le Dimanche 7 septembre 2025

Grand-Sault au Nouveau-Brunswick a son monument pour honorer Ron Turcotte et Secretariat. 

Photo : Fralambert – CCA Share Alike 4.0

Né en 1941 dans le petit village de Drummond, près de Grand-Sault, au Nouveau-Brunswick, Ron Turcotte a connu une carrière extraordinaire.

Issu d’une famille de 11 enfants, il quitte l’école pour travailler comme bucheron avec son père. Les chevaux font partie du métier; Ron Turcotte apprend dans son adolescence à s’occuper de ces bêtes, ce qui lui servira.

Il quitte sa région natale à l’âge de 19 ans pour trouver du travail à Toronto. Un mois plus tard, sans succès, découragé, il est décidé à retourner chez lui. C’est alors que le propriétaire de la maison où il loue une chambre lui propose d’aller frapper à la porte des écuries Windfields. On l’embauche pour brosser les chevaux.

Comme il a le physique d’un jockey – pas trop grand et pas trop lourds –, on lui donne sa chance et il gagne sa première course en 1962. En 1962 et 1963, il est proclamé meilleur jockey au Canada. Cela lui donne une carte de visite pour tenter sa chance aux États-Unis. Il fait son apprentissage.

En 1964, il avait déjà à son actif 250 victoires sur les circuits. Son ascension est spectaculaire, car en 1965, sur le cheval Tom Rolfe, Ron Turcotte remporte les Preakness Stakes, l’une des trois courses de la Triple Couronne. Mais le meilleur est encore à venir pour le jockey de Drummond.

Ron Turcotte commence alors à travailler avec un autre Canadien, Lucien Laurin, un Québécois de Joliette, qui est entraineur de chevaux. Ils se retrouvent dans l’écurie The Meadow, en Virginie, appartenant à Penny Chenery. Turcotte a d’abord un grand succès sur le cheval Riva Ridge, avec lequel il réussit presque à remporter la Triple Couronne.

Après avoir gagné plusieurs courses en 1971, Riva Ridge, monté par Turcotte, remporte le Kentucky Derby. Lors des Preakness Stakes, le duo termine cependant quatrième. Ils prennent leur revanche aux Belmont Stakes avec une victoire par sept longueurs. Mais la Triple Couronne leur échappe.

Sports Illustrated, édition du 11 juin 1973, avec Ron Turcotte en couverture.

La rencontre de deux champions

L’année suivante, Ron Turcotte a la chance de monter un cheval d’exception : Secretariat. Celui-ci a grandi avec Riva Ridge, en Virginie. Le poulain a déjà été sacré cheval de l’année aux États-Unis en 1972 à l’âge de 2 ans, un fait rare. Il est surnommé «Big Red», en raison de son poil rougeâtre.

Ron Turcotte racontera plus tard que, lorsqu’il a vu Secretariat pour la première fois, il a eu un coup de foudre : «Je regardais les yeux. Puis, on s’étudiait l’un l’autre. Et c’est de même qu’on est venus à se comprendre.» En raison de son bilan de la dernière année, Secretariat suscite de grandes attentes.

Au Kentucky Derby de 1973, Secretariat, part bon dernier. Au quart de la course, il remonte et dépasse un à un les autres chevaux pour prendre la tête au dernier tournant. Il court le dernier quart de mille en 23 secondes. C’est sans précédent.

Deuxième course de la Triple couronne : les Preakness Stakes. Secretariat est encore dernier à l’ouverture des barrières de départ. Puis, le pur-sang réussit un exploit étonnant. Au premier virage, en quelques secondes, il dépasse tous ses concurrents. Et de deux.

Puis vient la troisième et ultime course de la Triple couronne, les Belmont Stakes, à New York.

Citation était alors le dernier cheval à avoir remporté le prestigieux triplé, en 1948. Durant les 25 années qui ont suivi, sept chevaux avaient réussi à gagner les deux premières courses, mais avaient échoué cette troisième épreuve dans laquelle s’engageait Secretariat.

L’entourage de Secretariat est nerveux. La pression est grande. Entre la deuxième et la troisième course, l’engouement pour Secretariat s’empare de tous les États-Unis. Le cheval fait la une des magazines Times, Newsweek et Sports Illustrated.

Time Magazine a consacré sa couverture à Secrétariat entre ses victoires.

Ron Turcotte sent aussi le poids de cette troisième course sur ses épaules. Mais il a confiance. Certaines personnes qui ont pu voir Secretariat la veille et le matin de la course ont témoigné avoir vu un cheval de belle allure semblant déterminé. C’est un rendez-vous avec l’histoire.

Il y a 70 000 personnes dans les gradins de l’hippodrome de Belmont Park. Seulement cinq chevaux sont à la barrière. Secretariat a cette fois-ci un meilleur départ. Avec Sham, son plus grand viral des deux premières courses, ils s’échangent la tête jusqu’au milieu de la course. Pendant un moment, Sham semble pouvoir distancer Secretariat. Les trois autres chevaux sont loin derrière. On croit assister à une course à deux lorsque, de façon inattendue, avant le dernier tournant, Secretariat, s’élance et gagne de la vitesse. Il est devant. Il le restera.

Certains observateurs diront qu’ils étaient convaincus que Secretariat allait beaucoup trop vite et allait s’effondrer avant la fin de la course. Mais non, il creuse l’écart : 12 longueurs, 14, 18, 20… Sa fougue défie toute logique.

Il terminera avec une incroyable avance de 31 longueurs sur son rival Sham, pourtant un cheval fabuleux lui aussi. La foule est en délire. Secretariat vient d’accomplir un exploit que personne ne prévoyait ou même ne croyait possible.

Le cheval fracasse le record de piste avec 2 minutes et 24 secondes.

Ron Turcotte a pu assister à la première du film Secretariat en 2010. Charlie Davis, le cavalier d’entrainement, l’accompagnait pour l’occasion. 

Photo : Fran Jurga – CCA Share Alike 4.0

Un cheval au grand cœur

Plus tard cette année-là, Secretariat est retiré de la compétition. Les pur-sang n’ont pas de longue carrière. Il meurt en 1989, âgé de 19 ans, à la suite d’une inflammation des tissus mous au sabot (laminite ou fourbure).

Le vétérinaire qui l’a autopsié a révélé que son cœur pesait environ 22 livres (10 kilos), soit deux fois et demie le poids moyen de cet organe chez les chevaux. Cela explique, en grande partie, le secret de la force exceptionnelle de Secretariat. EN 1999, la chaine ESPN le place au 35e rang de son palmarès des 100 meilleurs athlètes du XXsiècle.

Quant à Ron Turcotte, il continue de monter des chevaux, mais sa carrière de jockey prend fin brutalement en 1978 lors d’une course sans importance, ironiquement à Belmont Park, où il a connu la gloire cinq ans plus tôt.

Quelques secondes après le départ, un autre cheval heurte le sien. Sa monture est terrassée et, dans sa terrible chute, Turcotte frappe le sol tête première. Trois vertèbres fracturées. Les deux jambes paralysées, il ne pourra plus marcher.

Il retrouve alors son épouse Gaétane Morin et ses filles dans son village de Drummond. C’est là où le jockey qui parlait français à ses chevaux passera le reste de sa vie.

Propositions festives

Un groupe d’Ottawa, très populaire en Ontario, lance son troisième album Hey, Wow IV. Je sais, ce n’est pas logique, mais dans l’univers loufoque de Hey, Wow, ça se peut. Un univers de fête, qui nous emporte et nous fait du bien.

Ce qui est rassurant, c’est que le groupe franco-ontarien réunit encore et toujours des musiciens virtuoses. Ils nous entrainent dans une variété de styles musicaux, allant du traditionnel au country, de la java au ska, sans oublier la chanson à répondre.

Le groupe franco-ontarien Hey, Wow lance son quatrième album. 

Photo : heywow.ca

On y retrouve encore une fois des harmonies vocales puissantes et accrocheuses. Les histoires de la formation Hey, Wow sont variées. On passe aisément de récits de beuveries, de séduction à de petits mots d’amour.

Il y a de petits bijoux sur ce disque. Il n’y a rien de mieux que La tournée des fêtards, histoire de beuverie qui se termine par un hommage au classique Le temps des fleurs de la chanteuse française Dalida. Un autre petit bijou est la chanson à répondre C’est légal. Un éloge à la légalisation de la marijuana, un texte assez solide.

C’est suivi par Le printemps de tout le monde, un merveilleux texte sur la COVID-19. L’album se termine par une magnifique trame folk, pleine de tendresse, sur le besoin d’une pause bien méritée, Un weekend en plein milieu de la semaine.

La formation franco-ontarienne réussit encore une fois à nous accrocher avec son nouvel album. Elle nous offre quelques moments loufoques, mais aussi quelques beaux moments de tendresse.

Les orchestrations sont bien intéressantes et nous captivent du début jusqu’à la fin. Il y a une certaine profondeur au niveau des textes. Bref, avec un peu d’humour et de tendresse, Hey, Wow réussit son pari de nous faire passer du bon temps.

Shirley à la banque
Album : Shirley à la banque

Belle âme franco-manitobaine

Au printemps, j’ai été séduit par la voix angélique de Kelly Bado. L’une des plus belles voix de la francophonie manitobaine nous invite à prendre une pause pour réfléchir et faire place à l’amour universel. Elle nous offre un moment de paix universelle, avec le petit bijou Belles âmes.

Pochette de l’album Belles âmes de Kelly Bado. 

Photo : kellybado.com

Musicalement, cet opus est rempli de rythmes qui nous rappellent le soleil chaud d’Afrique. Jamais oublier et Parce qu’on s’aime sont très accrocheurs. Les orchestrations sont magnifiques et les voix puissantes. Jardin secret est l’un des textes les plus puissants du disque, il nous parle de nos désirs les plus profonds.

La pièce maitresse est sans conteste la pièce-titre Belles âmes. Kelly Bado est sublime en duo avec Yama Laurent. Ensemble, elles nous livrent un superbe beau texte sur l’amour universel et la rencontre de l’âme sœur.

Kelly Bado nous offre un autre excellent extrait piano-voix avec La danse, qui nous captive dès les premiers mots. La seule pièce anglophone est Typical, un afro-beat des plus accrocheurs.

Faisant suite à son album Hey Terre, l’auteure-compositrice-interprète franco-manitobaine nous séduit à nouveau avec des rythmes et des mélodies aux couleurs de l’Afrique, remplis de soleil.

Jardin secret
Album : Belles âmes

Trio d’Albertaines

Pochette de l’album de Girlz with Guitarz. 

Photo : girlzwithguitarz.ca

En souvenir, nous demeurons dans l’Ouest, du côté de Plamondon, en Alberta. Il y a environ un an, j’ai fait la découverte de trois superbes belles voix. Le nom de la formation disait tout : Girlz with Guitarz. Ce trio féminin est vite devenu un vrai coup de foudre.

La formation débute son microalbum, Souris Souvent, avec l’un des plus beaux textes de l’album : Langage de la poésie. Mon corps Dit en est un autre sur le mal d’amour. La pièce maitresse est sans conteste Feel good chanson. Une superbe valse country pour un texte vraiment touchant.

Girlz with Guitarz compose un univers folk riche et harmonieux. Le temps de six chansons, les chanteuses viennent nous séduire avec une proposition artistique hors du commun.

Feel good chanson
Album : Souris Souvent

La première affaire vise la professeure Michelle Stewart*, de l’Université de Regina. Au mois de juin dernier, la Cour du Banc du Roi de la Saskatchewan a jugé qu’elle avait écrit des propos diffamatoires en qualifiant de «racist garbage» (pourriture raciste) le livre autopublié – et non la personne – de l’autrice albertaine Candis McLean.

Le juge a conclu qu’une campagne menée par la Saskatchewan Coalition Against Racism, et encouragée par Michelle Stewart, pour faire annuler les évènements de promotion du livre avait mené à une rupture de contrat pour l’autrice.

Le problème tient à la nature du raisonnement du juge.

Celui-ci écrit que des commentaires comme ceux de l’universitaire font partie de la «cancel culture» (culture de l’annulation) qui s’en prend à la personne plutôt qu’aux positions ou à l’œuvre.

Le juge déplore le désir de supprimer ou d’interdire tout livre, ce qui, selon lui, met la démocratie en péril. Il affirme avoir lu le livre et ne l’avoir pas trouvé raciste.

Un tel raisonnement ne tient que si l’on rejette ce que Michelle Stewart a écrit ou dit ailleurs à propos des idées, de l’argumentaire et de l’absence de rigueur du livre de Candis McLean.

Le livre cherche à innocenter deux policiers liés à la mort de l’adolescent autochtone Neil Stonechild à la suite d’une pratique policière nommée «starlight tour» qui visait les personnes autochtones à Saskatoon. Les policiers ont été congédiés suite à une enquête.

Le danger de ce jugement, c’est qu’il crée un précédent juridique qui pourrait affecter toute personne qui dénonce publiquement une action ou un discours comme étant raciste.

À lire : Autochtones disparues et assassinées : les actions se font toujours attendre

Le droit de parole des députés limité

La seconde affaire concerne la députée néodémocrate fédérale de Winnipeg Centre, Leah Gazan, qui est d’origine lakota, chinoise et juive. À la fin du mois de juin, dans un échange à la Chambre des communes, elle a affirmé que les propos d’un autre député étaient colonialistes.

Le président de la Chambre des communes a l’autorité de déterminer quels mots peuvent entrainer l’expulsion ou une réprimande pour les députés. 

Photo : Márcio Cabral de Moura – CC BY-NC-ND 2.0

La leadeure adjointe du gouvernement à la Chambre, Arielle Kayabaga, a invoqué un rappel au Règlement, affirmant que le langage utilisé était non parlementaire et que cette affirmation était une insulte.

Le vice-président adjoint de la Chambre, qui agissait comme président lors de la séance, a signalé son accord en demandant à la députée Gazan de retirer ses propos. Celle-ci a refusé de le faire, ce qui a mené à une délibération hors de la Chambre.

Le rappel à l’ordre lancé par la députée libérale Kayabaga cherchait d’abord et avant tout à défendre la politique attaquée par Leah Gazan. L’accord du président de la session signale que le mot «colonialiste» pourrait entrainer une expulsion lorsqu’il est prononcé (la décision n’a pas encore été prise).

Une telle limitation viendrait soutenir les actions du Parti libéral, puisque le projet de loi C-5 donne la possibilité au gouvernement de déroger à son devoir de consulter les peuples autochtones. S’il s’en prévaut, il pourrait ainsi mener une politique colonialiste sans s’exposer aux critiques ou à la nécessité d’y amener des amendements.

À lire : L’expulsion de Poilievre, symptôme d’un «Parlement qui ne fonctionne pas»

Nommer n’est pas insulter

Dans les deux affaires décrites ci-dessus, le fait d’être traité de raciste ou de colonialiste est présenté comme une insulte.

Toutefois, puisqu’il s’agit ici de décisions d’une cour et du Parlement, il faut aller au-delà des intentions et des réactions pour comprendre les arguments et les conséquences. Parler d’insulte dans ces cas relève d’une confusion des registres.

Tant Michelle Stewart que Leah Gazan cherchent à faire voir le racisme et le colonialisme dans notre société, que ce soit dans les débats publics ou au sein des institutions politiques.

L’utilisation des mots «raciste» et «colonialiste» ne vise pas à insulter, mais plutôt à mettre le système face à ses paroles et ses actes, qui lui permettent de rester inchangé. Nommer le racisme et le colonialisme est une condition de la lutte contre ces structures.

Le discours politique est une question politique

Ainsi, devant de tels débats, il faut voir ce que seraient les conséquences de mesures visant à interdire la dénonciation du racisme et du colonialisme. Surtout, quelles populations seraient touchées.

Notons que la professeure Stewart se voue à la défense des personnes autochtones qui – rappelons-le – sont beaucoup plus susceptibles d’être interpelées ou arrêtées par la police et condamnées. Elle le fait tant par ses travaux universitaires que par son travail pour la rédaction de rapports Gladue.

Notons également que la députée Leah Gazan a déposé en 2024 un projet de loi pour criminaliser les discours négationnistes sur les pensionnats autochtones – projet qui n’a pas abouti en raison du déclenchement des élections.

Toutes deux combattent l’injustice dans le traitement des personnes et des peuples autochtones. Cette possibilité serait limitée si nommer le racisme et le colonialisme était interdit.

Ni la cour ni le Parlement ne sont neutres. Bien entendu, le racisme est présent dans les actes et paroles des gens qui y œuvrent. Mais le racisme y est aussi systémique, c’est-à-dire inclus et reproduit par la structure même des institutions.

Le colonialisme est par ailleurs à l’origine de la création du Canada et l’existence même du pays dépend des divers subterfuges juridiques utilisés pour réclamer la souveraineté sur des territoires que les peuples autochtones n’ont jamais cédés. De telles décisions le rappellent un peu trop clairement.

À lire : Quatre projets de loi en lien avec la francophonie victimes de la prorogation

*Note : Michelle Stewart, Ph. D., est une collègue de l’auteur de la présente chronique à l’Université de Regina. Malgré leur appartenance à la même faculté, il n’y a aucune relation d’autorité entre eux.

Jérôme Melançon est professeur titulaire en philosophie à l’Université de Regina. Ses recherches portent généralement sur les questions liées à la coexistence, et notamment sur les pensionnats pour enfants autochtones, le colonialisme au Canada et la réconciliation, ainsi que sur l’action et la participation politiques. Il est l’auteur et le directeur de nombreux travaux sur le philosophe Maurice Merleau-Ponty, dont La politique dans l’adversité. Merleau-Ponty aux marges de la philosophie (MétisPresses, 2018).

«Je regarde mon téléphone tous les matins en me réveillant et tous les soirs en me couchant pour checker l’avancée des feux. Ce n’est pas toujours facile de s’endormir», confie Mafily Mae Diabagate, résidente de Fort McMurray, en Alberta.

Mafily Mae Diabagate avait bénéficié d’un accompagnement psychologique après l’incendie qui avait ravagé Fort McMurray en 2016. 

Photo : Courtoisie

En mai 2024, un feu de forêt se déchainait à une quinzaine de kilomètres de cette ville du nord-ouest de la province, située en pleine forêt boréale. Les habitants se préparaient à une éventuelle évacuation. 

Huit ans plutôt, les flammes avaient déjà ravagé Fort McMurray, forçant les 90 000 habitants à quitter précipitamment la région.

À l’époque, Mafily Mae Diabagate avait fait partie des premières équipes de bénévoles venues nettoyer l’agglomération. Elle se souvient encore du choc à son arrivée dans une «ville fantôme» aux façades fondues et brulées. 

Depuis, la jeune femme a dû apprendre à vivre «sur le qui-vive», avec cette peur constante, «ce quelque chose de pesant derrière la tête», qui s’est instillé dans son quotidien. 

«Mais en même temps, la communauté est aussi plus unie et solidaire. On se comprend, on a les mêmes traumatismes», nuance-t-elle.

À lire aussi : Les effets de la fumée des feux de forêt sur la santé à ne pas négliger

«Est-ce qu’on aura encore une maison, une ville à notre retour»

Dans les Territoires du Nord-Ouest, Angélique Ruzindana Umunyana était parmi les 20 000 habitants qui ont fui Yellowknife en aout 2023. La capitale des Territoires du Nord-Ouest était alors menacée par un important brasier non maitrisé.

Angélique Ruzindana Umunyana se souvient de la peur qui l’habitait lorsque sa ville de Yellowknife était menacée par les flammes en aout 2023. 

Photo : Courtoisie

«La fumée était tellement forte, l’air tellement irrespirable, on n’avait pas d’autre choix, il fallait se mettre à l’abri, loin, juste pour respirer», se remémore-t-elle. 

Pendant trois semaines, elle a vécu avec sa famille dans un hôtel de Rivière-la-Paix, une petite ville d’Alberta, à plus de 1000 kilomètres de son domicile. 

Angélique Ruzindana Umunyana se souvient de l’inquiétude qui l’habitait, de cette peur de l’inconnu qui ne la lâchait pas : «Est-ce qu’on aura encore une maison, une ville à notre retour? Quand est-ce qu’on pourra même rentrer chez nous?»

De nombreux éléments préoccupent toujours la mère de famille, au premier rang desquels figurent le manque d’argent du gouvernement territorial pour faire face à de tels évènements et l’accompagnement des sans-abris en cas de nouveau départ.

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Stress prétraumatique 

Les mégafeux représentent un évènement traumatique indéniable, en particulier pour celles et ceux qui ont dû fuir face à l’avancée des flammes, qui ont craint pour leur vie et celles de leurs proches. 

Dans le cadre d’une étude menée à Fort McMurray en 2016, Geneviève Belleville, professeure de psychologie à l’Université Laval à Québec, a constaté qu’environ 15 % de la population souffrait d’un trouble de stress posttraumatique à la suite de l’incendie dévastateur. 

Un grand nombre de symptômes caractérisent ce trouble : la personne revit l’évènement en permanence, fait des cauchemars et des insomnies, elle se sent déconnectée de son entourage, son humeur est altérée, etc.

«Cela peut apparaitre à retardement, des semaines ou des mois après, relève Geneviève Belleville. Les personnes qui souffrent déjà de problèmes de santé mentale ou qui ont moins de soutien social sont plus à risque.» 

À l’approche d’une nouvelle saison des feux, la psychologue explique qu’il est normal d’éprouver une «inquiétude excessive et d’envisager le pire». «Le plus important, c’est la manière dont on gère ce stress. Il faut le verbaliser le plus possible.» 

«Les changements s’emballent, mais que faire?»

À l’autre bout du pays, la Nouvelle-Écosse a connu un imposant feu de forêt en juin 2023. Le brasier avait détruit 150 maisons près de Halifax et contraint 16 000 personnes à fuir leur domicile.

Selon Geneviève Belleville, professeure de psychologie à l’Université Laval, les ressources disponibles sont insuffisantes pour prendre en charge les personnes qui souffrent de stress posttraumatique à la suite d’un incendie. 

Photo : Courtoisie

«Avec le changement climatique, ça ne va pas s’arranger. Notre environnement est beaucoup plus vulnérable. Il faut qu’on investisse davantage pour s’assurer qu’on soit prêt», insiste le président de la Société canadienne de météorologie et d’océanographie, Serge Desjardins, qui réside en banlieue de la capitale de la province.

À Yellowknife, Angélique Ruzindana Umunyana est consciente que les situations catastrophiques risquent de devenir la norme : «Les changements s’emballent, mais que faire? Je n’ai qu’un gros point d’interrogation en guise de réponse. En attendant, j’essaie de faire mon bout de chemin dans ma communauté.»

En dépit de la multiplication des catastrophes naturelles, Mafily Mae Diabagate compte elle aussi rester à Fort McMurray. Elle envisage même de s’acheter une maison. «Après tout ce qu’on a traversé, que peut-il arriver de pire?», lâche-t-elle.

Elle se tient cependant prête à toute éventualité. Elle dispose d’un sac d’évacuation chez elle, d’un autre sur son lieu de travail, sans oublier des bouteilles d’eau dans sa voiture. 

Mafily Mae Diabagate salue à cet égard la qualité du travail de prévention et de sensibilisation des autorités : «On est traumatisés, mais ça ne nous empêche pas de fonctionner, on le supporte, car on fait confiance aux secours pour gérer la situation.»

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Lancé en 2021 par Justin Trudeau, le Système pancanadien d’apprentissage et de garde des jeunes enfants (SPAGJE) avait deux objectifs : créer de nouvelles places et offrir un tarif de 10 $ par jour par enfant.

À sept mois de la première échéance, fixée à mars 2026, ces deux cibles ne sont pas encore atteintes, malgré des progrès, souligne une étude du Centre canadien de politiques alternatives (CCPA).

Au premier trimestre de 2025, plus de 153 000 places ont été créées, alors qu’il devait y en avoir 210 000 à la fin de 2024-2025, recense l’étude.

Ce constat s’appuie sur la nouvelle base de données qu’elle a créée, qui suit individuellement les 1,32 million de places en services de garde agréés dans les provinces.

À lire aussi : Pénurie de garderies francophones : 4 enfants sur 5 sans place en français

Plus de places, mais des objectifs non atteints

Sur la situation globale de l’offre en garderie au Canada, David Macdonald affirme en entrevue que «la plupart des provinces ont du mal à atteindre les objectifs indiqués dans les ententes» concernant les cibles.

David Macdonald est l’auteur d’une étude qui fait le bilan global de l’accord entre le gouvernement fédéral et les provinces et territoires sur les garderies au Canada, à quelques mois de l’échéance de mars 2026. 

Photo : Courtoisie

«Pour atteindre les objectifs prévus en 2025-2026, les provinces devront combler les manques à gagner à date et ensuite, poursuivre le développement», indique-t-il.

Les provinces les plus avancées sont la Colombie-Britannique et le Nouveau-Brunswick, qui excèdent même les cibles qu’elles s’étaient fixées. L’Ontario et l’Île-du-Prince-Édouard les talonnent.

En revanche, les autres provinces et territoires sont majoritairement en deçà de leurs cibles au premier trimestre de 2025, selon l’étude. Par exemple, le Manitoba, la Nouvelle-Écosse et la Saskatchewan n’ont pas «d’augmentation de places dans les déserts de garderie», fait valoir David MacDonald.

La Saskatchewan «demeure la province où le pourcentage d’enfants vivant dans un désert de services de garde est le plus élevé à 51 %, mais la situation s’est améliorée par rapport au point de départ de 70 % en 2022», indique l’étude.

Pour l’auteur, à ce point-ci, «c’est clair que ces provinces ne vont pas atteindre leur cible» d’ici 2026.

Peu de place pour la francophonie

Au niveau des places réservées aux francophones hors Québec, la plupart des provinces évoquent, entre 2021 et 2023, des investissements, des outils pour développer le français, des mesures pour retenir la main-d’œuvre, la consultation des communautés francophones en milieu minoritaire ou encore des aménagements d’espaces de garde.

Mais dans les ententes 2021-2026 signées avec le gouvernement fédéral, six provinces et deux territoires ne garantissent pas noir sur blanc des places pour les enfants francophones en situation linguistique minoritaire, en particulier dans les déserts de services de garde règlementés.

Il s’agit de l’Alberta, du Manitoba, de l’Île-du-Prince-Édouard, de la Nouvelle-Écosse, du Nunavut, de la Saskatchewan – qui ne mentionnent même pas les francophones comme tels – , des Territoires du Nord-Ouest et du Yukon.

En entrevue, le directeur général de la Commission nationale des parents francophones (CNPF), Jean-Luc Racine, rapporte toutefois que le Yukon prévoit d’ouvrir 48 places pour les francophones en janvier 2026.

Il indique aussi qu’à l’Île-du-Prince-Édouard, deux nouvelles garderies francophones ouvriront en 2027. Les détails seront dévoilés prochainement.

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D’autres cibles francophones plus précises

À l’inverse, la Colombie-Britannique, Terre-Neuve-et-Labrador, le Nouveau-Brunswick et l’Ontario sont plus précis.

Par exemple, le Programme des affaires francophones de la Colombie-Britannique soutient l’accès aux services en français pour environ 70 000 francophones et 300 000 francophiles, précise l’entente, sans garantir de places annuelles.

Depuis le 1er septembre 2024, la Fédération des parents francophones de Colombie-Britannique gère, à travers Le Phare C.-B., un centre dédié uniquement aux services de garde francophones. Celui-ci répertorie les garderies francophones à travers la province et offre ressources et aide en matière de garde d’enfants.

Terre-Neuve-et-Labrador a garanti de son côté 30 places supplémentaires en 2023, 65 en 2024 et 165 en 2025. Les communautés rurales sont aussi visées, avec des places distinctes.

Au Nouveau-Brunswick, l’Acadie Nouvelle rapportait en février 2025 que 462 places devaient être créées au cours de l’année, dont la moitié à Moncton. Les villes de Campbellton et Bathurst ne sont pas visées par la création de places.

Étant la province comptant le plus de francophones, l’Ontario vise dans son entente 2021-2026 à «maintenir ou augmenter le niveau actuel de 19 900 places en garderie agréées comportant des programmes en français et de 5600 places agréées comportant des programmes bilingues pour les enfants de 0 à 5 ans d’ici l’exercice financier 2025 à 2026».

Les prix chutent depuis 2021

Le 6 mars 2025, le gouvernement fédéral a précisé que 11 provinces et territoires sur 13 ont prolongé ou sont en train de prolonger les accords concernant le programme national de garde d’enfants à 10 $ jusqu’au 31 mars 2031.

Toutes les provinces et territoires ont reçu un nouveau financement pour créer davantage de places d’ici 2031.

Un défi chiffré par l’étude relève que seulement 30 % des places ont été créées dans le secteur public ou à but non lucratif. Les autres ont été ouvertes dans de nouveaux services de garde en milieu familial.

Nous n’assistons pas au développement public des services de garde au Canada, mais plutôt au développement massif du secteur privé et à but lucratif.

— Étude du Centre canadien de politiques alternatives

En entrevue avec Francopresse, David Macdonald confirme toutefois «une énorme diminution» dans les frais que les parents paient : «On a plusieurs provinces, comme l’Alberta ou l’Ontario, où les frais ne sont pas à 10 $ par jour, mais ils sont beaucoup plus bas qu’ils ne l’étaient en 2019.»

Le chercheur David Macdonald rappelle que l’objectif du gouvernement fédéral : «d’un tarif moyen de 10 $ par jour» est bien différent «d’un tarif maximum de 10 $ par jour».

La «moyenne» ne donne pas le même niveau de transparence qu’un tarif fixé à 10 $.  Ainsi, certains parents pourraient payer des frais de garde plus élevés que 10 $.

La Cour suprême entendra l’appel de l’aéroport de Saint-Jean au Nouveau-Brunswick dans l’affaire d’une plainte de Michel Thibodeau pour manque de services en français. 

Photo : Ericka Muzzo – Francopresse

FRANCOPHONIE

Deux plaintes liées aux services en français n’ont pas abouti à la même conclusion devant la Cour suprême. Celle-ci a annoncé jeudi qu’elle entendra l’appel concernant l’aéroport de Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, mais pas celui de l’aéroport d’Edmonton, en Alberta.

Un long processus : Le plaignant, Michel Thibodeau – bien connu pour ses recours en matière de droits linguistiques – avait obtenu gain de cause en 2024 devant la Cour d’appel fédérale. Celle-ci avait conclu que les deux aéroports avaient enfreint la Loi sur les langues officielles en utilisant uniquement l’anglais dans leurs communications.

Selon une source qui connait bien ce type de cause et contactée par Francopresse, la décision de la Cour suprême sur le dossier de Saint-Jean pourrait se faire attendre de huit mois à un an

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CANADA

Dans son rapport rendu public jeudi, le directeur parlementaire du budget (DPB) estime que les dépenses de personnel du gouvernement fédéral atteindront 76,2 milliards de dollars en 2029-2030 si de nouvelles restrictions budgétaires ne sont pas instaurées.

Quelques chiffres : Il s’agit d’une augmentation de 2 % par rapport aux prévisions faites en mars 2025. Cette augmentation découle surtout d’une augmentation qui devrait atteindre 442 000 employés à temps plein, et d’une rémunération annuelle moyenne dépassant 172 000 $.

Ces projections excluent toutefois les nouvelles dépenses annoncées après mai 2025, dont celles liées aux Forces armées canadiennes et à l’examen des dépenses en cours, précise le rapport.

À savoir : Les dépenses en personnel du gouvernement ont été estimées à 71,1 milliards de dollars en 2024-2025, et constituent la principale part des couts de fonctionnement.

INTERNATIONAL

En visite en Europe, Mark Carney a prononcé un discours solennel sur la place Sophia, en plein centre de Kiev, pour souligner le jour de l’indépendance de l’Ukraine. Aux côtés du président Volodymyr Zelensky, il a réaffirmé le «soutien indéfectible du Canada à la liberté, à la démocratie et à la souveraineté du pays».

Il y a annoncé une aide militaire de 2 milliards de dollars, qui comprend des drones, blindés et des munitions. Il n’a pas exclu un déploiement de soldats canadiens en Ukraine.

Tournée militaire : Le premier ministre canadien s’est aussi rendu en Pologne, où il a souligné la coopération stratégique avec Varsovie, rappelant que les deux pays atteindraient 5 % du PIB en dépenses militaires d’ici 2035.

Enfin, à Berlin, en Allemagne, il a annoncé l’achat d’une flotte de sous-marins ultramodernes pour protéger l’Arctique afin de contrer la Russie et la Chine, en précisant que l’entreprise allemande Thyssen Krupp Marine Systems et la sud-coréenne Hanwha Ocean étaient en lice pour le contrat.

Projets sur les minéraux critiques en Allemagne : Mark Carney a aussi conclu un partenariat sur les minéraux critiques, incluant un possible cofinancement public de projets. L’accord vise à renforcer le développement et les exportations canadiennes.

Le premier ministre a souligné que le Canada veut mieux exploiter ses ressources stratégiques, comme le nickel et le cobalt, afin de réduire la dépendance mondiale face à la Chine et à la Russie, qui dominent actuellement ce marché essentiel aux technologies énergétiques et de défense.

Randeep Sarai a déclaré : «Une intensification de l’offensive militaire dans la ville de Gaza exacerberait encore les effets dévastateurs sur la population civile», sans annoncer de sanction ou d’embargo sur la vente d’armes canadiennes à destination d’Israël. 

Photo : Courtoisie

«Le Canada est extrêmement préoccupé par la détérioration horrible des conditions de vie à Gaza et par le nombre croissant des civiles et civils, y compris des enfants, qui meurent de faim», a reconnu le secrétaire d’État canadien au Développement international, Randeep Sarai, lundi, dans un communiqué de presse.

Ce dernier est intervenu après que l’ONU ait officiellement reconnu, le 22 aout, l’existence d’une famine qui sévit déjà depuis quelques semaines, à la suite du blocus imposé par Israël sur l’aide humanitaire, dont la nourriture, le 18 mars dernier.

«Le Canada continue d’explorer activement toutes les avenues avec ses partenaires sur le terrain afin d’alléger les souffrances», a affirmé Randeep Sarai, sans toutefois annoncer des sanctions.

Nous continuons d’appeler à un cessez-le-feu immédiat et permanent. Le Hamas doit libérer sans délai tous les otages et déposer les armes. Cette guerre doit cesser immédiatement», a-t-il encore déclaré.

Réactions : De son côté, l’organisme canadien pour la justice et la paix au Moyen-Orient (CJPMO) s’est dit «profondément déçu» par la déclaration du secrétaire d’État, qui a, selon elle, reconnu la responsabilité d’Israël, mais évité «toute politique concrète pouvant mettre fin à la complicité canadienne dans le génocide israélien».

Elle a réitéré que le Canada doit rompre «tous ses liens diplomatiques et économiques avec Israël» et imposer un embargo bilatéral sur les armes, ainsi que la fin de l’Accord de libre-échange Canada-Israël.

D’autres journalistes palestiniens tués

Lundi, plus de 20 Palestiniens, dont 5 journalistes, ont été tués dans des frappes israéliennes sur l’hôpital Nasser, dans le sud de la bande de Gaza.

Ils s’appelaient Moaz Abu Taha, Houssam El-Masri, Ahmed Abu Aziz, Mohammad Salamé et Mariam Abu Dagga.

Le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou – qui a un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale contre lui – a déploré un «tragique accident». Néanmoins, l’État hébreu a intensifié mercredi ses opérations autour de la ville de Gaza.

Israël avait déjà ciblé six journalistes palestiniens il y a trois semaines, dont celui qui était connu sous le nom de «La Voix de Gaza», Anas Al-Sharif.

«Je sais très bien que nous sommes à un carrefour. Soit c’est la fin de la guerre, soit c’est la déportation vers l’étranger. Il n’y a pas de troisième option».

— Rami Abou Jamous, journaliste palestinien pour le journal Orient XXI

Jeudi, la ministre des Affaires étrangères du Canada, Anita Anand, a annoncé des sanctions à l’encontre de 16 personnes et deux entités liées aux activités d’ingérence de la Russie en Moldavie, pour avoir tenté de déstabiliser le gouvernement moldave élu en novembre 2024, avec à sa tête la présidente europhile Maia Sandu.

Les sanctions visent aussi des responsables moldaves, représentants prorusses de Gagaouzie, des médias de désinformation, et le nouveau bloc politique d’Ilan Shor.

Garantir l’accès de tous les enfants à des collations et des repas sains chaque jour d’école : tel est l’objectif que s’est fixé Ottawa. En 2024, le gouvernement fédéral a lancé le Programme national d’alimentation scolaire du Canada et investi un milliard de dollars sur cinq ans.

Ça donne un coup de pouce, mais les fonds fédéraux demeurent insuffisants pour créer des programmes d’alimentation scolaire universels, accessibles à tous les élèves, dans toutes les écoles.

— Danie Martin, coordinatrice du Collectif Québécois de la Coalition pour une saine alimentation scolaire

Elle explique que les provinces et les territoires, «confrontés à une demande grandissante et à une augmentation du cout des aliments», sont obligés de se concentrer sur «les régions où les besoins sont les plus grands, où les milieux sont les plus défavorisés».

De son côté, la conseillère en communications corporatives au sein du Club des petits déjeuners, Marilou Charbonneau, note ces dernières années une hausse de 30 % de l’utilisation des programmes que l’organisme de bienfaisance propose dans les écoles. «Les familles ont de plus en plus de difficultés à rejoindre les deux bouts», constate-t-elle.

Le Club offre des déjeuners, «équilibrés, composés de fruits, de grains entiers et d’aliments protéinés», détaille-t-elle. Quelque 880 000 enfants dans 4900 écoles à travers le pays en bénéficient.

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Sous-investissements en Saskatchewan et en Ontario

Depuis 2024, les 13 gouvernements provinciaux et territoriaux ont signé des accords avec le fédéral afin de recevoir des financements additionnels à ce qu’ils investissaient déjà.

Carolyn Webb regrette que la plupart des écoles élémentaires en Ontario n’aient pas de cuisine qui leur permet de préparer des déjeuners et des diners sur place. 

Photo : Courtoisie

«Ça impulse une direction et une vision aux programmes d’alimentation scolaire provinciaux et territoriaux. Il y a désormais davantage de normes et des objectifs à mesurer», salue la coordinatrice du Réseau ontarien d’éducation alimentaire (traduction libre pour Ontario Edible Education Network), Carolyn Webb.

«Des projets locaux ont été mis sur pied un peu partout, avec des approches pédagogiques et un focus mis sur la santé, l’achat de produits frais et locaux», appuie la vice-présidente de la Fédération nationale des conseils scolaires francophones (FNCSF), Johanne Lacombe.

Toutes les régions du pays ne partent pas sur un pied d’égalité. La Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve-et-Labrador sont les provinces qui financent le plus les programmes de repas scolaires, tandis que la Saskatchewan et l’Ontario occupent le bas du classement.

En 2025, le gouvernement ontarien consacre 0,09 $ par jour et par élève à l’alimentation des élèves, celui de la Saskatchewan 0,03 $, alors qu’à l’autre bout du spectre les autorités néoécossaises y dédient 3,30 $ et celles de Terre-Neuve-et-Labrador 3,16 $.

Programme de repas universel à l’Île-du-Prince-Édouard

Si la Saskatchewan ne dispose d’aucun programme provincial d’alimentation scolaire, celui existant en Ontario «ne couvre pas l’étendue des besoins grandissants et la plupart des écoles n’offrent pas de diners», déplore Danie Martin.

Carolyn Webb estime également que la plupart des enfants ontariens «ne reçoivent pas de repas sains».

Les écoles et les organismes ne peuvent fournir des collations qu’une ou deux fois par semaine, et encore, c’est souvent une barre de granola et une demi-pomme pour la journée.

— Carolyn Webb

La Ville de Toronto s’est néanmoins engagée à offrir un repas du matin universel à tous les élèves d’ici septembre 2026 et un autre le midi d’ici 2030.

«Les programmes d’alimentation scolaire doivent être inclusifs, équitables et accessibles à tous les enfants, sans égard à leur statut économique», considère Johanne Lacombe de la FNCSF.

Photo : Courtoisie

À l’inverse, avec son programme de diners à contribution volontaire, proposé à tous les enfants dans toutes les écoles depuis 2021, l’Île-du-Prince-Édouard fait figure de modèle. La Nouvelle-Écosse voisine a lancé une initiative similaire en 2024.

Pour le moment, 255 écoles élémentaires néoécossaises y participent, mais le gouvernement a annoncé 61,3 millions de dollars supplémentaires dans le budget 2025 afin d’étendre l’initiative à 77 écoles intermédiaires.

Dans l’ouest, le Manitoba dispose lui aussi d’un programme alimentaire scolaire universel, tandis que la Colombie-Britannique a mis sur pied un plan de financement spécifique appelé Feeding Futures.

En Colombie-Britannique, l’école francophone Victor-Brodeur a été capable de distribuer cette année 200 repas quotidiens entre 4 et 6 $, préparés et servis par des étudiants du secondaire, rapporte Johanne Lacombe.

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Un jeune sur trois en situation d’insécurité alimentaire

La professeure de nutrition à l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard, Jennifer Taylor, estime cependant que «ces avancées positives» ne résoudront pas le problème structurel de l’insécurité alimentaire.

Aujourd’hui, un jeune canadien de moins de 18 ans sur trois ne mange pas à sa faim ou sa nourriture n’est pas équilibrée, parce que dans son foyer, on manque d’argent.

Offrir un déjeuner ou un diner gratuit, cinq jours par semaine, pendant l’année scolaire «peut certainement contribuer à réduire la faim immédiate, aider les élèves à mieux apprendre, à améliorer leur assiduité et même leur humeur et leur comportement», observe la chercheuse.

Mais cela ne résoudra pas un problème social qui trouve son origine dans l’insuffisance des revenus. Les familles ne peuvent pas faire face aux chocs liés à la hausse des prix des produits alimentaires, du carburant, à la crise du logement.

— Jennifer Taylor

L’universitaire recommande plutôt de «mettre plus d’argent dans la poche des gens». Elle propose d’augmenter le salaire minimum ou encore les prestations d’aide sociale et d’assurance-emploi.

Les programmes de déjeuners à l’Île-du-Prince-Édouard reposent en grande partie sur des dons, rapporte Jennifer Taylor : «Les bénévoles font de leur mieux pour offrir des repas sains, mais il y a beaucoup de baguels blancs et d’aliments riches en glucides raffinés.» 

Photo : Marine Ernoult – Francopresse

Avec le programme national d’alimentation scolaire, «nous verrons davantage de ressources pour améliorer la quantité et la qualité de la nourriture proposée, ce qui est un défi dans le contexte de la hausse des prix», estime la chercheuse Valerie Tarasuk. 

Photo : Courtoisie

La professeure émérite au département des sciences de la nutrition de l’Université de Toronto, Valerie Tarasuk, appelle de la même manière à «un changement de politique sociale audacieux».

«Il faut augmenter le montant de l’allocation canadienne pour enfants pour les familles les plus en difficulté, notamment les mères célibataires, qui souffrent le plus d’insécurité alimentaire», conclut-elle.

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On peut débattre de la pertinence du terme «épidémie» dans les circonstances, mais on ne peut ignorer que beaucoup de personnes – de tous les âges – souffrent de solitude.

Selon Statistique Canada, à la fin de l’année 2024, 13,4 % des personnes déclaraient se sentir seules presque tout le temps; 36,9 % parfois seules. Des chiffres très similaires à ceux de la fin de l’année 2021, au cœur de la pandémie de COVID-19.

Les géants derrière les outils de génération de textes – ou les outils d’intelligence artificielle (IA), si vous préférez – ont flairé la belle affaire et arrivent en sauveurs avec une solution à ce problème sociétal.

Des thérapeutes sont accessibles instantanément à partir de votre clavier ou de votre micro. Le fondateur de Meta, Mark Zuckerberg, veut même que l’IA s’insère dans votre fil Facebook, comme un nouvel ami que vous n’avez jamais rencontré.

Les besoins sont tellement grands qu’il est difficile de ne pas voir la panacée dans cette solution fourretout. Et elle a certains mérites. Il y a des personnes qui bénéficient de l’appui psychologique fourni par une simple conversation où elles se sentent écoutées et soutenues.

Mais comme d’habitude, les promoteurs de ces remèdes miracles ne vous indiquent pas les contrindications.

Les effets néfastes de la solitude

La solitude n’est pas considérée comme un problème de santé mentale, mais elle a des effets négatifs sur celle-ci qui sont connus.

Une personne seule court davantage de risques de se retrouver avec des troubles de dépendance, de comportements antisociaux ou de dépression. Chez les personnes âgées, on a observé une augmentation du risque de démence.

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De mauvais conseillers

Les générateurs de textes et les robots conversationnels ont tendance à offrir des réponses qui feront plaisir à la personne qui les interroge. Ils peuvent également se tromper et inventer des solutions inefficaces. Du point de vue de la santé mentale, ces suggestions peuvent même être dangereuses.

Récemment, un homme de 60 ans s’est retrouvé à l’hôpital, victime d’un empoisonnement au bromure. ChatGPT lui avait suggéré de remplacer le sel (ou sodium) dans son alimentation par du bromure de sodium – plus proche parent des nettoyants que du sel de table.

Dans un autre cas, un homme de 76 ans a répondu à l’invitation d’une interlocutrice virtuelle – donc un robot conversationnel – qui lui avait donné rendez-vous à une adresse fictive. Il s’est blessé en chemin et est décédé, selon Reuters.

Ces cas extrêmes ne sont pas la norme, mais ils illustrent le manque d’empathie réelle de ces machines et les risques encore largement inconnus lorsqu’elles sont utilisées pour jouer avec les émotions humaines. Les psychologues ne nient pas leur utilité, mais font plusieurs mises en garde.

Les journalistes Kashmeer Hill et Dylan Freedman ont montré que la tendance à flatter dans le sens du poil pousse des outils d’IA à renforcer les affirmations faites par l’internaute, peu importe leur niveau de véracité.

À noter : L’équipe d’OpenAI a tenté d’éliminer cette tendance de ChatGPT avec le lancement de la version 5. Elle a été confrontée à une vague de messages comparant ce changement à un deuil ou à une peine d’amour. Elle a en partie fait marche arrière.

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Les profits de la solitude

Si des internautes sont si attachés à un outil de génération de texte, c’est parce que le besoin de connexion est là et bien réel. Il ne faut pas minimiser cette partie de l’équation.

Par contre, un réseau social en ligne qui offre une solution à l’isolement social est la définition même d’un paradoxe.

Le modèle d’affaire des réseaux sociaux, rappelons-le, consiste à nous garder captifs. Mark Zuckerberg veut que nous restions sur Instagram le plus longtemps possible – loin des interactions en personne. Offrir des amitiés virtuelles n’est qu’une façon d’isoler davantage une personne seule.

Bien qu’il existe bien sûr des communautés accueillantes sur Internet, tout ce qui est offert en ligne n’est pas nécessairement bon pour tout le monde.

Des études publiées dans les revues Group Processing and Intergroup Relations en 2020, Sage Journal en 2021 et Political Psychology en 2022 arrivent à des conclusions similaires : la solitude et l’exclusion sociale font partie des principaux facteurs menant à l’adoption de points de vue extrémistes.

Une véritable solution

La solution ultime se trouve dans l’vrai monde.

Côtoyer davantage de gens en personne permet de développer davantage ses habiletés sociales, son empathie, sa capacité à socialiser et à entretenir des conversations sans en arriver aux injures.

Une personne âgée qui s’ennuie dans une maison de retraite a davantage besoin d’un humain pour l’écouter, discuter ou jouer aux cartes avec elle que d’une machine qui se fait l’écho de ses pensées.

Faites du bénévolat. Participez aux activités de la francophonie. Inscrivez-vous à des cours. Vous pourriez aussi y rencontrer de nouveaux amis qui vous veulent du bien.

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