La ministre de Patrimoine canadien, Pascale St-Onge, a dévoilé le 20 février le rôle que les libéraux envisagent pour la société d’État Radio-Canada et son pendant anglophone, CBC.
La ministre propose que deux comités distincts de programmation soient formés – un anglophone et un francophone – pour que les deux puissent «siéger et opérer indépendamment l’un de l’autre».
Rien de précis pour les francophones en situation minoritaire
En revanche, très peu de détails sur le rôle que pourraient jouer les francophones en situation linguistique minoritaire ont filtré.
Interrogé par Francopresse sur la place des minorités linguistiques dans la nouvelle vision pour de Radio-Canada, le cabinet de la ministre St-Onge n’a pas apporté de précisions, répétant par courriel ce que l’élue avait dit en conférence de presse la veille au sujet de la création des deux comités distincts :
En ce qui concerne les comités de CBC/Radio-Canada, incluant ceux sur la radiodiffusion anglaise et française, leurs opérations relèvent de CBC/Radio-Canada, une société d’État indépendante et responsable de ses propres activités quotidiennes. Cela comprend toutes les décisions relatives au journalisme, à la créativité et à la programmation.
Le cabinet de la ministre ajoute que «cette proposition comprend également un objectif pour CBC/Radio-Canada d’offrir une couverture des nouvelles locales dans les communautés mal desservies du Canada, y compris les communautés de langue officielle en situation minoritaire.»
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Réaction de la culture francophone
Dans un communiqué, la présidente de la Fédération culturelle canadienne-française, Nancy Juneau, «applaudit les propositions prometteuses de la ministre Pascale St-Onge pour protéger et renforcer l’avenir de CBC/Radio-Canada».
Nancy Juneau rappelle que «les contenus du diffuseur national doivent mieux refléter les réalités des communautés francophones en situation minoritaire. La perspective de nos communautés francophones est fondamentale et doit être davantage prise en compte à tous les niveaux».
Un financement presque doublé
L’un des piliers de l’annonce de la ministre St-Onge portait sur le financement de CBC et Radio-Canada, un enjeu important dans un contexte où le chef conservateur Pierre Poilievre promet, s’il est porté au pouvoir, de sabrer dans l’entité anglophone du diffuseur public, sans toucher à Radio-Canada pour autant.
La ministre, elle, propose plutôt d’inscrire le financement de la Société d’État dans la loi, par le biais de crédits législatifs. Une manière de «sortir du cycle politique du financement de Radio-Canada».
Elle souhaite que le Canada se rapproche de la moyenne dépensée par les États du G7 pour leur diffuseur public, soit environ 62 $ par personne par an et que nous adoptions un système évolutif de financement sur plusieurs années.
Actuellement, le Canada ne consacre que 33 $ par an par personne à son diffuseur public, ce qui le place à l’avant-dernier rang des pays du G7 à cet égard.
On est le plus proche des États-Unis, et je ne crois pas qu’il faut qu’on ait les États-Unis pour référence.
Elle déplore le rôle des oligarques de la technologie américaine, «Zuckerberg ou Musk, qui contrôlent l’information». Pour elle, dans un tel contexte, «il faut miser sur nos institutions canadiennes».
La ministre St-Onge propose aussi le retrait de la publicité dans les bulletins de nouvelles et les émissions d’affaires publiques sur toutes les plateformes de la société d’État.
Les diffuseurs privés pourraient ainsi tenter d’aller chercher les revenus publicitaires que ne toucherait plus CBC/Radio-Canada. Le montant de ces revenus pourrait atteindre «entre 100 et 200 millions de dollars», a avancé la ministre.
Finalement, les plateformes de diffusion en ligne, Tou.tv et CBC Gem, seraient accessibles à tous gratuitement.
Indépendance accrue
Le plan libéral prévoit aussi la mise en œuvre de nouvelles normes au sein de CBC/Radio-Canada, comme celle de confier au conseil d’administration la tâche de nommer la présidence-direction générale du diffuseur. Actuellement, cette responsabilité incombe au gouvernement.
Pascale St-Onge veut voir inscrite dans la loi cette nouvelle façon de procéder pour donner plus de confiance au public et «enrayer la perception selon laquelle ce poste est redevable à un gouvernement».
La ministre souhaite aussi que la loi stipule que la société CBC/Radio-Canada est tenue de consulter le public canadien sur les questions de ses priorités et ses stratégies et de produire un rapport à ce sujet.
Le gouvernement propose aussi que la stratégie de Radio-Canada concernant la couverture des Inuits, des Métis et des Premières Nations, publiée en 2024, soit faite en collaboration avec eux, avec un rapport sur les résultats.
Pascale St-Onge a expliqué qu’elle était prête depuis l’automne à déposer un projet de loi plutôt qu’une «vision», comme elle l’a fait le 20 février, mais l’obstruction parlementaire qui règne depuis septembre l’en a empêchée.
«L’opportunité est toujours là, car notre vision est très claire», a-t-elle lancé. Celle qui a annoncé qu’elle ne se présenterait pas aux prochaines élections fédérales s’en remet au prochain chef libéral pour déposer une mesure législative. «Je m’attends à ce que tous les candidats aient un accord avec le type de vision que je propose», a conclu la ministre.