièce du puzzle».

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Le président du Conseil du trésor, à gauche sur la photo, n’a pas encore émis de commentaire sur les règlements attendus de son ministère en lien avec la Loi sur les langues officielles.

Inès Lombardo – Francopresse

Pour un fonctionnaire fédéral employé dans une région désignée bilingue, être supervisé dans la langue de son choix est désormais un droit, et ce, peu importe la désignation linguistique, du poste occupé. Une directive du Conseil du Trésor à cet effet est entrée en vigueur le 20 juin.

Autre modification : les postes de superviseurs désignés bilingues au sein de la fonction publique fédérale font l’objet d’un rehaussement du niveau de compétences linguistiques requis. 

Les deux modifications répondent aux exigences de la partie IV de la Loi, celle des communications et des relations avec le public.

Cette partie de la loi est à l’origine de plusieurs plaintes portées auprès du Commissariat aux langues officielles. Ce dernier l’a d’ailleurs rappelé, lors de la publication de son tout dernier rapport annuel cette semaine.

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Préoccupations persistantes

Dans une déclaration publiée dans la foulée de l’entrée en vigueur du règlement, le Commissaire aux langues officielles a toutefois soulevé des inquiétudes sur le «sort qui pourrait être réservé au personnel supervisé par des titulaires de postes unilingues ou par ceux qui ne répondent pas aux exigences linguistiques CBC».

Mesurer les compétences linguistiques

Les fonctionnaires fédéraux bilingues doivent respecter un certain niveau de compétence dans leur langue seconde dans trois catégories : la compréhension de l’écrit, l’expression écrite et la compétence orale.

Le niveau de compétence dans les trois catégories est noté séparément par les lettres A (le plus bas), B et C (le plus élevé).

Si un superviseur doit respecter la cote CBC, cela veut dire qu’il doit avec le plus haut niveau de compétence en compréhension écrite et à l’orale. Le niveau pour l’expression écrite peut être plus faible.

Le Commissaire aux langues officielles a fait part de son inquiétude, malgré deux applications de la Loi sur les langues officielles.

Courtoisie CLO

Par exemple, un gestionnaire du Nouveau-Brunswick, qui est une province bilingue, et qui ne rencontre pas la nouvelle exigence linguistique (dite «CBC») dans sa seconde langue officielle pourrait ne pas être en mesure d’attribuer des tâches ou de donner de la rétroaction a ses employés travaillant dans une région désignée bilingue dans la langue officielle de leur choix.

Dans une précision par courriel à Francopresse, le service des communications du Commissariat aux langues officielles explique qu’«il est essentiel que les institutions fédérales s’assurent, dans de telles situations, de mettre en place les mesures nécessaires pour que les droits linguistiques de ces employés soient respectés». 

Le commissaire recommande au président du Conseil du Trésor de mettre en place un mécanisme de surveillance auprès des institutions fédérales d’ici le 30 septembre 2026.  

À l’heure de publier ce texte, le bureau du Secrétariat du Conseil du trésor n’avait pas encore répondu à notre question pour savoir s’il suivrait cette recommandation.  

En outre, le même rapport du commissaire publié cette dernière semaine a souligné l’échec du Secrétariat du Conseil du trésor concernant la reddition de compte et la surveillance des institutions fédérales afin qu’elles appliquent équitablement leurs obligations en matière de langues officielles.

Loi sur les langues officielles : les trois règlements encore en attente

Trois règlements sont encore attendus pour que la Loi sur les langues officielles, adoptée il y a deux ans, soit complètement appliquée :

  1. Le règlement concernant la partie VII, Progression vers l’égalité de statut et d’usage du français et de l’anglais;
  2. Le règlement sur la capacité du commissaire aux langues officielles d’administrer des sanctions administratives pécuniaires;
  3. D’autres décrets sont attendus pour la partie VII de la Loi et pour les sanctions administratives pécuniaires en lien avec la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale.

Le Commissaire aux langues officielles, Raymond Théberge, a rendu son dernier rapport annuel : il termine son mandat en juillet.

Courtoisie CLO

Avec des informations de Hai Huong Lê Vu

FRANCOPHONIE

Le Commissaire aux langues officielles a conclu dans son récent rapport annuel pour 2024-2025 que certains de ses nouveaux pouvoirs étaient encore bloqués par l’attente des règlements de la Loi sur les langues officielles (LLO), adoptée en 2023.

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Ce qu’il attend : Ces pouvoirs bloqués incluent l’imposition de sanctions administratives pécuniaires en lien avec la partie IV de la LLO (Communications avec le public et prestation des services), et savoir également qui pourra être assujettie à ces sanctions.

Il y a aussi le règlement sur la délivrance d’ordonnances concernant la partie de la loi qui porte sur la promotion de l’anglais et du français et celui qui lui donnera les outils adéquats pour sévir contre les entreprises privées de compétence fédérale, comme Air Canada.

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Le Commissaire a aussi pointé le manque d’efforts de dix institutions fédérales pour suivre ses recommandations à propos des efforts qu’ils doivent faire concernant l’application des deux langues officielles, notamment le français, pour lequel les plaintes sont «très fortement» déposées en plus grand nombre que pour l’anglais.

De nouvelles annonces ont été faites pour que les Canadiens se tournent vers des destinations canadiennes cet été, avec le «Passeport Canada Fort», qui donne accès à des parcs et des activités variées à prix réduit tout l’été. 

Inès Lombardo – Francopresse

Le libéral bilingue Yvan Baker a été élu président du Comité permanent des langues officielles de la Chambre des Communes. Élu depuis 2019, il n’a encore jamais siégé au comité des Langues officielles.

Les deux autres comités permanents de la Chambre d’intérêts directs pour les francophones que sont Immigration et Patrimoine canadien ont élu les libérales Julie Dzerowicz et Lisa Hepfner à la présidence. La première est anglophone et la seconde est bilingue. 

Lundi, le ministre de l’Identité et de la Culture canadiennes, Steven Guilbeault, a annoncé que les Canadiens auront accès à un «Passeport Canada Fort». Il permettra de profiter de plusieurs sites naturels et d’activités variées à prix réduit, voire complètement gratuitement, pour l’été.

Ce laissez-passer est valable du 20 juin au 2 septembre. Les services proposés vont de l’accès gratuit aux sites de Parcs Canada, pour tous les âges, à l’entrée gratuite – ou des rabais pour les jeunes de moins de 18 ans – dans les musées et avec VIA Rail.

Si des billets ont déjà été achetés pour les sites susmentionnés cet été, le ministre Guilbeault a confirmé en conférence de presse qu’un remboursement était possible en contactant le site ou le fournisseur concerné.

 

CANADA

«Nous avons identifié une urgence économique et nous offrons une façon pour une période limitée d’avancer d’une façon plus cohérente des projets désignés comme étant d’intérêt national», a défendu le ministre des Affaires intergouvernementales du Canada et de l’Unité de l’économie canadienne, Dominic LeBlanc, mercredi soir, devant le Comité permanent des transports.

Contexte : Le ministre répondait aux questions des députés dans le cadre de l’étude du controversé projet de loi C-5 sur la construction de grands projets d’infrastructure que les libéraux estiment d’«intérêts nationaux».

Ces projets ciblent notamment des constructions de ports et de pipelines à travers le pays, ce qui provoque l’ire des Premières Nations et des groupes environnementaux.

Introduit en chambre début juin, le projet de loi a fait l’objet de bâillons de la part des libéraux, adopté des bâillons à la Chambre des Communes en début de semaine, avec l’appui des conservateurs, pour accélérer le processus d’adoption du projet de loi.

Une pluie d’amendements : «Il n’y a presque aucun contrepouvoir», a critiqué Xavier Barsalou-Duval, du Bloc québécois. Son parti a déposé 42 amendements pour modifier le projet de loi, presque tous rejeté par les libéraux.

Seuls 13 amendements – dont un qui empêche le gouvernement de suspendre certaines lois pour autoriser la construction de grands projets nationaux – ont été adoptés avec l’appui des conservateurs en comité mercredi.

Les lois épargnées sont la Loi sur les langues officielles, la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale et la Loi sur les Indiens.

Les amendements rejetés par les libéraux et les conservateurs concernent les contrôles environnementaux renforcés; la sélection de critères de sélection des projets contraignants et au droit du Québec de refuser ou accepter un projet.

Le Nouveau Parti démocratique (NPD) a de son côté fait adopter un amendement pour protéger les travailleurs syndiqués. Mais le parti persiste pour inclure de «grands changements», a indiqué la députée Leah Gazan, dans un communiqué jeudi.

Le projet de loi a été adopté en 3e lecture en Chambre ce 20 juin. La première partie, la Loi sur le libre-échange et la mobilité de la main-d’œuvre au Canada, a été adopté par tous les députés sauf par la députée et cheffe du Parti vert, Elizabeth May, avec 336 voix pour et 1 contre.

La deuxième partie de C-5 a créé, comme attendu, plus de division; avec 306 voix contre 31. Le Bloc québécois, le NPD et la députée verte Élizabeth May ont voté contre le projet de loi. Nathaniel Erskine-Smith a brisé la ligne de son parti en étant le seul libéral à voter contre.

Dans l’espoir de conclure une entente avec le président des États-Unis, Mark Carney a fait savoir jeudi, lors de sa dernière conférence de presse du printemps, que le Canada ajustera ses tarifs sur l’acier et l’aluminium américains dès le 21 juillet, pour refléter le progrès des négociations avec Washington sur une entente plus large.

«Nous allons prendre tout le temps nécessaire pour obtenir le meilleur délai pour le Canada, mais nous ne prendrons pas plus», a-t-il déclaré.

Le premier ministre vise un accord d’ici 30 jours. Dès le 30 juin, Ottawa limitera aussi l’achat de ces métaux à des partenaires jugés équitables.

Le Bloc québécois a déposé un projet de loi, lundi, pour éviter aux députés fédéraux d’avoir à prêter serment d’allégeance au roi pour siéger.

Le parti propose de le remplacer par un serment d’office, qui ressemblerait à celui des «juges et certains hauts fonctionnaires de l’État».

«Neuf Québécois sur dix, et même de nombreux Canadiens, rejettent la monarchie qui est l’incarnation vivante de la vieille oppression britannique. C’est donc à la fois un test et une opportunité pour le Canada de faire preuve de l’inclusivité et de l’ouverture dont il se réclame», a déclaré le parrain du projet de loi, Xavier Barsalou-Duval.

 INTERNATIONAL

Le Canada était le pays hôte du sommet du G7 cette année. Le groupe s’est réuni du 15 au 17 juin à Kananaskis, en Alberta. Les chefs des gouvernements de l’Allemagne, des États-Unis, de la France, de l’Italie, du Japon et du Royaume-Uni étaient présents.

L’essentiel : Après quatre jours d’escalade meurtrière entre l’Iran et Israël, le président des États-Unis, Donald Trump, a quitté le G7 précipitamment, lundi.

Il a fait savoir qu’il n’œuvrait pas pour un «cessez-le-feu», mais pour «quelque chose de beaucoup plus gros que ça». Il répondait au passage à son homologue français Emmanuel Macron, qui avait lancé que ce serait «une très bonne chose» si les États-Unis intervenaient pour un cessez-le-feu.

Controverses : La courte présence de Donald Trump était moins controversée – malgré l’imposition des vagues de tarifs contre le Canada et tous les autres pays du G7 – que celle du président indien Narendra Modi. Ce dernier a été accusé en 2023 par Ottawa d’avoir été directement impliqué dans l’assassinat d’un Canadien d’origine indienne. Hardeep Singh Nijjar. Le premier ministre canadien Mark Carney a profité du G7 pour renouer avec l’Inde.

Il a aussi rappelé que le Canada soutenait Israël contre l’Iran, jeudi, tout en rappelant sa demande de «cessez-le-feu» à Gaza.

Aucune déclaration du gouvernement n’a été émise à propos de la marche internationale vers Gaza qui espérait «briser le siège». Une centaine de Canadiens ont été bloqués, interrogés et détenus par les autorités locales en Égypte et déportés vers le Canada. 

La première stratégie est la création du Consortium national de formation en santé (CNFS) en 2003. Il a été le résultat d’une des recommandations du comité consultatif des communautés francophones en situation minoritaire (CCCFSM), 2001, de Santé Canada. Je vous propose de lire ce document en entier disponible sur le Web et encore très actuel.

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Je vous présente ici un extrait qui mérite votre attention. «Pour étudier en français dans l’une ou l’autre des disciplines universitaires en santé, les membres des communautés francophones en situation minoritaire doivent souvent se rendre dans une autre ville ou province où est dispensée la formation. Une fois déracinés, peu d’entre eux reviennent dans leur communauté pour exercer leur nouvelle profession. L’autre solution qui s’offre aux francophones en situation minoritaire est d’aller étudier en santé dans l’établissement anglophone le plus près de chez eux. Toutefois, il est rare que, une fois diplômés, ceux-ci exercent leur profession en français et, encore plus rare, qu’ils reviennent dans leur communauté pour y travailler. Des études de l’OMS et de l’Organisation mondiale des collèges nationaux, académies et associations académiques des généralistes et des médecins de famille (WONCA) de même que l’expérience du Partenariat Acadie-Université de Sherbrooke démontrent qu’il y a deux critères de succès pour le recrutement et la rétention des professionnels de la santé, soit la région d’origine du candidat et l’exposition du candidat à son milieu d’origine le plus tôt possible et le plus souvent et longtemps possible au cours de sa formation. Aussi importe-t-il de renforcer la formation des étudiants en français aussi près que possible de leur milieu d’origine, de sorte qu’ils puissent ensuite exercer leur profession dans leur communauté et dans leur langue.»

Les retombées de la création du Consortium national de formation en santé qui regroupe les universités et collèges francophones en milieu minoritaire sont importantes. Le CNFS a augmenté le nombre de professionnels en santé francophones à l’échelle nationale. Le Centre de formation médicale du Nouveau-Brunswick, né de la contribution financière du CNFS (financé via le Programme des langues officielles du Canada) et du gouvernement du Nouveau-Brunswick s’illustre à l’échelle nationale et internationale par le haut taux de rétention de ses finissantes et finissants dans la province du Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse.

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Un groupe qui est demeuré initialement dans l’oubli est les étudiantes et étudiants francophones qui ont choisi d’être formés dans les professions de santé dans les universités près de leur communauté d’origine et qui offrent des formations uniquement en anglais. Ces institutions anglophones évidemment ne font pas partie du CNFS. Une deuxième stratégie fut donc mise en action.

C’est alors qu’en 2014, un comité de travail de l’Association des facultés de médecine du Canada (AFMC) que j’ai eu l’honneur de présider a présenté un projet pour cibler les étudiantes et étudiants francophones et francophiles dans les facultés de médecine anglophones du Canada. Le projet intitulé   «Franco Doc» de l’AFMC a obtenu son financement du Programme des langues officielles du Canada via Santé Canada. Ses objectifs étaient de collaborer avec les facultés anglophones afin : 1 – d’identifier le nombre d’étudiantes et étudiants francophones et francophiles en médecine; 2 – d’identifier leurs besoins de formation en français; 3 – d’offrir des activités de formations complémentaires en français alignées avec les objectifs pédagogiques de leur faculté.

Le projet a été financé à deux reprises pour une période de cinq ans. Les résultats ont été étonnants. Le projet Franco Doc I et II a réussi à identifier une présence en tout temps d’environ 375 étudiantes et étudiants francophones et francophiles dans les facultés de médecine et des sciences de la santé anglophones du Canada. Ceci représente une cohorte francophone équivalente à une faculté de médecine entière. Les étudiantes et étudiants en question ont démontré un fort intérêt de parfaire leurs connaissances et compétences cliniques en français, en particulier en ce qui a trait à la terminologie médicale, et de mieux connaitre les besoins des communautés francophones en situation minoritaire. Plusieurs activités de formation en français ont été mises en place telle que la traduction de modules de formation, des simulations cliniques en français et j’en passe. Cette mobilisation des facultés de médecine autour de l’importance des services de santé en français a permis de tisser des liens avec la Société Santé en français (SSF) et ses réseaux au Canada. L’Association des facultés de médecine du Canada, grâce à son projet Franco Doc, a mis en place des stratégies prometteuses pour l’amélioration de l’intégration des ressources humaines en santé en français.

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Malheureusement depuis 2019, le manque de financement adéquat, l’absence d’une équipe de gestion et de coordination dédiée au projet, le plan d’action de Franco Doc et ses activités ont été grandement réduits. Deux ressources humaines dédiées à ce projet en collaboration avec l’AFMC et la SSF permettraient de réactiver le plan d’actions qui avaient fait preuve d’un énorme succès. Les étudiantes et étudiants francophones et francophiles dans les facultés de médecine avaient clairement exprimé dans la démarche initiale du projet «parce que nous avons choisi de se former près de chez nous en anglais, notre communauté nous oublie».

Je souhaite que les partenaires puissent trouver du financement et les moyens de revigorer cette initiative d’envergure au niveau des facultés de médecine anglophones. La SSF via sa démarche Franco Santé a amorcé l’identification d’étudiantes et étudiants dans les autres disciplines de la santé un peu à l’image de Franco Doc.

Des solutions qui ont fait preuve de succès existent. Il suffit de les réactiver.

Dr. Aurel Schofield, C.M.,CCMF, FCMF
Fondateur et ancien directeur
Centre de formation médicale du Nouveau-Brunswick
Professeur titulaire (retiré), Université de Sherbrooke
Dieppe, N.-B.

Depuis son élection, le premier ministre Mark Carney a rappelé plusieurs fois qu’il envisageait de réduire la part d’immigrants temporaires, dont les étudiants étrangers, en deçà de 5 % de la population canadienne. Cette prévision s’inscrit notamment dans le sillage de ce que le dernier gouvernement de Justin Trudeau planifiait.

Toutefois, un flou plane sur les places réservées aux étudiants étrangers francophones hors Québec pour 2025 ou 2026.  

Sous la précédente législature, l’ex-ministre d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), Marc Miller, avait plafonné le nombre d’étudiants étrangers en janvier 2024. 

Il avait ensuite dévoilé la création du Programme pilote pour les étudiants dans les communautés francophones en situation minoritaire (PPECFSM). 

Une mesure annoncée après une levée de boucliers des communautés francophones et le dépôt d’une plainte au Commissariat aux langues officielles par l’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne (ACUFC) au printemps 2024. Cette plainte soutient que le plafond ne respecte pas la Loi sur les langues officielles. Cette plainte est en cours de traitement.

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Facteur de risque

Sans chiffre précis, les établissements postsecondaires francophones ne savent pas sur quel pied danser. 

Pour nous, c’est un facteur d’incertitude et de risque extrêmement important, élevé, qui font que les conséquences du point de vue budgétaire, mais aussi par rapport à notre projet de société [pour la francophonie en situation minoritaire, NDLR], peuvent être dramatiques.

— Aurélie Lacassagne, rectrice de l’Université de Hearst

Selon cette dernière, quand les annonces concernant l’accueil d’étudiants sont faites, la mise en œuvre est immédiate au niveau du gouvernement. «Mais l’année universitaire elle ne fonctionne pas comme ça. On travaille toujours un an à l’avance», souligne-t-elle.

L’incertitude par rapport aux étudiants qu’elle peut ou non accueillir dans son université pourrait «nous poser des problèmes légaux, parce que moi, à partir du moment où j’ai fait une lettre d’admission, je m’engage vis-à-vis des futurs étudiants». «Donc c’est compliqué si demain on me dit “bah non, tu peux pas me faire rentrer l’étudiant au mois de janvier”».

«On a des inquiétudes», confirme le PDG de l’ACUFC, Martin Normand.

«Ils devraient être inquiets»

«Ils devraient être inquiets», commente une source proche du dossier fédéral de l’immigration que nous ne pouvons pas nommer, parce qu’elle n’a pas la permission de parler aux médias. 

Selon celle-ci, le problème majeur est que les universités et les collèges francophones en dehors du Québec sont «plus vulnérables que leurs équivalents anglophones. Pour plusieurs raisons, de sous-financement, d’accès aux fonds […] surtout dans des régions».

Cette personne cite l’exemple de l’Université Laurentienne, tellement endettée et à court de financement qu’elle a dû renvoyer de nombreux professeurs et couper des programmes en français. «Mark Carney devrait se pencher avec plus de minutie sur ces enjeux», poursuit cette même source. 

En revanche, cette source explique que les établissements postsecondaires francophones ont pu être desservis par leur tendance à «renflouer leur coffre» avec les frais de scolarité des étudiants internationaux. «Je pense qu’il y a des gens qui ont fait ça à outrance», estime-t-elle. 

Cela expliquerait selon elle la réserve du fédéral d’accueillir des étudiants étrangers, qui sont utilisés pour augmenter les revenus des établissements, car ils paient des frais plus chers que les étudiants d’origine canadienne. 

Lena Metledge Diab, ministre d’IRCC, affirme qu’elle suivra le plan dévoilé sous Justin Trudeau, mais sans préciser le sort des étudiants étrangers francophones.

Photo : Courtoisie

Les données prévues pour les résidents permanents francophones

L’actuelle ministre, Lena Metledge-Diab, a confirmé en entrevue avec Francopresse le 12 juin qu’elle conserverait les cibles d’accueil de résidents permanents francophones hors Québec dévoilées par l’ex-ministre d’IRCC, Marc Miller, lors du dernier gouvernement Trudeau. Elles sont de 8,5 %, 9,5 % et 10 % pour les années 2025, 2026 et 2027.

Il s’agit de la seule cible qui augmente, puisque le gouvernement a promis d’accueillir globalement moins d’immigrants, soit 395 000 en 2025.

Elle ajoute une nouvelle cible, promise par le premier ministre Mark Carney lors de la campagne électorale : celle de 12 % de francophones pour l’extérieur du Québec en 2029. 

Elle ne peut cependant pas donner de précisions sur le nombre d’étudiants étrangers qui pourraient être accueillis.

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Pistes

De son côté, l’ACUCF espère que le gouvernement fédéral clarifiera sa position sur les étudiants étrangers francophones en augmentant la capacité du programme, qui a été annoncé l’an dernier.

Le premier ministre Carney a annoncé vouloir une cible d’immigrants francophones hors Québec à 12 % d’ici à 2029.

Photo : Inès Lombardo – Francopresse

D’autres options sont envisageables selon l’Association, comme fixer des cibles à la hausse pour le nombre de résidents temporaires pour «permettre de maintenir les cibles en matière d’étudiants internationaux francophones» ou encore «inclure les étudiants francophones dans la cible de 12 %». 

L’Association le rappelle : les étudiants internationaux francophones qui sont résidents temporaires et qui sont actuellement aux études ne font pas partie de la cible de 12 % souhaitée par Mark Carney. 

«Ils font partie de la cible seulement s’ils font la transition à la résidence permanente», précise Martin Normand. 

«Il faut protéger le nombre d’étudiants internationaux qui rentrent au Canada dans nos établissements francophones, malgré la baisse annoncée du nombre de résidents temporaires au Canada. C’est là que les deux morceaux doivent s’imbriquer», affirme-t-il encore.

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En campagne électorale, tous les moyens sont bons pour amadouer les électeurs. L’élection fédérale du printemps n’a pas fait exception.

Prenez en exemple Mark Carney. Le candidat libéral est un partisan des Oilers d’Edmonton. Et pourtant, ça ne l’a pas empêché d’enfiler un chandail des Canadiens de Montréal lors d’un rassemblement politique à Laval, au Québec, le 22 avril. Inutile de dire qu’arborer les couleurs du Tricolore ne peut pas faire de mal en terre québécoise.

Ingénieuse, son équipe de campagne avait aussi fait la promotion de son champion quelques jours plus tôt en copiant une affiche à l’effigie de la recrue des Canadiens, Ivan Demidov (avec le slogan : «Là pour les Canadiens»), et en la placardant devant le Centre Bell, à Montréal.

Le chef bloquiste, Yves-François Blanchet, a lui aussi revêtu la tenue mythique du CH (sigle de l’équipe des Canadiens), même si, en regard de son positionnement politique, cette appropriation est moins contestable.

Ces moments insolites prêtent à sourire. Mais ils soulèvent un problème : ce sont à peu près les seuls moments où les sports se sont immiscés dans la campagne électorale.

Et ça, ça fait moins rire.

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Les chandails oui, les promesses non

En tant que journaliste, j’ai suivi de près la campagne. Une seule proposition m’a semblé suffisamment publicisée pour arriver aux oreilles de la majorité des électeurs et électrices : celle de Mark Carney de rendre l’entrée des parcs nationaux gratuite, une mesure qui entrera en vigueur le vendredi 20 juin.

Dans son blogue «Sport for Social Impact», David Thibodeau a rigoureusement épluché les plateformes des partis et a dressé la liste de leurs propositions en termes de sport, de loisirs, d’activité physique et d’environnements actifs. Jetez-y un coup d’œil, je vous promets que ce ne sera pas long.

De cette liste réduite à peau de chagrin, il en tire notamment cette conclusion : «La plupart des partis n’ont même pas mentionné l’activité physique dans leur programme».

Les propos de la journaliste de CBS Sport, Karissa Donkin, confirment cet état des lieux. «Aucun parti ne m’a répondu lorsque je leur ai demandé ce qu’ils comptaient faire pour le sport. Mais il y a beaucoup d’enjeux.»

Des enjeux de santé publique d’ailleurs. Il est étonnant de voir qu’en 2025, avec toutes les études scientifiques et les recommandations claires de l’Organisation mondiale de la santé, la pratique sportive ne fait pas davantage partie des politiques de santé publique.

Pour le sport professionnel, nada. Pourtant, à la fin des Jeux olympiques de Paris, le PDG et secrétaire général du Comité olympique canadien (COC), David Shoemaker, avait tiré la sonnette d’alarme, considérant que les athlètes ne pourraient pas développer tout leur potentiel sans fonds supplémentaires de la part d’Ottawa.

Cela fait 20 ans que les sommes allouées aux fédérations sportives n’ont pas augmenté, malgré la hausse du cout de la vie. C’est pourquoi le COC demande 144 millions de dollars supplémentaires.

Le Canada va-t-il être capable de former les Summer McIntosh, Sidney Crosby ou Shai Gilgeous-Alexander de demain?

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Et maintenant?

Après une campagne si avare en promesses sportives, l’absence d’un ministre dédié au sport dans le cabinet de Mark Carney n’est pas étonnante.

Le portefeuille est confié au secrétaire d’État Adam van Koeverden – ancien médaillé d’or olympique en kayak –, qui est rattaché à Steven Guilbeault, ministre de l’Identité et de la Culture canadiennes et ministre responsable des Langues officielles. Pas simple de s’y retrouver.

Au moins, le gouvernement fédéral avait lancé, en décembre 2023, la Commission sur l’avenir du sport au Canada, qui a pour objectif de rendre le système sportif canadien plus sécuritaire. Cette vaste consultation n’a pas été oubliée.

En mars dernier, Steven Guilbeault a annoncé que la mission de consultation serait prolongée jusqu’au 31 mars 2026.

Veiller à ce que le système sportif canadien offre un cadre bienveillant et sécuritaire est essentiel. Mais est-ce suffisant pour encourager la pratique et former les champions de demain? On peut en douter.

Rappelons aussi que le Canada s’apprête à coorganiser, dans exactement un an, l’évènement sportif majeur de l’année 2026 : la Coupe du monde de soccer, et cela passe relativement inaperçu.

Le gros problème du sport dans les sphères politiques – et c’est aussi valable pour la culture par exemple –, c’est qu’il y a toujours un sujet plus urgent. Donald Trump, guerre commerciale, crise du logement, immigration, feux de forêt… Il y aura toujours quelque chose de prioritaire – et à juste titre.

Mais pourquoi ne pas penser le sport comme une piste de solution à certains défis qu’affronte le Canada?

On l’a vu récemment avec les attaques portées par Donald Trump contre le Canada : la Confrontation des 4 nations a servi d’exutoire à la population canadienne et la victoire de notre équipe nous a rendus plus fiers que jamais.

«Je pense qu’au moment où notre souveraineté est remise en cause, on peut regarder le sport comme quelque chose qui nous rassemble et nous rappelle ce que nous sommes», a très justement déclaré la journaliste Karissa Donkin.

Le monde politique et ses dirigeants savent se servir du sport quand ils en ont besoin. Il est maintenant temps que la politique serve le sport.

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