le Samedi 14 décembre 2024
le Mercredi 29 mai 2024 6:30 Politique

Le comité d’experts sur CBC/Radio-Canada inquiète les francophones

Pourquoi faire confiance à Francopresse.
La composition du comité consultatif inquiète des représentants de la francophonie en situation minoritaire. — Photo : Julien Cayouette – Francopresse
La composition du comité consultatif inquiète des représentants de la francophonie en situation minoritaire.
Photo : Julien Cayouette – Francopresse
FRANCOPRESSE – Sept experts conseilleront la ministre du Patrimoine canadien dans sa réflexion sur le nouveau mandat de CBC/Radio-Canada. Mais aucun d’entre eux ne parle au nom des francophones hors Québec, relèvent des représentants de ces communautés.
Le comité d’experts sur CBC/Radio-Canada inquiète les francophones
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La ministre du Patrimoine canadien, Pascale St-Onge, veut revoir le mandat de CBC/Radio-Canada. 

Photo : Courtoisie

La ministre du Patrimoine canadien, Pascale St-Onge, a annoncé en décembre dernier qu’elle entreprendrait cette réflexion avant les prochaines élections en prévision d’un potentiel gouvernement conservateur qui promet de ne plus financer CBC, mais de conserver Radio-Canada.

À l’époque, elle avait expliqué le besoin de revoir les lacunes en information régionale et de moderniser le mandat de la société d’État.

Pour ce faire, elle s’est entourée de sept experts du milieu médiatique.

Les sept experts

  • Marie-Philippe Bouchard, présidente-directrice générale de TV5 Québec Canada
  • Jesse Wente, président du conseil d’administration du Conseil des arts du Canada, premier chef de la direction du Bureau de l’écran autochtone
  • Jennifer McGuire, directrice générale de Pink Triangle Press, une organisation de journalisme LGBTQ2S+
  • David Skok, président-directeur général et rédacteur en chef du média The Logic
  • Mike Ananny, professeur adjoint à l’École de communication et de journalisme de l’Université de la Californie du Sud
  • Loc Dao, directeur général de l’association DigiBC
  • Catalina Briceno, professeure à l’École des médias de l’Université du Québec à Montréal

«Il y a des gens compétents hors de tout doute, mais il manque certainement une représentation des francophones en milieu minoritaire au Canada», regrette la professeure titulaire en information-communication à l’Université de Moncton, Marie-Linda Lord.

«On voit qu’il y a d’autres minorités qui sont représentées au sein du comité. Bravo, c’est tant mieux, c’est important, nuance-t-elle. Mais encore une fois, quand vient le temps de parler de Radio-Canada, la minorité francophone est absente.»

D’après Marie-Linda Lord, les francophones en situation minoritaire sont parfois oubliés par Radio-Canada dans leurs productions nationales. 

Photo : Courtoisie

Ce n’est pas la première fois que les francophones hors Québec se sentent oubliés par la société d’État, avance la professeure. Elle donne l’exemple de la programmation nationale, à la télévision ou à la radio, qu’elle trouve très centrée sur le Québec.

«On est des exceptions à l’occasion lorsqu’on parle de nous», dit-elle.

Parmi les sept experts du comité, Loc Dao parle français et habite en Colombie-Britannique depuis plus de dix ans. Marie-Philippe Bouchard et Catalina Briceno, basées à Montréal, sont francophones. Ces dernières ont toutes les deux redirigé nos demandes d’entrevue au bureau de la ministre.

«Le Comité consultatif sur l’avenir de CBC/Radio-Canada est une ressource importante pour moi et notre gouvernement dans l’évaluation des nombreuses idées proposées au fil des ans. Nous sommes ravis de renforcer le radiodiffuseur public parce que les Canadiens ont besoin de nouvelles, d’informations et d’histoires canadiennes qui nous unissent d’un océan à l’autre», a répondu le Cabinet de la ministre par courriel.

Radio-Canada, «un poumon»

La présidente de la Fédération culturelle canadienne-française (FCCF), Nancy Juneau, n’est pas certaine des connaissances dont disposent les sept experts de la réalité francophone en situation minoritaire, mais elle s’inquiète de ne pas voir un représentant officiel de cette francophonie.

Selon Nancy Juneau, la réflexion du comité d’experts doit servir à «solidifier ce qu’on a». 

Photo : Courtoisie

«On sait que ce sont des enjeux et des contextes qui sont vraiment spécifiques, donc j’espère que ce comité-là fera appel ponctuellement à des gens qui peuvent éclairer leur lanterne à ce niveau-là.»

Cette spécificité est due au fait que dans certaines régions, Radio-Canada est le seul diffuseur francophone présent. «Radio-Canada pour nous, c’est comme un poumon, explique-t-elle. C’est un poumon qui nous permet d’avoir des nouvelles et une programmation en français.»

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Selon Nancy Juneau, le «discours» général de la ministre inclut les communautés linguistiques en situation minoritaire. «On sent qu’il y a une sensibilité. Mais jusqu’à présent, il n’y a pas eu d’occasion de vérifier dans les actions comment cela se traduit. On en a une avec ce comité.»

«C’est un manque de connaissance et possiblement de sensibilité, corrobore Marie-Linda Lord. Il n’y a pas de malveillance de la part de ces gens-là, mais parfois, on ne peut pas connaitre ce qu’on ne connait pas.»

«Mieux servis par soi-même»

«Si les membres du comité sentent qu’ils n’ont pas toute l’information ou la connaissance dont ils ont besoin pour bien comprendre le rôle primordial du radiodiffuseur public en milieu minoritaire, on les invite à aller consulter les organisations», indique Nancy Juneau.

Liane Roy craint que la francophonie en situation minoritaire devienne un angle mort dans la réflexion de Patrimoine canadien. 

Photo : Chantallya Louis – Francopresse

Mais encore faudra-t-il que les experts aient le réflexe de consulter. La présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA), Liane Roy, n’a pas assez de détails sur les experts choisis ni leur mandat exact afin de juger leur capacité à représenter les francophones en situation minoritaire.

Elle n’est pas pour autant rassurée. Si des membres du comité parlent français, ils ne sont pas là à titre de représentants des communautés francophones en situation minoritaire.

«Je pense que l’histoire démontre que quand on n’est pas là, on est absent, émet-elle. Quand on est là, on est plus capable de se représenter. Je ne dis pas que c’est toujours comme ça, mais souvent, on est mieux servi par soi-même.»

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La loi à la rescousse?

Patrimoine canadien et Radio-Canada sont tous deux, à leur façon, soumis à la Loi sur les langues officielles (LLO).

Le ministère peut prendre des mesures de toutes sortes pour favoriser la progression vers l’égalité des deux langues officielles, notamment «pour appuyer le développement et la promotion de la culture francophone au Canada», dit la loi.

Radio-Canada, quant à elle, contribue «par ses activités à l’épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada et à la protection et la promotion des deux langues officielles».

C’est quand même un diffuseur public et le mandat touche l’ensemble du Canada.

— Liane Roy

Un mandat qui dépasse l’information et permet la découvrabilité des contenus francophones produits à l’extérieur du Québec, affirme-t-elle, citant au passage le spectacle du Congrès mondial acadien, qui sera diffusé par Radio-Canada.

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Marie-Linda Lord rappelle qu’il ne faut pas se fier uniquement à la LLO : «Être sujet à la Loi c’est une chose, mais Radio-Canada, c’est plus que ça. C’est aussi la vie communautaire, culturelle et politique […]. C’est beaucoup plus que la langue. C’est une question de visibilité des communautés dans toute leur diversité.»

Type: Actualités

Actualités: Contenu fondé sur des faits, soit observés et vérifiés de première main par le ou la journaliste, soit rapportés et vérifiés par des sources bien informées.

Ottawa

Marianne Dépelteau

Journaliste

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