«L’art qui fait du bien, l’art-thérapie, est connu depuis très longtemps», amorce Olivier Beauchet, professeur titulaire au Département de médecine de l’Université de Montréal.
Fréquenter les musées peut réduire les facteurs de malêtre, tels que la dépression, et augmenter le bienêtre observent certaines études.
Ce qui est nouveau, c’est la connaissance des effets de l’art sur des patients ayant des pathologies cancéreuses, des pathologies graves ou psychiatriques, remarque le chercheur.
Bienêtre et santé physique
«Les bénéfices de l’art en général sur la santé sont surtout marqués sur la santé mentale. Peu d’études ont été menées sur la santé physique réelle, mais celles-ci ont montré qu’il y a vraiment des effets positifs concrets sur la santé», poursuit le Dr Olivier Beauchet.
Son équipe a notamment collaboré avec le Musée des beaux-arts de Montréal pour étudier les effets positifs éventuels sur des sujets âgés vivant à domicile.
«On a démontré qu’en allant régulièrement une fois par semaine au musée pendant trois mois, en faisant des activités d’art plastique diverses, on améliorait la santé mentale des gens, mais aussi la santé physique, en diminuant le niveau de fragilité», note le spécialiste.
Une amélioration du rythme cardiaque et de l’activité physique générale a également été observée.
«On a une émotion positive très forte, puis ça génère un sentiment, quelque chose de plus élaboré, de bienêtre. Puis on a la compréhension qu’il se passe quelque chose de bien dans notre organisme, puis on touche la qualité de vie», détaille le Dr Beauchet.
Ces visites améliorent la santé mentale et physique, mais aussi l’insertion sociale, «la santé sociale des gens», ajoute-t-il.
Prescriptions muséales
Le Dr Beauchet a par ailleurs participé à une étude autour des prescriptions muséales, une initiative portée par le Musée des beaux-arts de Montréal et l’organisation Médecins francophones du Canada (MFC).
«On a testé l’effet d’une visite au musée prescrite en cabinet de médecin de famille. La personne allait au musée une fois avec trois membres de sa famille. Puis là, on a démontré qu’encore, on améliorait la santé des gens.»
Le Musée canadien de la nature, à Ottawa, a été le premier musée au pays à participer au programme pancanadien Prescri-Nature, lancé par la BC Parks Foundation.
Thérapies par l’art et la nature
Le programme Prescri-Nature (PaRx en anglais) est une initiative lancée en Colombie-Britannique en 2020, par la BC Parks Foundation, qui s’étend aujourd’hui à toutes les provinces, mais pas encore aux territoires.
Le but : améliorer la santé des patients en les mettant en contact avec la nature.
Les médecins inscrits au programme peuvent prescrire des visites gratuites au Musée canadien de la nature, des laissez-passer annuels gratuits de découverte dans le réseau de Parcs Canada, ou encore l’accès gratuit ou à prix réduit à des sites dans différentes villes du Canada, comme le Zoo de Toronto.
L’occasion de vivre une expérience artistique, mais aussi sensible.
«On a des immersions sensorielles, telles que les chants d’oiseaux dans notre galerie ornithologique», souligne Darcy Ferron, vice-président de l’expérience et de l’engagement au Musée canadien de la nature.
L’établissement a jusqu’à présent émis 200 laissez-passer prescrits par des professionnels de la santé de la région, rapporte-t-il.
Les prescriptions accordent l’entrée au musée pour un à trois adultes, qui peuvent être accompagnés d’enfants, pour un maximum de cinq personnes. L’admission inclut les expositions spéciales.
Sortir du quotidien
«Il existe de nombreuses raisons pour lesquelles les musées peuvent être bénéfiques pour la santé et le bienêtre, et l’une d’entre elles est tout simplement la possibilité de s’éloigner de sa vie quotidienne», commente Melissa Lem, médecin de famille de Vancouver et directrice du programme PaRx.
«Si vous voyez ces grandes expositions de faune historique ou de dinosaures ou des artéfacts historiques datant de milliers ou de millions d’années, cela crée un sentiment d’émerveillement et un lien avec notre monde que nous ne ressentons pas toujours dans notre vie de tous les jours.»
La spécialiste rappelle les bienfaits sociaux de ces visites, qu’elles soient faites seul ou en groupe.
La spécialiste rappelle les bienfaits sociaux de ces visites, qu’elles soient faites seul ou en groupe. «Si l’on combine la nature impressionnante des musées et la possibilité de s’éloigner et de socialiser avec d’autres personnes avec du temps passé dans la nature, même si c’est à l’intérieur, cela pourrait théoriquement améliorer encore plus les bénéfices pour la santé.»
Encore marginal
Néanmoins, ce genre de prescription reste marginale.
«Ce n’est pas encore rentré dans les pratiques courantes, nuance le Dr Olivier Beauchet. Mais on participe au fait qu’on est en train de démocratiser cette idée […] La difficulté c’est que si je prescris en tant que médecin aujourd’hui une visite, ça ne sera jamais remboursé par le système de l’assurance maladie.»
Pour le médecin, le travail doit se faire avec les instances de santé et les services sociaux pour dire : «Si on démontre un effet positif, si vous investissez un dollar sur le remboursement d’une visite, peut-être que vous n’en dépenseriez pas 10 chez quelqu’un qui arrive aux urgences parce qu’il ne se sent pas bien et qu’il a des problèmes de santé», lâche-t-il.
La santé au-delà de la maladie
Ces thérapies, qui sortent du cadre médical traditionnel, permettent d’envisager la santé autrement.
«On voit la santé généralement par le bout de la maladie, ce qui est logique. Et quand on n’est pas malade, on ne mesure pas la santé, on n’apprécie pas la santé», constate le Dr Beauchet.
Or, il rappelle que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) définit la santé comme «un état de complet bienêtre physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité».
Pour lui, il est important de faire de la prévention et la promotion de la santé, en dépassant le clivage malade-non malade.
«C’est ce que veulent les gens. L’envie de tout le monde aujourd’hui, dans une société où la santé est plutôt bonne et [où] on a fait plein de progrès de technicien, où on comprend mieux les maladies, c’est d’aller vers de la qualité de vie, vers du bienêtre», assure-t-il.