le Lundi 16 juin 2025

«Il y a encore beaucoup de personnes ainées qui ont de la difficulté à sortir du placard, à s’afficher. Il y a des cheminements de vie qu’on ne voit pas autant chez les plus jeunes», remarque Michel Tremblay, directeur général de la Fédération des ainés et retraités francophones de l’Ontario (FARFO).

«Il faut savoir qu’il y a eu une période où c’était illégal, criminel, au Canada, d’être homosexuel. En 1968, la loi a changé.» Il évoque aussi la crise du sida dans les années 1980 et 1990; autant d’épreuves qui ont marqué le parcours des ainés et ainées francophones 2ELGBTQI+*. Un parcours toujours semé d’embuches.

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Une «triple minorité», une même solitude

Pierre Soucy siège au conseil d’administration du Comité FrancoQueer de l’Ouest (CFQO). L’un des éléments qui l’ont poussé à s’engager, c’est l’absence de personnes ainées au sein de l’organisme. «Ce que j’avais observé en visitant le site Web du CFQO, c’est que les gens de mon âge n’étaient pas très visibles.»

«C’est pas facile d’aller chercher les ainés francophones queers, conçoit-il. Parce qu’il y a de grosses craintes dans cette population-là d’être visibles.»

Je fais partie d’une triple minorité : comme francophone en Colombie-Britannique, comme homme gay et comme homme francophone âgé. Notre communauté, si je rassemble ces trois qualificatifs-là, on n’est pas nombreux, et puis on est éparpillé.

— Pierre Soucy

Pour répondre à cette réalité, le CFQO organise beaucoup d’activités en ligne, même si rejoindre les ainés de cette façon reste un défi. Selon son directeur général, Martin Bouchard, l’organisme ne demande pas de subventions pour ce type d’initiatives, «peut-être parce que les opportunités de financement ne visent pas non plus [cette population]».

En Ontario, l’organisme FrancoQueer mène actuellement une étude pour évaluer les besoins des francophones 2ELGBTQI+ de 50 ans et plus à Toronto.

Dans le cas de soins uniquement délivrés en anglais, les personnes ainées dépendent souvent de leurs proches pour faire l’interprétation. Ce qui ajoute une couche de complexité quand «ces proches n’acceptent pas leur identité de genre ou orientation sexuelle», observe Élisabeth Bruins. 

Photo : Courtoisie

«On oublie parfois les combats des personnes qui ont passé avant nous […] qui ont mené à la justice, à laquelle nous on profite aujourd’hui», souligne Martin Bouchard, évoquant le devoir de mémoire de la communauté envers les ainés. 

Photo : Courtoisie

Le principal défi identifié jusqu’alors reste l’isolement, causé notamment par «l’âgisme dans les milieux arc-en-ciel, la queerphobie et le cis-hétéro-sexisme dans les milieux pour personnes âgées», énumère l’agent·e de recherche, sensibilisation et formation auprès de l’association, Élisabeth Bruins.

«On sait aussi que les personnes 2ELGBTQI+ sont plus susceptibles d’avoir vécu des ruptures avec leurs réseaux sociaux, leurs familles, ajoute-t-elle. Plusieurs de cette génération ont perdu des proches pendant la crise du VIH. […] Passer des années à se protéger, à cacher son identité, ça a des séquelles.»

Participer à des activités communautaires comme aller à des projections de films, ce n’est pas suffisant pour briser son isolement. Ça prend des relations sociales.

— Élisabeth Bruins

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Un nouveau réseau à Toronto

En partenariat avec FrancoQueer, la Fédération des ainés et des retraités francophones de l’Ontario (FARFO) a lancé le Réseau Vivre+ Fierté, pour réunir les francophones 2ELGBTQI+* de Toronto.

«On veut créer un groupe qui se rencontre régulièrement, qui va finir par se connaitre et créer des amitiés, pour que les membres de la communauté puissent avoir quelqu’un d’autre à qui se confier et sur qui compter», explique l’animateur du Réseau, Normand Babin.

«Souvent, ces gens-là sont célibataires, ils n’ont pas de conjoint, ils n’ont pas d’enfant, donc ils se retrouvent assez isolés.»

Le réseau, qui compte déjà une trentaine de membres à Toronto, organise un cocktail intergénérationnel à l’occasion du mois de la Fierté. Il propose aussi des clubs de lecture, des visites, des piqueniques ou encore des ateliers de dessin.

«Le dernier placard»

L’isolement s’accentue lorsque vient le temps d’accéder à des soins de santé adaptés.

«Si elles ne peuvent pas compter sur les professionnels ni sur leurs proches, ça fait en sorte qu’il y a beaucoup de personnes âgées arc-en-ciel qui n’ont pas accès aux soins dont elles ont besoin», alerte Élisabeth Bruins.

Certaines personnes se tournent vers des établissements anglophones, faute de trouver des services à la fois en français et inclusifs.

«Ici à Toronto, il y a le Centre Rekai [anglophone, NDRL], un des rares foyers au Canada qui a une approche dédiée aux personnes 2ELGBTQI+. Mais à part ça, il n’y en a pas beaucoup. Souvent pour ces gens, les soins de longue durée c’est, comme on dit, “le dernier placard”», relève Michel Tremblay.

«Le personnel n’est pas toujours ouvert. Il y a beaucoup de ces personnes-là qui viennent de pays où l’homosexualité n’est pas acceptée.»

Pour Michel Tremblay, il faut rendre la population et les fournisseurs de services conscients des problématiques particulières aux personnes âgées francophones 2ELGBTQI+. 

Photo : Courtoisie

«Si tu manques de respect à la personne âgée, pour différentes raisons, ça peut être une cause de congédiement. Il peut y avoir des cas d’abus, physique ou psychologique, et c’est règlementé par la loi», rappelle Paul-André Gauthier. 

Photo : Courtoisie

«Certains ont dû retourner dans le garde-robe, nier le fait qu’ils sont gais, lesbiennes, transgenres ou autre», confirme Paul-André Gauthier, infirmier clinicien spécialiste. Certains couples sont également placés dans des chambres séparées en raison de leur orientation sexuelle.

Ce consultant en santé a d’ailleurs contribué à la rédaction d’un guide, en collaboration avec la FARFO, à destination, entre autres, des fournisseurs de services au sein des établissements de santé.

«Le mot de passe, c’est toujours le respect», insiste Paul-André Gauthier. Pour éviter que les droits des personnes soient bafoués, il recommande de former l’ensemble du personnel, et surtout de mettre en place un suivi, «pour s’assurer que ces lignes directrices sont respectées».

«Il faut être inclusif aussi quand on fait des activités. On accepte tout le monde, puis on essaie d’utiliser un langage un peu plus neutre», suggère-t-il.

À lire ailleurs : Un guide pour éviter un 2e «garde-robe» (Le Voyageur)

Un plan d’action fédéral

Le gouvernement fédéral a mené une consultation en ligne entre le 1er mai 2024 et le 17 juillet 2024, visant à aider les ainés 2ELGBTQI+ à vieillir à domicile.

Emploi et Développement Social Canada termine actuellement les travaux de recherche et les rapports finaux ne sont pas encore achevés.

La consultation, menée dans le cadre du Plan d’action fédéral 2ELGBTQI+, s’est penchée sur des sujets comme le logement, les soins, la santé ou encore les réseaux sociaux.

Les idées et les commentaires qui ont été recueillis pourraient «soutenir la conception de politiques», rapporte le ministère par courriel.

Dialogues intergénérationnels

Partout au pays, des initiatives locales cherchent à combler les vides. Pour plusieurs, c’est dans la rencontre entre générations que se dessine un avenir plus inclusif.

«On essaie de mettre en place des activités intergénérationnelles […] Le but c’est vraiment de réunir des personnes de 2ELGBTQI+ de tous les âges pour favoriser le partage de connaissances et l’entraide», commente de son côté Élisabeth Bruins à FrancoQueer.

L’organisme torontois collabore ainsi avec la FARFO pour combiner ses connaissances sur la diversité affective, sexuelle et de genre à leur expertise en matière de vieillissement.

En Acadie, une programmation en construction

«Avec le vieillissement de la population en Acadie et la contribution historique de nos ainé·es queer, c’est vraiment important pour nous de développer de la programmation dédiée», indique par courriel le directeur général d’Alter Acadie, Alex Arseneau.

L’organisme pense notamment à collaborer avec des organismes comme l’Association francophone des ainés du Nouveau-Brunswick (AFANB).

Sur le site Internet d’Alter Acadie, une section répertorie les foyers de soins identifiés comme sécuritaires pour les personnes ainées 2ELGBTQI+.

Pour Pierre Soucy, le dialogue intergénérationnel demeure essentiel et il s’efforce de le favoriser en s’impliquant dans différents organismes. «Les ainés aussi peuvent avoir des perspectives, des préjugés [sur les jeunes]. L’âgisme fonctionne dans les deux sens.»

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*L’acronyme 2ELGBTQI+ désigne les personnes aux deux esprits (et bispirituelles, 2E), lesbiennes, gaies, bisexuelles, transgenres, queers, intersexuées et toutes les autres personnes faisant partie des communautés de diversité sexuelle et de genre qui utilisent une autre terminologie (+).

FRANCOPHONIE

Le commissaire aux langues officielles, Raymond Théberge, a réitéré «qu’il arrive encore trop souvent que les autorités aéroportuaires manquent à leurs obligations linguistiques […] Le nombre important de plaintes que je reçois année après année en témoigne». 

Photo : Courtoisie CLO

Le Commissariat aux langues officielles a fait un examen de suivi de 20 plaintes jugées fondées qui ont été déposées contre l’Autorité aéroportuaire du Grand Toronto, liées à des manquements aux services en français entre 2021 et 2022.

Le rapport souligne que l’aéroport Pearson n’a pas mis en œuvre assez de correctifs en matière de bilinguisme, en ligne et sur place, alors qu’il est assujetti à la Loi sur les langues officielles.

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La Cour suprême du Canada prévoit de traduire certaines de ses décisions rendues avant 1970, qui ont été rendues uniquement en anglais.

De quoi s’agit-il? : Un comité indépendant de la Cour aurait déjà sélectionné les jugements à traduire, selon les propos du juge en chef de la Cour, Richard Wagner, en conférence de presse, mardi. Le nombre de jugements à traduire devrait être connu dans les prochaines semaines.

Cette initiative découle de la modernisation de la Loi sur les langues officielles adoptée en 2023, qui exige la traduction de toutes les décisions des tribunaux fédéraux. En attendant, la Cour a retiré de son site toutes les décisions non traduites datant d’avant 1970 – soit presque 6000.

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CANADA

Le gouvernement de Mark Carney a annoncé cette semaine qu’il injectera 9 milliards de dollars en plus dans la défense et les Forces armées canadiennes. Un investissement qui fait bondir, dès cette année, les dépenses militaires canadiennes à 2 % du PIB, atteignant ainsi la cible fixée par l’OTAN, et ce, à quelques jours du G7 qui se tiendra la semaine prochaine, en Alberta.

Rattraper le retard : L’investissement cible de nouveaux sous-marins, des avions, des navires, des véhicules armés, une artillerie, de nouveaux radars, des drones et des capteurs pour surveiller les fonds marins et l’Arctique.

Les membres des Forces armées canadiennes verront aussi une augmentation de leurs salaires.

Dans une déclaration, le Nouveau Parti démocratique (NPD) critique le fait que le plan de défense «ne comprend pas de consultations sérieuses avec les communautés qui y vivent», mentionnant notamment «des investissements dans les Inuits et les habitants du Nord», selon la déclaration du NPD.

Plus de couts pour les contribuables : L’acquisition de la nouvelle flotte d’avions de chasse CF-35 coutera 46 % de plus que prévu aux contribuables, souligne un rapport de la vérificatrice générale du Canada, Karen Hogan.

Selon cette dernière, le cout de la flotte des 88 avions de chasse – qui doivent remplacer les anciens modèles – est passé de 19 milliards de dollars à plus de 27, 7 milliards, par rapport à ce qu’avait conclu le gouvernement Trudeau en décembre 2022.

Il s’agit de l’un des plus gros achats jamais effectués pour le compte du ministère de la Défense nationale.

La ministre des Affaires étrangères du Canada, Anita Anand, a annoncé mardi que le gouvernement canadien sanctionnait deux ministres israéliens, Itamar Ben-Gvir et Bezalel Smotrich, pour «le rôle crucial qu’[ils] ont joué en facilitant l’expansion considérable des colonies et des avant-postes en Cisjordanie».

La ministre des Affaires étrangères, Anita Anand, a lu mardi la déclaration qui sanctionne deux ministres israéliens, à la sortie de la réunion des ministres du gouvernement Carney. 

Photo : Inès Lombardo – Francopresse

Ces sanctions ont été prises conjointement avec le Royaume-Uni, la Nouvelle-Zélande, la Norvège et l’Australie.

Le Canada a condamné «des niveaux plus élevés de harcèlement et de violence de la part des colons israéliens extrémistes à l’encontre de la population civile palestinienne».

Toutefois, la ministre Anand a précisé en mêlée de presse mardi que ces sanctions ne visaient pas l’État d’Israël : «Le Canada continue de soutenir fermement l’État d’Israël.»

«Le Canada continue de demander la libération immédiate de tous les otages, un cessez-le-feu, que le Hamas dépose les armes et que l’aide humanitaire urgente puisse circuler librement verse Gaza.»

Marche mondiale vers Gaza : En conférence de presse juste avant cette déclaration, des militants et médecins ont demandé au Canada de faire pression sur le gouvernement égyptien pour garantir un passage sécuritaire aux 100 Canadiens de toutes les provinces et territoires qui participeront à la Marche mondiale vers Gaza le 15 juin, depuis Le Caire jusqu’à Rafah.

Questionnée sur les garanties entourant ce passage sécuritaire, la ministre des Affaires étrangères a affirmé «surveiller la situation».

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Le premier ministre Mark Carney a invité le premier ministre de l’Inde, Narendra Modi, et le prince héritier et premier ministre de l’Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane Al-Saoud, au G7, qui se tiendra cette année en Alberta, du 15 au 17 juin.

L’enjeu : La Gendarmerie royale du Canada (GRC) et l’ex-premier ministre Justin Trudeau ont accusé le gouvernement indien d’avoir orchestré l’assassinat, à Vancouver en 2023, d’un Canadien d’origine indienne, Hardeep Singh Nijjar, militant pour la création d’un État sikh indépendant. Le gouvernement Modi s’oppose fermement à cette accusation.

En octobre dernier, la GRC avait aussi allégué que New Delhi dirigeait un réseau criminel au Canada visant à intimider les partisans de ce mouvement.

Narendra Modi fait l’objet de vives critiques de la part de groupes de défense des droits de la personne, notamment pour avoir tué des migrants, détenu des dissidents et des femmes qui auraient «désobéi».

Jeudi après-midi, le projet de loi sur l’abordabilité, qui comprend notamment la baisse d’impôts promise par Mark Carney de 15 à 14 % pour la première tranche de revenus a franchi la deuxième lecture avec l’unanimité de tous les députés en Chambre.

Le projet de loi comprend aussi un remboursement temporaire de la taxe sur les produits et services (TPS) pour l’achat d’une première maison neuve et la fin des remboursements sous la Loi sur la tarification du carbone.

La prochaine étape du projet de loi est l’examen du Comité permanent des Finances.

Michael Sabia, PDG d’Hydro-Québec, a été nommé greffier du Conseil privé et secrétaire du Cabinet par Mark Carney cette semaine. Il entrera en poste le 7 juillet.

Le greffier a pour mission de conseiller le premier ministre et les élus de manière neutre et objective pour assurer une bonne gouvernance. Il veille à la gestion et la livraison des services et programmes aux Canadiens et Canadiennes.

Avant sa nomination à Hydro-Québec, Michael Sabia occupait le poste de sous-ministre des Finances. Il a également dirigé la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ).

Francopresse a obtenu le rapport de suivi des recommandations du Commissariat aux langues officielles (CLO). Ce suivi, mené entre aout 2024 et février 2025, concerne des plaintes liées à des faits survenus entre octobre 2021 et avril 2022.

Le document fait état de 20 plaintes jugées fondées qui ont été déposées en 2021 et 2022 contre l’Autorité aéroportuaire du Grand Toronto (AAGT), gestionnaire de l’aéroport Pearson de Toronto. Celles-ci épinglent notamment des communications et des services qui n’ont pas été fournis en français, en ligne et sur place.

Assujettie à la Loi sur les langues officielles, l’AAGT a l’obligation de diffuser des informations simultanément dans les deux langues officielles et avec une qualité égale.

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Site Internet et réseaux sociaux

Le rapport pointe du doigt les communications numériques de l’aéroport, tant sur son site Internet que sur ses réseaux sociaux, où l’on trouve des publications non traduites – ou partiellement traduites – en français. Certaines comportant encore, au moment de la publication de cet article, des fautes d’orthographe.

À la suite des recommandations du commissaire aux langues officielles, les bulletins Checking In sur le site Internet de l’aéroport sont maintenant tous bilingues. Mais certains mots restent mal orthographiés, comme «marche» au lieu de «mars». 

Photo : Capture d’écran

Si l’AAGT a mis en place des mesures pour se conformer à la Loi, elle reste néanmoins en désaccord avec certaines conclusions du commissaire.

Sur le site Internet, les rapports de la section «Gestion du bruit» ne s’affichent qu’en anglais après leur téléchargement. L’administration maintient que ces documents relatifs au bruit des avions ne sont pas soumis à la Loi sur les langues officielles «parce qu’ils ne constituent pas une communication ou un service destiné au public voyageur».

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«Oh, je ne peux pas vous aider»

Le bilinguisme se perd aussi dans les couloirs de l’aéroport. Selon plusieurs plaintes, des employés ont refusé de répondre à des voyageurs en français.

Oh, je ne peux pas vous aider, vous avez choisi le français. Pourquoi choisir le français?

— Un policier aidant des voyageurs à un poste d’inspection en novembre 2021

Là encore, l’AAGT décline toute responsabilité. «[Elle] a affirmé que les services de police de la région de Peel n’agissaient pas en son nom et qu’ils fournissent des services de police généraux au titre de la Loi sur les services policiers», peut-on lire dans le rapport.

Or, le commissaire rappelle que l’autorité aéroportuaire doit s’assurer que les agents de police communiquent dans les deux langues officielles, car ils sont mandatés pour offrir des services au nom de l’institution fédérale, même s’ils sont employés par un service tiers.

Il recommande aussi à l’AAGT de mettre en place des mécanismes de surveillance pour s’assurer que les employés qui travaillent en première ligne pour des tiers – y compris des compagnies aériennes et des restaurateurs – présentent une offre active de service bilingue.

L’AAGT maintient que ces personnes sont sous la responsabilité des organismes qui les recrutent et ne fournissent pas des services en son nom.

Dans un document transmis au CLO, l’administration explique en outre que «si aucun employé francophone n’est disponible, l’accès à un service de ligne linguistique doit être assuré».

La Loi sur les langues officielles modernisée donne au commissaire, Raymond Théberge, de nouveaux outils pour accompagner les institutions fédérales vers un meilleur respect de leurs obligations linguistiques, dont des sanctions administratives pécuniaires le cas échéant. 

Photo : Courtoisie

Or, le commissaire souligne que cette ligne ne peut pas être considérée comme un service de qualité égale dans l’autre langue, «car un anglophone peut obtenir une assistance immédiate en personne, alors qu’un francophone doit attendre d’être mis en relation avec un interprète».

Étant donné que le suivi de l’enquête est toujours en cours, le bureau du CLO a décliné la demande d’entrevue de Francopresse.

«Je tiens toutefois à réitérer qu’il arrive encore trop souvent que les autorités aéroportuaires manquent à leurs obligations linguistiques […] Le nombre important de plaintes que je reçois année après année en témoigne», rapporte le commissaire dans une déclaration écrite.

Au moment de la publication, l’AAGT n’avait pas répondu à nos demandes.

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Le ras-le-bol d’un plaignant

«À chaque fois que je voyage au Canada en dehors du Québec, systématiquement, il n’y a pas d’offre active, lâche Claude*, un des plaignants cités dans le rapport. C’est vrai pour le personnel de sécurité de l’aéroport, pour le sous-contractant qui s’occupe de faire la fouille, la vérification des bagages et pour les commerçants qui sont à l’aéroport.»

Il n’en est pas à sa première plainte auprès du CLO. L’une de ses motivations : «C’est une façon de garantir des jobs aussi stables, bien payés, en français, pour notre communauté», ajoute-t-il.

À chaque fois que j’ai fait une plainte, j’ai trouvé le suivi du commissaire précis, clair. Je savais où j’étais rendu dans le processus […] J’ai l’impression que je suis pris au sérieux, j’ai l’occasion d’apporter des précisions

— *Un plaignant

Comment fonctionne une plainte auprès du CLO?

Lorsqu’une personne estime qu’une institution ou une administration fédérale assujettie à la Loi sur les langues officielles n’a pas respecté ses obligations linguistiques, elle peut déposer une plainte auprès du Commissariat aux langues officielles (CLO).

Les plaintes recevables donnent lieu à des enquêtes menées par le commissaire aux langues officielles ou à des recours judiciaires. Au terme de l’enquête, le CLO publie un rapport préliminaire, puis un rapport final.

Le commissaire y formule des recommandations à l’institution concernée afin de corriger les lacunes observées. Un suivi est ensuite assuré par le CLO, qui peut produire un rapport de suivi pour vérifier si les recommandations ont été mises en œuvre.

Claude a déjà déposé cinq plaintes pour dénoncer des manquements à la loi à l’aéroport de Toronto, et ce, dès la porte d’entrée, où il a eu affaire à un agent de sécurité unilingue anglais.

«On est loin du “Bonjour/Hi”. C’est écrit airport/aéroport, mais la personne qui signe avec un gun puis un drapeau du Canada, il ne comprend pas “Bonjour”, puis ça, ça m’a dérangé.»

Il espère que la nouvelle Loi sur les langues officielles va contraindre davantage les institutions. «Il va y avoir un essoufflement de ma part, si c’est juste pour faire des plaintes pour faire du papier, j’en vois pas l’intérêt. Puis même si je les fais des dizaines de fois, à un moment donné, je m’essouffle», confie-t-il.

Plus de pouvoir du CLO avec la nouvelle Loi?

«La Loi sur les langues officielles modernisée donne désormais au commissaire de nouveaux outils pour guider les institutions fédérales vers un meilleur respect de leurs obligations en matière de langues officielles», explique le bureau du CLO dans un courriel.

Le commissaire peut dorénavant conclure des accords de conformité avec les institutions et émettre des ordonnances en cas de non-conformité. «Lorsque le gouvernement les aura mises en œuvre, après avoir présenté un décret et adopté des règlements, le commissaire pourra imposer des sanctions administratives pécuniaires.»

Néanmoins, chaque dossier reste évalué au cas par cas. «Dans plusieurs cas, la conformité à la Loi peut être atteinte à l’aide d’autres outils que l’ordonnance. L’ordonnance est un outil très coercitif, généralement utilisé en dernier ressort», ajoute le bureau.

Claude déplore également le fait qu’un aéroport, par son refus de mettre en œuvre les recommandations du commissaire, sous-entend qu’il est «contre la loi» et ne «la respectera pas».

«Il y a une sorte d’obstruction, il y a une volonté avouée de ne pas respecter les francophones», poursuit-il.

«Le commissaire, c’est un fonctionnaire qui fait des papiers. L’aéroport l’a bien compris, puis agit en conséquence. Puis les perdants au final, comme toujours dans l’histoire canadienne, c’est les francophones.»

*Le prénom a été modifié pour des raisons de confidentialité.

Pour le premier ministre Mark Carney, la solution passe notamment par la création d’une véritable union économique entre l’ensemble des provinces et territoires. Il l’a dit à de nombreuses reprises : il désire créer une seule économie canadienne au lieu de treize.

S’il n’en tenait qu’à lui, le Canada deviendrait une superpuissance énergétique et la plus forte économie du G7.

Mark Carney voudrait notamment que les provinces abolissent toute entrave à la libre circulation des biens et des personnes à l’intérieur du pays. Rappelons que les provinces peuvent mettre en place de nombreuses règles auxquelles doit se soumettre la très grande majorité des entreprises.

Par ailleurs, les provinces n’ont aucune obligation de consulter les autres provinces dans l’élaboration et la mise en œuvre de leurs propres règles. C’est comme si elles agissaient en États souverains et indépendants.

Voudront-elles se plier aux désirs du premier ministre?

Malgré les grands sourires affichés à la sortie de la rencontre des premiers ministres, rien n’est moins sûr.

Les provinces canadiennes bénéficient d’une très grande liberté d’action et il serait étonnant qu’elles veuillent renoncer à cet avantage. D’ailleurs, elles ont toujours refusé de le faire par le passé.

— Geneviève Tellier

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La place des provinces dans la fédération canadienne

L’autonomie des provinces canadiennes a toujours été un sujet d’intenses discussions au pays.

Dès les débuts de la Confédération canadienne, deux visions se sont opposées : l’une voulant un gouvernement central fort et l’autre des provinces autonomes.

Malgré les efforts des partisans de la centralisation, ce sont toujours les provinces qui ont eu le dernier mot.

Il est vrai qu’il y a eu quelques succès pour ceux qui prônent une vision centralisatrice.

Ainsi, l’expansion du chemin de fer vers l’ouest piloté par le gouvernement fédéral à la fin du XIXe siècle a permis l’agrandissement et l’unification du pays. Le gouvernement fédéral est devenu le maitre d’œuvre en matière de transport national.

Par ailleurs, la constitution canadienne a été amendée à quelques reprises afin de transférer certains programmes de compétence provinciale au gouvernement fédéral. C’est ainsi que l’assurance-emploi et les pensions de la Sécurité de la vieillesse relèvent maintenant du gouvernement fédéral.

Puis il y a eu le rapatriement de la Constitution et la promulgation de la Charte canadienne des droits et libertés en 1982.

À lire aussi : La Constitution de 1982 a transformé le Canada

La résistance des provinces canadiennes

Mais l’extension des pouvoirs du gouvernement fédéral s’est toujours butée à la volonté d’autonomie des provinces.

La présence du chemin de fer, financé à grands frais par le gouvernement fédéral, a surtout permis aux provinces de s’industrialiser et d’exploiter leurs propres richesses naturelles.

Les pouvoirs constitutionnels accrus du fédéral dans certains domaines n’ont été qu’une toute petite victoire pour un gouvernement qui voulait que les provinces renoncent une fois pour toutes à leur pouvoir de taxation. Il n’y est jamais parvenu.

Le rapatriement de la Constitution en 1982 n’a pu se concrétiser qu’en ajoutant la disposition de dérogation qui permet aux provinces de se soustraire à plusieurs articles de la Charte.

On le voit, des efforts de centralisation du gouvernement fédéral ont bel et bien eu lieu, mais les provinces s’y sont toujours opposées.

— Geneviève Tellier

Si elles ont parfois accepté de se départir de certaines responsabilités, c’est qu’en général, le gouvernement fédéral payait la note.

C’est dans ce contexte qu’il faut examiner la proposition du premier ministre Carney.

Mark Carney réussira-t-il à créer une seule économie canadienne?

Si l’avenir est garant du passé, le premier ministre Carney se dirige vers un échec, si son intention est de transformer la fédération canadienne.

Les provinces n’ont jamais manifesté une réelle volonté de céder une partie de leur autonomie au profit du gouvernement fédéral. Les circonstances actuelles, bien que sérieuses pour l’avenir économique du pays, ne changeront pas les choses.

Comment alors expliquer la bonne humeur des premiers ministres provinciaux et territoriaux lors de la rencontre de Saskatoon?

Encore une fois, le gouvernement fédéral utilise une tactique qui lui a réussi par le passé : il paiera la note. D’ailleurs, le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, n’a-t-il pas dit à la sortie de la rencontre que le premier ministre canadien était le père Noël? Tout le monde aura compris : Mark Carney entend distribuer des cadeaux.

Les largesses du gouvernement fédéral

Rappelons qu’en campagne électorale, Mark Carney s’était engagé à investir 150 milliards de dollars supplémentaires pour stimuler et stabiliser l’économie canadienne.

Les provinces et territoires sont bien au courant de cet engagement et veulent obtenir leur part des largesses du gouvernement fédéral.

Par contre, elles n’ont manifesté jusqu’à présent aucune intention de se départir de certaines responsabilités au profit du gouvernement fédéral pour obtenir ces largesses.

Bien au contraire. Les provinces ne sont-elles pas en train d’abolir elles-mêmes les barrières commerciales interprovinciales sans l’aide du gouvernement fédéral?

Pour Mark Carney, le défi consiste donc à transformer la société canadienne sans modifier les droits et responsabilités des provinces.

Dans cette aventure, il risque de se trouver bien seul face aux 13 provinces et territoires qui défendront vigoureusement leur autonomie, malgré les cadeaux que le gouvernement fédéral semble prêt à distribuer.

Geneviève Tellier est professeure à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa. Ses recherches portent sur les politiques budgétaires des gouvernements canadiens. Elle commente régulièrement l’actualité politique et les enjeux liés à la francophonie dans les médias de tout le pays.

«On voit tant d’enfants dans les cliniques, déshydratés, mal nourris; c’est une politique coloniale pour éliminer une population entière. Et cette politique cible les enfants, les bébés», affirme avec colère Yipeng Ge, médecin à Ottawa parti à Gaza en février 2024.

L’une de ses collègues a interrogé les journalistes présents sur la Colline : «Savez-vous comment on reconnait un enfant affamé? Il ne peut pas pleurer. Et son cœur ralentit, pour s’arrêter.»

Ces témoignages ne sont pas rares depuis 2023 sur la Colline; ils s’intensifient, dans l’espoir d’être entendus par le premier ministre Mark Carney.

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La faim comme une arme : parallèles entre le Canada et Israël

La docteure Suzanne Shoush, de la Première Nation St’atl’imx, est responsable du bureau de santé autochtone du Département de médecine familiale et communautaire de la Faculté de médecine de l’Université de Toronto.

Suzanne Shoush affirme que «les médecins ont une voix privilégiée pour appeler à cesser le génocide», tant en Palestine qu’au Canada. 

Photo : Courtoisie

Elle a exercé la médecine auprès de familles marginalisées et mal desservies par la santé publique canadienne, dont plusieurs peuples autochtones. Cette expérience la pousse à dessiner ce «parallèle très fort» et «enraciné dans le colonialisme» entre le Canada et Israël.

Dans un article récent, elle aussi confie rester «hantée» par le souvenir d’avoir tenu dans ses bras un enfant affamé, un évènement survenu cette année, dans le Nord de l’Ontario.

«Ce souvenir, qui remonte à quelques mois, est plus viscéral qu’intellectuel – la sensation tactile de sa peau desséchée sur le bout de mes doigts avait la texture d’un papyrus ancien, trop délicat pour être touché sans se désintégrer dans mes mains. Son corps, totalement dépourvu de graisse sous-cutanée, est resté immobile – émacié et mou – tandis que je l’examinais, un profond sentiment d’effroi montant dans ma poitrine.»

Elle cite l’exemple de la communauté d’Attawapiskat, en Ontario, qui a fait l’objet en 2012 du documentaire Le peuple de la rivière Kattawapiskak. Réalisé par Alanis Obomsawin, ce dernier met en lumière les conditions de vie d’extrême pauvreté et d’accès aux premiers besoins de cette Première Nation, du fait du gouvernement canadien.

Comme bien d’autres communautés, ils ont été volontairement privés de nutriments, de soins médicaux et dentaires. L’effet de la famine était étudié sur les nourrissons, les enfants, les jeunes enfants et les personnes âgées. L’utilisation de la famine comme arme de nettoyage ethnique est redoutable.

— Suzanne Shoush, en entrevue avec Francopresse

Israël bombarde la bande de Gaza depuis octobre 2023, après une attaque du Hamas sur des civils israéliens. L’Organisation des Nations unies indique qu’une grande partie de la zone est devenue inhabitable.

«Empêcher que l’histoire ne se répète»

«Notre gouvernement manque à son obligation d’empêcher que l’histoire ne se répète en Palestine», affirme la médecin, dans ce même article. Le prisme colonialiste du Canada et d’Israël expliquerait, selon Suzanne Shoush et Yipeng Ge, que le Canada est «complice» du génocide à Gaza, malgré une promesse d’aider la population affamée, en mai dernier.

Yipeng Ge a vu de la solidarité de la part de soignants palestiniens qui partageaient le peu de nourriture qu’ils avaient pour que les médecins étrangers comme lui puissent «continuer à soigner» leur peuple, affirme ce dernier, ému. Il a perdu des collègues sous les bombes et a vécu l’encerclement des chars israéliens des cliniques où il s’est rendu. 

Photo : Inès Lombardo – Francopresse

Pendant une semaine passée à soigner des familles à Gaza, le médecin Yipeng Ge confie à Francopresse n’avoir «jamais vu autant d’enfants à l’état de peau et d’os».

Pour lui, la stratégie d’Israël visant à affamer la population palestinienne «affecte disproportionnellement les bébés, les enfants et les personnes avec des maladies chroniques».

Le médecin a déjà vu les effets du colonialisme grâce à «des étudiants et professeurs autochtones» rencontrés au début de son parcours d’étudiant qui lui ont fait prendre conscience du parallèle entre les deux États. Yipeng Ge en a également été témoin lors d’une mission au Nunavut.

Récemment, un débat d’urgence demandé par la députée du Nunavut, Lori Idlout, devait aborder la malnutrition sévère et le bienêtre des enfants Inuit. Mais cette demande de débat a été refusée par le président de la Chambre des Communes, Francis Scarpaleggia.

La déshumanisation comme autre outil colonial

La déshumanisation constitue un autre parallèle morbide entre le Canada et Israël, poursuit Suzanne Shoush.

«Au Canada, nous avons réussi à déshumaniser les peuples autochtones au point qu’ils étaient vraiment – et dans de nombreux cas, continuent – d’être considérés comme des êtres presque non humains. C’est un outil puissant que les Israéliens utilisent également contre les Palestiniens [en affirmant] qu’ils sont la seule force démocratique civilisée dans une foule de sauvages, d’animaux, de non-humains», souligne-t-elle en entrevue.

La médecin rappelle qu’au Canada, en 2022, le Parlement a reconnu que les pensionnats pour Autochtones constituaient un génocide.

Malgré les parallèles remarquables avec le traitement de Gaza par Israël, notre gouvernement manque à son obligation d’empêcher que l’histoire ne se répète en Palestine.

— Suzanne Shoush, dans son article

«Campagne de réduction au silence» au sein de la médecine canadienne

Selon Suzanne Shoush, «le silence permet le génocide tout autant que la déshumanisation».

«Tout le monde s’est accordé pour passer sous silence le génocide en Palestine. Dans nos hôpitaux, nos universités, nos institutions médicales, les médecins sont confrontés à des répercussions sans fin, en public, en privé, derrière des portes closes… Comme s’il y avait toutes sortes de répercussions et toutes sortes de conséquences pour avoir parlé en faveur de la Palestine et pour avoir parlé contre le génocide.»

Suzanne Shoush affirme avec «dégout» connaitre trop de personnes qui ont été convoquées officiellement par des doyens, des doyens associés, des chefs de cabinet ou des directeurs d’hôpitaux pour s’être prononcées contre ce que de plus en plus d’intervenants internationaux appellent un génocide.

Je n’ai jamais rien vu de tel que la campagne de réduction au silence menée par les dirigeants de la médecine canadienne. Et il ne s’agit pas seulement de silence : c’est un silence actif.

— Suzanne Shoush

C’est aussi arrivé à Yipeng Ge. Fin 2023, quatre hauts placés de la faculté de médecine de l’Université d’Ottawa l’ont suspendu pour avoir affirmé son soutien à la Palestine sur ses réseaux sociaux.

«Ils m’ont dit que j’étais un danger pour les autres et pour moi-même et ont affirmé que j’avais un discours antisémite et haineux. Ils ont instrumentalisé l’antisémitisme.»

Réintégré quelques semaines plus tard sans excuse de la part de ceux qui l’avaient suspendu, Yipeng Ge a pris la décision de ne pas réintégrer son programme.

Ce ne sont pas des leadeurs en médecine. Ils sont censés aider toute une génération à soigner, créer, penser… Au lieu de ça, il la fait taire quand il s’agit de dénoncer un génocide.

— Yipeng Ge

Inaction du gouvernement canadien

Du côté d’Ottawa, le Bloc québécois et le Nouveau Parti démocratique (NPD) ont lancé des appels pour reconnaitre l’État de Palestine pendant la dernière semaine de mai, respectivement dans une déclaration et une motion.

Les députés libéraux Nathaniel Erskine-Smith, Salma Zahid et Sameer Zuberi devaient recevoir les médecins. Mais le premier n’a pas pu du fait d’un conflit d’horaire et, à l’heure d’écrire ces lignes, les deux autres n’ont pas répondu à Francopresse sur ce suivi.

La ministre des Affaires étrangères, Anita Anand, a convoqué l’ambassadeur d’Israël début mai. Lors de la première réunion du cabinet du premier ministre, Mark Carney, elle avait qualifié «d’inacceptable» le fait que le gouvernement israélien utilise «la faim comme une arme de guerre».

Le 19 mai, le gouvernement fédéral a pourtant ouvert la porte à une aide destinée à la population palestinienne. Dans une déclaration commune, les dirigeants du Canada, du Royaume-Uni et de la France évoquent des «mesures concrètes» contre Israël si ce dernier ne cesse pas «ses offensives armées et l’instrumentalisation de la famine en Palestine».

Le 7 juin, alors que la ministre des Affaires étrangères du Canada était justement au Royaume-Uni et en France, aucune mesure n’a suivi la déclaration de ces trois États, alors que les attaques, les annexions et le blocage humanitaire mené par Israël se sont intensifiés depuis.

«Un cessez-le-feu est nécessaire et les otages doivent être délivrés. Une solution à deux états doit être instaurée. Le Canada suit avec attention la situation intolérable qui se déroule à Gaza», a simplement laissé tomber la ministre Anita Anand, interrogée par Francopresse en conférence de presse.

Le bateau Madleen de la Freedom Flotilla Coalition a quitté la Sicile le 1er juin avec 12 personnes de diverses nationalités à bord, dont Greta Thundberg. Il a pour mission de «briser le siège» israélien à Gaza et créer un couloir humanitaire. Le 8 juin, Israël l’a intercepté et lui a fait prendre la direction des côtes d’Israël.

Photo : Freedom Flotilla Coalition

Pendant ce temps, un groupe de civils tentent d’agir. Le bateau Madleen de la Freedom Flotilla Coalition a navigué en direction de Gaza avec 12 personnes à bord, dont Greta Thundberg, pour «briser le siège» israélien de Gaza.

À l’automne 2024, la rapporteuse spéciale de l’ONU pour les territoires palestiniens, Francesca Albanese, s’était heurtée aux portes closes du bureau de la ministre des Affaires étrangères de l’époque, Mélanie Joly, quand elle a souhaité lui demander des actions du Canada pour sauver des vies palestiniennes en jeu.

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L’espoir qu’avait suscité le vote d’une motion non contraignante pour «cesser l’approbation et le transfert d’autres exportations d’armes à destination d’Israël», en mars 2024, est largement retombé. Des permis d’achats et de livraison d’armes et de composants militaires continuent, pointés par plusieurs organismes.

«Pour l’une de nos activités provinciales, à la demande des élèves, nous avons changé le curling pour le basketball, un sport qui rejoignait davantage de jeunes, notamment ceux issus de l’immigration récente», témoigne une responsable de l’animation socioculturelle en Saskatchewan, Marie-Hélène Tanguay, dans un document sur la construction identitaire et l’animation culturelle rédigé en 2019 par l’Association canadienne d’éducation de langue française (ACELF), dont elle est aujourd’hui directrice générale.

Ce changement d’activité sportive est un exemple parmi d’autres des façons dont les animateurs culturels s’adaptent à une francophonie de plus en plus diversifiée, un mandat qui leur est d’ailleurs conféré par l’ACELF dans le document. «Ils sont là pour tous les élèves et pour faire en sorte que la diversité au sein de la francophonie soit mise en valeur.»

Luc Paquette*, animateur culturel en Ontario français, craint de son côté un «effacement» de la société d’accueil.

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«Tyrannie du présent»

Il y a de l’immigration qui vient de partout et, par conséquent, on veut souligner la contribution de chaque communauté culturelle. On a commencé avec le Mois de l’histoire des Noirs, et ça va de soi. Après, [d’autres] communautés culturelles ont commencé à demander le mois du patrimoine asiatique, latino-américain [etc.].

— Luc Paquette

De son expérience, le mois de l’histoire des Noirs est de plus en plus consacré aux cultures africaines, plutôt qu’à l’histoire de ces communautés au Canada, et bénéficie d’une attention «démesurée», en comparaison au mois de la Francophonie ou au Jour des Franco-Ontariens dans certaines écoles. «Plus d’activités, plus de grands évènements organisés, des célébrations […]. Inévitablement, ça a un impact sur les référents culturels qu’on leur propose.»

«Pendant ce temps-là, qu’est-ce qu’il reste [à l’histoire et à la culture franco-ontarienne]? Pas grand-chose.»

Luc Paquette confirme que les écoles fêtent toujours le Jour des Franco-Ontariens le 25 septembre et que le 50e du drapeau vert et blanc sera célébré cette année. Mais à son avis, la culture franco-ontarienne est souvent présentée comme une chose du passé et son histoire n’est pas assez racontée. «C’est la tyrannie du présent», lâche l’animateur culturel.

Les conseils scolaires francophones du Moyen-Nord de l’Ontario organisent chaque année un spectacle de la Saint-Jean pour leurs élèves. Cette année, plus de 4000 jeunes ont assisté à un spectacle de la formation musicale franco-ontarienne LGS, dans l’aréna communautaire du Grand Sudbury. 

Photo : Leo Duquette

«Accueillir l’élève où il est»

Après une carrière de 20 ans comme animatrice culturelle franco-ontarienne, Louise Allard constate que les animateurs culturels ont eu à s’ajuster.

L’approche de Mme Allard consiste à échanger avec l’élève et à s’intéresser à sa culture d’origine.

Il faut qu’il se sente impliqué. Si je lui donne un drapeau franco-ontarien et que je lui dis «on fête le 25 septembre», il va arriver à la maison et raconter qu’il y avait un party, du gâteau et des chansons. Ça n’a aucune signification.

Selon elle, il faut reconnaitre et célébrer les origines des individus qui portent aujourd’hui ce drapeau. «Ça ne veut pas dire de mettre un X sur notre histoire. Au contraire, elle évolue.»

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«La tension entre la tradition et la modernité, et puis cette place qu’on veut faire à la diversité en milieu scolaire au niveau des arts et de la culture, vient souvent du fait que les budgets sont tellement limités», estime Marie-Ève Désormaux. 

Photo : Marianne Duval

Des activités de partout, en français

«La francophonie est plurielle, elle est en évolution constante», remarque la directrice de la programmation Arts à l’école de la Fédération culturelle canadienne-française (FCCF), Marie-Ève Désormaux. L’organisation a mis sur pied PassepART, un programme de microsubventions dédié aux projets artistiques et culturels dans les écoles francophones.

Plus de 1700 activités en ont bénéficié entre 2019-2023. «On a des activités qui ont mis en valeur les cultures africaines, autochtones, caribéennes, latino-américaines, magrébines, indiennes», comme des ateliers de danse africaine, donne en exemple Mme Désormaux.

«Le critère, c’est que ce soit en français, mais ça pourrait être des cultures de partout dans le monde, explique-t-elle. Il y a une juste place à la tradition, au patrimoine, à un certain folklore, tout en ayant une place à toute la francophonie actuelle.»

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Pour l’avenir du français

«On n’a pas le choix. Il faut tendre la main à toute communauté linguistique qui choisit les émotions en français, la culture en français. Ça passe par la jeunesse», estime Mathieu Gingras, un passeur culturel basé au Nouveau-Brunswick qui fait la tournée des écoles. Il est conférencier officiel de l’organisme Français pour l’avenir.

Mathieu Gingras, alias «le gars aux drapeaux», met beaucoup d’emphase sur «l’expérience en français», et estime qu’il faut plus d’évènements, de festivals et de congrès mondiaux comme le Congrès mondial acadien. 

Photo : Courtoisie

Tendre la main, ça veut aussi dire expliquer : «Le nouvel arrivant [dont le français] est sa deuxième, troisième, quatrième langue parlée, va se dire “mais pourquoi il y a deux langues officielles au Canada? […] Moi je parle le swahili, l’arabe, le portugais à la maison. Pourquoi pas ces langues-là aussi?” Il y a un côté historique, patrimonial, héritage qu’il faut raconter.»

«Je n’ai pas vu en 20 ans quelqu’un issu de l’international qui me dit ne pas être d’accord, une fois qu’il entend pourquoi on [protège] le français», assure Mathieu Gingras.

La sauvegarde des cultures franco-canadiennes, qui réside au cœur des préoccupations de Luc Paquette, demeure le grand défi.

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Les Canadiens français se sont battus pendant plus d’un siècle, rappelle le chercheur de l’Université de Moncton, Daniel Bourgeois. «On voulait vivre notre propre culture, notre propre histoire, notre propre patrimoine. On a enfin eu ça. Maintenant, on accueille beaucoup de francophones – la langue n’est pas vraiment l’enjeu principal – qui nous arrivent avec différentes cultures. […] Il y a des différences évidentes.»

«Équilibrer la valorisation de notre propre langue, culture, patrimoine, etc., et intégrer celui des nouveaux arrivants» n’est «pas toujours facile», reconnait-il. Les animateurs culturels sont en grande partie ceux qui doivent trouver l’équilibre, mais comme le rappelle M. Bourgeois, ceux-ci se font rares dans certaines provinces.

*Une nom fictif est utilisé pour des raisons de sécurité et de confidentialité.

Des années pas si tranquilles que ça

Le groupe acadien Les Gars du Nord donne un aperçu de leur énergie sur scène avec Les années tranquilles. Pour paraphraser cette formation de sept musiciens, ce n’est pas si tranquille que ça.

Photo : lesgarsdunord.com

Dès la pièce-titre qui ouvre l’album, le groupe ne cesse de nous faire danser au son des trames country, bretonnes et ragtime. L’autre élément de puissance sur cet album se retrouve dans l’enregistrement des voix. Que ce soit en solo ou en harmonie, celles-ci sont très accrocheuses. Les textes sont le fruit de légendes locales et urbaines, mais aussi d’hommages aux gens côtoyés.

Un exemple d’hommage fort réussi est Le soldat. Les trois chanteurs principaux – Maxime Mcgraw, Wilfred LeBouthillier et Danny Boudreau – livrent l’un des plus beaux textes de l’album sur un air de valse.

Sur un bel air breton, Grand-père Johnny captive tout autant. L’album se termine avec une histoire de route à reprendre en podorythmie, Edgar.

Pour quelques secondes, on croit se retrouver dans l’univers du groupe Suroît. La comparaison est facile et valable, mais Les gars du Nord sont bien plus qu’un hommage à ce groupe acadien légendaire. De plage en plage, leur énergie nous envahit et on se laisse aller aux sons de leur musique et de leurs harmonies vocales. Les années tranquilles est le nec plus ultra pour lancer vos fêtes tout au long de l’année.

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Les Gars du Nord – Grand-père Johnny
Album : Les années tranquilles

Inspirations impressionnistes

L’un des auteurs-compositeurs les plus prolifiques de ces dernières années en Ontario français nous offrait au printemps un 7e album francophone, Salon des refusés. Un propos sur l’art avec un grand A, des initiés aux puristes, des grands tableaux aux plus personnels.

Photo : edouardlandry.com

Toujours avec cette musicalité qui lui est propre, Edouard Landry nous fait voguer entre des univers pop, country, folk et rock. Les solos de guitare sonnent vrais et les orchestrations tout autant.

La plume d’Edouard Landry n’a rien perdu de sa vigueur. Elle est toujours aussi franche et directe. L’auteur-compositeur a toujours ce timbre de voix qui nous berce tout au long de l’album.

Il nous offre encore quelques petits bijoux sur ce disque. Le premier, Blues de l’académie, est un country blues captivant sur les soi-disant experts en œuvres d’art qui décident de ce qu’est un bon tableau.

Lettre de rejet est un country folk sur le phénomène de la cassette. La pièce-titre, Salon des refusés, est une autre pièce musicalement puissante. La dernière plage, Les nymphéas, est une trame de piano tout à fait sublime.

Edouard Landry est comme un bon vin, plus le temps passe, plus il nous offre des albums hors du commun. Son dernier album est le fruit d’une musicalité plus intéressante que jamais et sa plume n’a rien perdu de sa fraicheur.

À lire : Un peu de musique pour se recentrer (chronique)

Edouard Landry – Les nymphéas
Album : Salon des refusés

Du folk plus éthéré

En souvenir, je vous ramène en 2023, où je vous avais présenté Aleksi Campagne, membre de cette famille de musiciens de la formation fransaskoise Hart Rouge. Avec son album For The Giving/Sans rien donner, Aleksi Campagne nous emmenait ailleurs. Un ailleurs très orchestral, plus près de la pop que du folklorique.

Photo : aleksicampagne.com

Aleksi Campagne est un multiinstrumentiste qui offre un univers urbain riche aux arrangements multiples et surprenants. Chaque instrument, utilisé comme le morceau d’un casse-tête, ajoute une couleur, une émotion. L’artiste présente des textes merveilleux sur l’amour, sa déchéance et sa rupture. 

Dès les premières notes de Quand je ferme les yeux, nous sentons que nous pénétrons dans un univers particulier. Il y a de beaux petits bijoux; comme l’oasis folk, La peur s’envolera ou, Rome, un puissant air rock sur l’environnement.

Quand on danse dos à dos est une autre pièce magnifique sur une rupture amoureuse. J’adore aussi le langoureux et savoureux Jazz-Pop Je reviendrai vers toi. Je dois enfin mentionner Vent des prairies, une superbe trame piano-violon, l’un des plus beaux textes de l’album.

L’album double avec dix chansons en version anglaise et française est des plus captivants. Grâce à une voix unique et des orchestrations profondes, la richesse de chaque plage séduit l’auditeur.

À lire : La musique va chanter tout l’été (chronique)

Aleksi Campagne – J’apporte le gin
Album : For The Giving/Sans rien donner

FRANCOPHONIE

Le commissaire aux langues officielles, Raymond Théberge, critique la Gendarmerie royale du Canada (GRC) pour son offre insuffisante d’évènements de recrutement en français hors Québec, affirme un article de Radio-Canada publié lundi.

Un rapport d’enquête conclut que cette lacune désavantage la minorité francophone et nuit à ses chances d’emploi.

Radio-Canada rapporte qu’un plaignant reproche à l’institution fédérale d’avoir organisé dans plusieurs provinces des évènements de recrutement uniquement en anglais, y compris dans des bureaux désignés bilingues.

Malgré les justifications de la GRC, le commissaire juge qu’il y a encore «beaucoup de travail à faire».

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La députée québécoise Madeleine Chenette a été nommée par le bureau du premier ministre secrétaire parlementaire du ministre de l’Identité et de la Culture canadiennes et responsable des Langues officielles, Steven Guilbeault, jeudi, aux côtés de 38 autres secrétaires parlementaires. 

Photo : Courtoisie Facebook Madeleine Chenette

La députée québécoise Madeleine Chenette est devenue jeudi secrétaire parlementaire du ministre de l’Identité et de la Culture canadiennes et ministre responsable des Langues officielles, Steven Guilbeault. Elle est aussi secrétaire parlementaire du secrétaire d’État aux Sports.

Madeleine Chenette a été nommée aux côtés de 38 autres secrétaires d’État, dont les francophones Mona Fortier, Ginette Lavack et Pauline Rochefort, respectivement nommées auprès des ministères des Affaires étrangères, des Services aux Autochtones et du Développement rural.

CANADA

Mardi, le président américain, Donald Trump, a signé un décret faisant passer de 25 % à 50 % les droits de douane sur les importations d’acier et d’aluminium canadiens aux États-Unis.

La réponse de Mark Carney a été immédiate. Le premier ministre a assuré mercredi, en période de questions, que ces tarifs étaient «illégaux» et injustifiés».

Le gouvernement fédéral ne compte pas répondre cette fois-ci avec une salve de contre-tarifs; il tente plutôt de négocier avec les États-Unis.

Toutefois, les contre-tarifs précédemment mis en place ont rapporté plus de 617 millions de dollars dans les coffres du gouvernement canadien, soit plus du double de ses revenus fiscaux issus des droits de douane à l’importation, comparé à mars 2024.

Le projet de loi C-2, actuellement en deuxième lecture à la Chambre des Communes, a pour but premier de renforcer la sécurité à la frontière avec les États-Unis.

L’enjeu : Si le projet de loi est adopté, les demandes d’asile des personnes ayant transité par les États-Unis ne seront plus recevables, en vertu de la modification apportée par le projet de loi C-2 à l’Entente sur les tiers pays sûrs, conclue avec les États-Unis et déjà resserrée par le gouvernement Trudeau en 2023.

De plus, toute demande d’asile présentée plus d’un an après l’arrivée d’un demandeur potentiel au Canada sera jugée inadmissible.

Dans certains cas, les autorités canadiennes pourront également annuler, suspendre ou arrêter l’émission de certaines demandes, notamment pour la résidence temporaire, au nom de la sécurité.

Le ministre de la Sécurité publique, Gary Anandasangaree, a présenté le projet de loi qui a pour but premier de renforcer la frontière avec les États-Unis, mais qui soulève plusieurs inquiétudes pour les droits des réfugiés et l’accès à l’information. 

Photo : Marianne Dépelteau – Francopresse

Accès à l’information : S’il le souhaite, le gouvernement fédéral pourra en outre demander à des fournisseurs d’accès aux services téléphoniques des informations d’abonnés «pour des motifs raisonnables», «si on pense qu’il est arrivé quelque chose», a précisé le ministre de la Sécurité publique, Gary Anandasangaree, jeudi en Chambre.

Inquiétudes : La députée Jenny Kwan, porte-parole du Nouveau Parti démocratique (NPD) en matière d’immigration, a fait une sortie juste après le dépôt du projet de loi en Chambre, mardi, pour dénoncer «le fait que la vie privée des gens soit violée». «Je crains que les personnes qui ont présenté des demandes dans le cadre du système d’immigration ne voient soudain leur demande retirée.»

Des «inquiétudes» soulevées également par Amnistie internationale Canada, qui évoque dans un communiqué «une attaque contre le droit des réfugiés de demander l’asile».

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La Chambre des communes a largement adopté, jeudi, une motion de voies et moyens permettant de mettre en œuvre des mesures financières promises par le gouvernement Carney, avec en première ligne une baisse d’impôts pour les Canadiens et les Canadiennes de la classe moyenne.

Concrètement, le gouvernement va réduire d’un point de pourcentage le premier palier d’imposition pour le faire passer de 15 % à 14 %. Cette mesure devrait toucher environ 22 millions de contribuables.

Voies et moyens

La motion de voies et moyens est une procédure parlementaire par laquelle le gouvernement demande à la Chambre des communes d’approuver les mesures fiscales proposées, comme des hausses d’impôts ou de nouvelles taxes.

Elle est nécessaire pour toute modification liée aux revenus publics. Une fois adoptée, elle permet de présenter un projet de loi de mise en œuvre budgétaire.

Les premiers ministres provinciaux et territoriaux se sont dits «unis» et «satisfaits» après une rencontre avec le premier ministre fédéral Mark Carney à Saskatoon.

Chacun a soumis des projets d’infrastructure prioritaires, et Mark Carney s’est engagé à accélérer leur réalisation par un projet de loi.

Même les dirigeants habituellement critiques envers le fédéral – comme ceux de l’Alberta et de la Saskatchewan – ont salué l’ouverture du premier ministre, notamment à l’idée de construire de nouveaux oléoducs.

Un projet de loi envisagé par le gouvernement Carney vise à simplifier et accélérer l’approbation de projets d’infrastructure d’envergure nationale, y compris en assouplissant certains critères environnementaux, une approche qui risque de susciter l’opposition de plusieurs peuples autochtones au pays et de défenseurs de l’environnement.

Tous les partis, excepté les libéraux, ont voté lundi en faveur de l’amendement proposé par le leadeur du Parti conservateur en Chambre, Andrew Scheer, pour qu’une mise à jour économique ou un budget voie le jour au printemps, «avant que la Chambre n’ajourne ses travaux pour l’été».

La motion, non contraignante, n’est pas une motion de confiance, mais porte toutefois un poids symbolique : si le gouvernement décide de ne pas présenter de budget avant la fin des travaux de la Chambre, il passe au-dessus d’une volonté de la Chambre.

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La ministre Mandy Gull-Masty a présenté un projet de loi qui corrige la transmission du statut dans la «Loi sur les Indiens» au Sénat, le 29 mai dernier. 

Photo : Capture CPAC

La ministre des Services aux Autochtones, Mandy Gull-Masty, a présenté au Sénat le projet de loi S-2, vendredi dernier.

Enjeu : Il vise à corriger des inégalités dans la reconnaissance de l’identité autochtone et les droits liés au statut d’Indien.

Ce projet, remplaçant le défunt projet de loi C-38, propose notamment des changements sur l’obtention et la transmission de ce statut. Il découle d’un vaste processus de consultation avec les Premières Nations et des organisations autochtones.

La ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, Lena Metlege Diab, a présenté ce jeudi le projet de loi C-3, qui vise à élargir l’accès à la citoyenneté canadienne par filiation au-delà de la première génération.

La loi accorderait automatiquement la citoyenneté à celles et ceux qui en seraient privés uniquement à cause d’anciennes limites législatives.

La volonté est d’établir un nouveau cadre basé sur un lien réel avec le Canada : un parent canadien devra avoir résidé au pays au moins trois ans avant la naissance ou l’adoption de son enfant.

Lundi dans une déclaration, Sébastien Lemire, porte-parole du Bloc Québécois pour les Relations avec les Autochtones, a dénoncé des défaillances majeures d’Élections Canada qui ont empêché plusieurs électeurs du Nunavik de voter lors des élections fédérales du 28 avril.

Ce qu’il dit : Le député évoque un «déni de démocratie» et exige des explications rapides. Dans plusieurs communautés, les bureaux de vote ont ouvert en retard, fermé trop tôt ou n’ont pas ouvert du tout, privant ainsi des citoyens de leur droit fondamental de vote.

Le questionnement sur l’identité collective n’est pas une démarche neutre. Il est le fait d’attachements et d’engagements, d’une vision quant à l’avenir et aux traditions qui doit s’adapter à une réalité qui n’avait pas été envisagée.

Tout à la fois, ce questionnement émerge de contestations et d’un désir de conserver le statuquo qui sert souvent à endiguer les transformations. Il prend ainsi la forme non pas d’un dialogue ni d’une négociation, mais d’une affirmation de soi qui passe par l’imposition de frontières et de limites.

Se demander qui est francophone, c’est se donner la permission d’être le critère de définition du groupe et de poser des conditions aux personnes qui n’en font pas déjà partie – même si elles y participent déjà. Le faire publiquement, c’est contribuer à renforcer ces critères.

— Jérôme Melançon

Pourtant, la conservation forcée de traditions qui ne contribuent pas à la vie des nouvelles générations est désormais ce qui menace la vitalité des communautés francophones.

Un renversement face à l’immigration

Les personnes élues des organismes porte-paroles de la francophonie et de nombreux organismes provinciaux et locaux ont demandé à ce que l’immigration francophone devienne une priorité.

Cette immigration contribue à la vitalité des communautés, à l’offre de services, à une expansion du secteur communautaire, ainsi qu’à une stabilisation démographique.

Puisqu’il existe une longue tradition d’accueil des francophones d’Europe – aussi longue que l’histoire des communautés – il n’aurait pas dû être surprenant que les personnes francophones du reste du monde ne se sentent pas immédiatement incluses dans cet accueil.

Aux quatre coins du pays, de longues consultations et discussions entourant le nom des organismes – discussions souvent échouées puis reprises – ont abouti à plusieurs changements souvent cosmétiques.

Mais l’existence de ces processus est le résultat de résistances aux demandes des membres de la communauté qui ne se reconnaissent pas dans ces organismes. Pourtant, il aurait été relativement aisé de répondre rapidement à ces demandes.

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Après tout, le terme «francophone» qui est si souvent utilisé décrit déjà les communautés. Le mot a cependant gagné une charge identitaire de plus en raison de changements demandés et de celleux qui les demandent.

Par conséquent, le nom de certains organismes reflète maintenant une acceptation conditionnelle, et à contrecœur, d’une réalité qui était jusque-là niée. Les personnes qui ont demandé ces changements gardent aussi un souvenir amer de ces résistances.

Ce bilinguisme qu’on hésite à reconnaitre

Le terme de «francophone» pose par ailleurs problème en ce qu’il renvoie trop directement à la langue, qui peut avoir été apprise comme une langue additionnelle, et pas assez au groupe ethnoculturel.

Le terme «francophone» ou ses déclinaisons territoriales (de Franco-Ténois·e à Franco-Ontarien·ne, voire Ontarois·e comme calque de Québécois·e) a également remplacé le terme Canadien français·e ailleurs au pays… mais sans remplacer l’idée du Canada français et de son enracinement dans la colonisation du territoire.

Le nationalisme canadien français – qui s’est développé en résistance à l’impérialisme britannique et par la colonisation aux dépens des peuples autochtones – subsiste ainsi dans les communautés francophones.

— Jérôme Melançon

Si l’on demande où sont les gens qui parlent français, plutôt qu’où sont les francophones, on inclut davantage les écoles d’immersion et les adultes qui apprennent le français.

La reconnaissance du français comme langue officielle et l’exigence d’apprendre le français pour avoir accès à plusieurs postes de la fonction publique ont apporté une légitimité, un attrait, voire un cachet à la langue.

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Sauf que l’identité francophone s’est bâtie en opposition aux communautés où la langue anglaise est première.

Ainsi, malgré les tentatives de transformer ce que «francophone» peut signifier et de définir l’appartenance à la francophonie en fonction de la langue et le désir de participer à la communauté où elle est parlée, ces efforts n’ont pas réussi à faire oublier sa définition comme «non anglophone».

Les personnes dont la langue maternelle est l’anglais, voire dont la lignée familiale est liée à l’anglais, sont ainsi souvent vues comme suspectes et tenues à l’écart.

Cette rigidité quant à l’anglais s’explique historiquement, mais non sociologiquement. La tombée des frontières géographiques entre des communautés qui ont toujours été plus que strictement linguistiques et la montée en popularité de l’immersion font que l’identification à une langue principale ne peut avoir de sens pour celleux qui grandissent dans un tel environnement linguistique. De telle sorte que l’obligation de choisir pousse certaines personnes à partir.

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Des contradictions à résoudre

Le nationalisme linguistique pousse à remettre en cause une loyauté qui ne saurait être exigée dans une vie qui est, d’abord et avant tout, communautaire.

Cette suspicion constante a pour effet de détourner nombre de gens d’une vie communautaire qui est trop souvent tendue et source d’interactions épuisantes, voire insultantes.

De surplus, ces actions liées à l’autodéfinition sont contradictoires en ce qu’elles se retournent contre les causes des transformations et les désirs mêmes de grands pans des communautés. Avoir plus de personnes qui parlent le français pour obtenir plus de services, plus de capacité, une plus grande vitalité, est leur objectif. Limiter l’accès à ce cercle ralentit sa croissance.

Or les communautés francophones font face à un phénomène social qui limite leur potentiel de transformation : celui de la sortie. Pourquoi se battre quand on peut simplement quitter les milieux francophones et vivre dans d’autres milieux, avec moins de frictions?

— Jérôme Melançon

Ces actions de redéfinition des communautés ont été menées de sorte à ne pas bouleverser les relations de pouvoir et de contrôle au sein des communautés. La contradiction principale ici se trouve au niveau du maintien des buts politiques qui sont désormais déphasés quant à la vie politique et culturelle qui peut avoir lieu en français.

Les personnes qui se définissent actuellement comme francophones devront voir par conséquent si elles pourront accélérer un changement de culture politique avant que cette contradiction ne vienne miner leurs efforts de croissance de manière irréversible.